NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/TUN/525 avril 2007

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 40 DU PACTE

Cinquième rapport périodique

TUNISIE*

[14 décembre 2006]

La Tunisie a adhéré au Pacte international relatif aux droits civils et politiques en 1968 en vertu de la loi n° 68-30 du 29 novembre 1968, autorisant l’adhésion de la Tunisie au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Son quatrième rapport périodique (CCPR/C/84/Add.1) en application du Pacte a été présenté et examiné par le Comité des droits de l’homme de ses séances 1360ème à 1362ème séances, les 18 et 19 octobre 1994 et adopté à sa 1383ème séance (cinquante-deuxième session), le 2 novembre 1994 les observations finales (CCPR/C/79/Add.43). Le Comité des droits de l’homme a formulé des propositions qui ont été favorablement accueillies et dont la Tunisie a pris compte.

Le présent document représente les cinquième et sixième rapports périodiques de la Tunisie devant être soumis pendant le deuxième semestre de 2006 conformément à l’engagement pris par la Tunisie dans sa note verbale n° 377 en date du 18 octobre 2005.

On peut se référer utilement aux documents de base constituant la première partie des rapports des États parties ainsi qu’au rapport précédent de la Tunisie présenté en application du Pacte.

La Tunisie se réjouit de continuer le dialogue avec le Comité des droits de l’homme et de discuter les points soulevés dans les dernières observations finales formulées par le Comité.

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes

Introduction générale 1 − 11

I.Consolidation de l’état de droit et des institutions politiques12 − 36

II. Article 237 − 77

III. Article 378 − 115

IV. Article 4116 − 119

V. Article 5120 − 124

VI. Article 6125 – 144

VII. Article 7145 – 159

VIII. Article 8 160 – 165

IX. Article 9166 – 185

X. Article 10186 − 198

XI. Article 11199 − 205

XII. Article 12206 − 210

XIII. Article 13211 − 216

XIV.Article 14217 − 229

XV. Article 15230

XVI. Article 16231 − 234

XVII. Article 17235 − 238

XVIII. Article 18239 − 255

XIX. Article 19256 − 289

XX. Article 20290 – 296

XXI. Article 21297 – 300

XXII. Article 22301 – 320

XXIII.Article 23321 – 329

XXIV.Article 24330 – 354

XXV.Article 25355 – 392

XXVI.Article 26393 − 396

XXVII.Article 27397 − 405

XVIII.Conclusion406 − 411

LISTE DES ABRÉVIATIONS

ATM Association tunisienne des mères

ATFD Association tunisienne des femmes démocrates

CEDAWConvention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes

CICR Comité international de la Croix-Rouge

CNUDCI Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International

COC Code des Obligations et des Contrats

CP Code pénal

CPE Code de la Protection de l’Enfant

CPPCode de Procédure pénale

CSP Code du Statut personnel

FUNAP Fonds des Nations Unies pour les Activités de la population

LTDH Ligue tunisienne des droits de l’homme

NTIC Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication

OIT Organisation internationale de Travail

ONFP Office National de la Famille et de la Population

OMD Objectifs du Millénaire pour le Développement

PNEA Programme national d’enseignement des adultes

UNFT Union nationale de la femme tunisienne

Introduction générale

1.Le présent rapport fait état des principales mesures législatives et pratiques adoptées par la Tunisie, durant la période 1993-2005, afin de renforcer la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le rapport prend en considération les points que le Comité des droits de l’homme a soulevés dans ses observations finales présentées en octobre 1994, lors de l’examen du quatrième rapport de la Tunisie. Le Gouvernement tunisien qui a toujours constamment coopéré avec les structures des Nations Unies chargées des questions des droits de l’homme et qui a tenu à répondre aux communications qui lui sont adressées par les Rapporteurs spéciaux de la Commission des droits de l’homme et les Groupes de travail, se félicite de cette opportunité qui lui permet d’exposer son approche globale et intégrée des droits civils et politiques.

2.Sollicitant l’héritage culturel réformiste national pour enrichir les droits de la personne humaine et la définition de ses droits et promouvoir les libertés fondamentales et se référant aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, le Président Zine El Abibidine Ben Ali n’a cessé de promouvoir une vision des droits de l’homme qui prend en considération le lien dialectique entre la protection et la promotion de ces droits et la consolidation d’une démocratie pluraliste dans un contexte politique marqué par l’affermissement de l’état de droit. Définie depuis la Déclaration historique du 7 novembre 1987, cette approche nationale se caractérise par le contenu positif et réaliste qu’elle entend donner aux droits de l’homme et aux valeurs de la démocratie politique et sociale. Elle se fonde non sur des règles abstraites, mais sur des normes objectives et des réalisations concrètes.

3.Cette approche des droits de l’homme en général et des droits civils et politiques en particulier se distingue des idéologies qui tendent à relativiser certains droits par rapport à d’autres, ou encore à établir une hiérarchie entre les uns et les autres. Conciliant les acquis de la première génération des droits de l’homme (celle des droits civils et politiques), de la deuxième génération (celle des droits économiques, sociaux et culturels), voire de la troisième génération des droits de l’homme ( droit à un environnement sain, à la paix civile, à la sécurité, etc.), cette approche procède de la conviction qu’il ne peut y avoir de démocratie effective sans développement humain, ni de développement sans démocratie, l’une étant le corollaire de l’autre. Cette notion de globalité, d’indivisibilité et de complémentarité de tous les droits de l’homme est consacrée dans le texte de la Constitution de la République tunisienne tel qu’il a été modifié par la loi constitutionnelle n° 2002-51 du 1er juin 2002, portant réforme substantielle de la loi fondamentale de l’État suite à un référendum qui a traduit une adhésion citoyenne massive. Les droits civils et politiques sont intimement liés aux droits socioéconomiques et culturels et réciproquement. Les droits civils et politiques n’ont pas de signification dans une société dépourvue des attributs essentiels du développement et la prospérité économique n’a pas de portée réelle dans une société privée des ses droits politiques et sociaux.

4.Cette dialectique, sans exclure des spécificités fonctionnelles entre les diverses catégories des droits de l’homme implique dans le contexte de la période couverte par le présent rapport (1993-2005) l’élaboration et la mise en pratique de la démocratie sociale à travers des programmes nationaux dans les domaines de l’éducation, de la formation, de la santé, du logement, de l’emploi, de la famille et de la démocratie politique par le biais de la consolidation du droit à la participation, du renforcement de la société civile et de l’état de droit. Cette approche génère une impulsion et une dynamique pour la promotion des droits civils et politiques. Elle inscrit les acquis démocratiques dans le sens de l’intérêt national, de la modernité et de la promotion des droits de l’homme dans leur effectivité.

5. La démarche sereine et progressive adoptée par la Tunisie en matière de protection et de promotion des droits de l’homme puise son élan dans la conviction politique que les réformes fondamentales constituent un processus dont la finalité est de vitaliser les bases d’une vie politique évoluée offrant de plus larges possibilités de participation aux différents acteurs d’une vie politique organisée et d’une société civile responsable. Le fil conducteur de cette démarche, c’est l’intervention citoyenne et démocratique qui renvoie à l’individu et au politique dans une dialectique du délégataire et du participatif, du droit et du devoir, de la liberté et de la responsabilité.

6. Le développement du processus démocratique a nécessité l’ancrage progressif du pluralisme politique dans les mentalités, les comportements ainsi que dans les institutions et les composantes de la société civile. Cet ancrage contribue à doter les citoyens tunisiens des moyens culturels concrets d’exercice de leurs droits civils et politiques et à consolider les bases d’une société libre, solidaire et tolérante et d’un État de droit crédible, fort et ouvert au dialogue. Cette dynamique procède d’un choix politique national et souverain visant à permettre aux Tunisiens de vivre au quotidien les bienfaits d’une démocratie locale, responsable, transparente et d’asseoir collectivement les fondements d’une bonne gouvernance basée à la fois sur l’éthique de la responsabilité, l’autonomie et la primauté de la loi.

7.La dynamique de la démocratie participative reconnaît à la diversité idéologique et intellectuelle le droit à l’expression et à l’épanouissement dans le cadre de l’État de droit. Concept fondamental en matière de construction de la modernité, l’État de droit se cristallise dans le contexte tunisien par l’égalité de tous devant la loi et par la proclamation constitutionnelle de l’engagement de l’État à respecter et à faire respecter la légalité.

8. La loi organique n°92-25 du 2 avril 1992, complétant la loi n°59-154 du 7 novembre 1959 relative aux associations en 1992, a contribué au soutien à la vie associative et à l’approfondissement de la conscience quant à la mission et à la responsabilité des associations dans l’affermissement des valeurs de citoyenneté et de la consolidation du processus de développement.

9. La Tunisie n’a cessé d’appuyer l’activité associative en veillant, notamment, à aménager les meilleures conditions d’activités aux organisations non gouvernementales (ONG) tunisiennes, étrangères, régionales et internationales siégeant sur son territoire. Toutes les organisations légales établies en Tunisie vaquent, sans aucune entrave, à leurs activités. L’idée démocratique qui préside à cette visée-effectivation d’un véritable État qui aurait les moyens de donner des réponses concrètes et modernes à la citoyenneté concrète- présuppose plus ou moins cette idée que la démocratie directe et participative est ouverte à qui veut s’y engager. Cette présence directe de la société civile permet d’initier une certaine forme de gestion publique qui maintient une société démocratique équilibrée dans laquelle le militantisme ne saurait transgresser les règles du jeu démocratique défini par la loi en vigueur.

10. Les avancées accomplies sur cette voie, durant la période 1993-2005, témoignent de l’évolution importante observée dans les conditions de la pratique démocratique pluraliste dans le cadre de l’état de droit. Cette pratique a été mise en forme plus particulièrement lors des élections présidentielles, législatives et municipales, l’élection des membres de la Chambre des conseillers, et à travers la représentation des partis politiques de l’opposition au sein des conseils régionaux de développement, la participation de toutes les organisations nationales aux réunions des conseils régionaux de développement, l’impulsion donnée au rôle des associations considérées désormais comme un cadre d’apprentissage de la démocratie et comme des partenaires à part entière dans la conception et l’exécution des programmes de développement et par l’ouverture du paysage médiatique.

11. La Tunisie, tout en refusant les modèles préétablis en matière politique, poursuit ses efforts pour permettre au citoyen le plein exercice de ses droits civils et politiques prévus dans le Pacte. À cet effet, une série de textes juridiques ont vu le jour et un ensemble de mécanismes, d’instruments et de mesures pratiques ont été instaurés depuis 1993 visant notamment la consolidation de l’état de droit et des institutions politiques, le renforcement du pluralisme intellectuel et politique et la protection des droits de l’homme et leur promotion.

I. Consolidation de l’état de droit et des institutions politiques

12. Les réformes de la Constitution (dont notamment celles de 1997, 1998 et 2002) ont toutes contribué à l’accélération du processus démocratique. L’objectif est de consolider l’état de droit, d’approfondir l’exercice de la démocratie, de conforter le pluralisme dans les divers domaines de la participation politique, de renforcer les droits de l’homme et d’élargir l’aire des libertés collectives et individuelles. C’est ainsi que la loi constitutionnelle n° 2002-51 du 1er juin 2002 portant modification de certaines dispositions de la Constitution est venue asseoir davantage les bases de l’état de droit et des institutions, enrichir l’arsenal normatif par les valeurs de solidarité, d’entraide et de tolérance, par l’institution d’un contrôle judiciaire garantissant le respect des libertés fondamentales et par l’introduction des garanties de protection des données. En effet, cet amendement constitutionnel qui a porté presque sur la moitié des articles de la Constitution a introduit de nouvelles dispositions dont notamment:

a)L’affirmation, dans le texte de la Constitution, que la République tunisienne a pour fondements les principes de l’état de droit et du pluralisme;

b)La mention, dans le texte de la Constitution, des modalités d’élection du Président de la République par l’organisation d’un second tour et par la détermination d’une limite d’âge au moment de la présentation des candidatures;

c)La création d’une Chambre des conseillers pour renforcer le pouvoir législatif par un bicaméralisme destiné à enrichir la participation et la représentation pluralistes;

d)La consolidation des attributions du Conseil constitutionnel, devenu arbitre constitutionnel des élections.

13.Cette réforme substantielle de la Constitution a permis à la fois de renforcer les principes fondamentaux sur lesquels repose le système républicain (les droits fondamentaux de la personne humaine, les principes du pluralisme des partis politiques, les principes relatifs au statut personnel…) et de faire évoluer qualitativement les règles du jeu démocratique.

14. Parallèlement à la réforme des pouvoirs législatif et exécutif, une profonde réforme du pouvoir judiciaire a été engagée renforçant l’indépendance de la justice, son rapprochement du justiciable, l’égalité des tous les citoyens devant la justice et l’effectivité des garanties judiciaires.

A. Renforcement du pluralisme intellectuel et politique

15. Depuis le «Changement» du 7 novembre 1987, le pluralisme intellectuel et politique est devenu une réalité tangible que l’État ne cesse de soutenir et d’encourager. La diversité en matière de conviction, d’opinion, d’expression constitue une résultante objective de toute démocratie pluraliste. D’ailleurs, depuis la Déclaration du 7 novembre 1987, le Chef de l’État a considéré que le peuple tunisien «a atteint un tel niveau de responsabilité et de maturité que tous ses éléments et ses composantes sont à même d’apporter leur contribution constructive à la gestion de ses affaires, conformément à l’idée républicaine qui confère aux institutions leur plénitude et garantit les conditions d’une démocratie responsable».

16. La Tunisie poursuit ses efforts pour mettre en place les mécanismes propices à la construction d’un édifice démocratique pluraliste. À cet effet, une série de lois a été promulguée, depuis 1993, dont notamment:

–La loi organique n° 95-68 du 24 juillet 1995 modifiant et complétant la loi organique des Communes visant à renforcer la démocratie locale et la participation régionale;

–La loi constitutionnelle n° 95-90 du 6 novembre 1995 relative au Conseil constitutionnel a permis d’insérer l’organisation du Conseil Constitutionnel dans le texte de la Constitution et d’élargir ses compétences afin de faire de cette instance l’arbitre suprême des élections pluralistes;

–La loi n° 97-48 du 21 juillet 1997, relative au financement public des partis politiques. Cette loi vient consacrer la pluralité partisane, consolider le rôle des partis dans la vie politique, renforcer les mesures déjà retenues par le Code électoral quant au financement de la campagne électorale des candidats à la Présidence de la République, à la Chambre des députés et aux Conseils municipaux;

–La loi constitutionnelle n° 99-52 du 30 juin 1999, portant dispositions dérogatoires au troisième alinéa de l’article 40 de la Constitution. Cette loi circonstancielle a renforcé le pluralisme garantissant la représentation des partis politiques dans l’élection présidentielle de 1999, en permettant aux premiers responsables des partis de l’opposition (président ou secrétaire général) de se porter candidats à la magistrature suprême, au cas où la condition de présentation du candidat, prévue par l’article sus-indiqué de la Constitution, ne peut être remplie. Toutefois, le candidat doit, le jour du dépôt de sa candidature, être en exercice de ses fonctions depuis au moins cinq années consécutives et son parti doit avoir un député ou plus à la Chambre des députés.

17. La mise en place du cadre légal du pluralisme intellectuel et politique constitue la toile de fond de la vie publique en Tunisie. La loi n° 59-154 du 7 novembre 1959 portant organisation des associations a été amendée par les lois du 2 août 1988 et du 2 avril 1992 dans un sens plus libéral et évolutif. Un système de simple déclaration s’est substitué au système d’autorisation préalable auparavant octroyée de manière discriminatoire par l’administration. De même une classification adéquate des associations en vertu de leurs objectifs et leurs activités a été opérée afin de donner une forte impulsion aux associations féminines, scientifiques et de développement. Parallèlement à cela, une loi n° 88-32 du 3 mai 1988 relative à l’organisation des partis politiques a été promulguée afin d’organiser la liberté de fonder des partis politiques à condition de respecter certaines valeurs fondamentales devant guider toute action politique. En effet, l’article 2 dispose que «le parti politique agit dans le cadre de la constitution et de la loi:

Il doit dans son activité respecter et défendre notamment:

–L’identité arabo-musulmane;

–Les droits de l’homme tels que déterminés par la Constitution et les conventions internationales ratifiées par la Tunisie;

–Les acquis de la nation et notamment la forme républicaine du régime et ses fondements, le principe de la souveraineté populaire telle qu’elle est organisée par la Constitution et les principes organisant le statut personnel.

Il doit en outre:

–Bannir la violence sous toutes ses formes ainsi que le fanatisme, le racisme et toutes autres formes de discrimination;

–S’abstenir de toute activité de nature à porter atteinte à la sécurité nationale, à l’ordre public et aux droits et libertés d’autrui».

L’article 3 ajoute qu’«un parti politique ne peut s’appuyer fondamentalement dans ses principes, activités et programmes sur une religion, une langue, une race, un sexe ou une région».

18. L’existence de neuf partis politiques reconnus reflète la volonté politique de consolider le processus démocratique pluraliste et l’efficience des mécanismes juridiques mis en place. Le visa légal remis au mois de mars 2006 au «Parti des Verts pour le Progrès» confirme l’idée que le processus de la démocratie pluraliste est devenu un choix national irréversible. Ce processus permet à toutes les forces politiques légalement constituées qui s’y engagent de forger une conception plus dialectique de la diversité. Le débat d’idées dans un contexte de démocratie consensuelle est le seul moyen de faire appel à l’intelligence des citoyens et de tirer profit de la diversité des approches et la pluralité des idées.

19.Les associations contribuent considérablement à l’animation de la vie intellectuelle et culturelle. Les partis politiques œuvrent pour «l’encadrement des citoyens en vue d’organiser leur participation à la vie politique» et pour une représentation dans les diverses structures élues. De ce fait, la démocratie participative devient plus dynamique et développe au sein même de la vie publique un débat d’idées basé sur la tolérance et le respect de l’autre et où la diversité des opinions et le débat idéologique sont non seulement garanties par l’état de droit, mais perçues par tous comme source de richesse nationale pour un développement global et multidimensionnel.

20.Le multipartisme s’est concrétisé dans la composition des conseils municipaux et de l’ensemble des structures et des institutions constitutionnelles représentatives (Chambre des députés, Chambre des conseillers Conseil économique et social, Conseils régionaux), comme il s’est manifesté dans la pluralité des candidatures aux élections présidentielles et législatives de 1999 ainsi que celles de 2004.

21. D’autres mesures visant le renforcement des bases d’une démocratie consensuelle ont également été mises en œuvre durant la période examinée. À ce propos, la Tunisie s’est employée à réaliser la réconciliation nationale, au sens le plus large du terme, et à favoriser l’émergence d’un climat de confiance et de sérénité entre les citoyens et les pouvoirs publics. L’objectif de cette démarche est de permettre à chaque citoyen d’apporter, de plein gré, sa contribution à l’œuvre de développement et d’édification d’une société démocratique fondée sur la promotion des droits de l’homme, la tolérance et le respect mutuel.

22. La loi organique n° 2002-97 du 25 novembre 2002 consacrant la révision permanente des listes électorales est venue renforcer le droit à la participation, la transparence des élections et dynamiser le processus démocratique pluraliste. Ainsi, une attention particulière a été accordée au renforcement de la crédibilité du répertoire des électeurs et à la transparence de l’opération électorale dans le but de faciliter à tous les électeurs l’exercice de leur droit électoral dans des conditions appropriées et de permettre à l’opposition d’apporter sa contribution à l’enrichissement de la vie politique et à la promotion du processus démocratique pluraliste. Dans cet ordre d’idées, et afin d’accroître le soutien financier aux partis politiques et de leur garantir de meilleurs moyens d’action, il a été décidé, en vertu de la loi n° 2006-7 du 15 février 2006, modifiant la loi n° 97-48 du 21 juillet 1997, relative au financement public des partis politiques, d’augmenter la subvention de l’État accordée aux partis politiques, qui s’élève désormais à 135 000 dinars par an.

23.Il est à noter que d’autres réformes ont aussi favorisé la multiplication des initiatives visant à consolider la démocratie locale. Le renforcement de la décentralisation et de la déconcentration ainsi que le transfert de nouvelles prérogatives aux gouverneurs et aux municipalités se sont traduits par le développement de l’action municipale et l’élargissement des attributions des conseils régionaux. Grâce à ces réformes, les élections municipales, qui se sont déroulées le 28 mai 2000 et le 8 mai 2005, ont traduit les acquis dans le sens du renforcement de la démocratie locale.

B. Respect de la liberté d’opinion et d’expression

24. L’article 8 de la Constitution de la République tunisienne proclame que «les libertés d’opinion, d’expression, de presse, de publication, de réunion, d’association sont garanties et exercées dans les conditions définies par la loi». Les libertés de penser, d’écrire, de publier, la liberté de la presse sont des éléments fondamentaux des droits civils et politiques. La démocratie, qui est censée être le pouvoir partagé par tous, ne peut s’épanouir sans le respect plein et entier de ces libertés. La consolidation de ce droit et le renforcement de cette liberté restent un enjeu qui interpelle tous les citoyens, toutes les forces vives de la nation. Il s’agit de faire en sorte que le secteur de l’information reflète les spécificités de la société tunisienne, ainsi que ses préoccupations et ses aspirations.

25. Le secteur de l’information et de la communication a connu, depuis 1993, d’importantes réalisations institutionnelles et législatives destinées à promouvoir les performances et les contenus des moyens d’information audiovisuels et écrits et à renforcer le processus du pluralisme intellectuel et politique. La promotion du secteur de l’information est une donnée consubstantielle de la promotion des droits civils et politiques. De nombreuses réformes ont été engagées afin que ce secteur accomplisse sa mission dans les meilleures conditions. Des amendements dans le Code de la presse, ont été introduits à trois reprises dans le but de permettre aux journalistes d’assumer leur rôle en toute liberté et de bénéficier d’un climat adéquat pour exercer leurs activités. L’exercice de la liberté d’informer, d’exercer le métier de journaliste et d’assumer la fonction d’éclaireur public comporte des devoirs et des responsabilités et ne peut pas ne pas être soumis à certaines formalités et conditions qui sont prévues par le Code de la presse et qui constituent une garantie nécessaire dans une société démocratique à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles et l’atteinte à la dignité de la personne humaine.

26. Pour aider les partis politiques reconnus à assurer la publication de leurs journaux d’une manière régulière et de mieux faire connaître leurs points de vue, une prime annuelle pour la subvention de leurs journaux leur a été accordée par la loi n° 99-27 du 29 mars 1999, complétant la loi n° 97-48 du 21 juillet 1997 relative au financement public des partis politiques.

27 L’abrogation de la disposition du dépôt légal, effectuée par la loi organique n° 2006 ‑1 du 9 janvier 2006, modifiant le Code de la presse, a constitué une nouvelle mesure d’envergure dans le processus de consolidation de la liberté d’expression, d’information et d’édition en Tunisie. Le plus important, après l’abrogation de la procédure du dépôt légal, est de voir les journaux se transformer en un espace de dialogue, d’échange et de discussion sur des problématiques qui engagent le devenir du pays, la défense des acquis et qui poussent vers d’autres acquis, surtout que l’élite tunisienne a su montrer son refus des tendances obscurantistes et de toutes les formes de l’extrémisme.

28 L’ouverture de l’espace audiovisuel au secteur privé a eu une grande répercussion sur l’enrichissement, la pluralité et la diversité de l’information. Ainsi, en vue de favoriser le pluralisme, deux stations radiophoniques et une chaîne de télévision supplémentaire ont été créées respectivement en 2003 et en 2005. Le démarrage des émissions de la Radio culturelle au mois de mai 2006 vise également à favoriser la présence de toutes les expressions de la culture tunisienne dans les moyens de communication et de diffusion, permet le déploiement des capacités de création, crée des espaces de dialogue entre les intellectuels et les artistes et contribue par là même à diffuser la culture scientifique et technologique ainsi que la culture des droits de l’homme, de la femme, de l’enfant, de la tolérance et de l’ouverture.

29.Les partis de l’opposition ont leurs publications, de même que les syndicats et les autres composantes de la société civile. Les journalistes et les directeurs des organes de presse et des médias ont leurs propres organisations professionnelles. Conçue comme un choix constant et un processus continu, la consolidation de la liberté d’expression et d’information vise le renforcement du rôle des médias dans la mise en mouvement du processus démocratique pluraliste, la stimulation de la démocratie par le débat libre et responsable, la consolidation de la participation des partis politiques au processus démocratique pluraliste, la diffusion soutenue de l’esprit civique à travers les programmes médiatiques.

30. Forte de son potentiel humain et consciente des enjeux des nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC), la Tunisie s’est totalement engagée dans l’édification de la société du savoir à l’échelle nationale et a contribué à l’échelle régionale et internationale à réduire le fossé numérique entre les pays riches et les pays pauvres, entre les populations du Nord et celles du Sud. C’est ainsi que la Tunisie a pris l’initiative d’appeler en 1999 à la tenue d’un Sommet mondial sur la société de l’information parrainé par l’Organisation des Nations Unies (ONU) et organisé sous sa tutelle. Ainsi, les 16, 17 et 18 novembre 2005 ont lieu à Tunis les travaux de la deuxième phase du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI). Ces travaux ont débouché sur deux documents importants intitulés: «Engagement de Tunis» et «Agenda de Tunis». L’enjeu de ces deux documents est d’autant plus vital que la maîtrise des autoroutes de l’information a des répercussions directes sur la réalisation des droits civils et politiques: information publique, liberté d’expression, secret de la vie privée et protection des données personnelles, liberté individuelle. Les TIC peuvent être de puissants vecteurs du droit au développement humain comme elles peuvent être des outils de ségrégation, de domination, d’hégémonie et d’entrave à la souveraineté des États les moins outillés.

C. Consolidation des droits civils et politiques

31. Les mesures et les lois visant à renforcer le dispositif de promotion et de protection des droits de l’homme se sont succédé à un rythme croissant depuis 1993. La Tunisie a ratifié la plupart des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Bien que les instruments internationaux aient au sens de l’article 32 de la Constitution un rang supérieur aux lois nationales et prennent effet immédiatement dès leur publication officielle, la Tunisie a harmonisé sa législation nationale avec les normes internationales de protection des droits de l’homme.

32. La Tunisie a notamment ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, la Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention relative aux droits de l’enfant. La Tunisie a également ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, sans aucune réserve. Elle a fait des déclarations au titre des articles 21 et 22 de cette Convention.

