NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.RESTREINTE*

CCPR/C/94/D/1578/200720 novembre 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑quatorzième session13-31 octobre 2008

DÉCISION

Communication n o 1578/2007

Présentée par:

Javed Dastgir (représenté par un conseil, M. Stewart Istvanffy)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Canada

Date de la communication:

26 juillet 2007 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 27 juillet 2007 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision:

30 octobre 2008

Objet: Expulsion vers le Pakistan à la suite du rejet d’une demande d’asile

Questions de procédure: Irrecevabilité pour non-épuisement des recours internes

Question s de fond: Recours utile; droit à la vie; torture ou peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant; contestations sur des droits de caractère civil; liberté de religion

Article s du Pacte: 6, 7, 14, 18 et 2

Article s du Protocole facultatif: 2 et 3

[ANNEXE]

ANNEXE

DÉCISION DU COMITÉ DES DROITS DE L ’ HOMME EN VERTU DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre-vingt ‑ quatorzième session

concernant la

Communication n o  1578/2007**

Présentée par:

Javed Dastgir (représenté par un conseil, M. Stewart Istvanffy)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Canada

Date de la communication:

26 juillet 2007 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le30 octobre 2008,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.1L’auteur de la communication est M. Javed Dastgir, de nationalité pakistanaise, musulman chiite, dont on ignore où il se trouve actuellement. Il affirme que son renvoi au Pakistan constituerait une violation par l’État partie des articles 6, 7, 14, 18 et 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il est représenté par un conseil, M. Stewart Istvanffy.

1.2Le 30 juillet 2007, au nom du Comité, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires a rejeté la demande de mesures provisoires de protection formulée par l’auteur.

Rappel des faits présentés par l ’ auteur

2.1L’auteur vivait à Lahore, dans la province du Penjab, bastion du groupe sectaire sunnite Sipah‑E‑Sahaba‑Pakistan (SSP). Il affirme qu’il était persécuté par le SSP parce qu’il était un membre éminent du groupe chiite et qu’il participait aux activités d’une organisation bénévole (Anjuman Hussainia) associée à son temple (Imambargha) à Lahore. Il dit avoir été roué de coups par des membres du SSP en trois occasions. Le 14 janvier 1998, il a été frappé à la suite d’un discours qu’il avait prononcé lors d’une manifestation contre le SSP. Le 31 mai 2000, il a été frappé et poignardé alors qu’il supervisait la construction d’un centre communautaire d’aide sociale pour le compte de l’Anjuman Hussainia, et on a dû lui faire 21 points de suture à la jambe. Il dit qu’il a fait une déposition à la police et qu’il a écrit au commissaire adjoint de la police de Lahore à ce sujet, mais qu’aucune mesure n’a été prise. Le 3 août 2001, il a été agressé et frappé par des membres du SSP. Il a porté plainte auprès de la police mais aucune mesure n’a été prise. Il fournit des certificats médicaux à l’appui de ces allégations de passages à tabac.

2.2Selon l’auteur, le 25 juin 2000, des membres du SSP ont harcelé sa famille en entrant de force au domicile familial à sa recherche. Le 2 octobre 2001, le SSP a tiré des coups de feu devant leur maison et les a menacés. L’auteur affirme que le choc provoqué par ces incidents a rendu sa mère malade et qu’elle est décédée en octobre 2001. Il affirme en outre qu’en 2005, son frère a été tué par la police en raison des liens qu’il entretenait avec des militants politiques.

2.3Après avoir consulté les chefs de sa communauté et sa famille, et vu qu’il ne pouvait trouver aucun endroit au Pakistan où échapper aux persécutions, l’auteur a décidé de chercher refuge à l’étranger. Il s’est rendu au Canada et a demandé le statut de réfugié en septembre 2001. Le 19 juin 2003, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a estimé que l’auteur n’était pas un réfugié au sens de la Convention, principalement parce qu’il n’avait pas prouvé son identité. Selon l’auteur, la Commission n’a pas tenu suffisamment compte des pièces qu’il avait fournies à l’appui de sa demande et la décision a été prise par un membre de la Commission qui rejette la plupart des demandes d’asile.

2.4Le 17 septembre 2003, une demande d’examen judiciaire de cette décision a été rejetée. Le 17 mars 2007, l’auteur a demandé un examen des risques avant renvoi, qui a été refusé le 2 mai 2007. Des allégations semblables à celles qui avaient été formulées contre le membre de la Commission ont été faites à l’encontre du fonctionnaire chargé de l’affaire. Le 19 juin 2007, l’auteur a demandé le réexamen judiciaire de cette décision ainsi qu’un sursis à l’expulsion. Il affirme que le réexamen judiciaire par la Cour fédérale ne correspond pas à un appel sur le fond mais consiste en un examen très restreint qui vise à rechercher de grossières erreurs de droit et qui n’a pas d’effet suspensif. Le 23 juillet 2007, la demande de sursis a été rejetée au motif que l’auteur n’avait pas démontré un risque de préjudice irréparable. L’auteur affirme qu’il n’a pas demandé de visa pour raisons humanitaires du fait qu’il avait déjà déposé une demande d’examen des risques avant renvoi et que la véritable raison pour laquelle il devait rester au Canada était qu’il risquait d’être assassiné au Pakistan.

2.5L’auteur déclare que la situation générale des droits de l’homme au Pakistan est très préoccupante et qu’il y a eu de nombreux attentats à la voiture piégée et des massacres de civils, en particulier de chiites. Les personnes qui le persécutent bénéficient de l’impunité au Pakistan, ce qu’attestent de nombreux rapports relatifs aux droits de l’homme et articles de journaux.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur déclare avoir épuisé tous les recours internes disponibles qui auraient pu avoir pour effet d’empêcher son expulsion. Il affirme que son expulsion constituerait une violation des articles 6 et 7 du Pacte car il risquerait d’être soumis à la torture ou assassiné, d’autant qu’il a déjà fait l’objet de deux tentatives de meurtre et que son frère a été tué.

3.2L’auteur dénonce en outre une violation de l’article 2, en ce que les procédures d’examen des risques avant renvoi et de réexamen d’une décision pour raisons humanitaires ne répondent pas à l’obligation de l’État partie de lui assurer un recours utile. Il dénonce une violation de l’article 14 parce qu’il n’a pas été «tenu dûment compte de ses droits fondamentaux» ainsi qu’une violation de l’article 18 «parce qu’il a été persécuté en raison de ses convictions religieuses».

3.3L’auteur formule des plaintes générales concernant les procédures d’examen des demandes d’asile au Canada, affirmant notamment que l’évaluation du risque est effectuée par des fonctionnaires des services de l’immigration qui ne sont pas compétents en matière de droit international des droits de l’homme ni en matière juridique tout court, et qui ne sont ni impartiaux, ni indépendants, ni qualifiés.

Observations de l ’ État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 11 décembre 2007, l’État partie a communiqué ses observations sur la recevabilité et sur le fond. Il fournit des explications détaillées à propos de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, du fonctionnaire chargé de l’évaluation des risques avant renvoi et du réexamen judiciaire de la décision prise par ce dernier. La Commission a considéré, entre autres choses, que les allégations de l’auteur n’étaient pas crédibles et que l’histoire qu’il racontait était «fabriquée de toutes pièces». Elle est parvenue à cette conclusion en se fondant sur les éléments suivants: l’auteur n’avait pas prouvé son identité; il manquait de crédibilité, vu qu’il donnait des informations contradictoires; et il n’avait pas démontré qu’il risquait d’être persécuté et qu’il ne pouvait bénéficier d’aucune protection au Pakistan. Les éléments qui jetaient un doute sérieux quant à son identité étaient le fait qu’il avait un faux passeport, les explications qu’il avait fournies au sujet d’un prétendu surnom, le fait que sa carte d’identité n’était pas en règle, la facilité avec laquelle il pouvait se procurer de faux papiers, et les trois, voire quatre, noms différents qu’il utilisait. L’État partie déclare que l’auteur a bien demandé l’autorisation de se pourvoir devant les autorités judiciaires contre le rejet de sa demande d’évaluation des risques avant renvoi, mais sa demande a été rejetée parce qu’il n’avait pas dûment rempli le formulaire prévu à cet effet. Donc, sa demande d’autorisation n’a jamais été déposée en bonne et due forme auprès de la Cour fédérale et elle a été rejetée pour défaut de diligence dans le dépôt de la demande.

4.2Le fonctionnaire chargé de l’évaluation des risques avant renvoi a conclu que les pièces fournies ne démontraient pas que l’auteur courrait personnellement un risque s’il était renvoyé au Pakistan. Les articles de journaux n’avaient qu’une faible valeur probante étant donné qu’il s’agissait de photocopies dont il était difficile de vérifier l’authenticité, le nom de l’auteur n’était pas mentionné dans les articles et les faits cités n’établissaient pas de lien entre l’auteur et ses allégations de risque. Le fonctionnaire a conclu que malgré la persistance de la violence sectaire et du conflit politique dans le pays, l’auteur n’avait pas démontré qu’il courrait personnellement un risque. Il n’avait pas établi de lien entre le décès présumé de son frère et le risque de persécution dont il faisait état. Le raisonnement qui sous-tendait le rejet de sa demande de sursis à l’exécution de l’arrêté d’expulsion était fondé, non seulement sur le fait que l’auteur n’avait pas prouvé qu’il subirait un préjudice irréparable, mais aussi sur le fait que ses «allégations de risque en cas de renvoi au Pakistan avaient été examinées et tranchées par le fonctionnaire chargé de l’évaluation des risques avant renvoi» et qu’«il n’y [avait] aucune raison pour la Cour d’intervenir à ce stade car la manière dont le fonctionnaire [avait] examiné les allégations de risque n’[était] ni viciée ni déraisonnable». À la suite de la décision négative du fonctionnaire en question, l’auteur a reçu l’ordre de quitter le Canada le 31 juillet 2007 en vertu de l’arrêté d’expulsion. Comme il ne s’est pas présenté à l’aéroport, un mandat d’arrêt a été délivré à son encontre. On ne sait toujours pas où il se trouve.

4.3L’État partie conteste la recevabilité de la communication au motif que les griefs soulevés au titre des articles 6 et 7 sont irrecevables pour non-épuisement des recours internes et défaut de fondement, et ceux tirés des articles 2, 14 et 18, irrecevables pour incompatibilité avec les dispositions du Pacte et défaut de fondement. Il affirme que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes puisqu’il n’a pas dûment complété sa demande d’autorisation de se pourvoir devant les autorités judiciaires contre la décision négative du fonctionnaire chargé de l’évaluation des risques avant renvoi et qu’il n’a pas demandé un permis de résidence permanente pour raisons humanitaires. Il renvoie à la jurisprudence du Comité, et à celle du Comité contre la torture, pour démontrer que le réexamen judiciaire est reconnu comme un recours utile qui doit être épuisé aux fins de la recevabilité d’une communication et que l’auteur aurait pu présenter les mêmes arguments dans le cadre d’un recours contre la décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié que ceux qu’il a avancés devant le Comité, à savoir que les éléments de preuve ont été rejetés de façon arbitraire et que la Commission n’examine pas les cas qui lui sont soumis avec le sérieux voulu. En particulier, l’État partie se réfère au fait que le Comité contre la torture a récemment constaté l’efficacité des recours formés devant la Cour fédérale contre le rejet de demandes d’examen pour raisons humanitaires, pour ce qui était d’assurer l’équité du système de détermination du statut de réfugié au Canada.

4.4L’État partie fait valoir que la demande d’examen pour raisons humanitaires constitue une voie de recours disponible et utile et que tant le Comité contre la torture que le Comité des droits de l’homme ont, dans des constatations qu’ils ont adoptées récemment, considéré que ce recours devait être épuisé pour qu’une communication puisse être déclarée recevable. Le critère est le point de savoir si le requérant «subirait un traitement inusité, non mérité ou disproportionné» s’il devait demander un visa de résident permanent depuis l’étranger. Une telle demande peut être fondée sur des allégations de risque, auquel cas le fonctionnaire évalue les risques que le requérant courrait dans le pays vers lequel il serait renvoyé en tenant compte, notamment, du risque de traitement excessivement dur ou inhumain, ainsi que de la situation dans le pays.

4.5L’État partie objecte que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ses griefs au titre des articles 6 et 7. Ceux-ci sont fondés sur les faits et éléments de preuve déjà présentés devant les autorités nationales, et aucun élément nouveau ne donne à penser que l’auteur court personnellement le risque d’être torturé ou maltraité au Pakistan. L’État partie se fie aux décisions prises par les autorités nationales et affirme qu’il n’appartient pas au Comité de revenir sur les conclusions des juridictions nationales compétentes concernant la crédibilité sauf, comme l’a indiqué le Comité lui-même, «s’il est manifeste que cette évaluation était arbitraire ou a constitué un déni de justice». Pour le cas où le Comité souhaiterait réévaluer les conclusions des autorités nationales, l’État partie expose en détail le raisonnement sur lequel elles étaient fondées.

4.6L’État partie fait valoir que l’article 2 ne garantit pas aux particuliers un droit existant isolément, mais qu’il décrit la nature et la portée des obligations des États parties. Il renvoie à la jurisprudence du Comité selon laquelle, conformément à l’article 2, seule une violation établie d’un droit énoncé dans le Pacte ouvre droit à un recours, et affirme que par conséquent cette plainte est irrecevable. À titre subsidiaire, l’auteur n’a pas étayé ses allégations au titre de cette disposition, étant donné le large éventail de recours utiles disponibles dans l’État partie. L’auteur a eu la possibilité de contester son expulsion devant différents organes internes qui pouvaient examiner son affaire en toute impartialité. Il n’a pas dûment complété sa demande de réexamen judiciaire de la décision prise par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, ni demandé un examen pour raisons humanitaires ce qui lui aurait permis de demander l’autorisation de se pourvoir devant les autorités judiciaires en cas de décision négative. Il a bien demandé le réexamen judiciaire de la décision du fonctionnaire chargé de l’évaluation des risques avant renvoi, mais il lui a été refusé. En conséquence, il n’a pas démontré que ce système, du fait de l’un des mécanismes qui le composent ou dans son ensemble, ne pouvait lui offrir un recours utile.

4.7L’État partie fait valoir que les procédures d’examen des demandes de protection ou du statut de réfugié n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 14. Elles relèvent du droit public et leur équité est garantie par l’article 13. L’État partie conclut donc que ce grief est irrecevable ratione materiae en vertu du Pacte. Pour le cas où la référence de l’auteur à l’article 14 serait erronée et où le Comité souhaiterait examiner ses allégations au titre de l’article 13, l’État partie affirme que les allégations sont irrecevables pour incompatibilité avec les dispositions du Pacte. Étant donné que l’auteur ne court aucun risque au Pakistan et qu’il fait l’objet d’un arrêté d’expulsion en bonne et due forme, il ne séjourne pas «légalement sur le territoire» du Canada. À titre subsidiaire, l’État partie fait valoir que l’auteur n’a pas établi que les procédures qui ont abouti à la délivrance de l’arrêté d’expulsion n’étaient pas conformes à la légalité ni que le Gouvernement canadien a agi de mauvaise foi ou abusé de son pouvoir. L’auteur a été entendu par un tribunal indépendant, était représenté par un conseil, et a eu toute latitude pour participer à la procédure, y compris en témoignant oralement et en formulant des observations écrites. Il avait la possibilité de demander le réexamen judiciaire de la décision prise par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié ainsi qu’un examen des risques avant renvoi et un examen pour raisons humanitaires, ce qui incluait la possibilité de demander l’autorisation de se pourvoir devant les autorités judiciaires contre toute décision négative.

4.8L’État partie fait valoir qu’il n’appartient pas au Comité d’évaluer le système canadien de détermination du statut de réfugié en général, mais uniquement d’examiner si, en l’espèce, l’État partie s’est acquitté de ses obligations en vertu du Pacte. Il affirme que la procédure d’examen des risques avant renvoi constitue un mécanisme interne efficace pour protéger quiconque pourrait être exposé à un risque en cas d’expulsion. L’État partie renvoie le Comité à plusieurs décisions de la Cour fédérale, notamment dans Say v. Canada (Solicitor General), dans lesquelles la question de l’indépendance des fonctionnaires chargés de l’évaluation des risques avant renvoi a été examinée en détail. En réponse à l’argument selon lequel le fonctionnaire chargé de l’évaluation des risques avant renvoi n’a pas examiné les éléments qui avaient auparavant été présentés à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, l’État partie déclare que ce choix est conforme au mandat du fonctionnaire en vertu de l’article 113 a) de la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Le fonctionnaire a déclaré à juste titre que «le processus d’examen des risques avant renvoi ne constitue par (sic) un pallier d’appel ou de révision de la décision négative de la section de la protection des réfugiés». L’État partie affirme que les plaintes générales que l’auteur formule au sujet de la procédure d’examen des risques avant renvoi sont entièrement dénuées de fondement et que le faible taux d’acceptation des demandes est dû au fait qu’à ce stade la plupart des personnes qui avaient besoin d’une protection l’ont déjà obtenue de la part de la Commission.

4.9L’État partie déclare que le Comité ne devrait pas substituer ses propres conclusions à celles de l’État sur le point de savoir s’il existe un risque raisonnable que l’auteur subisse un traitement contraire aux dispositions du Pacte à son retour au Pakistan, étant donné que l’on n’a relevé aucune erreur manifeste ou caractère déraisonnable dans les décisions des autorités nationales, qui n’étaient entachées ni d’abus de procédure, ni de parti pris, ni de graves irrégularités. C’est aux juridictions nationales des États parties qu’il appartient d’évaluer les faits et les éléments de preuve dans un cas d’espèce. Le Comité ne devrait pas devenir une «quatrième instance».

4.10Quant au grief tiré de l’article 18 du Pacte, l’État partie suppose que l’auteur veut dire que s’il était expulsé, il subirait des persécutions religieuses au motif qu’il affirme être musulman chiite. L’État partie fait valoir que les autorités nationales, à tous les niveaux, n’ont pas estimé qu’il était en danger ou qu’il courait un risque à cause de sa religion. De plus, l’article 18 n’interdit pas à un État d’expulser une personne vers un autre État qui n’assure pas la protection prévue dans cet article. Ce n’est qu’à titre exceptionnel que le Comité a défendu l’application extraterritoriale des droits garantis par le Pacte, protégeant ainsi le caractère essentiellement territorial de ces droits. Selon l’État partie, le fait de limiter le pouvoir d’un État de contrôler l’immigration en donnant un caractère extraterritorial aux articles du Pacte reviendrait à nier la souveraineté de cet État pour ce qui est d’expulser les étrangers de son territoire.

5.Le conseil de l’auteur a été prié de répondre aux observations de l’État partie par une note du 12 décembre 2007, suivie de deux rappels, le 8 mai 2008 et le 4 août 2008, mais l’auteur n’a pas répondu aux arguments de l’État partie.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Concernant la question de l’épuisement des recours internes, le Comité note l’argument de l’État partie, qui affirme que l’auteur s’est abstenu d’utiliser plusieurs voies de recours. Il n’a pas dûment rempli sa demande d’autorisation de se pourvoir devant les autorités judiciaires contre la décision négative de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, raison pour laquelle sa demande a été rejetée, et il n’a pas non plus déposé de demande d’examen pour raisons humanitaires, parce qu’il était convaincu que la décision du fonctionnaire chargé de l’évaluation des risques avant renvoi serait confirmée. Le Comité rappelle que de simples doutes quant à l’efficacité des voies de recours internes n’exonèrent pas l’auteur d’une communication de l’obligation de les avoir épuisées, et que les auteurs sont tenus de respecter les règles de procédure, sous réserve qu’elles soient raisonnables. Le Comité relève également que, bien que plusieurs rappels aient été adressés à l’auteur, celui‑ci n’a pas répondu aux arguments de l’État partie concernant le non‑épuisement des recours internes, en particulier pour ce qui est de sa demande de réexamen judiciaire de la décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Il s’ensuit que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes, comme l’exigent l’article 2 et le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 et du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur, par l’intermédiaire de son conseil.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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