Nations Unies

CERD/C/SLV/CO/14-15

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

14 septembre 2010

Français

Original: anglais

Comité pour l’éliminati on de la discrimination raciale Soixante-dix-septième session2-27 août 2010

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

El Salvador

1.Le Comité a examiné les quatorzième et quinzième rapports périodiques d’El Salvador présentés en un seul document (CERD/C/SLV/14-15) à ses 2014e et 2015e séances (CERD/C/SR.2014 et 2015), les 3 et 4 août 2010. À sa 2040e séance (CERD/C/SR.2040), le 20 août 2010, il a adopté les observations finales suivantes.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite que l’État partie ait présenté à temps ses quatorzième et quinzième rapports périodiques, bien que ceux-ci ne soient pas tout à fait conformes à ses directives en la matière. Il remercie l’État partie des exposés que sa délégation a présentés oralement et par écrit et juge satisfaisantes les réponses pleines d’enseignements qu’il a reçues aux nombreuses questions posées par ses membres.

B.Aspects positifs

3.Le Comité prend note avec satisfaction du net changement d’attitude de l’État partie à l’égard des droits de l’homme et des questions relevant de la Convention, annoncé par la délégation. Il prend également note de sa position quant au contenu et à l’exactitude des renseignements donnés dans les rapports précédents et à la mise en application des recommandations du Comité. Il juge satisfaisant que l’État partie se déclare résolu à poursuivre un dialogue constructif avec lui et à harmoniser son droit interne avec les dispositions de la Convention et des autres traités internationaux.

4.Le Comité prend note également avec satisfaction de l’accord signé le 28 juillet 2010 par quatre institutions publiques [Secretaría de Inclusión Social; Registro Nacional de la Personas Naturales (RNPN); la Corporación de Municipios de la República de El Salvador (COMURES); la Procuraduría General de la República (PGR)], qui permettra à toutes les personnes autochtones victimes de persécutions dans le passé de recouvrer leurs noms autochtones et aux enfants de recevoir dorénavant un nom autochtone. Il se félicite du projet pilote d’état civil autochtone (Registro de Partidas de Nacimiento e Identificación Civil de los Pueblos Indígenas) lancé dans six municipalités.

5.Le Comité prend note avec intérêt des initiatives lancées en faveur des communautés autochtones de la municipalité de Nahuizalco, notamment la reconnaissance du droit des habitants d’être protégés de la discrimination raciale directe ou indirecte et de jouir des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel. Le Comité encourage d’autres régions du pays à suivre cet exemple.

6.Le Comité constate que l’État partie s’est doté d’un cadre d’enseignement interculturel bilingue dans son système éducatif officiel afin de préserver et de revitaliser les langues autochtones. Il se félicite en outre des mesures prises pour préserver et diffuser le nahuatl et le pipil.

7.Le Comité salue l’adoption, le 25 mars 2009, de la loi sur la protection intégrale de l’enfance et de l’adolescence (loi LEPINA) et l’élaboration d’un Plan national pour la jeunesse 2005-2015 (PNJ 05-15).

8.Le Comité salue également l’organisation du premier Congrès autochtone national, qui devrait se tenir le 12 octobre 2010.

9.Le Comité note avec satisfaction que le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones a été invité à se rendre en El Salvador en 2011.

10.Le Comité note avec satisfaction qu’El Salvador a été le premier pays d’Amérique centrale à ratifier, en octobre 2007, la Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole additionnel s’y rapportant, montrant ainsi l’exemple aux autres pays de la région.

11.Le Comité constate avec satisfaction que l’exposé oral de l’État partie s’appuie en partie sur les contributions des services de la Procuraduría de Defensa de los Derechos Humanos (institution nationale des droits de l’homme) et de deux organisations non gouvernementales qui s’occupent des questions autochtones.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

12.Le Comité est gravement préoccupé par les différences importantes entre les données chiffrées de la composition ethnique du pays tirées du sixième Recensement de la population et du cinquième Recensement du logement, tous deux menés en 2007, et les chiffres obtenus d’autres sources dignes de foi. Cependant, il prend note de la position que l’État partie a exposée dans sa présentation, qui apaise les inquiétudes que lui inspiraient les résultats des deux recensements en question. Il prend note de l’intention de l’État partie de procéder à un nouveau recensement en 2012.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ améliorer ses méthodes de recensement , en étroite collaboration avec l ’ Organisation des Nations Unies , les populations autochtones et les personnes d’ascendance africaine, de manière à rend r e compte de la complexité ethnique de la société salvadorienne, compte tenu du principe de l ’ auto-identification . Il lui recommande également de prendre note de sa r ecommandation générale n o 8 (1990) et des paragraphe s 10 à 12 de ses directives pour l ’ établissement des rapports que les États parties doivent présenter conformément au paragraphe 1 de l ’ article 9 de la Convention (CERD/C/2007/1). Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de prendre à l’intention des peuples autochtones et des personnes d’ascendance africaine des mesures susceptibles d ’ instaurer un climat de confiance avant le recensement. Il lui demande de présenter dans son prochain rapport périodique des statistiques ventilées sur la composition de sa population et les données issues du recensement qui aura lieu en 2012.

13.Le Comité note avec préoccupation que la législation interne de l’État partie ne donne toujours pas de définition de la discrimination raciale qui reprendrait tous les éléments énoncés à l’article premier de la Convention.

Le Comité renouvelle la recommandation figurant au paragraphe 8 de ses observations finales précédentes (CERD/C/SLV/CO/13), à savoir que l’État partie doit intégrer dans son droit interne une définition de la discrimination raciale incluant tous les éléments définis à l’article premier de la Convention. Il prie également l’État partie de lui donner des informations sur les mesures prises en faveur des groupes défavorisés compte tenu de sa r ecommandation générale n o 32 (2009) concernant l’utilité et la portée de s mesures spéciales contenues dans la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

14.Le Comité note avec préoccupation que la Constitution de l’État partie ne reconnaît pas les peuples autochtones et leurs droits. Il craint en outre que les membres des communautés autochtones ne jouissent pas de l’égalité d’accès aux fonctions publiques.

Notant que, en vertu de la nouvelle approche exposée lors de la présentation orale, l’État partie reconnaît que les peuples autochtones sont titulaires de droits, le Comité lui recommande de reconnaître l es peuples autochtones dans son droit interne , conformément à l’article 2 de la Convention. Il prie l’État partie de l’informer de l’évolution du projet de réforme constitutionnelle aux fins de la reconnaissance des peuples autochtones, présenté à l’Assemblée législative en décembre 2008 par la Procurad u ría de Defensa des los Derechos Humanos (institution nationale des droits de l’homme). Le Comité renouvelle la recommandation qui figure au paragraphe 13 de ses observations finales précédentes (CERD/C/SLV/CO/13), à savoir que l’État partie doit veiller à ce que les peuples autochtones prennent part au G ouvernement ainsi qu’à la direction des affaires publiques à tous les échelons, et à ce qu’ils aient accès dans des conditions d’égalité aux fonctions publiques (art. 5 c)).

15.Le Comité juge préoccupant que l’État partie n’ait pas encore ratifié la Convention no 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants.

Le Comité renouvelle la recommandation qui figure au paragraphe 10 de ses observations finales précédentes (CERD/C/SLV/CO/13) et engage l’État partie à prendre les mesures législatives nécessaires pour ratifier la Convention n o  169 de l’OIT concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants (art. 2, par. 2).

16.Le Comité relève avec préoccupation que la législation de l’État partie n’interdit pas la ségrégation raciale, conformément à l’article 3 de la Convention.

Le Comité recommande à l’État partie de légiférer pour interdire explicitement la ségrégation raciale et de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir, interdire et faire disparaître sur le territoire soumis à sa juridiction toutes les pratiques de cette nature .

17.Le Comité constate avec préoccupation qu’à l’heure actuelle aucun texte législatif salvadorien n’est conforme à l’article 4 de la Convention en ce qui concerne l’interdiction des organisations racistes et de l’incitation à la haine raciale. Il est préoccupé par le fait que le Code pénal ne réprime que les actes racistes imputables à des agents de l’État, mais non ceux qui sont commis par des particuliers (art. 2 et 4).

Le Comité renouvelle la recommandation qui figure au paragraphe 9 de ses observations finales précédentes (CERD/C/SLV/CO/13), dans laquelle il rappelait à l’État partie qu’il était tenu de prendre des mesures concrètes d’ordre législatif, judiciaire, administratif ou autre pour donner effet aux dispositions de la Convention, mesures qui devraient aussi viser à prévenir les actes de discrimination. Il invite instamment l’ É tat partie à procéder rapidement à des consultations nationales en vue de modifier sa législation pour la mettre en conformité avec la Convention.

Le Comité recommande également à l’ É tat partie d’inclure dans son prochain rapport périod iqu e des informations et des statistiques sur les actions en justice engagées et les sanctions prononcées concernant des actes de discrimination raciale commis par des agents de l’ É tat et par des particuliers.

18.Le Comité s’inquiète de ce que la loi d’amnistie de 1993 soit encore en vigueur. Cependant, il note que, dans certains cas, cette loi a été déclarée inapplicable.

Le Comité recommande à l’État partie d’abroger la loi d’amnistie et renouvelle la recommandation qui figure au paragraphe 15 de ses observations finales précédentes (CERD/C/SLV/CO/13), selon laquelle l’État partie devrait mettre en œuvre les recommandations de la Commission interaméricaine des droits de l’homme en vue de l’adoption d’un programme de réparation et, si possible, d’indemnisation , à l’intention des victimes, de manière à instaurer un climat de confiance qui permette à la population autochtone d’afficher son identité sans crainte (art. 6).

19.Le Comité se déclare une fois de plus préoccupé par le fait que les peuples autochtones ne sont pas en mesure de jouir totalement de leurs droits économiques, sociaux et culturels, notamment en matière de propriété foncière et d’accès à l’eau potable.

