Nations Unies

CCPR/C/IDN/CO/1

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

21 août 2013

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le rapport initial de l’Indonésie *

Le Comité a examiné le rapport initial de l’Indonésie (CCPR/C/IDN/1) à ses 2984e, 2985e et 2986e séances (CCPR/C/SR.2984, 2985 et 2986), les 10 et 11 juillet 2013. À ses 3002e et 3003e séances (CCPR/C/SR.3002 et 3003), les 23 et 24 juillet 2013, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction la soumission du rapport initial de l’Indonésie et les renseignements qui y sont présentés. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte d’engager un dialogue constructif avec la délégation de haut niveau de l’État partie au sujet des mesures que celui-ci a prises, depuis l’entrée en vigueur du Pacte en 2006, pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte. Le Comité remercie l’État partie des réponses écrites (CCPR/C/IDN/Q/1/Add.1) qu’il a apportées à la liste des points à traiter (CCPR/C/IDN/Q/1), qui ont été complétées oralement par la délégation, et des renseignements supplémentaires fournis par écrit.

B.Aspects positifs

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures d’ordre politique et législatif ci‑après prises par l’État partie:

a)L’adoption du Plan d’action national sur les droits de l’homme pour la période 2011‑2014; et

b)L’adoption de la loi no 11 de 2012 relative à la justice pénale pour mineurs, qui a porté l’âge de la responsabilité pénale de 8 ans à 12 ans.

Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie des instruments internationaux suivants:

a)La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, en 2012;

b)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2011;

c)La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et le Protocole additionnel à la Convention visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en 2009;

d)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2012; et

e)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en 2012.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité prend note de l’article 7 de la loi no 39 de 1999 relative aux droits de l’homme et de la réponse écrite de l’État partie selon laquelle tous les instruments internationaux qu’il a ratifiés font partie du droit interne, mais il note également que les dispositions du Pacte ne l’emportent pas sur celles de la législation interne considérées comme incompatibles avec le Pacte. Le Comité constate avec inquiétude que si la Cour constitutionnelle de l’État partie renvoie parfois dans ses décisions aux dispositions du Pacte, celles-ci sont peu connues et invoquées par les avocats et les juges (art. 2).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour donner pleinement effet aux dispositions du Pacte dans l’ordre juridique interne. Il devrait aussi prendre les mesures voulues pour mieux faire connaître le Pacte parmi les juges, les avocats et les procureurs à tous les niveaux, spécialement dans les régions autonomes, afin que ses dispositions soient prises en considération par les juridictions nationales. L’État partie devrait aussi envisager d’adhérer au premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

Le Comité constate que l’État partie s’efforce de transférer les pouvoirs de l’État conformément à la politique de décentralisation (loi no 32 de 2004), mais il regrette que l’autonomie régionale en résultant ait conduit à l’adoption de lois et règlements infranationaux incompatibles avec les dispositions du Pacte. Le Comité regrette en particulier que les régions adoptent de plus en plus de réglementations et de politiques qui restreignent gravement l’exercice des droits de l’homme et ont un caractère discriminatoire à l’égard des femmes, comme celles qui, à Aceh, favorisent des interprétations de la charia incompatibles avec le Pacte. Le Comité est aussi préoccupé par les informations indiquant que, dans la province d’Aceh, il faut, pour être employé dans les services de police et dans certaines autres institutions, justifier de la connaissance des textes religieux ou de la capacitéà lire ces textes (art. 2, 3, 18 et 26).

Le Comité renvoie l’État partie au paragraphe 4 de son Observation générale n o  31 (2004) sur la nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte et lui rappelle que «les obligations découlant du Pacte en général et de l’article 2 en particulier s’imposent à tout État partie considéré dans son ensemble. Tous les pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire), ainsi que toute autre autorité publique ou gouvernementale à quelque échelon que ce soit − national, régional ou local −, sont à même d’engager la responsabilité de l’État partie». L’État partie devrait donc faire en sorte que les dispositions du Pacte soient respectées dans toutes ses provinces et régions autonomes, quelles que soient les structures internes de gouvernement de l’État partie. À cet égard, l’État partie devrait faire en sorte que la législation, à tous les niveaux de gouvernement, soit compatible avec les dispositions du Pacte. L’État partie devrait aussi revoir ses politiques et ses pratiques qui peuvent être interprétées comme faisant obligation d'être fidèle aux préceptes d’une religion particulière pour être employée dans un service public.

