NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.RESTREINTE*

CCPR/C/94/D/1638/200718 novembre 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑quatorzième session13‑31 octobre 2008

DÉCISION

Communication n o  1638/2007

Présentée par:

Harmon Lynn Wilfred (représenté par un conseil, M. Guneet Chaudhary)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Canada

Date de la communication:

7 novembre 2007 (date de la lettre initiale)

Date de la présente décision:

30 octobre 2008

Objet: Violations présumées des droits de l’homme par un État non partie au Protocole facultatif, de connivence avec un État partie

Questions de procédure: Absence d’éléments de preuve; requête dirigée contre un État non partie au Protocole facultatif

Articles du Pacte: 6, 7, 9 (par. 1 et 5), 10 (par. 1), 12, 13, 14, 15, 16, 17 et 26

Article s du Protocole facultatif: 1 et 2

[ANNEXE]

ANNEXE

DÉCISION DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME EN VERTU DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre ‑vingt ‑quatorzième session

concernant la

Communication n o 1638/2007*

Présentée par:

Harmon Lynn Wilfred (représenté par un conseil, M. Guneet Chaudhary)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Canada

Date de la communication:

7 novembre 2007 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni l e 30 octobre 2008,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication est Harmon Lynn Wilfred, originellement un ressortissant des États‑Unis d’Amérique, qui a renoncé à sa nationalité américaine et réside actuellement en Nouvelle‑Zélande. Il affirme être victime de violations par le Canada et les États‑Unis d’Amérique de l’article 6, de l’article 7, des paragraphes 1 et 5 de l’article 9, du paragraphe 1 de l’article 10, et des articles 12, 13, 14, 15, 16, 17 et 26 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour le Canada le 19 mai 1976. L’auteur est représenté par un conseil, M. Guneet Chaudhary.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1En 1992, l’auteur était employé par des entrepreneurs du bâtiment chargés d’aider à la rénovation et à la vente de biens immobiliers acquis par la Caisse de retraite du comté d’El Paso, aux États‑Unis. Au cours des opérations de location, de rénovation et de vente de ces biens pour le compte de la Caisse de retraite, il a découvert d’importantes malversations. En 1994, il a communiqué ces informations au ministère public, qui n’a pas diligenté d’enquête. L’auteur aurait ultérieurement découvert que le parquet était impliqué dans ces malversations.

2.2L’auteur a également signalé ces irrégularités au Federal Bureau of Investigation (FBI), qui a obligé le ministère public à ouvrir une enquête. À la suite de cette enquête, un certain nombre de membres du conseil d’administration de la Caisse de retraite ont été condamnés à une amende et licenciés. L’auteur estime que cette dénonciation lui a causé des difficultés dans des procédures ultérieures devant le tribunal aux affaires familiales du comté d’El Paso.

2.3En 1996, l’auteur s’est établi comme consultant financier international. Ses services ont été retenus par la Central Intelligence Agency (CIA), qui l’a engagé comme conseiller financier et intermédiaire dans une transaction concernant la fourniture d’une aide humanitaire au Guatemala. En 1998, l’US Securities and Exchange Commission (SEC) a lancé une enquête publique, affirmant qu’une transaction financière dans laquelle l’auteur était impliqué était illégitime. L’auteur a tenté de remettre à la SEC des informations prouvant que la transaction était en fait légitime, mais celle‑ci n’a accueilli aucune des pièces justificatives qu’il présentait. L’auteur affirme avoir reçu des menaces de mort pendant que l’enquête était en cours.

2.4Dans la même période, l’auteur a entamé une procédure de divorce et a déménagé dans l’Ontario (Canada) avec ses enfants. Pendant qu’il se trouvait au Canada, une audience s’est tenue et un juge américain a accordé la garde des enfants à sa femme. Le 17 octobre 1997, il a été accusé d’enfreindre les droits de garde et un mandat d’arrêt a été décerné contre lui. Le Procureur du comté d’El Paso a obtenu l’autorisation de demander au Canada l’extradition de l’auteur.

