NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.RESTREINTE*

CCPR/C/90/D/1391/200522 août 2007

FRANÇAISOriginal: ESPAGNOL

COMITÉ DES DROITS DE LHOMMEQuatre‑vingt‑dixième session9‑27 juillet 2007

DÉCISION

Communication n o  1391/2005

Présentée par:

Benito Javier Rodrigo Alonso (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

29 août 2004 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à lÉtat partie le 11 mai 2005 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision:

24 juillet 2007

Objet: Défaut de réexamen complet en cassation du jugement rendu en première instance

Questions de procédure: Non‑épuisement des recours internes, absence de fondement suffisant des violations alléguées

Questions de fond: Droit à ce que le jugement et la peine soient soumis à une juridiction supérieure conformément à la loi

Articles du Pacte: 14 (par. 1, 2 et 5), 15 (par. 1) et 26

Articles du Protocole facultatif: 2 et 5 (par. 2 a) et b))

[ANNEXE] ANNEXE

DÉCISION DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME EN VERTU DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre ‑vingt ‑dixième session

concernant la

Communication n o  1391/2005 **

Présentée par:

Benito Javier Rodrigo Alonso (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

29 août 2004 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 24 juillet 2007,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication, datée du 29 août 2004, est Benito Javier Alonso, de nationalité espagnole, né en 1959. Il affirme être victime de violations par l’Espagne des paragraphes 1, 2 et 5 de l’article 14, du paragraphe 1 de l’article 15, et de l’article 26 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’Espagne le 25 avril 1985. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

Exposé des faits

2.1Le 6 février 1998, à l’aéroport de Francfort–sur‑le‑Main en Allemagne, des fonctionnaires des douanes ont ouvert un paquet venant de Bolivie, adressé à Javier Rodrigo Alonso, qui contenait 200 grammes de cocaïne. Le même jour, les autorités allemandes ont envoyé le paquet aux autorités espagnoles. Le 17 février, l’auteur a été arrêté par un agent espagnol du service des douanes, alors qu’il s’apprêtait à retirer le paquet dans un bureau de poste d’Ibiza. Il a été conduit dans les bureaux du service des douanes où le paquet a été ouvert en présence d’une greffière. L’auteur soutient que le paquet avait été manipulé puisqu’une des boîtes qu’il contenait était ouverte.

2.2Le 1er décembre 1998, l’Audiencia Provincial de Palma de Majorque a condamné l’auteur à dix ans de prison et à une amende de 30 480 000 pesetas (environ 183 000 euros). Au cours du procès, l’auteur a affirmé que l’envoi postal avait été ouvert en violation du droit au secret des communications, ce qui ôtait toute valeur aux preuves ainsi obtenues. L’auteur estime en outre que le jugement de l’Audiencia Provincial faisait mention d’un fait qui n’avait pas été prouvé pendant le procès. D’après ce jugement, une étiquette verte C‑1 était collée sur le paquet. Or d’après l’auteur, le paquet n’était pas muni d’une telle étiquette et ne pouvait donc pas être ouvert par les autorités allemandes.

2.3L’auteur s’est pourvu en cassation contre le jugement de l’Audiencia Provincial, en invoquant les moyens ci‑après: i) erreur de fait dans le fondement factuel du jugement, en ce qui concerne la valeur de la drogue; ii) introduction d’un fait non prouvé, à savoir l’existence de l’étiquette verte de type C‑1; iii) violation du secret des correspondances, puisque le paquet avait été ouvert à Francfort sans l’intervention ou l’autorisation des services judiciaires; iv) violation du secret des correspondances, puisque le paquet avait été ouvert en Espagne hors de la présence d’un juge; et v) violation du droit à la présomption d’innocence. Le 10 avril 2000, le Tribunal suprême a rendu son arrêt, dans lequel il rejette tous les moyens invoqués, à l’exception du premier. Concluant qu’il y avait eu erreur de fait quant à la valeur de la drogue, il a admis le moyen en question et a réduit le montant total de l’amende infligée en première instance. Selon l’auteur, le Tribunal suprême s’est limité à se prononcer sur les moyens du pourvoi, et n’a à aucun moment examiné les preuves sur lesquelles était fondée la condamnation de l’Audiencia Provincial. En mars 2004, l’auteur a introduit devant le Tribunal suprême un recours extraordinaire en révision qui a été rejeté d’office le 9 mars 2004.

2.4L’auteur affirme qu’il a épuisé les recours internes. Selon lui, il était inutile de former un recours en amparo devant le Tribunal constitutionnel en invoquant la violation du droit au double degré de juridiction, ce tribunal ayant pour jurisprudence constante de rejeter ce genre de recours. En outre, ce recours n’aurait pas été efficace en ce qui concerne la violation de son droit à la présomption d’innocence, puisque le Tribunal constitutionnel ne peut pas revenir sur les faits établis au procès et que les éléments de preuve ne peuvent pas être appréciés par une juridiction supérieure.

2.5Le 14 février 2001, l’auteur a saisi la Cour européenne des droits de l’homme. Le 31 mai 2002, la Cour a déclaré la communication irrecevable pour non‑épuisement des recours internes, l’auteur n’ayant pas formé un recours en amparo devant le Tribunal constitutionnel. L’auteur allègue que la Cour européenne n’a pas compétence à l’égard de l’Espagne pour ce qui touche au double degré de juridiction, puisque l’Espagne n’a pas ratifié le Protocole no7 à la Convention européenne, qui reconnaît le droit au double degré de juridiction.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur dénonce une violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Il fait valoir qu’il n’a pas obtenu un réexamen complet du jugement par un tribunal supérieur étant donné que le pourvoi en cassation est limité à des points de droit ou des questions de forme, et qu’il n’est pas possible de contester les éléments de preuve puisque le Tribunal suprême ne peut pas les réexaminer. L’auteur fait valoir que dans l’affaire le concernant, l’Audiencia Provincial a introduit un fait qui n’avait pas été prouvé au cours du procès, à savoir que le paquet était muni d’une étiquette verte C‑1. Le tribunal a rejeté ce moyen dans l’arrêt de cassation, considérant qu’il n’avait pas été invoqué au procès, ce qui portait atteinte au principe d’égalité entre les parties. Selon l’auteur, ce moyen était étayé de preuves documentaires comme la photocopie de l’emballage de l’envoi dépourvu de toute étiquette, le procès‑verbal de l’ouverture de l’envoi, qui ne faisait pas mention de l’étiquette verte, ou l’accusé de réception de l’envoi, qui contenait une description des caractéristiques extérieures du paquet dans laquelle n’était mentionnée aucune étiquette.

3.2L’auteur dénonce également une violation des paragraphes 1 et 2 de l’article 14 du Pacte, étant donné que: i) la réouverture du paquet en Espagne n’a pas été faite en présence d’un juge; ii) la preuve à charge obtenue en violation de la loi ne pouvait pas être retenue contre lui; iii) le fait que le paquet était muni d’une étiquette verte C‑1 a été introduit arbitrairement dans la déclaration de culpabilité, si bien qu’il n’a pas pu contester cet élément de preuve au procès. Il affirme que l’appréciation de la preuve par l’Audiencia Provincial de Majorque a été totalement arbitraire.

Observations de l’État partie sur la recevabilité de la communication

4.1Dans une note verbale du 30 janvier 2006, l’État partie présente ses observations sur la recevabilité de la communication. L’État partie affirme que la communication est irrecevable pour non‑épuisement des recours internes, l’auteur n’ayant pas formé un recours en amparo. Il ajoute que la communication est irrecevable parce qu’elle constitue un abus du droit de présenter des communications, qu’elle est manifestement dénuée de fondement et qu’elle a déjà été examinée par une autre instance internationale de règlement, la Cour européenne des droits de l’homme.

4.2Selon l’État partie, les recours internes n’ont pas été épuisés puisque le Tribunal constitutionnel n’a pas eu la possibilité de se prononcer par la voie de l’amparo sur l’étendue du réexamen effectué en cassation dans le cas d’espèce. L’État partie cite l’arrêt du Tribunal constitutionnel du 3 avril 2002 (STC 70/02, première chambre), lequel a estimé que:

