NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.RESTREINTE*

CCPR/C/94/D/1504/200619 novembre 2008

FRANÇAISOriginal: ESPAGNOL

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑quatorzième session13‑31 octobre 2008

DÉCISION

Communication n o  1504/2006

Présentée par:

José Patricio Cornejo Montecino (représenté par un conseil, M. Eduardo Lavanderos)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Chili

Date de la communication:

2 août 2006 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 31 octobre 2006 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision:

30 octobre 2008

Objet: Protection d’un détenu agressé par d’autres détenus

Questions de procédure: Griefs non étayés

Question s de fond: Violation du droit d’obtenir une enquête sur des faits dénoncés

Article (s) du Pacte: 3, 6 (par. 1), 9 (par. 1 et 3), 10 (par. 2 a)), 14 (par. 1) et 26

Article du Protocole facultatif: 2

[ANNEXE]

ANNEXE

DÉCISION DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME EN VERTU DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre ‑ vingt ‑ quatorzième session

concernant la

Communication n o  1504/2006 *

Présentée par:

José Patricio Cornejo Montecino (représenté par un conseil, M. Eduardo Lavanderos)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Chili

Date de la communication:

2 août 2006 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 30 octobre 2008,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.1L’auteur de la communication, datée du 2 août 2006, est José Patricio Cornejo Montecino, de nationalité chilienne, né en 1973, qui se déclare victime de violations par le Chili de l’article 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, du paragraphe 1 de l’article 6, des paragraphes 1 et 3 de l’article 9, du paragraphe 2 a) de l’article 10, du paragraphe 1 de l’article 14 et de l’article 26. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 28 août 1992.

Rappel des faits présentés par l ’ auteur

2.1En 2005, l’auteur se trouvait en détention provisoire en vertu d’une décision du vingt‑sixième tribunal pénal de Santiago, qui l’avait inculpé de l’homicide d’un trafiquant de drogues. Il affirme qu’au cours de cette détention il a été menacé et agressé par des codétenus à plusieurs reprises, la première fois dans le centre de détention provisoire de Santiago Sud, où il a été victime d’une tentative d’homicide, puis dans le centre de détention provisoire de Colina II. À la suite d’une agression subie dans ce dernier établissement, le 16 décembre 2005, il a dû être admis à l’hôpital pénitentiaire. L’auteur a dénoncé ces faits auprès du juge du vingt‑sixième tribunal pénal de Santiago, qui s’est adressé au directeur du centre de détention en lui demandant, entre autres, d’envisager le transfert de l’auteur au centre pénitentiaire de Los Andes. Toutefois, aucune mesure de protection n’a été ordonnée. L’auteur affirme également que le 5 décembre 2005 son avocat a fait savoir au juge qu’une récompense de 500 000 pesos avait été offerte pour le faire assassiner en prison. Bien que le juge eût adressé trois notes officielles au directeur du centre de détention, aucune mesure n’a été prise pour protéger l’auteur.

2.2Le 31 décembre 2005, dans le centre de Colina II, l’auteur a de nouveau été menacé et battu par des codétenus qui l’ont grièvement blessé. À la suite de cet incident, il a été transféré par mesure de protection dans une cellule disciplinaire, mais dans la même section que celle où il avait été agressé, ce qui, selon lui, ne permettait pas de le protéger.

2.3Pour toutes ces raisons, l’auteur a formé un recours en protection des garanties constitutionnelles devant la cour d’appel de Santiago, le 3 janvier 2006. Le 30 janvier 2006, celle‑ci a déclaré la demande irrecevable au motif qu’elle dépassait le champ d’application de cette voie de recours. Selon la cour d’appel, le recours en protection des garanties constitutionnelles vise à rétablir la règle de droit lorsque celle‑ci a été enfreinte par des actes ou des omissions arbitraires ou illicites qui menacent, entravent ou empêchent l’exercice légitime de l’une quelconque des garanties explicitement énoncées à l’article 20 de la Constitution, sans préjudice des autres actions légales.