2.5Le 14 février 1998, les autorités canadiennes se sont rendues au domicile de l’auteur au Canada, se sont emparées des enfants et les ont rapatriés au Colorado (États‑Unis d’Amérique). Elles ont arrêté l’auteur à son domicile, en omettant, selon lui, de lui faire lecture du rappel de ses droits. L’agent qui l’a arrêté a déclaré qu’il n’était en possession d’aucun document ni élément de preuve provenant des États‑Unis susceptible de confirmer ou d’étayer quelque accusation que ce soit et qu’il était le simple exécutant d’un mandat d’arrêt. L’auteur a été incarcéré dans l’Ontario pendant quatre‑vingt‑neuf jours avant d’être libéré sous caution. Il affirme avoir été soumis en prison à des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le 27 avril 1998, alors qu’il était détenu, il a été déclaré légalement divorcé par le tribunal aux affaires familiales du Colorado.

2.6Le 1er juin 1998, l’auteur a été traduit devant un tribunal canadien pour une audience d’extradition. Il affirme que l’extradition a été autorisée sur le seul fondement d’une preuve indirecte fournie par le Procureur du comté d’El Paso. Il a été réincarcéré par le juge canadien pour une période supplémentaire de trente et un jours, en attendant son extradition vers le Colorado. Ayant fait appel de l’ordonnance d’extradition, il a été libéré sous caution en juillet 1998.

2.7Le 5 avril 2000, l’auteur a été extradé vers les États‑Unis. Selon ses dires, alors qu’en vertu de la règle de la spécialité il ne pouvait être inculpé aux États‑Unis que des infractions pour lesquelles il avait été extradé et pour aucune autre raison, il a été incarcéré à El Paso pour des infractions sans lien avec l’extradition. Après avoir plaidé non coupable de ces infractions, il a été libéré sous caution.

2.8Le 7 avril 2000, l’auteur est retourné au Canada. Il affirme qu’alors qu’il se trouvait au Canada, des accusations secrètes ont été portées contre lui et que, lorsqu’il est retourné aux États‑Unis,il a été arrêté pour non‑paiement d’aliments, charge dont il n’avait pas eu connaissance auparavant. Le 26 mai 2000, un juge fédéral des États‑Unis a rejeté ces accusations sur le fondement d’une violation du Traité d’extradition entre les États‑Unis d’Amérique et le Canada. Toutefois, alors que sa mise en liberté immédiate avait été ordonnée, il a de nouveau été arrêté et maintenu pendant quatre jours dans un centre de détention. Il n’a pas été informé des motifs de son arrestation ni n’a pu les contester devant un juge. Enfin, le 30 mai 2000, l’auteur a été libéré et renvoyé au Canada sans avoir été reconnu coupable d’aucune infraction.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur invoque des violations par le Canada et les États‑Unis d’Amérique des articles 6 et 7, des paragraphes 1 et 5 de l’article 9, du paragraphe 1 de l’article 10 et des articles 12, 13, 14, 15, 16, 17 et 26 du Pacte.

3.2Concernant l’article 6, l’auteur déclare craindre pour sa vie d’une manière générale s’il devait retourner ou être rapatrié aux États‑Unis ou au Canada.

3.3En ce qui concerne l’article 7, l’auteur se plaint des conditions de détention dans la prison canadienne qui, selon lui, constituent une torture ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Il aurait en particulier souffert d’une constante privation de sommeil, de restrictions disproportionnées des périodes d’exercice en plein air et de l’utilisation sans nécessité de menottes, chaînes et entraves.

3.4Concernant l’article 4, l’auteur déclare avoir été arrêté sans être informé de ses droits au Canada.

Délibération du Comité

4.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

4.2Le Comité note que plusieurs des allégations de l’auteur semblent dirigées contre les autorités des États‑Unis d’Amérique. Puisque les États‑Unis d’Amérique n’ont pas ratifié le Protocole facultatif au Pacte ni n’y ont adhéré, le Comité juge que ces parties de la communication sont irrecevables en vertu de l’article premier du Protocole facultatif.

4.3Le Comité note en outre que l’auteur a fait plusieurs autres allégations générales et non spécifiées de violation des dispositions du Pacte, sans fournir d’éléments de preuve suffisants à l’appui de ses allégations de violation des articles 6 et 7, des paragraphes 1 et 5 de l’article 9, du paragraphe 1 de l’article 10 et des articles 12, 13, 14, 15, 16, 17 et 26 du Pacte par le Canada. Au lieu de cela, il se borne à des dénonciations d’ordre général, sans offrir d’informations à l’appui de ses allégations. Dans ces conditions, le Comité estime que l’auteur n’a pas, aux fins de la recevabilité, suffisamment étayé l’allégation selon laquelle il est victime de ces violations présumées du Pacte. La communication est donc irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

4.4En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu des articles 1er et 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie, à l’auteur et à son conseil.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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