Le Comité constate que l’État partie s’efforce de promouvoir la coopération entre la Commission nationale des droits de l’homme (Komnas HAM) et les institutions de l’État partie, et que le Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme a accordé à la Komnas HAM le statut «A», mais il note aussi que des préoccupations se sont fait jour concernant, notamment, le mandat des membres de la Commission et l’absence de ressources financières suffisantes (art. 2).

L’État partie devrait prendre des mesures appropriées pour répondre aux préoccupations concernant la Komnas HAM, notamment le mandat de ses membres, et doter la Commission de ressources financières et humaines suffisantes, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme ( Principes de Paris ).

Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas mis en œuvre l’article 43 de la loi no 26 de 2000 afin d’instituer un tribunal chargé d’enquêter sur les faits de disparition forcée commis entre 1997 et 1998, comme l’ont aussi recommandé la Komnas HAM et le Parlement indonésien. Le Comité regrette particulièrement l’impasse où se trouvent le Procureur général et la Komnas HAM quant au niveau de preuve requis de la Komnas HAM pour que le Procureur général puisse engager une action. Le Comité regrette en outre le climat d’impunité qui prévaut dans l’État partie et l’absence de voies de recours pour les victimes de violations passées des droits de l’homme, en particulier celles mettant en cause des membres de l’armée (art. 2)

L’État partie devrait prendre d’urgence des mesures pour sortir de l’impasse où se trouvent la Komnas HAM et le Procureur général. Il devrait accélérer la création d’un tribunal pour enquêter sur les faits de disparition forcée commis entre 1997 et 1998, comme l’ont recommandé la Komnas HAM et le Parlement indonésien . L’État partie devrait en outre engager effectivement des poursuites dans les affaires concernant des violations passées des droits de l’homme, comme l’assassinat de l’éminent défenseur des droits de l’homme Munir Said Thalib le 7 septembre 2004 , et offrir des recours adéquats aux victimes ou aux membres de leur famille.

Le Comité est préoccupé par l’absence d’une disposition claire, dans l’article 281 de la Constitution de 1945 et dans le règlement ayant force de loi no 23 de 1959 (relatif aux droits non susceptibles de dérogation sous l’état d’urgence), ne laissant aucun doute sur le fait que certains droits, dont le droit de tout individu garanti à l’article 11 du Pacte de ne pas être emprisonné pour la seule raison qu’il n’est pas en mesure d’exécuter une obligation contractuelle, ne sont pas susceptibles de dérogation sous l’état d’urgence (art. 2 et 4).

Le Comité rappelle son Observation générale n o  29 (2001) , et exhorte l’État partie à préciser de façon explicite dans sa législation relative à l’état d’urgence que tous les droits protégés par l’article 4 du Pacte, y compris le droit garanti par l’article 11 du Pacte, ne sont pas susceptibles de dérogation sous l’état d’urgence, et à veiller à ce que les conditions requises pour une dérogation soient conformes au Pacte.

Le Comité regrette que l’État partie ait suspendu le moratoire de fait relatif à la peine de mort et ait repris les exécutions. Il regrette que les tribunaux prononcent des peines de mort pour des infractions relatives à la drogue qui ne satisfont pas au critère des «crimes les plus graves» énoncé à l’article 6 du Pacte (art. 6).

L’État partie devrait rétablir le moratoire de fait relatif à la peine de mort et envisager d’abolir la peine de mort en ratifiant le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Il devrait en outre veiller, si la peine de mort est maintenue, à ce qu’elle ne soit prononcée que pour les crimes les plus graves. À cet égard, le Comité recommande à l’État partie de revoir sa législation afin que les infractions en matière de stupéfiants ne soient pas punies de la peine de mort. L’État partie devrait aussi envisager de commuer toutes les peines de mort prononcées contre des personnes reconnues coupables d’infractions relatives à la drogue .

Le Comité note que l’État partie met actuellement au point un projet de loi sur l’égalité des sexes et reconnaît qu’il s’efforce d’améliorer la représentation des femmes dans les fonctions politiques par l’adoption de mesures temporaires spéciales, comme un quota de 30 % de représentation des femmes dans les partis politiques, mais il regrette le manque d’information sur des mesures analogues propres à faciliter la représentation des femmes au-delà des partis politiques. Le Comité accueille avec satisfaction les données communiquées dans les réponses à la liste des points à traiter concernant la représentation des femmes dans l’appareil judiciaire. Il s’inquiète néanmoins de l’absence de données sur la représentation des femmes dans le secteur privé (art. 3 et 26).

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour accroître la participation des femmes à la vie politique et à la vie publique, ainsi que leur présence dans le secteur privé, en adoptant si nécessaire des mesures spéciales temporaires pour donner effet aux dispositions du Pacte. Le Comité prie instamment l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques ventilées sur la représentation des femmes dans le secteur privé.

Le Comité regrette la publication par l’État partie du règlement no 1636 de 2010 qui, faisant suite à une fatwa (décision) du Conseil des oulémas, autorise les professionnels de la santé à pratiquer les mutilations génitales féminines (MGF), y compris sur des bébés de 6 mois. Le Comité regrette l’explication donnée par l’État partie, à savoir que l’interdiction faite précédemment au personnel médical de pratiquer les MGF a conduit à un recours accru à des guérisseuses, ce qui exposait les femmes à de graves risques de subir des formes préjudiciables de MGF, et que la réglementation actuelle protégerait mieux les femmes (art. 7).

L’État partie devrait abroger le règlement  n o  1636 de 2010 du Ministère de la santé qui autorise les professionnels de la santé à pratiquer les MGF (médicalisation des MGF). L’État partie devrait d’ailleurs faire adopter une loi interdisant toute forme de MGF et veiller à ce qu’elle prévoie des peines suffisantes correspondant à la gravité de cette infraction. L’État partie devrait en outre s’efforcer de prévenir et d’éliminer les pratiques traditionnelles néfastes, dont les MGF, en renforçant ses programmes de sensibilisation et d’éducation. À cet égard, l’équipe nationale établie pour développer une perception commune de la question des MGF devrait s’employer à cibler les communautés où la pratique est généralisée afin de faire changer les mentalités.

Le Comité prend note des efforts de l’État partie pour éliminer la violence contre les femmes, comme l’institution de la Commission nationale sur la violence à l’égard des femmes (Komnas Perempuan), mais il est préoccupé par l’ampleur de cette violence, un phénomène exacerbé par une culture de silence et des attitudes stéréotypées quant au rôle des femmes dans l’État partie. Le Comité constate également avec inquiétude que, si le Code pénal punit le viol d’une peine maximum d’emprisonnement de douze ans, les tribunaux de l’État partie infligent des peines légères aux violeurs (art. 2, 3 et 7).

L’État partie devrait adopter une approche globale pour prévenir et combattre la violence, y compris la violence familiale, contre les femmes dans toutes ses formes et manifestations, notamment par une action de sensibilisation sur ses conséquences préjudiciables. À cet égard, l’État partie devrait adopter des programmes visant à éliminer les stéréotypes sur le rôle des femmes et encourager les femmes victimes de violences à signaler ces faits aux autorités. L’État partie devrait faire en sorte que les cas de violence contre les femmes fassent l’objet d’enquêtes approfondies, que les responsables soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, punis de sanctions appropriées et que les victimes obtiennent des réparations suffisantes. L’État partie devrait en outre organiser régulièrement des cours de formation à l’intention des juges et des magistrats pour faire en sorte que le crime de viol soit puni de peines appropriées proportionnées à la gravité de l’infraction.

Le Comité prend note de l’existence d’un projet de loi relatif au Code pénal, qui vise à introduire une définition générale de la torture et des peines correspondantes, mais il s’inquiète de la durée excessivement longue de la procédure d’adoption, ce qui prive les victimes d’actes de torture de recours appropriés (art. 2 et 7).

L’État partie devrait accélérer la procédure de révision du Code pénal et veiller à ce que le Code pénal révisé comporte une définition de la torture reprenant tous les éléments énoncés à l’article premier de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et à l’article 7 du Pacte. L’État partie devrait aussi veiller à ce que la loi prévoie l’ouverture effective d’enquêtes et l’engagement de poursuites contre les auteurs de tels actes et leurs complices et, s’ils sont reconnus coupables, l’imposition de sanctions proportionnées à la gravité du crime, ainsi que l’indemnisation adéquate des victimes. L’État partie devrait également faire en sorte que les membres des organes chargés de faire appliquer la loi reçoivent une formation pour prévenir la torture et les mauvais traitements et enquêter sur ces infractions, en veillant à ce que le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) soit intégré dans tous les programmes de formation qui leur sont destinés.

Le Comité regrette que le recours aux châtiments corporels dans le système pénal, en particulier dans la province d’Aceh où la loi pénale (Qanun Jinayah) prévoit notamment des peines qui contreviennent à l’article 7 du Pacte, comme la flagellation, pour des infractions au qanun (règlement) relatif aux tenues vestimentaires, au qanun khalwat interdisant à un homme et une femme de se retrouver seuls en un lieu discret et au qanun kha m a r qui interdit la consommation d’alcool. Le Comité regrette aussi que l’exécution de ces peines par la police de la charia (Wilayatul Hisbah) touche de manière disproportionnée les femmes (art. 2, 3, 7 et 26).

L’État partie devrait adopter des mesures concrètes pour mettre fin aux châtiments corporels dans le système pénal et dans tous les contextes. Il devrait en particulier abroger la loi pénale d’Aceh ( Qanun Jinayah ) , qui autorise le recours aux châtiments corporels dans le système pénal. L’État partie devrait agir vigoureusement pour prévenir tout recours aux châtiments corporels pour sanctionner des infractions pénales sur la base de cette loi, jusqu’à l’abrogation de la loi.

Le Comité s’inquiète d’informations de plus en plus fréquentes faisant état d’un recours excessif à la force et d’exécutions extrajudiciaires par la police et l’armée au cours de manifestations, en particulier en Papouasie occidentale, à Bima et Nusa Tenggara Ouest. Le Comité est particulièrement inquiet d’apprendre que l’État partie utilise ses forces de sécurité comme outil de répression contre les dissidents politiques et les défenseurs des droits de l’homme. Il est également inquiet de constater la faiblesse de la Commission de la police nationale chargée de recevoir les plaintes visant des policiers, en ce qu’elle n’est pas habilitée à convoquer ceux-ci ni à conduire des enquêtes indépendantes (art. 6 et 7).

L’État partie devrait prendre des mesures concrètes pour empêcher l’usage excessif de la force par les fonctionnaires de police, en veillant à ce que ces derniers respectent les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois. Il devrait aussi prendre les mesures voulues pour renforcer la Commission de la police nationale afin que celle-ci puisse effectivement traiter les allégations d’actes répréhensibles imputés à des membres de la police. L’État partie devrait en outre prendre des mesures concrètes pour mettre un terme à l’impunité dont bénéficient les membres des forces de sécurité responsables d’exécutions arbitraires et extrajudiciaires, et adopter les mesures voulues pour protéger les droits des dissidents politiques et des défenseurs des droits de l’homme. Il devrait systématiquement mener des enquêtes approfondies sur les cas d’exécutions extrajudiciaires, poursuivre les auteurs présumés de ces faits et les punir s’ils sont reconnus coupables, et accorder une indemnisation appropriée aux familles des victimes.

Le Comité s’inquiète des informations faisant état de l’inertie des autorités de l’État pour protéger les victimes de violences motivées par la haine religieuse, comme l’attaque perpétrée contre des membres de la communauté chiite sur l’île de Madura en août 2012. Il s’inquiète en outre de la légèreté des peines prononcées contre les auteurs de violences motivées par la haine religieuse, notamment les 12 auteurs des agressions perpétrées contre des membres de la communauté Ahmadiyya dans le district de Cikeusik (province de Banten), en février 2011 (art. 2, 6, 7 et 26).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les victimes d’agressions à motivation religieuse, ouvrir des enquêtes et poursuivre les auteurs présumés de ces actes et, si ceux-ci sont reconnus coupables, veiller à ce que des sanctions appropriées soient prononcées et à ce que les victimes soient dûment indemnisées.

Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de la loi no 21 de 2007 relative à l’élimination de la traite des personnes et prend note de l’information communiquée par l’État partie selon laquelle le nombre de cas de traite a diminué au cours de la période allant de 2011 à juin 2013 (CCPR/C/IDN/Q/1/Add.1, par. 160), mais il reste préoccupé par l’ampleur du tourisme et de la traite à des fins sexuelles dans l’État partie (art. 8).

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour identifier les victimes de la traite et assurer la collecte systématique de données relatives à la traite, lesquelles devraient être ventilées par âge, sexe et origine ethnique, et devraient aussi montrer les flux de traite dont son territoire est l’origine ou la destination, ou pour lesquels il est une zone de transit. L’État partie devrait renforcer les programmes de formation destinés aux fonctionnaires de police, aux personnels des frontières, aux juges, aux avocats et aux autres personnels concernés afin de les sensibiliser à ce phénomène et aux droits des victimes. Il devrait en outre veiller à ce que tous les auteurs présumés de traite des personnes fassent l’objet d’enquêtes, soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, soient dûment punis, et devrait garantir aux victimes une protection suffisante et des moyens de réparation et d’indemnisation adéquats.

Le Comité constate avec inquiétude qu’en vertu du Code de procédure pénale, une personne peut être gardée à vue pendant une période de vingt jours sans être présentée à un juge, et que cette période pourrait être prolongée jusqu’à soixante jours, voire davantage pour les personnes soupçonnées de terrorisme. Le Comité n’ignore pas que l’État partie a entrepris de réviser le Code de procédure pénale et il tient compte des renseignements supplémentaires fournis par sa délégation, mais il s’inquiète de constater que le nouveau projet de loi propose seulement de ramener la période de détention de vingt à cinq jours (art. 9).

Le Comité encourage l’État partie à veiller à ce q ue le Code de procédure pénale soit révisé de telle sorte qu’il p révoie que toute personne arrêtée ou détenue du chef d’une infraction pénale doit être présentée à un juge dans un délai de quarante ‑ huit heures.

Le Comité prend note des efforts de l’État partie pour signer un mémorandum d’accord avec, entre autres, le Médiateur et la Komnas HAM afin d’améliorer la surveillance des établissements pénitentiaires, mais il s’inquiète du fait qu’aucun organe de contrôle n’est autorisé à procéder à des visites inopinées dans les lieux de détention de l’État partie. Le Comité s’inquiète aussi des informations faisant état de restrictions injustifiées imposées aux organes de surveillance pour se rendre dans des lieux de privation de liberté relevant de l’autorité militaire (art. 9).

L’État partie devrait réviser ses politiques afin que les organes de contrôle des établissements pénitentiaires soient habilités à procéder à des visites inopinées dans l’ensemble des prisons et lieux de détention. L’État partie devrait en outre faciliter les visites de ces organes de contrôle dans tous les lieux de privation de liberté, y compris ceux relevant de l’autorité militaire.

Le Comité constate que l’État partie s’efforce d’améliorer les conditions de détention en construisant de nouveaux établissements pénitentiaires. Il est cependant préoccupé par les rapports faisant état de problèmes de surpeuplement, de l’absence de séparation entre les catégories appropriées de détenus et de cas de décès de détenus liés à la médiocrité des conditions sanitaires et à l’absence de soins de santé adéquats. Le Comité s’inquiète aussi de l’absence de données concernant les plaintes déposées par des détenus contre les autorités pénitentiaires (art. 10).

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour réduire la surpopulation dans les lieux de détention, notamment en recourant à des mesures de substitution à l’emprisonnement, et pour améliorer les conditions de détention, en particulier l’accès aux soins médicaux, conformément au Pacte et à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus. Il devrait inclure dans son prochain rapport périodique des données statistiques sur les plaintes déposées par des détenus contre le personnel pénitentiaire.

Le Comité prend note de la réponse de l’État partie indiquant que la loi no 19 de 2000 sur la fiscalité fixe les sanctions encourues pour évasion fiscale et ne concerne pas les dettes civiles, mais il s’inquiète du nombre croissant d’informations indiquant que les fonctionnaires de police abuseraient du système de g ijzeling permettant l’incarcération de personnes pour le seul fait qu’elles ne se sont pas acquittées d’une dette civile envers leurs créanciers (art. 11).

Le Comité engage instamment l’État partie à prendre des mesures pour mettre fin à l’abus, par les fonctionnaires de police, du système de g ijzeling . À ce propos, le Comité recommande à l’État partie d’ouvrir des enquêtes et d’engager des poursuites dans de telles affaires et de veiller à ce que les auteurs présumés, s’ils sont reconnus coupables, reçoivent des sanctions appropriées.

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour remédier à la corruption dans le système judiciaire, comme la création de l’Équipe spéciale de lutte contre la mafia judiciaire, qui a été remplacée par un groupe d’action présidentiel, et l’adoption de la directive présidentielle no 17 de 2011 relative à une stratégie nationale de prévention et d’élimination de la corruption. Il reste cependant préoccupé par les informations faisant état de corruption dans les services de l’aide judiciaire et plus généralement dans l’administration de la justice (art. 2 et 14).

L’État partie devrait prendre des mesures pour lutter efficacement contre la corruption dans l’administration de la justice, notamment dans les services de l’aide judiciaire. Il devrait redoubler d’efforts pour que les allégations de corruption dans le système judiciaire et dans les services de l’aide judiciaire donnent lieu à l’ouverture sans délai d’enquêtes approfondies et indépendantes, et pour que les auteurs de tels faits, y compris les juges éventuellement complices, soient poursuivis et sanctionnés.

Le Comité exprime sa préoccupation à propos de l’adoption récente de la loi sur les organisations de masse, qui apporte des restrictions injustifiées à la liberté d’association, d’expression et de religion tant pour les associations nationales que pour les associations «étrangères». Il s’inquiète particulièrement des dispositions de la loi qui fixent des conditions très contraignantes à l’enregistrement et imposent à ces associations l’obligation vague et excessivement restrictive de se conformer à l’idéologie officielle de l’État, dite «Pancasila», qui véhicule la croyance «dans le seul et unique Dieu» (art. 18, 19 et 22).

Le Comité engage instamment l’État partie à revoir la loi sur les organisations de masse pour la rendre conforme aux dispositions des articles 18, 19 et 22 du Pacte, comme l’a indiqué le Comité dans ses Observations générales n o  22 (1993) sur la liberté de pensée, de conscience et de religion et n o  34 (2011) sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression .

Le Comité regrette que la loi no 1 de 1965 relative à la diffamation des religions, qui interdit les interprétations des doctrines religieuses considérées comme s’écartant des enseignements des religions protégées et reconnues, le décret émis en 2005 par le Conseil des oulémas indonésiens et le décret conjoint de 2008 du Ministère des affaires religieuses et d’autres entités apportent des restrictions injustifiées à la liberté de religion et d’expression des minorités religieuses comme la communauté Ahmadiyya. Le Comité s’inquiète aussi des informations faisant état de la persécution d’autres minorités religieuses comme les chiites et les chrétiens qui subissent la violence d’autres groupes religieux et de membres des forces de l’ordre (art. 18, 19, 21 et 22).

En dépit de la décision de la Cour constitutionnelle confirmant la constitutionnalité de la loi n o  1 de 1965 relative à la diffamation des religions, le Comité considère que ladite loi est incompatible avec les dispositions du Pacte et qu’elle devrait être abrogée sans délai. Le Comité réaffirme la position énoncée au paragraphe 48 de l ’ Observation générale n o 34 selon laquelle « les interdictions des manifestations de manque de respect à l’égard d’une religion ou d’un autre système de croyance, y compris les lois sur le blasphème, sont incompatibles avec le Pacte, sauf dans les circonstances spécifiques envisagées au paragraphe 2 de l’article 20 du Pacte… Ainsi, par exemple, il ne serait pas acceptable que ces lois établissent une discrimination en faveur ou à l’encontre d’une ou de certaines religions ou d’un ou de certains systèmes de croyance ou de leurs adeptes, ou des croyants par rapport aux non-croyants. Il ne serait pas non plus acceptable que ces interdictions servent à empêcher ou à réprimer la critique des dirigeants religieux ou le commentaire de la doctrine religieuse et des dogmes d’une foi.». Le Comité recommande en outre à l’État partie d’assurer une protection adéquate contre la violence dont sont victimes les membres de minorités religieuses.

Le Comité note que l’État partie élabore actuellement un projet de loi qui servira de cadre juridique pour renforcer la tolérance religieuse. Il reconnaît aussi les efforts faits par l’État partie pour réformer les programmes scolaires afin d’offrir aux élèves de diverses appartenances religieuses la possibilité d’étudier la religion dont ils suivent les préceptes. Le Comité note en outre que la religion fait l’objet d’un enseignement obligatoire à l’école et que l’État partie envisage de n’augmenter que partiellement la liste des religions pouvant être enseignées. Toutefois, il n’envisage pas d’offrir aux élèves la possibilité de choisir, parmi les religions, celle pour laquelle ils veulent recevoir un enseignement et ne prévoit pas de donner la possibilité de ne recevoir aucune éducation religieuse (art. 2 et 18).