2.4Le 2 février 2006, l’auteur a formé un recours en appel devant la même cour, qui l’a déclaré irrecevable le 6 février. Le 8 février 2006, l’auteur a contesté cette décision par un recours pour déni d’appel devant la Cour suprême, qui l’a rejeté le 24 mai 2006.

Teneur de la plainte

3L’auteur affirme que les faits décrits sont constitutifs de violations de l’article 3, du paragraphe 1 de l’article 6, des paragraphes 1 et 3 de l’article 9, du paragraphe 2 a) de l’article 10, du paragraphe 1 de l’article 14 et de l’article 26. Il indique que les actes délictuels dont il a été victime n’ont fait l’objet d’aucune enquête par le ministère public, ni par les organes judiciaires auprès desquels ils ont été dénoncés, c’est‑à‑dire le vingt‑sixième tribunal pénal de Santiago et la cour d’appel de Santiago. De même, aucune mesure n’a été prise pour le protéger à l’intérieur du centre de détention.

Observations de l ’ État partie

4.1Dans ses observations en date du 19 juin 2007, l’État partie indique que l’auteur a été incarcéré dans le centre de détention provisoire de Santiago Sud le 15 juin 2005, dans le cadre d’une affaire d’homicide. Le 25 juillet 2005, il a été transféré au centre de détention de Colina II pour des raisons de sécurité personnelle, après qu’il eut été menacé de mort par des codétenus pour avoir assassiné un trafiquant de drogues dans la commune de Pudahuel, d’après ce qu’il a déclaré lors d’un entretien individuel à son arrivée à la prison. Après que son cas eut été évalué par le Bureau de classification du centre de détention de Colina II, il a été envoyé dans les sections no 13 et no 12 du quartier d’isolement, pour sa sécurité personnelle. Le 16 décembre 2005, l’auteur s’est présenté à la porte de la section no 13, couvert de sang, et a déclaré avoir été agressé par des codétenus. Après lui avoir administré les premiers secours à l’infirmerie, on l’a transféré au dispensaire de Colina, où le personnel médical a diagnostiqué une «blessure abdominale pénétrante». De là, il a été transféré à l’hôpital pénitentiaire, où il est resté jusqu’au 19 décembre 2005, avant d’être déclaré guéri et renvoyé à Colina II.

4.2Compte tenu de la gravité des faits décrits, et en application de l’article 175 du Code de procédure pénale, le directeur du centre de détention de Colina II a signalé l’affaire à la délégation locale du ministère public à Colina, d’abord par téléphone puis par la déclaration de plainte no 126 du 16 décembre 2005.

4.3Le 20 décembre 2005, après une nouvelle procédure de classification, l’auteur a été envoyé à la section no 12, où les détenus sont placés pour leur sécurité personnelle. Cependant, le 1er janvier 2006, il a été expulsé de cette section par les autres détenus. C’est pourquoi il a été transféré au pavillon d’isolement no 16, où il est resté jusqu’au 3 janvier 2006, date à laquelle le Bureau de classification a décidé de l’envoyer à la section no 9, qui accueille les détenus dont le «degré de délictuosité» est faible.

4.4Le 25 janvier 2006, l’auteur a été transféré au centre de détention de Los Andes sur décision du vingt‑sixième tribunal pénal de Santiago. Le Département de la sécurité de l’administration pénitentiaire avait pourtant recommandé de le maintenir à Colina II, étant donné qu’il s’agissait d’un détenu présentant un «degré élevé de délictuosité», multirécidiviste, et qui avait fait l’objet d’un grand nombre d’avertissements et de sanctions pour divers manquements au règlement intérieur, dont des agressions contre des codétenus et des menaces contre le personnel pénitentiaire. Compte tenu de ces antécédents, son transfert à Los Andes était risqué, d’autant que ce centre était surpeuplé. L’administration pénitentiaire proposait de transférer l’auteur au complexe pénitentiaire de Valparaíso, qui offre les conditions de sécurité nécessaires pour accueillir ce type de détenus.

4.5Lors de l’entretien individuel qu’il a eu à son arrivée au centre de détention de Los Andes, l’auteur a déclaré «qu’il était menacé de mort dans les autres établissements et que sa tête avait été mise à prix parce qu’il avait tué un trafiquant de drogues et séquestré la fille de celui‑ci lors d’une opération entre trafiquants qui avait mal tourné». Pendant son séjour dans ce centre, il a reçu un grand nombre d’avertissements et de sanctions pour manquements au règlement.

4.6D’après une déclaration faite le 3 janvier 2007, l’auteur allait bien à cette date, il n’avait pas de problèmes avec ses codétenus et travaillait à l’atelier de fabrication de meubles. D’après un rapport médical en date du 12 janvier 2007, son état de santé était très satisfaisant et il n’avait pas de séquelles de ses blessures.

4.7L’État partie affirme que dès l’entrée de l’auteur dans le système pénitentiaire, toutes les mesures nécessaires pour protéger sa vie et son intégrité physique ont été appliquées en  permanence, il a reçu l’assistance médicale dont il avait besoin, et n’a donc pas été atteint dans ses droits. L’État partie affirme également qu’il n’y a aucune trace écrite d’une quelconque tentative d’homicide dont l’auteur aurait été victime pendant son incarcération dans les centres de détention.

Commentaires de l ’ auteur

5.1Dans une lettre datée du 3 janvier 2008, l’auteur a fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie. Il indique qu’en dépit des menaces de mort dont il faisait l’objet, aucune mesure n’a été prise pour le protéger, et qu’en outre il a été détenu avec des prisonniers déjà condamnés alors qu’il se trouvait en détention provisoire. Les menaces et la tentative d’homicide dont il a été victime n’ont jamais fait l’objet d’une enquête bien qu’il les eût dénoncés.

5.2L’auteur réaffirme que les recours qu’il a formés n’ont pas abouti et qu’à l’occasion de son recours en protection il a demandé à être entendu par la cour d’appel, mais que celle‑ci n’a pas accédé à sa demande.

Délibérations du Comité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité doit déterminer si l’auteur a subi une violation des droits garantis par le Pacte parce que les menaces et agressions dont il aurait été victime de la part de codétenus n’ont pas fait l’objet d’une enquête et parce qu’il n’aurait pas non plus bénéficié de mesures de protection visant à empêcher que de tels actes ne se reproduisent. Le Comité relève que le directeur du centre de détention de Colina II a signalé ces incidents à la délégation du ministère public à Colina, le 16 décembre 2005. L’auteur ne donne cependant aucune information sur la suite donnée à cette plainte par le ministère public, ni sur les recours qu’il aurait exercés au pénal pour obtenir l’ouverture d’une enquête sur ces incidents. L’auteur se contente d’indiquer au Comité qu’il a formé un recours en protection. Or, au vu des documents versés au dossier, notamment des décisions de la cour d’appel, le Comité conclut que le recours en protection n’était pas la voie appropriée pour demander l’ouverture d’une enquête sur les actes dont l’auteur aurait été victime.

6.4En ce qui concerne la plainte de l’auteur relative à l’absence de mesures visant à le protéger des agressions d’autres détenus, le Comité relève que les autorités pénitentiaires ont transféré l’auteur à plusieurs reprises pour garantir sa protection. Ainsi, le 25 juillet 2005, il a été transféré du centre de détention de Santiago Sud à celui de Colina II, où il a été placé successivement dans les sections nos13, 12, 16 et 9, chaque transfert étant motivé par des raisons liées à sa protection, avant d’être finalement transféré au centre de détention de Los Andes. L’auteur n’a pas précisé quelles autres mesures auraient dû être prises pour garantir sa protection.

6.5Pour ces motifs, le Comité estime que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ses griefs aux fins de la recevabilité et considère que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication, pour information.

[Adopté en espagnol (version originale), en anglais et en français. Paraîtra ultérieurement aussi en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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