Nations Unies

CED/C/11/3

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

14 novembre 2016

Français

Original : espagnol

Comité des disparitions forcées

Rapport sur les demandes d’action en urgence reçues au titre de l’article 30 de la Convention *

A.Introduction

Le Règlement intérieur du Comité (CED/C/1) dispose, en ses articles 58 et 59, que le Secrétaire général porte à l’attention du Comité les demandes d’action en urgence qui sont présentées pour examen par le Comité au titre de l’article 30 de la Convention. Tout membre du Comité qui en fait la demande peut obtenir le texte intégral des demandes dans la langue originale. La présente note résume les principaux thèmes abordés dans le contexte des actions en urgence enregistrées par le Comité et les décisions prises depuis la dixième session du Comité en vertu de l’article 30 de la Convention.

B.Demandes d’action en urgence reçues depuis la dixième session du Comité

Dans la note concernant les demandes d’action en urgence publiée à sa dixième session, le Comité rendait compte des décisions prises au sujet des 276 actions en urgence enregistrées au 30 janvier 2016. Depuis cette date, et jusqu’au 6 octobre 2016, le Comité a reçu 73 nouvelles demandes d’action en urgence, dont 65 ont été enregistrées. Sur ce nombre, 4 ont trait à des faits survenus en Colombie, 18 à des faits survenus en Iraq, 42 à des faits survenus au Mexique et une à des faits survenus au Maroc. La liste des actions en urgence enregistrées est jointe au présent rapport (voir l’annexe non traduite).

À la date de la présente note, le Comité avait donc enregistré au total 342 demandes d’action en urgence, dont la répartition par année et par pays est indiquée ci-dessous.

Tableau 1

Demandes d'action en urgence enregistrées, par année et par pays

Année

Brésil

Cambodge

Colombie

Iraq

Mexique

Maroc

Total

2012

-

-

-

-

5

-

5

2013

-

-

1

-

5 a

-

6

2014

1

1

1

5

43

-

51

2015

-

-

3

42

166

-

211

2016 b

-

-

4

21

42

1

68

Total

1

1

9

68

261

1

342

a Au 6  octobre 2016.

b L’action en urgence n o 9/2013 concerne deux personnes. Pour cette raison elle est comptée comme deux actions en urgence.

C. Demandes qui ne respectent pas les critères d’enregistrement depuis la dixième session

La majorité des demandes d’action en urgence présentées depuis la dixième session satisfaisaient aux critères de recevabilité dès leur soumission. Toutefois, le Comité a considéré que huit des demandes soumises ne répondaient pas à ces critères et ne pouvaient donc pas être enregistrées pour les raisons indiquées ci-dessous.

Tableau 2

Demandes non enregistrées

Raison pour laquelle la demande d’action en urgence n’a pas été enregistrée

État partie

Nombre de demandes non enregistrées pour cette raison

Faits survenus avant l’entrée en vigueur de la Convention pour l’État partie

Maroc

1

France

1

Demande portant sur des faits survenus dans un État qui n’est pas partie à la Convention

Égypte

1

Pakistan

2

République arabe syrienne

1

Libye

1

La personne disparue a été retrouvée morte avant que toutes les informations nécessaires à l’enregistrement de la demande n’aient été adressées au Comité

Mexique

1

Total

8

Dans chacun des cas susmentionnés, une lettre a été adressée aux auteurs pour leur expliquer les raisons pour lesquelles leur demande n’avait pas pu être enregistrée (s’agissant du cas survenu au Mexique, dans lequel la personne disparue avait été retrouvée morte avant que le Comité n’ait pu enregistrer la demande, le Comité a adressé aux auteurs une lettre exprimant ses condoléances et son soutien). Tous les cas ayant trait à des faits survenus dans un État qui n’est pas partie à la Convention ont été transmis au secrétariat du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires et les auteurs ont été dûment informés.