33. Dans le cadre de la consolidation des droits de l’homme, des lois importantes ont été promulguées, dont:

–La loi n° 95-9 du 23 janvier 1995, portant abrogation du travail rééducatif et du service civil renforçant la politique humaniste ayant déjà initié l’abrogation des travaux forcés;

–La loi n° 95-92 du 9 novembre 1995, relative au Code de la protection de l’enfant visant à inculquer chez le citoyen dès son plus jeune âge les valeurs de liberté, de justice, de tolérance, de solidarité, d’ouverture, de participation à la vie publique;

–La loi organique n° 98-77 du 2 novembre 1998, portant modification de la loi n° 75‑40 du 14 mai 1975 relative aux passeports et documents de voyage consacrant la liberté de circulation en accordant à l’autorité judiciaire un droit de regard pour tout litige entre l’administration et l’administré concernant son droit de quitter le territoire tunisien et son droit d’y revenir;

–La loi n° 99-89 du 2 août 1999, modifiant et complétant certaines dispositions du Code pénal, relative à l’instauration du travail d’intérêt général en substitution à la peine d’emprisonnement afin d’humaniser davantage le système de sanctions pénales;

–La loi n° 99-90 du 2 août 1999, modifiant et complétant certaines dispositions du Code de procédure pénale et introduisant des garanties supplémentaires aux personnes privées provisoirement de leur liberté telles que la réduction de la durée de garde à vue, l’information des familles des personnes arrêtées, l’explication des raisons d’arrestation et des motifs légaux, le droit à un examen médical, la tenue des registres d’arrestation sous le contrôle du Procureur de la République;

–La loi n° 2000-43 du 17 avril 2000, modifiant et complétant certains articles du Code de procédure pénale et instituant le principe du double degré de juridiction en matière criminelle de nature à assurer les garanties d’un procès équitable;

–La loi n° 2000-77 du 31 juillet 2000, modifiant et complétant certaines dispositions du Code de procédure pénale en vue de créer l’institution du juge d’exécution des peines afin d’instaurer un contrôle judiciaire sur les conditions d’incarcération et l’exécution des peines privatives de liberté;

–La loi n° 2001-52 du 14 mai 2001, relative à l’organisation des prisons est la première de son genre dans l’histoire pénitentiaire à réglementer les droits et les devoirs respectifs du détenu et de l’administration pénitentiaire et octroyant au seul conseil de discipline, où les détenus sont représentés, le pouvoir d’infliger des sanctions disciplinaires à l’encontre de la personne fautive;

–La loi n° 2002-93 du 29 octobre 2002, complétant le Code de procédure pénale relative à l’institution de la transaction par médiation en matière pénale en mettant des alternatives à l’action pénale afin de consolider l’esprit de concorde entre les citoyens et de faciliter le règlement amiable des différends.

34. La consolidation des droits de l’homme ne se limite pas à la promulgation des textes. Elle nécessite une action de sensibilisation pour changer les mentalités et les comportements afin de favoriser l’émergence d’un contexte propice à l’épanouissement des droits de l’homme. Cette option s’est traduite à la fois par l’instauration d’une éducation aux droits de l’homme et par la diffusion de la culture des droits de l’homme aussi bien dans les écoles de base et les établissements d’enseignement secondaire et supérieur que dans les établissements spécialisés chargés de la formation des agents de l’État (Institut supérieur de la magistrature, École nationale d’administration, École d’agents de sûreté nationale, École supérieur d’agents de l’administration pénitentiaire). De même, l’enseignement vulgarisant les droits de l’homme est devenu une composante essentielle du système éducatif. Par ailleurs, tous les citoyens bénéficient de programmes orientés vers la promotion de la culture des droits de l’homme à travers les moyens d’information (écrits, audiovisuels, multimédias), les colloques, les manifestations culturelles et artistiques et autres activités de la société civile.

35. Les nombreuses réalisations accomplies en matière de protection et de promotion des droits de l’homme au cours de la période couverte par le présent rapport témoignent d’un engagement ferme et irréversible avec une conscience vive que l’édifice reste toujours à parfaire. Parmi les dernières initiatives de l’État qui rentrent dans le cadre de la coopération avec les organisations internationales opérant dans le domaine des droits humains, il y a lieu de citer notamment l’accord conclu en avril 2005 entre les autorités tunisiennes et le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) autorisant celui-ci à effectuer des visites dans toutes les unités pénitentiaires et les lieux de garde à vue, de procéder à la constatation des conditions de détention, à l’audition des détenus qu’il choisit sans présence de représentant de l’administration concernée et de présenter des observations et des suggestions aux autorités compétentes. La coopération avec le CICR prend également forme dans des programmes de formation destinés aux magistrats, aux membres du parquet et aux agents de l’administration pénitentiaire ainsi qu’aux formateurs relevant du ministère de l’éducation et de la formation. C’est dans ce même cadre de coopération que se situe la création d’une Commission nationale de droit international humanitaire.

36. Au mois de mai 2006, la Tunisie a bénéficié d’une large reconnaissance internationale en se faisant élire par 172 voix au nouveau Conseil des droits de l’homme. Cette élection témoigne du respect que porte la communauté internationale à la Tunisie, pays connu pour ses réalisations en matière d’émancipation de la femme devenue citoyenne à part entière et partenaire égale de l’homme, de consécration des droits de l’homme dans un contexte politique marqué par la prééminence de l’état de droit.

II. ARTICLE 2

37. Aux termes de l’article 2 du Pacte, les États parties s’engagent à garantir à tous les individus, vivant sur leur territoire et relevant de leur compétence, aussi bien les droits reconnus par ce Pacte, sans distinction aucune, que les recours contre toute violation de ces droits.

A. Abolition de toutes les formes de discrimination

38. La Tunisie qui a aboli l’esclavage depuis 1846, a réaffirmé son engagement en faveur de la protection et de la promotion des droits de l’homme dans leur universalité, globalité, complémentarité et interdépendance, en adhérant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques en 1968.

1. Sur le plan des textes

a) La Constitution

39. L’engagement de la Tunisie, en vertu de cet article, trouve sa traduction politique et juridique dans la Constitution. En effet, les droits fondamentaux de l’homme, reconnus et garantis par la Constitution, le sont pour tous sans aucune discrimination et sans référence relative à la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou autre, l’origine nationale ou sociale, la fortune ou la naissance. Ainsi, l’article 5 de la Constitution telle que modifiée par la loi constitutionnelle n° 2002-51 du 1er juin 2002 dispose que «la République tunisienne garantit les libertés fondamentales et les droits de l’homme dans leur acception universelle, globale, complémentaire et interdépendante». L’article 6 ajoute que «tous les citoyens ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Ils sont égaux devant la loi».

40. Par ailleurs, l’article 5 de la Constitution, amendée le 1er juin 2002 garantit l’inviolabilité de la personne humaine, la liberté de conscience et le libre exercice des cultes. L’article 8 de la Constitution énonce que «les libertés d’opinion, d’expression, de presse, de publication, de réunion et d’association sont garanties et exercées dans les conditions définies par la loi». L’article 9 (nouveau) dispose que «l’inviolabilité du domicile, le secret de la correspondance et la protection des données personnelles sont garantis, sauf dans les cas exceptionnels prévus par la loi».

41. L’article 12 (nouveau) de la Constitution du 1er juin 2002, relatif à la présomption d’innocence de tout prévenu, énonce que «la garde à vue est soumise au contrôle judiciaire, et il ne peut être procédé à la détention préventive que sur ordre juridictionnel. Il est interdit de soumettre quiconque à une garde à vue ou à une détention arbitraires. Tout prévenu est présumé innocent jusqu’à l’établissement de sa culpabilité à la suite d’une procédure lui offrant les garanties indispensables à sa défense».

42. En outre, l’article 13 (nouveau) de la Constitution, relatif à la personnalisation de la peine et à la non-rétroactivité de la loi pénale, énonce que «la peine est personnelle et ne peut être prononcée qu’en vertu d’une loi antérieure au fait punissable, sauf en cas de texte plus doux». Il est indiqué, par ailleurs, que «tout individu, ayant perdu sa liberté, est traité humainement dans le respect de sa dignité, conformément aux conditions fixées par la loi».

43. Le droit de propriété est régi par l’article 14 de la Constitution. L’article 17 de la Constitution traite de l’interdiction d’extrader les réfugiés politiques. En ce qui concerne la sauvegarde de l’intégrité du territoire national, elle est régie par l’article 15 (nouveau) de la Constitution. Les nouveaux articles 72 et 74 de la Constitution, ont élargi les compétences du Conseil constitutionnel. Quant à l’article 75 (nouveau) de la Constitution, il a souligné le caractère obligatoire des décisions rendues par cette instance en matière électorale.

b) Législation

44. Des garanties législatives, judiciaires et administratives ont été prévues pour préserver le principe de la non‑discrimination. Dans le même sens, la loi organique n° 88-32 du 3 mai 1988, organisant les partis politiques dispose, dans son article 2, que «le parti politique agit dans le cadre de la Constitution et de la loi», qu’il «doit dans son activité respecter et défendre notamment les droits de l’homme tels que déterminés par la Constitution et les conventions internationales ratifiées par la Tunisie» et qu’il «doit en outre bannir la violence sous toutes ses formes ainsi que le fanatisme, le racisme et toutes autres formes de discrimination».

45. La loi organique n° 93-85 du 2 août 1993, portant amendement du Code de la presse sanctionne les divers actes de discrimination. Ainsi, l’article 44 (nouveau) énonce qu’«est puni de deux mois à trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 1 000 à 2 000 dinars, celui qui aura directement, soit incité à la haine entre les races, ou les religions, ou les populations, soit à la propagation d’opinions fondées sur la ségrégation raciale ou sur l’extrémisme religieux, … soit incité la population à enfreindre les lois du pays». De même, l’article 52 bis du Code pénal, introduit par la loi n° 93-112 du 22 novembre 1993, complétant le Code pénal, considère les actes d’incitation à la haine ou au fanatisme racial ou religieux quels que soient les moyens utilisés, comme étant des actes terroristes.

46. Ainsi, et à titre d’exemple, le 18 octobre 1994, la Cour d’appel de Tunis a confirmé le jugement du tribunal de première instance condamnant un citoyen à deux années d’emprisonnement et à une amende de 1 100 dinars, pour avoir procédé à la distribution de tracts, incitant la population à la confrontation avec les juifs. Le condamné a saisi le «Groupe de travail de la Commission des Droits de l’Homme sur la détention arbitraire». Ce dernier a précisé dans sa décision que l’incitation à la haine raciale est un délit et non une opinion. Par conséquent, la détention a été déclarée non arbitraire. Convaincu que la tolérance et la non‑discrimination sont un état d’esprit et une conduite, l’État tunisien ne lésine pas sur les efforts en matière de lutte contre la discrimination.

2. Sur le plan de la pratique

47. La Tunisie adhère fermement aux buts et principes des Nations Unies tels qu’énoncés dans les instruments internationaux, en particulier ceux qui concernent la non-discrimination pour des raisons tenant à la race, à la couleur, à l’ascendance, ou à l’origine nationale ou ethnique. Cet engagement a été confirmé par la ratification, le 12 janvier 1967, par la Tunisie, de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

48. La Tunisie est depuis toujours un pays de métissage. C’est sa plus grande richesse. Et cette donnée empirique et historique suppose tout simplement que le problème de discrimination raciale n’existe pas en Tunisie. Le métissage, n’est pas un état permanent mais c’est un processus qui a permis de reconnaître la multi-appartenance, et de noyer les différences culturelles et les dérives communautaristes. Face au retour à l’homogène fantasmé (extrême droite islamiste un peu partout dans les pays arabes), à l’hétérogénéité cristallisée (communautarisme dans plusieurs pays occidentaux), phénomènes qui souffrent d’aigreur antirépublicaine, en Tunisie on prône toujours l’ouverture et la tolérance et on vit le droit à la différence. Ainsi, la Tunisie est réellement l’un des rares pays qui est en droit de se vanter de ne pas connaître de problème de discrimination raciale, grâce à l’homogénéité de sa population. Les valeurs de tolérance et de respect de l’autre sont profondément ancrées dans la civilisation arabo-musulmane à laquelle appartient la Tunisie et qu’elle enrichit par des contributions éclairées et à l’avant-garde de la civilisation humaine.

B. L’insertion des principes du pacte dans le système juridique national

49. Le paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte engage les États à prendre, en accord avec leurs procédures constitutionnelles et avec les dispositions du Pacte, les mesures tendant à donner effectivité aux droits reconnus par le Pacte.

50.En effet, c’est la loi qui permet de mettre en œuvre ces droits et les nantit de procédures destinées à les faire respecter. Il en est de même des droits reconnus par le Pacte qui n’auraient pas été déjà prévus par la Constitution. À cet égard, la Tunisie a progressivement mis en place des procédures tendant à donner plein effet aux droits de l’homme, qu’ils soient prévus par la Constitution ou par le Pacte ou encore par les différents instruments relatifs aux droits de l’homme ratifiés par la Tunisie.

1. Les réformes constitutionnelles

51.Les réformes constitutionnelles prises au cours de la période couverte par ce rapport sont nombreuses, dont:

–La loi constitutionnelle n° 95-90 du 6 novembre 1995, relative au Conseil Constitutionnel incluant l’organisation du Conseil Constitutionnel dans le texte de la Constitution et élargissant ses prérogatives et ses compétences en vue de confirmer la primauté de la Constitution et de l’état de droit;

–La loi constitutionnelle n° 97-65 du 27 octobre 1997, amendant et complétant certains articles de la Constitution. Ces amendements portent sur l’extension du domaine du référendum en consécration de la souveraineté du peuple ainsi que sur la délimitation des domaines qui relèvent de la compétence du pouvoir législatif et ceux qui dépendent du pouvoir réglementaire. Ils portent également sur l’introduction des dispositions relatives aux partis politiques en vue de consolider le processus démocratique, l’abaissement de l’âge minimum de candidature à la Chambre des députés, le droit de candidature à la Chambre des députés;

–La loi constitutionnelle n° 2002-51 du 1er juin 2002, portant modification de certaines dispositions de la Constitution a introduit des règles constitutionnelles en relation avec les droits et les libertés des individus et visant à les renforcer, à les promouvoir et à les enrichir.

2. Les réformes législatives

52.Des lois garantissant la protection et le respect des droits de l’homme ont été également promulguées dont notamment:

–La loi n° 93-73 du 12 juillet 1993, modifiant certains articles du Code de procédure pénale visant la promotion de la législation nationale relative aux mineurs et la création du régime d’observation des mineurs;

–La loi n° 93-74 du 12 juillet 1993, portant modification de certains articles du Code du statut personnel visant le renforcement du principe d’égalité entre les époux et la consécration de l’intérêt primordial de l’enfant ainsi que le renforcement du rôle de la mère dans la gestion des affaires de la famille;

–La loi organique n° 93-80 du 26 juillet 1993, relative à l’installation des organisations non gouvernementales en Tunisie, définissant les facilités, les privilèges et les exemptions dont jouissent les organisations non gouvernementales installées en Tunisie;

–La loi n° 93-114 du 22 novembre 1993, modifiant et complétant certains articles du Code de procédure pénale concernant l’allègement de la durée de la détention préventive et la création du poste du juge unique;

–La loi n° 95-9 du 23 janvier 1995, portant abrogation du travail rééducatif et du service civil en vue de consacrer la liberté de l’individu dans le travail;

–La loi organique n° 95-68 du 24 juillet 1995, modifiant et complétant la loi organique des Communes, dans le but d’encourager l’engagement citoyen et de renforcer la démocratie à l’échelle locale.

53.D’autres lois garantissant la protection et le respect des droits de l’Homme ont été également promulguées, dont:

–La loi n° 93-65 du 5 juillet 1993, portant création d’un Fonds de garantie de la pension alimentaire et de la rente de divorce renforçant les droits de la femme et de l’enfant;

–La loi n° 95-92 du 9 novembre 1995, relative à la publication du Code de la protection de l’enfant visant à assurer à l’enfant les conditions de son droit à l’épanouissement et à inculquer chez le citoyen dès son plus jeune âge les valeurs de liberté, de justice, de tolérance, de solidarité, d’ouverture, de participation à la vie publique;

–Le décret n° 96-1134 du 17 juin 1996, portant statut particulier du corps des délégués à la protection de l’enfance et les domaines de son intervention et ses moyens d’action avec les services et les organismes sociaux concernés;

–La loi n° 95-62 du 10 juillet 1995, portant ratification de la Convention internationale du travail n° 138 concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi, interdisant l’exploitation économique des enfants;

–La loi n° 97-48 du 21 juillet 1997 relative au financement public des partis politiques visant la consécration du pluralisme politique et la consolidation du rôle de ces partis politiques dans l’animation la vie politique nationale;

–La loi organique n° 98-77 du 2 novembre 1998, portant modification de la loi n° 75-40 du 14 mai 1975, relative aux passeports et documents de voyage est venue consacrer la liberté de circulation en accordant à l’autorité judiciaire un droit de regard pour tout litige entre l’administration et l’administré concernant son droit de quitter le territoire tunisien et son droit d’y revenir;

–La loi n° 99-89 du 2 août 1999, modifiant et complétant certaines dispositions du Code pénal, instituant la peine de travail d’intérêt général en substitution à la peine d’emprisonnement. Cette même loi a, également, abrogé le travail obligatoire dans les prisons et a ajouté des dispositions relatives à la définition du crime de «torture»;

–La loi n° 99-90 du 2 août 1999, modifiant et complétant certaines dispositions du Code de procédure pénale, introduisant des garanties supplémentaires aux personnes privées provisoirement de leur liberté telles que la réduction de la durée de garde à vue, l’information des familles des personnes arrêtées, l’explication des raisons d’arrestation et des motifs légaux, le droit à un examen médical, la tenue des registres d’arrestation sous le contrôle du Procureur de la République;

–La loi n° 2000-43 du 17 avril 2000, modifiant et complétant certains articles du Code de procédure pénale et instituant le principe du double degré de juridiction dans les affaires criminelles. Cette loi conforte les droits des justiciables et fait progresser les instances de la justice pénale;

–La loi n° 2000-53 du 22 mai 2000, modifiant et complétant certains articles du Code de la protection de l’enfant visant à renforcer la protection de l’enfant et à lui garantir le droit à la survie, à la protection et au développement;

–La loi n° 2000-77 du 31 juillet 2000, modifiant et complétant certaines dispositions du Code de procédure pénale créant la fonction du juge d’exécution des peines afin d’instaurer un contrôle judiciaire sur les conditions d’incarcération et l’exécution des peines privatives de liberté, de renforcer les garanties offertes aux condamnés et consacrer les orientations humanistes de la politique de l’État;

–La loi n° 2001-52 du 14 mai 2001, relative à l’organisation des prisons est la première de son genre dans l’histoire pénitentiaire à réglementer les droits et les devoirs respectifs du détenu et de l’administration pénitentiaire et octroyant au seul conseil de discipline, où les détenus sont représentés, le pouvoir d’infliger des sanctions disciplinaires à l’encontre de la personne fautive. Les dispositions de cette nouvelle loi sont conformes aux pactes internationaux pertinents;

–La loi n° 2002-52 du 3 juin 2002, relative à l’octroi de l’aide judiciaire a étendu le bénéfice de cette aide afin de consolider le droit du citoyen aux moyens faibles d’ester en justice;

–La loi n° 2002-92 du 29 octobre 2002, modifiant et complétant le Code de procédure pénale en vue de renforcer les prérogatives du juge d’exécution des peines en lui donnant la possibilité de décider la libération conditionnelle pour certaines catégories de condamnés et d’assurer le suivi de l’exécution de la peine de travail d’intérêt général;

–La loi n° 2002-93 du 29 octobre 2002, complétant le Code de procédure pénale relative à l’institution de la transaction par médiation en matière pénale, instituant le système de la conciliation en matière pénale qui consiste à accorder au Procureur de la République dans le cas de certaines infractions et délits la faculté de procéder avec l’accord des parties à une conciliation qui garantit les droits de la partie victime du préjudice et met fin aux poursuites pénales;

–La loi n° 2002-94 du 29 octobre 2002, relative à l’indemnisation des personnes ayant fait l’objet d’une détention provisoire ou d’une condamnation et dont l’innocence a été prouvée, visant l’instauration du principe de la responsabilité de l’État dans les dommages causés par la marche de la justice;

–La loi organique n° 2004-63 du 27 juillet 2004, portant sur la protection des données à caractère personnel, visant le renforcement de la protection et de la promotion des droits de l’Homme et assurant l’équilibre entre l’utilisation croissante des moyens modernes de communication et la protection des données de la vie privée des personnes.

54. Par ailleurs, il y a lieu de souligner que le système juridique tunisien développe des mécanismes convergents pour garantir les libertés reconnues par le Pacte contre toute atteinte. La matière pénale repose sur la règle de la territorialité des lois. La loi pénale tunisienne s’applique sur l’ensemble du territoire tunisien. Le législateur considère que s’il y a une atteinte à l’ordre public, c’est la société elle-même qui se saisit de la question par la voie de l’action publique exercée par le Ministère public. À cet effet, l’article premier du Code de procédure pénale prévoit que «toute infraction donne ouverture à une action publique ayant pour but l’application des peines et si un dommage a été causé, à une action civile en réparation de ce dommage».

C. Garanties de recours utiles et équitables

55. Afin de garantir des voies de recours effectives à tous les citoyens contre toute infraction, l’ordre juridictionnel tunisien repose sur un ensemble de principes dont, notamment, l’égalité de tous les citoyens devant le service public de la justice, sans discrimination de quelque nature que ce soit. Par ailleurs, la gratuité de la justice a été renforcée par la suppression du droit d’enrôlement ainsi que du droit de plaidoirie aussi bien auprès des tribunaux judiciaires que du Tribunal administratif.

1. Recours juridictionnels

a) Les juridictions de droit commun

56. Le législateur n’a cessé de développer les possibilités de recours juridictionnel. Pour ce qui est des possibilités de réparation en faveur des victimes d’actes de torture, le Code de procédure pénale a, dans son article premier, proclamé le principe selon lequel toute infraction donne ouverture à une action publique ayant pour but l’application des peines et à une action civile en réparation du dommage causé. La partie qui a subi un acte de torture peut mettre en mouvement l’action publique sous sa propre responsabilité. Toutefois, elle peut aussi intenter une action civile soit en même temps que l’action publique ou indépendamment devant une juridiction civile. L’action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé directement par l’infraction (art. 7 du Code de procédure pénale).

57. Par ailleurs, le Statut général des forces de sécurité intérieure (loi n° 82-70 du 6 août 1982, portant Statut général des forces de sécurité intérieure) dispose, dans son article 49, que «dans le cas où un agent des forces de sécurité intérieure serait poursuivi par un tiers pour faute de service, l’administration doit couvrir l’agent des condamnations civiles prononcées contre lui». Ce qui garantit à la victime une réparation certaine.

58. Si une personne a un intérêt à agir, son recours sera reconnu justifié. Le refus de rendre justice, sous quelque prétexte que ce soit, même du silence ou de l’obscurité de la loi, est considéré comme un délit de déni de justice (art. 108 du Code pénal).

59. En vue de consacrer le droit de l’individu d’ester en justice et de lui permettre d’exercer ce droit, la gratuité de la justice a été renforcée par la suppression du droit d’enrôlement auprès des tribunaux judiciaires ainsi que du droit de plaidoirie. De même, les opérations d’arbitrage ont été affranchies des droits d’enregistrement en vertu de la loi n° 94-56 du 16 mai 1994, portant dispense des actes d’arbitrage de la formalité de l’enseignement.

60. Dans la même optique, a été créée la fonction de juge aiguilleur dans tous les tribunaux de première instance. À cet effet, un magistrat du parquet est chargé de fournir au citoyen les informations nécessaires notamment en matière de procédures.

61. Il est à noter également la promulgation de la loi n° 2002-52 du 3 juin 2002, relative à l’octroi de l’aide judiciaire. Une Commission spécialisée statue sur les demandes y afférentes. Sa présidence est confiée au procureur de la République auprès de chaque tribunal de première instance, assisté par un représentant de l’Ordre des avocats et un fonctionnaire de l’administration financière. Cette Commission accorde, le cas échéant, une priorité aux victimes d’abus et de mauvais traitements et peut les faire bénéficier d’une assistance qui couvre tous les frais de procédure, y compris les honoraires d’avocat.

62. En vue de garantir les droits des justiciables pour ce qui est de la célérité de l’examen de leurs affaires et dans le cadre de la restructuration du Tribunal de première instance et de l’allégement de ses procédures, la loi n° 93-114 du 22 novembre 1993, modifiant et complétant certains articles du Code de procédure pénale, a créé la fonction du juge unique chargé d’examiner certaines affaires qui ne nécessitent pas, généralement, de délibérations ou d’échanges d’opinions entre les magistrats. Ces délits, considérés comme formels et pouvant être tranchés sans difficulté, sont constitués par les délits d’émission de chèque sans provision, de construction sans autorisation ainsi que par les délits économiques relatifs à la concurrence et aux prix.

63. Par ailleurs, et dans le cadre de l’amélioration de l’administration de la justice, plusieurs autres mesures ont été prises. Il s’agit notamment de:

La loi n° 2000-43 du 17 avril 2000, modifiant et complétant certains articles du Code de procédure pénale et instituant le principe du double degré de juridiction en matière criminelle pour les justiciables âgés de plus de 18 ans visant à raffermir davantage les droits de la défense, en conformité avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques;

La loi n° 2000-77 du 31 juillet 2000, modifiant et complétant certaines dispositions du Code de procédure pénale et créant la fonction du juge d’exécution des peines dans le but de contrôler les conditions de leur application à l’intérieur des unités carcérales et de visiter la prison, de faire bénéficier certains prisonniers de la libération conditionnelle, de rencontrer les prisonniers et de prendre connaissance de registre de discipline;

La loi n° 2002-94 du 29 octobre 2002, relative à l’indemnisation des personnes ayant fait l’objet d’une détention provisoire ou d’une condamnation et dont l’innocence a été prouvée, institue le principe du paiement par l’État d’indemnisations appropriées à toute personne, ayant fait l’objet d’une garde à vue et dont la culpabilité n’est pas établie, et de dédommagement de toute personne condamnée à l’emprisonnement puis innocentée par la justice, après révision de son procès.

La loi n° 2001-51 du 3 mai 2001, relative aux cadres et aux agents des établissements pénitentiaires et de rééducation, est venue compléter les dispositions de transfert des établissements pénitentiaires et de leurs administrations au Ministère de la justice et des droits de l’homme, favorisant ainsi le renforcement des libertés individuelles et étendant la tutelle judiciaire à l’opération d’application des peines;

La loi n° 2001-52 du 14 mai 2001, relative à l’organisation des prisons, remplaçant le décret n° 88-1876 du 4 novembre 1988 relatif au règlement spécial des prisons, est venue consolider les garanties de protection des droits des détenus conformément aux normes internationales, en réglementant avec précision leurs droits et devoirs (contrôle médical, hygiène, lecture, préservation des liens familiaux…) au sujet desquels ces détenus seront informés, afin de préserver leur dignité et intégrité physique et éviter tout abus. Cette loi prévoit également la préparation des détenus à la vie post-carcérale en leur permettant l’exercice d’un travail rémunéré dont le bénéfice leur reviendra de droit. Par ailleurs, cette loi offre aux détenus la possibilité de suivre un programme de réhabilitation comprenant deux sessions de formation, à l’issue desquelles des diplômes leur seront remis. Ainsi, une fois libérés, les détenus peuvent avoir un travail qui permet de subvenir à leurs besoins et d’éviter de retomber dans la délinquance. En vertu de cette nouvelle loi, les femmes prisonnières, enceintes et allaitant, disposeront d’une prise en charge médicale, sociale et psychologique. Dans tous les cas, le juge d’exécution des peines est tenu d’informer le juge de la famille des cas de femmes accompagnées d’enfants.

