Nations Unies

CMW/C/CHL/CO/2

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. général

11 mai 2021

Français

Original : espagnol

Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Observations finales concernant le deuxième rapport périodique du Chili *

1.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique du Chili (CMW/C/CHL/2) à ses 445e, 446e et 447e séances (CMW/C/SR.445, SR.446 et SR.447), les 7, 8 et 9 avril 2021. À sa 452e séance, le 16 avril 2021, il a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le deuxième rapport périodique de l’État partie ainsi que les informations additionnelles fournies au cours du dialogue par la délégation, qui était dirigée par Juan Francisco Galli, Sous-Secrétaire à l’Intérieur, et composée de représentants de différents ministères, de José Miguel Insulza, membre du Congrès national, d’Alejandro Soto, directeur de recherche auprès de la Cour suprême, ainsi que de l’Ambassadeur et de plusieurs fonctionnaires de la Mission permanente du Chili auprès de l’Office des Nations Unies à Genève.

3.Le Comité se félicite du dialogue qu’il a tenu sous forme virtuelle avec la délégation de haut niveau et remercie les représentants de l’État partie des informations détaillées qu’ils lui ont fournies et de leur attitude constructive, qui a permis de mener au fil des séances une analyse et une réflexion conjointes. Il note également que ceux-ci ont fait en sorte de soumettre des réponses et des informations complémentaires dans le délai de quarante-huit heures imparti à cette fin à l’issue du dialogue. Il regrette toutefois le retard avec lequel le rapport a été soumis. Le Comité indique que c’est le premier examen qu’il mène à bien sous forme virtuelle, et il remercie tous les participants de la bonne volonté dont ils ont fait preuve ; il salue notamment les efforts consentis par les autorités de l’État partie, actuellement occupées à élaborer une nouvelle constitution. Ce premier examen virtuel constitue un précédent très important pour l’examen des futurs rapports périodiques de l’État partie.

4.Le Comité reconnaît que le Chili, en tant que pays d’origine de travailleurs migrants, a fait des progrès dans le domaine de la protection des droits humains des Chiliens qui travaillent à l’étranger. Il note toutefois que l’État partie, en tant que pays d’origine, de transit, de destination et de retour, doit faire face à une situation sans précédent en raison de l’augmentation de la population migrante. Il salue les efforts déployés par l’État partie pour assurer aux migrants l’offre de services la plus large possible moyennant la mobilisation de ressources humaines et économiques toujours plus importantes. Il relève cependant avec préoccupation que l’État partie, en tant que pays de destination, se heurte à un certain nombre de difficultés en ce qui concerne la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille présents sur son territoire.

5.Le Comité constate que des migrants chiliens travaillent dans des pays qui ne sont pas parties à la convention, ce qui peut entraver l’exercice des droits que leur confère la Convention, en dépit des efforts déployés par l’État partie pour s’acquitter de l’obligation d’assistance qui lui incombe à leur égard.

B.Aspects positifs

6.Le Comité se félicite de l’adoption, par l’État partie, des mesures suivantes :

a)La promulgation, le 12 avril 2021, de la loi relative aux migrations et aux étrangers, correspondant au projet no 8970-06 adopté le 15 décembre 2020 ;

b)L’adoption en 2016 du décret no 34 portant promulgation de la Convention de 2011 sur les travailleurs et travailleuses domestique (no 189) de l’Organisation internationale du Travail (OIT) ;

c)L’adoption en 2014 de la loi no 20786 relative aux conditions d’emploi des travailleurs domestiques ;

d)L’adoption en 2012 de la loi no 21609 instituant des mesures de lutte contre la discrimination ;

e)Le développement, par les juridictions judiciaires, en particulier par la Cour suprême et les juridictions d’appel, d’une jurisprudence intégrant les normes relatives aux droits de l’homme dans les procédures d’expulsion et de détermination du statut de réfugié visant des migrants et des réfugiés (voir, par exemple, les arrêts rendus par la Cour suprême dans les affaires nos 310-2021, 11.426-2021, 450-2018-198-2019-34.34-2019) ;

f)Le projet « Chile reconoce » de 2017, dans le cadre duquel la nationalité chilienne a été reconnue aux enfants nés au Chili de mère ou de père en situation irrégulière, ce qui représente une avancée importante pour la prévention et l’élimination de l’apatridie.

7.Le Comité se réjouit de la ratification, par l’État partie, des instruments internationaux ci-après :

a)Le Protocole de 2014 relatif à la Convention de 1930 sur le travail forcé (no 29) de l’OIT, en 2021 ;

b)La Convention relative au statut des apatrides (1954), en 2018 ;

c)La Convention sur la réduction des cas d’apatridie (1961), en 2018.

8.Le Comité tient à souligner que plusieurs organes collégiaux, tels que des conseils, des groupes de travail et des comités, ont été mis en place et travaillent conjointement sur des programmes et des projets consacrés aux migrants. Il constate que l’État partie s’attache à coordonner les activités de toutes ces entités de manière à honorer les obligations qui lui incombent au titre de la Convention et participe activement aux débats régionaux sur la question des flux migratoires en Amérique du Sud.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1.Mesures d’application générales (art. 73 et 84)

Contexte actuel

9. L e Comité recommande à l’État partie de protéger les droits des migrants et des membres de leur famille, en particulier leur droit à la santé, et d’atténuer les conséquences néfastes de la pandémie de maladie à coronavirus 2019 ( COVID ‑19 ) conformément à la Note conjointe d’orientation sur les impacts de la pandémie de COVID ‑19 sur les droits humains des migrants, établie par le Comité et le Rapporteur spécial sur les droits humains des migrants. Il recommande en particulier à l’État partie de garantir à tous les migrants et aux membres de leur famille un accès équitable à la vaccination contre la COVID ‑19 , indépendamment de leur nationalité, de leur statut migratoire ou de tout autre motif interdit de discrimination, conformément aux recommandations formulées dans ladite note par le Comité et d’autres mécanismes régionaux de protection des droits de l’homme.

Législation et application

10.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption, le 15 décembre 2020, de la loi relative aux migrations et aux étrangers (projet no 8970-06), après huit ans de discussion. Il note toutefois avec préoccupation que, dans son jugement du 29 janvier 2021, le Tribunal constitutionnel a déclaré inconstitutionnelles plusieurs dispositions, qui portent sur des questions relevant du domaine de la loi (art. 27), sur les sanctions applicables aux employeurs (art. 117), sur l’aide au retour des enfants et adolescents non accompagnés (art. 132), sur la détention administrative (art. 135), sur la durée des mesures d’interdiction d’entrée (art. 137), sur le droit de cité (art. 175) et sur la liberté conditionnelle (art. 176). Le Comité relève que la nouvelle loi instaure des changements institutionnels bienvenus, consistant notamment à ne plus traiter les migrants en situation irrégulière comme des délinquants, à leur assurer une protection complémentaire et à proposer des services en ligne, mais il s’inquiète de ce qu’elle ne met pas suffisamment l’accent sur les droits des migrants et des membres de leur famille, la protection des droits des migrants en situation irrégulière, les mécanismes de régularisation, le droit à une procédure régulière, la reconnaissance du statut de réfugié et d’autres formes de protection internationale, et l’accès aux services sociaux.

11. Le Comit é demande instamment à l’État partie de publier rapidement la loi relative aux migrations et aux étrangers et son règlement d’application afin qu’ils puissent entrer en vigueur et, le cas échéant, d’y apporter les modifications nécessaires pour en assurer la pleine conformité avec les dispositions de la Convention, en particulier en ce qui concerne  :

a) La création de mécanismes de régularisation régis par la loi, conformément à l’article 69 de la Convention, applicables à tous les migrants indépendamment de leur situation au regard de la législation sur l’immigration  ;

b) Les droits des travailleurs migrants en situation irrégulière tels que définis dans l’observation générale n o 2 (2013) du Comité  ;

c) L’application de mesures non privatives de liberté, aussi bien comme moyen d’action prioritaire face aux migrations irrégulières, conformément au principe selon lequel la détention doit être une mesure exceptionnelle, que comme mesure de substitution à l’expulsion des migrants en situation irrégulière  ;

d) La détention administrative de migrants, à laquelle il ne doit être recouru qu’en dernier recours et pour la durée la plus brève possible  ;

e) L’interdiction de tout type de détention d’enfants et d’adolescents migrants (accompagnés ou non accompagnés), conformément à l’observation générale conjointe n o 4 (2017) du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n o 23 (2017) du Comité des droits de l’enfant  ;

f) Le droit à une procédure régulière, qui doit être garanti dans toute procédure d’expulsion, et l’interdiction des expulsions collectives, ainsi que le respect des garanties juridiques fondamentales, notamment le droit à l’assistance gratuite d’un avocat, aux services d’un interprète et à des voies de recours utiles, dans le cadre des procédures en matière d’immigration  ;

g) La protection du droit à la nationalité de tous les enfants nés au Chili, y compris ceux dont l’un des parents ou les deux sont des migrants en situation irrégulière  ;

h) La protection des réfugiés, des personnes ayant besoin d’une protection complémentaire et des autres personnes ayant besoin d’une protection internationale  ;

i) L’accès des migrants aux prestations de sécurité sociale dans des conditions d’égalité avec les nationaux, conformément à l’article 27 de la Convention.

Réserves

12.Le Comité demeure préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas retiré ses réserves au paragraphe5 de l’article22 et au paragraphe2 de l’article48, et regrette que l’État partie refuse de reconsidérer sa position à cet égard en dépit des décisions judiciaires rendues en faveur de migrants expulsés, et alors que l’article 20 de la loi relative aux migrations et aux étrangers récemment promulguée lui fait obligation de prendre des mesures appropriées pour faciliter l’exercice, par les étrangers, de leur droit de transférer les revenus et les économies constitués au Chili vers un autre pays, quel qu’il soit, et de recevoir de l’argent ou des biens de l’étranger.

13. Le Comité réitère sa recommandation antérieure (CMW/C/CHL/CO/1, par . 11) e t invite l’État partie à songer à retirer ses réserves au paragraphe 5 de l’article 22 et au paragraphe 2 de l’article 48 de la Convention .

Articles 76 et 77

14.Le Comité note que l’État partie n’a toujours pas fait les déclarations prévues aux articles76 et 77 de la Convention à l’effet de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir des communications émanant d’États parties ou de particuliers.

15.Le Comité réitère sa recommandation antérieure (CMW/C/CHL/CO/1, p a r. 13) et encourage l’État partie à faire les déclaration prévues aux articles 76 et 77 de la Convention .

Ratification des instruments pertinents

16. Le Comité recommande à l’État partie de ratifier dans les meilleurs délais la Convention de 1949 sur les travailleurs migrants (révisée) ( n o  97) et la Convention de 1975 sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires) ( n o  143) de l’OIT .

Politique et stratégie

17.Le Comité note que le Plan national en faveur des droits de l’homme contient un chapitre consacré aux migrants et aux réfugiés mais il craint que les ressources allouées à sa mise en œuvre ne soient pas suffisantes.

18. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les ressources humaines, techniques et financières nécessaires soient allouées à la mise en œuvre effective des engagements sectoriels relatifs aux droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille qui sont énoncés dans le Plan national en faveur des droits de l’homme (2017), conformément aux obligations qui lui incombent au titre de la Convention.

Suivi indépendant

19.Le Comité note avec préoccupation que l’Institut national des droits de l’homme ne dispose pas de ressources suffisantes pour s’acquitter efficacement de son mandat en ce qui concerne les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

20 . Le Comité recommande à l’État partie d’allouer à l’Institut national des droits de l’homme les ressources humaines, techniques et financières dont celui-ci a besoin pour pouvoir promouvoir et protéger efficacement les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille . Le Comité recommande aussi à l’État partie d’assigner, sans faire d’exception, des défenseurs indépendants aux enfants de travailleurs migrants lorsque les parents ou les tuteurs de ces enfants sont visés par une procédure administrative ou judiciaire qui aura une incidence sur leur situation, afin qu’il soit veillé au respect des droits de ces enfants à toutes les étapes de la procédure .