D. Principales difficultés liées aux critères d’enregistrement des demandes d’action en urgence depuis la dixième session

1. Demandes d’action en urgence non accompagnées de renseignements sur les auteurs éventuels des faits ou faisant état de l’éventuelle participation d’acteurs non étatiques

Dans la majorité des cas, l’identité des responsables d’une disparition forcée demeure inconnue. Les auteurs présentent des hypothèses fondées essentiellement sur des témoignages ou sur le contexte dans lequel les disparitions ont eu lieu. Cependant, dans certains cas, les demandes font clairement état de la possible implication d’acteurs non étatiques.

a)Exemples :

i)Mexique : les auteurs d’une des demandes d’action en urgence ont indiqué qu’ils ne disposaient d’aucune information sur les responsables de la disparition et ont émis diverses hypothèses sur la question, y compris celle de la participation de membres de la police d’État ou de groupes armés illégaux ;

ii)Colombie : dans une des demandes d’action en urgence, les auteurs indiquent que les investigations n’ont pas permis d’identifier les auteurs des faits, mais affirment que les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) pourraient être impliquées, bien qu’aucun élément de preuve ni aucun témoignage ne vienne appuyer cette hypothèse ;

b)Mesure(s) prise(s) : dans les deux cas susmentionnés, le Comité a enregistré la demande d’action en urgence et a demandé à l’État partie de fournir des renseignements sur les mesures prises pour localiser les victimes, compte tenu du fait que l’éventuelle participation, par action ou par omission, d’agents de l’État ne pourrait être confirmée qu’une fois l’enquête achevée.

2. Demandes d’action en urgence enregistrées après examen des précisions requises sur les mesures prises pour porter les faits à la connaissance des autorités nationales compétentes

L’alinéa c) du paragraphe 2 de l’article 30 dispose que la demande doit avoir « été préalablement et dûment présentée aux organes compétents de l’État partie concerné, tels que les autorités habilitées à procéder à des investigations, quand une telle possibilité existe ». Dans la grande majorité des cas, les auteurs des demandes d’action en urgence fournissent des renseignements sur les mesures prises pour signaler la disparition en question aux autorités nationales compétentes. On considère qu’à partir du moment où la disparition a été signalée à une des autorités compétentes, l’action en urgence peut être enregistrée.

Dans les cas où la disparition n’a pas été signalée aux autorités compétentes, les rapporteurs vérifient si les renseignements fournis permettent de conclure qu’une telle possibilité n’existe pas. Ils appliquent à cette fin les critères suivants : l’existence d’institutions nationales compétentes pour enquêter sur les cas de disparition forcée, et l’existence de facteurs de risques liés à la présentation d’une plainte devant l’une de ces institutions.

a)Exemple: les auteurs de l’une des demandes d’action en urgence enregistrée depuis la dixième session n’avaient pas fourni de renseignements sur les mesures prises pour signaler la disparition en question aux institutions nationales ;

b)Mesure(s) prise(s): le Comité a demandé aux auteurs de fournir des renseignements supplémentaires sur ce point. Les auteurs ont répondu qu’ils n’avaient pas saisi les autorités nationales compétentes « par crainte de représailles ». Cette information a été confirmée par les renseignements fournis par le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme. Compte tenu de ce qui précède, il a été établi que les auteurs n’avaient pas la possibilité de saisir préalablement les organes compétents de l’État partie. Par le passé, dans des cas similaires, le Comité a considéré que les allégations concernant les risques encourus pouvaient être vérifiées à la lumière des renseignements fournis par l’auteur ou d’autres sources (confirmation par les bureaux extérieurs des Nations Unies, faits similaires dans des cas survenus dans le même lieu, informations émanant d’autres sources ou rapports établis par des organisations de la société civile, par exemple).

E.Suite donnée aux demandes d’action en urgence après leur enregistrement : tendances observées depuis la dixième session (jusqu’au 12 juillet 2016)

Réponses des États parties

Les États continuent de répondre à la grande majorité des actions en urgence enregistrées. Le Comité adresse une lettre de rappel à ceux qui ne le font pas.

Tableau 3

Demandes d’action en urgence demeurées sans réponse de la part de l’État partie

État partie

Demandes d’action en urgence enregistrées

Demandes d’action en urgence sans répons e

Brésil

1

..

Cambodge

1

..

Colombie

7

..

