NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.RESTREINTE*

CCPR/C/94/D/1263-1264/200430 octobre 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑quatorzième session13-31 octobre 2008

CONSTATATIONS

Communication s n o s 1263/2004 et 1264/2004

Présentées par:

Saybibi Khuseynova (1263/2004) et Pardakhon Butaeva (1264/2004) (non représentées par un conseil)

Au nom de:

Ibrokhim Khuseynov (fils de Saybibi Khuseynova) et Todzhiddin Butaev (fils de Pardakhon Butaeva)

État partie:

Tadjikistan

Date des communications:

5 mars 2004 (Khuseynova) et 10 mars 2004 (Butaeva) (dates des lettres initiales)

Références:

Décisions prises par le Rapporteur spécial en application de l’article 92 et de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquées à l’État partie le 9 mars 2004 (1263/2004) et le 11 mars 2004 (1264/2004) (non publiées sous forme de documents)

Date de l’adoption des constatations:

20 octobre 2008

Objet: Condamnations à mort prononcées après une détention arbitraire et l’utilisation d’éléments de preuve obtenus sous la contrainte

Questions de fond: Droit à la vie; torture, peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; détention arbitraire; procès équitable; tribunal impartial; droit à la présomption d’innocence; droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense; droit de ne pas être forcé de témoigner contre soi‑même ou de s’avouer coupable

Questions de procédure: Griefs non étayés; non‑épuisement des recours internes

Articles du Pacte: 6, lu conjointement avec 14; 7; 9 (par. 1); 14 (par. 1, 3 b), e) et g))

Article du Protocole facultatif: 2

Le Groupe de travail du Comité des droits de l’homme recommande au Comité d’examiner le texte ci‑après en vue de son adoption en tant que constatations concernant les communications nos 1263/2004 et 1264/2004 au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif. Le texte figure en annexe au présent document.

[ANNEXE]

ANNEXE

CONSTATATIONS DU COMITÉ DES DROITS DE L ’ HOMME AU TITRE DU PARAGRAPHE 4 DE L ’ ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre ‑vingt ‑quatorzième session

concernant les

Communication s n o s 1263/2004 et 1264/2004**

Présentées par:

Saybibi Khuseynova (1263/2004) et Pardakhon Butaeva (1264/2004) (non représentées par un conseil)

Au nom de:

Ibrokhim Khuseynov (fils de Saybibi Khuseynova) et Todzhiddin Butaev (fils de Pardakhon Butaeva)

État partie:

Tadjikistan

Date des communications:

5 mars 2004 (Khuseynova) et 10 mars 2004 (Butaeva) (dates des lettres initiales)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 20 octobre 2008,

Ayant achevé l’examen des communications nos 1263/2004 et 1264/2004 présentées au nom d’Ibrokhim Khuseynov et Todzhiddin Butaev, respectivement, en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l ’ article 5 du Protocole facultatif

1.1Le premier auteur est Mme Saybibi Khuseynova, tadjike, née en 1952, qui présente la communication au nom de son fils, M. Ibrokhim Khuseynov, né en 1972, de nationalité ouzbèke. Le second auteur est Mme Pardakhon Butaeva, tadjike, née en 1939, qui présente la communication au nom de son fils, M. Todzhiddin Butaev, tadjik, né en 1977. À l’époque où les communications ont été soumises, les deux victimes étaient détenues dans le quartier des condamnés à mort à la prison de Douchanbé suite à leur condamnation à mort le 24 février 2003 par la Chambre des affaires criminelles de la Cour suprême. Les auteurs affirment que leurs fils ont été victimes de violations par le Tadjikistan des droits reconnus à l’article 6, lu conjointement avec l’article 14, à l’article 7, au paragraphe 1 de l’article 9 et aux paragraphes 1 et 3 b) et g) de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Mme Butaeva invoque aussi dans le cas de son fils une violation du paragraphe 3 e) de l’article 14. Les auteurs ne sont pas représentés. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 4 avril 1999.

1.2Le 9 mars 2004 (Khuseynov) et le 11 mars 2004 (Butaev), en application de l’article 92 de son règlement intérieur, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a demandé à l’État partie de ne pas procéder à l’exécution des fils des auteurs, afin de lui permettre d’examiner leur plainte. Le 26 avril 2004, il a renouvelé sa demande. Par une note en date du 20 mai 2004, l’État partie a informé le Comité qu’il accédait à sa demande de mesure provisoire et que le Président de la République du Tadjikistan avait annoncé le 30 avril 2004 un moratoire sur les exécutions capitales. Le 11 juin 2004, le Comité a levé la demande de mesure provisoire.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1Vers la fin de 1997, un certain Rakhmon Sanginov avait créé une bande de malfaiteurs qui s’était mise à commettre des vols, des meurtres et des prises d’otages. Par la force et les menaces de mort, il forçait des jeunes du district où sa bande opérait à se joindre à elle pour commettre des actes délictueux. C’est ainsi que parmi beaucoup d’autres, M. Khuseynov et M. Butaev avaient été forcés d’entrer dans la bande de M. Sanginov.