La loi organique n° 2005-81 du 4 août 2005, modifiant et complétant la loi n° 67‑29 du 14 juillet 1967, relative à l’organisation judiciaire, au Conseil supérieur de la magistrature et au statut de la magistrature, a modifié la composition du Conseil supérieur de la magistrature en relevant le nombre de magistrats, élus par le corps selon les rangs, de 6 à 8 représentants et en réduisant de 34 à 18 le nombre de magistrats désignés. Cette loi a également renforcé, dans son article 60 (nouveau), les garanties disciplinaires en accordant la possibilité de recours contre la décision disciplinaire prononcée, devant une Commission de recours issue du Conseil supérieur de la magistrature. Quant aux sanctions disciplinaires applicables par le Conseil de discipline, il est à noter que l’article 52 (nouveau) a supprimé de cette panoplie la sanction de dégradation et a réduit, de trois ans à neuf mois, la période de suspension de travail.

64.La juridiction du travail a été modifiée en vue de permettre de résoudre de manière plus rapide et plus efficace les différends qui peuvent, à l’occasion d’un contrat de travail, surgir entre l’ouvrier et l’entreprise, eu égard à l’importance de la solution de ces conflits et à leur impact sur la paix sociale et le succès de l’œuvre de développement. Dans ce cadre, les procédures de recours aux Conseils de Prud’hommes ont été allégées afin de faciliter l’exercice du droit de recours devant ces Conseils. Ainsi, les Conseils de Prud’hommes ont été réorganisés et de nouveaux conseils ont été créés au siège de chaque tribunal de première instance.

65. En outre, la juridiction en matière de travail a été modifiée par la loi n° 94-28 du 21 février 1994, portant régime de réparation des préjudices résultant des accidents de travail et des maladies professionnelles. D’autre part, le rôle conciliateur du juge cantonal a été renforcé en vertu de la loi n° 94-59 du 23 mai 1994, modifiant et complétant certains articles du Code de procédure civile et commerciale. Aux termes de cette loi, le juge cantonal, qui statuait en premier ressort jusqu’à 3 000 dinars seulement en matière d’actions en paiement pour les affaires personnelles ou mobilières, a vu ses compétences élargies pour comprendre les actions en paiement s’élevant jusqu’à 7 000 dinars. Cet amendement reflète la volonté du législateur tendant à rapprocher la justice des justiciables étant donné que les tribunaux cantonaux sont installés dans toutes les délégations (sous-préfectures).

66.Par ailleurs, la nouvelle loi fait obligation au magistrat d’effectuer des tentatives de conciliation entre les deux parties avant le prononcé du jugement. De la sorte, le juge cantonal est investi d’un rôle social et humanitaire qui lui permet de contribuer de manière effective à l’instauration de la paix sociale et à la consécration de l’esprit de tolérance et d’entente entre les justiciables par le biais de la conciliation judiciaire.

b) Le tribunal administratif

67.La loi n° 72-40 du 1er juin 1972 relative au tribunal administratif dispose, dans son article 3, que cette instance est compétente pour statuer sur les recours en annulation contre les actes des autorités administratives. L’article 5 de cette même loi énonce que ces recours visent à assurer, conformément aux lois, aux règlements en vigueur et aux principes généraux du droit et de l’état de droit, le respect de la légalité par les autorités administratives. En outre, la responsabilité civile de l’État peut être engagée, même lorsqu’il agit comme puissance publique, si ses représentants, agents ou fonctionnaires ont causé un dommage matériel ou moral à autrui. La partie lésée peut demander à l’État la réparation du préjudice qui lui a été occasionné (décret du 27 novembre 1888 et article 84 du Code des obligations et des contrats). Cela, nonobstant la responsabilité directe de ces fonctionnaires envers les parties lésées.

68. La loi n° 59-154 du 7 novembre 1959 relative aux associations, amendée une première fois par la loi organique n° 88-90 du 2 août 1988, modifiant et complétant la loi n° 59-154 du 7 novembre 1959 relative aux associations, a connu un nouvel amendement par la loi organique n° 92-25 du 2 avril 1992 complétant la loi n° 59-154 du 7 novembre 1959 relative aux associations, consacrant le principe de la non-discrimination pour l’adhésion à toute association à caractère public et visant à étendre l’exercice de la démocratie participative et à faire participer le plus grand nombre de citoyens aux activités associatives et à assurer la neutralité des associations à caractère général, à l’égard de l’action politique. En vertu de cet amendement, les personnes remplissant les conditions d’adhésion à une association à caractère public et empêchées d’y adhérer, peuvent intenter une action en justice devant le Tribunal de première instance.

69.En application de cette réforme, le Ministère de l’intérieur a émis, le 14 mai 1992, un arrêté classant la «Ligue tunisienne des droits de l’homme» (LTDH) dans la catégorie des associations à caractère général. La LTDH qui s’est refusée de se soumettre à cet arrêté, s’est dissoute, de plein droit en juin 1992, suite à l’extinction des délais prévus par la loi telle qu’amendée. Cependant, à la suite d’une requête, le tribunal administratif a rendu, le 26 mars 1993, un jugement décidant le sursis à l’exécution de l’arrêté du Ministre de l’intérieur. Ce jugement a permis à la Ligue de reprendre provisoirement ses activités et de tenir son congrès en 1994. Le 21 mai 1996, le tribunal administratif a rendu un arrêt favorable à la LTDH.

70. En vue de consacrer le principe de la conciliation en tant que mode de règlement des conflits, un Code d’arbitrage international a été promulgué le 26 avril 1993 et est entré en vigueur le 27 octobre de la même année. Ce texte, largement inspiré de la loi type de la Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International (CNUDCI) constitue, aux yeux des praticiens une législation particulièrement libérale.

2. Recours administratifs

71.Le Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales est un organe autonome composé pour un tiers de représentants de départements ministériels et pour les deux tiers de personnes indépendantes. Il peut recevoir des plaintes et doléances des particuliers ou organisations non gouvernementales, et peut enquêter sur des prétentions de violation des droits de l’homme, et faire des propositions visant à améliorer la législation et la pratique. Il publie un rapport annuel sur ses activités et un rapport national sur la situation des droits de l’homme dans le pays.

72.Le Médiateur administratif a pour rôle de recevoir des requêtes individuelles des citoyens et d’organisations non gouvernementales concernant des problèmes administratifs rencontrés par les administrés auprès des services publics ou des fonctionnaires; il est également habilité à faire des propositions au Président de la République.

73.Le Citoyen superviseur a pour mission de: a) répondre à la volonté du législateur de promouvoir la relation de l’administration avec le citoyen et d’instaurer de nouvelles bases pour les rapports qu’ils entretiennent; b) contribuer, directement ou de manière indirecte, à la recherche des solutions appropriées pour surmonter certaines difficultés administratives.

74.Les Bureaux de relations avec le citoyen sont chargés aux niveaux central et régional:

D’aider le citoyen à surmonter les difficultés qu’il pourrait rencontrer dans ses relations avec l’administration et de lui faciliter l’obtention des prestations administratives dans le cadre de la législation et de la réglementation en vigueur;

D’accueillir les citoyens, de recevoir leurs requêtes et, en collaboration avec les services concernés, d’instruire ces requêtes en vue de leur trouver les solutions appropriées;

De renseigner les citoyens sur les procédures et formalités administratives concernant l’octroi des diverses prestations et ce, directement, par correspondance ou par téléphone.

75. Le Coordinateur général des droits de l’homme, basé au Ministère de la justice et des droits de l’homme, dont la fonction est de gérer les différentes questions en coopération avec les Unités des droits de l’homme dans les ministères concernés, notamment celui de la justice et des droits de l’homme, de l’intérieur et du développement local, et des affaires étrangères, constitue un organe important renforçant l’effectivité de la protection des droits de l’homme.

76. Le recours gracieux peut également se révéler très efficace. C’est le moyen administratif permettant de saisir l’administration de tutelle, hiérarchiquement supérieure tels que les chefs d’administration (ministre, gouverneur…), et ce avant de présenter une plainte ou d’intenter une action à l’encontre d’une instance administrative devant l’autorité judiciaire compétente.

77. L’exécution des jugements: Des difficultés sont apparues au niveau de l’exécution des jugements. Le Président du Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales a saisi le Président de la République à cet effet. Le Chef de l’État a aussitôt ordonné de constituer une commission présidée par le Secrétaire général du gouvernement pour assurer le suivi de l’exécution des jugements et trouver les solutions adéquates à chaque cas. Cette commission est entrain de résoudre les problèmes d’exécution qui lui sont soumis, soit par saisine de l’administration concernée, ou par octroi d’une réparation équitable si l’exécution s’avère impossible pour des raisons de force majeure.

III. ARTICLE 3

78. L’article 3 du Pacte garantit «le droit égal des hommes et des femmes de jouir de tous les droits civils et politiques». En Tunisie, le principe de l’égalité entre l’homme et la femme dans ses différents aspects a une valeur constitutionnelle. En effet, dans son article 6, la Constitution de la République tunisienne énonce que «tous les citoyens ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Ils sont égaux devant la loi.».

79. De même, la Tunisie a ratifié, par la loi n° 85-68 du 12 juillet 1985, portant ratification de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. En juin 2002, la Tunisie a présenté ses troisième et quatrième rapports combinés devant le Comité de suivi de la mise en œuvre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Ce Comité a salué les efforts de la Tunisie qui ne cesse de promouvoir les droits de la femme en inscrivant le pays dans une dynamique moderniste tout en restant attaché à son authenticité.

A. Consécration de l’égalité entre l’homme et la femme dans les textes législatifs et dans la pratique

80. L’article 7 de la Constitution dispose que «tous les citoyens exercent la plénitude de leurs droits sans aucune discrimination». L’égalité entre l’homme et la femme est, par ailleurs, un principe fondamental des grandes orientations du projet sociétal tunisien. C’est ainsi que le Code du statut personnel (CSP) promulgué, le 13 août 1956, a constitué un vecteur normatif et politique de l’émancipation de la femme et a ouvert la voie aux initiatives d’émancipation et de promotion de la femme confirmant l’attachement de la Tunisie à tous ses engagements en matière de protection et de consolidation des droits de la femme.

81. Ce principe est également confirmé dans le «Pacte national», signé le 8 novembre 1988, par les représentants des partis politiques, des organisations sociales et professionnelles, qui énonce que «le principe d’égalité n’est pas moins important que le principe de liberté, c’est-à-dire l’égalité entre les citoyens, hommes et femmes, sans discrimination de religion, de couleur, d’opinion ou d’obédience politique». De même, la loi organique n° 88-32 du 3 mai 1988 organisant les partis politiques ainsi que la loi constitutionnelle n° 97-65 du 27 octobre 1997 modifiant et complétant certains articles de la Constitution, disposent que le parti politique «doit dans son activité respecter et défendre les principes organisant le statut personnel» et «bannir le racisme et toutes autres formes de discrimination».

82. Les amendements introduits dans le CSP, en vertu de la loi n° 93-74 du 12 juillet 1993, portant modification de certains articles du CSP, ont renforcé la place de la femme, en tant que personne humaine à part entière jouissant de tous les droits. La philosophie sous-jacente à cet amendement considère que la cause de la femme fait partie de la cause du développement intégral, que ses droits sont indissociables des droits de l’homme et que le développement de ses acquis n’est pas une fin en soi mais s’insèrent dans le cadre général de la sauvegarde de la famille, de la garantie de l’équilibre psychologique et social de l’individu et de la société.

83. L’article 23 du CSP modifié par la loi n° 93-74 du 12 juillet 1993 dispose que «chacun des deux époux doit traiter son conjoint avec bienveillance, vivre en bon rapport avec lui et éviter de lui porter préjudice. Les deux époux doivent remplir leurs devoirs conjugaux conformément aux usages et à la coutume. Ils coopèrent pour la conduite des affaires de la famille, la bonne éducation des enfants, ainsi que la gestion des affaires de ces derniers y compris l’enseignement, les voyages et les transactions financières. Le mari, en tant que chef de famille, doit subvenir aux besoins de l’épouse et des enfants dans la mesure de ses moyens et selon leur état dans le cadre des composantes de la pension alimentaire. La femme doit contribuer aux charges de la famille si elle a des biens». Cette évolution des rapports entre l’homme et la femme a sans doute des conséquences sur la forme des relations intrafamiliales et sur les rôles masculins et féminins au sein du couple.

84. La volonté du législateur de mettre fin à toute forme de discrimination à l’égard de la femme s’est traduite aussi dans les articles 2 et 28 nouveaux du CSP. En effet, l’article 2 nouveau, fixant les conditions de restitution des cadeaux par l’un des fiancés à l’autre, a instauré une égalité de droit entre eux alors que l’article 2 ancien ne reconnaissait qu’au fiancé le droit de restitution des présents offerts. L’article 28 nouveau applique la même règle d’égalité en ce qui concerne la restitution des cadeaux entre époux en cas de dissolution du mariage avant sa consommation.

85. De même, la suppression de l’obligation «d’obéissance» de l’épouse à son mari est venue confirmer l’attachement de la Tunisie à un meilleur équilibre familial, à l’élévation du statut de la femme au sein de la famille, et à la suppression de tout ce qui peut léser son estime ou porter atteinte à sa dignité. Le CSP a permis de dépasser le rapport homme dominant/femme dominée et d’asseoir les fondements législatifs et culturels de l’égalité entre l’homme et la femme. Les mutations dans le domaine des comportements et de la loi ont profité aux femmes et ont élargi l’horizon d’une égalité des sexes tant désirée par les femmes. Mais aussi par de plus en plus d’hommes. Comme valeur libératrice de deux conditions humaines contraintes de vivre ensemble dans l’interdépendance et la complémentarité.

86. Par ailleurs, l’article 153 (nouveau) du CSP énonce que «le mineur devient majeur par le mariage s’il dépasse l’âge de 17 ans et ce, quant à son statut personnel et à la gestion de ses affaires civiles et commerciales». Cette question intéresse au premier chef la fille qui, par son mariage, devient majeure et apte à exercer les droits inhérents à son statut personnel et ses activités civiles et commerciales. Elle pourra contribuer effectivement, à côté de son époux, à l’éducation des enfants et à la conduite des affaires de la famille. Même en cas de conflit conjugal, l’épouse n’ayant pas atteint la majorité civile (20 ans révolus) peut grâce à l’émancipation, par le mariage, intenter les actions en justice et contracter toutes les transactions civiles et commerciales.

87.Dans le souci de promouvoir les structures de la juridiction familiale, la loi n° 93-74 du 12 juillet 1993, portant modification de certains articles du CSP, a créé la fonction de «juge de la famille», qui se distingue par sa spécialisation et sa compétence et dont l’expérience professionnelle ne doit pas être inférieure à 10 ans (art. 32 nouveau). L’objectif étant de circonscrire les différends familiaux afin de protéger la famille contre la dislocation et de sauvegarder l’intérêt des enfants. Le juge de la famille intervient dans le cadre de la conciliation entre les époux. Si le divorce est inévitable, il prend des mesures urgentes en ce qui concerne les questions ayant trait au logement, à la pension, à la garde des enfants et à la visite, en considération des intérêts des enfants mineurs et des impératifs de leur protection et de la garantie de leur avenir.

88. Avant l’amendement de l’article 67 du CSP, la tutelle était du seul ressort du père, alors que la garde des enfants était confiée à la mère. L’article 67 (nouveau) du CSP confère les prérogatives de la tutelle à la mère. La tutelle peut être conférée à la mère, en vertu d’une décision judiciaire, au cas où le tuteur se trouve dans l’incapacité d’assumer ses devoirs à l’égard de l’enfant dont il a la charge, ou en cas d’abus dans l’exercice de sa tutelle, de négligence dans l’accomplissement des devoirs générés par ce statut, de son absence du domicile ou de son départ pour une destination inconnue. Ainsi, le législateur tunisien a innové en introduisant la déchéance judiciaire de l’autorité paternelle au profit de la mère qui a la garde des enfants.

89.La loi n° 93-65 du 5 juillet 1993, portant création d’un Fonds de garantie de la pension alimentaire et de la rente de divorce au profit des femmes divorcées et de leurs enfants. Ceux-ci, ayant obtenu des jugements définitifs dont l’exécution n’a pas eu lieu du fait de la situation récalcitrante du débiteur, peuvent présenter une demande à ce Fonds en vue de percevoir les montants dus. Le décret du 9 août 1993 a fixé les procédures d’intervention de ce fonds, considéré comme un acquis important pour les femmes divorcées et leurs enfants, en ce sens qu’il les préserve du besoin. Il est important de signaler que ce décret a été modifié par celui du 16 mars 1998, en vue d’aligner ses dispositions sur celles de l’article 46 du CSP, de manière à ce que le montant de la pension alimentaire continue à être versé aux enfants poursuivant leurs études jusqu’à 25 ans, et sans limite d’âge aux filles sans ressources ou qui ne sont pas à la charge du mari, ainsi qu’aux enfants handicapés.

90.Le Fonds de garantie de la pension alimentaire et de la rente de divorce, entré en vigueur le 13 septembre 1993, a connu une intense activité et un intérêt accru de la part des personnes intéressées par ses services comme en témoignent les chiffres suivants :

Tableau 1: Nombre des familles bénéficiaires des services du Fonds de garantie de la pension alimentaire et de la rente de divorce depuis 1995

Date

Familles bénéficiaires

Montants (en milliers de dinars)

1995

1854

1 332

1996

851

1 375

1997

780

1 764

1998

894

2 450

1999

825

3 114

2000

900

3 749

2001

815

3 658

2002

961

4 664

2003

906

5 209

2004

232

1 685

Total

9 018

29 000

91.Dans le cadre du renforcement du rôle et de la place de la femme dans la société et dans un souci éthique et politique de la protéger de toutes les formes de discrimination, le législateur tunisien s’est employé à promouvoir davantage l’égalité juridique entre l’homme et la femme et à débarrasser la législation de toutes les rémanences de la discrimination contre la femme. La loi n° 2000–17 du 7 février 2000, portant abrogation de certaines dispositions du Code des obligations et des contrats (COC), a supprimé l’article 831 de ce code qui énonçait que «la femme mariée ne peut engager ses services comme nourrice ou autrement qu’avec l’autorisation de son mari. Ce dernier a le droit de résoudre l’engagement qui aurait été conclu sans son consentement.»

92.La même loi a également abrogé le deuxième alinéa de l’article 1481 qui disposait que «le cautionnement de la femme mariée ne vaut que pour le tiers de ses biens si le mari ne l’a autorisée à contracter une obligation plus étendue. L’autorisation du mari n’entraîne aucune garantie si le contraire n’est exprimé». Cette loi a aussi abrogé le deuxième alinéa de l’article 1524 qui énonçait que «la femme ne peut se porter caution de comparution sans l’accord de son mari. Après coup, ce dernier ne peut plus se porter garant, sauf stipulations contraires». Cette nouvelle législation est venue, conforter le principe de l’égalité entre l’homme et la femme en droits et devoirs, sans ordre de préséance.

93.La loi n° 2005-80 du 9 août 2005, portant modification de quelques dispositions du COC, a amendé les articles 1138 et 1158 du COC qui contenaient des dispositions discriminatoires du fait que le seul cas de mandat prévu était celui de l’époux mandataire de sa femme, ce qui équivalait implicitement à dénier à la femme le droit de représenter son époux. Dans ce contexte, l’article 1158 (nouveau) reconnaît à la femme le statut de mandataire de son époux en prévoyant que «le divorce mettra fin au mandat donné par l’un des époux à l’autre».

94. Afin de mieux renforcer l’égalité entre les sexes, l’amendement de la loi n° 93-62 du 23 juin 1993, apporté à l’article 12 du Code de la nationalité tunisienne, a accordé à la femme tunisienne la possibilité de transmettre sa nationalité à ses enfants, nés hors du territoire tunisien d’un père étranger et ce, aux termes d’une simple déclaration écrite conjointe des deux parents et tant que les enfants n’ont pas atteint 19 ans, âge auquel le législateur leur donne la latitude d’exprimer personnellement leur position à propos de la nationalité pour laquelle ils optent.

95. Le Code de la nationalité tunisienne amendé en vertu de la loi n° 2002-4 du 21 janvier 2002, portant modification à l’article 12 du Code, a précisé qu’«en cas de décès, de disparition ou d’incapacité légale du père, la déclaration de la mère suffit».

96.Confortant le principe d’égalité en cette matière, l’amendement de la Constitution, effectué en vertu de la loi constitutionnelle n° 97-65 du 27 octobre 1997, modifiant et complétant certains articles de la Constitution, met sur un même pied d’égalité la filiation par le père et par la mère en reconnaissant le droit de candidature à la députation à tout Tunisien né de père tunisien ou de mère tunisienne sans discrimination.

97. En matière de droit successoral, le législateur tunisien a réalisé des progrès dans le sens de la consécration de l’égalité entre les sexes. Il convient d’indiquer que la situation successorale de la femme tunisienne a été sensiblement améliorée grâce à la mise en place de plusieurs mécanismes législatifs tels que:

a)Le mécanisme du retour qui accorde à la fille le bénéfice de la totalité de la masse successorale si elle est l’unique héritière.

b)Le mécanisme relatif à l’instauration du régime du legs obligatoire qui permet aux petits nés d’un fils prédécédé ou d’une fille prédécédée le droit de bénéficier d’une créance sur la succession.

c)Le mécanisme concernant le régime de la communauté des biens entre époux mis en place en vertu de la loi n° 98-91 du 2 novembre 1998, modifiant la loi n° 60-30 du 14 décembre 1960 relative à l’organisation des régimes de sécurité sociale, et ce, en adéquation avec les nouveaux rapports de co-responsabilité et de partenariat régissant le couple, tels qu’énoncés dans l’article 23 (nouveau) du Code du statut personnel (CSP).

98.Bien que l’article 24 du CSP consacre la séparation des biens entre époux dans la mesure où les femmes disposent de leurs biens acquis pendant le mariage dans les mêmes conditions que leurs époux, la loi n° 98-91 du 2 novembre 1998 accorde aux époux la faculté d’opter pour le régime de la communauté des biens. Ce régime a pour but de rendre communs entre eux un ou plusieurs immeubles destinés à l’usage familial. La loi précise que ne tombent sous le coup de la communauté que les biens acquis après le mariage, à l’exclusion de ceux qui le sont par voie de succession, de legs ou de donation.

99. Par ailleurs, l’article 207 du Code pénal a été abrogé en vertu de la loi n° 93-72 du 12 juillet 1993, modifiant et complétant certains articles du Code pénal. Cette loi a ainsi supprimé les circonstances atténuantes dont bénéficiait l’époux qui commet un meurtre sur la personne de son épouse ou de son complice au moment où il les surprend en flagrant délit d’adultère. La peine maximale était de 5 ans d’emprisonnement alors que les simples coups et blessures entraînant la mort pouvaient être punis de 20 ans de prison. En abolissant ces circonstances atténuantes dont bénéficiait le mari trompé, le législateur institue une égalité entre les époux en matière de crimes passionnels.

100.Une nouvelle loi n° 2004-73 du 2 août 2004, modifiant et complétant le Code pénal concernant la répression des atteintes aux bonnes mœurs et du harcèlement sexuel, a été promulguée afin de combler le vide juridique que représentait l’absence de sanction contre les harceleurs. Celle loi a complété le Code pénal en matière d’atteinte aux bonnes mœurs et de harcèlement sexuel. Elle traduit, en outre, le souci d’ancrer davantage le comportement civique collectif et de préserver la dignité de l’individu, en général, et de la femme, en particulier.

101.L’ancienne image réductrice de la femme s’appuie sur une répartition des rôles entre les sexes qui est présentée comme «naturelle» et donc non transformable: aux hommes le salaire et la politique, aux femmes la maison et la procréation. Une véritable transformation des rapports de sexes vers plus d’égalité et de confiance suppose que les hommes s’interrogent de façon radicale sur eux-mêmes et sur cette image anciennement dominante. C’est pourquoi, l’objectif de l’intérêt porté sur l’amélioration de l’image de la femme dans les médias et autres publications ainsi que sur la révision des programmes scolaires est d’inculquer le principe d’égalité entre les deux sexes dans l’esprit des enfants et des jeunes et de présenter une image objective et réelle de la femme dans les manuels scolaires. Cette image, reflétant son statut au sein de la famille, met en exergue les principes d’harmonie, de respect mutuel et de partage des responsabilités devant prévaloir dans les relations familiales et dans la société.

102.Dans le souci d’éradiquer l’analphabétisme, notamment chez les femmes et particulièrement celles issues du milieu rural, un «Programme national d’enseignement des adultes» (PNEA) a été mis en œuvre en 2000. Ce Programme qui cible, en premier lieu, les jeunes et les femmes, notamment rurales, a enregistré l’adhésion massive des femmes représentant 87,6 % des apprenants en 2006. Grâce aux efforts nationaux, le taux d’analphabétisme chez les femmes a été ramené de 42,3 % en 1994 à 31 % en 2004.

103.Par ailleurs, la Tunisie s’est engagée au plan international en faveur de l’égalité entre l’homme et la femme dans le domaine du travail à travers la ratification de la «Convention de l’OIT (n° 111) concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession» du 25 juin 1958 et de la «Convention de l’OIT (n° 100) concernant l’égalité de rémunération entre la main d’œuvre masculine et la main d’œuvre féminine pour un travail de valeur égale» du 29 juin 1951 ainsi que la «Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes» du 18 décembre 1979.

104. La Tunisie a fait de la dynamisation du rôle de la femme et de sa participation active à l’œuvre de développement, l’une des composantes essentielles de son modèle de société. À cet effet, la présence accrue de la femme dans tous les domaines et dans tous les secteurs d’activité consacre le principe de l’égalité entre les deux sexes. Selon le recensement de 2004, la femme représente 26,6 % de la population active en Tunisie contre 5,5 % en 1966. Par ailleurs, le nombre de femmes-promoteurs de projets a évolué de façon remarquable. Ainsi, le nombre de femmes-chefs d’entreprise dans le secteur structuré est passé de 1 000 en 1991 à 10 000 en 2003.

105.La législation tunisienne accorde à la femme qui travaille des droits spécifiques liés à l’accouchement et à la maternité. Elle bénéficie, par ailleurs, des heures d’allaitement. C’est dans ce sens que les employeurs, employant 50 femmes, sont dans l’obligation d’aménager une chambre spéciale pour l’allaitement (art. 64 du Code du travail et article 19 du décret n° 68‑328 du 22 octobre 1968 fixant les règles générales d’hygiène applicables dans les entreprises soumises au Code du travail).