Iraq

55

21 (28 des réponses ne fournissent aucun élément d’information)

Maroc

1

..

Mexique

261

30

Total

325

41

Les principales difficultés tiennent à la teneur des réponses. À cet égard, on observe les tendances suivantes :

a)Colombie: dans tous les cas récents, l’État partie a demandé un délai supplémentaire pour présenter ses réponses en faisant valoir que le processus de consultation interinstitutionnel nécessaire était encore en cours. Les réponses reçues ne fournissent que des renseignements succincts ;

b)Iraq : quasiment aucun renseignement sur les questions de fond n’a été obtenu concernant les cas enregistrés. Dans 49 cas, l’État n’a pas répondu aux demandes de renseignements qui lui avaient été adressées. Qui plus est, l’État partie continue de demander quasi systématiquement des renseignements complémentaires au Comité, pour obtenir le nom complet (quatre noms) de la personne disparue, ainsi que les noms du père et de la mère, et une copie de bonne qualité de la pièce d’identité de l’intéressé. Une fois ces renseignements fournis, l’État partie répond que « la base de données du Ministère de l’intérieur ne contient aucune information sur X ». En pareils cas, une lettre de suivi est adressée à l’État partie, dans laquelle il est précisé que la consultation des bases de données existantes est nécessaire, mais que des investigations complémentaires doivent être menées immédiatement pour rechercher et localiser la ou les personne(s) disparue(s) ;

c)Mexique : l’État partie a fourni des renseignements d’ordre très général qui ont souvent suscité des questions de la part des auteurs de la demande d’action en urgence concernée (voir plus loin). Parfois les réponses dénotent une confusion entre les objectifs et le champ de la procédure.

Recommandation des rapporteurs : déterminer quelles sont les possibilités qui s’offrent de former davantage et de partager des informations supplémentaires avec les autorités nationales sur la procédure d’action en urgence et les objectifs de celle-ci. Se concerter avec les bureaux extérieurs du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) et le programme de renforcement des capacités des organes conventionnels.

F. Interaction avec les auteurs des demandes d’action en urgence et nombre de réponses reçues des auteurs

Le secrétariat entretient un contact permanent avec les auteurs des demandes d’action en urgence, essentiellement au moyen de lettres adressées au nom du Comité, mais aussi de manière directe par courrier électronique et appels téléphoniques. Les tendances ci‑après se dégagent de ces échanges.

Les auteurs continuent de mettre l’accent sur l’importance que revêt l’appui du Comité, dans lequel ils ont trouvé un interlocuteur après avoir mené plusieurs tentatives infructueuses auprès des autorités nationales. Toutefois, les auteurs expriment également leur préoccupation devant la prolongation des délais de traitement des lettres de suivi du fait de la multiplication du nombre d’actions en urgence enregistrées.

Dans ces échanges, les auteurs mettent également l’accent sur leur découragement face à l’absence de progrès dans la recherche des personnes disparues et les enquêtes y relatives. Nombre d’entre eux sollicitent le soutien du Comité afin de bénéficier d’un appui institutionnel leur permettant de mener leur vie quotidienne. Le secrétariat répond à toutes ces demandes de soutien, tout en précisant les limites du mandat du Comité.

Les auteurs de certaines des actions en urgence enregistrées n’ont pas transmis leurs commentaires sur les observations de l’État partie, ce qui a empêché le Comité de poursuivre son action. Cela étant, conformément aux principes énoncés au paragraphe 4 de l’article 30 de la Convention, les actions en urgence correspondantes demeurent ouvertes et des rappels ont été adressés à leurs auteurs.