Le Comité considère que le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion implique non seulement la liberté d’adopter des religions ou des convictions particulières et d’y être fidèle, mais aussi le droit de les refuser. Le Comité renvoie l’État partie à son Observation générale n o  22 et lui rappelle que «l’éducation publique incluant l’enseignement d’une religion ou d’une conviction particulière est incompatible avec le paragraphe 4 de l’article 18, à moins qu’elle ne prévoie des exemptions ou des possibilités de choix non discriminatoires correspondant aux vœux des parents et des tuteurs» (Observation générale n o  22, par. 6). Le Comité recommande par conséquent à l’État partie de réformer les programmes scolaires afin de promouvoir la diversité religieuse et de veiller à ce que les préférences des croyants comme celles des non-croyants soient prises en considération.

Le Comité s’inquiète de l’application des dispositions relatives à la diffamation figurant dans le Code pénal et dans la loi no 11 de 2008 sur les informations et les transactions électroniques pour réprimer la critique légitime des représentants de l’État (art. 19).

L’État partie devrait envisager de réviser les dispositions relatives à la diffamation et, en particulier, celles de la loi sur les informations et les transactions électroniques pour les mettre en conformité avec l’article 19 du Pacte.

Le Comité prend note qu’en Papouasie, à la différence d’autres provinces de l’État partie, les manifestants ne sont pas tenus d’obtenir une autorisation préalable de la police pour organiser des manifestations, mais il reste préoccupé par les restrictions injustifiées apportées à la liberté de réunion et d’expression des manifestants en Papouasie occidentale (art. 19 et 21).

Conformément aux recommandations formulées dans l’Observation générale  n o  34 du Comité, l’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour que toute restriction à la liberté d’expression soit pleinement conforme aux exigences strictes de l’article 19, paragraphe 3, du Pacte, précisées dans l’Observation générale  n o  34. Il devrait garantir la jouissance par tous de la liberté de réunion pacifique et protéger les manifestants contre le harcèlement, l’intimidation et la violence. L’État partie devrait régulièrement enquêter sur les cas de violation et poursuivre les responsables.

Le Comité s’inquiète des informations faisant état de l’ampleur de la pratique de la polygamie et du fait que l’âge minimum du mariage est de 16 ans pour les filles alors qu’il est de 19 ans pour les garçons. Le Comité est également préoccupé par la persistance des mariages précoces de filles dans l’État partie (art. 2, 3, 24 et 26).

L’État partie devrait prendre les mesures voulues pour que sa législation interdise effectivement la polygamie et soit appliquée dans les faits, et mener des campagnes de sensibilisation de la population à l’interdiction de la polygamie et aux conséquences néfastes de cette pratique, en particulier à l’intention des femmes. Il devrait revoir sa législation afin d’interdire les mariages précoces. L’État partie devrait en outre renforcer les mesures visant à lutter contre le mariage précoce en mettant en place des mécanismes dans les provinces et en appliquant des stratégies de sensibilisation de la communauté axées sur les conséquences des mariages précoces. Il devrait également recueillir des données sur la polygamie et les mariages précoces et les faire figurer dans le prochain rapport périodique qu’il soumettra au Comité.

Le Comité accueille avec satisfaction la décision de la Cour constitutionnelle no 46/PUU-VIII/2010 du 17 février 2012, qui précise la loi no 1 de 1974 relative au mariage en ce qui concerne le droit des enfants nés hors mariage en matière de succession. Cependant, le Comité constate avec inquiétude l’absence d’initiative pour réviser la loi, ce qui laisse toute latitude au public et aux autorités pour interpréter et appliquer la décision de la Cour constitutionnelle (art. 2 et 24).

Compte tenu de la décision de la Cour constitutionnelle concernant le droit des enfants nés hors mariage en matière successorale, le Comité engage l’État partie à prendre des mesures d’ordre législatif pour réviser la loi sur le mariage et la législation applicable conformément à la décision de la Cour constitutionnelle et aux dispositions du Pacte.

L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, du rapport initial, des réponses écrites à la liste des points à traiter établie par le Comité et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu’auprès du grand public. Le Comité suggère également que le rapport et les observations finales soient traduits dans la langue officielle de l’État partie. Il demande également à l’État partie, lorsqu’il élaborera son deuxième rapport périodique, d’engager de larges consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales.

Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 8, 10, 12 et 25.

Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique, qui devra lui parvenir d’ici au 26 juillet 2017, des renseignements précis et à jour sur la suite qu’il aura donnée aux autres recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble.