NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.RESTREINTE*

CCPR/C/90/D/1386/200522 août 2007

FRANÇAISOriginal: ESPAGNOL

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre-vingt-dixième session9-27 juillet 2007

DÉCISION

Communication n o  1386/2005

Présentée par:

Tchanko Roussev Gueorguiev (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

5 avril 2004 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 21 avril 2005 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision:

24 juillet 2007

Objet: Garanties d’une procédure régulière et absence d’un réexamen complet, en cassation, du jugement de condamnation et de la peine

Questions de procédure: Non‑épuisement des recours internes; litispendance internationale; plainte non étayée

Questions de fond: Droit aux garanties minimales d’une procédure régulière; droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation conformément à la loi

Article du Pacte: 14 (par. 3 b), 3 e) et 5

Articles du Protocole facultatif: 2 et 5 (par. 2 a) et 2 b))

[ANNEXE]

ANNEXE

DÉCISION DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME EN VERTU DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre-vingt-dixième session

concernant la

Communication n o  1386/2005 **

Présentée par:

Tchanko Roussev Gueorguiev (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

5 avril 2004 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 24 juillet 2007,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication, datée du 5 avril 2004, est Tchanko Roussev Gueorguiev, de nationalité bulgare, né en 1969. Il se déclare victime de violations par l’Espagne du paragraphe 3 b) et e) et du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 25 avril 1985. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

Exposé des faits

2.1Le 20 juin 2000, l’Audiencia Provincial de Burgos a condamné l’auteur pour un délit d’agression sexuelle commis avec la circonstance atténuante d’état d’ivresse, à six ans d’emprisonnement assorti d’une interdiction spéciale d’exercer le droit de vote, et au paiement des dépens; elle l’a également condamné à un emprisonnement de trois fins de semaine pour un délit mineur de lésion.

2.2Dans le jugement de l’Audiencia Provincial les faits déclarés prouvés sont exposés comme suit:

i)Le 29 août 1999, tôt le matin, l’auteur a ramené chez lui V. P., serveuse dans un établissement de Burgos appelé «Pub Varadero» après la fermeture; chez lui, il l’a obligée à avoir des relations sexuelles en faisant usage de violence. Il avait employé deux préservatifs, dont l’un s’est déchiré pendant l’acte sexuel;

ii)Ce même jour, V. P. a déposé une plainte contre l’auteur au commissariat de police de Burgos, qui a ordonné son admission immédiate à l’hôpital pour subir des examens physiques et gynécologiques. Le médecin légiste qui a procédé à l’examen physique a constaté que V. P. présentait plusieurs hématomes et des inflammations au nez, à la lèvre, au cou, à la clavicule et à l’intérieur des cuisses. Le rapport du gynécologue constatait une vulvite et la présence de sperme;

iii)Ce même jour une brigade de police s’est présentée au domicile de l’auteur et l’a arrêté; il dormait dans sa chambre et par terre il y avait deux préservatifs avec du sperme, dont l’un était déchiré.

2.3L’auteur dit qu’au procès qui s’est tenu devant l’Audiencia Provincial de Burgos, il a reconnu avoir eu des relations sexuelles avec la prétendue victime la nuit des faits mais qu’elle était consentante et qu’il niait l’avoir frappée ou violée. Il affirme qu’il a été condamné sur la base d’«accusations abstraites de la part du Procureur et du médecin légiste». Il ajoute que l’Audiencia Provincial a rejeté la demande de son avocat qui souhaitait un ajournement du procès pour pouvoir citer à la barre le psychiatre qui suivait la victime, laquelle souffrait de boulimie et d’un trouble limite de la personnalité. La défense avait également demandé que l’Institut de toxicologie fasse un rapport complémentaire au rapport déjà produit, et avait envoyé des échantillons de sang de l’accusé, afin que l’Institut détermine si le sperme contenu dans les préservatifs était celui de l’auteur.

2.4L’auteur affirme en outre que l’avocat qui avait assuré sa défense pendant l’audience préliminaire a cessé de le représenter au début de septembre 2000 et que, en janvier 2001, il a reçu une lettre lui annonçant la désignation d’un avocat pour le représenter en cassation. Il fait valoir que cet avocat n’a jamais eu accès au dossier. Il ajoute qu’il a appris, fin mai 2001, que cet avocat aurait formé le 7 décembre 2000 un recours en cassation sans avoir à aucun moment pris contact avec l’auteur. Les fondements du pourvoi en cassation étaient les suivants: i) vice de forme, pour refus d’avoir accordé la suspension du procès et la comparution comme témoin du psychiatre; ii) illégalité du fait d’une erreur dans l’appréciation de la preuve constituée par le rapport psychiatrique; et iii) illégalité pour la violation du paragraphe 2 de l’article 24 de la Constitution de l’Espagne qui reconnaît le droit fondamental à utiliser différents modes de preuve, en raison du refus de faire procéder à un test ADN.

2.5Le 16 juillet 2001, le Tribunal suprême a rejeté le pourvoi en cassation et a confirmé le jugement de l’Audiencia Provincial de Burgos. En ce qui concerne la demande de comparution du psychiatre comme témoin, le Tribunal a considéré que cette preuve était inutile étant donné que la maladie de V. P. et le fait qu’elle suivait un traitement étaient consignés dans le dossier et que la défense avait procédé pendant l’audience à un long interrogatoire contradictoire des médecins légistes qui avaient examiné la plaignante. En ce qui concerne le rapport psychiatrique, le Tribunal a considéré que l’Audiencia Provincial avait fait une appréciation correcte du rapport. Enfin, pour ce qui est du test ADN, le grief a été rejeté principalement parce que l’accusé avait déjà reconnu qu’il avait eu des relations sexuelles avec la victime la nuit des faits.

2.6L’auteur indique qu’il a essayé de former un recours en amparo auprès du Tribunal constitutionnel. Le 25 septembre 2001, l’Audiencia Provincial de Burgos a notifié à l’avouée qui le représente l’ordonnance confirmant la condamnation et la rendant définitive. Il indique qu’il a reçu cette décision par courrier ordinaire et qu’il était précisé qu’il disposait d’un délai de vingt jours pour introduire un recours en amparo, mais qu’il ignorait comment s’y prendre et à quelle juridiction s’adresser. Il fait observer que, comme il n’avait pas d’avocat pour le conseiller, il a déposé à l’Audiencia Provincial de Burgos, le 14 octobre 2001, une demande de désignation d’office d’un avocat et d’un avoué pour pouvoir introduire le recours en amparo. Quand l’avocat et l’avoué lui ont été commis, le recours en amparo a été formé auprès du Tribunal constitutionnel le 4 mars 2002; les motifs invoqués étaient une violation du principe du double degré de juridiction et une violation des droits de la défense constituée par le refus de l’Audiencia Provincial de faire citer le médecin psychiatre et de faire procéder à un test ADN. Le recours a été rejeté en date du 14 mars 2002 pour dépassement du délai d’appel, qui avait commencé à courir à la date de la notification de la décision du Tribunal suprême. L’auteur signale que de toute façon le recours en amparo n’aurait pas abouti étant donné que le Tribunal constitutionnel ne fait pas droit aux recours en amparo fondés sur une violation du droit au double degré de juridiction consacré au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

2.7Le 18 juillet 2002, l’auteur a présenté une requête auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, qui l’a déclarée irrecevable en date du 13 novembre 2003 pour non‑épuisement des recours internes, concrètement parce que le recours en amparo avait été soumis au Tribunal constitutionnel passé le délai d’appel. L’auteur affirme que sa plainte n’a pas fait l’objet d’un examen par la Cour européenne puisqu’elle a été rejetée pour un motif de forme, et que le Tribunal n’a pas examiné l’affaire au fond. Il ajoute que, quoi qu’il en soit, la Cour européenne n’a pas compétence à l’égard de l’Espagne en ce qui concerne le droit au double degré de juridiction étant donné que l’Espagne n’a pas ratifié le Protocole no 7 à la Convention européenne des droits de l’homme.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur invoque une violation du paragraphe 3 b) de l’article 14 du Pacte parce que le test ADN a été refusé. Il estime que ce refus a compromis l’exercice du droit à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense. Il ajoute que cette preuve était nécessaire pour démontrer que le sperme présent sur le corps et les vêtements de V. P. n’était pas le sien. Il souligne qu’il s’était écoulé un certain temps entre l’heure à laquelle, selon sa première déclaration, la victime avait fermé le pub où elle travaillait et l’heure à laquelle elle était arrivée au domicile de l’auteur, et qu’elle aurait très bien pu être agressée par un tiers pendant le trajet. Il insiste sur le fait que le refus du tribunal de première instance de faire procéder à un test ADN a été arbitraire et injustifié.

3.2L’auteur affirme que le refus d’ajourner l’audience et de citer comme témoin le psychiatre qui avait soigné V. P. a constitué une violation du droit de faire interroger les témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge, garanti au paragraphe 3 e) de l’article 14 du Pacte. D’après l’auteur, il a demandé l’administration de cette preuve dans les temps et les formes voulus, et elle était pertinente pour déterminer si les pathologies dont V. P. souffrait (boulimie et trouble limite de la personnalité) la conduisaient à affabuler seulement de temps en temps sur ses comportements alimentaires ou au contraire si cette tendance à l’affabulation pouvait porter sur d’autres aspects de sa vie. Il ajoute qu’il n’est pas constant que les médecins légistes qui ont fait une déclaration à l’audience étaient spécialisés en psychiatrie, raison pour laquelle il n’est pas démontré qu’ils pouvaient donner en toute connaissance de cause un avis technique sur le diagnostic concernant V. P. et qu’il «pourrait bien y avoir des doutes quant à la neutralité de l’experte légiste». L’auteur ajoute que la seule preuve contre lui était les propos de la victime présumée.

3.3L’auteur ajoute enfin que la loi de procédure criminelle espagnole empêche de former effectivement recours contre le jugement de condamnation et contre la peine prononcée auprès d’une juridiction supérieure qui réexamine les preuves et peut émettre un avis différent de celui du tribunal de première instance, ce qui constituerait une violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Il affirme que le Tribunal suprême s’est limité à confirmer le jugement du tribunal de première instance sans examiner à aucun moment les preuves administrées pour fonder le verdict de condamnation et la peine.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Par une note du 20 juin 2005, l’État partie a présenté ses observations concernant la recevabilité de la communication. Il fait valoir que la communication est irrecevable pour non‑épuisement des recours internes. Il relève que l’auteur lui‑même reconnaît qu’il n’a pas épuisé les recours internes puisqu’il a formé hors délai le recours en amparo, le motif qu’il prétend avancer étant des oublis de la part des avocats ou des représentants, pour lesquels la responsabilité ne peut en aucun cas être attribuée à l’État partie. Celui‑ci ajoute que l’argument qui veut que le recours en amparo soit inutile est tout aussi irrecevable puisqu’il est clairement établi au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte que la seule exception à la règle de l’épuisement des recours internes est le cas où les procédures de recours excèdent des délais raisonnables. Il fait remarquer qu’il ne faut pas confondre utilité d’un recours avec le fait de faire droit aux prétentions du recourant. Il signale que toute interprétation trop étendue du Protocole facultatif se traduirait par la possibilité de dispenser de l’obligation d’utiliser les recours internes dans le cas où il existerait une jurisprudence établie par les juridictions internes, ce qui serait de toute évidence contraire à l’esprit et à la lettre du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

4.2L’État partie affirme que la communication est également irrecevable parce que la même question a été soumise à une autre instance internationale, la Cour européenne des droits de l’homme, qui a déclaré la requête irrecevable en date du 13 novembre 2003. L’État partie renvoie à la jurisprudence du Comité et rappelle qu’en ce qui concerne le paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif il interprète la déclaration formulée par l’Espagne au moment de la ratification du Protocole facultatif comme s’il s’agissait d’une réserve visant à étendre l’application du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Pacte aux communications dont l’examen a été achevé dans le cadre d’une autre procédure internationale.

4.3L’État partie fait valoir également que la plainte représente un abus du droit de présenter des communications étant donné que l’auteur entend utiliser le Pacte pour revenir sur une situation établie, alors que trois ans se sont écoulés depuis l’adoption de la décision définitive qui a créé cette situation.

4.4L’État partie affirme en outre que la communication est manifestement dénuée de fondement puisqu’elle consiste simplement en une discussion des faits considérés comme prouvés par les juridictions internes, dont les décisions ne peuvent pas être qualifiées d’arbitraires.

4.5Enfin, l’État partie souligne que le Tribunal suprême a procédé à un examen de toutes les questions de fait qui lui avaient été soumises par l’auteur de la communication.

Commentaires de l’auteur

5.1Dans des commentaires datés du 8 septembre 2006, l’auteur réaffirme que le recours en amparo ne lui était pas ouvert puisqu’il n’avait pas été notifié du jugement définitif du Tribunal suprême, ce qui l’avait empêché de se pourvoir contre cette décision. Il souligne que de plus dans l’arrêt du Tribunal suprême le recours qu’il convient de former n’est pas précisé, ce qui donne à penser que la décision n’est pas susceptible de recours. Il indique que, même s’il avait introduit le recours en amparo dans les délais et la forme voulus, le recours n’aurait jamais abouti en ce qui concerne le grief d’absence de double degré de juridiction. Il rappelle à ce sujet que le Comité a conclu pour d’autres communications que le non‑épuisement d’un recours en amparo ne faisait pas obstacle à l’examen par le Comité de plaintes mettant en cause l’Espagne au sujet du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Il ajoute que le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif n’exige pas l’épuisement des recours internes quand la procédure excéderait des délais raisonnables.

5.2L’auteur affirme que l’argument de l’État partie qui estime que la responsabilité des oublis des avocats ou représentants de l’auteur d’une communication «ne peut en aucun cas être attribuée à l’État partie» ne peut être valable que si l’auteur a choisi et désigné lui-même son avocat et son avoué. Or dans son cas, l’avocat et l’avoué qui ont introduit le recours en cassation étaient commis d’office; l’État partie avait donc bien l’obligation d’agir de façon à garantir à l’auteur de la communication l’exercice effectif du droit d’être défendu et représenté en justice gratuitement.

5.3L’auteur insiste sur le fait qu’il a essayé de former un recours auprès de la Cour européenne des droits de l’homme mais que cet organe a déclaré sa requête irrecevable pour non‑épuisement du recours en amparo, sans examiner l’affaire au fond. Il insiste également sur le fait qu’en tout état de cause la Cour européenne n’est pas compétente à l’égard de l’Espagne en ce qui concerne les affaires de double degré de juridiction parce que l’Espagne n’a pas ratifié le Protocole no 7 qui reconnaît ce droit.

Délibérations du Comité

6.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité prend note de l’argument de l’État partie qui affirme que la même affaire a été soumise à une autre procédure internationale d’enquête ou de règlement, la Cour européenne des droits de l’homme, et donc que la réserve formulée par l’Espagne à l’égard du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif est applicable. Le Comité relève toutefois qu’en l’espèce la Cour n’a pas examiné les questions soumises par l’auteur étant donné qu’elle a fondé sa décision uniquement sur une question strictement de forme − le non-épuisement des recours internes − sans examiner l’affaire au fond. En conséquence, le Comité estime qu’il n’est pas empêché d’examiner la communication, conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, avec la réserve de l’État partie.

6.3Le Comité prend note également des arguments de l’État partie qui affirme que les recours internes n’ont pas été épuisés étant donné que le recours en amparo n’a pas été formé dans le délai légal. Il prend note aussi des objections de l’auteur relativement aux irrégularités qu’il y aurait eu dans la désignation d’office de son avocat et de son avoué et dans la notification de l’arrêt du Tribunal suprême qui ont fait, d’après l’auteur, que le recours a été formé hors délai. De plus, l’auteur affirme que de toute façon ce recours n’aurait pas abouti parce que le Tribunal constitutionnel rejette systématiquement les recours fondés sur le droit au double degré de juridiction en matière pénale. Le Comité rappelle sa jurisprudence constante et réaffirme que l’obligation d’épuiser les recours internes ne vaut que pour les recours qui ont une chance raisonnable d’aboutir. Le recours en amparo n’avait aucune chance d’aboutir en ce qui concerne le grief de violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte; par conséquent le Comité estime que les recours internes ont été épuisés en ce qui concerne cette partie de la communication. Pour ce qui est des griefs tirés du paragraphe 3 b) et e) de l’article 14, le Comité relève que l’État partie n’a pas contesté les irrégularités alléguées dans la désignation des représentants commis à l’auteur et dans la notification de l’arrêt en cassation, éléments qui, d’après l’auteur, ont conduit à ce que le recours en amparo soit formé hors délai. L’État partie s’est limité à relever que la responsabilité de ces facteurs ne pouvait en aucun cas lui être attribuée. Le Comité estime que l’État partie est tenu de garantir à toute personne accusée d’une infraction pénale l’exercice du droit à la défense et au recours et regrette que l’État partie n’ait pas donné d’explication satisfaisante pour les irrégularités de procédure qui ont été décrites. En conséquence, le Comité considère que les recours internes ont bien été épuisés pour cette partie de la communication également.

6.4Le Comité prend note de l’argument de l’État partie qui affirme que la communication devrait être déclarée irrecevable car elle représente un abus du droit de plainte étant donné qu’il s’est écoulé trois ans depuis que le jugement définitif a été rendu en cassation. Au vu des circonstances de l’affaire, en particulier des irrégularités de procédure invoquées par l’auteur − et compte tenu de la pratique du Comité concernant le délai pour adresser des communications −, le Comité n’est pas convaincu que le seul fait qu’il se soit écoulé trois ans depuis le prononcé du jugement condamnatoire définitif soit suffisant pour constituer un abus du droit de présenter des communications.

6.5En ce qui concerne les griefs de violation du paragraphe 3 b) et e) de l’article 14 du Pacte parce que le tribunal de première instance a refusé l’administration de preuves qui, de l’avis de l’auteur, étaient essentielles pour prouver sa culpabilité, le Comité relève que ces griefs portent sur l’appréciation des preuves administrées pendant un procès, question qui appartient en principe aux juridictions nationales comme le Comité l’a affirmé de façon réitérée dans ses décisions, à moins qu’il ne puisse être établi que cette appréciation a été manifestement arbitraire ou a représenté un déni de justice. En l’espèce, le Comité considère que l’auteur n’a pas montré, aux fins de la recevabilité, que la façon dont les tribunaux de l’État partie ont agi a été arbitraire ou a constitué un déni de justice. Il déclare par conséquent irrecevables les allégations de l’auteur conformément à l’article 2 du Protocole facultatif.

6.6En ce qui concerne le grief tiré du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, le Comité relève que, dans les circonstances de l’affaire, le Tribunal suprême a examiné attentivement chacun des motifs de cassation, qui portaient tous sur l’appréciation des faits et des preuves par l’Audiencia Provincial de Burgos, et qu’il a écarté les trois motifs par un raisonnement justifié. Par conséquent, le Comité considère que cette partie de la communication n’a pas été étayée aux fins de la recevabilité et la déclare irrecevable conformément à l’article 2 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en espagnol (version originale) en anglais et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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