Tableau 4

Actions en urgence dans le cadre desquelles des commentaires n’ont pas été reçus

État partie

Demandes d’action en urgence envoyées

Phase de la procédure lors de l’interruption de l’envoi des commentaires

Nombre de rappels envoyés à la date de la présente note

Justification fournie par les auteurs

Brésil

1

Les auteurs n’ont jamais envoyé leurs commentaires au sujet des observations de l’État partie

4

Difficulté de l’ONG compétente à localiser les membres de la famille de la victime

Cambodge

1

Depuis septembre 2015

3

Suite à l’absence d’enquête et au déni des faits par l’État partie, les auteurs n’ont à ce jour aucun renseignement complémentaire à fournir

Colombie

2

Depuis novembre 2015

2

Aucune

Depuis novembre 2015

4

Aucune

Iraq

9

Les auteurs n’ont pas pu obtenir les renseignements complémentaires demandés par l’État partie

De 1 à 4

Difficulté à obtenir les renseignements demandés par l’État partie

Mexique

46

Les auteurs n’ont jamais envoyé leurs commentaires au sujet des observations de l’État partie

4

Difficulté à formuler des commentaires sur toutes les demandes d’action en urgence présentées

Décision de la plénière : en pareil cas, l’action en urgence est maintenue ouverte, conformément au paragraphe 4 de l’article 30 de la Convention, mais on limite l’envoi de rappels (à trois fois par an).

G. Degré de mise en œuvre des recommandations du Comité

Le degré de mise en œuvre des recommandations du Comité ne peut être apprécié avec exactitude. D’une manière générale, les interlocuteurs du Comité dans les États parties à l’égard desquels des actions en urgence ont été engagées affirment que l’enregistrement de celles-ci a une incidence positive sur les cas correspondants. À cet égard, ils indiquent les actions concrètes qui ont été engagées par les autorités de l’État partie dans les cas mentionnés.

Cependant, les rapporteurs réaffirment les considérations formulées dans le rapport sur les travaux de la dixième session selon lesquelles les actions en urgence n’ont pas eu les effets escomptés du fait que les informations concernant lesdites actions ne sont pas parvenues aux autorités chargées des recherches et des enquêtes.

a)Mesure(s) prise(s): dans les notes verbales adressées aux États parties, le Comité a demandé de manière quasiment systématique aux autorités compétentes de veiller à dûment informer les autorités chargées des enquêtes des actions en urgence engagées par le Comité, ainsi que des demandes et recommandations transmises à l’État partie, conformément au paragraphe 3 de l’article 30 de la Convention. Dans certains cas, le bureau du HCDH sur le terrain a également facilité la transmission de ces renseignements aux autorités compétentes, ce qui s’est révélé très positif ;

b)Décision de la plénière : prendre contact avec les missions permanentes des États parties concernés pour étudier la possibilité d’identifier les autorités compétentes de l’État partie et d’établir un canal de contact direct avec celles-ci, parallèlement aux voies diplomatiques, pour faciliter la transmission des observations et recommandations du Comité.

H.Principales tendances observées et difficultés rencontrées concernant les renseignements fournis depuis la dixième session

1. Brésil et Cambodge

Au 2 juillet 2016, les seules actions en urgence enregistrées concernant des faits survenus au Brésil et au Cambodge n’avaient pas progressé. De multiples rappels ont été adressés aux auteurs et à l’État partie, mais aucune réponse n’a été reçue à ce jour.

Décision de la plénière: en pareilles circonstances, l’action en urgence est maintenue ouverte, conformément aux dispositions du paragraphe 4 de l’article 30 de la Convention, mais on envoie qu’un nombre limité de lettres de rappel (trois par an).

2. Colombie

Dans le cas des actions en urgence enregistrées concernant des faits survenus en Colombie, l’État partie n’a fourni que très peu de renseignements sur l’état d’avancement de l’enquête. À de nombreuses occasions, il a transmis des renseignements émanant de la Commission nationale de recherche des personnes disparues. Au cours de ces derniers mois, l’État partie a demandé un délai supplémentaire pour répondre, en invoquant la nécessité de mener des activités de coordination interinstitutionnelle pour préparer sa réponse. Il a été accédé à ses demandes. Aucun changement de fond n’a été constaté depuis en ce qui concerne la teneur des observations de l’État partie, qui demeure très générale.