106.Il convient aussi de signaler que la législation tunisienne a prévu d’autres arrangements pour la femme qui travaille tels que la retraite anticipée, le travail à temps partiel (secteur privé), le travail à mi-temps (dans la fonction publique et les entreprises publiques) et la mise en disponibilité.

107.Le Code du travail, révisé en 1994 et 1996, la «Convention collective cadre» conclue en 1973, les «Conventions collectives sectorielles» (actuellement au nombre de 51) ne permettent aucune forme de discrimination. 

108. Outre cet arsenal juridique, un nouvel article (5 bis) a été ajouté au Code du travail, en vertu d’une loi n° 93-66 du 5 juillet 1993, portant modification du Code du travail concernant la non-discrimination entre les deux sexes. Cet article établit explicitement le principe de la non-discrimination entre l’homme et la femme dans la mise en œuvre des dispositions du Code du travail. La présence des femmes dans les postes de décision au sein de l’administration a également évolué atteignant le taux de 22,7 % en 2003 contre 12 % en 1994.

109.En vue d’impliquer davantage la femme dans le processus du développement durable, le Ministère des affaires de la femme, de la famille, de l’enfance et des personnes âgées œuvre, dans le cadre de sa stratégie, pour le renforcement de l’autonomisation (empowerment) des femmes, et ce dans le but d’atteindre les «Objectifs du Millénaire pour le Développement» (OMD). À cet effet, les structures suivantes ont été créées:

L’Observatoire national de la condition de la femme (au sein du Centre de recherches, d’études, de documentation et d’information sur la femme).

Le Conseil national de la femme et de la famille, consolidé par la mise sur pied de trois commissions techniques chargées d’élaborer des rapports annuels sur l’application des lois et l’égalité des chances, l’image de la femme dans les médias, les échéances nationales et internationales concernant la femme et la famille.

La Commission «Femme et Développement».

B. Impulsion donnée à la participation féminine

110. L’arsenal juridique a permis d’élever le contenu des droits de la femme à un niveau supérieur. Partis du seuil minimal des droits protection et enrichis par des droits besoins, les droits de la femme accèdent à une nouvelle acception: celle des droits à la citoyenneté et celle de la responsabilité politique de la femme citoyenne. Ainsi, la manière dont les femmes se situent individuellement et politiquement dans la vie publique est porteuse de progrès tangibles. En effet, la participation de la femme à la vie politique conduit le sujet féminin à susciter dans le réel quotidien de nouveaux droits à une citoyenneté pleine et entière et à assumer des responsabilités dans ce domaine, conformément aux principes énoncés dans les Conventions internationales relatives aux droits de la femme, ratifiées par la Tunisie.

1. Dans les affaires publiques

111.Au niveau du pouvoir exécutif, les femmes représentent, depuis le remaniement ministériel du 10 novembre 2004, un taux de 14,89 % du nombre total des membres du Gouvernement contre 13,6 % auparavant. Le Gouvernement compte actuellement deux femmes ministres et cinq femmes secrétaires d’État. Le taux de représentation des femmes à la Chambre des députés a doublé de 1999 à 2004, passant de 11,5 % à 22,75 %, contre 7,4 % en 1994. Une femme occupe le poste de vice-président de la Chambre des députés et une autre préside l’une des commissions permanentes. Par ailleurs, les femmes représentent 17 % des membres de la Chambre des conseillers (Sénat), élus en 2005, pour le premier mandat de cette nouvelle instance dont l’un des vice-présidents est une femme. Le taux de représentation des femmes dans les Conseils municipaux, à l’issue des élections municipales 2005, est de 21,6 % contre 16 % en 1995. Sa participation aux Comités consultatifs a nettement évolué. Elle est actuellement de 25 % au Conseil constitutionnel, 20 % au Conseil économique et social (contre 11 % en 2002), 20 % au Conseil supérieur de la communication et 13,3 % au Conseil supérieur de la Magistrature. Par ailleurs, la femme tunisienne a été nommée à des postes de haute responsabilité en qualité de Médiateur Administratif, Premier Président de la Cour des Comptes, Ambassadeur, Gouverneur… Enfin près de 20 femmes assument les responsabilités de chargées de mission au sein des Cabinets ministériels.

112. Dans les instances judiciaires, les femmes représentent 27 % du corps des magistrats, 31 % du Barreau. Nombre d’entre elles occupent les fonctions de président de tribunal cantonal, de conseiller près des Cours d’appel et de cassation. Trois femmes magistrats siègent, par ailleurs, au Conseil supérieur de la Magistrature.

113. Il en est de même au niveau des instances régionales où les femmes sont représentées avec un taux de 32 % au sein des Conseils régionaux des 24 Gouvernorats, et ce conformément à la décision prise en 1999 visant à consolider la participation de la femme à la vie publique.

2. Dans la société civile

114.La femme tunisienne participe activement à la vie associative qui a connu une impulsion décisive dans le cadre de la consolidation du processus démocratique et de renforcement des assises de la société civile. Elle représente plus du tiers des adhérents aux 8 913 associations que compte le pays. Elle occupe également 21 % des postes de direction des associations et des organisations nationales et professionnelles.

115.Fortes des acquis de l’arsenal juridique, les femmes continuent d’avancer sur la voie de l’émancipation. Le regard qu’elles ont sur elles-mêmes a changé, modifiant de fait le regard de l’autre sur elles, mais leurs exigences aussi ont changé. Ce qui est gagné dans le sens de la protection et promotion des droits de la femme, ce n’est pas seulement le respect d’un droit: ce sont une révolution symbolique et une découverte de valeurs nouvelles qui ont des conséquences sur la forme des relations intrafamiliales (surtout l’éducation et l’avenir des enfants), sur le champ social et sur le champ des droits civiques. C’est le chemin de nouveaux liens sociaux, de la liberté et de la responsabilité citoyenne. Ce ne sont plus les droits de la femme qui sont au fondement du progrès social, mais les droits de la femme citoyenne, dont le droit de participer à la direction des affaires de la cité implique, une élévation de ses facultés d’appréciation par une pleine satisfaction de son droit à l’instruction, à la formation, à la culture, à la santé et au travail.

IV. ARTICLE 4

116. L’article 4 du Pacte prévoit que, dans le cas où un danger public exceptionnel menace l’existence de la nation, proclamé par un acte officiel, les États parties peuvent prendre des mesures dérogeant aux obligations prévues par le Pacte.

117. Dans ce sens, l’article 46 de la Constitution de la république tunisienne prévoit l’état d’exception qui implique une procédure spéciale et exceptionnelle selon laquelle le Président de la République peut prendre les mesures dérogatoires pour faire face à un danger imminent menaçant le pays. En effet, l’article 46 dispose qu’«en cas de péril imminent menaçant les institutions de la République, la sécurité et l’indépendance du pays et entravant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, le Président de la République peut prendre des mesures exceptionnelles nécessitées par les circonstances, après consultation du Premier Ministre, du Président de la Chambre des députés et du Président de la Chambre des conseillers (…). Ces mesures cessent d’avoir effet dès qu’auront pris fin les circonstances qui les ont engendrées...».

118. Dans la période couverte par le présent rapport, la Tunisie n’a jamais décrété l’état d’urgence ni l’état de siège. Malgré le danger réel que représentait le «Mouvement islamiste Ennahdha» dépendant de l’Internationale panislamique, la Tunisie se refusa à proclamer l’état d’urgence et s’engagea à redresser la situation dans le respect de la loi et à suivre la procédure habituelle relative aux mesures légales d’arrestation et de garde à vue.

119. Il est à signaler que, depuis le 7 novembre 1987, la Tunisie n’a pas connu de crises politiques ou économiques génératrices de situations difficiles ou de dangers publics exceptionnels. Un climat de concorde et de paix sociale règne à la faveur du développement économique, des réformes sociales enregistrés et de la démocratie participative et consensuelle instaurée, depuis l’adoption le 8 novembre 1988 du «Pacte national» par les représentants des partis politiques et des organisations sociales et professionnelles. En effet, ce «Pacte national» a été conçu comme «un contrat commun qui est à même de réunir les Tunisiens autour d’un même consensus pour asseoir la démocratie et consolider l’état de droit.» Du point de vue des signataires de ce texte fondateur en matière de démocratie consensuelle, «le droit légitime à la différence ne signifie ni la sédition ni le déchirement». L’objectif suprême est de «raffermir les fondements de l’État de droit en tant qu’instrument permettant de réaliser les ambitions» de tous les Tunisiens et «de mobiliser toutes les énergies et les ressources humaines et naturelles», de manière à asseoir les fondements d’une société juste, égalitaire, libre et évoluée.

V. ARTICLE 5

120. La clause de sauvegarde énoncée par l’article 5 du Pacte vise à empêcher toute interprétation intentionnellement erronée ou limitative d’autres articles du Pacte qui pourrait être invoquée pour justifier la violation des droits reconnus par ce dernier ou des limitations, plus larges que celles prévues, à l’exercice de ces droits.

121. Le Pacte ainsi que les Conventions internationales dûment ratifiées par la Tunisie, étant intégrés dans les normes juridiques tunisiennes, ont une valeur supérieure aux législations nationales, tel qu’il ressort de l’article 32 de la Constitution.

122. De même, aucune restriction ou dérogation aux droits fondamentaux de l’homme reconnus en Tunisie n’est envisageable même au cas où certains droits n’auraient pas été reconnus ou le sont à un moindre degré par le Pacte. En effet, les droits fondamentaux de l’homme sont reconnus par la Constitution telle qu’elle a été modifiée par la loi constitutionnelle n° 2002‑51 du 1er juin 2002 qui énonce, dans son article 5, que «la République tunisienne garantit les libertés fondamentales et les droits de l’homme dans leur acception universelle, globale, complémentaire et interdépendante».

123.Dans le système juridique tunisien, il est inconcevable de se baser sur une disposition quelconque du Pacte pour porter préjudicie aux droits de l’homme puisque la Constitution, norme juridique supérieure, dispose, dans son article 8, depuis l’amendement constitutionnel introduit par la loi n° 97-65 du 27 octobre 1997, que «les partis politiques contribuent à l’encadrement des citoyens en vue d’organiser leur participation à la vie politique. Ils doivent être organisés sur des bases démocratiques. Les partis politiques doivent respecter la souveraineté du peuple, les valeurs de la République et les droits de l’homme. Les partis politiques s’engagent à bannir toute forme de violence, de fanatisme, de racisme et toute forme de discrimination. Un parti politique ne peut s’appuyer fondamentalement dans ses principes, objectifs, activité ou programmes sur une langue, une race, un sexe ou une région. Il est interdit à tout parti d’avoir des liens de dépendance vis-à-vis des parties ou d’intérêts étrangers».

124.L’obligation constitutionnelle de respecter les droits de l’homme est également insérée dans la législation (Code de la presse, loi n° 88-32 du 3 mai 1988 organisant les partis politiques, la loi d’orientation n° 2002-80 du 2 3 juillet 2002 relative à l’éducation et à l’enseignement scolaire). Il est entendu par l’expression droits de l’homme tous les engagements pris par la Tunisie en matière de ratification des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont le Pacte s qui jouit en Tunisie d’une protection constitutionnelle en ce qui concerne toute action politique engagée par l’État ou par toute autre force vive du pays. Toute législation, toute convention internationale allant contre les droits de l’homme est considérée comme étant inconstitutionnelle. Le Conseil constitutionnel exerce un contrôle a priori sur la constitutionnalité des lois et la ratification des traités et conventions internationaux (art. 72 et suivants de la Constitution).

VI. ARTICLE 6

125. L’article 6 du Pacte garantit le droit à la vie à toute personne humaine. Le droit positif tunisien a fait de la protection des sûretés individuelles, et plus particulièrement de l’intégrité physique de la personne humaine, un principe essentiel des libertés fondamentales.

126. L’article 5 de la Constitution consacre l’inviolabilité de la personne humaine et sa protection contre toute atteinte à la vie. De même, le droit tunisien protège le droit à la vie par des sanctions pénales prévues par le Code pénal, contre tous ceux qui portent atteinte à la vie humaine.

127.L’État tunisien n’a cessé d’élargir le domaine d’application de l’article 6 du Pacte concernant le droit à la vie, dans le but de protéger la vie humaine dans tous les cas et dans toutes les situations où il y a une menace à l’intégrité physique. Cette protection devient prioritaire au cas où l’âge ou l’état physique de la personne concernée ne lui permet pas de se défendre contre les agressions dont elle pourrait faire l’objet. À cet effet, le législateur a prévu des dispositions particulières en faveur de l’enfant, des personnes âgées et des handicapés.

A. La protection de la vie de l’enfant

128.Le Code de la protection de l’enfant a été promulgué en vertu de la loi n° 95-92 du 9 novembre 1995, relative à la publication du Code de la protection de l’enfant, dans le but de garantir à l’enfant les conditions de développer intégralement ses potentialités et de lui fournir une protection multidimensionnelle. La finalité humaniste de ce Code est, selon l’énoncé du premier article, «d’inscrire les droits de l’enfant à la sauvegarde et à la protection dans le contexte des grandes options nationales, qui ont fait des droits de l’homme de nobles idéaux qui orientent la volonté du Tunisien et lui permettent de développer sa réalité et d’accéder à un meilleur vécu et ce, conformément aux valeurs humaines».

129.La protection du droit de l’enfant à la vie repose sur les mesures garantissant la survie et l’épanouissement de l’enfant dont la responsabilité incombe aux parents en premier lieu. Ainsi, en cas d’incapacité ou de négligence de la part de ces derniers, le législateur a prévu plusieurs mécanismes de protection en faveur de l’enfant, en particulier, l’institution d’un corps de «Délégués à la protection de l’enfance» chargé d’intercéder auprès des familles ou de toute autre personne en charge de l’enfant en vue de prévenir toute forme d’atteinte ou d’abus menaçant la sécurité et le développement de l’enfant (art. 28 et suivants du Code de la protection de l’enfant).

130.L’article 30 du Code de la protection de l’enfant énonce que «le délégué à la protection de l’enfance est chargé d’une mission d’intervention dans tous les cas où il s’avère que la santé de l’enfant ou son intégrité physique est menacée ou exposée à un danger dû au milieu dans lequel il vit, ou à des activités, à des actes qu’il accomplit ou en raison des divers mauvais traitements qu’il subit…». L’article 46 du même code dispose qu’«en cas de danger imminent, le délégué à la protection de l’enfance peut prendre l’initiative d’éloigner l’enfant de l’endroit du danger en ayant recours même à la force publique, et de le mettre dans un lieu sûr sous sa propre responsabilité en respectant l’inviolabilité du domicile d’habitation».

131.Il convient d’indiquer que la protection du droit à la vie est une obligation légale prévue par l’article 31 du Code de la protection de l’enfant qui oblige toute personne adulte à alerter le «Délégué à la protection de l’enfance» dans le cas où un enfant vit une situation particulièrement difficile qui menace sa santé physique.

132.De même, la ratification par la Tunisie, en vertu du décret n° 2003-1814 du 25 août 2003, portant publication des deux protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, s’inscrit dans le sens de la protection de l’enfant et de son droit à l’épanouissement humain.

B. La pénalisation de l’abandon des enfants et des incapables

133.La promulgation du Code de la protection de l’enfant a été accompagnée par la révision de certaines dispositions du Code pénal relatives aux atteintes contre les personnes, et ce par la loi n° 95-93 du 9 novembre 1995, modifiant et complétant quelques articles du Code pénal, dont le but de renforcer la protection de l’enfant contre l’exploitation sexuelle ou économique dont il pourrait être victime de la part d’un individu ou d’une bande organisée.

134.L’article 212 (nouveau) du Code pénal sanctionne «celui qui expose ou fait exposer, délaisse ou fait délaisser avec l’intention de l’abandonner, un enfant ou un incapable hors d’état de se protéger lui-même», en lui infligeant une peine de trois ans d’emprisonnement et une amende de deux cents dinars. L’article 213 (nouveau) du même Code énonce que «l’auteur de l’abandon sera puni d’emprisonnement à vie au cas où la mort de l’enfant ou de l’incapable était survenue suite à cet abandon».

135. La garantie des services de santé et des prestations sociales pour les personnes handicapées est considérée une «responsabilité nationale» par l’article 3 de la loi d’orientation n° 2005-83 du 15 août 2005, relative à la promotion et à la protection des personnes handicapées.

136. Par ailleurs, la loi n° 2001-93 du 7 août 2001 relative à la médecine de la reproduction, a instauré le concept de santé reproductive et a interdit la manipulation génétique, le clonage, le trafic des fœtus et des embryons humains. C’est une loi qui organise le déclenchement de la vie dans le processus de procréation médicalement assistée. En fonction des règles bioéthiques afin de garantir une conformité avec les droits de l’homme.

C. La préservation de la vie humaine par l’abrogation de l’article 207 du Code pénal

137.L’article 207 du Code pénal ne prévoyait pour l’époux qui tuait sa femme surprise en état d’adultère qu’une peine d’emprisonnement de cinq ans, faisant ainsi du crime d’homicide volontaire un simple délit correctionnel. La loi n° 93-72 du 12 juillet 1993, portant modification de certains articles du Code pénal, a abrogé l’article 207, expurgeant ainsi le Code pénal de cette disposition négatrice du droit à la vie et du principe de la préservation de la vie humaine.

D. La protection des personnes âgées

138.La loi n° 94-114 du 31 octobre 1994, relative à la protection des personnes âgées, prévoit dans son article 2, que la protection de la vie des personnes âgées nécessite:

La préservation de leur santé;

L’encouragement des études et des recherches sur les aspects individuels et collectifs du vieillissement et les moyens susceptibles d’assurer la protection et le bien être des personnes âgées.

139.Le législateur tunisien n’a prévu la condamnation à la peine capitale que pour les auteurs de crimes graves, tels que détaillés dans le rapport précédent. L’application de cette peine est très limitée par les tribunaux. En effet, un bon nombre de condamnés à mort ont pu bénéficier de la grâce présidentielle et ont vu leurs peines se convertir en une condamnation à l’emprisonnement à perpétuité.

140. L’article 9 du Code pénal dispose que «la femme condamnée à mort qui est reconnue enceinte ne subit sa peine qu’après sa délivrance». Aux termes de cette disposition la femme enceinte peut être condamnée à mort par la justice mais ne peut être exécutée tant qu’elle n’a pas accouché. L’article 43 (al. 2) du Code pénal énonce que lorsque la peine encourue par l’enfant est la peine de mort ou l’emprisonnement à vie, elle est remplacée par un emprisonnement de dix ans.

141. La Tunisie a abrité, durant le mois d’octobre 1995, un colloque scientifique international sur «la peine de mort dans le droit international et dans les législations internationales». À cette occasion, le «Secrétaire général de la Fédération internationale des citoyens et parlementaires pour l’abolition de la peine de mort» a exprimé ses vifs remerciements au Gouvernement tunisien qui a facilité la tenue de ce colloque auquel ont participé de nombreux chercheurs, experts internationaux, parlementaires et représentants d’organismes non gouvernementaux.

142.Le rapport du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU) (E/CN.4/2006/83) relatif aux travaux de la soixante-deuxième session de la Commission des droits de l’homme, considère la Tunisie comme un pays «abolitionniste de fait» dans la mesure où la dernière exécution d’un jugement comportant une condamnation à la peine capitale remonte au 9 octobre 1991. Aussi, faut-il rappeler que ce rapport définit comme étant «abolitionniste de fait» le pays qui n’a enregistré aucune exécution depuis au moins 10 ans.

143. Le terrorisme est un fléau international qui porte atteinte à la vie des êtres humains. Dans ce cadre, la Tunisie a promulgué la loi n° 2003-75 du 10 décembre 2003, relative au soutien des efforts internationaux de lutte contre le terrorisme et à la répression du blanchiment d’argent.

144.La Tunisie n’a jamais connu dans son histoire un phénomène de génocide.

VII. ARTICLE 7

145.L’article 7 du Pacte entend protéger l’individu contre toute forme de violence dont il pourrait être victime, que l’auteur soit une personne privée ou un fonctionnaire public. Les peines prévues contre de telles atteintes sont d’une sévérité extrême, notamment lorsque la victime est un mineur ou une personne incapable ou lorsque les violences ont précédé, accompagné ou suivi une atteinte à la liberté individuelle.

146.La société civile a été associée à la dynamique de protection de l’intégrité physique de la personne. Dans ce cadre, les associations féminines s’activent à lutter contre la violence fondée sur le genre. L’«Association tunisienne des femmes démocrates» (ATFD) a créé un centre d’écoute à l’intention des femmes victimes de violence. De même, l’«Union nationale de la femme de tunisienne» (UNFT) a mis en place une cellule d’écoute et de consultation juridique. Elle a créé deux foyers d’hébergement provisoire pour les femmes victimes de violence et leurs enfants (le premier à Tunis, le second à Sousse) où est dispensée une prise en charge plurisectorielle: médicale, sociale, économique, etc.

147.La Tunisie a ratifié sans réserve la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants. Elle a publié la déclaration se rapportant à la reconnaissance des compétences du Comité contre la torture en application des articles 21 et 22 de cette Convention. Elle a enfin accompli toutes les procédures nécessaires pour son entrée en vigueur et a fait évoluer ses législations afin de les mettre en conformité avec cet instrument.

148.À cet effet, le Code pénal a été amendé par la loi n° 99-89 du 2 août 1999, modifiant et complétant certaines de ses dispositions, notamment en prévoyant un nouvel article (101 bis) qui dispose qu’«est puni d’un emprisonnement de huit ans, le fonctionnaire ou assimilé qui soumet une personne à la torture et ce, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions». Ce même article définit la torture conformément aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants.

A. La protection des catégories vulnérables

149.Depuis la ratification par la Tunisie, le 23 septembre 1988, de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (loi n° 88-79 du 11 juillet 1988, portant ratification de la convention des Nations Unies de 1984 contre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants); diverses mesures d’humanisation des peines ont été prises notamment l’abolition de la peine des travaux forcés le 27 mai 1989 (loi n° 89-27 du 27 février 1989 portant suppression de la peine de travaux forcés). Ces mesures ont été renforcées par des dispositions visant la protection des personnes les plus vulnérables afin de garantir leurs droits. Il en est ainsi des malades mentaux, des enfants en conflit avec la loi et des personnes âgées.

1. La protection des malades mentaux

150.La loi n° 92-83 du 3 août 1992, relative à la santé mentale et aux conditions d’hospitalisation en raison de troubles mentaux exige que l’hospitalisation s’effectue en respect des libertés individuelles et dans des conditions qui garantissent la dignité humaine.

151.Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée sans son consentement sauf s’il s’avère impossible de recueillir un consentement éclairé ou si l’état de santé mentale de l’intéressé impose des soins urgents ou menace sa sécurité ou celle des tiers. La restriction de sa liberté est strictement limitée aux mesures requises par son état de santé et son traitement. L’intéressé doit être informé, dans tous les cas, de son admission ou, dès que son état le permet, de sa situation juridique et de l’ensemble de ses droits. Il peut communiquer avec les médecins inspecteurs de la santé publique ou avec les autorités judiciaires, émettre ou recevoir des courriers personnels, contacter les membres de sa famille ou saisir la commission régionale de santé mentale chargée d’examiner la situation des personnes hospitalisées dans le respect des libertés individuelles et de la dignité humaine.

2. La protection des enfants en conflit avec la loi

152.Concernant les enfants en conflit avec la loi, le décret n° 95-2423 du 11 décembre 1995, portant règlement intérieur des centres de rééducation des délinquants mineurs, a institué trois régimes :

Un régime de prise en charge intensive fondée sur une assistance et un contrôle pour les mineurs coupables d’infractions graves ou récidivistes.

Un régime semi-ouvert dans lequel le mineur bénéficie de l’autorisation de sortie et de participation aux activités d’ouverture sur l’environnement, qui s’applique aux mineurs dont le comportement a favorablement évolué.

Un régime ouvert favorisant la rééducation et la protection des mineurs.

153. Ces différents régimes, qui constituent des substituts à la privation de liberté et des mesures de désincarcération, sont contrôlés et révisés par le juge d’application des peines pour les enfants mineurs, organe judiciaire indépendant de l’administration.

3. La protection des personnes âgées

154. La loi n° 94-114 du 31 octobre 1994, relative à la protection des personnes âgées, a créé les établissements privés d’assistance et de protection des personnes âgées, dont le recours ne peut avoir lieu qu’en cas de nécessité et en l’absence d’alternative. Les personnes âgées ne peuvent être admises ou maintenues dans ces établissements sans leur consentement. Leur admission se fait suite à leur demande ou celle de leurs représentants légaux ou des pouvoirs publics.

B. L’expérience médicale et scientifique et le libre consentement

155. L’article 7 de la loi n° 2001-93 du 7 août 2001, relative à la médecine de reproduction dispose qu’il «est interdit de concevoir l’embryon humain, ni de l’utiliser à des fins commerciales, industrielles ou dans un but d’eugénisme».

156. Dans le cadre de l’interdiction de soumettre une personne, sans son libre consentement, à une expérience médicale ou scientifique, le Code de déontologie médicale, promulgué en vertu du décret n° 93-1155 du 17 mai 1993, portant Code de déontologie médicale, réaffirme la volonté de l’État de garantir le libre consentement de la personne à une expérience médicale ou scientifique en réitérant les principes déjà prévus par le décret n° 90-1401 du 3 septembre 1990 fixant les modalités de l’expérimentation médicale ou scientifique des médicaments destinés à la médecine humaine. En effet, ces textes consacrent la nécessité d’un consentement libre et éclairé du malade ou de son tuteur légal, l’obligation d’une utilité thérapeutique pour le malade (sauvegarde de la vie, guérison, diminution des souffrances) se soumettant à l’expérience médicale. Quand il s’agit d’expérimentation non thérapeutique (art. 105 à 111 du décret susvisé), la primauté de la vie et de la santé du sujet, se soumettant à l’expérience, est respectée. Ce respect se manifeste à travers l’exigence du consentement du malade, la nécessité de son information sur la nature, le motif et les effets de l’expérience sur sa vie et sa santé tout en tenant compte de la responsabilité du médecin qui doit suspendre l’expérience si le sujet ou son représentant légal le demande ou s’il y a un risque.

157. Sur un autre plan, la Tunisie a veillé à former les fonctionnaires chargés de l’application des lois en matière de respect des droits de l’Homme. Ces agents doivent s’engager, lors de leur prise de fonctions, à respecter la loi, garantir la liberté et la dignité de l’individu et à ne le soumettre à aucune torture ou traitement cruel. La législation prévoit des sanctions sévères à l’encontre des fonctionnaires qui commettent des abus d’autorité dans l’exercice de leurs fonctions ou qui portent atteinte à la liberté individuelle d’autrui.