21.Le Comité note avec préoccupation que les autorités gouvernementales n’informent pas toujours l’Institut national des droits de l’homme en temps utile des cas de migrants sous le coup de décisions d’expulsion, ce qui a à plusieurs reprises empêché l’Institut de faire le nécessaire pour que les intéressés soient assistés par un conseil. Il s’inquiète également du fait que les carabiniers entravent l’action menée à la frontière par l’Institut national des droits de l’homme dans le cadre son mandat.

22. Le Comité demande instamment à l’État partie d’informer l’Institut national des droits de l’homme en temps utile de s cas de migrants ou de réfugiés visés par une procédure d’expulsion administrative et de veiller à ce que les membres du corps des carabiniers soient dûment familiarisés avec le mandat de l’Institut, en particulier ses recommandations sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, et à ce qu’ils fassent en sorte que l’Institut puisse mener à bien ses activités, en particulier les visites qu’il est appelé à effectuer au titre de son mandat à la frontière nord, dans la région de Taracapá .

Formation et diffusion de l’information sur la Convention

23.Le Comité prend note du plan national de formation du Département des étrangers et des migrations ainsi que des ateliers qui ont été organisés dans le cadre de celui-ci, mais il s’inquiète de ce qu’il n’y soit pas fait directement référence à la Convention, qui reste méconnue en tant qu’instrument juridique en vigueur dans l’État partie faute d’une diffusion appropriée.

24. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer les programmes de formation aux droits consacrés par la Convention et d’en étendre la portée en faisant de cet enseignement un élément obligatoire et permanent de la formation des fonctionnaires des institutions qui s’occupent de questions de migration , notamment les agents des forces de l’ordre et de la police des frontières, les juges et les procureurs . Compte tenu de la réforme constitutionnelle en cours au Chili, il préconise l ’ incorporation, dans la nouvelle constitution, de dispositions protégeant les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille conformément à la Convention . Il recommande également à l’État partie d’intensifier sa collaboration avec les médias afin de mieux faire connaître les droits des migrants et de sensibiliser la population à cette question, en particulier aux frontières .

Participation de la société civile

25.Le Comité note avec préoccupation que la société civile participe peu à l’application de la Convention et qu’elle n’est pas représentée dans les organes consultatifs et décisionnels tels que le Conseil chargé de la politique migratoire dont la nouvelle loi sur les migrations porte création. Il est préoccupé par le fait que des organismes dans lesquels la société civile était active, comme l’ancien Conseil consultatif sur les migrations, ont été supprimés.

26. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures concrètes pour que la société civile participe de manière effective à l’application de la Convention et soit systématiquement associée aux travaux de mécanismes permanents tels que le Conseil chargé de la politique migratoire.

2.Principes généraux (art. 7 et 83)

Non-discrimination

27.Le Comité prend note de l’adoption de la loi no 20609 contre la discrimination, en 2012, et des mesures visant à favoriser l’inclusion de la population migrante au niveau municipal, parmi lesquelles le Label migrants et le programme pilote de médiateurs sociaux interculturels. Il est toutefois préoccupé par le manque d’informations sur les mesures prises pour prévenir la xénophobie et les discours de haine à l’égard des travailleurs migrants de la part des agents de l’État, en particulier des membres du corps des carabiniers, et par le fait que les ateliers de formation organisés en 2016 pour prévenir la discrimination à la frontière se sont révélés insuffisants. Il prend note des mesures visant à protéger les femmes migrantes victimes de violence domestique, mais il est préoccupé par le manque d’informations sur les mesures visant à garantir l’égalité des sexes dans les politiques migratoires. Il est également préoccupé par les mesures administratives qui instituent des critères particuliers pour les migrants d’origine vénézuélienne et haïtienne, imposant notamment la création de visas consulaires spéciaux. Il juge particulièrement inquiétantes la discrimination et la violence dont les migrants haïtiens, les migrants provenant d’autres continents que l’Amérique du Sud et les migrants d’ascendance africaine font l’objet en raison de leur couleur de peau.

28. Le Comité rappelle sa recommandation antérieure (CMW/C/CHL/CO/1, par. 19) et recommande de nouveau à l’État partie  :

a) De renforcer son action en faveur de la prise en charge et de l’inclusion de la population migrante au niveau local et aux frontières  ;

b) D’adopter des mesures visant à éliminer la xénophobie et les stéréotypes discriminatoires à l’égard des travailleurs migrants et des membres de leur famille, notamment dans l’enseignement général et professionnel, et au moyen de campagnes à l’intention des fonctionnaires et du grand public  ;

c) D’appliquer sans délai et sans exception les sanctions en vigueur pour les différentes formes de discrimination, y compris lorsque celles-ci sont le fait de membres du corps des carabiniers et de la police des frontières, conformément à l’article 7 de la Convention  ;

d) D’intégrer l’égalité des sexes dans les politiques migratoires, notamment en adoptant des mesures visant à éliminer la discrimination à l’égard des femmes migrantes sous forme de tout type de violence fondée sur le genre et d’entrave à l’exercice de leurs droits à la santé, à l’emploi et à l’éducation  ;

e) De veiller à ce que les mesures administratives n’établissent pas une discrimination fondée sur l’origine nationale des migrants, en particulier à l’égard des Vénézuéliens et des Haïtiens.

29.Le Comité est préoccupé par les possibles effets discriminatoires du plan humanitaire de retour lancé en 2018 qui a donné la priorité au retour des Haïtiens et permet le retour volontaire de personnes dans leur pays, mais interdit à ces personnes de revenir au Chili pendant neuf ans.

30. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que tous les retours de migrants encouragés par le plan humanitaire soient effectivement volontaires et fondés sur une décision prise en pleine connaissance de cause, librement et après examen d’autres options appropriées, que tous les migrants puissent bénéficier du plan sans discrimination, et que l’interdiction de revenir au Chili soit supprimée.

Droit à un recours utile

31.Le Comité note que les instances judiciaires et administratives de l’État partie sont les mêmes pour les nationaux et pour les étrangers et que les migrants, quel que soit leur statut migratoire, ont accès aux mêmes tribunaux. En ce qui concerne les travailleurs migrants, il est préoccupé par le manque d’informations sur :

a)Les mécanismes de protection pour les travailleurs migrants et les membres de leur famille qui portent plainte, y compris les travailleuses du sexe, en particulier lorsque les plaintes visent des membres des forces de sécurité, et notamment les carabiniers ;

b)Le nombre et le type de plaintes examinées par les organes judiciaires et administratifs, les enquêtes ouvertes et les décisions rendues ;

c)Les cas dans lesquels les personnes concernées ont bénéficié de l’assistance d’un avocat ;

d)Les réparations accordées aux victimes de ces violations ;

e)Les mesures prises pour informer les travailleurs migrants et les membres de leur famille des voies de recours qui leur sont ouvertes en cas de violation de leurs droits.

32. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De veiller à ce que les garanties d’une procédure régulière soient respectées et les droits des travailleurs migrants protégés dans le cadre des procédures administratives et judiciaires les concernant, quel que soit leur statut migratoire, en particulier dans le cadre des procédures faisant suite à des plaintes déposées par des travailleurs migrants ou des membres de leur famille ou par leurs représentants pour dénoncer des violations, des abus et des mauvais traitement ou des faits de discrimination. Dans le cadre des procédures d’expulsion, il incombe en outre à l’État partie de veiller à ce que l’intérêt supérieur de l’enfant soit évalué compte dûment tenu de tous les éléments pertinents et à ce que le droit à la vie de famille des travailleurs migrants et des membres de leur famille soit respecté. Pour ce qui est des procédures d ’ immigration touchant aux droits d’enfants migrants ou d’enfants de migrants, l’État partie doit veiller à ce que ces enfants soient entendus dans toute procédure les concernant ou concernant des membres de leur famille  ;

b) De collecter régulièrement des données sur  :

i) Le nombre et le type de plaintes examinées par les organes judiciaires et administratifs, ventilées par sexe, âge, nationalité et statut migratoire de la personne concernée et par type d’infraction ou de comportement dénoncé, et l’issue des procédures judiciaires ou administratives  ;

ii) Le nombre de victimes, y compris les travailleurs migrants en situation irrégulière, qui ont bénéficié d’une assistance juridique  ;

iii) Le nombre de victimes, y compris les travailleurs migrants en situation irrégulière, qui ont reçu des réparations, y compris une indemnisation  ;

c) De renforcer les mesures visant à informer les travailleurs migrants et les membres de leur famille, dans une langue qu’ils comprennent, des voies de recours qui leur sont ouvertes en cas de violation de leurs droits, en plus des informations disponibles sur les sites Web des entités sectorielles  ;

d) De veiller à ce que les travailleurs migrants et les membres de leur famille aient accès à la justice dans les pays de transit et de destination même s’ils ne se trouvent plus sur le territoire de ces pays, à ce qu’ils soient informés de leurs droits avant, pendant et après toute procédure administrative et judiciaire touchant à ces droits et à ce qu’ils puissent obtenir une réparation intégrale.

3.Droits humains de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)

Femmes migrantes

33.Le Comité prend note des lois adoptées concernant le travail domestique, notamment de la loi no 20786 qui modifie la durée de la journée de travail, les temps de repos et la composition de la rémunération et qui interdit d’obliger à porter un uniforme dans les lieux publics, ainsi que de l’avis no 3750/0064 qui permet aux employeurs de travailleuses domestiques de s’affilier aux caisses d’allocations et d’en faire bénéficier leurs employées en tant que personnes à charge. Le Comité est préoccupé par le manque d’informations sur les mesures visant à contrôler la situation des travailleuses domestiques migrantes, notamment les plus de 40 % qui sont en situation irrégulière, et sur les mécanismes de plainte.

34. Le Comité rappelle sa recommandation antérieure (CMW/C/CHL/CO/1, par. 37) et recommande à l’État partie  :

a) D’intensifier l’action menée par la Direction du travail pour faire en sorte que l’inspection du travail assure une surveillance plus étroite et plus systématique des conditions de travail des travailleuses domestiques migrantes, y compris celles en situation irrégulière, conformément à l’observation générale n o  1 (201 1 ) du Comité sur les travailleurs domestiques migrants  ;

b) De veiller à ce que les travailleuses domestiques migrantes, y compris celles en situation irrégulière, aient effectivement accès à des mécanismes leur permettant de porter plainte contre leurs employeurs et à ce que tous les abus, y compris les mauvais traitements , donnent lieu à une enquête, que les victimes bénéficient d’une protection et de mesures de réparation et, s’il y a lieu, que les auteurs soient punis.

Femmes migrantes autochtones

35.Le Comité est préoccupé par le manque d’informations sur :

a)La situation des migrantes autochtones privées de leur liberté par la police judiciaire, les carabiniers, la gendarmerie, le système de justice pénale et le système hospitalier (dans le cas des mères porteuses) ;

b)Le nombre de plaintes reçues pour des cas de torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants infligés à des migrantes autochtones et le nombre de ces plaintes qui ont fait l’objet d’une enquête, ainsi que la nature des accusations et les sanctions imposées.

36. Le Comité recommande à l’État partie de garantir les droits des migrantes autochtones privées de liberté et de fournir des données sur  :

a) Le nombre et la situation des migrantes autochtones privées de liberté par la police judiciaire, les carabiniers, la gendarmerie, le système de justice pénale et le système hospitalier (dans le cas des mères porteuses)  ;

b) Le nombre de plaintes reçues pour des cas de torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants infligés à des migrantes autochtones qui ont fait l’objet d’une enquête, ainsi que la nature des accusations et les sanctions imposées.

Enfants et adolescents migrants

37.Le Comité note que l’État partie garantit le droit à l’éducation des enfants et des adolescents, quel que soit leur statut migratoire, mais il s’inquiète de la précarité de leurs permis de séjour. Il est en outre préoccupé par le manque d’informations sur les conditions de vie des enfants et des adolescents qui ne sont pas accompagnés ou qui sont séparés de leurs parents ou des personnes qui en ont la charge, ainsi que sur les mesures visant à protéger les enfants des travailleurs migrants, y compris ceux qui sont en situation irrégulière.

38. Le Comité demande instamment à l’État partie  :

a) De promouvoir la régularisation des enfants et des adolescents migrants scolarisés en leur délivrant des permis de séjour spéciaux  ;

b) De garantir les droits des enfants et des adolescents, y compris les enfants des travailleurs migrants en situation irrégulière, ainsi que ceux qui ne sont pas accompagnés ou qui sont séparés de leurs parents ou des personnes qui en ont la charge, en particulier leurs droits à la santé, à l’éducation, aux services sociaux, à la non ‑violence et à une protection.