Le Comité recommande à l’État partie de faire davantage pour améliorer l’exercice par les peuples autochtones de leurs droits économiques, sociaux et culturels, y compris le droit à l’eau potable et la garantie de leurs droits fonciers et des ressources qu’ils possèdent ou utilisent traditionnellement, et l’invite à tenir compte de sa r ecommandation générale n o 23 (1997) relative aux droits des peuples autochtones (art. 5). Il le prie de lui donner des renseignements à jour sur les programmes de cessions foncières menés par l’Institut salvadorien de la réforme agraire et sur la manière dont les communautés autochtones ont participé à ce programme et en ont tiré profit. Il lui demande aussi de donner des informations sur tous les autres programmes qui touchent aux droits économiques, sociaux et culturels des peuples autochtones, y compris le droit à l’eau potable et la garantie des droits fonciers et des ressources qu’ils possèdent et utilisent traditionnellement .

20.Le Comité s’inquiète de la situation socioéconomique des Salvadoriens d’ascendance africaine et de leur manque de reconnaissance et de visibilité.

Le Comité invite instamment l’État partie à redoubler d’ efforts pour améliorer l’exercice par les Salvadoriens d’ascendance africaine de leurs droits économiques, sociaux et culturels. Le Comité engage également l’État partie à adopter un plan pour la reconnaissance ethnique et la visibilité des personnes d’ascendance africaine.

21.Le Comité constate avec préoccupation que les langues autochtones n’ont toujours pas l’importance qu’elles mériteraient, sachant que, sur les 47 940 élèves inscrits dans des établissements d’enseignement, 22 483 sont autochtones, et pourtant tous ne peuvent pas étudier dans leur propre langue. Pour ce qui est de l’éducation interculturelle bilingue, il prend note du programme de relance du nahuatl-pipil, mais il s’inquiète du sort des autres langues autochtones (art. 7).

Le Comité recommande d’élargir les programme s de relance du nahuatl-pipil à toutes les langues autochtones. Il prie l’État partie de lui donner des renseignements à jour sur toute nouvelle initiative qu’il aura prise en ce sens − en plus des Casas temáticas − et sur les programmes qu’il aura entrepris dans ce domaine, en ce qui concerne notamment le lenca, le kakawira (cacaopera), le maya et les autres langues autochtones du pays. Il recommande à l’État partie de ratifier la Convention de 1960 de l’UNESCO concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement.

22.À la lumière de sa recommandation générale no33 (2009) concernant le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du Document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, au moment d’incorporer la Convention dans son ordre juridique interne. Il le prie également de donner dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d’action et les autres mesures qu’il aura adoptés pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action au plan national.

23.Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses consultations et d’élargir son dialogue avec les associations civiles qui œuvrent pour la protection des droits de l’homme, et qui luttent en particulier contre la discrimination raciale, ainsi qu’avec les services aux droits de l’homme du Procurador para la Defensa de los Derechos Humanos en El Salvador, dans le cadre de l’élaboration de son prochain rapport périodique.

24.Le Comité invite l’État partie à envisager de faire la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention pour reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner les communications émanant de particuliers.

25.Le Comité recommande à l’État partie de ratifier les amendements au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention adoptés le 15 janvier 1992 à la quatorzième session des États parties à la Convention et approuvés par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111 du 16 décembre 1992. À ce propos, le Comité renvoie aux résolutions 61/148 et 63/243 dans lesquelles l’Assemblée générale a demandé instamment aux États parties d’accélérer leurs procédures internes de ratification des modifications relatives au financement du Comité et d’informer par écrit le Secrétaire général, dans les meilleurs délais, de leur acceptation de ces modifications.

26.Le Comité recommande à l’État partie de rendre ses rapports facilement accessibles au public au moment où il les soumet et de donner une égale publicité aux observations du Comité concernant ces rapports, dans les langues officielles et les langues autochtones.

27.Notant que l’État partie a soumis son document de base en juillet 2003, le Comité l’invite à en présenter une version actualisée conformément aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme − en particulier celles qui visent les documents de base − adoptées par la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, tenue en juin 2006 (HRI/MC/2006/3).

28.Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur modifié, le Comité prie l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations des paragraphes 18 et 19 ci-dessus.

29.Le Comité souhaite également appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations nos 12, 16, 17 et 20, et le prie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour leur donner suite.

30.Le Comité recommande à l’État partie de présenter ses seizième et dix-septième rapports périodiques en un seul document, attendu pour le 30 décembre 2012, qui tiendra compte des directives concernant l’élaboration des documents propres au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale qu’il a adoptées à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1), et qui traitera tous les points soulevés dans les présentes observations finales. Le Comité l’engage également à respecter la limite de 40 pages imposée pour les rapports présentés au titre d’un instrument, et la limite de 60 à 80 pages imposée pour le document de base (voir les directives harmonisées figurant dans le document HRI/GEN.2/Rev.6, par. 19).