158.En concrétisation de la sollicitude particulière que la Tunisie accorde aux jeunes délinquants, la loi n° 93-73 du 12 juillet 1993, modifiant certains articles du Code de procédure pénale, a été promulguée. Elle prévoit notamment:

La réduction de la durée d’observation à un mois renouvelable une seule fois;

La révision périodique, tous les six mois au maximum, des jugements rendus à l’encontre des jeunes;

Le suivi par des magistrats spécialisés des dossiers des jeunes dans les centres de rééducation.

159.Il est à signaler que la loi précitée a été supprimée par la loi n° 95-92 du 9 novembre 1995, relative à la publication du Code de la protection de l’enfant, qui a jeté les bases du contrôle judiciaire lors de l’application des peines. En effet, le CPE a consacré dans son article 109 cette évolution en confiant au juge des enfants la supervision de l’exécution des mesures et décisions prises à l’égard des enfants.

VIII. ARTICLE 8

160.Le Pacte stipule dans son article 8 (al. 1) que «nul ne sera tenu en esclavage; l’esclavage et la traite des esclaves, sous toutes leurs formes, sont interdits». Les alinéas 2 et 3 du même article ajoutent que «nul ne sera tenu en servitude» et que «nul ne sera astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire».

161.Si la Constitution de la République tunisienne n’a pas fait état de dispositions particulières concernant l’esclavage et les pratiques similaires, se contentant de souligner dans le préambule l’attachement des constituants «aux valeurs humaines qui constituent le patrimoine commun des peuples attachés à la dignité de l’homme, à la justice et à la liberté et qui œuvrent pour la paix, le progrès et la libre coopération des nations», c’est parce que la Tunisie a été parmi les premiers États à avoir interdit l’esclavage. La Tunisie a, en effet, institué depuis le XIXème siècle l’interdiction de l’esclavage et ce en vertu du décret du 28 mai 1890 qui prévoyait des sanctions pénales à l’encontre de toute personne réduisant autrui à l’esclavage.

162.La Tunisie a adhéré en 1966 à la Convention relative à l’esclavage signée le 25 septembre 1926 et amendée par le Protocole du 7 décembre 1953 et à la Convention supplémentaire du 7 septembre 1956 relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage (loi n° 66-32 du mai 1966). La Tunisie a également ratifié les Conventions de l’OIT n° 29 concernant le travail forcé ou obligatoire du 10 juin 1930, en 1962 (loi n° 62-51 du 23 novembre 1962) et n° 105 concernant l’abolition du travail forcé en 1958. L’adhésion et la ratification de ces conventions confirmaient la disparition de l’esclavage en Tunisie.

163.Conformément aux dispositions pertinentes de l’article 8 du Pacte et considérant que la Constitution dispose, dans son article 15, que la défense de la patrie et de l’intégrité du territoire est un devoir sacré pour chaque citoyen. La loi n° 2004-1 du 14 janvier 2004, relative au service national dispose dans son article premier que «le service national a pour but la préparation du citoyen à la défense de la patrie et à la participation au développement global du pays ainsi que la contribution à la diffusion de la paix dans le monde». L’article 2 ajoute «tout citoyen âgé de 20 ans doit se présenter volontairement pour accomplir le service national» et qu’il «demeure dans l’obligation de l’accomplir jusqu’à l’âge de 35 ans». L’article 23 détermine les cas de dispenses des obligations militaires. «Est exempté de l’accomplissement du service national, tout citoyen: premièrement, reconnu médicalement inapte au service; deuxièmement, ayant été reconnu définitivement soutien de famille, parce qu’il a la charge effective de faire vivre une ou plusieurs personnes qui se trouveraient privées de ressources suffisantes de fait de son incorporation…». Les appelés au service militaire, dont la durée est fixée à une année, sont affectés au service militaire ou au service national.

164. Poursuivant les nouvelles orientations de la politique en matière de criminalité, l’État s’est attelé à une grande humanisation des peines privatives de liberté visant la préservation de la dignité des personnes condamnées. Dans ce cadre, est promulguée la loi n° 95-9 du 23 janvier 1995, portant abrogation du travail rééducatif et du service civil qui étaient des peines complémentaires contraignantes à la liberté du travail et qui s’ajoutaient à une peine privative de liberté. Cette décision traduit le souci de promouvoir les droits de l’homme, les libertés publiques et privées et la liberté de l’individu dans le travail.

165.Le décret n° 95-2423 du 11 décembre 1995, portant règlement intérieur des centres de rééducation des délinquants mineurs a institué des régimes alternatifs à l’incarcération intra-muros qui consistent à mettre les délinquants mineurs dans des centres de rééducation ouverts ou semi-ouverts compatibles avec l’environnement social.

IX. ARTICLE 9

166.L’article 9 du Pacte interdit toute atteinte à la sûreté de la personne, arrestation ou détention arbitraires. Il garantit le droit à la liberté et à la sécurité de tous les individus. En Tunisie, la protection de la liberté et de la sécurité des personnes sans discrimination est, en effet, une option politique et une réalité vécue. L’État garantit la sûreté des personnes se trouvant sur son territoire, sans aucune discrimination, contre toute atteinte et sanctionne l’auteur de toute agression. C’est principalement le Code de procédure pénale qui réglemente l’arrestation et la détention de personnes du chef d’une infraction pénale. À cet effet, et conformément au principe de la territorialité de la loi pénale, les garanties relatives à la garde à vue, à la détention préventive et à l’emprisonnement, prévues par la législation tunisienne, s’appliquent à tous sans aucune discrimination de quelque nature que ce soit.

A. Protection contre l’arrestation arbitraire

167.Les mesures législatives prises pendant la période 1993-2005, en matière de protection contre l’arrestation arbitraire sont nombreuses, dont notamment:

La loi n° 93-114 du 22 novembre 1993 portant amendement et complément de certains articles du Code de procédure pénale, vise à renforcer les droits des prévenus;

La loi n° 99-90 du 2 août 1999, modifiant et complétant certaines dispositions du Code pénal vise à promouvoir les garanties de la garde à vue. Il convient de signaler à ce propos que la durée maxima de la garde à vue et de la détention préventive est fixée par la loi. Pour la garde à vue, la durée maxima est fixée, depuis 1999, à trois jours et ne peut être prolongée qu’une seule fois, pour une période égale. Elle est donc, au maximum, de six jours.

En ce qui concerne la détention préventive, la durée varie selon qu’il s’agit de crime ou de délit. En matière de crimes cette durée est au maximum de six mois et peut être prolongée deux fois, pour quatre mois chaque fois. Ainsi, sa durée est, au maximum, de quatorze mois. En matière de délit, elle est fixée, depuis 1993, à six mois avec possibilité de la prolonger une seule fois pour une période de trois mois, ce qui fait qu’elle est au maximum, de neuf mois. Selon des dispositions de cette loi, l’officier de police judiciaire est tenu d’informer la personne gardée à vue de la procédure adoptée à son égard, sa raison et sa durée tout en faisant une lecture des garanties qui lui sont conférées par la loi, à savoir la possibilité de bénéficier d’un examen médical durant la période de la garde à vue. De même l’officier de police judiciaire est dans l’obligation d’informer l’un des ascendants, descendants, frères, sœurs ou conjoint du suspect, selon le choix de celui-ci, à propos de la mesure prise à son encontre. Le détenu ou l’une des personnes sus-visées peut demander qu’il soit soumis à un examen médical au cours de la garde à vue ou à l’expiration de celle-ci.

168.Le procès verbal rédigé par l’officier de Police judiciaire doit faire mention des indications suivantes:

L’information du détenu sur la mesure prise à son encontre et sur sa raison

La lecture de ce que la loi garantit au détenu

La notification ou le défaut de notification de la famille du détenu

Si l’examen médical a été sollicité par le détenu ou l’un des membres de sa famille

L’indication du jour, de l’heure du commencement et de la fin de la garde à vue ainsi que ceux de l’interrogatoire

La signature de l’officier de police judiciaire et du détenu

La mention de l’abstention éventuelle du détenu de signer le procès verbal et l’indication de la raison de cette abstention.

169.Les officiers de police judiciaire doivent, dans les postes de garde à vue tenir un registre spécial coté et signé par le procureur de la République ou son substitut et comportant obligatoirement les mentions suivantes:

L’identité du détenu

Le jour et l’heure du commencement de la garde à vue

La notification de la famille du détenu concernant la mesure prise à son encontre

Si la demande d’examen médical a été effectuée soit par le détenu, soit par l’un de ses ascendants, descendants, frères, sœurs ou son conjoint.

170.Afin de donner encore plus de garantie à la garde à vue, la Constitution tunisienne a été amendée par la loi constitutionnelle n°2002-51 du 1er juin 2002; elle dispose dans l’article 12 que «la garde à vue est soumise au contrôle judiciaire, il ne peut être procédé à la détention préventive que sur ordre juridictionnel. Il est interdit de soumettre quiconque à une garde à vue ou à une détention arbitraire».

B. Protection contre la détention arbitraire

171.Parmi les mesures législatives prises pendant la période couverte par ce rapport, en matière de protection contre la détention arbitraire, on peut citer notamment: L’institution de la peine de travail d’intérêt général en substitution à la peine d’emprisonnement et l’adoption des dispositions relatives à la définition internationale du crime «torture» et ce, en vertu de la loi n° 99-89 du 2 août 1999, modifiant et complétant certaines dispositions du Code pénal. Le terme torture désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonné d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou lorsque la douleur ou les souffrances aiguës sont infligées pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination, quelle qu’elle soit (art. 101 bis du Code pénal). Cette définition de la torture dans le Code pénal correspond à la définition donnée par la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

172.L’abrogation du travail obligatoire dans les prisons en garantissant la dignité de l’individu et en harmonisant le régime des peines avec les principes des droits de l’homme et ce, en vertu de la loi n° 99-89 du 2 août 1999, modifiant et complétant certaines dispositions du Code pénal.

173.L’institution de la fonction de juge d’exécution des peines par la loi n° 2000-77 du 31 juillet 2000 amendant et complétant certains articles du Code de procédure pénale et renforcement des prérogatives de ce juge par la loi n° 2002-92 du 29 octobre 2002.

174.L’instauration du régime du double degré de juridiction (ou juridiction à deux degrés) en vertu de la loi n° 2000-43 du 17 avril 2000, portant institution de la règle de double juridiction en matière pénale. Cette loi conforme aux chartes et pactes internationaux ratifiés par la République tunisienne, est axée sur les principes suivants:

Institution du régime du double degré de juridiction au niveau de la justice pénale;

Maintien du régime d’instruction à deux degrés;

Maintien de la composition à cinq magistrats des chambres pénales.

175.L’institution du régime du double degré de juridiction en matière pénale dans le domaine de la justice pour enfants. Conformément aux dispositions de la loi portant amendement de certains articles du Code de procédure pénale et instituant le régime du double degré de juridiction en matière pénale, l’article 83 du Code de protection de l’enfant a été amendé et l’article 103 du même Code a été complété. Cet amendement repose sur les principes suivants:

Maintien de l’institution de juge des enfants, conformément aux dispositions du Code de la protection de l’enfant;

Maintien du rôle de premier plan confié par le même Code au juge des enfants;

Harmonisation de cette loi avec l’esprit et la lettre de la Convention des Nations Unies sur les droits de l’Enfant qui recommande l’assouplissement de la justice pénale relative aux enfants délinquants.

176.On peut citer parmi les mesures introduites par le Code de la protection de l’enfant promulgué par la loi n° 95-92 du 9 novembre 1995, relative à la publication du Code de la protection de l’enfant:

L’institution d’une présomption irréfragable d’innocence selon laquelle l’enfant, âgé de moins de 13 ans, ne peut avoir enfreint la loi pénale (art. 68);

L’interdiction du recours à la détention préventive de l’enfant âgé de moins de 15 ans et accusé d’avoir commis une contravention ou un délit. La détention préventive est envisageable si elle paraît indispensable ou s’il s’avère impossible de prendre d’autres mesures (art. 94 du Code de la protection de l’enfant).

177.Le transfert des institutions pénitentiaires et leur administration du Ministère de l’intérieur au Ministère de la justice et des droits de l’homme en vertu de la loi n° 2001-51 du 3 mai 2001 relative aux agents des prisons et de rééducation.

178.La promulgation de la loi n° 2001-52 du 14 mai 2001, relative au régime des prisons, s’inscrit dans le sens d’une organisation plus rationnelle des conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et de la garantie des droits des détenus, en vue de faciliter leur réintégration dans la vie publique. Les dispositions de cette nouvelle loi qui abroge le décret n° 88-1876 du 4 novembre 1988, sont conformes aux pactes internationaux pertinents. Cette nouvelle loi vient consolider les garanties de protection des droits des détenus, en réglementant avec précision les droits et devoirs des détenus (contrôle médical, hygiène, lecture, préservation des liens familiaux…) au sujet desquels ces derniers seront informés, afin de garantir leur dignité et intégrité physique et éviter tout abus. Cette loi prévoit également la préparation des détenus à la vie post-carcérale, en leur permettant l’exercice d’un travail rémunéré dont le bénéfice leur reviendra de droit, conformément aux dispositions du Pacte, et le suivi d’un programme de réhabilitation comprenant deux sessions de formation, couronnées par des diplômes, leur offrant la possibilité d’apprendre un métier qui leur permettra, une fois libérés, de subvenir à leurs besoins et d’éviter de retomber dans la délinquance. En vertu de cette nouvelle loi, les détenues enceintes et allaitant disposeront d’une prise en charge médicale, sociale et même psychologique. Dans tous les cas, le juge d’exécution des peines est tenu d’informer le juge de la famille des cas des femmes accompagnées de leurs enfants dont il a à assurer le suivi.

179.L’instauration du principe de la responsabilité de l’État dans les dommages causés par la marche de la justice et ce par la promulgation de la loi n° 2002-94 du 29 octobre 2002 relative à l’indemnisation des personnes ayant fait objet d’une détention provisoire ou d’une condamnation et dont l’innocence a été prouvée.

C. Les garanties contre l’impunité

180.L’égalité devant la justice signifie que toute personne doit être protégée par la loi et au cas où elle se trouve lésée, peut ester en justice et a droit à un traitement égal devant les tribunaux. L’examen des recueils de la jurisprudence au cours des douze dernières années, fait apparaître une constante application des articles 101 à 106 du Code pénal tunisien réprimant les agissements abusifs commis par un dépositaire de l’autorité publique contre les particuliers.

181.En effet, le souci d’une justice transparente et indépendante s’est traduit, entre autres, par les réformes portant création de la fonction de juge d’exécution des peines afin de contrôler les conditions d’exécution des jugements, ainsi que l’institution de la règle de double degré de juridiction en matière criminelle. Ce dernier dispositif permet de statuer sur les affaires criminelles en première instance puis en appel, tout en maintenant le régime de double degré d’instruction (juge d’instruction et chambre d’accusation), ce qui contribue au renforcement des instances de la justice pénale.

182.En outre, la législation tunisienne prévoit des sanctions aussi bien disciplinaires que judiciaires à l’encontre des fonctionnaires qui, dans l’exercice de leurs fonctions, portent atteinte à l’intégrité physique de la personne humaine. À cet égard, il y a lieu de citer notamment, la loi n° 99-89 du 2 août 1999, modifiant et complétant certaines dispositions du Code pénal, et qui prévoit dans son article 101 bis des peines sévères allant jusqu’à l’emprisonnement pour une période de huit ans pour tout fonctionnaire ou assimilé qui soumet, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, une personne à la torture.

183.C’est ainsi que la justice tunisienne s’est prononcée, durant la période allant du 1er janvier 1988 au 31 mars 1995, sur 302 cas d’agents de police ou de la garde nationale au titre de divers chefs d’accusation, dont 277 cas s’inscrivent dans le cadre d’abus d’autorité. Les peines infligées varient de l’amende à l’emprisonnement durant plusieurs années.

184.Des données plus récentes indiquent que pour la période allant de 2000 à juin 2005, 104 agents de police ont été traduits en justice et condamnés à des peines allant jusqu’à dix ans d’emprisonnement ferme. Des mesures disciplinaires ont été également prises à l’encontre de plusieurs agents chargés de l’exécution des lois. Le Ministère de l’intérieur a, en effet, traduit devant le Conseil d’honneur plusieurs agents, dont plus d’une vingtaine, ont été révoqués pour violence et abus d’autorité.

185.Parmi les mesures prises pour renforcer la protection des droits de l’homme et contrecarrer la «culture de l’impunité», figurent en particulier l’adoption d’un Code de conduite des agents chargés de l’exécution des lois, une formation en matière des droits humains à leur intention, la surveillance des conditions de détention et de la manière dont les détenus sont traités dans les postes de police, l’assistance légale ou toute autre assistance appropriée pour les détenus.

X. ARTICLE 10

186.Aux termes de l’article 10 du Pacte, les personnes privées de leur liberté sont traitées avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine. Les conditions de leur détention doivent être notamment appropriées à leur âge.

187.La Constitution de la République tunisienne garantit, dans son article 5, l’inviolabilité de la personne humaine. De même, la législation garantit la protection de l’intégrité physique des individus à travers un ensemble de mesures dissuasives énoncées par le Code pénal, et punit sévèrement quiconque porte atteinte à l’intégrité physique des individus, y compris les agents publics (art. 101, 103, 105, 219, 222, 223, 224, 237, 306, 319…).

188.Le législateur tunisien accorde une importance particulière aux conditions de détention dans les prisons. La promulgation de la loi n° 2001-52 du 14 mai 2001, relative à l’organisation des prisons, s’inscrit dans le sens d’une organisation plus rationnelle des conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et de la garantie des droits des détenus, en vue de faciliter leur réintégration dans la vie publique. Les dispositions de cette nouvelle loi qui abroge le décret n° 88-1876 du 4 novembre 1988, sont conformes aux pactes internationaux pertinents.

189.Ce nouveau texte vient consolider les garanties de protection des droits des détenus, en réglementant avec précision les droits et devoirs des détenus (contrôle médical, hygiène, lecture, préservation des liens familiaux…) au sujet desquels ces derniers seront informés, afin de garantir leur dignité et intégrité physique et éviter tout abus. Cette loi prévoit également la préparation des détenus à la vie post-carcérale, en leur permettant l’exercice d’un travail rémunéré dont le bénéfice leur reviendra de droit, conformément aux dispositions du Pacte, et le suivi d’un programme de réhabilitation comprenant deux sessions de formation, couronnées par des diplômes, leur offrant la possibilité d’apprendre un métier qui leur permettra, une fois libérés, de subvenir à leurs besoins et d’éviter de retomber dans la délinquance. En vertu de cette nouvelle loi, les détenues enceintes et allaitant disposeront d’une prise en charge médicale, sociale et même psychologique. Dans tous les cas, le juge d’exécution des peines est tenu d’informer le juge de la famille des cas des femmes accompagnées de leurs enfants dont il a à assurer le suivi.

190.Dans le cadre de l’amélioration des conditions de détention, la loi n° 2001-51 du 3 mai 2001, relative aux agents des prisons et de rééducation, a transféré la tutelle sur les établissements pénitentiaires du Ministère de l’intérieur et du développement local à celui de la Justice et des droits de l’homme.

191. Par ailleurs, la loi n° 2001-73 du 11 juillet 2001, portant amendement les articles 356 et 359 du Code de procédure pénale, a été adoptée. Relative à la libération conditionnelle, cette loi a transféré au Ministère de la justice et des droits de l’homme les prérogatives du Ministre de l’intérieur et du développement local en matière d’octroi de la liberté conditionnelle.

192.Par ailleurs, le Code de la protection de l’enfant assure à l’enfant en cas de délinquance grave, ayant nécessité sa privation de liberté, un traitement spécial et adéquat. En effet, l’article 94 dudit Code énonce clairement que «l’enfant âgé de moins de 15 ans ne pourra être détenu provisoirement en matière contraventionnelle ou correctionnelle». Ce même article ajoute que «dans tous les autres cas qui ne s’opposent pas aux dispositions de ce Code, l’enfant ne pourra être placé dans une maison d’arrêt que si cette détention parait indispensable ou encore s’il est impossible de prendre toute autre mesure. Dans ce cas, l’enfant est placé dans une institution spécialisée et à défaut dans le pavillon réservé aux enfants, tout en veillant à le séparer immanquablement la nuit des autres détenus. L’inobservation de cette mesure entraîne la responsabilisation de son auteur pour non‑respect de la loi. Pendant la détention préventive, l’enfant pourra bénéficier d’une autorisation de sortie, sur décision de la juridiction saisie, et ce les samedi et dimanche et pendant les fêtes officielles».

193.L’article 12 du même Code énonce un principe général résumant les dispositions de l’article 10 du Pacte. Il énonce que «le présent Code garantit à l’enfant accusé, le droit de bénéficier d’un traitement qui protège son honneur et sa personne». De même, l’article 15 du Code de la protection de l’enfant dispose que «l’enfant placé dans une institution éducative de protection ou de rééducation ou mis dans un lieu de détention a droit à la protection sanitaire, physique et morale. Il a aussi droit à l’assistance sociale et éducative tout en considérant son âge, son sexe, ses potentialités et sa personnalité».

194.La visite inopinée accomplie le 27 juillet 1996 par le Chef de l’État à la prison civile de Tunis illustre nettement la portée des orientations humanistes de la politique tunisienne et concrétise le souci de réhabiliter tous les défaillants en vue de faciliter leur réinsertion sociale. Lors de cette visite, le Chef de l’État a examiné de près le fonctionnement de la prison de Tunis et le mode de traitement des détenus de manière à favoriser leur réhabilitation et leur insertion sociale, de préserver leur dignité et de les prémunir contre la récidive. Cette visite a concerné la direction de la prison, une aire abritant les lieux de séjour des détenus, l’infirmerie, le service de l’œuvre sociale et psychologique, la cuisine et les services de formation professionnelle et de la production. Le Président de la République, qui s’est entretenu, à cette occasion avec un certain nombre des détenus relevant de ces différents services, a achevé sa visite en préconisant d’intensifier la protection sociale, sanitaire et psychologique des détenus et leur formation professionnelle, ainsi que le développement des modes de prise en charge des ex-détenus, l’étude approfondie des causes de la criminalité et la conception des méthodes les plus à même de la prévenir et de la contrecarrer, en veillant toujours à la garantie du traitement humain des détenus en conformité avec les principes et les règles des droits de l’homme. Le même jour, le Président du Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales a été chargé par le Président de la République d’effectuer des visites inopinées dans les prisons, sans autorisation préalable.

195.Dans ce même contexte, le Chef de l’État a chargé à la fin de 2002 le président du Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales de constituer une commission d’enquête sous sa présidence pour mener des investigations sur les conditions de séjour dans les prisons et de transmettre son rapport au Chef de l’État. Une commission a été constituée. Elle comprenait, à côté du Président du Comité supérieur, un ancien doyen de l’Ordre national des avocats et une ancienne doyenne de l’Ordre national des pharmaciens.

196.Ayant effectué des visites dans douze établissements pénitentiaires, la commission a pu dresser un constat décrivant les divers aspects du séjour dans les prisons ainsi que la situation des prisonniers. Ses membres ont eu des entretiens avec les détenus soit dans leur chambre de séjour, soit en tête-à-tête. Le président du Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales a transmis, le 17 février 2003, un rapport au Président de la République. Dans ce document ont été consignées les remarques de la Commission et l’évaluation qu’elle a faite des divers aspects du séjour dans les prisons. Le rapport comporte une analyse de l’état d’encombrement et de surcharge dans certaines institutions pénitentiaires, ce qui se traduit par une insuffisance du nombre de lits et par des effets négatifs sur la santé et le psychisme des prisonniers.

197.Pour remédier à la situation et en traiter les causes, une série de mesures ont été ordonnées, dont notamment:

Le réexamen de la situation des détenus en instance de jugement en prenant en considération le fait que la détention préventive doit être considérée comme une mesure exceptionnelle;

La mise en œuvre de la libération sous caution, dans le cas où les crimes commis par les détenus ne représentent pas un danger pour la sécurité des personnes et des biens;

La poursuite de l’application avec détermination de la loi relative à la peine de travail d’intérêt général comme alternative à la peine de prison, dans le cas de certains crimes.

198.Dans ce même contexte, les autorités tunisiennes et le «Comité international de la Croix‑Rouge» (CICR) ont signé le 26 avril 2005, un accord relatif aux activités humanitaires du CICR en faveur des personnes privées de liberté. Cet accord intervient après l’annonce de la décision des autorités tunisiennes d’autoriser le CICR à visiter les établissements pénitentiaires en Tunisie, y compris les unités de détention provisoire et les lieux de garde à vue. Il convient d’indiquer que les visites aux personnes privées de liberté auront un caractère strictement humanitaire. Elles devront permettre une évaluation objective, par les délégués du CICR, des conditions de détention et de traitement des détenus en Tunisie. L’accord illustre l’engagement continu de la Tunisie en faveur du respect des droits des personnes privées de liberté et de l’amélioration de leurs conditions de détention.

XI. ARTICLE 11

199.L’article 11 du Pacte dispose que «nul ne peut être emprisonné pour la seule raison qu’il n’est pas en mesure d’exécuter une obligation contractuelle».

200.La législation tunisienne ne prévoit pas de peine de détention pour les personnes qui ne sont pas en mesure de s’acquitter de leur obligation contractuelle. En effet, le Code de procédure civile et commerciale ne prévoit que l’exécution sur les biens du débiteur.

201.Dans le souci de préserver la dignité humaine, la contrainte par corps en matière d’exécution des obligations contractuelles a été abolie en droit civil tunisien. Le Code de procédure civile et commerciale, promulgué le 5 octobre 1959, ne retient que l’exécution en nature des prescriptions ou par équivalent pour les créances des sommes d’argent comportant uniquement la poursuite de la masse des biens se trouvant dans le patrimoine du débiteur.

202.Le recours à ce mode de recouvrement des dettes civiles se fait dans deux situations. La première concerne le recouvrement des pensions alimentaires ou des rentes de divorce constatées par un jugement, n’ayant pas pu être exécuté à l’encontre du débiteur, pour manquement grave ou abandon injustifié de sa famille. La loi n° 93-74 du 12 juillet 1993, portant modification de certains articles du Code du statut personnel, a modifié l’article 53 (bis) du Code du statut personnel a innové en renforçant davantage l’esprit de tolérance et d’unité familiale. Le débiteur récalcitrant est sommé d’honorer ses obligations alimentaires vitales dans le délai d’un mois sous peine de poursuites pénales. Néanmoins, le paiement des sommes échues a pour effet immédiat d’arrêter les poursuites engagées par les ayants droit de la pension ou de la rente, le prononcé de la peine, ou l’exécution de celle-ci.

