NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.RESTREINTE*

CCPR/C/94/D/1584/200719 novembre 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre-vingt-quatorzième session13-31 octobre 2008

DÉCISION

Communication n o 1584/2007

Présentée par:

Meng Qin Chen (représentée par un conseil, M. Michel Collet)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Pays-Bas

Date de la communication:

4 avril 2007 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 14 août 2007 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision:

30 octobre 2008

Objet: Expulsion de l’auteur et de sa fille (née aux Pays‑Bas) vers la République populaire de Chine

Questions de procédure: Recevabilité

Question s de fond: Droit de ne pas être l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance

Article du Pacte: 17

Article du Protocole facultatif: 5 (par. 2 b))

[ANNEXE]

ANNEXE

DÉCISION DU COMITÉ DES DROITS DE L ’ HOMME EN VERTU DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre-vingt-quatorzième session

concernant la

Communication n o 1584/2007**

Présentée par:

Meng Qin Chen (représentée par un conseil, M. Michel Collet)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Pays-Bas

Date de la communication:

4 avril 2007 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 30 octobre 2008,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.1L’auteur de la communication est Mme Meng Qin Chen, de nationalité chinoise, née le 14 décembre 1987, qui écrit aussi au nom de sa fille Wenni, née aux Pays‑Bas le 18 mai 2004; l’une et l’autre sont en attente d’expulsion des Pays‑Bas vers la République populaire de Chine. L’auteur se déclare victime de violations par les Pays‑Bas de l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Elle est représentée par un conseil, M. Michel Collet.

1.2Le 28 novembre 2007, au nom du Comité, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires a décidé d’examiner d’abord la recevabilité de la communication.

Rappel des faits présentés par l ’ auteur

2.1Le 14 juillet 2003, l’auteur est arrivée aux Pays‑Bas et a été placée en surveillance dans le «Aanmeldcentrum» en application de l’article 6 de la loi néerlandaise sur les étrangers de 2000. Le 16 juillet 2003, le Service d’immigration néerlandais a notifié le Tribunal d’Amsterdam de cette procédure. Le 24 juillet 2003, le Tribunal d’Amsterdam a décidé que l’auteur devait être placée dans un établissement adapté pour accueillir des mineurs. Le Service a fait appel de cette décision auprès du Conseil d’État, lequel a confirmé la décision du Tribunal d’Amsterdam, le 20 novembre 2003.

2.2À son arrivée aux Pays‑Bas, le 14 juillet 2003, l’auteur a déposé une demande d’asile, que le Service de l’immigration a rejetée le 18 juillet 2003. Le Service a également refusé d’accorder à l’auteur un permis de séjour pour mineur isolé. La décision a été attaquée mais le recours a été rejeté en date du 7 octobre 2003 par le Tribunal de Haarlem, qui l’a jugé irrecevable. L’auteur a déposé un recours auprès du Service de l’immigration pour contester la décision de ne pas lui accorder de permis de séjour pour mineur isolé. Le Service de l’immigration ne croyait pas que l’auteur était véritablement mineure et lui a fait faire une radiographie de la clavicule. L’auteur a donné naissance à une petite fille le 18 mai 2004. Au vu des résultats de la radiographie, le Service de l’immigration a rejeté le recours, en date du 17 juin 2005. L’auteur a fait appel de cette décision auprès du Tribunal de Breda qui l’a déboutée en date du 10 juillet 2006. L’auteur s’est ensuite adressée au Conseil d’État qui a rejeté son recours en date du 10 octobre 2006.

Teneur de la plainte

3.L’auteur invoque une violation de l’article 17 du Pacte parce que les autorités de l’État partie lui ont refusé un permis de séjour aux Pays‑Bas, ce qui constitue une immixtion dans la vie privée qu’elle avait construite dans l’État partie. Elle affirme qu’en ne l’expulsant pas immédiatement l’État partie a accepté qu’elle commence une nouvelle vie aux Pays‑Bas. Étant donné qu’elle était mineure − 16 ans − lorsqu’elle est entrée dans l’État partie elle fait valoir qu’elle aurait dû bénéficier d’un permis de séjour. Or le Service d’immigration s’est fondé sur les résultats d’une «méthode défectueuse» pour déterminer son âge, la radiographie de la clavicule − ce qui fait qu’il n’a pas voulu reconnaître qu’elle était mineure. D’après l’auteur, les autorités n’ont pas accordé suffisamment d’importance à différents éléments: son âge; le fait qu’elle n’a aucune famille ni parent en République populaire de Chine; le fait qu’elle a une petite fille née dans l’État partie et qui n’est jamais allée en Chine; et les différences culturelles marquées entre les Pays‑Bas et son pays d’origine. Elle fait remarquer que de toute façon elle ne peut pas retourner en République populaire de Chine parce qu’elle n’a pas de papiers d’identité et que les autorités chinoises ne la reconnaîtraient pas comme citoyenne chinoise.

Observations de l ’ État partie sur la recevabilité et commentaires de l ’ auteur

4.Dans une lettre du 15 octobre 2007, l’État partie conteste la recevabilité de la communication en faisant valoir que les recours internes n’ont pas été épuisés. Il affirme que l’auteur n’a pas soulevé devant les tribunaux nationaux les questions au regard de l’article 17 du Pacte ce qui fait qu’il n’a pas eu la possibilité de répondre à ce grief. De plus, l’auteur n’a apporté aucun élément pour prouver qu’elle ne peut pas rentrer en Chine parce qu’elle n’a pas les papiers nécessaires. Elle n’a pas apporté la moindre preuve montrant qu’elle avait fait des démarches pour obtenir ces documents. De plus, rien de factuel ne vient étayer l’argument selon lequel les autorités néerlandaises ont consenti à ce qu’elle commence une nouvelle vie dans l’État partie. Dès le 18 juillet 2003, par une décision portant cette date, l’auteur a été informée qu’elle devait quitter le pays sans délai. Même si elle n’a pas été expulsée immédiatement et est restée aux Pays‑Bas pendant toute la durée des procédures de traitement de sa demande d’asile, elle n’a jamais reçu l’assurance qu’on lui donnerait un permis de séjour.

5.Dans une note du 23 novembre 2007, l’auteur a commenté la réponse de l’État partie, faisant valoir que le droit à la vie privée est «un droit absolu» et que le fait qu’elle ne l’ait pas invoqué devant les autorités nationales est donc sans importance. Elle affirme que chacun sait dans l’État partie que l’ambassade de Chine ne veut pas délivrer les documents nécessaires à quelqu’un qui ne peut pas prouver qu’il est originaire de la République populaire de Chine et comme elle n’a aucun papier en sa possession, il lui est difficile de prouver ses origines. De plus, vu que sa fille est née dans l’État partie, la naissance n’est pas enregistrée en République populaire de Chine et il n’est donc pas possible d’obtenir des papiers pour sa fille.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif.

6.2Le Comité relève que l’État partie objecte à la recevabilité de la communication en faisant valoir que les recours internes n’ont pas été épuisés. Il note que le seul article du Pacte invoqué par l’auteur en ce qui concerne les faits de l’affaire est l’article 17. Il note également que l’auteur reconnaît qu’elle n’a pas soulevé les questions qui se posent au regard de cette disposition devant les autorités de l’État partie et ne conteste pas que ces questions auraient pu être soulevées devant les juridictions nationales. Le seul argument avancé pour expliquer qu’elle ne l’a pas fait est qu’à son avis le droit à la vie privée est un «droit absolu» et que la non‑invocation de ce droit devant un tribunal néerlandais est donc «sans importance». Le Comité rappelle que selon sa jurisprudence le simple fait d’avoir des doutes sur l’efficacité d’un recours ou, comme dans le cas d’espèce, sur l’importance de ce recours ne dispense pas un individu d’épuiser les recours internes utiles. Pour cette raison, le Comité considère que la communication est irrecevable pour non‑épuisement des recours internes, en vertu de l’article 2 et du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 et du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et au conseil de l’auteur.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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