Les auteurs des demandes d’action en urgence soulignent toujours les difficultés qu’ils ont à accéder aux résultats des investigations menées. Ils mettent également en avant les menaces reçues, principalement lorsque les investigations et les cas en question relèvent de la compétence des procureurs et des tribunaux locaux.

a)Exemple: dans l’une des demandes d’action en urgence enregistrées, les auteurs ont demandé au Comité d’exiger la réaffectation de l’affaire à la juridiction de Bogotá, demande qui a été rejetée par la Cour suprême ;

b)Mesure(s) prise(s): compte tenu du mandat que l’article 30 confère au Comité, les rapporteurs considèrent que le Comité ne pouvait pas exiger une telle réaffectation dans le cadre d’une action en urgence. Une lettre de suivi a été adressée à l’État partie, notamment pour lui faire part des diverses recommandations ayant trait aux conditions de sécurité des membres de la famille de la victime et de son avocat (en lui demandant une nouvelle fois de prendre les mesures conservatoires que le Comité avait recommandées précédemment).

3. Iraq

Chaque fois que le Comité a reçu les renseignements complémentaires demandés concernant l’identité des auteurs, les rapporteurs les ont transmis à l’État partie en précisant que la disponibilité des renseignements requis ne saurait être considérée comme une condition préalable à l’enregistrement d’une action en urgence (voir le rapport des rapporteurs sur les travaux de la dixième session). Après la communication des renseignements complémentaires demandés, les réponses de l’État partie sont restées très limitées et ne donnaient pas d’informations sur les mesures prises pour rechercher et localiser les personnes disparues.

Dans le cas de l’une des actions en urgence enregistrées, ce sont les auteurs qui ont indiqué au Comité que la personne disparue avait été libérée d’un centre de détention secret en janvier 2016. L’État partie n’avait fourni aucun renseignement, alors qu’il disposait de toutes les informations demandées.

Dans chacun de ces cas, le fait que l’État partie ne fournisse pas les renseignements requis et les allégations formulées par les auteurs des différentes demandes d’action en urgence semblent indiquer la persistance de la pratique des détentions secrètes.

4. Maroc

Une action en urgence a été enregistrée le 24 mars 2016 concernant la disparition d’un étudiant en décembre 2015. Les auteurs ont fait état de l’éventuelle participation d’agents de l’État. Le 7 avril, l’État partie a répondu à la demande d’action en urgence en écartant la possibilité que l’intéressé ait été victime d’une disparition forcée, alléguant qu’il avait probablement pris la fuite après s’être disputé avec sa fiancée.

Le 4 mai 2016, le Comité a été informé par les auteurs de la demande d’action en urgence que le corps de la victime avait été retrouvé dans une salle de bains désaffectée de l’Université. Conformément au paragraphe 4 de l’article 30 de la Convention, l’action en urgence a pris fin.

5. Mexique

Au 2 juillet 2016, le Comité avait enregistré 261 actions en urgence portant sur des faits survenus au Mexique, dont 21 concernant la disparition de femmes et 10 celle de garçons ou de filles.

Tous les auteurs expriment leur frustration et leur préoccupation face à l’inefficacité des mécanismes mis en place pour rechercher les personnes disparues. Ils soulignent en particulier ce qui suit :

a)Manque généralisé de confiance à l’égard des autorités chargées d’enquêter ;

b)Implication directe de la police dans plusieurs cas et impossibilité de compter sur la collaboration de cette institution pour faire avancer les enquêtes ;

c)Absence de stratégie d’enquête:dans toutes les actions en urgence engagées, les observations de l’État partie et les commentaires des auteurs font état de mesures sporadiques, isolées, essentiellement formelles, qui ne semblent pas s’inscrire dans une stratégie d’enquête préalablement définie, ni obéir à une telle stratégie. À titre d’exemple, le ministère public adresse en général des lettres aux hôpitaux et aux centres de détention. Il ressort de plusieurs cas qu’en l’absence de réponse, le ministère public n’utilise pas pleinement les moyens à sa disposition, notamment les mesures de contrainte, pour demander aux autorités concernées de fournir les renseignements requis dans le cadre de l’enquête ou des activités de recherche des personnes disparues ;

d)Fragmentation des enquêtes entre les institutions publiques ainsi qu’entre les institutions fédérales et celles des États fédérés, et absence de coordination interinstitutions et de stratégie commune: dans ce contexte, il a été fait état des grandes difficultés éprouvées à rassembler tous les éléments de preuve dans une seule enquête. La fragmentation et l’absence de coordination contribuent à la prolongation excessive de la durée des enquêtes ;

e)Multiplication des difficultés rencontrées par les familles, les proches et les représentants des personnes disparues pour accéder aux dossiers;

f)Manipulation des éléments de preuve: dans le cas de 50 des actions en urgence enregistrées, les auteurs ont allégué que les autorités publiques manipulaient les éléments de preuve.

i)Exemples :

a.Le rapport du Groupe interdisciplinaire d’experts indépendants a mis en lumière la manipulation des éléments de preuve dans le cadre de l’enquête sur la disparition des 43 étudiants d’Ayotzinapa.

b. Les auteurs de quatre demandes d’action en urgence allèguent que selon les autorités publiques, les corps de leurs enfants disparus ont été retrouvés. Les membres des familles des disparus rejettent cette affirmation puisque les corps présentés n’ont aucune ressemblance avec les personnes disparues : les corps sont ceux de personnes de très grande taille, à la dentition en mauvais état, incomplète, négligée et sale, alors qu’aucune des personnes disparues ne présentait ces caractéristiques ;

ii)Mesure(s) prise(s) : dans les lettres de suivi qu’il a adressées à l’État partie, le Comité fait mention de ces allégations. À ce jour, l’État partie n’y a pas répondu.

g)Inaction des autorités compétentes : dans trois des actions en urgence enregistrées, les auteurs ont indiqué qu’à diverses reprises, les demandes qu’ils avaient présentées aux autorités compétentes étaient restées sans effet, alors que les mesures demandées étaient manifestement nécessaires dans le contexte des enquêtes en question;

h)Inaction des autorités publiques chargées d’enquêter sur les disparitions signalées dans les premières actions en urgence du Comité : il ressort des rapports présentés par l’État partie que les enquêtes conduites par les autorités compétentes sont au point mort. Dans plusieurs cas, même lorsque les investigations menées n’ont donné aucun résultat, les enquêtes ne progressent pas et l’État partie répète les mêmes informations dans chacune de ses observations ;

i)Multiplication des initiatives menées par les familles des personnes disparues:

i)Exemple : pour pallier l’inefficacité des investigations menées par l’État partie à Guerrero, Iguala et Veracruz, les membres des familles de personnes disparues prennent diverses initiatives, principalement pour rechercher et localiser les fosses communes des environs. Dans tous les cas, ils ont prié le Comité de les appuyer en demandant à l’État partie de fournir l’assistance technique et les moyens de protection nécessaires au bon déroulement de leurs activités ;

ii)Mesure(s) prise(s): dans les lettres de suivi adressées à l’État partie, le Comité insiste sur la nécessité de fournir l’appui nécessaire aux groupes de familles de personnes disparues et de faciliter leurs activités ;

j)Menaces proférées contre les auteurs des demandes d’action en urgence et multiplication des demandes de mesures conservatoires pour protéger les membres des familles de personnes disparues: la grande majorité des demandes d’action en urgence ont été assorties de demandes de mesures conservatoires pour protéger les membres des familles des personnes disparues. Les renseignements reçus rendent également compte de la multiplication des cas de menaces graves proférées contre des parents de victimes, y compris contre des membres des groupes de familles de personnes disparues qui ont été fondés, l’un d’entre eux ayant même été tué ;

i)Principales difficultés rencontrées:

a.À diverses occasions, des demandes de mesures conservatoires ont été présentées (en faveur de parents ou de proches des personnes disparues) ;

b.Les auteurs font savoir que dans la majorité des cas, les mesures conservatoires accordées ne sont pas mises en œuvre ou ne le sont qu’en partie ;

ii)Mesure(s) prise(s):

a.Le Comité a adressé une lettre à chacune des personnes ayant obtenu des mesures conservatoires, pour les informer mais aussi pour leur permettre de demander aux autorités compétentes de mettre en œuvre ces mesures ;