39.Le Comité est préoccupé par le manque d’informations concrètes sur les mesures effectivement mises en œuvre pour lutter contre le travail des enfants et des adolescents migrants, notamment en ce qui concerne les pires formes de travail des enfants, et en particulier par le manque d’informations sur :

a)La protection des enfants contre toutes les formes d’exploitation des enfants, en particulier contre les pires formes de travail des enfants ;

b)Les activités de sensibilisation du public aux effets néfastes de toutes les formes d’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, en particulier l’exploitation des enfants et des adolescents par la prostitution et la pornographie ;

c)La prévalence du travail des enfants, y compris le travail des enfants et des adolescents migrants.

40. Le Comité demande instamment à l’État partie  :

a) De redoubler d’efforts pour éradiquer le travail des enfants et des adolescents migrants, y compris les enfants de travailleurs migrants en situation irrégulière, en veillant à ce que des poursuites soient engagées contre ceux qui les exploitent économiquement et à ce que les victimes reçoivent une réparation intégrale  ;

b) De sensibiliser le public aux effets néfastes de toutes les formes d’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, en particulier l’exploitation des enfants et des adolescents migrants par la prostitution et la pornographie  ;

c) De mettre en place un système de collecte de données sur le travail des enfants, qui couvre le travail des enfants et des adolescents migrants  ;

d) De s’appuyer sur l’assistance technique fournie dans le cadre du Programme international de l’OIT pour l’abolition du travail des enfants.

Gestion des frontières et des migrants en transit

41.En ce qui concerne la procédure de reconnaissance du statut de réfugié, le Comité prend note des informations fournies par l’État partie ainsi que des conclusions et recommandations figurant dans le Rapport d’enquête spécial no 828/2019 du Bureau du contrôleur général de la République (octobre 2020), dans lequel sont signalées un certain nombre d’irrégularités commises par les services de l’immigration qui ont eu pour effet d’entraver le traitement des demandes soumises entre juillet 2018 et juin 2019 et ont notamment consisté à retarder le processus et à obliger les demandeurs à accomplir des formalités qui n’étaient pas requises par la législation en vigueur. Au sujet de cette procédure, le Comité est préoccupé par :

a)Le manque d’informations sur les mesures de contrôle aux frontières et les procédures qui s’appliquent aux travailleurs migrants ;

b)Certaines situations, comme celle qui s’est produite en juin 2019, dans laquelle des centaines de Vénézuéliens, y compris des enfants et des adolescents, sont restés coincés à la frontière de Tacna-Chacalluta et Pisiga-Colchane, en raison de l’exigence d’un nouveau visa ; ces situations entraînent une augmentation des entrées irrégulières et exposent les personnes concernées à un risque élevé de traite ;

c)Ce qu’il s’est passé dans la ville de Colchane (région de Taracapá), en février 2021, où l’augmentation sensible des arrivées de migrants a entraîné une urgence sanitaire, l’expulsion de migrants et de réfugiés et l’installation de campements sauvages, ainsi que l’intervention de l’armée pour assurer le contrôle aux frontières et la militarisation de ce contrôle.

42. Le Comité recommande à l’État partie, conformément aux Principes et directives recommandés sur les droits de l’homme aux frontières internationales du Haut ‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH)  :

a) De donner davantage de moyens aux agents de l’État qui fournissent des services aux points de passage frontaliers afin de garantir le respect des droits de tous les migrants ainsi que des personnes ayant besoin d’une protection internationale  ;

b) De faire en sorte que ses mesures de gestion des frontières permettent de protéger les droits des migrants et des réfugiés, ainsi que de s’attaquer et de remédier à toutes les formes de discrimination exercées par des agents de l’État et des acteurs privés aux frontières internationales, et qu’elles respectent le principe de non ‑refoulement et l’interdiction des expulsions arbitraires et collectives.

Détention

43.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie concernant la détention administrative de migrants et est très préoccupé par ce qui suit :

a)L’utilisation de la détention pour une période de vingt‑quatre heures lorsqu’il y a une mesure d’expulsion et non comme une mesure de dernier recours, en application du protocole d’expulsion des délinquants étrangers signé entre le Ministère de l’intérieur et le Service d’enquêtes de la police (Policía de Investigaciones) en 2013 ;

b)Le manque d’informations sur les alternatives à la détention, notamment en ce qui concerne les enfants et les adolescents ;

c)L’absence de renseignements précis sur les conditions de détention temporaire des migrants et des membres de leur famille qui font l’objet d’une décision d’expulsion ;

d)La possibilité pour les autorités de conserver la carte d’identité chilienne périmée, le passeport ou la carte nationale d’identité du migrant et des membres de sa famille, qui se retrouvent alors sans documents ;

e)Le manque d’informations sur les migrants et les membres de leur famille placés en détention.

44. À la lumière de son observation générale n o  2 (2013), le Comité demande instamment à l’État partie  :

a) De veiller à ce que la détention des migrants soit une mesure exceptionnelle de dernier recours, que les motifs soient précisés dans chaque cas, y compris les raisons pour lesquelles des mesures alternatives ne peuvent être mises en œuvre, et que la mesure soit examinée dans les vingt ‑quatre heures par une autorité judiciaire indépendante et impartiale  ;

b) D’adopter des alternatives à la détention administrative en ce qui concerne les travailleurs migrants et les membres de leur famille en attente d’éloignement du territoire national  ;

c) De garantir des conditions décentes et satisfaisantes dans les centres de détention des migrants, qui ne doivent pas fonctionner dans le même but ni selon les mêmes modalités que les établissements pénitentiaires  ;

d) De veiller à ce que le règlement d’application de la nouvelle loi permette que les migrants et les membres de leur famille placés en détention conservent leurs documents d’identité, même si ceux-ci sont périmés  ;

e) De recueillir et de fournir des données actualisées, ventilées par âge, sexe, nationalité, lieu et motif de détention, sur les migrants et leur famille placés en détention.

Torture

45.Le Comité est très préoccupé par les actes de torture dont aurait été victime un migrant haïtien, constitutifs de voies de fait graves au regard de l’article 330 du Code de justice militaire, et par le manque d’informations sur l’enquête menée, les poursuites engagées, les sanctions prononcées et la réparation accordée à la victime.