Cas de M. Ibrokhim Khuseynov

2.2Le 26 juin 2001, M. Khuseynov a été appréhendé par des agents de la Direction des enquêtes criminelles du Département des affaires intérieures de l’arrondissement de Somoni de Douchanbé. Détenu pendant deux jours dans les locaux du Département, il a été roué de coups de matraque et a reçu des décharges électriques sur diverses parties du corps. Il a été forcé de témoigner contre lui‑même et d’avouer avoir commis un certain nombre d’infractions, dont des meurtres et des vols qualifiés.

2.3Le 28 juin 2001, M. Khuseynov a été interrogé par le chef adjoint de la Section des investigations du Département. Le même jour, il a été interrogé en tant que suspect par un agent du Ministère de l’intérieur. Le même jour encore, un procès‑verbal motivant son placement en garde à vue a été dressé et M. Khuseynov a été placé en cellule de garde à vue (IVS), sans avoir accès à un avocat ni recevoir d’explications sur ses droits.

2.4Au bout de vingt‑deux jours de garde à vue, M. Khuseynov aurait dû être transféré au centre de détention provisoire et d’enquête (SIZO), mais les responsables de ce centre ont refusé de l’écrouer après avoir constaté que son corps présentait de nombreuses blessures et ecchymoses. Il y a finalement été transféré le 30 juillet 2001, après établissement d’un certificat médical relatif à son état de santé. Mme Khuseynova affirme qu’en vertu de la réglementation relative au placement en garde à vue (IVS), toute personne arrêtée doit être transférée en centre de détention et d’enquête (SIZO) dès qu’une ordonnance de placement en détention provisoire a été prise. Dans des cas exceptionnels, et avec l’approbation du procureur, une personne peut être gardée à vue pendant un maximum de dix jours. Or M. Khuseynov est demeuré en garde à vue durant un total de trente‑deux jours (du 28 juin au 30 juillet 2001).

2.5L’ordonnance de placement en détention provisoire a été prise le 30 juin 2001 par le Procureur général adjoint du Tadjikistan des chefs d’organisation d’un groupe armé clandestin (art. 185, par. 2 du Code pénal) et de meurtre avec circonstances aggravantes (art. 104, par. 2).

2.6Le 8 juillet 2001, M. Khuseynov a été inculpé en bonne et due forme des chefs de banditisme (art. 186, par. 2, du Code pénal) et de meurtre avec circonstances aggravantes (art. 104, par. 2). Durant l’interrogatoire auquel il a été ensuite soumis en qualité de prévenu, il n’était pas représenté. À la fin de l’interrogatoire, un des interrogateurs a fait entrer un avocat, un certain Tabarov, qui a signé le procès‑verbal de l’interrogatoire, alors que M. Khuseynov ne l’avait jamais vu auparavant et ne savait pas qu’il avait été commis d’office à sa défense. Aucun document établi au nom de M. Tabarov ne figurait dans le dossier pénal et cet avocat n’avait pas participé à plus de deux actes d’instruction après l’inculpation de M. Khuseynov.

2.7D’après Mme Khuseynova, les enquêteurs avaient organisé d’avance la vérification des aveux de son fils sur les lieux du crime. Quelques jours avant la vérification effective, son fils avait été conduit sur les lieux, et on lui avait expliqué où il devrait se tenir et ce qu’il devrait dire. La vérification effective a été enregistrée en vidéo et effectuée à deux reprises, en l’absence d’avocat.

2.8Le 28 août 2001, M. Khuseynov a été autorisé à voir un conseil de son choix, un certain Ibrokhimov engagé par sa famille. M. Ibrokhimov n’a toutefois été informé d’aucun des actes d’instruction effectués concernant son client, n’a pas pu rencontrer M. Khuseynov ni préparer sa défense.

2.9Le procès de M. Khuseynov devant la Chambre des affaires criminelles de la Cour suprême s’est déroulé du 3 mai 2002 au 24 février 2003. Mme Khuseynova estime que le procès de son fils a été inéquitable et que la Cour était partiale. Ainsi:

a)À l’audience, M. Khuseynov est revenu sur les aveux faits sous la contrainte durant l’instruction. Il a affirmé que les agents des forces de l’ordre avaient utilisé des méthodes illégales pendant les interrogatoires pour le contraindre à témoigner contre lui‑même. Sa déposition aurait été écartée par le président de la Chambre et omise dans le compte rendu d’audience. Par la suite, M. Khuseynov et son avocat avaient soumis au juge un texte de sa déposition qui ne figurait pas dans les minutes du procès. La Cour a pris note de ces omissions, mais n’en a pas tenu compte quand elle a prononcé la peine de mort;

b)M. Khuseynov a été condamné à mort sur la seule base de ses aveux, obtenus par des méthodes illégales pendant l’instruction.

2.10Le 24 février 2003, la Chambre des affaires criminelles de la Cour suprême a reconnu M. Khuseynov coupable de banditisme (art. 186, par. 2, du Code pénal), de meurtre avec circonstances aggravantes (art. 104, par. 2) et de vol qualifié (art. 249, par. 4). Elle l’a condamné à quinze ans d’emprisonnement avec confiscation de ses biens (en vertu de l’article 186) et à la peine capitale (en vertu des articles 104 et 249). En application de l’article 67, paragraphe 3, du Code pénal, le cumul de ces peines aboutissait à la peine de mort. Le 17 novembre 2003, la Chambre des affaires criminelles a réduit la peine découlant de l’article 249 du Code pénal à vingt ans d’emprisonnement avec confiscation des biens et a confirmé le reste de la sentence.

2.11Le 24 mai 2004, le premier auteur a indiqué que la peine capitale n’était pas la seule susceptible d’être prononcée en se fondant sur le paragraphe 2 de l’article 104 du Code pénal, cette disposition prévoyant aussi une peine de quinze à vingt ans d’emprisonnement. En vertu du paragraphe 5 de l’article 18 du Code pénal, le meurtre avec circonstances aggravantes est qualifié de crime particulièrement grave. La légalité de la détention de M. Khuseynov avait été déterminée par le procureur qui avait pris l’ordonnance de placement en détention provisoire.

2.12À une date non précisée, un recours en grâce a été adressé au nom de M. Khuseynov au Président de la République du Tadjikistan. Au moment de la présentation de la communication, cette demande était restée sans réponse.

Cas de M. Todzhiddin Butaev

2.13De mai à septembre 1997, M. Butaev a accompli son service militaire dans une unité ayant pour commandant un certain «Khochi‑Ali», qui était sous les ordres de M. Sanginov (voir plus haut, par. 2.1). M. Butaev a quitté cette unité quand il a appris qu’elle opérait en dehors de la légalité. En février 1998, le commandant d’un autre escadron illégal, lui aussi placé sous les ordres de M. Sanginov, a forcé M. Butaev à entrer dans son organisation, qui était impliquée dans des meurtres et des vols qualifiés. En septembre 1998, M. Butaev a déserté.

2.14Le 4 juin 2001, vers 5 heures du matin, M. Butaev a été appréhendé à son domicile par des agents des forces de l’ordre et emmené. Sa mère n’a reçu aucune explication et n’a pas été informée du lieu où se trouvait son fils. Le 10 juin 2001, elle s’est rendue au Ministère de la sécurité, où on lui a appris que son fils était détenu dans les locaux du Ministère et soupçonné de crimes particulièrement graves. Durant sa détention au Ministère de la sécurité, M. Butaev a été interrogé tous les jours, frappé à coups de matraque, soumis à des décharges électriques et forcé de témoigner contre lui‑même.

2.15Le 14 juillet 2001, une procédure a été engagée contre M. Butaev, qui a été, ce même jour, interrogé en tant que suspect par un enquêteur du Ministère de la sécurité, ce en l’absence d’avocat. Le même jour encore, un procès‑verbal motivant sa garde à vue a été établi et il a été placé en garde à vue (IVS). Il n’a pas eu accès à un avocat ni reçu d’explications sur ses droits. À une date non précisée, M. Butaev a été transféré au centre de détention et d’enquête (SIZO), où il a contracté la tuberculose.

2.16L’ordonnance de placement en détention provisoire de M. Butaev a été prise par un procureur le 19 juillet 2001. Le 22 juillet 2001, un avocat a été commis d’office à M. Butaev, qui a été inculpé en bonne et due forme. Les actes d’instruction ultérieures − vérification de sa déposition sur les lieux du crime et confrontation avec des parents des victimes − ont toutefois été effectués en l’absence d’avocat.