203.D’autre part, la loi n° 93-65 du 5 juillet 1993, portant création d’un Fonds de garantie de la pension alimentaire et de la rente de divorce, et le décret n° 93-1655 d’application du 9 août 1993 relatif à la procédure d’intervention du Fonds de garantie de la pension alimentaire et de la rente de divorce, ont consacré l’institution d’un Fonds de garantie de la pension alimentaire ou de la rente de divorce. Ce nouveau mécanisme a pour rôle de se substituer au père ou à l’ex-époux défaillant en procédant, en ses lieux et place, au paiement à la femme divorcée de la pension alimentaire et/ou de la rente de divorce, quitte à se retourner contre le débiteur récalcitrant pour le recouvrement des sommes versées, majorées des amendes et des intérêts légaux.

204.Il est important de noter que le décret du 9 août 1993 relatif à la procédure d’intervention du Fonds de garantie a été modifié par le décret n° 98-671 du 16 mars 1998 en vue d’aligner ses dispositions sur celles de l’article 46 du Code du statut personnel de façon à ce que le montant de la pension alimentaire continue à être versé aux enfants poursuivant leurs études jusqu’à leur vingt cinquième année, et sans limite d’âge aux filles sans ressources ou pas à la charge du mari ainsi qu’aux enfants handicapés incapables de gagner leur vie. Le second amendement du décret de 1998 prévoit que, en cas de récidive du débiteur récalcitrant, le fonds de garantie poursuit systématiquement le versement des montants dus aux bénéficiaires sans qu’elles ne soient tenues de fournir une fois par trimestre une attestation concernant la suite réservée au procès d’abandon de famille prévue par l’article 6 alinéa 2 du décret du 9 août 1993.

205.La deuxième situation concerne l’émission des chèques sans provision, qui constitue un délit au regard du droit pénal économique. La loi n° 96-28 du 3 avril 1996, modifiant et complétant certaines dispositions du Code de commerce, a institué un mécanisme de dépénalisation, en optant pour une période de règlement à l’amiable entre tireur et tiré dans un délai de trois mois à dater du non-paiement des sommes dues. Des mesures de responsabilisation des banques dans le processus de régularisation et de déviation des poursuites pénales, visent à éviter au maximum le prononcé d’une peine à l’encontre du tireur.

XII. ARTICLE 12

206.Le droit à la liberté de circulation et de résidence énoncé par l’article 12 du Pacte est garanti par la Constitution sans discrimination aucune. En effet, son article 10 dispose que «tout citoyen a le droit de circuler librement à l’intérieur du territoire, d’en sortir et de fixer son domicile dans les limites prévues par la loi». Son article 11 énonce qu’«aucun citoyen ne peut être banni du territoire national ni empêché d’y retourner».

207. La liberté de circuler à l’intérieur du pays n’est soumise à aucune formalité. Les seules restrictions découlent des impératifs de l’action pénale (détention, surveillance administrative).

208.Quant à la liberté de quitter le territoire national et d’y revenir, elle est réglementée par la loi n° 75-40 du 14 mai 1975 relative aux passeports et aux documents de voyage. L’article 34 de cette loi dispose que pour quitter le territoire tunisien, les voyageurs sont astreints à emprunter les postes frontaliers réservés à cet effet. L’article premier exige de tout ressortissant tunisien désirant se rendre à l’étranger d’être muni d’un document de voyage national. Les documents de voyage sont de deux sortes: les passeports et les titres de voyage (art. 3). Tout ressortissant tunisien a droit à la délivrance, au renouvellement et à la prorogation d’un passeport sous réserve des restrictions déterminées par la loi (poursuites pénales, mineur ou interdit ne pouvant pas produire une autorisation du représentant légal à moins d’une décision judiciaire, raison d’ordre public et de sécurité).

209.Il convient de rappeler que la loi relative aux passeports et aux documents de voyage a été amendée en 1998 par la loi fondamentale n° 98-77 du 2 novembre1998. Il y a lieu de signaler que cette loi accorde au pouvoir judiciaire une compétence exclusive pour le retrait du passeport ordinaire en cours de validité selon des cas et des modalités prévus par la loi.

210.Pour donner plus de garanties à cette liberté, le Président de la République a réaffirmé, lors de la réunion du conseil des ministres, le 12 mai 2000, que la possession du passeport constitue un droit inaliénable pour chaque citoyen, au même titre que n’importe quelle pièce d’identité. Il a également souligné que ce droit est garanti par la loi, tout comme est garantie la liberté de circulation que la Justice peut restreindre dans les cas prévus à cet effet. La disposition de l’article 12 du Pacte (alinéa 3) qui énonce que le droit à la liberté de circulation et de résidence ne peut être «l’objet de restrictions que si celles-ci sont prévues par la loi, nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques».

XIII. ARTICLE 13

211.Aux termes de l’article 13 du Pacte, un étranger qui se trouve légalement sur le territoire d’un État ne peut en être expulsé qu’en vertu d’une décision prise conformément à la loi.

212.La condition des étrangers est régie par la loi n° 68-2 du 8 mars 1968. Le nombre des ressortissants étrangers légalement établis en Tunisie est de 46 402 dont 22 réfugiés.

213.La Tunisie a ratifié le Protocole relatif au statut des réfugiés entré en vigueur le 4 octobre 1967 et la Convention de l’Organisation de l’Unité africaine régissant les aspects relatifs aux problèmes des réfugiés en Afrique. L’article 17 de la Constitution interdit l’extradition des réfugiés politiques. Les réfugiés autorisés à résider en Tunisie peuvent recevoir une carte de séjour et un document de voyage de type «C» (loi n° 74‑40 du 14 mai 1975 relative aux passeports et aux documents de voyage). Quant à la possibilité de travailler, il est à signaler que les réfugiés jouissent d’un régime de faveur. En effet, le visa du Ministère chargé de l’emploi leur est accordé immédiatement.

214.La liberté de circulation des étrangers n’est pas limitée en Tunisie, sous réserve des mesures prises en vertu de cette loi quant à l’expulsion. Il est à noter que de 2002 jusqu’à 2005 l’expulsion a touché 1282 étrangers de résidence irrégulière en vertu de décisions prises conformément à la loi. L’arrêté du Ministre de l’intérieur portant expulsion d’un étranger, étant un acte administratif, peut faire l’objet d’un recours en annulation pour excès de pouvoir devant le Tribunal administratif, qui peut en outre décider le sursis à exécution de cet arrêté en attendant d’examiner le recours sur le fond. Il y a lieu de signaler que le Ministre de l’intérieur est le seul habilité à signer l’acte d’expulsion. Il ne peut dans ce domaine, sous peine d’enfreindre les lois, déléguer son pouvoir.

215.Dans le but d’assurer la protection des personnes, citoyens tunisiens et étrangers, de tout trafic éventuel de personnes, la loi relative aux passeports et aux documents de voyage a été modifiée par la loi organique n° 2004-6 du 3 février 2004 instaurant de lourdes punitions à ceux qui ont renseigné, conçu, facilité, aidé ou se seront entremis ou auront organisé par un quelconque moyen même, à titre bénévole, l’entrée ou la sortie clandestine d’une personne du territoire tunisien par voie terrestre, maritime ou aérienne. Ces punitions peuvent aller de trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 8 000 dinars jusqu’à vingt ans et de 100 000 dinars d’amende si la mort s’en est suivie.

216.Il est à signaler que toute personne étrangère impliquée et condamnée dans des affaires de trafic de personnes est, selon la loi relative aux passeports et aux documents de voyage, modifiée par la loi organique n° 2004-6 du 3 février 2004, obligatoirement expulsée du territoire tunisien dés qu’elle aura purgé sa peine et elle est interdite d’entrer dans le territoire tunisien pendant dix ans lorsque la peine est prononcée pour un délit et à perpétuité si la peine est prononcée pour un crime.

XIV. ARTICLE 14

217.L’article 14 du Pacte prévoit une série de garanties relatives à l’administration de la justice. Il énonce un certain nombre de règles qui doivent être observées pour préserver les droits civils de tous les justiciables et garantir les libertés individuelles. Les mesures et les initiatives portant réforme du système juridictionnel tunisien sont en harmonie avec l’esprit et la lettre des dispositions de cet article.

A. La présomption d’innocence

218.Le principe de la présomption d’innocence est consacré par l’article 12 de la Constitution et par l’article premier du Code pénal tunisien.

219.De son côté, le Conseil supérieur de la magistrature a adopté le 31 juillet 1996 une série de mesures de déjudiciarisation dans le règlement de certains conflits, tels que les litiges familiaux dans un esprit de tolérance, ou les litiges à faible teneur perturbatrice de l’ordre social ou ceux dont les dommages sont insignifiants. La conciliation ou la médiation interpelle le pardon du juge et évite autant que possible le déclenchement des poursuites pénales pour leur substituer la réparation civile. Ces mesures ont pour effet de limiter les poursuites inutiles, tant qu’il y a un doute sur la culpabilité. En ce qui concerne les infractions pour lesquelles les peines prévues sont de courte durée, le Conseil recommande d’accorder la préférence aux sanctions privatives de liberté avec sursis, plutôt qu’aux sanctions exécutoires.

B. Les garanties de l’inculpé d’une infraction pénale

220.L’information de l’accusé de la nature et des motifs de l’accusation est énoncée par la loi n° 94-80 du 4 juillet 1994, portant organisation de la profession des interprètes assermentés, qui se rapporte également à l’assistance gratuite d’interprètes professionnels assermentés pour toutes communications dont l’objet est l’information et la défense de personnes étrangères déférées devant le parquet ou les tribunaux de droit commun, mais aussi de spécialistes pour les sourds-muets.

221.Le droit de défense des prévenus a été aussi renforcé par le décret du 10 octobre 1994 instituant l’indemnité de réquisition accordée au profit des avocats stagiaires désignés d’office dans les affaires criminelles.

222.Les mêmes avantages sont énoncés dans le décret n° 94-2196 du 24 octobre 1994, portant modification du décret n° 79-751 du 21 août 1979 instituant des conseils de prud’hommes dans les sièges des tribunaux de première instance, afin de consolider le droit du travailleur d’ester en justice. En outre, les délais de saisine du juge prud’homal et du prononcé du jugement sont abrogés étant donné le caractère vital et humain des conflits sociaux. C’est d’ailleurs dans ce sens, que le législateur consolide l’accélération de la phase judiciaire du règlement des conflits. Le Conseil supérieur de la Magistrature met l’accent sur la priorité du règlement des litiges où l’inculpé est en état d’arrestation et aux délits justifiant des peines privatives de liberté à courte durée.

223.Par ailleurs, le législateur utilise de plus en plus le procédé de la conciliation pour assurer la célérité et l’efficacité de l’appareil judiciaire. La conciliation est devenue la règle dans les conflits familiaux (pension alimentaire, divorce…), les litiges soumis aux tribunaux cantonaux dont le montant ne dépasse pas 7 000 Dinars (la loi n° 94-59 du 23 mai 1994, modifiant et complétant certains articles du Code de procédure civile et commerciale) et les litiges d’ordre commercial (la loi du 17 avril 1995 portant création du juge de l’entreprise qui intervient obligatoirement dans la procédure du règlement amiable et du règlement judiciaire). Dans l’objectif d’assurer la célérité et l’efficacité de la justice, un juge unique a été institué en matière de délits d’émission des chèques sans provision, et de construction sans permission.

C. Le principe du double degré de juridiction

224. La loi n° 96-38 et 96-39 du 3 juin 1996, relative à la répartition des compétences entre les tribunaux judiciaires et le tribunal administratif et à la création d’un conseil des conflits de compétence, et la loi n° 96-39 du 3 juin 1996, modifiant la loi n° 72-40 du 1er juin 1972 relative au tribunal administratif, consolident les droits de la défense en instituant le droit de recours à deux degrés auprès du tribunal administratif. Ces deux lois consacrent également le rapprochement de la justice administrative du citoyen par l’organisation des séances périodiques dans les régions et la mise en place graduelle des chambres régionales du tribunal administratif mais surtout par l’institution d’un Conseil d’arbitrage et de recours entre la magistrature administrative et la magistrature judiciaire.

225.En vue de raffermir davantage les droits de la défense, la règle du double degré de juridiction en matière criminelle a été consacrée pour la première fois en Tunisie, en vertu de la loi n° 2000-43 du 17 avril 2000, portant institution de la règle du double degré de juridiction en matière pénale. Cette loi conforme aux chartes et pactes internationaux ratifiés par la République tunisienne, est axée sur les principes suivants:

Institution du régime du double degré de juridiction au niveau de la justice pénale;

Maintien du régime d’instruction à deux degrés;

Maintien de la composition à cinq magistrats des chambres pénales.

D. L’interdiction de la double condamnation pour une même infraction

226.La loi n° 93-114 du 22 novembre 1993, modifiant et complétant certains articles du Code de procédure pénale, a ajouté l’article 132 (bis) qui consacre pleinement ce principe. Il ressort de cet article qu’«aucune personne acquittée ne peut être de nouveau poursuivie en raison des mêmes faits et ce, même sous une qualification différente».

E. La protection des mineurs au cours de la procédure pénale

227. La loi n° 93-73 du 12 juillet 1993, modifiant certains articles du Code de procédure pénale a adopté différentes mesures alternatives, reprises en 1995 par le Code de la protection de l’enfant, concernant les poursuites engagées contre un délinquant mineur âgé de 13 à 18 ans qui est soumis à la responsabilité pénale atténuée.

228.Dans ce cadre, des agents sociaux spécialisés sont affectés auprès des juges d’enfants. Ces agents sont chargés de participer à la recherche de solutions aux cas des mineurs délinquants afin d’aider à leur réinsertion. Un Centre pilote d’observation des mineurs, chargé d’observer le comportement des mineurs délinquants avant de les déférer devant les tribunaux compétents, a été créé en 1993. Les mineurs délinquants ne sont plus différés devant les juridictions pénales de droit commun mais devant les tribunaux spéciaux pour enfants. Le juge d’enfant doit consulter deux conseillers spécialistes des affaires des mineurs après avoir ordonné une enquête médico-psycho-sociale de la personnalité du mineur. Il pourra alors statuer en choisissant parmi les mesures de protection, d’assistance, de surveillance, d’éducation ou de placement dans une institution publique ou privée d’éducation professionnelle et médico-pédagogique. L’arrestation d’un mineur délinquant est exceptionnelle. Elle doit être proportionnelle à la gravité de l’acte commis et au degré de conscience de l’acte perpétré. L’arrestation n’est effectuée que dans un centre de placement de mineurs.

229.En vue de protéger davantage l’enfant, la loi n° 93-73 du 12 juillet 1993, modifiant certains articles du Code de procédure pénale, a institué:

Un juge unique des mineurs en matière de contraventions qui n’est susceptible que de mesures préventives ne constituant aucunement la privation de la liberté;

La libération conditionnelle pour les mineurs qui constitue une mesure substitutive aux mesures privatives de liberté en vue d’assurer la réadaptation et la réhabilitation du mineur à la vie sociale.

XV. ARTICLE 15

230.L’article 15 du Pacte pose la règle de la non‑rétroactivité de la loi pénale sauf pour les lois les plus favorables. L’article 13 de la Constitution tunisienne, telle qu’elle a été amendée par la loi constitutionnelle n° 2002-51 du 1er juin 2002, consacre la règle de la non-rétroactivité de la loi pénale en énonçant que «la peine est personnelle et ne peut être prononcée qu’en vertu d’une loi antérieure au fait punissable, sauf en cas de texte plus doux». Ce principe s’impose non seulement au juge mais aussi au législateur. Il est repris par le Code pénal tunisien dont l’article premier dispose que «nul ne peut être puni qu’en vertu d’une disposition d’une loi antérieure». Ce même article prévoit l’harmonisation de cette règle avec l’article 15 du Pacte et l’article 13 de la Constitution en énonçant que «si, après le fait, mais avant le jugement définitif, il intervient une loi plus favorable à l’inculpé, cette loi est seule appliquée».

XVI. ARTICLE 16

231.Aux termes de cet article, «chacun a le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique». En droit tunisien, la personnalité juridique est reconnue dès la naissance de l’individu. Elle existe par elle-même et indépendamment de la possibilité de former une volonté. L’enfant conçu, en cas d’ouverture d’une succession, a une vocation à hériter (art. 147 du Code du statut personnel), mais il n’héritera que s’il naît vivant. Dès la naissance, l’individu est sujet de droit et bénéficie de la capacité de jouissance. L’exercice de ses droits est toujours possible par le moyen de la représentation.

232.L’article 5 du Code de la protection de l’enfant prévoit que chaque enfant a droit à une identité dès sa naissance. Telle identité est constituée du prénom, du nom de famille, de la date de naissance et de la nationalité.

233.La loi n° 2003-51 du 7 juillet 2003, modifiant et complétant la loi n° 98-75 du 28 octobre 1998 relative à l’attribution d’un nom patronymique aux enfants abandonnés ou de filiation inconnue, reconnaît aux enfants abandonnés ou de filiation inconnue le droit d’avoir un nom patronymique et consacre pour la première fois le droit de tout enfant à une identité dès la naissance.

234.La loi n° 93-62 du 23 juin 1993 modifiant l’article 12 du Code de la nationalité dispose que «devient Tunisien, sous réserve de réclamer cette qualité par déclaration dans le délai d’un an précédant sa majorité, l’enfant né à l’étranger d’une mère tunisienne et d’un père étranger. Cependant, avant d’atteindre l’âge de 19 ans, le requérant devient tunisien dès déclaration conjointe de ses père et mère». La loi n° 2002-4 du 21 janvier 2002, portant modification de l’article 12 du Code de la nationalité tunisienne, énonce également qu’«en cas du décès du père, de sa disparition ou de son incapacité légale, la déclaration unilatérale de la mère suffit». L’intéressé acquiert la nationalité tunisienne à la date à laquelle la déclaration est enregistrée, sous réserve des dispositions prévues dans le Code.

XVII. ARTICLE 17

235. Le droit tunisien interdit l’immixtion et les atteintes visées dans l’article 17 du Pacte et protège les individus contre ces faits. À ce propos, l’article 64 du Code de la presse tel qu’amendé par la loi organique n° 93-85 du 2 août 1993, portant amendement de Code de la presse, interdit de rendre compte des procès en diffamation, lorsque l’imputation concerne la vie privée de la personne ou se réfère à des faits remontant à plus de dix ans ou à des faits constituant une infraction amnistiée ou prescrite. De même, il est interdit de rendre compte des débats de procès en reconnaissance de filiation, de divorce et d’avortement. La publication de jugements relatifs à ces procès est soumise à l’autorisation du juge. Dans le même souci de préserver le droit de l’individu à l’intimité, l’article 64 du Code de la presse interdit l’emploi au cours des débats d’appareils sonores, d’appareils photographiques ou cinématographiques, sauf autorisation donnée par l’autorité judiciaire compétente. Le législateur n’accepte pas la preuve du fait diffamatoire lorsque l’imputation concerne la vie privée (art. 57 nouveau, al. 3 du Code de la presse).

236.Comme il a été déjà précisé à l’occasion du commentaire de l’article 14 du Pacte, le tribunal peut décider conformément à l’article 117 du Code de procédure civile, le huis clos pour sauvegarder l’inviolabilité des secrets de la famille. Les parties au procès elles-mêmes sont autorisées à demander le huis clos. Le Code de procédure pénale permet au tribunal de décider le huis clos pour sauvegarder les bonnes mœurs (art. 143). Il interdit de rendre compte des débats devant le juge pour enfants. Le jugement rendu par ce dernier peut être publié, mais à la condition de ne pas indiquer le nom du mineur, même par une initiale. Le Code pénal réprime sévèrement la révélation de secrets notamment par les personnes qui, en raison de leur profession, sont amenées d’une manière ou d’une autre à recueillir les secrets de la vie privée des gens (art. 254). À ce sujet, plusieurs lois réglementant des professions astreignent les professionnels au secret professionnel. Il est en ainsi de la profession bancaire réglementée par la loi du 7 décembre 1967, de la profession des avocats, régie par la loi n° 89-87 du 7 septembre 1989, portant organisation de la profession d’avocat et des médecins par le Code de déontologie du 20 octobre 1973. Les magistrats, de par leur statut, sont également soumis à l’obligation du secret professionnel.

237.L’article 9 de la Constitution tunisienne telle qu’amendée par la réforme substantielle du 1er juin 2002, consacre outre l’inviolabilité du domicile, la garantie du secret de la correspondance et la protection des données à caractère personnel. Le Code pénal réprime ceux qui, sans y être autorisés, divulguent le contenu d’une correspondance (lettre, télégramme ou autres documents) appartenant à autrui (art. 253). Une seule exception est prévue pour des considérations de sécurité et d’ordre public. En vertu de l’article 99 du Code de procédure pénale, le juge d’instruction peut ordonner la saisie de tout objet, correspondance et autres envois, mais seulement s’il le juge utile pour révéler la vérité. Il a la faculté de faire rechercher et saisir par réquisition la correspondance adressée à l’inculpé ou émanant de lui, mais il ne doit pas en prendre connaissance sauf s’il y a péril en la demeure.

238.Par ailleurs, la Constitution garantit l’inviolabilité du domicile, sauf dans les cas exceptionnels prévus par la loi (art. 9). Un certain nombre de dispositions législatives assurent cette garantie. Le Code pénal réprime ceux qui, contre le gré du propriétaire, pénètrent ou demeurent dans un lieu servant à l’habitation (art. 256). La tentative est également punissable. La jurisprudence applique cet article même au propriétaire qui pénètre dans un lieu à usage d’habitation contre le gré de son locataire. La peine est plus grave si l’infraction a été commise pendant la nuit, en groupe, à l’aide d’escalade ou d’effraction, ou encore si les coupables étaient porteurs d’armes (art. 257).

XVIII. ARTICLE 18

239.L’article 18 du Pacte se rapporte à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Cette liberté est garantie par la Constitution tunisienne qui dispose, dans son article 5, que «la République tunisienne garantit l’inviolabilité de la personne humaine et la liberté de conscience, et protège le libre exercice des cultes, sous réserve qu’il ne trouble pas l’ordre public».

240.La liberté de pensée, de conscience et de jugement s’est construite en Tunisie sur la base de la promotion de l’Ijtihad et de la culture de la différence. Force est de constater que la défense de la liberté de conscience et de pensée par les penseurs réformistes tunisiens s’est déployée depuis le XIXème siècle dans le sens qui lui est conférée dans le paradigme des droits de l’homme.

241.En Tunisie, l’Islam est la religion de l’État. Mais l’État n’est pas religieux puisqu’il est organisé par la Constitution qui ne reconnaît d’autre souverain en la matière que le peuple. Conformément aux dispositions de cette Constitution, l’État a le devoir de protéger la liberté de conscience et les autres cultes. La liberté de pensée, de conscience et de religion est d’abord le droit, pour chaque individu, de vivre, porter, assumer sa pensée philosophique, son opinion politique, sa croyance, tout cela dans le respect des autres et dans le cadre d’un État de droit.

242.La religion de la grande majorité de Tunisiens est l’Islam. Cette donnée n’implique aucune contrainte pour les non-musulmans. En effet, la Constitution garantit, par ailleurs, la liberté de pratiquer d’autres religions. C’est ainsi que les citoyens tunisiens non musulmans vivent en symbiose avec le reste de la population. C’est le cas de la communauté juive et la communauté chrétienne qui jouissent de tous leurs droits.

243.S’agissant de la loi n° 58-78 du 11 juillet 1958 relative au régime du culte israélite, elle garantit aux juifs tunisiens la liberté de conscience, la pratique de leur religion et l’usage de leur langue.

244.Les chrétiens, qui sont en majorité des femmes occidentales vivant en Tunisie et ayant acquis la nationalité tunisienne par suite de leur mariage avec des Tunisiens, pratiquent librement leur culte dans les églises parsemées sur le territoire national et gérées de façon libre et autonome. Les chrétiens pratiquant en Tunisie, toutes obédiences confondues, disposent de 14 églises, dont la capacité d’accueil est largement suffisante pour la pratique de leur culte. L’église est représentée par un prélat désigné par le Saint-Siège.

245.L’État tunisien reste attentif à tout phénomène et à toute activité qui serait de nature discriminatoire. Dans ce sens, le droit tunisien a défini un ensemble de dispositions destinées à déclarer infractions punissables, l’incitation à la haine raciale et tout acte d’intolérance ou de violence raciste.

246.Ainsi, en vertu de la loi organique n° 93-85 du 2 août 1993, portant amendement du Code de la presse, l’article 44 (nouveau) dispose qu’«est puni de deux mois à trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 1 000 à 2 000 dinars, celui qui aura directement, soit incité à la haine entre les races, ou les religions, ou les populations, soit à la propagation d’opinions fondées sur la ségrégation raciale ou sur l’extrémisme religieux…».

247.L’article 53 du même Code ajoute que «la diffamation, commise… envers un groupe de personnes non désignées par le présent article, mais qui appartiennent, par leur origine à une race ou à une religion déterminée, sera punie d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de 120 à 1 200 dinars, lorsqu’elle aura pour but d’exciter à la haine entre les citoyens ou les habitants».

248.Dans ce même contexte de lutte contre toute forme de discrimination religieuse, des dispositions pénales sont prévues contre tous ceux qui entravent ou troublent l’exercice d’un culte. Le Code pénal prévoit dans son article 165 «quiconque entrave l’exercice d’un culte ou de cérémonies religieuses ou les trouble est puni de six mois d’emprisonnement et d’une amende, sans préjudice des peines plus fortes qui seraient encourues pour outrages, voies de fait ou menaces».

249.Par ailleurs, l’État garantit l’inviolabilité des lieux de culte de toutes les confessions. À cet effet, l’article 161 du Code pénal dispose que «quiconque détruit, abat, dégrade, mutile ou souille les édifices, monuments, emblèmes ou objets servant aux cultes est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende».

250.La défense de la liberté de pensée, de conscience et de religion constitue un objectif essentiel des choix éducatifs et culturels, conçus en fonction de la promotion de la culture de la différence entendue comme l’ensemble des valeurs, des attitudes, des comportements et des modes de vie fondés sur l’acceptation réciproque des différences.

251.Ainsi, la culture de la différence est l’une des finalités principales du système éducatif tunisien. Il s’agit de «préparer les jeunes à une vie qui ne laisse place à aucune forme de discrimination ou de ségrégation fondée sur le sexe, l’origine sociale, la race ou la religion», «d’offrir aux élèves le droit à l’édification de leur personnalité et (de) les aider à accéder par eux-mêmes à la maturité, de sorte qu’ils soient élevés dans les valeurs de la tolérance et la modération».

252.Dans ce sens, la promotion de la culture religieuse au sein des écoles prend une allure civilisationnelle et progressiste, en cela que sa visée est de former les élèves au jugement indépendant et de leur permettre d’«intérioriser les valeurs de tolérance et de respect des autres comme condition de l’épanouissement de l’individu».

253.L’éducation aux droits de l’homme est inscrite dans tous les programmes d’enseignement et surtout dans les disciplines porteuses, de par leur spécificité, de cette éducation de façon explicite telles que l’éducation civique et sans oublier les langues et la littérature.

