Nations Unies

CAT/OP/ARM/2

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

22 février 2017

Français

Original : anglais

Anglais, espagnol, français et russe seulement

Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Visite en Arménie menée du 3 au 6 septembre 2013 : observations et recommandations adressées au mécanisme national de prévention

Rapport du Sous-Comité *

I.Introduction

Conformément au mandat défini dans le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants s’est rendu en Arménie du 3 au 6 septembre 2013.

Le Sous-Comité était représenté par les membres suivants : Mari Amos (Chef de la délégation), Victor Madrigal-Borloz et Miguel Sarre Iguíniz.

Il était assisté de deux spécialistes des droits de l’homme du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), ainsi que de quatre interprètes locaux.

La visite avait pour objectif d’offrir des avis et une assistance technique au mécanisme national de prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de l’Arménie, conformément aux alinéas ii) et iii) de l’article 11 b) du Protocole facultatif. Elle visait également à contribuer au renforcement des capacités et du mandat du mécanisme et à l’évaluation des besoins et des moyens nécessaires pour renforcer la protection des personnes privées de liberté contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en Arménie. Il s’agissait également d’évaluer les stratégies visant à surmonter les difficultés et problèmes rencontrés actuellement par le mécanisme national de prévention, compte tenu des « Directives relatives aux mécanismes nationaux de prévention » du Sous-Comité (CAT/OP/12/5).

Dans cette optique, plusieurs rencontres ont eu lieu avec les membres et les agents du mécanisme national de prévention, à savoir des agents du Département de la prévention de la torture et de la violence du Bureau du Défenseur des droits de l’homme ainsi que du Conseil d’experts sur la prévention de la torture et de la violence. Le Sous-Comité a ainsi pu débattre des méthodes de travail et étudier les moyens de renforcer et d’accroître l’efficacité du mécanisme. Pour se rendre compte de la manière dont le mécanisme fonctionnait, le Sous-Comité l’a aussi accompagné dans la visite de trois lieux de détention : l’hôpital psychiatrique et l’établissement pénitentiaire de Noubarachen, ainsi que le centre de détention d’Erevan. Il tient à exprimer sa gratitude au mécanisme, qui a facilité sa visite, et qui a coopéré avec lui.

En Arménie, les membres du Sous-Comité ont aussi rencontré des représentants du Bureau du Procureur général, du Ministère de la santé, de la Commission permanente des affaires publiques et juridiques de l’Assemblée nationale, du Ministère de l’éducation et des sciences, du Ministère de la justice, du Ministère des affaires étrangères, de la police, du Service des enquêtes spéciales, du Ministère de la défense, de la police militaire et du Service public des migrations au Ministère de l’aménagement et développement du territoire. Ils se sont en outre entretenus avec des représentants de trois groupes de surveillance publique ainsi qu’avec une autre organisation de la société civile (voir annexe I).

Le présent rapport contient les observations et recommandations formulées à l’intention du mécanisme national de prévention, qui est chargé de l’exécution du mandat conféré au Défenseur des droits de l’homme. Ces recommandations sont formulées par le Sous-Comité dans le cadre de son mandat de formation, d’assistance technique et de conseils au mécanisme national de prévention, comme prévu aux alinéas ii) et iii) de l’article 11 b) du Protocole facultatif.

L’organisation de la visite de conseil du Sous-Comité a été une œuvre commune, ce dernier s’étant accordé à l’avance avec le mécanisme national de prévention sur l’ordre du jour des réunions conjointes. Ces réunions ont permis au Sous-Comité de se faire une meilleure idée des réalisations du mécanisme, des difficultés et des obstacles juridiques, structurels et institutionnels que celui-ci rencontrait, et de ses méthodes de travail.

C’est dans ce cadre que des visites conjointes ont été organisées dans les trois lieux de détention mentionnés au paragraphe 5 ci-dessus (voir annexe II). Ces lieux de privation de liberté avaient été choisis par le mécanisme national de prévention. Les visites ont permis au Sous-Comité d’analyser les méthodes employées par les équipes d’inspection des deux composantes du mécanisme, à savoir le mécanisme lui-même et le Conseil d’experts. Au cours des visites conjointes, les membres du Sous-Comité ont joué un rôle d’observateurs des visites effectuées par les membres de ces deux composantes.

Le présent rapport sera envoyé au mécanisme national de prévention à titre confidentiel et il appartiendra à ce dernier de décider s’il doit être rendu public ou non.

Le Sous-Comité adressera aux autorités arméniennes un rapport confidentiel distinct dans lequel il fera des recommandations à l’intention de l’État partie.

II.Le mécanisme national de prévention

L’Arménie a adhéré à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants le 13 septembre 1993 et à son Protocole facultatif le 14 septembre 2006. Le 8 avril 2008, le Parlement a désigné le Bureau du Défenseur des droits de l’homme en tant que mécanisme national de prévention, en modifiant la loi de 2003 relative au Défenseur des droits de l’homme. L’article 6.1 de cette loi, adopté en 2008, prévoit que le Défenseur des droits de l’homme fait office de « mécanisme national indépendant » au titre du Protocole facultatif. Les modifications apportées ne donnent pas d’autres précisions quant au fonctionnement de cette institution en tant que mécanisme.

Les fonctions et pouvoirs dévolus au mécanisme national de prévention découlent donc du Protocole facultatif, en particulier de ses articles 19 et 20, et sont détaillés plus avant dans son règlement intérieur.

De 2009 à 2011, les fonctions confiées au mécanisme ont été assumées par une équipe constituée de trois membres du Bureau du Défenseur des droits de l’homme et de quatre représentants d’organisations non gouvernementales, sélectionnés par le Défenseur des droits de l’homme. La condition pour effectuer une visite dans un lieu de détention était que les délégations comprennent au moins un membre du personnel du Bureau du Défenseur des droits de l’homme et que le Défenseur des droits de l’homme soit informé à l’avance de chaque visite. Le financement a été fourni dans le cadre du projet sur trois ans mis en place par l’Instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme.

En 2011, le Défenseur des droits de l’homme a créé le Département de la prévention de la torture et de la violence au sein de son Bureau, avec pour mission de s’acquitter du mandat de mécanisme national de prévention qui lui avait été confié. Le Département se compose de quatre administrateurs (le chef du Département, un psychologue, un avocat et un médecin), qui prennent part aux visites avec le personnel du mécanisme. En août 2013, le poste de psychologue était à pourvoir. Le mécanisme a indiqué que les postes vacants seraient pourvus en fonction des dotations budgétaires pour 2014.

La participation d’organisations non gouvernementales aux activités du mécanisme a été officialisée en 2010, avec la mise en place du Conseil d’experts de la prévention de la torture et de la violence, sur la base d’une ordonnance du Défenseur des droits de l’homme (ordonnance no 002-L). En vertu de l’article 26 de la loi relative au Bureau du Défenseur des droits de l’homme, ce dernier peut constituer des conseils d’experts composés de personnes dotées d’une expérience adéquate dans le domaine des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui interviendront sur une base volontaire et sans rémunération. Les membres du Conseil d’experts appuient le Bureau du Défenseur des droits de l’homme dans son travail en tant que mécanisme national de prévention en participant aux visites et en constituant un dossier documentaire sur ces visites, qui sont ensuite incorporés au rapport du mécanisme. Le Conseil d’experts fonctionne conformément au « Règlement » approuvé par le Défenseur. Il ne peut pas publier ses propres rapports, vu qu’il a été institué par le Bureau du Défenseur des droits de l’homme et qu’il en est un organe subsidiaire.

Ainsi, le mécanisme national de prévention repose de facto sur le modèle « Ombudsman plus » (et non de jure, puisque la participation de la société civile aux travaux du mécanisme découle d’une ordonnance du Défenseur public). Un mémorandum d’accord, signé en juin 2011 entre le Défenseur des droits de l’homme et sept organisations de la société civile, a permis de préciser les modalités de la participation de la société civile.

À la fin du mois de mars 2013, le Conseil d’experts se composait de 11 membres (7 représentants d’organisations non gouvernementales, 3 experts indépendants ayant des connaissances en psychologie, sociologie et droit, et l’expert international du Groupe consultatif de l’Union européenne). Ses membres sont nommés par le Défenseur des droits de l’homme. Toutefois, le nombre de membres est plafonné à 20, et certains postes sont vacants.

En février 2012, l’ordonnance évoquée plus haut a été modifiée de telle sorte que le Conseil d’experts puisse s’acquitter de ses fonctions en totale indépendance et en l’absence de soutien administratif du Bureau du Défenseur des droits de l’homme. Selon la procédure adoptée en février 2012, les rapports du Conseil d’experts doivent être transmis au Département de la prévention de la torture et de la violence du Bureau du Défenseur des droits de l’homme pour examen et ajouts éventuels. Les rapports examinés sont ensuite renvoyés au Conseil d’experts pour adoption. Cette procédure prévoit néanmoins clairement que tout renseignement reçu par le Conseil d’experts est à la seule disposition du Défenseur des droits de l’homme.

Il a été décidé de modifier l’ordonnance en 2012 en raison du manque de financement pour absorber les dépenses des membres du Conseil d’experts qui a continué d’effectuer des visites en mars et en avril 2012 à titre d’appui au mécanisme national de prévention, mais a cessé toute activité en mai-juin 2012, car il ne disposait toujours pas des fonds nécessaires à ses activités.

Le Sous-Comité constate avec satisfaction que le mécanisme national de prévention fonctionne depuis plus de quatre ans et qu’il a procédé à de nombreuses visites de divers lieux de privation de liberté.

III.Recommandations à l’intention du mécanisme national de prévention

A.Recommandations relatives aux principaux problèmes juridiques, institutionnels et structurels

Le Protocole facultatif laisse certes à l’État partie le soin de décider de la configuration institutionnelle du mécanisme national de prévention mais il n’en reste pas moins que le mécanisme doit être structuré et qu’il doit s’acquitter de son mandat conformément au Protocole facultatif, comme indiqué dans les directives du Sous-Comité sur les mécanismes nationaux de prévention.

À titre d’observation générale, le Sous-Comité note que le mécanisme n’a pas d’identité distincte de celle du Bureau du Défenseur des droits de l’homme, non seulement quant à son cadre juridique mais également pour ce qui est de ses fonctions, de son cadre institutionnel et des garanties de son indépendance. Il en va de même des membres du Conseil d’experts, dans le cadre de toutes les activités liées au mécanisme.

Le Sous-Comité note également que les carences normatives actuelles, notamment l’absence de clarté quant au mandat, à la configuration et à la structure du mécanisme national de prévention, sont des facteurs de tensions entre le Bureau du Défenseur des droits de l’homme et le Conseil d’experts. Le Sous-Comité a pu constater que l’interaction entre le mécanisme et ledit Conseil était complexe, ce qui ne favorise pas un esprit d’équipe dans les activités entreprises par le mécanisme. Il juge ce fait préjudiciable au bon fonctionnement de l’institution, dont il sape la crédibilité et ne contribue pas à en faire un mécanisme crédible, visible et efficace de prévention de la torture en Arménie.

Cela étant dit, le Sous-Comité estime les modifications qu’il convient d’apporter au cadre juridique du mécanisme, qu’elles prennent la forme d’un texte distinct ou d’une modification à un texte existant, contribueront à lever définitivement l’ambiguïté juridique et opérationnelle actuelle.

En conséquence, le Sous-Comité recommande au mécanisme national de prévention de s ’ employer résolument à présenter des propositions et des observations concernant son cadre juridique, institutionnel et structurel. Conformément aux d irectives relatives aux mécanismes nationaux de prévention, le Sous-Comité recommande de séparer clairement les activités et les fonctions du mécanisme de celles du Bureau du Défenseur des droits de l ’ homme.

1.Visibilité et identification

Le Sous-Comité estime que le mécanisme national de prévention pourrait gagner en visibilité s’il était une institution complètement distincte du Bureau du Défenseur des droits de l’homme, car les personnes privées de liberté et la société civile ne le perçoivent pas comme un organisme distinct dudit Bureau. Il est d’avis que le manque de visibilité du mécanisme peut avoir un effet préjudiciable à son efficacité et à sa crédibilité.

Le Sous-Comité juge aussi préoccupante la confusion entre le rôle du mécanisme et celui des organisations non gouvernementales composant le Conseil d’experts. Il faut que le mécanisme soit clairement et constamment identifié en tant que tel dans les visites, réunions, communications écrites avec les autorités, lieux de détention et autres institutions. Tous ses membres et tous les experts participant à ses activités doivent s’abstenir d’assumer tout autre rôle que celui qui leur est dévolu conformément au mandat du mécanisme.

Le Sous-Comité recommande au mécanisme national de prévention d ’ améliorer sa visibilité institutionnelle par des campagnes de sensibilisation de l ’ opinion publique et autres activités de promotion. Il lui recommande aussi d ’ établir et de distribuer, dans les lieux de privation de liberté et à l ’ ensemble de la société civile, de la documentation sur son mandat et ses activités , dans laquelle il sera indiqué mentionnant clairement qu ’ il en est l ’ auteur. Enfin, le mécanisme devrait diffuser ses rapports annuels et les transmettre au Sous-Comité, comme prévu aux fins définies dans le Protocole facultatif (voir CAT/OP/12/5, par. 40) .

2.Ressources

Le manque de ressources financières, qui, certes, ne peut être imputé au mécanisme lui‑même, n’en constitue pas moins un obstacle de taille à son bon fonctionnement.

Le Sous-Comité souhaite recommander que l ’ évaluation des besoins financiers du mécanisme national de prévention prenne en compte les activités qu ’ impose le Protocole facultatif. À ce sujet, l ’ insuffisance chronique de ressources, le manque de personnel notamment, sera évoqué dans le rapport final que le Sous-Comité adressera à l ’ État partie et dans lequel il soulignera que seul le règlement des problèmes de ressources permettra à l ’ État partie de créer les conditions préalables nécessaires à l ’ existence d ’ un mécanisme national de prévention efficace et, partant, d ’ honorer les obligations que lui impose le Protocole facultatif.

3.Méthodes de travail

Un cadre normatif clair et des ressources suffisantes ne suffiront pas à couvrir tous les aspects de la question de l’amélioration de l’efficacité du mécanisme national de prévention. Pour fonctionner de manière cohérente et pratique, celui-ci doit adopter dès le départ des méthodes de travail claires pour toutes ses fonctions, conformément au Protocole facultatif et aux principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris). Une meilleure communication et une coordination plus forte entre le mécanisme et le Conseil d’experts contribueront aussi puissamment à une dynamique collégiale de collaboration efficace.

Le Sous-Comité exhorte les membres du mécanisme national de prévention de mieux partager l ’ information en tenant régulièrement des réunions et en utilisant d ’ autres canaux de communication, en adoptant une attitude de collaboration et en définissant des méthodes de travail clairement définies pour toutes ses activités.

4.Législation existante et en projet

Le Sous-Comité note le rôle très limité du mécanisme national de prévention pour ce qui est de communiquer des observations et recommandations aux autorités, dont des commentaires sur les textes de loi existants ou en projet, en particulier celui en rapport avec le mandat que lui confère le paragraphe c) de l’article 19 du Protocole facultatif. Cet état de choses est peut-être dû à l’absence de fondement juridique clair habilitant le mécanisme à faire des commentaires sur les projets de loi et au manque de ressources humaines pouvant assurer efficacement cette fonction.

Le Sous-Comité recommande au mécanisme de s ’ employer activement, pour s ’ acquitter pleinement de son mandat en application du paragraphe c) de l ’ article 19 du Protocole facultatif, à soumettre des propositions et observations concernant les textes de loi existants ou en projet qui touchent à la prévention de la torture et autres formes de mauvais traitements. À cette fin, il devrait se doter d ’ une stratégie dynamique en matière de priorités, fondée sur une analyse globale de la situation, et devrait assurer le suivi de ses observations et recommandations (voir CAT/OP/12/5, par. 35).

Le Sous-Comité recommande également au mécanisme de publier régulièrement les résultats de ses travaux, que ce soit dans un rapport annuel, un rapport thématique ou des rapports de visite, et de rendre publiques ses observations relatives à la législation existante ou en gestation .

B.Recommandations relatives aux principaux problèmes méthodologiques concernant les visites

Afin d’aider et de conseiller le mécanisme national de prévention dans son action de protection des personnes privées de leur liberté, le Sous-Comité fait les recommandations ci-après concernant la préparation des visites de lieux de détention, les méthodes à appliquer au cours de ces visites et les mesures à prendre une fois celles-ci achevées.

1.Avant les visites

Stratégie

Le Sous-Comité note qu’en tant qu’organe collégial, le mécanisme aurait intérêt à mieux définir sa stratégie. Il devrait convenir et se doter d’une stratégie à long terme pour ses activités et d’un plan de travail annuel, comportant des visites à l’improviste et leur suivi, couvrant au bout du compte tous les lieux de détention se trouvant sous la juridiction de l’État et où des personnes sont ou pourraient être privées de liberté, en application des articles 4 et 29 du Protocole facultatif.

Le Sous-Comité recommande au mécanisme national de prévention de mettre au point des critères concernant le choix des lieux à visiter, et de veiller à ce que tous les lieux soient visités périodiquement, en fonction du type et de la taille des établissements et de la gravité des problèmes de droits de l ’ homme dont il aura eu connaissance ; aucun établissement ne devrait être exclu pour des raisons d ’ ordre catégoriel ou géographique.

Planification et procédures opérationnelles permanentes

Le Sous-Comité note que le mécanisme n’a pas de procédures clairement définies pour la planification de ses travaux et la conduite des visites de lieux de détention, ce qui nuit à son efficacité.

Le Sous-Comité recommande au mécanisme national de prévention d ’ adopter des procédures type s de visite des différents établissement s où il se rend, de s ’ entretenir individuellement avec les personnes privées de leur liberté dans tous les lieux de détention et d ’ appliquer ces procédures avec constance. Il lui recommande de répartir les tâches entre ses membres avant d ’ arriver sur les lieux, afin d ’ éviter les doubles emplois, d ’ optimiser l ’ exécution des activités prévues, de couvrir toutes les zones nécessaires et de faire un meilleur usage de ressources limitées. Le mécanisme devrait répartir clairement les tâches entre les membres de l ’ équipe. Il faut que la répartition des tâches durant les visites corresponde aux qualifications professionnelles des différents experts et autres agents.

Le Sous-Comité recommande que chaque membre du mécanisme choisisse des questions devant faire l ’ objet d ’ une attention particulière, en fonction d ’ une évaluation au cas par cas de chaque lieu.

Formation du personnel aux approches communes

Le Sous-Comité se félicite d’apprendre que toutes les visites se font à l’improviste mais il insiste sur le caractère confidentiel de celles-ci, consacré par le Protocole facultatif. Il a en outre remarqué que les membres des équipes de visite suivent parfois des pratiques contradictoires en ce qui concerne la méthode de visite ou la manière dont les entretiens sont menés.

Le Sous-Comité recommande au mécanisme national de prévention de veiller à ce que les procédures type s dont il est question aux paragraphes 41 et 42 ci-dessus soient appliquées de manière uniforme par tous ses membres afin d ’ assurer la cohérence des méthodes de travail et le transfert des connaissances entre tous. Une formation appropriée de toutes les personnes qui participent aux visites, y compris les experts associés, est essentielle et devrait être un objectif, passant notamment par l ’ élaboration de manuels et l ’ assistance de partenaires internationaux.

2.Pendant les visites

Présentation aux autorités

Le Sous-Comité a constaté avec préoccupation que les membres du mécanisme ne se présentaient pas toujours dûment aux autorités sur les lieux de privation de liberté visités, c’est-à-dire en s’identifiant clairement en tant que membres du mécanisme national de prévention et non du Bureau du Défenseur des droits de l’homme. Lors de sa visite en Arménie, il a remarqué qu’aucun des membres de l’équipe n’était clairement identifié en tant que membre ou expert du mécanisme, et ne portait de badge d’identification visible, mesure pourtant importante, non seulement à des fins d’identification, mais aussi de visibilité de l’institution.

Le Sous-Comité recommande que les membres du mécanisme national de prévention expliquent clairement leur mission aux autorités ainsi que leurs méthodes de travail et les modalités des entretiens. Il est d ’ avis qu ’ une présentation appropriée et complète aux autorités, s ’ agissant en particulier du mandat et de l ’ objectif de la visite, a un effet didactique sur les autorités et contribue à accroître la visibilité et la crédibilité du mécanisme. En outre, l ’ équipe qui effectue la visite doit être clairement identifiée en tant qu ’ équipe du mécanisme, et porter des badges ou des gilets d ’ identification. Une brochure d ’ information peut aussi être remise aux autorités.

Entretiens

Le Sous-Comité a aussi constaté avec préoccupation que les membres du mécanisme se présentaient rarement de manière appropriée aux détenus. À de multiples occasions, ils se sont présentés en tant qu’agents du Bureau du Défenseur des droits de l’homme et non en qualité de membres du mécanisme. Les principes essentiels de la confidentialité et du caractère volontaire de l’entretien n’étaient pas toujours mentionnés. Le Sous-Comité est d’avis qu’une présentation en bonne et due forme suscite la confiance de la personne interrogée et facilite la communication et l’échange d’information. En outre, les membres de l’équipe ne se présentaient pas systématiquement en tant que membres ou experts du mécanisme.

Le Sous-Comité recommande que les membres du mécanisme national de prévention qui procèdent aux entretiens se présentent aux personnes privées de liberté en indiquant leur nom, leur profession et les fonctions qu ’ ils occupent au sein du mécanisme . Ils doivent expliquer le mandat du mécanisme, en mettant plus particulièrement l ’ accent sur son caractère préventif. Ils doivent aussi obtenir l ’ assentiment de la personne interrogée et bien expliquer que l ’ entretien est confidentiel et volontaire et peut être interrompu à tout moment à la demande de la personne interrogée. Comme indiqué plus haut, les membres de l ’ équipe du mécanisme doivent aussi être clairement identifiés.

Le Sous-Comité recommande en outre que le mécanisme rédige une brochure décrivant son mandat et ses méthodes de travail, expliquant la notion de consentement en connaissance de cause et indiquant comment obtenir un complément d ’ information. La brochure doit aussi encourager les personnes interrogées à signaler toutes représailles dont elles feraient l ’ objet à la suite de la visite.

Pendant sa visite en Arménie, le Sous-Comité a noté que certains entretiens se déroulaient collectivement et d’autres en présence d’agents de l’établissement ou dans des locaux dont les portes restaient ouvertes. Souvent les détenus étaient traités avec condescendance. Les personnes qui procèdent aux entretiens doivent se concentrer sur leur mission et s’abstenir, par exemple, de prendre des appels téléphoniques pendant la visite. À certaines occasions, des membres de la délégation du mécanisme ont fait montre de collusion ou de rapports amicaux avec le personnel de l’établissement, de tels comportements minant la crédibilité des entretiens ainsi que du mécanisme lui-même.

L ’ entretien privé avec les personnes privées de liberté étant un élément fondamental des visites préventives, comme indiqué expressément dans le Protocole facultatif, le Sous-Comité recommande de procéder à des entretiens privés, individuels et non surveillés avec les détenus et les employés de l ’ institution visitée, y compris avec le personnel médical. En outre, les membres de l ’ équipe doivent se concentrer sur leur mission et, dans le cadre des entretiens, se consacrer pleinement à la finalité de l ’ entretien avec les détenus ; aucune manifestation d ’ amitié à l ’ endroit du personnel de l ’ institution visitée ne doit être constatée ni perçue. Enfin, les détenus doivent être traités avec humanité, et leur espace privé dans les cellules respecté.

Le Sous-Comité a noté à plusieurs occasions que les entretiens étaient axés sur le contexte du motif de détention et sur les plaintes individuelles, et que les membres de l’équipe de visite s’efforçaient de résoudre les problèmes ou de faire des recommandations à leur sujet. L’intention est en l’occurrence louable, mais il ne s’agit pas là du mandat premier du mécanisme national de prévention ; le Sous-Comité rappelle que ce mandat se caractérise par une approche préventive, et que les membres du mécanisme ont pour mission de repérer les tendances récurrentes et de détecter les problèmes systémiques qui exposent les détenus au risque de subir de la torture.

Le Sous-Comité rappelle que le mandat du mécanisme national de prévention est caractérisé par son approche préventive consistant à identifier des schémas récurrents et à détecter des risques systémiques de torture. Les membres de l ’ équipe du mécanisme devraient donc plutôt indiquer aux détenus comment et à qui ils d oivent adresser les plaintes individuelles et s ’ employer à assurer l ’ efficacité des mécanismes de plainte en tant que moyen de prévention.

3.Visites de suivi

Représailles

Le Sous-Comité souligne qu’il faut mieux protéger les personnes interrogées contre d’éventuelles représailles. Il a remarqué que les équipes chargées des visites n’indiquaient pas aux autorités des établissements concernés, lors de la réunion finale, que toute forme d’intimidation ou de représailles contre les personnes privées de liberté constitue une violation de l’obligation qui incombe à l’État partie. Il aurait été d’autant plus important de le faire que certains entretiens ne se sont pas déroulés de manière totalement confidentielle et que certaines personnes interrogées avaient des réticences à s’exprimer.

Le Sous-Comité recommande au mécanisme national de prévention de renforcer la protection des personnes interrogées ou rencontrées contre les intimidations, sanctions ou représailles, entre autres par des visites de suivi et des contacts avec les familles. Il devrait avertir clairement les autorités des lieux de détention visités que les représailles de quelque forme que ce soit sont inadmissibles et qu ’ elles seront signalées et sanctionnées. Le mécanisme doit adopter une stratégie de traitement de la question des représailles ou des menaces de représailles.

Bilan avec les autorités

Le Sous-Comité a noté que des réunions de bilan avaient certes été organisées avec les autorités à l’issue des visites mais qu’elles n’étaient pas de nature à résoudre les problèmes recensés. Certaines questions évoquées au cours de ces bilans n’avaient pas de rapport direct avec le mandat du mécanisme. En outre, alors que certaines personnes privées de liberté n’avaient pas accepté d’être interrogées ou étaient restées évasives sur certains sujets, les membres du mécanisme n’avaient pas mentionné aux autorités des établissements visités, lors du bilan, le fait que toute forme d’intimidation ou de représailles contre des personnes privées de liberté constitue une violation de l’obligation qui incombe à l’État partie.

Le Sous-Comité recommande qu ’ un bilan constructif soit organisé à l ’ issue de chaque visite avec les responsables des établissements, pour leur présenter des observations et recommandations préliminaires. L ’ accent doit être mis sur les constatations qui appellent une intervention immédiate ou sont de nature humanitaire. À titre de mesure préventive, le risque des représailles doit être systématiquement mentionné.

Rapports

Pendant sa mission en Arménie, Le Sous-Comité a relevé qu’il n’était pas prévu d’établir des rapports d’après-visite à l’intention des autorités ni de leur transmettre systématiquement les recommandations et leur suivi. Après la réunion d’information avec les responsables de l’établissement visité, il faut que le mécanisme élabore une stratégie de présentation de ses rapports de visite aux autorités à des fins de publication et de diffusion, et pour que ces rapports soient utilisés comme base de dialogue (voir CAT/OP/1, par. 21, et CAT/OP/12/5, par. 38). Ses visites seront beaucoup moins efficaces s’il ne publie pas un rapport à l’issue de chacune d’entre elles.

Le Sous-Comité recommande au mécanisme national de prévention d ’ établir à l ’ issue de chacune de ses visites un rapport axé sur la prévention et le diagnostic des problèmes et la proposition de solutions, sous forme de recommandations (voir CAT/OP/12/5, par. 36) . Celles-ci doivent être concrètes et étayées, axées sur l ’ élaboration de mesures préventives propres à remédier aux insuffisances des systèmes et des pratiques, et être réalisables dans la pratique (voir CAT/OP/1, par. 20) .

L e Sous-Comité recommande au mécanisme de mettre en place , conformément au paragraphe 36 des d irectives du Sous-Comité relatives aux mécanismes nationaux de prévention, les mécanismes de suivi de ses recommandations et de procéder ainsi , dans toute la mesure possible, en collaboration avec les autorités.

Il lui recommande aussi de publier un rapport annuel dans lequel il exposera l ’ utilité de son interaction avec les pouvoirs publics pour ce qui est d ’ évaluer et d ’ éliminer le risque de torture et de mauvais traitements dans les lieux de détention en Arménie. Ce rapport devrait être amplement diffusé et devrait être distinct des autres textes relati f s aux activités du Bureau du Défenseur des droits de l ’ homme.

IV.Recommandations finales

Le Sous-Comité considère sa récente visite de conseil et le présent rapport comme le début d ’ un dialogue constructif avec le mécanisme national de prévention de l ’ Arménie. Il est disposé à lui fournir l ’ assistance et les conseils techniques nécessaires pour renforcer sa capacité de prévenir la torture et les mauvais traitements dans tous les lieux de privation de liberté situés en Arménie et à l ’ aider à accomplir ses engagements concernant l ’ objectif commun de prévention.

Le Sous-Comité rappelle que la prévention de la torture constitue une obligation permanente et de portée large de l ’ État partie , et que cette obligation est réalisée par l ’ action d ’ un mécanisme national de prévention efficace. Le Sous-Comité engage le mécanisme national de prévention arménien à revoir et renforcer ses méthodes de travail, et à tirer parti des cours de formation afin d ’ améliorer sa capacité de s ’ acquitter de ses missions au titre du Protocole facultatif, notamment avec l ’ aide du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme pour le suivi des présentes recommandations.

En conclusion, le Sous-Comité sait que le mécanisme arménien de prévention traverse actuellement une passe difficile, qu ’ il se trouve à la croisée des chemins en ce qui concerne son cadre juridique, institutionnel et structurel, et qu ’ il est envisagé de revoir celui-ci à très brève échéance. Il estime que le mécanisme doit voir dans ces circonstances l ’ occasion de clarifier le cadre de son action et, par voie de conséquence, d ’ en améliorer l ’ efficacité.

Le Sous-Comité engage également le mécanisme à lui transmettre ses rapports annuels et se réaffirme disposé à faire tout ce qui est en son pouvoir pour contribuer à la réalisation de l ’ objectif commun de prévention de la torture et des mauvais traitements, et l ’ aider à tenir les engagements pris .

Le Sous-Comité recommande au mécanisme national de prévention de rendre public le présent rapport et lui demande de l ’ informer de sa décision à cet égard.

Annexe I

Liste des hauts fonctionnaires et des autres personnes rencontrés par le Sous-Comité

A.Autorités nationales

Bureau du Procureur général

M. Harutyun Harutyunyan − Procureur principal

M. Gagik Khachikyan − Chef du Département des crimes contre l’humanité

M. Vardan Avetisyan − Chef du Département de la lutte contre la criminalité

Ministère de la Santé

M. Tsaghik Vardanyan − Chef du Département des projets et de la gestion de la qualité des soins de santé

Ministère de l’éducation et de la science

Mme Narine Hovhannisyan − Chef du Département de l’enseignement général

Ministère de la justice

Mme Narine Solomonyan − Chef du Département des relations juridiques internationales

M. Hayk Sargsyan − Assistant du Ministre de la justice

Ministère des affaires étrangères

Mme Karine Sujyan − Chef de la Division des droits de l’homme et des questions humanitaires

Police

M. Minas Arabyan − Chef de Département

Service des enquêtes spéciales

M. Armen Nadiryan − Chef adjoint du Service des enquêtes spéciales

Ministère de la défense

M. Alik Avetisyan − Chef adjoint de l’Unité des questions juridiques internationales

Police militaire

M. Hovik Petrosyan − Chef adjoint de la police militaire

Service public des migrations du Ministère de l’aménagement et développement du territoire

M. Petros Aghababyan − Chef de la Division juridique

B.Organes législatifs

Mme Lilit Yeremyan − Experte de la Commission permanente des affaires publiques et juridiques de l’Assemblée nationale

C.Mécanisme national de prévention

Bureau du Défenseur des droits de l’homme

M. Karen Andreasyan, Défenseur des droits de l’homme

Mme Ani Nersisyan, Chef de la Division de la prévention de la torture et des violences

M. Vladimir Baghdasaryan, Division de la prévention de la torture et des violences

M. Sevak Mkrtchyan, Division de la prévention de la torture et des violences

M. Ruben Martirosyan, Chef du Département des droits en matière de procédure pénale

Mme Anna Voskanyan, Conseillère du Médiateur pour les relations extérieures

Mme Erahuni Tumanyants, Experte des droits des prisonniers et des soldats

Conseil d’experts de la prévention de la torture et de la violence

M. Artak Kirakosyan (Institut de la société civile)

Mme Gayane Shahnazaryan (Institut de la société civile)

M. Michael Aramyan (Fondation contre la violation du droit)

M. Varuzhan Sedrakyan (Association des enfants d’Arménie)

Mme Mariam Martirosyan (Projet Harmony International)

Mme Alina Derdzyan (Collaboratrice du Centre pour la démocratie)

M. Temik Khalapyan (Trtu)

Mme Sirarpi Mughdusyan (Justice sociale)

Mme Laura Gasparyan (Association arménienne des médecins de famille Grigor Magistros)

M. Artur Atanesyan (Chef de la faculté de sociologie appliquée de l’Université d’État d’Erevan)

D.Groupes publics de surveillance

Groupe de surveillance des prisons

M. Robert Revazyan (Comité Helsinki d’Arménie)

M. Ruben Sargsyan

Groupe de surveillance de la police

Mme Hasmik Sahakyan

M. Suren Iskandaryan

Groupe public de surveillance des internats spéciaux

M. Artak Kirakosyan (Institut de la société civile)

M. Varuzhan Sedrakyan (Association des enfants d’Arménie)

Mme Mariam Martirosyan (Projet Harmony International)

Mme Sirsard Mamikosyan

E.Divers

Fondation pour une société ouverte

Annexe II

Liste des lieux de détention visités par le mécanisme national de prévention et le Sous-Comité

Le mécanisme national de prévention et le Sous-Comité ont visité ensemble les lieux de détention ci-après :

a)Hôpital psychiatrique de Noubarachen ;

b)Établissement pénitentiaire de Noubarachen ;

c)Centre de détention d’Erevan.