46. Le Comité demande instamment à l’État partie de garantir à la victime l’accès à la justice et à une procédure régulière et de fournir dans son prochain rapport des renseignements sur la procédure judiciaire et la manière dont les droits du migrant haïtien à la justice et à une réparation ont été assurés.

Expulsion

47.Le Comité est extrêmement préoccupé par :

a)L’impossibilité matérielle de faire appel d’une mesure d’expulsion d’un migrant prise par le Ministère de l’intérieur et de la sécurité publique ; l’expulsion collective de 138 migrants dans la région de Tarapacá le 10 février 2021 ainsi que l’expulsion administrative de 72 migrants et l’expulsion judiciaire de 66 migrants le 26 février 2021 à bord d’un avion de l’armée de l’air ;

b)Le fait que le délai de vingt‑quatre heures prévu pour les expulsions ne garantit pas au migrant le droit à une procédure régulière, ni à une protection consulaire adéquate, comme cela a été le cas le 26 mars 2019 pour des migrants colombiens ;

c)Les pratiques du Service d’enquêtes de la police, qui incite les migrants à se dénoncer en leur faisant croire que c’est obligatoire pour pouvoir solliciter le statut de réfugié, et qui procède ensuite à leur expulsion administrative ;

d)Le nombre élevé d’expulsions faisant suite à des procédures dans lesquelles, bien que des décisions individuelles aient été rendues, les arrêtés d’expulsion étaient tous identiques quant à leur contenu, exception faite du nom des personnes visées et des date et lieu de leur entrée sur le territoire. Cela montre à l’évidence qu’il n’a pas été procédé à une analyse des circonstances propres à chaque cas et que les migrants n’ont pas eu la possibilité de se défendre, ce qui laisse penser que ces expulsions étaient des expulsions collectives.

48. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De veiller à ce que les travailleurs migrants qui font l’objet d’un arrêté d’expulsion administrative connaissent et puissent exercer leur droit de recours contre cet arrêté, et à ce que les procédures d’expulsion administrative soient pleinement conformes aux articles 22 et 23 de la Convention. À cet égard, il est rappelé qu’une procédure pouvant aboutir à l’expulsion d’un migrant doit être individuelle, c’est ‑ à ‑ dire permettre une évaluation des circonstances propres à chaque individu et respecter l’interdiction des expulsions collectives. En outre, une telle procédure doit être exempte de toute discrimination, qu’elle soit fondée sur la nationalité, la couleur, la race, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques, l’origine sociale ou toute autre situation, et la personne qui en fait l’objet doit bénéficier des garanties minimales suivantes  : i) être expressément et formellement informée des accusations portées contre elle et des motifs de son expulsion, ainsi que de ses droits, tels que celui de solliciter et d’obtenir une assistance consulaire, l’assistance d’un avocat et, le cas échéant, les services d’un traducteur ou d’un interprète  ; ii) en cas de décision défavorable, pouvoir exercer son droit de demander le réexamen de son cas par l’autorité compétente et de comparaître devant celle-ci à cette fin  ; et iii) être informée, par des moyens formels et fiables, de la décision d’expulsion dûment motivée, conformément à la loi  ;

b) De garantir, en droit et dans la pratique, l’interdiction absolue des expulsions collectives, à savoir les expulsions dans le cadre desquelles il n’est procédé à aucune analyse objective de la situation particulière de chacun des migrants, considérés comme un groupe et non comme des individus, ni fait aucun cas de leur éventuel besoin de protection, ce qui en fait des expulsions arbitraires  ;

c) De garantir, en droit et dans la pratique, l’application du principe de non ‑ refoulement, qui interdit de renvoyer une personne de force, de quelque manière que ce soit, vers un pays ou un territoire où elle risquerait d’être victime de persécution ou de graves violences ou atteintes aux droits de l’homme. De l’avis du Comité, cela comprend le risque d’être soumis à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, tels que le fait d’être détenu dans des conditions inhumaines ou dégradantes ou l’impossibilité de recevoir des soins médicaux nécessaires dans le pays de renvoi, ainsi que le risque d’atteinte au droit à la vie (art. 9 et 10 de la Convention). Ce principe s’applique aussi lorsqu’une personne ne serait pas protégée contre un refoulement subséquent. Le Comité estime que les migrants et les membres de leur famille devraient être protégés dans les cas où leur expulsion constituerait une immixtion arbitraire dans leur vie privée ou leur famille. Les migrants et les membres de leur famille en situation irrégulière qui ont besoin d’une protection internationale devraient eux aussi être protégés contre l’expulsion  ;

d) De revoir le délai de vingt ‑quatre heures prévu pour les expulsions afin que le migrant concerné puisse avoir effectivement accès à une procédure de recours et à une protection consulaire adéquate  ;

e) De s’assurer que les procédures et pratiques du Service d’enquêtes de la police sont conformes à la loi et permettent le plein exercice des droits  ;

f) De recueillir et de fournir des données régulièrement mises à jour, ventilées par sexe, âge, nationalité et/ou origine, sur les travailleurs migrants et les membres de leur famille qui font l’objet d’un arrêté d’expulsion.

49.Le Comité prend note des renseignements fournis par l’État partie, selon lesquels 169 personnes de nationalité haïtienne ont été empêchées d’entrer dans le pays pour non‑respect de l’article 44 du décret-loi no 1094 ; ces personnes ne faisaient pas l’objet d’une mesure d’expulsion mais ne remplissaient pas les critères pour obtenir un visa de tourisme. Toutefois, le Comité est préoccupé par le manque d’informations concernant :

a)La manière dont les garanties procédurales des intéressés ont été respectées, en ce qui concerne notamment le droit d’être assisté par un conseil, l’accès à la justice et le droit à un recours utile avec effet suspensif ;

b)La coordination avec le pays d’origine des intéressés et l’assistance consulaire dont ils auraient bénéficié, comme le prévoit la Convention ;

c)Les conditions de vie inadmissibles à l’aéroport international de Santiago où plusieurs groupes d’Haïtiens ont été bloqués pendant plusieurs jours sans disposer d’un accès satisfaisant à des toilettes, à une alimentation, à des services de santé ou à leurs bagages pour récupérer des vêtements et des effets personnels ;

d)Le contrôle de la légalité de la procédure, comme le prévoit la Convention.

50. Le Comité recommande à l’État partie de garantir aux migrants qui font l’objet d’une mesure d’expulsion ou qui se sont vu refuser l’entrée sur le territoire national l’assistance d’un conseil, l’accès à la justice et à un recours avec effet suspensif, une assistance consulaire, des conditions sanitaires satisfaisantes et l’accès à une alimentation et à leurs effets personnels. Il lui recommande également d’ouvrir une enquête ou, le cas échéant, de poursuivre son enquête afin de contrôler la légalité de la procédure appliquée aux 169 personnes de nationalité haïtienne, conformément à la Convention.

Nationalité

51.Le Comité constate que la nationalité chilienne a été reconnue à 167 apatrides, comme suite à un arrêt de la Cour suprême, et que le Département des étrangers et des migrations, par la directive ordinaire no 27601 de 2014, a reconnu la nationalité chilienne aux enfants de migrants en situation irrégulière qui sont nés sur le territoire de l’État partie et qui risquent d’être apatrides. Le Comité note toutefois avec préoccupation que la reconnaissance de la nationalité n’est pas établie par la loi.

52. Le Comité demande instamment à l’État partie de reconnaître en droit la nationalité chilienne des enfants de migrants en situation irrégulière qui sont nés sur son territoire afin d’éviter tout risque qu’ils deviennent apatrides.

Éducation

53.Le Comité note que le Département des étrangers et des migrations a créé, en vertu de la circulaire no 16 de 2017, un visa spécial gratuit qui permet aux enfants et aux adolescents d’avoir accès à l’éducation quel que soit le statut migratoire de leurs parents ou de leurs tuteurs. Il relève avec préoccupation que le taux de scolarisation des enfants et adolescents migrants, tous niveaux confondus, est de 15 points de pourcentage inférieur à la moyenne nationale, et regrette en outre le manque d’informations concernant :

a)Les programmes mis en œuvre pour faciliter l’enseignement de la langue locale aux migrants, en particulier ceux d’origine haïtienne ;

b)Les mesures prises pour adapter les méthodes d’enseignement et garantir aux enfants et adolescents migrants un traitement équitable et une protection contre la discrimination, et favoriser ainsi leur intégration dans le système éducatif.

54. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De consacrer davantage de ressources à l’enseignement de la langue locale aux migrants, en particulier ceux d’origine haïtienne  ;

b) De renforcer les mesures visant à promouvoir l’intégration des enfants et adolescents migrants dans le système éducatif et l’amélioration de leurs résultats scolaires.

Droit des migrants de transférer les revenus de leur travail, leurs économies et leurs possessions

55.Le Comité note que l’État partie a conclu des conventions bilatérales de sécurité sociale avec 26 pays, lesquelles prévoient la possibilité de transférer les avoirs de retraite à l’étranger, mais il est préoccupé par le fait que, dans les pays avec lesquels l’État partie n’a pas conclu de telles conventions, seuls les migrants possédant un titre de qualification technique ou professionnelle sont habilités à retirer leur avoir de retraite. Le Comité s’inquiète aussi du manque d’informations concernant les mesures prises pour que les travailleurs migrants puissent transférer sans difficulté les revenus de leur travail, leurs économies et leurs possessions, ainsi que celles prises pour faciliter le transfert de fonds privés et en réduire le coût.

56. Le Comité rappelle sa recommandation antérieure (CMW/C/CHL/CO/1, p a r. 41) et recommande à l’État partie  :

a) De donner aux migrants qui ont cotisé à la sécurité sociale la possibilité de transférer leur avoir de retraite vers le pays de leur choix, qu’ils possèdent ou non un titre de qualification technique ou professionnelle  ;

b) De faciliter le transfert, par les travailleurs migrants, des revenus de leur travail, de leurs économies et de leurs possessions, et de réduire le coût des transferts de fonds privés.

4.Migrants en situation régulière

Logement

57.Le Comité est préoccupé par l’absence d’informations concernant les mesures prises pour combattre et sanctionner l’exploitation en matière de loyers et pour garantir l’accès des travailleurs migrants à un logement convenable, sûr et salubre et faire en sorte qu’ils puissent bénéficier d’allocations de logement.

58. Le Comité recommande à l’État partie de combattre et de sanctionner l’exploitation en matière de loyers et de garantir l’accès des migrants et des membres de leur famille à un logement convenable, y compris les programmes de logements sociaux, conformément au paragraphe 1, alinéa d), de l’article 43 de la Convention.

5.Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 64 à 71)

Traite

59.Le Comité prend note des différentes mesures prises par l’État partie pour combattre la traite aux niveaux national et international, notamment l’incrimination de traite des personnes prévue à l’article 411 qu a ter du Code pénal ; la collecte de données sur les enquêtes ouvertes concernant des faits de traite, les condamnations prononcées contre les responsables et l’aide accordée aux victimes, conformément à la loi no 20507 de 2011 ;la mise en œuvre du Plan d’action national contre la traite des personnes (2015-2018) ; et l’adoption en 2014 du protocole intersectoriel de prise en charge des victimes de la traite.Il prend note des informations fournies au cours du dialogue sur le plan national de lutte contre la traite pour la période 2019-2022, mais il est préoccupé par :

a)Le manque d’informations accessibles au public sur la politique en vigueur en matière de lutte contre la traite ;

b)L’absence de centres d’hébergement temporaire pour les hommes victimes de la traite ;

c)Le fait que les foyers du Service national de protection des mineurs (SENAME) sont surpeuplés et inadaptés pour accueillir des enfants et des adolescents victimes de la traite et leur apporter le soutien dont ils ont besoin ;

d)Le manque d’informations concrètes sur les mesures prises pour faire en sorte que les victimes de la traite retrouvent leur famille ;

e)L’absence de données sur le nombre de personnes victimes de la traite ou du trafic illicite de migrants qui ont fait une demande de permis de résidence temporaire ou permanente et le nombre de ces demandes auxquelles il a été fait droit en vertu de l’article 33 bis du décret-loi no 1094 de 1975 ;

f)Le manque de statistiques sur les plaintes enregistrées pour faits de traite, les enquêtes auxquelles elles ont donné lieu et les sanctions appliquées.

60. Le Comité recommande à l’État partie , conformément aux Principes et directives concernant les droits de l’homme et la traite des êtres humains (recommandations) du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme  :

a) D’actualiser le plan d’action national contre la traite des personnes en y spécifiant des délais clairs ainsi que des indicateurs et des bases référence pour le suivi et l’évaluation de sa mise en œuvre afin de prévenir et de combattre la traite  ;

b) De mettre en place des centres d’hébergement temporaire pour les hommes victimes de la traite où ceux-ci auront accès à des soins médicaux et à un soutien psychosocial et de prendre d’autres mesures pour faciliter leur réinsertion sociale  ;

c) De mettre en œuvre des programmes de protection de l’enfance offrant des services professionnels et spécialisés de réadaptation physique et psychologique et de réinsertion pour les enfants et les adolescents victimes de la traite et permettant d’accueillir ces derniers dans des structures appliquant des mesures spéciales de protection des enfants  ;

d) De prendre des mesures afin de faire en sorte, selon qu’il convient, que les victimes de la traite, aussi bien internationale que nationale, retrouvent leur famille  ;

e) De recueillir et de publier régulièrement des données détaillées sur le nombre de personnes victimes de la traite et du trafic illicite de migrants qui ont fait une demande de permis de résidence temporaire ou permanente et le nombre de ces demandes auxquelles il a été fait droit  ;

f) De faire figurer dans son prochain rapport périodique des données détaillées sur les plaintes enregistrées pour faits de traite, les poursuites et les condamnations auxquelles elles ont donné lieu et les mesures de réparation accordées aux victimes.

Régularisation

61.Le Comité prend note du processus de régularisation extraordinaire lancé le 23 avril 2018 et ouvert aux personnes arrivées au Chili au plus tard le 8 avril 2018, qui a permis de régulariser plus de 155 707 personnes, dont un grand nombre de familles entières. Il prend également note des renseignements qui lui ont été fournis au cours du dialogue avec l’État partie quant au projet de celui-ci d’engager un nouveau processus de régularisation extraordinaire en avril 2021. Il est toutefois préoccupé par :

a)L’absence de politique globale de régularisation et le fait que les migrants et les membres de leur famille, y compris les enfants et les adolescents non accompagnés, ne puissent pas bénéficier d’une procédure prévisible en la matière ;

b)Les modifications apportées à la législation au titre de la nouvelle politique migratoire nationale à l’effet de créer de nouveaux visas de résidence temporaire, qui limitent les possibilités de migration légales, sûres, accessibles et abordables financièrement ;

c)La disposition de la nouvelle loi relative aux migrations et aux étrangers qui laisse à la discrétion des autorités la décision d’ouvrir ou non une procédure de régularisation ainsi que l’appréciation d’éléments tels que la profondeur des liens avec le pays d’accueil et le niveau d’intégration sociale, familiale et professionnelle ;

d)Le manque de statistiques, ventilées par nationalité, sexe, âge et situation (régulière ou irrégulière) des migrants, sur les permis de résidence accordés par l’État partie.

62. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De concevoir et de mettre en œuvre une politique globale garantissant l’accès des travailleurs migrants et des membres de leur famille en situation irrégulière, y compris les enfants et les adolescents non accompagnés, à une procédure de régularisation d’un coût abordable  ;

b) De veiller à ce que la nouvelle politique migratoire offre davantage de possibilités de migration légales, sûres, accessibles et abordables financièrement en libéralisant progressivement le régime des visas de manière à en faciliter l’obtention, et de prendre des mesures pour donner effet aux recommandations formulées dans la Déclaration conjointe relative à l’élaboration d’une stratégie régionale pour faire face à l’afflux massif de migrants vénézuéliens dans les pays du continent américain, signée par la Commission interaméricaine des droits de l’homme et plusieurs comités, organes et titulaires de mandat au titre des procédures spéciales des Nations Unies  ;

c) De faire figurer dans son prochain rapport périodique des statistiques, ventilées par nationalité, sexe, âge et situation (régulière ou irrégulière) des migrants, sur les permis de résidence accordés par l’État partie, notamment ceux accordés à des migrants de nationalité argentine, bolivienne, brésilienne, paraguayenne ou uruguayenne, en vertu de la circulaire n o 26465 du 4 décembre 2009 du Sous ‑ Secrétaire à l’Intérieur .

6.Diffusion et suivi

Diffusion

63. Le Comité demande à l’État partie de veiller à ce que les présentes observations finales soient largement diffusées auprès des institutions d’État compétentes, notamment les ministères, le Parlement, l’appareil judiciaire et les autorités locales, ainsi qu’auprès des organisations non gouvernementales et des autres membres de la société civile .

64. Le Comité recommande à l ’ État partie de s ’ entretenir de la mise en œuvre de la Convention et, en particulier, des présentes observations finales et conclusions avec les organisations de la société civile et de tenir compte des propositions que ces organisations, qui connaissent bien la vie quotidienne des migrants, pourront lui faire au sujet des problèmes spécifiques posés par les migrations au Chili . À cette fin, le Comité́ recommande à l’État partie de créer, en coordination avec les organismes compétents et la société civile, un mécanisme de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des recommandations émanant des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier celles du Comité, qui permette une évaluation régulière de leur mise en œuvre et associe les organismes des Nations Unies et l’institution nationale des droits de l’homme .

Suivi des observations finales

65. Le Comité invite l’État partie à lui fournir par écrit, dans un délai de deux ans (c’est-à-dire le 1 er  mai 2023 au plus tard), des informations sur la mise en œuvre des recommandations figurant aux paragraphes 27 (Non-discrimination), 37 (Enfants et adolescents migrants), 46 (Expulsion) et 61 (Régularisation) ci-dessus.

Prochain rapport périodique

66. Le Comité prie l’État partie de soumettre son troisième rapport périodique d’ici au 1 er mai 2026. À cette fin, il encourage l’État partie à continuer de suivre la procédure simplifiée d’établissement des rapports. Il appelle l’attention de l’État partie sur ses directives harmonisées concernant l’établissement des rapports (HRI/GEN/2/Rev.6).