254.Le Ministère de l’éducation et de la formation est vigilant vis à vis de toutes les manifestations de discrimination et d’intolérance. Présenté abusivement comme conforme à des prescriptions-coraniques allusives, le Hijab a été imposé à la femme musulmane comme «marque» de sa position inférieure dans la société et symbole de sa soumission. Avec la montée de l’intégrisme, le Hijab a pris une nouvelle signification. Il est devenu l’emblème et l’expression du ralliement à ce mouvement. Le porter signifie qu’on est «sœur musulmane» au même titre que la barbe pour «le frère musulman». Sa présence dans les écoles est en contradiction avec les principes du système éducatif et les valeurs qu’il défend: ouverture, tolérance et refus de toutes les formes de discrimination, sans oublier la neutralité politique de l’école. La circulaire 108 du Ministre de l’éducation demande aux élèves, au nom des règles de l’école, de s’habiller d’une façon décente. Par ailleurs, le Hijab prôné par les intégristes fanatiques est totalement étranger aux traditions vestimentaires de la Tunisie.

255.Enfin, les travaux de la «Chaire Ben Ali pour le Dialogue des Civilisations et des Religions» ne cessent de démontrer que les religions et les civilisations peuvent et doivent contribuer à asseoir les fondements éthiques, philosophiques et politiques de la coexistence et de la coopération entre les peuples.

XIX. ARTICLE 19

A. Garanties à la liberté d’opinion et d’expression

256. L’article 19 (alinéa 1) du Pacte stipule que «nul ne peut être inquiété pour ses opinions». Ce principe a été consacré par l’article 8 de la Constitution de la République tunisienne depuis 1959. En effet, cet article énonce que «les libertés d’opinion, d’expression, de presse, de publication, de réunion et d’association sont garanties et exercées dans les conditions définies par la loi».

257. Depuis l’adhésion au Pacte en 1968, des efforts supplémentaires ont été fournis par l’État tunisien afin de renforcer la mise en œuvre de ces garanties. D’ailleurs, tout au long de la période couverte par ce rapport, aucune personne n’a été inquiétée pour ses opinions à moins qu’elles ne constituent des faits délictueux ou criminels rentrant sous le coup du droit pénal. Le droit pénal tunisien sanctionne, effectivement, tous les appels au fanatisme, à la haine religieuse et raciale et la perpétration d’actes terroristes. En effet, la loi n° 2003-75 du 10 décembre 2003, relative au soutien des efforts internationaux de lutte contre le terrorisme et à la répression du blanchiment d’argent, énonce dans son article 6, que "sont soumis au même régime que l’infraction qualifiée de terroriste, les actes d’incitation à la haine ou au fanatisme racial ou religieux quels qu’en soient les moyens utilisés".

258.De même, l’article 44 du Code de la presse tel qu’amendé par la loi organique n° 93-85 du 2 août 1993 dispose qu’«est puni de deux mois à trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 1 000 à 2 000 dinars, ceux qui, par les mêmes moyens mentionnés à l’article 42, aura directement, soit incité à la haine entre les races, ou les religions, ou les populations, soit à la propagation d’opinions fondées sur la ségrégation raciale ou sur l’extrémisme religieux, soit provoqué à la commission des délits prévus à l’article 48 du présent code, soit incité la population à enfreindre les lois au pays».

259. La justice tunisienne applique à ce propos rigoureusement les dispositions légales. Dans une affaire spécifique, demeurée célèbre parce qu’éloquente, la Cour d’appel de Tunis a décidé le 28 mars 1995, sous le n° 26718, la confirmation du jugement de première instance qui a condamné un accusé tunisien à trois ans d’emprisonnement et trois ans de surveillance administrative. Il s’agit de quelqu’un qui a procédé le 5 octobre 1994 à la confection et à la distribution de tracts, au nom du comité de lutte contre la normalisation et la «sionisation», où il a appelé à la confrontation avec les juifs et à la lutte contre toute forme d’accord avec eux, en insistant particulièrement sur la nécessité de les combattre et de refuser tout processus de paix avec eux. Le Groupe de travail sur la détention arbitraire qui a examiné ladite affaire a émis, le 28 septembre 1994, une décision par laquelle il a considéré que les restrictions apportées par la loi tunisienne à la liberté d’opinion, en vue de lutter contre la diffusion des idées ou propos racistes, sont compatibles avec les normes du droit international et notamment les articles 19 et 20 du Pacte. En conséquence, le Groupe de travail a décidé de considérer les actes commis comme étant un délit et non une opinion. De ce fait, le Groupe de travail a déclaré non arbitraire la détention de l’auteur de ce délit.

260.Différentes mesures ont été prises au cours de la période couverte par ce rapport, afin d’assurer une mise en œuvre plus large de la liberté d’opinion et d’expression et de promouvoir le pluralisme dans les médias. Ainsi, des amendements ont été introduits dans le Code de la presse, notamment en 2001 et 2006, pour permettre aux journalistes d’assumer leur rôle en toute liberté et de bénéficier d’un climat adéquat pour exercer leurs activités.

261.Dans ce sens, la promulgation de la loi organique n° 2001-43 du 3 mai 2001, portant amendement du Code de la presse, est venue assouplir les procédures en vigueur portant notamment en ce qui concerne:

La suppression du délit de diffamation envers l’ordre public, énoncé dans l’article 51 du Code de la presse, en raison de l’absence de clarté de cette notion et des multiples interprétations possibles qui pourraient aboutir à des abus;

L’amendement de l’alinéa 2 de l’article 8 relatif au dépôt légal des ouvrages en vue d’éviter la centralisation du dépôt au Ministère de l’Intérieur;

L’amendement du paragraphe 2 de l’article 73 du Code et ce, en ramenant la durée maximale de suspension de la publication d’un quotidien, susceptible d’être décidée par le tribunal, de six à trois mois;

Le retrait de peines privatives des libertés des articles à caractère répressif du Code de la presse (les articles 35, 36, 37, 38, 39, 45, 61 et 62) afin que ce Code demeure un Code organisant la liberté et non un Code de répression de la liberté de la presse;

L’amendement de l’article 15 bis du Code par l’augmentation du nombre des journalistes détenteurs de la carte professionnelle et titulaires de diplômes universitaires employés à plein temps dans la rédaction de chaque organe de presse. À la faveur de l’amendement, le nombre de ces journalistes passe du tiers à la moitié de l’équipe rédactionnelle permanente;

L’amendement de l’alinéa 2 de l’article 19 du Code relatif au délit de «prête nom» au propriétaire ou au commanditaire d’une publication, et ce par la suppression de la peine d’emprisonnement et le maintien de l’amende tout en augmentant son montant. Il en est de même pour l’article 23 relatif au délit d’acceptation d’une somme d’argent ou de tout autre avantage aux fins de travestir une publicité en information.

262.Dans cette même optique, la promulgation de la loi organique n° 2006-1 du 9 janvier 2006, modifiant le Code de la presse, a constitué une nouvelle mesure d’envergure dans le processus de consolidation de la liberté d’expression, d’information et d’édition. En effet, l’article 3 (nouveau) de cette loi énonce que «ne sont plus soumises au dépôt légal, les publications de presse nationales d’information suivantes:

Les quotidiens et périodiques,

Les revues périodiques».

263.Cette mesure législative vise à alléger les procédures légales organisant la liberté de la presse afin de libéraliser davantage le secteur de l’information et d’en faire un espace de dialogue, d’échange et de discussion sur des thèmes et des questions qui engagent le devenir du pays et la défense des acquis. Cette mesure implique et mobilise tous ceux qui travaillent dans le domaine de la presse et de l’information et de la communication pour faire évoluer le paysage médiatique, conforter la liberté d’expression et d’opinion et renforcer le pluralisme intellectuel et politique.

264.Afin de donner aux directeurs des périodiques le temps nécessaire pour réunir les conditions assurant le succès de leur projet sur des bases matérielles et organisationnelles convenables, la durée de validité du récépissé de déclaration a été prorogée de six mois à un an tel qu’il ressort de l’article 14 du Code de la presse. En outre, la définition des œuvres étrangères a été revue dans le but d’une plus grande ouverture sur l’extérieur (art. 24).

265.En harmonie avec les principes en vue de l’élimination de la discrimination raciale énoncés dans les instruments internationaux auxquels la Tunisie a adhéré, l’amendement a étendu la sanction prévue pour les auteurs d’incitation à la haine entre les races, à tous ceux qui auront propagé des opinions fondées sur la ségrégation raciale. De même, et dans le but de consolider les droits de l’homme et de diffuser les valeurs de tolérance, la même sanction a été étendue aux propagateurs de l’extrémisme religieux appelant à la haine religieuse ou raciale (art. 44).

266.L’amendement a, en outre, institué la condition de l’établissement de la véracité du fait diffamatoire diffusé à l’encontre des autorités publiques, personnes physiques ou morales (art. 57). Cette mesure vient renforcer l’objectivité du métier de la presse en application des règles déontologiques du métier et en vue de protéger les droits fondamentaux de toutes les personnes publiques ou privées. C’est là une manifestation de l’équilibre que le législateur tunisien veut établir entre les droits de l’homme et la responsabilité morale et juridique des acteurs de l’information.

267.Dans le but de renforcer le rôle du Conseil supérieur de la communication, un décret n° 2002-999 du 2 mai 2002, complétant le décret n° 89-238 du 30 janvier 1989 qui a porté création du Conseil supérieur de la communication, a été promulgué. De nouvelles attributions lui ont été assignées:

La fonction d’Observatoire du secteur de l’information par des professionnels, des intellectuels et des représentants de la société civile et des partis politiques;

La collecte de toutes les données nationales et internationales concernant le développement du secteur;

L’élaboration de rapports de synthèse évaluant les innovations réalisées dans le domaine;

La publication de bulletins d’information contribuant à l’effort de propagation d’une culture de la liberté d’expression.

268.Les partis politiques de l’opposition et les représentants de la société civile font partie dudit Conseil depuis décembre 2005 afin de contribuer à la réflexion pluraliste sur la qualité de la presse écrite, de la radio et de la télévision et sur les mesures adéquates à même de faire évoluer le paysage médiatique national.

269.De nombreuses initiatives ont été prises dans le secteur de la presse, de l’information et la communication en vue d’accomplir l’enrichissement et la diversification du paysage médiatique et de renforcer les mesures à même de protéger davantage la liberté d’opinion et d’expression et de réduire l’écart numérique dans la société de l’information et de la communication.

La presse écrite

270.Le nombre de publications et de périodiques nationaux ne cesse d’augmenter: près de 250 publications nationales et environ 950 journaux et magazines étrangers sont distribués en Tunisie. Le nombre de journalistes est actuellement de 973 contre 639 journalistes en 1990, dont 35 % sont des femmes et 53 % sont des diplômés universitaires. En plus de 70 correspondants étrangers qui exercent leur métier.

271.137 nouvelles publications de divers horizons ont vu le jour depuis 1993 jusqu’à fin 2005.

272.Les partis de l’opposition ont leurs propres publications: Al-Tariq Al-Jadid (organe du Mouvement Ettajdid), Al-Mawkif (organe du Parti démocratique progressiste), «El-Wehdha» (organe du Parti de l’Unité populaire) contribuent à l’animation de la vie intellectuelle et politique nationale.

273.Dans le but de consacrer cette option et d’offrir aux journaux des partis d’opposition, de meilleures conditions pour contribuer à enrichir le paysage médiatique national, des subventions ont été accordées aux journaux des partis d’opposition pour couvrir une partie de leurs frais de papier et une partie de leurs frais d’impression en vertu de la loi n° 97-48 du 21 juillet 1997 relative au financement public des partis politiques, du décret n° 98-479 du 19 février 1998, fixant les formes et modalités de répartition des primes attribuées aux partis politiques et du décret n° 2001-1496 du 22 juin 2001, fixant le montant et les modalités d ’attribution de la subvention annuelle de soutien à la presse des partis politiques. La loi n° 2006-7 du 15 février 2006, modifiant la loi n° 97-48 du 21 juillet 1997, relative au financement public des partis politiques a porté augmentation de cette subvention, dont le montant annuel pour chaque parti a été fixé à cent trente cinq mille dinars (135 000 dinars).

274.La promotion de l’information et l’amélioration de son message constituent une responsabilité collective qui incombe à toutes les parties, pour instaurer des traditions nouvelles d’objectivité et d’audace dans l’analyse des thèmes, d’une part, et pour s’habituer à accepter la critique et l’opinion contraire, d’autre part. Des publications comme Echaâb (organe hebdomadaire de l’Union générale tunisienne de Travail), Réalités (hebdomadaire indépendant), Le Temps (quotidien indépendant), L’Observateur (hebdomadaire indépendant), Akhbar-El-Joumhouria (hebdomadaire indépendant), L’Économiste maghrébin (bimensuel) publient des articles audacieux, évoquent des informations relatives aux organisations non gouvernementales comme la LTDH ainsi que d’autres associations socioprofessionnelles et partis d’opposition et constituent un vecteur réel du pluralisme intellectuel et politique.

Le paysage audiovisuel

275.Le paysage audiovisuel s’est enrichi par le lancement des radios privées «Mosaïque FM» et «Jawhara FM», de la Radio culturelle ainsi que l’entrée en service de la première chaîne de télévision privée «Hannibal TV». Outre les programmes de la radio et la télévision nationales, cinq radios régionales couvrent les diverses régions du pays. Des chaînes de radio et de télévision spéciales sont destinées aux jeunes auditeurs telles que «Canal 21» et «Radio des jeunes».

276.Tous ces organes audiovisuels traitent des différentes préoccupations des Tunisiens et ne cessent de montrer une certaine audace à aborder des sujets supposés tabous tels que la délinquance juvénile, les travailleurs des chantiers, le sida, le divorce, l’emploi, etc. Les débats parlementaires sont diffusés en direct à la télévision. Des dossiers télévisés en direct retransmettent les opinions des représentants de l’opposition et de la société civile sont diffusées chaque semaine.

277.À l’occasion des élections présidentielles et législatives de 1999 et 2004, il a été procédé, sous contrôle judiciaire, à l’organisation des tranches horaires réservées par la radio et à la télévision, à tous les candidats quelle que soit leur appartenance, afin que chaque candidat puisse présenter ses programmes aux électeurs à travers les médias audio-visuels sans distinction ni discrimination et afin que l’électeur puisse exprimer sa position en toute conviction et en toute connaissance de cause.

B. Garanties de la liberté de s’informer et d’informer

278.Un Code des communications a été promulgué en vertu de la loi n° 2001-1 du 15 janvier 2001. Ce code porte sur l’organisation du secteur des communications et des services et réseaux y afférents et fixe les droits et les devoirs de leurs usagers, ainsi que les garanties légales accordées à toutes les parties concernées.

279.Ce code repose sur une série de principes, dont notamment:

L’affirmation du droit du citoyen à bénéficier des services de communication, à être assuré de leur confidentialité ainsi que la mise sur pied des mécanismes à même de lui permettre d’exercer ce droit;

La mise en place des garanties juridiques permettant d’assurer des services de communication de toutes sortes, de haute qualité et à des prix raisonnables, sur l’ensemble du territoire national;

La garantie de l’égalité d’accès aux services de communication à tous les citoyens.

280.L’État tunisien a poursuivi la concrétisation du droit du citoyen à la communication, droit instauré par l’article 3 du Code de la communication, notamment en:

Offrant la possibilité au citoyen de choisir, en matière de communication, le prestataire de services grâce à l’instauration du principe de la pluralité des prestataires pour tout service de communication, à l’instar des prestataires de services du téléphone numérique mobile (GSM);

Garantissant l’égalité en matière d’accès aux services des communications à tous les citoyens et ce, en assurant ces services aux mêmes conditions sur tout le territoire national et à des tarifs modérés à la portée du pouvoir d’achat de toutes les couches de la société;

Rapprochant les services des communications du citoyen grâce à l’ouverture de nouvelles agences commerciales dans toutes les régions du pays et à la mise en ligne de plusieurs services;

Étendant le branchement au réseau de l’intérêt à toutes les institutions universitaires, aux structures de la recherche scientifique, aux lycées et aux collèges;

Continuant à proposer des ordinateurs à des prix raisonnables à la portée du pouvoir d’achat de tous les citoyens, notamment des citoyens à revenu limité.

281.C’est en reconnaissance des efforts de la Tunisie dans le domaine des technologies de l’information et de la communication, qu’elle a été choisie par l’Assemblée générale de l’ONU pour accueillir la deuxième phase du Sommet mondial sur la Société de l’information (SMSI) du 16 au 18 novembre 2005.

282.Ce début du XXIème siècle voit grandir le besoin d’information, d’accès aux connaissances, aux possibilités nouvelles ouvertes à la communication. C’est, à la fois, la résultante de l’aspiration de chacun, à élargir ses compétences, ses capacités d’interventions et une exigence majeure du développement économique et social. Cette double dimension démocratique et humaine situe les enjeux des travaux de la deuxième phase du SMSI, qui ont eu lieu les 16, 17 et 18 novembre 2005 à Tunis et qui ont débouché sur deux documents intitulés: «Engagement de Tunis» et «Agenda de Tunis». L’enjeu de l’«Engagement de Tunis» et de l’«Agenda de Tunis» est d’autant plus considérable que leur objectif est d’identifier les mécanismes et moyens à même de permettre de réduire le fossé numérique et d’engager la communauté internationale pour trouver les solutions adéquates.

283.Le Sommet de Tunis est, en effet, la première réunion intergouvernementale à avoir mis l’accent sur cette évidence qu’Internet est désormais une infrastructure cruciale pour le monde entier. «Nous reconnaissons que tous les gouvernements devraient jouer un rôle et avoir une responsabilité égale dans la gouvernance internationale de l’Internet ainsi que dans le maintien de la stabilité, de la sécurité et de la continuité de ce réseau», dispose le paragraphe 64 de l’«Agenda de Tunis pour la société de l’information».

284.L’«Engagement de Tunis», texte fondé sur la Déclaration universelle des droits de l’Homme, a finalement pris une position claire sur la liberté d’expression en reconnaissant qu’elle était «essentielle pour la liberté de l’information et favorise le développement». Le Sommet de Tunis sur la Société de l’Information s’est conclu sur l’engagement de réduire la fracture numérique entre le Nord et le Sud. Sur le fond, l’ONU s’est engagée à connecter tous les villages à l’Internet d’ici à 2015. Seul un milliard d’habitants de la planète a accès à l’Internet actuellement.

285.Sans doute, l’«Engagement de Tunis» et l’«Agenda de Tunis» constituent une avancée réelle en matière de promotion des droits civils et politiques à l’échelle des nations. Dans un monde de plus en plus globalisé, où la communication est devenue une matière première stratégique et où explose l’économie de l’immatériel, les réseaux de communication jouent un rôle fondamental. Au vu du potentiel extraordinaire pouvant être généré par les TIC, pour améliorer le bien-être économique, social et culturel des peuples dans une économie du savoir numérisé, il est impératif que le monde entier ait accès à ces technologies sous peine de voir se créer des «cyber-ghettos» dont l’existence serait non seulement éthiquement condamnable mais également une entrave au développement de tous les peuples. Toutes ces considérations donnent toute sa consistance à la feuille de route définie à partir du Sommet de Tunis pour réduire la fracture numérique.

286.Le réseau Internet, qui peut être un formidable outil de liberté et un vecteur inépuisable de modernité et universalité, peut devenir avec sa puissance médiatique un outil de propagation de la pensée fasciste et intégriste et de diffusion des images pornographiques. En effet, les images pornographiques et les idées extrémistes et fascistes véhiculées par le réseau Internet deviennent de plus en plus des éléments dangereux pour la culture démocratique et pluraliste et pour la moralité publique. Il devient donc essentiel de mettre le réseau Internet au centre d’une bataille publique et citoyenne pour la maîtrise de son contenu, de sa mise en circulation afin de protéger la liberté de s’informer et d’informer. Le pluralisme suppose, entre autres, la ré-appropriation citoyenne des enjeux de l’information fournie par le réseau Internet. Dans un monde complexe, aux mutations accélérées et aux dangers réels, l’accès au réseau Internet pose un réel défi culturel.

287.Le droit de s’informer n’implique pas l’absence de toute règle, la permissivité et l’atteinte aux bonnes mœurs. Dans ce sens, un Code des communications a été promulgué en vertu de la loi n° 2001-1 du 15 janvier 2001 portant sur l’organisation du secteur des communications et des services et réseaux y afférents et fixant les droits et devoirs de leurs usagers ainsi que les garanties légales accordées à toutes les parties concernées.

288.La culture du Net ne peut aucunement devenir un mode islamiste de fabrication de l’imaginaire des jeunes en Tunisie. La loi tunisienne interdit, en tout cas, les appels à la haine et à toutes les formes d’incitation à commettre des actes terroristes. En effet, l’incitation à commettre des crimes ou des actes de fanatisme religieux ou ethniques est considérée par la loi comme étant elle-même un acte de terrorisme. En vertu de la loi n° 93-112 du 22 novembre 1993, complétant le Code pénal (art. 52 bis), le législateur tunisien a considéré les actes d’incitation à la haine, au fanatisme racial et religieux comme étant des délits terroristes et a prévu des sanctions sévères à leur encontre.

289.La liberté d’expression, d’information et d’auto-information est pleinement garantie en Tunisie, dans les textes et dans la réalité quotidienne. Les seules restrictions qui lui sont portées sont exercées conformément à la loi en vigueur et en plein respect des engagements internationaux de la Tunisie tel qu’énoncés par l’article 19 (alinéa 3) du Pacte.

XX. ARTICLE 20

290.L’article 20 du Pacte interdit la propagande en faveur de la guerre ainsi que tout appel à la haine, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence. Cet article invite les États parties au Pacte à prendre des mesures législatives afin d’établir les interdictions précitées.

291.À cet effet, la Tunisie a ratifié la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1966), la Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité (1972) et la Convention sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid (1976). Par ailleurs, le contenu de l’article 20 du Pacte est consacré par les différents textes de la législation tunisienne.

A. La Constitution

292.La Constitution consacre l’égalité absolue de tous les citoyens devant la loi. Ils ont les mêmes droits et les mêmes devoirs (art. 6). L’article 8 (al. 4) de la Constitution telle qu’amendée par la loi constitutionnelle n° 2002-51 du 1er juin 2002, dispose que «les partis politiques s’engagent à bannir toute forme de violence, de fanatisme, de racisme et toute forme de discrimination».

B. Le Code pénal

293.L’article 52 bis, ajouté au Code pénal par la loi n° 93-112 du 22 novembre 1993, qualifie d’actes terroristes, les actes d’incitation à la haine ou au fanatisme racial ou religieux quels que soient les moyens utilisés.

C. Le Code de la presse

294. L’article 44 du Code de la presse, amendé par la loi organique n° 93-85 du 2 août 1993, portant amendement du Code de la presse, pénalise celui qui aura directement, soit incité à la haine entre les races ou les religions ou les populations, soit à la propagation d’opinions fondées sur la ségrégation raciale ou sur l’extrémisme religieux, soit provoqué la commission de l’offense au Président de la République ou envers l’un des cultes dont l’exercice est autorisé, soit incité la population à enfreindre les lois du pays. L’article 53 du même Code dispose aussi que «la diffamation, commise envers un groupe de personnes … qui appartiennent, par leur origine à une race ou à une religion déterminée, sera punie d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de 120 à 1200 dinars, lorsqu’elle aura pour but d’exciter à la haine entre les citoyens ou les habitants». Dans le cas de diffamation et injure commises envers les particuliers, les poursuites n’auront lieu que sur la plainte de la personne diffamée ou injuriée. Toutefois, ces poursuites pourront être exercées d’office lorsque la diffamation ou l’injure sont commises envers un groupe de personnes appartenant notamment à une race ou à une religion déterminées dans le but d’inciter à la haine entre les citoyens ou les habitants.

D. Le Code de la protection de l’enfant

295. L’article 18 du CPE interdit de faire participer les enfants dans les guerres et les conflits armés. De même, l’article 19 interdit d’exploiter l’enfant dans les différentes formes de criminalités organisées, y compris le fait de lui inculquer le fanatisme et la haine et de l’inciter à commettre des actes de violence et de terreur.

296.En outre, en vertu de la loi n° 2002-42 du 7 mai 2002, la Tunisie a adhéré au Protocole annexé à la Convention relative aux droits de l’enfant qui concerne l’implication des enfants dans les conflits armés. Elle a également approuvé par la loi n° 2003-5 du 21 janvier 2003 le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.

XXI. ARTICLE 21

297.L’article 21 du Pacte reconnaît le droit à la réunion pacifique sous réserve des restrictions imposées par l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l’ordre public ou par les nécessités de protéger la santé, la moralité publique ou les libertés d’autrui.

298.En Tunisie, la liberté de réunion est garantie par la Constitution (art. 8). Elle est exercée dans les conditions définies par la loi. À cet égard, la loi n° 69-4 du 24 janvier 1969, réglementant les réunions publiques, cortèges, défilés, manifestations et attroupements, énonce dans son article premier que les réunions publiques sont libres. Elles peuvent avoir lieu sans autorisation préalable. Néanmoins, certaines formalités sont à respecter. En effet, une déclaration préalable doit être faite. De même, chaque réunion doit avoir un bureau chargé de maintenir l’ordre et d’empêcher toute infraction à la loi.

299.Les autorités compétentes peuvent interdire par arrêté, conformément à l’esprit de l’article 21 du Pacte, toute réunion susceptible de troubler la sécurité et l’ordre publics. Cet arrêté est susceptible de recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif. À chaque réunion, un fonctionnaire est chargé, par les services de la sûreté, d’assister à ladite réunion. Ce fonctionnaire a le droit de prononcer la dissolution de la réunion à la demande du bureau responsable ou lorsqu’il se produit des collisions ou voies de fait. Les cortèges, les défilés et les manifestations demeurent interdits lorsqu’ils sont armés.

300.En Tunisie, l’exercice du droit de réunion ne fait l’objet, comme l’énonce l’article 21 du Pacte «que des seules restrictions imposées conformément à la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l’ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et les libertés d’autrui».

XII. ARTICLE 22

301.L’article 22 garantit la liberté d’association et la liberté syndicale. La liberté de fonder les associations, y compris les partis politiques, et d’y adhérer est considérée comme une condition fondamentale à l’exercice des droits civils et politiques reconnus aux personnes et aux groupes. En droit tunisien, une distinction très nette est faite entre l’action associative, bénévole et désintéressée, l’action politique visant à exercer le pouvoir ou à l’influencer et l’action syndicale professionnelle et revendicative.

A. Protection de la liberté d’association

302.La liberté de constituer des associations et des partis politiques s’exerce conformément aux dispositions de la loi en vigueur. La Constitution garantit la liberté d’association dans son article 8.