2.17Le procès de M. Butaev devant la Chambre des affaires criminelles de la Cour suprême, ainsi que de M. Khuseynov en qualité de coaccusé, a pris fin le 24 février 2003. Mme Butaeva affirme que le procès de son fils a été inéquitable et que la Cour était partiale. Ainsi:

a)À l’audience, aucun des témoins à charge n’a identifié M. Butaev comme étant la personne qui avait tué leurs parents;

b)À l’audience, M. Butaev est revenu sur les aveux qu’il avait faits sous la contrainte durant l’instruction, affirmant que les agents des forces de l’ordre avaient utilisé des méthodes illégales pendant les interrogatoires pour le contraindre à témoigner contre lui‑même. M. Butaev a clamé son innocence, déclaré qu’il n’était pas présent sur les lieux lorsque le crime avait été commis et qu’il avait rédigé ses aveux en suivant les instructions de l’enquêteur. Son avocat a appelé l’attention de la Cour sur le fait que les aveux de son client contredisaient les résultats d’un examen médico‑légal. Plus précisément, au cours de l’instruction, M. Butaev avait reconnu avoir tiré sur un certain Alimov, alors que l’autopsie pratiquée le 13 février 1998 avait établi que la cause du décès de la victime était une «asphyxie mécanique». La Cour n’a pas tenu compte de ces contradictions quand elle a prononcé la peine de mort;

c)La Cour a rejeté la requête de l’avocat de M. Butaev, qui demandait la comparution et l’interrogatoire de l’enquêteur, des agents du Ministère de la sécurité qui avaient appréhendé M. Butaev, ainsi que de l’expert médico‑légal qui avait procédé à l’autopsie le 13 février 1998.

2.18Le 24 février 2003, la Chambre des affaires criminelles de la Cour suprême a reconnu M. Butaev coupable de banditisme (art. 186, par. 2, du Code pénal), de meurtre avec circonstances aggravantes (art. 104, par. 2) et de vol qualifié (art. 249, par. 4). Elle l’a condamné à quinze ans d’emprisonnement et à la confiscation de ses biens (en vertu de l’article 186) et à la peine capitale (en vertu des articles 104 et 249). En application du paragraphe 3 de l’article 67 du Code pénal, le cumul de ces peines aboutissait à la peine de mort. Le 17 novembre 2003, la Chambre des affaires criminelles a réduit à vingt ans d’emprisonnement avec confiscation des biens la peine prononcée en vertu de l’article 249 du Code pénal et a confirmé le reste de la sentence.

2.19À une date non précisée, un recours en grâce a été adressé au nom de M. Butaev au Président de la République du Tadjikistan. Au moment de la présentation de la communication, cette demande était restée sans réponse.

Teneur de la plainte

Cas de M. Ibrokhim Khuseynov

3.1Mme Khuseynova estime que son fils a été victime d’un placement en détention arbitraire. Premièrement, selon l’article 412 du Code de procédure pénale, un suspect ne peut être placé en garde à vue que sur la base d’un procès‑verbal la motivant. Une personne soupçonnée d’avoir commis un crime, doit obligatoirement être placée en centre de garde à vue (IVS). Or M. Khuseynov avait été retenu dans les locaux du Département des affaires intérieures du 26 au 28 juin 2001, l’établissement du procès‑verbal et son placement en garde à vue n’étant intervenus que quarante‑huit heures après son arrestation. Dans l’intervalle, on l’avait forcé à s’accuser. L’ordonnance de placement en détention provisoire ne lui avait été signifiée que le 30 juin 2001. Mme Khuseynova estime que le maintien de son fils en détention du 26 au 30 juin 2001 a constitué une violation du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte.

3.2Deuxièmement, le procureur peut, dans des cas exceptionnels, appliquer en vertu de l’article 83 du Code de procédure pénale une mesure de sûreté, telle que la privation de liberté avant l’inculpation en bonne et due forme, mais le Code ne précise pas ce qu’il faut entendre par «cas exceptionnels». Dans l’ordonnance de placement en détention provisoire, il est indiqué que M. Khuseynov est détenu pour «avoir commis un crime» alors qu’il n’a été inculpé en bonne et due forme que le 8 juillet 2001. Le premier auteur estime arbitraire le fait d’avoir édicté une ordonnance de placement en détention provisoire sans retenir officiellement des charges et sans motiver le caractère exceptionnel de la privation de liberté, contrairement à ce que prescrit l’article 83 du Code précité. Elle invoque les constatations du Comité dans l’affaire Mukong c. Cameroun, dans lesquelles il a confirmé que «l’arbitraire» ne devait pas être confondu avec le fait d’être «contraire à la loi», mais devait être interprété d’une manière plus large pour englober des éléments inappropriés, injustes, imprévisibles et contraires à la légalité. En l’espèce, M. Khuseynov est resté en garde à vue durant quinze jours sans inculpation en bonne et due forme.

3.3Mme Khuseynova affirme que son fils a été battu et forcé de s’avouer coupable, ce en violation de l’article 7 et du paragraphe 3 g) de l’article 14.

3.4Mme Khuseynova affirme qu’il y a eu violation des droits que garantit le paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte parce que la juridiction de jugement a été partiale. Elle estime qu’il y a eu aussi violation des droits garantis par le paragraphe 3 b) de l’article 14, parce que son fils a été interrogé en tant que suspect le 28 juin 2001, en l’absence d’avocat, et qu’il n’a eu accès à un avocat que le 8 juillet 2001. Conformément à l’article 51 du Code de procédure pénale, quiconque est soupçonné d’avoir commis un crime emportant la peine de mort doit être représenté par un avocat. En vertu du principe no 7 des Principes de base relatifs au rôle du barreau, «[l]es pouvoirs publics doivent en outre prévoir que toute personne arrêtée ou détenue, qu’elle fasse ou non l’objet d’une inculpation pénale, pourra communiquer promptement avec un avocat».

3.5Enfin, Mme Khuseynova fait valoir qu’il y a eu violation du droit à la vie, protégé par les paragraphes 1 et 2 de l’article 6 du Pacte parce que les violations de l’article 14 ont abouti à une condamnation à de mort illégale et injuste, prononcée par une juridiction incompétente.

Cas de M. Todzhiddin Butaev

3.6Mme Butaeva fait valoir que son fils a été battu et forcé de s’avouer coupable, ce en violation de l’article 7 et du paragraphe 3 g) de l’article 14 du Pacte. Durant sa détention au Ministère de la sécurité (du 4 juin au 14 juillet 2001) et jusqu’à son inculpation en bonne et due forme, le 22 juillet 2001, M. Butaev a été maintenu au secret et à l’isolement, totalement coupé du monde extérieur pendant quarante‑huit jours (du 4 juin au 22 juillet 2001). Mme Butaeva renvoie à l’Observation générale no 20 (44) du Comité, dans laquelle il recommande aux États parties de prendre des dispositions pour proscrire la détention au secret et note que l’isolement total prolongé d’une personne détenue ou incarcérée peut être assimilé aux actes prohibés par l’article 7.

3.7Mme Butaeva fait valoir que son fils a été victime d’une détention arbitraire. Il a été détenu au Ministère de la sécurité du 4 juin au 14 juillet 2001, ce n’est que quarante jours après son arrestation que le procès‑verbal motivant son placement en garde à vue a été établi et qu’il a été transféré au centre de garde à vue. Durant cette période, il a été forcé à témoigner contre lui‑même.

3.8Mme Butaeva estime que les droits garantis au paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte ont été violés parce que la juridiction de jugement a été partiale et a conduit les débats sur un mode accusatoire. Il y a eu violation du paragraphe 3 e) de l’article 14 parce que la Cour a rejeté une requête de l’avocat de M. Butaev tendant à obtenir la comparution et l’interrogatoire des témoins à charge, ainsi que de l’expert médico‑légal qui avait procédé à l’examen du 13 février 1998.

3.9Mme Butaeva considère qu’il y a eu violation des droits garantis au paragraphe 3 b) de l’article 14 parce que son fils a été interrogé comme suspect, le 14 juin 2001, en l’absence d’avocat et n’a pu communiquer avec un avocat que le 19 juillet 2001. Chaque fois qu’il a demandé à voir un avocat, il a été frappé par des agents du Ministère de la sécurité. En vertu de l’article 51 du Code de procédure pénale, quiconque est soupçonné d’un crime passible de la peine de mort doit obligatoirement être représenté par un avocat. En vertu du principe no 7 des Principes de base relatifs au rôle du barreau, «[l]es pouvoirs publics doivent en outre prévoir que toute personne arrêtée ou détenue, qu’elle fasse ou non l’objet d’une inculpation pénale, pourra communiquer promptement avec un avocat».

3.10Enfin, Mme Butaeva fait valoir qu’il y a eu violation du droit à la vie, protégé par les paragraphes 1 et 2 de l’article 6 du Pacte, parce que les violations de l’article 14 ont abouti à une condamnation à mort illégale et injuste, prononcée par une juridiction incompétente.

Observations de l ’ État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.Par une note du 27 juillet 2004, l’État partie a fait savoir que le 20 juillet 2004, le Président de la République du Tadjikistan avait accordé la grâce présidentielle à M. Khuseynov et à M. Butaev et commué la peine de mort en peine d’emprisonnement de longue durée. L’État partie n’a pas donné d’autres précisions.

Commentaires des auteurs sur les observations de l ’ État partie

5.1Dans une lettre du 13 décembre 2004, Mme Butaeva indique qu’en août 2004 elle n’avait pas pu remettre un paquet à son fils, qu’elle croyait alors toujours détenu dans le quartier des condamnés à mort. Elle a appris que la condamnation à mort avait été commuée et que son fils avait été transféré dans un établissement de Kurgan‑Tyube. Elle affirme n’avoir pas été officiellement informée de la commutation de peine dont son fils avait bénéficié. Mme Khuseynova affirme quant à elle dans une lettre du 16 décembre 2004 n’avoir appris la commutation de peine dont son fils avait bénéficié que par la lettre qu’elle a reçue du Comité en octobre 2004.

5.2Les deux auteurs considèrent que la commutation de la peine capitale prononcée contre leurs fils, MM. Khuseynov et Butaev, ne signifie pas que l’État partie leur a assuré une réparation adéquate pour la violation de leurs droits. Elles insistent donc pour que le Comité poursuive l’examen de leurs communications.

Observations supplémentaires de l ’ État partie

Cas de M. Ibrokhim Khuseynov

6.1Le 14 avril 2006, l’État partie a transmis un rapport du Procureur général du Tadjikistan, daté du 28 mars 2006, et une lettre du premier Vice‑Président de la Cour suprême, datée du 31 mars 2006. Dans son rapport, le Procureur général rappelle les crimes dont M. Khuseynov a été reconnu coupable et constate que la Cour a tenu compte aussi bien des circonstances aggravantes que des circonstances atténuantes pour établir la culpabilité de l’intéressé et déterminer sa peine. Il conclut que la peine prononcée contre M. Khuseynov était proportionnée aux crimes commis et qu’il n’y avait pas en l’espèce motif à engager une procédure de réexamen en supervision.

6.2Le premier Vice‑Président de la Cour suprême répète que la culpabilité de M. Khuseynov a été prouvée par ses propres aveux, faits pendant l’instruction ainsi qu’à l’audience, par les dépositions de témoins, par les procès‑verbaux de vérification des dépositions effectuée sur les lieux du crime, par les conclusions des expertises médico‑légale et balistique et par d’autres éléments de preuve. Au cours de l’instruction et en présence d’un avocat, M. Khuseynov a indiqué comment il avait tué deux des victimes et il a plaidé coupable. De surcroît, il avait commis une série de vols à main armée avec un groupe armé de M. Sanginov. Le premier Vice‑Président de la Cour suprême a donc conclu que la peine prononcée contre M. Khuseynov était légale et proportionnée.

Cas de M. Todzhiddin Butaev

6.3Dans un rapport également daté du 14 avril 2006, le Procureur général rappelle les crimes dont M. Butaev a été reconnu coupable et constate que la Cour a tenu compte aussi bien des circonstances aggravantes que des circonstances atténuantes pour établir la culpabilité de M. Butaev et déterminer sa peine. Il précise que les allégations de Mme Butaeva, selon laquelle la déposition de son fils avait été arrachée sous la torture, son arrestation n’avait pas donné lieu en temps voulu à l’établissement du procès‑verbal et il ne lui avait pas été attribué promptement d’avocat, n’ont pas été corroborées. Il ressort du dossier d’instruction et des pièces du procès que pendant l’instruction comme à l’audience, M. Butaev a déposé librement, sans subir de pressions et en présence de son avocat. Le Procureur général a conclu que la peine prononcée contre M. Butaev était proportionnée aux crimes commis et qu’il n’y avait pas en l’espèce motif à engager une procédure de réexamen en supervision.

6.4Dans une lettre également datée du 31 mars 2006, le premier Vice‑Président de la Cour suprême répète que la culpabilité de M. Butaev a été prouvée par ses propres aveux, faits pendant l’instruction ainsi qu’à l’audience, par les procès‑verbaux de vérification des dépositions effectuée sur les lieux du crime et par les conclusions des expertises médico‑légales. Il conclut donc que la peine prononcée contre M. Butaev était légale et proportionnée.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement et il note que l’État partie n’a pas contesté que les recours internes ont été épuisés dans les deux cas.

7.3Les auteurs font valoir qu’il y a eu violation des droits reconnus aux paragraphes 1 et 2 de l’article 9 du Pacte, parce que leurs fils ont été arrêtés et détenus illégalement pendant longtemps sans être inculpés en bonne et due forme. Le Comité note toutefois que les éléments dont il dispose ne lui permettent pas d’établir les circonstances exactes de leur arrestation. Il est en outre difficile de déterminer si ces griefs ont à un moment quelconque été soulevés devant les juridictions internes. Dans ces conditions, le Comité considère que cette partie des communications n’est pas suffisamment étayée aux fins de la recevabilité et elle est donc irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.4Les auteurs affirment qu’en violation du paragraphe 1 de l’article 14 le tribunal a été partial et tendancieux à l’égard de leurs fils (paragraphes 2.9, 2.17, 3.4 et 3.8 ci-dessus). Le Comité constate que ces affirmations portent essentiellement sur l’appréciation des faits et des éléments de preuve par le tribunal. Il rappelle qu’il appartient généralement aux juridictions des États parties au Pacte d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans un cas d’espèce, sauf s’il peut être établi que cette appréciation a été manifestement arbitraire ou a constitué un déni de justice. En l’espèce, le Comité considère la démonstration des auteurs insuffisante pour établir que le procès a été entaché de telles irrégularités. Par conséquent, le Comité conclut que les auteurs n’ont pas suffisamment étayé leur grief au titre de cette disposition et que cette partie de la communication est donc irrecevable au titre de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.5Le Comité considère que les autres griefs tirés de l’article 6 du Pacte, lu conjointement avec l’article 14, de l’article 7 et des paragraphes 1 et 3 b) et 3 g), de l’article 14, en ce qui concerne MM. Khuseynov et Butaev, ainsi que l’allégation formulée par Mme Butaeva, sur le fondement du paragraphe 3 e) de l’article 14, en ce qui concerne son fils, sont suffisamment étayés, aux fins de la recevabilité, et procède à leur examen quant au fond.

Examen au fond

8.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné les communications en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

8.2Les auteurs affirment que leurs fils ont été frappés et torturés par des agents du Département des affaires intérieures (cas de M. Khuseynov) ou des agents du Ministère de la sécurité (cas de M. Butaev) pour leur faire avouer leur culpabilité, ce en violation des dispositions de l’article 7 et du paragraphe 3 g) de l’article 14 du Pacte. Elles indiquent qu’ils sont revenus sur leurs aveux devant le tribunal, en affirmant qu’ils leur avaient été arrachés sous la torture; le tribunal n’a pas tenu compte du fait qu’ils contestaient que leurs aveux aient été spontanés. En l’absence de toute explication pertinente sur ce point de la part de l’État partie, le crédit voulu doit être accordé aux allégations des auteurs. Le Comité rappelle que dès lors qu’une plainte pour mauvais traitements contraires à l’article 7 a été déposée, les États parties sont tenus de conduire sans retard une enquête impartiale. À ce propos, le Comité rappelle la description assez détaillée que les auteurs ont faite du traitement auquel leurs fils avaient été soumis. Il considère que dans ces circonstances l’État partie n’a pas démontré que les autorités avaient prêté suffisamment attention aux allégations de torture avancées par les auteurs, et relève qu’il n’a pas fourni de copies de documents établis à l’issue d’enquêtes internes ni de rapports médicaux à ce sujet.

8.3De plus, en ce qui concerne le grief de violation des droits garantis au paragraphe 3 g) de l’article 14 du Pacte, en ce que les fils des auteurs ont été forcés de signer des aveux, le Comité doit examiner les principes qui sous‑tendent cette garantie. Il rappelle sa jurisprudence sur ce point, et réaffirme que la formule employée au paragraphe 3 g) de l’article 14, selon laquelle toute personne a droit «à ne pas être forcée de témoigner contre elle‑même ou de s’avouer coupable», doit être entendue comme l’absence de toute contrainte, physique ou psychologique, directe ou indirecte, exercée par les autorités chargées de l’enquête sur la personne accusée en vue d’obtenir d’elle un aveu de culpabilité. Le Comité rappelle que, dans les cas d’aveux forcés, c’est à l’État partie qu’il incombe de prouver que l’accusé a fait ses déclarations de son plein gré. Il découle implicitement du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif que l’État partie est tenu d’enquêter de bonne foi sur toutes les allégations de violation du Pacte portées contre lui et ses représentants et de transmettre au Comité l’information qu’il détient. Le Comité tient compte du fait que l’État partie n’a pas fourni d’arguments corroborés par des documents pertinents pour réfuter les allégations des auteurs selon lesquelles leurs fils ont été contraints à avouer leur culpabilité, bien que l’État partie ait eu la possibilité de le faire, tandis que les auteurs les ont suffisamment étayées. En l’espèce, le Comité conclut que les faits dont il a été saisi font apparaître une violation de l’article 7, lu conjointement avec le paragraphe 3 g) de l’article 14, du Pacte.

8.4En ce qui concerne le grief de violation du paragraphe 3 b) de l’article 14, du fait que les fils des auteurs n’ont pas été informés à leur arrestation de leur droit d’être représentés par un avocat, qu’un avocat ne leur a été commis d’office que douze jours (M. Khuseynov) ou quarante‑huit jours (M. Butaev) plus tard et que la plupart des actes d’instruction prévus n’ont pas été régulièrement effectués, en particulier pendant la période où ils subissaient des passages à tabac et des actes de torture, le Comité regrette à nouveau l’absence de toute explication pertinente de la part de l’État partie. Il rappelle que, tout particulièrement dans les affaires où la peine capitale est susceptible d’être prononcée, il est impératif que l’accusé soit effectivement assisté d’un avocat à tous les stades de la procédure. Dans les présentes affaires, plusieurs des chefs d’accusation retenus contre les fils des auteurs emportaient la peine de mort et ils n’ont pas bénéficié d’une défense effective sur le plan légal, même si un avocat a été commis d’office par l’enquêteur et si, par la suite, un avocat a été engagé par la famille (pour M. Khuseynov). Les éléments dont le Comité est saisi ne permettent pas de déterminer clairement si M. Butaev a ou non demandé un avocat privé, ou si MM. Khuseynov et Butaev ont ou non contesté le choix de l’avocat commis d’office. En tout état de cause, et en l’absence d’une quelconque explication pertinente de la part de l’État partie sur ce point précis, le Comité réaffirme que des dispositions doivent être prises pour faire en sorte que le conseil, une fois commis d’office, représente effectivement l’accusé dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice. En conséquence, le Comité est d’avis que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des droits reconnus à MM. Khuseynov et Butaev par le paragraphe 3 b), de l’article 14 du Pacte.

8.5Le Comité a pris note de l’affirmation de Mme Butaeva selon laquelle l’avocat de son fils avait adressé au tribunal une requête, que le juge avait rejetée sans donner de motifs, en vue de la comparution et de l’interrogatoire à l’audience des témoins à charge, ainsi que de l’expert médico‑légal ayant procédé à l’examen du 13 février 1998. Le Comité rappelle qu’en tant qu’application du principe de l’égalité des armes, la garantie énoncée au paragraphe 3 e) de l’article 14 est importante car elle permet à l’accusé et à son conseil de conduire effectivement la défense et garantit donc à l’accusé les mêmes moyens juridiques qu’à l’accusation pour obliger les témoins à être présents et pour interroger tous les témoins à charge ou les soumettre à un contre‑interrogatoire. Elle ne confère pas cependant un droit illimité d’obtenir la comparution de tout témoin demandée par l’accusé ou son conseil, mais garantit seulement le droit de faire comparaître les témoins utiles pour la défense et d’avoir une possibilité adéquate d’interroger les témoins à charge et de les soumettre à un contre‑interrogatoire à un stade ou un autre de la procédure. Dans ces limites et sous réserve des restrictions imposées à l’utilisation de déclarations, aveux et autres éléments de preuve obtenus en violation de l’article 7, c’est essentiellement à la législation des États parties qu’il revient de déterminer la recevabilité des éléments de preuve et les modalités d’appréciation de ceux‑ci par leurs tribunaux. En l’espèce, le Comité relève que la plupart des témoins et l’expert médico‑légal visés dans la requête de l’avocat de M. Butaev, qu’a rejetée le juge, auraient pu fournir des renseignements pertinents pour déterminer si, comme il l’affirmait, M. Butaev avait pendant l’instruction fait des faveux forcés sous la torture. Ce facteur conduit le Comité à conclure que les tribunaux de l’État partie n’ont pas respecté la prescription d’égalité entre l’accusation et la défense dans l’administration des preuves et qu’il s’agit là d’un déni de justice. En conséquence, le Comité conclut qu’il y a eu violation du droit garanti par le paragraphe 3 e) de l’article 14 du Pacte.

8.6Le Comité rappelle sa jurisprudence et réaffirme qu’une condamnation à mort prononcée à l’issue d’un procès dans lequel les garanties d’un procès équitable n’ont pas été respectées constitue également une violation de l’article 6 du Pacte. En l’espèce, les condamnations à mort prononcées le 24 février 2003 ont toutefois été commuées en peines d’emprisonnement de longue durée le 20 juillet 2004. Le Comité considère que, dans ces conditions, la question de la violation du droit à la vie de MM. Khuseynov et Butaev est devenue sans objet.

9.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des droits garantis à MM. Khuseynov et Butaev par l’article 7, lu conjointement avec le paragraphe 3 g) de l’article 14, des paragraphes 1 et 3 b) de l’article 14 et, dans le cas de M. Butaev, du droit reconnu au paragraphe 3 e) de l’article 14 du Pacte.

10.En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à MM. Ibrokhim Khuseynov et Todzhiddin Butaev un recours utile, y compris une indemnité adéquate et un nouveau procès. L’État partie est en outre tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir.

11.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre‑vingt jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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