NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/NET/CO/43 août 2007

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURETrente-huitième session30 avril-18 mai 2007

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Conclusions et recommandations du Comité contre la torture

PAYS-BAS

1.Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique des Pays-Bas (CAT/C/67/Add.4) à ses 763e et 766e séances (CAT/C/SR.763 et 766), tenues les 7 et 8 mai 2007, et a adopté, à sa 774e séance (CAT/C/SR.774), tenue le 14 mai 2007, les conclusions et recommandations ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique des Pays‑Bas (partie européenne du Royaume et Aruba) et les renseignements qu’il contient. Il se félicite du franc dialogue engagé avec la délégation de l’État partie et prend note avec satisfaction des réponses complètes apportées par écrit à la liste de points à traiter (CAT/C/NET/Q/4/Rev.1/Add.1), notamment des informations détaillées fournies sur l’application de la Convention aux Antilles néerlandaises, qui ont facilité les débats entre la délégation et les membres du Comité. Enfin, il remercie la délégation des réponses qu’elle a fournies oralement aux questions posées et aux préoccupations exprimées lors de l’examen du rapport.

B. Aspects positifs

3.Le Comité prend note avec satisfaction des efforts déployés actuellement par l’État partie pour lutter contre la torture et garantir le droit de l’individu de ne pas être soumis à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants au Royaume des Pays‑Bas, en particulier:

a)De l’incorporation de la définition de la torture dans le droit interne de la partie européenne du Royaume des Pays-Bas;

b)De l’entrée en vigueur, en avril 2007, d’un amendement du Code civil néerlandais qui interdit les violences physiques et mentales «à des fins d’éducation», notamment dans le milieu familial;

c)De l’adoption de nouvelles lois relatives à la traite des êtres humains dans la partie européenne du Royaume des Pays-Bas en janvier 2005 et à Aruba en mai 2006;

d)Du décret national portant application de la Convention contre la torture(AB 1999, no 8) à Aruba, et du nouveau décret sur le système pénal national (AB 2005, no 75) de décembre 2005;

e)De la création du Bureau des enquêtes internes chargé de recevoir les plaintes et des informations signalant des mauvais traitements infligés par des fonctionnaires de police à Aruba et d’enquêter à leur sujet;

f)De l’amélioration des conditions carcérales aux Antilles néerlandaises, signalée par l’État partie;

g)Des travaux importants entrepris par l’équipe spéciale chargée des enquêtes et des poursuites concernant les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité («l’équipe NOVO») mise en place en 1998 pour traduire en justice les auteurs d’actes de torture et de crimes de guerre;

h)De l’attitude prudente de l’État partie à l’égard des assurances diplomatiques et de sa politique consistant à ne pas pratiquer les transferts illégaux de suspects;

i)Des contributions de l’État partie au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture.

4.Le Comité prend note avec satisfaction de la ratification du Protocole facultatif se rapportant à l’application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en 2002, de la ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale et de l’entrée en vigueur de la loi d’application s’y rapportant aux Pays‑Bas, en 2003.

5.Le Comité accueille également avec satisfaction les assurances fournies par les représentants de l’État partie selon lesquelles la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants aura lieu au cours du second semestre de 2007.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Garanties fondamentales

6.Bien que l’État partie ait créé en 2006 un «programme destiné à améliorer et à renforcer la qualité du travail des agents de police et des procureurs» (CAT/C/NET/Q/4/Rev.1/Add.1, par. 50) dans la partie européenne du Royaume, le Comité est préoccupé de ce que les personnes placées en garde à vue n’ont pas accès à une assistance juridique pendant la période initiale d’interrogation. De même, le Comité est préoccupé de ce qu’aux Antilles néerlandaises, un avocat ne peut être présent pendant l’interrogatoire que sur autorisation préalable d’un magistrat.

L’État partie devrait revoir ses procédures pénales pour que l’accès à un avocat, en tant que protection juridique fondamentale, soit garanti aux personnes placées en garde à vue dès le début de leur privation de liberté, notamment quand des enregistrements audio ou vidéo des interrogatoires, qui ne sauraient en aucun cas remplacer la présence d’un avocat, ne sont pas effectués.

Non ‑refoulement

7.Le Comité est préoccupé par les difficultés auxquelles sont confrontés les demandeurs d’asile dans la partie européenne du Royaume des Pays-Bas qui doivent étayer leur plainte au titre de la procédure accélérée prévue dans la loi sur les étrangers de 2000, ce qui pourrait mener à une violation du principe de non-refoulement prévu par l’article 3 de la Convention. Le Comité juge particulièrement préoccupant ce qui suit:

a)Le délai de quarante‑huit heures prévu dans la procédure d’asile accélérée ne permet pas aux demandeurs d’asile, notamment aux enfants, aux personnes sans papiers et à d’autres personnes devenues vulnérables d’étayer dûment leur plainte;

b)Le délai imparti à l’assistance juridique entre l’établissement du procès‑verbal du premier entretien et la décision du Service de l’immigration et de la naturalisation ne serait que de cinq heures et un demandeur d’asile ne peut pas se faire assister par le même avocat tout au long de la procédure;

c)La procédure d’asile accélérée exige des demandeurs d’asile qu’ils soumettent à l’appui de leur demande des documents qu’ils «devraient normalement avoir en leur possession» et laissent une marge d’appréciation importante concernant la charge de la preuve;

d)Les procédures d’appel ne prévoient qu’un «contrôle superficiel» des demandes rejetées, et que la possibilité de soumettre des documents et des informations supplémentaires est limitée.

Le Comité prend note du fait que l’État partie a l’intention de réviser la procédure d’asile accélérée; nonobstant quoi l’État partie devrait envisager, quand il réexaminera la procédure:

a) Que les demandes émanant de tous les demandeurs d’asile, notamment d’enfants, de personnes sans papiers et d’autres personnes en situation vulnérable soient traitées de manière à ce que celles qui ont besoin d’une protection internationale ne courent pas le risque d’être torturées. Cela pourrait nécessiter que l’État partie définisse des critères pour les cas qui peuvent, ou ne peuvent pas, être traités au titre de la procédure accélérée ou de la procédure normale;

b) Que tous les demandeurs d’asile aient accès à une assistance juridique adéquate et qu’ils puissent, le cas échéant, se faire assister par le même avocat depuis la préparation du premier entretien et jusqu’à la fin de la procédure;

c) Que les procédures concernant les documents exigés à l’appui de la demande d’asile soient éclaircies;

d) Que les procédures d’appel comportent un contrôle adéquat des demandes rejetées et permettent aux demandeurs d’asile de présenter des faits et des documents qu’ils n’auraient pas pu raisonnablement fournir lors du premier entretien.

8.Le Comité note avec préoccupation que les rapports médicaux ne sont pas régulièrement pris en compte dans les procédures d’asile des Pays-Bas, et que l’application du Protocole d’Istanbul n’est pas encouragée.

L’État partie devrait réexaminer sa position concernant le rôle des enquêtes médicales et intégrer les rapports médicaux à ses procédures d’asile. Le Comité encourage aussi l’application du Protocole d’Istanbul aux procédures d’asile et que ce manuel fasse partie intégrante de la formation des spécialistes concernés.

Enfants non accompagnés et jeunes demandeurs d’asile

9.Tout en tenant compte de l’explication donnée par l’État partie selon laquelle les enfants qui demandent l’asile dans la partie européenne des Pays-Bas ne sont placés en détention que lorsqu’il existe un doute sur leur âge, le Comité reste préoccupé par la situation des jeunes demandeurs d’asile.

L’État partie devrait prendre des mesures pour procéder à des vérifications avant de placer en détention un enfant non accompagné dont l’âge est incertain. L’État partie devrait accorder une attention particulière à la situation des jeunes demandeurs d’asile, et ne les placer en détention qu’en dernier ressort. L’État partie devrait fournir un logement et un enseignement adéquats aux enfants en attente d’expulsion (CRC/C/15/Add.227, par. 54 d)).

Détention avant jugement

10.Le Comité juge préoccupants la durée excessive de la détention avant jugement et le nombre important de détenus non condamnés à Aruba et aux Antilles néerlandaises.

L’État partie devrait prendre des mesures adaptées pour réduire la durée de la détention provisoire et le nombre de détenus non condamnés, et envisager des mesures alternatives pour limiter le recours à la détention préventive.

Garde à vue et traitement des personnes arrêtées, détenues et incarcérées

11.Tout en reconnaissant les efforts engagés par l’État partie pour loger convenablement les mineurs de 15 ans et moins, et ses efforts actuels pour améliorer les conditions carcérales aux Antilles néerlandaises, le Comité est préoccupé par:

a)L’absence d’un secteur distinct pour les délinquants âgés de 16 à 18 ans, actuellement incarcérés soit avec des délinquants adultes, soit avec des détenus placés sous observation psychologique;

b)L’absence, qui lui a été signalée, de programmes pédagogiques pour les mineurs incarcérés;

c)La lenteur du processus de classification des détenus et le système actuel d’attribution des cellules qui conduit à placer les détenus sans tenir compte de leur âge, de la durée de leur peine ou de leur situation juridique.

L’État partie devrait prendre des mesures pour:

a) Séparer à titre d’urgence les délinquants mineurs des délinquants adultes;

b) Mettre en place des programmes d’éducation et de formation pour faciliter la réintégration sociale des mineurs;

c) Prendre des mesures dans les meilleurs délais en vue de mettre en place un nouveau système de classification des détenus et d’attribution des cellules.

Droit de porter plainte

12.Le Comité considère comme préoccupante l’indication fournie par l’État partie, selon laquelle les informations relatives aux sévices ou aux agressions sexuelles à la prison d’Aruba parviennent rarement au conseil pénitentiaire, et que les victimes ont tendance à ne pas porter plainte pour des raisons touchant la vie privée.

L’État partie devrait mettre en place des mécanismes spécifiques pour recevoir les plaintes concernant les sévices sexuels de manière à protéger la vie privée des victimes et à protéger les victimes et les témoins contre tout mauvais traitement ou toute intimidation en raison de la plainte déposée (art. 13).

Obligation de procéder immédiatement à une enquête impartiale

13.Le Comité est préoccupé par le nombre d’informations faisant état d’agressions perpétrées par des responsables de l’application des lois d’Aruba. Il est également préoccupé par le fait que, comme le signale l’État partie, sur 49 plaintes concernant des agressions et d’autres infractions portées devant le Bureau des enquêtes internes entre le 1er septembre 2005 et le 21 mars 2007, deux seulement ont été traitées par le tribunal, plaintes qui n’ont mené à aucune condamnation pour manque de preuves.

L’État partie devrait prendre toutes les mesures appropriées pour faire comprendre clairement et sans ambiguïté aux forces de police et au personnel pénitentiaire que la torture, la violence et les mauvais traitements sont inacceptables. De même, l’État partie devrait remplir son obligation d’examiner immédiatement, impartialement et exhaustivement toutes les plaintes, afin de veiller à ce que ceux qui ont été reconnus coupables soient sanctionnés de manière appropriée. L’État partie devrait aussi veiller à prendre des mesures efficaces pour protéger les personnes qui signalent des agressions commises par des responsables de l’application des lois contre des actes d’intimidation et d’éventuelles représailles.

Éducation relative à l’interdiction de la torture

14.Tout en notant les différents programmes de formation des fonctionnaires de la police et des établissements pénitentiaires dans les trois parties constitutives du Royaume, qui portent sur les droits de l’homme et les droits des détenus notamment l’interdiction de la torture, le Comité regrette que des informations indiquant si ces formations ont des effets et si elles réduisent efficacement les actes de torture, de violence et de mauvais traitements.

L’État partie devrait faire en sorte, par des programmes pédagogiques, que les responsables de l’application des lois, le personnel pénitentiaire et le corps judiciaire soient pleinement informés des dispositions de la Convention. En outre, l’État partie devrait élaborer et appliquer des méthodes qui lui permettent d’évaluer l’efficacité et les effets de ces programmes de formation en rapport avec les cas de torture, de violence et de mauvais traitements.

Traite des personnes

15.Tout en notant avec satisfaction de ce que la traite des personnes a été récemment érigée en infraction à Aruba et des efforts faits par l’État partie pour poursuivre les trafiquants d’êtres humains, le Comité reste préoccupé par cette pratique et par le manque d’informations sur les mécanismes qui existent pour prévenir efficacement la traite et poursuivre les trafiquants d’êtres humains.

L’État partie devrait renforcer ses mécanismes de coopération internationale de lutte contre la traite des êtres humains, poursuivre les trafiquants d’êtres humains conformément à la loi, et assurer une protection et des réparations adéquates à toutes les victimes.

16.Le Comité, pour avoir une vision plus claire de la situation en matière de protection contre la torture, recommande à l’État partie d’inclure systématiquement dans ses futurs rapports des données ventilées par âge, sexe et origine ethnique sur:

a)Le nombre de demandes d’asile enregistrées et le nombre de demandes traitées respectivement au titre des procédures normale et accélérée;

b)Le nombre de demandes acceptées;

c)Le nombre de personnes dont la demande d’asile a été acceptée au motif qu’elles avaient subi des tortures ou qu’elles risquaient d’être torturées si elles étaient renvoyées dans leur pays d’origine, et des données sur l’asile accordé au motif de violences sexuelles;

d)Le nombre de refoulements ou d’expulsions.

17.Le Comité prie l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des statistiques détaillées, ventilées selon l’infraction, l’appartenance ethnique, l’âge et le sexe sur les plaintes portant sur des actes de torture et de mauvais traitements par des responsables de l’application des lois ainsi que sur les enquêtes, poursuites et sanctions pénales ou disciplinaires correspondantes. Le rapport devrait aussi inclure des statistiques ventilées selon l’infraction, l’origine ethnique, l’âge et le sexe sur les personnes placées en détention provisoire et les détenus condamnés.

18.Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base conformément aux exigences des directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, récemment approuvées par la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux (HRI/MC/2006/3 et Corr.1).

19.Le Comité prie l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées ci-dessus aux paragraphes 11 et 12.

20.L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports présentés au Comité, ainsi que les présentes conclusions et recommandations, dans les langues appropriées, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

21.L’État partie est invité à soumettre son sixième rapport périodique qui devrait porter sur toutes les parties du Royaume des Pays-Bas et contenir notamment des informations plus détaillées et complètes sur les Antilles néerlandaises, au plus tard le 30 juin 2011.

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