Nations Unies

CCPR/C/TUR/CO/1

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

13 novembre 2012

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le rapport initialde la Turquie, adoptées par le Comité à sa 106e session(15 octobre-2 novembre 2012)

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le rapport initial de la Turquie (CCPR/C/TUR/1) à ses 2927e, 2928eet 2929e séances (CCPR/C/SR.2927, 2928 et 2929), les 17 et 18 octobre 2012. À sa 2944e séance (CCPR/C/SR.2944), le 30 octobre 2012, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de la Turquie et les renseignements qui y figurent, tout en regrettant que ce document ait été soumis en retard. Il remercie l’État partie de ses réponses écrites à la liste des points à traiter (CCPR/C/TUR/Q/1/Add.1), qui ont été complétées oralement par la délégation, ainsi que des informations supplémentaires qui lui ont été fournies par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures législatives et institutionnelles suivantes:

a)La réforme constitutionnelle de 2010;

b)L’abolition de la peine de mort en 2002 et l’abolition de la peine de mort en toutes circonstances en 2004;

c)La nouvelle loi no 4857 sur le travail, adoptée en 2003, qui a introduit des améliorations en ce qui concerne les inégalités entre les hommes et les femmes dans le domaine du travail.

4.Le Comité se félicite de la ratification par l’État partie des instruments suivants:

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, en 2004;

b)Les deux Protocoles facultatifs se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en 2006;

c)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et la signature du Protocole facultatif s’y rapportant, en 2009;

d)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 2011.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

5.Le Comité s’inquiète de ce que l’État partie maintienne les déclarations et réserves qu’il a faites lors de la ratification du Pacte et du Protocole facultatif. En particulier, il note avec préoccupation que l’une de ces déclarations semble être en réalité une réserve limitant l’application du Pacte au territoire national, ce qui peut se traduire par une totale non-applicabilité de ses dispositions aux personnes relevant de la compétence de l’État partie dans certaines situations, par exemple lorsque son armée ou ses forces de police opèrent à l’étranger.

L ’ État partie devrait envisager de retirer ses réserves et déclarations. Conformément à l ’Observation générale n o 31 (2004) du Comité sur la nature de l’obligation juridique générale imposée aux É tats parties au Pacte , il devrait garantir que toutes les personnes relevant de sa compétence ou se trouvant sous son contrôle effectif jouissent sans réserve des droits consacrés dans le Pacte .

6.Le Comité constate avec préoccupation que les dispositions du Pacte sont manifestement peu connues du corps judiciaire, des juristes et du grand public, et qu’en conséquence rares sont les affaires dans lesquelles elles sont invoquées ou appliquées par les tribunaux nationaux (art. 2).

L ’ État partie devrait prendre des mesures pour sensibiliser les juges, les juristes et le grand public aux droits énoncés dans le Pacte et à leur applicabilité en droit interne. Dans son prochain rapport périodique, il devrait donner des informations détaillées sur l ’ application du Pacte par les tribunaux nationaux .

7.Le Comité s’inquiète de ce que, selon la loi portant création de l’institution nationale des droits de l’homme, adoptée par le Parlement en juin 2012, les membres de cet organe seront nommés par le Cabinet du Premier Ministre, ce qui compromet leur indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif, en violation des Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) (art. 2).

L ’ État partie devrait modifier la loi de 2012 portant création de l ’ institution nationale des droits de l ’ homme, de façon à garantir l ’ indépendance organisationnelle et financière de cet organe, en pleine conformité avec les Principes de Paris .

8.Le Comité constate avec préoccupation que, dans sa forme actuelle, la législation de l’État partie visant à réprimer la discrimination n’est pas exhaustive et qu’en conséquence elle ne protège pas contre la totalité des motifs de discrimination prévus dans le Pacte. En particulier, le Comité s’inquiète de ce que cette loi n’interdise pas spécifiquement la discrimination fondée sur l’identité et l’orientation sexuelles (art. 2, par. 1).

L ’ État partie devrait adopter une loi en faveur de la non-discrimination et de l ’ égalité, en veillant à ce que celle-ci contienne une interdiction totale de la discrimination pour chacun des motifs énoncés dans le Pacte, y compris l ’ interdiction de la discrimination fondée sur l ’ identité de genre et l ’ orientation sexuelle. Il devrait également s ’ assurer que des données fiables sur les affaires de discrimination et sur la suite donnée à celles-ci par les autorités judiciaires concernées sont systématiquement collectées et rendues publiques .

9.Le Comité est préoccupé par la discrimination et les restrictions qui visent les membres de minorités, tels que les Kurdes et les Roms, et qui compromettent leur droit d’avoir leur propre vie culturelle et d’employer leur propre langue (art. 2 et 27).

L ’ État partie devrait veiller à ce que toutes les personnes appartenant à des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques soient efficacement protégées de toute forme de discrimination et puissent jouir pleinement de leurs droits. À cet égard, il devrait envisager de retirer sa réserve à l ’ article 27 du Pacte.

10.Le Comité est préoccupé par la discrimination et les actes de violence dont feraient l’objet certaines personnes en raison de leur identité de genre ou de leur orientation sexuelle, et par l’exclusion et la stigmatisation sociales que subissent les membres de la communauté des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) s’agissant de l’accès aux services de santé et d’éducation, par leur situation au regard de la réglementation sur le service militaire obligatoire et par le traitement qui leur est réservé lorsqu’ils servent dans l’armée (art. 2 et 26).

Tout en reconnaissant la diversité des cultures et des valeurs morales dans le monde, le Comité rappelle que toutes les cultures sont toujours subordonnées aux principes de l ’ universalité des droits de l ’ homme et de la non-discrimination (Observation générale n o  34, par.  32). L ’ État partie devrait donc faire savoir clairement et officiellement qu ’ il ne tolère aucune forme de stigmatisation sociale de l ’ homosexualité, de la bisexualité ou de la transsexualité, ni aucun acte de harcèlement, de discrimination ou de violence qui viserait une personne en raison de son identité de genre ou de son orientation sexuelle. Il devrait veiller à ce que tout acte de discrimination ou de violence motivé par l ’ orientation sexuelle ou l ’ identité sexuelle de la victime fasse l ’ objet d ’ une enquête, puis de poursuites et de sanctions contre les responsables.

11.Le Comité constate avec préoccupation que les familles de personnes qui ont été victimes de disparition forcée dans les années 1980 et 1990 ne savent toujours pas ce que sont devenus leurs proches, et qu’aucune approche globale n’a été adoptée en ce qui concerne les disparitions forcées et les exhumations, y compris les cas cités par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Chypre c. Turquie et de nombreuses autres affaires, et ceux recensés par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires (art. 6 et 14).

L ’ État partie devrait faire en sorte qu ’ une enquête efficace, transparente et indépendante soit conduite sur tous les cas non élucidés de disparition présumée . Dans chaque cas, l ’ État partie devrait poursuivre et punir les responsables et accorder une réparation effective, notamment sous la forme d ’ une indemnisation appropriée, aux victimes ou à leur famille. En outre, il devrait veiller à ce que des recherches approfondies soient menées dans tous les charniers .

12.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de la loi no 6284 relative à la protection des femmes et des membres de la famille contre la violence, qui est entrée en vigueur le 20 mars 2012. Il constate cependant avec préoccupation que les institutions chargées de mettre cette loi en application n’ont pas encore été dotées des ressources financières et humaines nécessaires à leur bon fonctionnement (art. 6 et 7).

L ’ État partie devrait adopter un calendrier rigoureux pour la protection des femmes et des membres de la famille contre la violence, en prévoyant des formations périodiques et obligatoires pour les professionnels concernés et des programmes de sensibilisation pour informer la population sur ses droits et sur les procédures à sa disposition.

13.Tout en prenant note de l’abolition de la réduction de peine dont bénéficiaient de facto les personnes reconnues coupables de «crimes d’honneur», le Comité relève avec préoccupation que ces crimes restent fréquents (art. 6 et 7).

L ’ État partie ne devrait tolérer en aucune circonstance les «crimes d ’ honneur». À cette fin, il devrait faire en sorte que ce type de crime entre dans le champ d ’ application de l ’article 82 du Code pénal, de façon à le considérer comme un homicide qualifié. Il devrait aussi poursuivre ses efforts pour garantir que tous les «crimes d ’ honneur» présumés soient efficacement instruits et punis, et diffuser largement des informations sur la gravité de ces actes.

14.Le Comité note avec préoccupation que, même si des progrès ont été faits, le nombre d’actes de torture ou autres traitements inhumains ou dégradants imputés à des agents de la force publique reste élevé. Il est également préoccupé par l’absence de mécanisme véritablement indépendant qui soit à même de traiter les plaintes pour actes de torture ou mauvais traitements commis par des fonctionnaires, ainsi que par le faible nombre de poursuites engagées à la suite des plaintes de ce genre. En outre, il constate que l’État partie n’a donné aucune information sur les recours auxquels ont eu accès les victimes de tels actes (art. 7, 9 et 14).

L ’ État partie devrait faire en sorte qu ’ aucune forme de torture ou de traitement inhumain ou dégradant ne puisse être pratiquée par les agents de la force publique, notamment en menant sans délai des enquêtes indépendantes sur les actes commis, en déférant les responsables à la justice, et en prenant des dispositions pour assurer protection et recours efficaces aux victimes. Il devrait établir et mettre en service un mécanisme de contrôle indépendant qui soit chargé de veiller à ce que les policiers accusés d ’ actes criminels soient poursuivis et condamnés . Il devrait également s ’ assurer que tous les cas de torture ou d ’ autres formes de traitement inhumain ou dégradant donnent lieu à l ’ ouverture d ’ une enquête et de poursuites, et qu ’ une réparation adéquate soit accordée aux victimes.

15.Le Comité prend note de l’adoption du deuxième Plan d’action national contre la traite des êtres humains mais s’inquiète du nombre de cas de traite et du fait que seuls quelques-uns d’entre eux ont donné lieu à des enquêtes, des poursuites et des condamnations. Le Comité constate également avec inquiétude que les victimes de la traite ne sont pas protégées contre le risque d’être poursuivies, arrêtées ou punies à cause de l’irrégularité de leur entrée ou de leur séjour sur le territoire ou des activités auxquelles elles se livrent comme conséquence directe de leur situation de personne objet de trafic (art. 7 et 8).

L’État partie devrait poursuivre ses efforts pour prévenir, éliminer et sanctionner la traite des personnes, y compris à l’échelon régional et en coopération avec les pays voisins, et en organisant une formation à l’intention des policiers, gardes frontière, juges, avocats et autres personnels concernés afin de faire mieux connaître le phénomène de la traite et les droits des victimes. L’État partie devrait prendre des mesures pour protéger les victimes de la traite contre le risque d’être poursuivies, arrêtées ou punies en raison des activités auxquelles elles se livrent comme conséquence directe de leur situation de personne objet de trafic. L’État partie devrait veiller à ce que les dispositifs d’assistance et de protection destinés aux victimes de la traite ne soient pas mis en œuvre de manière sélective.

16.Le Comité s’inquiète de ce que plusieurs dispositions de la loi antiterroriste de 1991 (loi no 3713) sont incompatibles avec les droits consacrés par le Pacte. Il est particulièrement préoccupé par: a) le flou de la définition d’un acte terroriste; b) la portée considérable des restrictions au droit à une procédure régulière; c) le grand nombre de cas de défenseurs des droits de l’homme, d’avocats, de journalistes, voire d’enfants, inculpés en vertu de la loi antiterroriste pour avoir librement exprimé leurs opinions et leurs idées, en particulier dans le contexte de discussions non violentes sur la question kurde (art. 2, 14 et 19).

L’État partie devrait veiller à ce que sa législation et ses pratiques en matière de lutte contre le terrorisme soient pleinement conformes aux dispositions du Pacte. Il devrait remédier au flou de la définition d’un acte terroriste donnée dans la loi antiterroriste de 1991 afin de s’assurer que l’application de cette loi vise uniquement les infractions ayant incontestablement un caractère terroriste. Dans ce contexte, l’État partie devrait garantir que les poursuites engagées à la suite d’actes terroristes soient exercées dans le plein respect de toutes les garanties juridiques énoncées à l’article 14 du Pacte, et veiller à l’application cohérente des dispositions législatives transitoires , même dans le cas d’infractions qui auraient été commises par des journalistes avant novembre 2 011 .

17.Le Comité est préoccupé par l’utilisation généralisée de la détention avant jugement pendant de longues périodes pouvant aller jusqu’à dix ans pour les infractions liées au terrorisme et cinq ans pour les autres infractions, avec la possibilité de prolonger la détention trois fois pour une durée d’un an, pratique qui contribue largement à aggraver la surpopulation carcérale. Le Comité note en outre avec préoccupation que les détenus n’ont pas accès à un mécanisme efficace qui leur permette de contester la légalité de la détention avant jugement et ne peuvent pas toujours, dans la pratique, communiquer rapidement avec un avocat (art. 9).

L’État partie devrait réduire la durée légale de la détention avant jugement conformément à l’article 9 du Pacte, et s’assurer que cette mesure ne soit appliquée qu’à titre exceptionnel. Il devrait garantir l’accès des détenus aux services d’un avocat et à un mécanisme efficace et indépendant qui leur permette de contester la légalité de leur détention avant jugement. L’État partie devrait en outre utiliser davantage les mesures de substitution telles q ue la surveillance électronique et la libération conditionnelle .

18.Le Comité est préoccupé par le surpeuplement des prisons et par les conditions de détention. Il est également préoccupé par le fait que les détenus n’ont souvent pas accès à des services de santé adéquats en temps voulu (art. 10).

L’État partie devrait prendre des mesures concrètes pour améliorer le traitement des détenus et les conditions dans les prisons et les centres de détention conformément au Pacte et à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, notamment pour ce qui est de l’accès en temps voulu à des services de santé adéquats. À cet égard, l’État partie devrait envisager non seulement de construire de nouveaux établissements pénitentiaires mais aussi de développer les peines de substitution non privatives de liberté, comme la surveillance électronique, la libération conditionnelle et les services d’intérêt général .

19.Le Comité constate avec préoccupation que la définition des «organisations illégales» est imprécise et manque de clarté, ce qui a pour effet de limiter le droit à la liberté d’association consacré par l’article 22 du Pacte (art. 22).

L’État partie devrait limiter strictement la portée de la notion d’«organisations illégales» afin qu’elle soit pleinement conforme à l’article 22 du Pacte.

20.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie fournit une aide importante aux réfugiés syriens en appliquant systématiquement le régime de protection temporaire et que la délégation turque a assuré qu’il continuerait de le faire, et prend note du processus de réforme législative en cours, mais relève avec préoccupation que la loi actuelle ne protège pas suffisamment les réfugiés, en particulier à cause de la restriction géographique imposée par la Turquie à l’application de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés (art. 7, 9 et 13).

L’État partie devrait veiller à ce que toutes les personnes qui demandent une protection internationale aient accès à une procédure de détermination du statut de réfugié efficace et équitable, quelle que soit leur région d’origine, et reçoivent, à tous les stades, un traitement approprié et équitable, conformément aux normes relatives aux droits de l’homme. Dans cette perspective, l’État partie devrait en outre promulguer rapidement une législation conforme au Pacte et à la Convention de 1951.

21.Le Comité reconnaît le caractère laïc de l’État turc et salue les modifications apportées à la loi no 5737 relative aux fondations en 2011, qui ont pour effet de permettre aux communautés religieuses non musulmanes de faire enregistrer leurs biens, mais s’inquiète des restrictions imposées aux communautés musulmanes, ainsi qu’aux communautés religieuses non musulmanes, qui ne sont pas couvertes par la loi de 1935 relative aux fondations (art. 18 et 26).

L’État partie devrait garantir le droit de toutes les personnes de manifester leur religion ou leurs convictions collectivement, en reconnaissant leur droit de s’organiser sous forme d’associations ou de fondations, comme le prévoit par exemple le Code civil turc.

22.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de crimes inspirés par la haine à l’encontre de communautés religieuses non musulmanes et d’autres minorités, et par la persistance de discours haineux qui ne donnent lieu à aucune sanction dans les médias, notamment dans les séries télévisées et les films (art. 18, 20 et 27).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour interdire efficacement les discours haineux contraires à l’article 20 du Pacte, et veiller à ce que les dispositions de la loi pénale et les directives politiques pertinentes soient effectivement appliquées.

23.Le Comité constate avec préoccupation que l’objection de conscience au service militaire n’a pas été reconnue par l’État partie. Il regrette que les objecteurs de conscience et les personnes favorables à l’objection de conscience courent encore le risque d’être condamnés à l’emprisonnement et que, lorsqu’ils persistent dans leur refus d’effectuer le service militaire, soient pratiquement privés de certains de leurs droits civils et politiques comme la liberté de circulation et le droit de vote (art. 12, 18 et 25).

L’État partie devrait adopter une législation qui reconnaisse et réglemente l’objection de conscience au service militaire et qui prévoie la possibilité d’opter pour un service de remplacement sans qu’un tel choix n’ait des effets punitifs ou discriminatoires et, dans l’intervalle, suspendre toutes les procédures engagées contre des objecteurs de conscience ainsi que l’exécution de toutes les peines déjà prononcées.

24.Le Comité constate avec préoccupation que les défenseurs des droits de l’homme et les professionnels des médias demeurent exposés au risque d’être condamnés pour avoir exercé leur métier, en particulier à cause de l’incrimination de la diffamation à l’article 125 du Code pénal et de l’application excessive des articles 214, 215, 216 et 220 (protection de l’ordre public), ou 226 (publication et diffusion de matériel obscène), 285 (confidentialité des enquêtes), 228 (pouvoir judiciaire), 314 (appartenance à une organisation armée) et 318 (interdiction de critiquer l’armée), ce qui décourage la formulation de commentaires critiques ainsi que tout regard critique de la part des médias sur des questions d’intérêt public légitime et a un effet préjudiciable sur la liberté d’expression dans l’État partie. Par ailleurs, le Comité accueille avec satisfaction les informations fournies par l’État partie à propos de l’amnistie partielle à l’égard de journalistes qui auraient commis certaines infractions avant novembre 2011, mais relève avec inquiétude que les dispositions législatives transitoires ne sont pas appliquées de manière systématique et que des poursuites continuent d’être exercées contre d’autres journalistes qui ne bénéficient pas de l’amnistie politique (art. 9, 14 et 19).

L’État partie devrait faire en sorte que les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes puissent exercer leur métier sans crainte d’être traduits en justice et poursuivis en diffamation, compte tenu de l’Observation générale n o  34 (2011) du Comité sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression . À cette fin, il devrait:

a) Envisager de dépénaliser la diffamation et, dans tous les cas, limiter l’application de la loi pénale aux affaires les plus graves, en tenant compte du fait que l’emprisonnement n’est jamais une peine appropriée ;

b) Accorder réparation aux journalistes et aux défenseurs des droits de l’homme qui ont fait l’objet de poursuites pénales et ont été emprisonnés en violation des articles 9 et 19 du Pacte;

c) Rendre les dispositions pertinentes du Code pénal conformes à l’article 19 du Pacte et subordonner toute restriction au strict respect de cette disposition.

25.L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, des deux Protocoles facultatifs s’y rapportant, du rapport initial, des réponses écrites à la liste des points à traiter établie par le Comité et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu’auprès du grand public. Le Comité suggère également que le rapport et les observations finales soient traduits dans la langue officielle de l’État partie. Le Comité demande en outre à l’État partie, lorsqu’il établira son deuxième rapport périodique, de tenir de vastes consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales.

26.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 10, 13 et 23.

27.Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique, qui devra lui parvenir d’ici au 31 octobre 2016, des renseignements précis et à jour sur la suite qu’il aura donnée aux autres recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble.