Nations Unies

CAT/C/47/D/312/2007

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

11 janvier 2012

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Communication no 312/2007

Décision adoptée par le Comité contre la torture à sa quarante-septième session, tenue du 31 octobre au 25 novembre 2011

Présentée par:

Hamid Reza Eftekhary

Au nom de:

Hamid Reza Eftekhary

État partie:

Norvège

Date de la requête:

24 octobre 2006 (lettre initiale)

Date de la présente décision:

25 novembre 2011

Objet:

Expulsion du requérant vers la République islamique d’Iran

Question s de procédure:

Griefs insuffisamment étayés

Question s de fond:

Risque de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en cas d’expulsion

Article de la Convention:

3

[Annexe]

Annexe

Décision du Comité contre la torture au titre de l’article 22de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (quarante‑septième session)

concernant la

Communication no 312/2007

Présentée par:

Hamid Reza Eftekhary

Au nom de:

Hamid Reza Eftekhary

État partie:

Norvège

Date de la requête:

24 octobre 2006 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 25 novembre 2011,

Ayant achevé l’examen de la requête no 312/2007, présentée par M. Hamid Reza Eftekhary en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture

1.Le requérant, Hamid Reza Eftekhary, de nationalité iranienne, né en 1979, risque d’être expulsé de Norvège vers la République islamique d’Iran. Bien que, dans sa lettre initiale, le requérant n’invoque que l’article 114 (anciennement art. 108) du Règlement intérieur du Comité (CAT/C/3/Rev.5), ses arguments reviennent à affirmer que son expulsion vers l’Iran constituerait une violation de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Depuis septembre 2008, il n’est plus représenté devant le Comité.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant est un journaliste qui, auparavant, travaillait en République islamique d’Iran pour le journal Asia, lequel a été fermé au printemps de 2003 car il aurait publié des «fausses informations et mené des activités perturbant la pensée des gens». En juin-juillet 2003, le requérant a été arrêté et son domicile a été perquisitionné. Au cours de la perquisition, des agents de l’État ont saisi des documents et un ordinateur appartenant au requérant. Pendant sa détention, le requérant a été interrogé par les autorités sur ses activités de journaliste pendant environ quatorze heures.

2.2Après sa remise en liberté, le requérant s’est caché. Au cours de la période pendant laquelle il est resté caché, deux sommations à comparaître devant le Tribunal révolutionnaire de Téhéran lui ont été adressées à son domicile. Après avoir reçu ces sommations à comparaître, le requérant a décidé de fuir l’Iran. Il a déposé une demande d’asile en Norvège le 11 octobre 2003.

2.3Le requérant indique qu’une fois en Norvège il a appris qu’il avait été condamné par contumace à cinq ans d’emprisonnement par le Tribunal révolutionnaire de Téhéran, pour collaboration avec des «groupes contre-révolutionnaires» et «publication d’articles contre la République islamique». Par la suite, il a obtenu les documents judiciaires relatifs à sa condamnation par l’intermédiaire de membres de sa famille vivant en République islamique d’Iran, qui lui en ont envoyé des copies afin qu’il puisse les produire à l’appui de sa demande d’asile en Norvège. Selon le requérant, en principe, le Tribunal révolutionnaire ne fournit pas de copies de ses jugements, et les membres de sa famille ont donc dû soudoyer des personnes pour obtenir ces documents.

2.4Le 4 janvier 2006, les Services norvégiens de l’immigration ont décidé de rejeter la demande d’asile du requérant. Le 18 septembre 2006, la Commission de recours des Services norvégiens de l’immigration a confirmé cette décision. Les Services norvégiens de l’immigration et la Commission de recours ont essentiellement fondé leur décision sur le fait que le requérant n’avait pas, selon eux, étayé son affirmation selon laquelle il courait personnellement un risque réel d’être persécuté ou soumis à la torture ou à des mauvais traitements s’il était renvoyé en République islamique d’Iran. Les Services de l’immigration comme la Commission d’appel ont accordé un poids particulier à un rapport de vérification daté du 5 septembre 2004, établi par l’ambassade de Norvège à Téhéran, dans lequel celle-ci concluait que les documents judiciaires présentés par le requérant pour prouver qu’il avait été condamné par contumace à cinq ans d’emprisonnement étaient des faux.

2.5Le requérant a reçu l’ordre de quitter la Norvège le 19 octobre 2006. Pour éviter d’être arrêté par la police et d’être expulsé, il est entré dans la clandestinité.

2.6Le requérant a poursuivi ses activités de journaliste en Norvège, tenant des blogs dans lesquels il publiait des articles où il exprimait des opinions critiques sur des questions de politique et de religion et où, en particulier, il critiquait le Gouvernement de la République islamique d’Iran. Le requérant signait ces articles de son vrai nom. En outre, il accordait des entretiens et écrivait de brefs articles pour un journal norvégien local. Le requérant indique que ses deux blogs ont été fermés par les autorités iraniennes pendant qu’il était en Norvège.

2.7Après le rejet de ses demandes d’asile par les services de l’immigration, le requérant aurait souhaité soumettre son cas aux tribunaux norvégiens. Pour ce faire, il a demandé l’aide juridictionnelle. Sa demande a été rejetée par le Fylkesmannen (Bureau du chef de l’administration du comté) le 7 décembre 2006 et cette décision a été confirmée par la juridiction de recours administratif, le Justissekretariatene (Secrétariat de la justice), le 26 janvier 2007. Étant donné que le requérant ne pouvait pas se prévaloir de moyens de recours judiciaires sans aide juridictionnelle gratuite, le refus de cette aide l’a concrètement empêché de porter son affaire devant les tribunaux norvégiens.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant affirme que sa vie serait en danger et qu’il risque d’être emprisonné et torturé s’il est renvoyé en République islamique d’Iran, et que cela constituerait une violation de l’article 3 de la Convention par la Norvège. Pour étayer son affirmation, il invoque ses activités de journaliste en Iran et ses activités de blogueur et de journaliste après son arrivée en Norvège en 2003, ainsi que les deux sommations à comparaître devant le Tribunal révolutionnaire de Téhéran qu’il avait reçues et sa condamnation par contumace à cinq ans d’emprisonnement par ledit Tribunal; il mentionne également le traitement qui, de manière générale, est réservé aux journalistes en Iran et à la gravité de la situation actuelle des droits de l’homme dans ce pays.

3.2Le requérant fait valoir que les autorités norvégiennes chargées des demandes d’asile n’ont pas assuré l’examen de sa demande d’asile dans le respect des garanties d’une procédure régulière en s’arrêtant seulement sur la vérification des documents émanant du Tribunal révolutionnaire. À cet égard, les autorités ont accordé, selon lui, un poids disproportionné à la falsification alléguée des documents judiciaires qu’il avait présentés à l’appui de sa demande d’asile et n’ont pas enquêté sur ses affirmations. Le requérant fait valoir qu’il n’est pour rien dans la teneur du document judiciaire faisant état de sa condamnation par contumace puisque celui-ci lui a été envoyé par des membres de sa famille, après son arrivée en Norvège.

3.3Le requérant fait valoir en outre que les deux sommations à comparaître devant le Tribunal révolutionnaire de Téhéran ne sont pas contestées et que le fait qu’il ne se soit pas présenté devant cette juridiction à la suite de ces sommations prouve en lui-même qu’il risque d’être arrêté et soumis à la torture ou à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants s’il est renvoyé en République islamique d’Iran.

3.4D’après le requérant, cette affaire n’est actuellement examinée par aucune autre instance internationale d’enquête ou de règlement et tous les recours internes ont été épuisés.

3.5Dans sa lettre initiale, datée du 23 octobre 2006, le requérant avait sollicité des mesures provisoires, mais le Comité a rejeté cette demande car au moment où il l’avait formulée l’auteur vivait dans la clandestinité.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 16 octobre 2007, l’État partie a contesté la recevabilité de la requête au motif que les griefs tirés par le requérant de l’article 3 de la Convention étaient insuffisamment étayés, même à première vue, et a fait valoir que la requête devrait être déclarée irrecevable en vertu du paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention, car elle était manifestement infondée.

4.2Pour ce qui est de l’épuisement des recours internes, l’État partie n’affirme pas que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes, vu qu’il a épuisé tous les recours administratifs et que sa demande d’aide juridictionnelle a été rejetée, ce qui l’empêche de se prévaloir de recours auprès des tribunaux norvégiens. L’État partie se réfère à la jurisprudence du Comité concernant l’épuisement des recours internes en l’absence d’aide juridictionnelle.

4.3L’État partie fait valoir que l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives dans un pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour conclure qu’une personne risque d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays, et rappelle la jurisprudence du Comité à cet égard. Il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé court personnellement un risque. En ce qui concerne la situation actuelle des droits de l’homme en Iran, l’État partie reconnaît que les conditions de travail des journalistes et d’autres membres des médias en Iran sont généralement mauvaises.

4.4L’État partie estime, cependant, que le requérant n’a pas présenté le moindre élément fiable à l’appui de l’affirmation qu’il court personnellement un risque prévisible d’être persécuté ou soumis à la torture ou à des mauvais traitements en cas de renvoi en République islamique d’Iran. À cet égard, il rappelle les conclusions adoptées par la Commission de recours des services norvégiens de l’immigration et par les Services norvégiens de l’immigration, à savoir que, même si les conditions de travail des journalistes et d’autres membres des médias en Iran sont mauvaises, le requérant n’a pas mené d’activités journalistiques d’une nature ou d’une portée telles que l’on peut estimer qu’elles sont susceptibles d’attirer durablement l’attention des autorités et de lui faire personnellement courir un risque prévisible. L’État partie fait valoir que les activités journalistiques du requérant, même celles menées après son arrivée en Norvège, ne sont pas du type de celles qui feraient l’objet d’une surveillance de la part des autorités iraniennes, celles-ci s’attachant principalement à surveiller les activités menées par des Iraniens exilés qui pourraient représenter un risque concret pour le régime.

4.5Concernant l’affirmation du requérant selon laquelle il a été condamné par contumace à cinq ans d’emprisonnement par le Tribunal révolutionnaire de Téhéran et qu’il serait donc susceptible d’être emprisonné et soumis à la torture s’il était renvoyé en République islamique d’Iran, l’État partie fait valoir que l’ambassade de Norvège à Téhéran était arrivée à la conclusion que les documents judiciaires produits par le requérant à l’appui de sa demande étaient des faux. La vérification des documents avait été effectuée par l’ambassade de Norvège et le rapport de vérification avait été soumis au requérant par l’intermédiaire de son conseil de l’époque pour commentaires. L’État partie note que le requérant a contesté le rapport de vérification et soutenu que les documents émanant du tribunal étaient authentiques. Toutefois, les autorités ont estimé que le requérant n’a pas produit le moindre élément concret permettant de mettre en doute la vérification effectuée. L’État partie considère que les principaux documents dans cette affaire sont des faux et que, partant, cela jette le doute sur la crédibilité et la fiabilité de l’ensemble des informations fournies par le requérant.

4.6Par une lettre en date du 2 décembre 2008, l’État partie a informé le Comité que le 5 novembre 2008, la Commission de recours des services norvégiens de l’immigration a rejeté la demande de réouverture du dossier présentée par le requérant le 2 janvier 2007, au motif qu’il n’avait été fourni aucune information nouvelle susceptible d’amener la Commission à parvenir à des conclusions différentes de celles qu’elle avait formulées dans le cadre de ses précédentes décisions. L’État partie a informé en outre le Comité que le requérant avait depuis le 20 novembre 2007 déclaré une adresse en Norvège, de sorte qu’il ne vivait plus dans la clandestinité.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Le 18 avril 2009, le requérant a réfuté les observations formulées par l’État partie. Il soutient que les documents présentés à l’appui de sa demande d’asile sont authentiques et que l’État partie n’a pas dûment tenu compte des observations formulées par son précédent conseil concernant l’authenticité de ces documents.

5.2Le requérant fournit en outre d’autres pièces concernant ses activités de journaliste en République islamique d’Iran et en Norvège, notamment des articles sur la religion et la politique en Iran qu’il avait publiés sur l’Internet et dans des journaux et signés de son vrai nom. Il fait valoir que la teneur et la nature de ses écrits et l’idéologie qu’ils véhiculent seraient jugés suffisamment graves par les autorités iraniennes pour qu’elles persécutent, incarcèrent et torturent un individu. Il rappelle que deux de ses blogs ont été fermés et bloqués par les autorités iraniennes après qu’il a fui en Norvège.

5.3Enfin, le requérant attire l’attention sur la situation actuelle des droits de l’homme en République islamique d’Iran, qui va en s’aggravant, en mettant un accent particulier sur les arrestations, les actes de torture et les meurtres dont sont victimes des journalistes, des blogueurs, des militants politiques et des personnes qui critiquent le Gouvernement. D’après le requérant, il ne fait aucun doute, compte tenu de la situation actuelle en Iran, qu’il serait persécuté s’il était renvoyé dans ce pays.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.2Conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, le Comité n’examine aucune requête sans s’être assuré que le requérant a épuisé tous les recours internes disponibles; cette règle ne s’applique pas s’il est établi que les procédures de recours ont excédé des délais raisonnables et s’il est peu probable qu’elles donnent satisfaction à la victime présumée.

6.3Le Comité relève que le requérant a épuisé tous les recours administratifs. Il note que le requérant, par une décision en date du 7 décembre 2006, s’est vu refuser l’aide juridictionnelle par le Fylkesmannen, et que cette décision a été confirmée à l’issue d’un recours administratif auprès des Justissekretariatene, par une décision en date du 26 janvier 2007. Le Comité considère que, dans la mesure où le requérant ne pouvait pas exercer des recours judiciaires sans aide juridictionnelle, le refus de lui fournir une telle aide gratuitement rend impossible un contrôle juridictionnel et qu’il convient donc de considérer que le requérant a épuisé tous les recours internes.

6.4Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la communication devrait être déclarée irrecevable au motif qu’elle est manifestement infondée. Il considère, cependant, que la requête soulève au regard de l’article 3 de la Convention des questions importantes qui devraient être examinées au fond. Le Comité déclare donc la communication recevable.

Examen au fond

7.1Le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant en République islamique d’Iran, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite en vertu du paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler un individu vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

7.2Le Comité rappelle son Observation générale no1 (1996) concernant l’application de l’article 3 de la Convention ainsi que sa jurisprudence selon laquelle l’existence d’un risque de torture doit être appréciée en fonction d’éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. Bien qu’il ne soit pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable, le Comité rappelle que le fardeau de la preuve incombe généralement au requérant, qui se doit de présenter des arguments défendables établissant qu’il encourt un risque «prévisible, réel et personnel». Le Comité précise en outre dans son Observation générale no 1 qu’il y a lieu aussi de vérifier si le requérant s’est livré, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’État intéressé, à des activités politiques qui font «qu’il court un risque particulier» d’être soumis à la torture (par. 8 e)). Le Comité rappelle aussi que, tout en accordant un poids considérable aux conclusions des organes de l’État partie, il lui appartient, en vertu du paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, d’apprécier librement les faits de chaque cause en tenant compte de toutes les circonstances.

7.3Le Comité doit déterminer s’il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risque personnellement d’être soumis à la torture à son retour en République islamique d’Iran. Pour ce faire, il doit, conformément au paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, tenir compte de toutes les considérations pertinentes, y compris de l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives.

7.4Se référant à sa récente jurisprudence, le Comité rappelle que la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran est extrêmement inquiétante, en particulier depuis les élections de juin 2009. Le Comité a reçu de nombreuses informations décrivant, en particulier, la répression et la détention arbitraire dont sont victimes de nombreux réformateurs, étudiants, journalistes et défenseurs des droits de l’homme; certains sont gardés au secret alors que d’autres ont été condamnés à mort et exécutés. Le Comité note également que le 7 juillet 2009 six titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme (s’occupant respectivement de la détention arbitraire, des exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, du droit à la liberté d’opinion et d’expression, de la torture ou autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, de la situation des défenseurs des droits de l’homme et des disparitions forcées ou involontaires) ont exprimé leur préoccupation au sujet des manifestations qui avaient eu lieu à la suite des élections présidentielles iraniennes de 2009, durant lesquelles 20 personnes ont été tuées et des centaines d’autres gravement blessées lors d’affrontements avec les forces de sécurité, qui auraient utilisé des munitions de guerre et des balles en caoutchouc. Les mêmes experts se sont également déclarés préoccupés par les cas présumés d’arrestation et de détention sans chef d’accusation et de mauvais traitements infligés à des détenus.

7.5En outre, le Comité prend note des observations finales concernant la République islamique d’Iran adoptées par le Comité des droits de l’homme le 2 novembre 2011, dans lesquelles le Comité se dit «profondément préoccupé par les violations fréquentes des garanties d’un procès équitable énoncées dans le Pacte, en particulier par les tribunaux révolutionnaires» (CCPR/C/IRN/CO/3, par. 21) et «par les informations faisant état de l’utilisation généralisée de la torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants dans les lieux de détention, en particulier sur des personnes accusées d’atteinte à la sécurité nationale ou jugées par des tribunaux révolutionnaires, traitements qui dans certains cas ont causé la mort du détenu» (ibid., par. 14).

7.6Le Comité note en outre que le Comité des droits de l’homme avait aussi exprimé sa préoccupation en ces termes:

Le Comité est préoccupé par le fait que de nombreux journaux et magazines ainsi que l’Association des journalistes ont été fermés par les autorités depuis 2008 ainsi que par le grand nombre de journalistes, de rédacteurs en chef, de réalisateurs et de professionnels des médias qui ont été arrêtés et placés en détention depuis les élections présidentielles de 2009. Le Comité est également préoccupé par la surveillance de l’utilisation et des contenus de l’Internet, le blocage des sites Web qui présentent des nouvelles et des analyses politiques, le ralentissement de la vitesse de transmission sur l’Internet et le brouillage des émissions diffusées par satellite depuis l’étranger, constatés en particulier depuis les élections présidentielles de 2009 (art. 19) (ibid., par. 27).

7.7Le Comité note que les autorités iraniennes se sont intéressées par le passé au requérant comme en témoignent son arrestation et son interrogatoire, et les sommations à comparaître devant les tribunaux révolutionnaires qu’il a reçues en 2003 en raison de son travail de journaliste. Il note également qu’à aucun moment le requérant n’a affirmé avoir été torturé par les autorités iraniennes pendant sa détention et son interrogatoire en 2003. Le Comité relève toutefois les observations faites par le requérant quant à ses activités continues en tant que journaliste depuis son arrivée en Norvège et son affirmation selon laquelle ses blogs ont été fermés par les autorités iraniennes durant cette période. Le Comité est donc d’avis que le requérant a très probablement retenu l’attention des autorités iraniennes.

7.8En ce qui concerne la condamnation présumée par contumace du requérant à cinq ans d’emprisonnement, le Comité prend note du fait que d’après l’État partie les documents judiciaires présentés par le requérant à l’appui de sa demande d’asile et pour étayer son argument selon lequel il risquait d’être emprisonné et torturé s’il était renvoyé en République islamique d’Iran ne sont pas authentiques, d’après une vérification effectuée par l’ambassade de Norvège à Téhéran. Il note d’autre part que le requérant a contesté la vérification des documents effectuée par l’État partie et fait valoir qu’il avait été condamné à cinq ans d’emprisonnement par le Tribunal révolutionnaire de Téhéran. Le Comité n’est pas en position de se prononcer sur la vérification des documents des tribunaux concernant la condamnation présumée par contumace à cinq ans d’emprisonnement du requérant, dans la mesure où l’État partie et le requérant ont fait des déclarations contradictoires sans preuve à l’appui.

7.9Le Comité note toutefois que les deux sommations à comparaître devant le Tribunal révolutionnaire n’ont pas été contestées et que ces sommations s’ajoutant au fait que le requérant ne s’est pas présenté devant le Tribunal révolutionnaire de Téhéran dénotent un grand risque pour le requérant. Enfin, le Comité estime que la République islamique d’Iran n’étant pas partie à la Convention, le requérant serait privé de la possibilité de demander la protection du Comité en cas d’expulsion en Iran.

8.Compte tenu de ce qui précède et prenant en considération toutes les circonstances de la cause et les informations qui lui ont été soumises, le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que la décision de l’État partie de renvoyer le requérant en Iran constitue une violation de l’article 3 de la Convention.

9.Conformément au paragraphe 5 de l’article 118 (anciennement art. 112) de son règlement intérieur, le Comité souhaite être informé, dans un délai de quatre-vingt-dix jours, des mesures qui auront été prises par l’État partie pour donner suite à la présente décision.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]