«…il existe une assimilation fonctionnelle entre le pourvoi en cassation et le droit à l’examen de la déclaration de culpabilité et de la condamnation énoncé au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, à condition de faire une interprétation large des possibilités d’examen au stade de la cassation, et de ne pas interpréter le droit reconnu dans le Pacte comme étant le droit à un nouveau procès en deuxième instance, mais le droit à un réexamen par une juridiction supérieure de la conformité avec la loi du jugement rendu en première instance… (…). Il est faux d’affirmer que notre régime de cassation se limite à l’analyse de questions de droit et de forme et ne permet pas de réexaminer les preuves (…). Actuellement, en vertu de l’article 852 (de la loi de procédure pénale), le pourvoi en cassation peut être formé dans tous les cas en invoquant la violation d’un principe constitutionnel. Et, en vertu de l’article 24, paragraphe 2 (de la Constitution) (garanties de procédure et présomption d’innocence), le Tribunal suprême peut contrôler tant la licéité de la preuve administrée sur laquelle est fondé le jugement que le point de savoir si cette preuve est suffisante pour faire tomber la présomption d’innocence et le caractère raisonnable des conclusions formulées. De ce fait, (l’auteur) dispose d’une voie de recours qui permet un réexamen complet, c’est‑à‑dire la possibilité de faire examiner non seulement les points de droit, mais aussi les points de fait sur lesquels est fondée la déclaration de culpabilité, au moyen du contrôle de l’application des règles de procédure et d’appréciation de la preuve.».

4.3L’État partie invoque aussi les conclusions du Comité dans les affaires Parra Corral et Carvallo Villar, dans lesquelles le Comité a estimé que le réexamen du jugement en cassation et en amparo était suffisant aux fins du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Il cite également les décisions concernant les communications Bertelli Gálvez et Cuartero Casado, dans lesquelles le Comité a estimé que le pourvoi en cassation était suffisant pour répondre aux exigences du Pacte.

4.4L’État partie relève que l’auteur reconnaît qu’il n’a pas épuisé les recours internes et prétend justifier le fait qu’il n’a pas formé un recours en amparo par une prétendue inefficacité de cette procédure. Or, à la suite des constatations du Comité dans l’affaire Gómez Vázquez, le recours en amparo est désormais un recours utile puisqu’il est démontré que, dans des affaires dans lesquelles il était jusqu’alors rejeté, le Tribunal constitutionnel rend aujourd’hui une décision sur le fond. Cela n’empêche pas qu’après avoir analysé précisément l’étendue du réexamen effectué dans une affaire donnée il puisse considérer que ce réexamen a été suffisant, non seulement en ce qui concerne les points de droit mais également les points de fait. Les recours doivent exister et être disponibles, mais l’on ne saurait les qualifier d’inefficaces pour la simple raison qu’ils n’ont pas permis à l’auteur d’obtenir gain de cause. L’État partie ajoute que toute interprétation trop large du Protocole facultatif se traduirait par la possibilité de dispenser de l’obligation d’utiliser les recours internes dans le cas où il existerait une jurisprudence établie par les juridictions internes, ce qui serait de toute évidence contraire à l’esprit et à la lettre du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

4.5En outre, l’État partie affirme que la communication est manifestement dénuée de fondement étant donné que la décision du Tribunal suprême règle amplement les questions soulevées dans le pourvoi en cassation, en particulier celles qui portent sur la preuve à charge qui fait tomber la présomption d’innocence. La lecture de l’arrêt du Tribunal suprême montre qu’il y a eu révision complète de la déclaration de culpabilité et de la peine. Le pourvoi en cassation portait presque exclusivement sur des faits et des preuves, et le Tribunal est même allé jusqu’à admettre le moyen relatif à la valeur de la drogue saisie, et a modifié la peine en conséquence.

4.6Enfin, l’État partie rappelle que «la même question» a été portée devant la Cour européenne des droits de l’homme, qui a rejeté la requête pour non‑épuisement des recours internes. L’État partie renvoie à la décision du Comité dans l’affaire Ferragut Pallach c. Espagne, dans laquelle le Comité a considéré que la version espagnole du Protocole facultatif mentionnait aussi les situations dans lesquelles l’examen d’une question était achevé, et que l’État espagnol avait clairement l’intention de préserver le sens du texte espagnol du Protocole facultatif, et il a conclu que cette déclaration correspondait donc à une réserve visant à étendre le paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole aux communications déjà examinées par d’autres instances internationales. En conséquence, l’État partie demande que la communication soit déclarée irrecevable en vertu du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif.

4.7L’État partie propose également que la communication soit déclarée irrecevable tant pour non‑épuisement des recours internes, conformément aux dispositions de l’article 2 et du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, que parce qu’elle constitue un abus du droit de présenter des communications comme prévu aux articles 2 et 3 et au paragraphe 2 de l’article 5 du Protocole facultatif.

Commentaires de l’auteur

5.1Dans ses commentaires du 15 mai 2006, l’auteur réaffirme que le jugement de l’Audiencia Provincial de Palma de Majorque ne pouvait faire l’objet que d’un pourvoi en cassation devant le Tribunal suprême, qui s’est limité à statuer sur les moyens de cassation. Le Tribunal suprême n’a réexaminé à aucun moment les éléments de preuve sur lesquels l’Audiencia Provincial avait fondé la condamnation.

5.2L’article 847 de la loi de procédure pénale prévoit que les jugements rendus par les Audiencias en procédure orale ne peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation que pour infraction à la loi et vice de forme. Le caractère extraordinaire de cette voie de recours empêche de contester les éléments de preuve utilisés par la juridiction de jugement et limite le réexamen de la décision aux éléments de forme et de droit. Ainsi, toute décision de la juridiction inférieure concernant les faits tenus pour établis dans le jugement est définitive, et il n’existe aucune possibilité que le tribunal de cassation procède à une nouvelle appréciation des preuves.

5.3L’auteur explique que, se fondant sur la jurisprudence du Comité, il a formé un recours extraordinaire en révision devant le Tribunal suprême et apporté de nouveaux éléments de preuve qui démontraient l’erreur de la juridiction de jugement. Ce recours a été classé d’office, le tribunal ayant considéré que l’auteur prétendait faire réexaminer l’administration de la preuve dans sa totalité.

5.4Selon l’auteur, l’Audiencia Provincial de Palma de Majorque a procédé à une appréciation des faits manifestement arbitraire, ce qui constitue un déni de justice, et en cassation le Tribunal suprême s’est limité à confirmer la condamnation, en corrigeant la valeur de la drogue de manière tout aussi arbitraire. L’auteur affirme que, lors d’un pourvoi en cassation, le Tribunal suprême procède à un examen limité de la question de savoir si les conclusions de l’Audiencia sont ou non arbitraires ou constituent un déni de justice, ce qui n’est pas conforme au paragraphe 4 (sic) de l’article 14 du Pacte.

5.5Quant à l’argument de l’État partie qui affirme que les recours internes n’auraient pas été épuisés, l’auteur explique que, même s’il avait formé un recours en amparo celui‑ci n’aurait pas abouti, et que le Tribunal constitutionnel ne peut pas revenir sur les faits tenus pour établis par la juridiction de jugement. Il soutient également que le Tribunal constitutionnel rejette les recours en amparo qui visent le réexamen d’une condamnation. Enfin il relève que, selon des données publiées dans la presse espagnole, en 2003 le Tribunal constitutionnel a rejeté 97 % des recours en amparo dont il avait été saisi. Il conclut que le recours n’avait aucune chance d’aboutir et il renvoie à la jurisprudence du Comité dans les affaires Gómez Vázquez et Joseph Semey.

5.6Pour ce qui est de l’argument de l’État partie qui fait valoir que la communication a déjà été examinée par la Cour européenne, l’auteur rappelle que la Cour a déclaré sa communication irrecevable pour non‑épuisement des recours internes, au motif qu’il n’avait pas formé un recours en amparo devant le Tribunal constitutionnel. Il réaffirme que l’affaire n’a donc pas été étudiée par la Cour européenne, qui n’a examiné aucune question de fond. Selon la jurisprudence du Comité, la question doit avoir été examinée par une autre instance internationale de règlement pour que ce critère d’irrecevabilité soit applicable. De plus, la Cour européenne n’aurait pas compétence à l’égard de l’Espagne pour la question du double degré de juridiction pénale puisque l’Espagne n’a pas ratifié le Protocole no 7, qui reconnaît en son article 2 le droit à un double degré de juridiction en matière pénale.

5.7Enfin, l’auteur dénonce une atteinte aux droits garantis au paragraphe 1 de l’article 15 et à l’article 26 du Pacte du fait que, par suite de la décision du Tribunal suprême qui a porté à 750 grammes de cocaïne la quantité de drogue constituant une circonstance aggravante, les tribunaux prononcent une peine de trois ans à six ans d’emprisonnement pour atteinte à la santé publique quand la quantité de cocaïne saisie est inférieure à 750 grammes. L’auteur allègue que, pour une quantité d’environ 400 grammes de cocaïne, il exécute actuellement une peine de dix ans, bien qu’il ait demandé une réduction de peine par les voies légales. Il conclut que l’État partie a violé les principes d’égalité et de non‑discrimination.

Délibérations du Comité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité prend note des griefs tirés des paragraphes 1 et 2 de l’article 14, relatifs à l’ouverture prétendument illégale du paquet en Espagne et à la mention arbitraire dans le jugement en première instance de l’existence d’une étiquette verte C‑1. Le Comité considère que ces griefs se rapportent pour l’essentiel à l’appréciation des éléments de fait et de preuve effectuée par les tribunaux espagnols. Il rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle il appartient en principe aux juridictions des États parties d’apprécier les faits et les preuves, sauf s’il peut être établi que cette appréciation a été manifestement arbitraire ou a représenté un déni de justice. Le Comité considère que l’auteur n’a pas démontré, aux fins de la recevabilité, que la décision des tribunaux de l’État partie était entachée d’arbitraire ou constituait un déni de justice, et cette partie de la communication doit donc être déclarée irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.3En ce qui concerne le grief de violation du paragraphe 1 de l’article 15 et de l’article 26, formulé par l’auteur au motif qu’il exécute une peine supérieure à celle qui serait appliquée aujourd’hui par les tribunaux pour la quantité de drogue saisie, le Comité note que l’auteur n’a pas apporté de renseignements sur les recours qu’il aurait tenté de former devant les juridictions internes à cet égard. Le Comité estime donc que cette partie de la communication est elle aussi irrecevable pour non‑épuisement des recours internes, conformément au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

6.4Quant à l’argument de l’État partie qui objecte que la communication est irrecevable parce que la même question a été portée devant la Cour européenne des droits de l’homme, le Comité note que la Cour n’a pas examiné l’affaire au sens de l’alinéa a du paragraphe 2 de l’article 5 du Protocole facultatif, puisque sa décision était fondée uniquement sur des questions de forme et qu’elle n’a pas examiné le fond. En conséquence, le Comité estime qu’il n’existe aucun obstacle au regard de l’alinéa a du paragraphe 2 de l’article 5 du Protocole facultatif, tel que modifié par la réserve de l’État partie.

6.5Le Comité prend note des allégations de l’État partie, qui affirme que les recours internes n’ont pas été épuisés puisque les griefs soumis au Comité n’ont jamais été présentés devant le Tribunal constitutionnel, et qu’à la suite de la décision rendue dans l’affaire Gómez Vázquez le recours en amparo est désormais un recours utile. Le Comité constate que l’arrêt du Tribunal suprême dans l’affaire concernant l’auteur est antérieure à sa propre décision dans l’affaire Gómez Vázquez. Il rappelle également sa jurisprudence constante selon laquelle seuls doivent être épuisés les recours internes ayant une chance raisonnable d’aboutir. Le recours en amparo devant le Tribunal constitutionnel n’avait aucune chance d’aboutir relativement au grief de violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte; en conséquence, le Comité considère que les recours internes ont été épuisés.

6.6Le Comité prend note des griefs de l’auteur, qui invoque une violation du paragraphe 5 de l’article 14 au motif que le Tribunal suprême n’aurait pas procédé à un réexamen complet de la décision de l’Audiencia Provincial et se serait limité à statuer sur les moyens du pourvoi en cassation sans réexaminer les preuves sur lesquelles était fondée la condamnation, rejetant en particulier le moyen relatif à la mention d’un fait non prouvé dans le jugement de l’Audiencia, à savoir l’existence de l’étiquette verte C‑1, au motif que cette question était soulevée pour la première fois en cassation. Cependant, le Comité constate que le Tribunal suprême a procédé à un réexamen de la décision rendue par l’Audiencia Provincial et que ce réexamen portait essentiellement sur les éléments de fait et de preuve. Il observe que, comme le souligne l’État partie, le Tribunal a même apprécié le moyen fondé sur l’erreur de fait relative à l’évaluation de la drogue saisie, et qu’il a rectifié cette évaluation et réduit considérablement l’amende infligée en première instance. Quant au moyen relatif à l’existence d’une étiquette verte C‑1, le Comité fait observer que le Tribunal a estimé que la question avait été soulevée tardivement et qu’il existait en tout état de cause une preuve documentaire suffisante, le document signé par deux fonctionnaires du service des douanes confirmant l’existence de cette étiquette. Le Comité conclut qu’il ressort de l’arrêt du Tribunal suprême que ce dernier a accordé l’attention voulue aux arguments avancés par l’auteur, examinant dans le détail les éléments de fait et de preuve invoqués dans le pourvoi, et qu’il a procédé à un réexamen complet du jugement de l’Audiencia Provincial. Compte tenu de ce qui précède, le Comité estime que la plainte de l’auteur au titre du paragraphe 5 de l’article 14 n’est pas suffisamment étayée aux fins de la recevabilité, et il conclut qu’elle est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en anglais, en espagnol (version originale) et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté par le Comité à l’Assemblée générale.]

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