b.Dans les lettres qu’il a adressées à l’État partie, le Comité a cité les mesures conservatoires en question, en rappelant à l’État partie les obligations qui lui incombent en vertu du paragraphe 3 de l’article 30 de la Convention ;

k)Demandes de mesures conservatoires aux fins de la protection des lieux et des éléments de preuves: dans 12 des actions en urgence enregistrées, les auteurs ont demandé des mesures conservatoires spécifiques pour la protection de lieux et d’éléments de preuve ayant trait aux cas visés, et dans 8 cas le Comité a demandé à l’État partie de prendre des mesures conservatoires pour la protection, la surveillance et la préservation adéquates de trois fosses clandestines localisées (en communiquant les données relatives à la localisation exacte de ces fosses) et pour permettre l’identification rapide des restes trouvés, par des médecins légistes indépendants, spécialisés et compétents, conformément aux normes internationales applicables ;

l)Demande d’appui aux recommandations de la Commission interaméricaine des droits de l’homme tendant à créer un mécanisme de suivi des recommandations du Groupe interdisciplinaire d’experts indépendants: à l’issue des travaux du Groupe interdisciplinaire d’experts indépendants (Mexique), l’État partie a accepté la demande de la Commission interaméricaine des droits de l’hommetendant à créer un mécanisme de suivi des recommandations du Groupe. La Commission a formulé une série de recommandations sur les conditions minima nécessaires pour garantir l’efficacité d’un tel mécanisme. Le Comité a adressé une lettre de suivi dans le cadre des actions en urgence concernées, dans laquelle il a mis en avant les points suivants : i) demande de renseignements complémentaires sur les mesures prises pour rechercher les personnes disparues et sur la mise en œuvre de mesures conservatoires, adressée conformément aux dispositions du paragraphe 3 de l’article 30 de la Convention ; ii) rappel de diverses recommandations antérieures du Comité ; iii) expression de l’appui du Comité aux conditions minima générales qui ont été recensées par la Commission interaméricaine des droits de l’homme et qui sont nécessaires pour que le mécanisme de suivi permette à l’État partie de s’acquitter de ses obligations internationales, notamment celles qui découlent de la Convention ;

m)Demandes invitant le Comité à effectuer des visites : les auteurs de plusieurs demandes d’action en urgence concernant des disparitions forcées survenues au Mexique ont demandé au Comité d’effectuer d’urgence une visite dans l’État partie en application de l’article 33, ou qu’il active la procédure prévue à l’article 34 de la Convention. Le Comité a adressé à l’État partie une demande de visite en application de l’article 33 de la Convention, qui aurait commencé le 14 mai 2013. L’État partie n’ayant pas donné de réponse ferme, le Comité a renouvelé sa demande de visite, en donnant comme dates le 6 janvier et le 31 mars 2014, ainsi que le 17 mars 2016. Au moment de l’établissement du présent rapport, aucune réponse de l’État partie n’avait été reçue.

I.Actions en urgence suspendues ou clôturées

Depuis la dixième session, le Comité a clôturé trois actions en urgence puisque les victimes avaient été retrouvées mortes ou vivantes : il s’agissait respectivement de faits survenus au Mexique, en Iraq et au Maroc. Une autre action en urgence a été suspendue après détermination du lieu où était détenue la personne disparue.

Ces décisions ont été prises en application des critères adoptés en plénière par le Comité à sa huitième session :

a)Une action en urgence est suspendue lorsque la personne disparue a été retrouvée mais qu’elle demeure détenue ;

b)Une action en urgence est clôturée lorsque la personne disparue a été retrouvée et mise en liberté ou lorsqu’elle a été retrouvée morte ;

c)Une action en urgence est maintenue ouverte si la personne disparue a été retrouvée, mais que les personnes en faveur desquelles des mesures conservatoires ont été recommandées dans le cadre de l’action en urgence demeurent menacées.

En conséquence, à la date de la présente note, le Comité a suspendu deux actions en urgence concernant des personnes disparues qui ont été localisées mais qui restent en détention et a clôturé cinq actions en urgence concernant des personnes disparues qui ont été retrouvées vivantes et mises en liberté (trois cas), ou qui ont été retrouvées mortes (deux cas).