303.La loi organique n° 88-90 du 2 août 1988 modifiant la loi n° 59-154 du 7 novembre 1959 relative aux associations, a simplifié les procédures de constitution de ces associations. Elle a substitué le régime de la déclaration au régime de l’autorisation préalable et a considéré que l’association est légalement constituée après un délai de trois mois à partir de la date de la présentation de la déclaration aux autorités compétentes.

304.La loi organique n° 92-25 du 2 avril 1992 complétant la loi n° 59-154 du 7 novembre 1959 relative aux associations vise à étendre l’exercice de la démocratie et à faire participer le plus grand nombre de citoyens aux activités associatives. Il s’agit aussi d’assurer la neutralité des associations à caractère général, à l’égard de l’action politique, de manière à pouvoir remplir leurs fonctions loin de toutes velléités d’exploitation politique.

305.L’amendement susmentionné a mis fin à certaines pratiques discriminatoires en garantissant le droit à chaque individu, dont la demande d’adhésion à une association a été déboutée, d’engager une action en justice s’il est persuadé qu’il fait l’objet de discrimination injustifiée de la part de l’association concernée. En effet, la loi prévoit que les associations à caractère général ne peuvent refuser l’adhésion de la personne qui souscrit à leurs principes et à leurs décisions, sauf si elle est dépossédée de ses droits politiques et civils, ou si elle a des activités et des pratiques antinomiques avec les objectifs de l’association. La loi énonce que «les associations à caractère général ne peuvent refuser l’adhésion de toute personne qui souscrit à leurs principes et leurs décisions, sauf si elle ne jouit pas de ses droits civiques et civils, ou si elle a des activités et des pratiques incompatibles avec les buts de l’association». En cas de litige au sujet de l’adhésion, le postulant peut saisir le Tribunal de Première Instance du lieu du siège de l’association.

306.Pour garantir l’indépendance des associations et les soustraire aux querelles politiques partisanes, la loi interdit le cumul d’une responsabilité centrale au sein d’un parti politique et la direction au sein des organisations à caractère général. À ce propos, la loi sur les associations dispose que «ne peuvent être dirigeants d’une association à caractère général, ceux qui assument des fonctions ou des responsabilités dans les organes centraux de direction des partis politiques». Ces dispositions s’appliquent au Comité directeur des associations sus-indiquées, ainsi qu’aux sections ou instances annexes ou groupes secondaires visés à l’article 6 bis de la présente loi.

307.Un centre d’information, de formation, d’études et de documentation sur les associations (IFEDA) a été créé en vertu du décret n° 2000-688 du 5 avril 2000, portant création du Centre d’information, de formation, d’études et de documentation sur les associations et fixant son organisation administrative et financière et les modalités de son fonctionnement. Ce Centre a le statut d’établissement public à caractère non administratif placé sous la tutelle du Premier ministère. La création de ce Centre a pour objectif d’aider les associations à s’acquitter de leur mission, à améliorer leur rendement, partant du principe que l’action associative est le pilier fondamental de la société civile.

308.Le nombre d’associations qui était de 7282 en 1999 s’est accru de façon notable pour atteindre le nombre de 8 913 en 2005. Elles sont réparties comme suit:

Les associations féminines: 20

Les associations sportives: 1150

Les associations scientifiques: 478

Les associations culturelles et artistiques: 5740

Les associations de bienfaisance, de secours et à caractère social: 411

Les associations de développement: 502

Les associations amicales: 520

Les associations à caractère général: 92

309.Cette perception et cette impulsion du tissu associatif en termes de société civile solidaire sont une consécration du civisme en tant que valeur sociale et une illustration de la volonté d’autoconstruction qui distingue toute société moderne soucieuse d’assumer son propre développement. L’État tunisien n’a cessé d’encourager la culture de la citoyenneté et la pratique civique et associative dont la dynamique de la démocratie pluraliste a besoin.

310.La visée de l’agir citoyen et du vivre ensemble dans le cadre du travail associatif n’est pas de fournir des réponses toutes faites, mais une citoyenneté agissante dans laquelle les citoyens peuvent se reconnaître et dont ils peuvent être partie prenante. Ce qui implique qu’ils puissent immédiatement établir le lien entre cette citoyenneté agissante et la prise en main de leurs problèmes relatifs à la vie de tous les jours, tels qu’ils les vivent, tels qu’ils se les représentent, tels qu’ils les formulent, que ce soit en matière d’emploi, de formation, de protection sociale, d’avenir des jeunes, de démocratie dans la société, d’ouverture de la Tunisie sur le monde, etc.

311.Les 8 913 associations constituent une école de démocratie participative permettant aux citoyens de dégager des perspectives d’avenir et une démarche qui entend aussi donner forme à une réarticulation du rapport entre l’État et la société civile. Ce mouvement s’accompagne de transferts de compétences accrues vers le local et le quartier pour trouver chaque fois le niveau de subsidiarité le plus cohérent.

B. Organisation des partis politiques

312.La loi organique n° 88-32 du 3 mai 1988 organisant les partis politiques fait obligation à ces partis de respecter et de défendre les droits de l’homme tels que déterminés par la Constitution et les Conventions internationales ratifiées par la Tunisie.

313.Le nombre des partis politiques en Tunisie est aujourd’hui de neuf. Ce sont:

Le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), créé en 1920.

Le Mouvement Ettajdid (ex-Parti communiste tunisien dont l’interdiction avait été levée le 18 juillet 1981);

Le Mouvement des démocrates socialistes (MDS), exerçant depuis le 19 novembre 1983;

Le Parti de l’Unité populaire (PUP), exerçant depuis le 19 novembre 1983;

Le Parti social libéral (PSL), exerçant depuis le 12 novembre 1988;

Le Parti démocratique progressiste, exerçant depuis le 12 septembre 1983;

L’Union démocratique unioniste (UDU), exerçant depuis le 30 novembre 1988;

Le Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL), exerçant depuis le 25 octobre 2002;

Le Parti des Verts pour le Progrès, créé le 3 mars 2006.

314.Selon la loi en vigueur, la tâche de ces partis politiques consiste à promouvoir un climat de pluralisme fondé sur le respect mutuel ainsi que sur le respect des valeurs de la modernité. La démocratie n’est pas seulement un aménagement des institutions, mais un esprit, des mœurs, une pratique: les partis politiques qui s’engagent dans le processus démocratique les rendent possibles et les développent en consolidant davantage l’esprit de participation dont dépend l’émergence du sens de la responsabilité, sans laquelle il ne peut y avoir de démocratie.

C. Protection de la liberté syndicale

315.La Tunisie a ratifié en 1957 la Convention n° 87 concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical. Cette liberté est organisée par le Code du travail dans ses articles 242 à 271. Le droit syndical est reconnu à toutes les catégories professionnelles. Le statut général des personnels de l’État reconnaît à ceux-ci le droit syndical (art. 4 de la loi n° 83-112 du 12 décembre 1983, portant statut général des personnels de l’État, des collectivités publiques locales et les établissements publics à caractère administratif). Quant aux autres travailleurs, qu’ils soient employés dans le secteur privé ou dans le secteur public, le droit syndical leur est reconnu par le Code du travail et la Convention collective cadre approuvée en 1973. L’article 242 du Code du travail énonce que les syndicats ou associations professionnelles peuvent se constituer librement. Aucune autorisation n’est requise, la seule formalité exigée pour la constitution d’un syndicat est le dépôt de ses statuts au siège du Gouvernorat ou de la Délégation territorialement compétent. Toutefois, ledit code interdit aux syndicats de se constituer comme une section d’une organisation syndicale étrangère (art. 253).

316.De même l’article 5 (nouveau) de la Convention collective cadre, relatif au droit syndical et à la liberté d’opinion, accorde aux responsables syndicaux un crédit d’heures pour exercer leurs fonctions et participer aux cycles de formation organisés par le syndicat (30h/an dans les entreprises employant entre 50 et 99 travailleurs, 60h/an dans les entreprises employant entre 100 et 200 travailleurs et 110 h/ an dans les entreprises employant plus de 200 travailleurs).

317.Les étrangers peuvent adhérer aux syndicats, mais ils ne peuvent être désignés à un poste d’administration ou de direction d’un syndicat que lorsqu’ils sont agréés par le Ministère de l’emploi. Étant des syndicats professionnels, ils doivent exclusivement défendre les intérêts économiques et sociaux de leurs adhérents.

318.Quant au droit de grève, la Constitution tunisienne reconnaît ce droit à travers la garantie du droit syndical (art. 8). Le Code du travail réglemente aussi la procédure de recours à la grève qui favorise le règlement pacifique des conflits collectifs du travail. 

319.Conformément au paragraphe 2 de l’article 22 du Pacte, la loi a apporté certaines restrictions à la liberté d’association et à la liberté syndicale pour certaines personnes ou catégories socioprofessionnelles. C’est ainsi qu’il est interdit aux militaires et aux agents de forces de sécurité intérieure de constituer un parti politique ou une association à caractère politique ou d’y adhérer compte tenu de la nature même de leurs fonctions. Toutefois, l’adhésion des militaires ou des agents des forces de sécurité intérieure à une association à caractère amical, sportif, culturel ou d’assistance sociale peut être autorisée. Le droit syndical, et par conséquent le droit de grève, sont interdits aux militaires et aux agents de forces de sécurité intérieure.

320.Face aux mutations générées par la mondialisation, la promotion de la liberté syndicale doit engager à la fois l’État et toutes les composantes de la société civile afin de sauvegarder les acquis sociaux de l’État national. On a besoin d’un vrai dialogue pour reconstruire un pacte social et citoyen, et ce dialogue a plus de chances de se tenir dans le monde de la société civile où on retrouve les associations, les syndicats, les artisans, les professions libérales, et on a plus de chances de trouver des solutions concrètes, adaptables, humainement acceptables dans le cadre de la dialectique de l’agir citoyen et du vivre ensemble. C’est pourquoi, l’État tunisien ne songe à rien, en impulsant la société civile, de moins qu’à réinventer la démocratie. Si la citoyenneté procède fondamentalement de la capacité d’agir en commun, alors il faut impliquer le citoyen pour qu’il réinvente la démocratie.

XIII. ARTICLE 23

321.L’article 23 du Pacte porte sur la protection de la famille en tant qu’élément naturel et fondamental de la société.

322.Le Code du statut personnel a jeté les bases d’une famille moderne, solide et prospère. Mais, l’effort du législateur ne s’est pas arrêté à ce stade, un développement progressif du droit de la famille a été entrepris sans relâche. C’est ainsi qu’une loi relative à la médecine de la reproduction a été promulguée en 2001, en vue de parfaire le dispositif législatif relatif à la santé génésique.

323.La Tunisie a adopté un programme volontariste de régulation des naissances visant à promouvoir une famille équilibrée. L’«Office national du planning familial», créé en 1971 et qui prit le nom d’ «Office national de la famille et de la population» (ONFP) en 1984, contribue activement à la réalisation de la politique démographique de la Tunisie et à l’élaboration des programmes d’action tendant au développement de la famille. Des services de santé de base à l’intention des familles ont aussi été créés sur tout le territoire tunisien en vue de dispenser les soins nécessaires à la bonne santé de la mère et de l’enfant et surtout de mener des actions préventives au profit de la famille. Cette politique a valu à l’ONFP sa sélection par le Fonds des Nations Unies pour la Population (FUNAP) comme centre d’excellence en matière de santé de la reproduction.

324.Dans le cadre d’un système sanitaire complémentaire, une loi n° 2004-71 du 2 août 2004, portant institution d’un régime d’assurance maladie, a mis en place un régime d’assurance maladie garantissant les principes de la solidarité et de l’égalité des droits. L’article 7 de ladite loi prévoit la création de la Caisse nationale d’assurance maladie, appelée à gérer les régimes légaux d’assurance maladie. Grâce à une politique de couverture sociale soutenue, les familles à faible revenu bénéficient d’une assistance médicale gratuite. Le taux de couverture sociale, enregistré en 2003, a atteint 86 %.

325.Dans le souci de protéger les acquis de la famille tunisienne et de promouvoir ses droits, un poste de Ministre délégué auprès du Premier Ministre, chargé des affaires de la femme et de la famille, a été créé en 1993. Cette structure a été érigée en Ministère des affaires de la femme, de la famille, de l’enfance et des personnes âgées.

326.Soucieux d’assurer une bonne santé à la famille, le législateur a institué par la loi n° 64-46 du 3 novembre 1964, un certificat médical prénuptial. L’institution de ce certificat n’entrave pas le droit au mariage. Elle vise surtout à attirer l’attention du candidat au mariage sur les effets néfastes que peuvent avoir les maladies dangereuses, notamment la tuberculose et la syphilis, pour le conjoint ou la descendance. D’ailleurs, l’article premier de cette loi précise que par ce certificat médical, le médecin atteste, à l’exclusion de toute autre indication que l’intéressé a été examiné en vue du mariage. La loi permet au médecin de refuser la délivrance du certificat prénuptial, si le mariage lui paraît indésirable, ou de surseoir à cette délivrance jusqu’à ce que le malade soit rétabli et que son état de santé cesse de constituer une menace pour sa descendance.

327.Le droit au mariage est reconnu à l’homme et à la femme sans discrimination aucune. Cela ressort des différentes dispositions du Code du statut personnel. Même s’il s’agit d’étrangers régis par leur statut personnel, l’officier d’état civil est tenu de célébrer leur mariage. En effet, l’article 38 de la loi n° 57-3 du 1er août 1957, réglementant l’état civil dispose que l’officier de l’état civil doit célébrer «l’acte du mariage des étrangers conformément aux lois tunisiennes, sur le vu d’un certificat de leur Consul attestant qu’ils peuvent contracter mariage».

328.Aucune limitation au droit au mariage n’est prévue sauf pour deux catégories de fonctionnaires pour lesquels le mariage n’est contracté qu’après autorisation de l’administration à savoir, les diplomates et les militaires. En effet, en raison de la nature de leur mission, ces personnes ne doivent pas contracter mariage avec des conjoints qui peuvent mettre en danger la sécurité de l’État. Il a été indiqué, lors de l’examen de l’article 3 du Pacte, que le législateur tunisien a fixé un âge minimum pour le mariage (vingt ans révolus pour l’homme et dix sept ans pour la femme). De même, le Code du statut personnel a fait du mariage l’affaire des seuls époux en exigeant leurs consentements.

329.Animé par un souci d’adaptation du droit à l’évolution de la société, le législateur tunisien a promulgué une série de nouveaux textes juridiques. Pour s’en tenir aux principaux, on cite :

La loi n° 93-74 du 12 juillet 1993, portant modification de certains articles du Code de statut personnel (C.S.P.) relatifs au statut de la femme en ses qualités de fiancée (art. 2), d’épouse (art. 12, 23 et 28), de mère (art. 6), de divorcée (art. 32, 32 bis et 53 bis), de chargée de la garde des enfants (art. 67);

La loi n° 93-65 du 5 juillet 1993, portant création du Fonds de garantie de la pension alimentaire et de la rente de divorce;

La loi n° 95-95 du 9 novembre 1995, modifiant et complétant quelques articles du Code des obligations et des contrats, ajoutant l’article 93 bis relatif à la responsabilité du père et de la mère des faits accomplis par leurs enfants mineurs. En vertu de cette loi, la mère devient solidairement responsable avec le père des dédommagements envers les tiers victimes des faits de son enfant;

La loi n° 2002-4 du 21 janvier 2002, portant modification de l’article 12 du Code de la nationalité tunisienne attribuant la nationalité tunisienne à l’enfant né à l’étranger d’une mère tunisienne et d’un père étranger sous réserve de réclamer cette qualité par déclaration dans le délai d’un an précédant sa majorité. En outre, et dans le cas de décès du père, de sa disparition, ou de son incapacité légale, la déclaration unilatérale de la mère suffit;

La loi n° 2003-51 du 7 juillet 2003, modifiant et complétant la loi n° 98-75 du 28 octobre 1998 relative à l’attribution d’un nom patronymique aux enfants abandonnés ou de filiation inconnue, a permis à l’enfant né hors mariage d’avoir le nom patronymique de sa mère ou celui du père au cas où la preuve de la paternité est établie par aveu, témoignage ou analyse génétique.

XXIV. ARTICLE 24

330.L’article 24 du Pacte garantit à l’enfant sans discrimination aucune la protection qu’exige sa condition de mineur. Cette protection est assurée par la famille, la société et l’État. Le droit positif tunisien a mis au point un arsenal juridique permettant de protéger au mieux l’enfant sans discrimination fondée sur la race, le sexe, la religion, ou le milieu social. Sur la voie du renforcement des droits de l’enfant, la Tunisie a procédé à la promulgation d’une série de textes juridiques et à l’institution de diverses mesures destinées, d’une part, à traduire, dans les faits les engagements découlant de sa ratification des instruments internationaux, et à réaffirmer, d’autre part, sa volonté de poursuivre son action en faveur de la préservation des droits de l’enfant.

331.La législation tunisienne a réglementé le travail des enfants en vue de les mettre à l’abri de l’exploitation. Outre les dispositions contenues dans le Code de travail régissant le travail des enfants, la loi n° 2005-32 du 4 avril 2005, portant ratification de la loi n° 65-25 du 1er juillet 1965, relative à la situation des employés de maison, est venue renforcer les droits de l’enfant en la matière. En effet, l’article 2 (nouveau) de ladite loi énonce que «l’emploi des enfants, âgés de mois de 16 ans comme employés de maison» est interdit.

332.Par ailleurs, la Tunisie a ratifié plusieurs Conventions internationales qui traitent du travail des enfants dont les deux Conventions se rapportant aux droits fondamentaux au travail, à savoir la Convention n° 138 de l’OITsur l’âge minimum d’admission à l’emploi et la Convention n° 182 de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants.

333.La Tunisie a également participé au Sommet mondial sur l’enfance, tenu en septembre 1990, qui a adopté une Déclaration universelle sur «la survie de l’enfant, sa protection et son développement» ainsi qu’une stratégie pour la mise en application de cette Déclaration. La Tunisie a, en outre, participé à la 27ème session spéciale de l’Assemblée générale consacrée aux enfants qui s’est tenue à New York du 8 au 10 mai 2002. Le document final, issu de la dite session, comprend une Déclaration et un Plan d’action qui témoignent de l’engagement de la communauté internationale à fonder un monde qui garantit aux enfants le droit à l’épanouissement.

334.Le droit à l’éducation reconnu par la Constitution a connu, au cours de la dernière décennie, une évolution considérable tant au niveau législatif que sur le plan de la jouissance effective de ce droit. En effet, le taux de scolarisation à l’âge de 6 ans atteint actuellement les 99,1 % à parité égale entre les filles et les garçons.

335.La gratuité de l’enseignement est réaffirmée par l’article 4 de la loi d’orientation n° 2002‑80 du 23 juillet 2002 relative à l’éducation et à l’enseignement scolaire, qui dispose que «l’État garantit le droit à l’enseignement gratuit dans les établissements scolaires publics» et ce, dans tous les cycles de l’enseignement scolaire.

336.Quant au caractère obligatoire de l’enseignement, l’article premier de cette loi dispose qu’«aucun élève âgé de moins de 16 ans ne peut être exclu définitivement de tous les établissements scolaires publics que sur décision du Ministre chargé de l’éducation et après sa comparution devant le conseil de l’éducation pour faute grave». L’article 21 de la loi ajoute que le tuteur qui s’abstient d’inscrire son enfant à l’un des établissements de l’enseignement de base ou qui l’en retire avant l’âge de 16 ans, alors que celui-ci est à même de poursuivre normalement ses études conformément à la réglementation en vigueur, s’expose à des sanctions.

337.Des mesures concrètes sont prises pour garantir la jouissance effective de ce droit à tous les enfants, dans le respect de l’équité et de l’égalité des chances. Dans ce sens, l’État apporte son aide aux élèves appartenant à des familles aux revenus modestes. Cette aide revêt plusieurs aspects tels que la mise des internats et des cantines scolaires à la disposition des élèves, la distribution des manuels et des fournitures scolaires à titre gracieux ainsi que l’octroi de bourses d’études.

338.Étant donné le rôle important des crèches dans l’éducation et la formation des enfants, il a été décidé de faire participer les caisses sociales dans la couverture d’une partie des frais d’adhésion à ces structures, conformément à la loi n° 94-88 du 26 juillet 1994, relative à la contribution aux frais de la prise en charge des enfants dans les crèches. Cette mesure intéresse, en particulier, les enfants dont les mères sont des assurées sociales qui reçoivent un salaire global ne dépassant pas un seuil déterminé.

339.Sur un autre plan et s’agissant du droit à l’apprentissage et à la formation professionnelle et en concrétisation de l’appel contenu dans l’article 28 de la Convention relative aux droits de l’enfant et de la Convention n° 143 de l’OIT, la Tunisie a promulgué une série de lois sous les numéros 93-10, 93-11 et 93-12 en date du 17 février 1993 qui visent à renforcer le rôle de l’apprentissage et de la formation professionnelle dans la mise en valeur des ressources humaines et accroître les opportunités d’orientation vers les filières de formation professionnelle au profit des enfants.

340.Par ailleurs, une attention particulière a été accordée aux enfants handicapés en leur permettant de poursuivre leur scolarité dans des conditions normales et au sein d’institutions spécialisées, en vertu de l’accord commun entre les ministères des affaires sociales, de la solidarité et des Tunisiens à l’étranger, de l’éducation et de la formation, de la santé publique, des affaires de la femme, de la famille, de l’enfance et des personnes âgées. Cet accord, conclu le 11 mai 1994, fixe les conditions de création de centres spécialisés dans l’éducation et la qualification ainsi que les modalités de leur organisation et de leur gestion.

341.En outre, la loi d’orientation n° 2005-83 du 15 août 2005, relative à la promotion et à la protection des personnes handicapées a été promulguée en vue d’assurer les principes d’égalité des chances et de non-discrimination. Dans ce contexte, l’article 24 de cette loi dispose que «l’État veille à assurer des conditions adéquates pour permettre aux enfants handicapés et incapables de mener un enseignement et une formation au sein du système ordinaire, de suivre un enseignement adéquat, une éducation spécialisée et une réhabilitation professionnelle appropriée à leurs besoins spécifiques». Un programme d’intégration des handicapés dans les établissements scolaires ordinaires, connu sous le nom de "stratégie nationale de l’intégration scolaire des enfants porteurs de handicap", a été élaboré. L’année scolaire 2003-2004 a vu le démarrage de ce Programme national dont la mise en œuvre a impliqué les Ministères de l’éducation et de la formation, de la santé publique et des affaires sociales, de la solidarité et des tunisiens à l’étranger. Initié dans 126 écoles, ce programme s’étend aujourd’hui à plus du double.

342.En fait, l’encadrement préscolaire est assuré soit dans les jardins d’enfants ordinaires ou à défaut dans des centres spécialisés. Les classes préparatoires accueillent des enfants handicapés qui sont considérés comme étant qualifiés à être scolarisables dans le cursus normal. Un effort considérable a été entrepris par l’État afin de doter les écoles inclusives de moyens humains et matériels nécessaires afin d’offrir un environnement scolaire accessible et un contenu pédagogique approprié.

343.Les enfants, qui ne sont pas scolarisables à cause du degré de leur handicap, sont pris en charge par des établissements spécialisés dans l’éducation, la réadaptation et la formation professionnelle des handicapés. Les conditions de création de ces établissements sont fixées par un cahier de charges paru en vertu de la loi n° 2001-3 du 3 janvier 2001. Ces centres bénéficient d’une prise en charge globale qui doit associer les activités à caractère médical, psychologique, social, éducatif, scolaire, professionnel et de loisir au profit des handicapés. Ces activités visent l’épanouissement et le développement de toutes les potentialités intellectuelles, affectives et physiques des handicapés. Elles leur permettent d’acquérir un maximum d’autonomie dans les actes de la vie quotidienne en vue d’assurer leur intégration sociale. L’action des centres spécialisés relevant des associations est financée principalement par les subventions de l’État et la contribution des Caisses de la sécurité sociale.

344.L’attention accordée à la santé des enfants représente l’une des constantes de la politique de l’État qui n’a cessé de conférer à cette question une importance primordiale non seulement au plan de la thérapie, mais aussi en ce qui concerne la prévention et la promotion de la santé.

345.La prise en charge des jeunes tunisiens résidant à l’étranger est une composante spécifique du système éducatif. Elle s’inscrit dans la mission de l’école et ses finalités notamment celle qui vise à affermir la conscience de l’identité nationale des élèves et le sentiment d’appartenance à une civilisation aux dimensions nationale, maghrébine, arabe, islamique, africaine et méditerranéenne, tout en renforçant l’ouverture sur la civilisation universelle.

346.À travers les textes juridiques, le législateur a également œuvré à protéger la femme et la famille et à garantir la croissance de l’enfant et son épanouissement. La loi n° 93-74 du 12 juillet 1993, portant modification de certains articles du Code de statut personnel vise, au-delà de la consolidation des droits de la femme, à promouvoir la famille, et en particulier, à sauvegarder les droits des enfants, notamment leur droit à la vie, à la santé, à l’éducation et à l’intégration.

347.La loi n° 2002-4 du 21 janvier 2002, portant modification de l’article 12 du Code de la nationalité tunisienne prévoit la possibilité d’accorder cette nationalité à l’enfant qui est né à l’étranger d’une mère tunisienne et d’un père étranger. Il lui suffit de faire une déclaration dans le délai d’un an précédant sa majorité (20 ans). Toutefois, avant d’atteindre l’âge de 19 ans le requérant acquiert la nationalité tunisienne sur une simple déclaration émanant conjointement de sa mère et de son père ou sur une déclaration unilatérale de sa mère en cas de décès de son père ou de sa disparition.

348.L’article 23 du Code du statut personnel, tel qu’amendé par la loi n° 93-74 du 12 juillet 1993, portant modification de certains articles du Code du statut personnel, prévoit que les deux époux s’entraident dans la conduite des affaires de la famille et l’éducation des enfants. L’article 46 (nouveau) dudit code a également prorogé le droit de l’enfant à l’alimentation jusqu’à l’âge de la majorité et même au-delà jusqu’à la fin de ses études, sans toutefois dépasser l’âge de 25 ans. Les filles continueront, pour leur part, à être prises en charge tant qu’elles n’auront pas de ressources propres ou un mari pour subvenir à leurs besoins.

349.Dans un souci de sauvegarder l’unité de la famille, l’article 32 (nouveau) du CSP exige la tenue de trois audiences de conciliation si le couple a des enfants mineurs. En cas de séparation, il confie à la mère, lorsque celle-ci a la garde des enfants, la tutelle en ce qui concerne les voyages de l’enfant, ses études et la gestion de ses affaires financières. Cette tutelle peut même concerner les autres affaires de l’enfant si son tuteur est dans l’incapacité de les gérer, et ce dans l’intérêt de l’enfant conformément à l’article 67 du CSP modifié par la loi n° 93-74 du 12 juillet 1993, portant modification de certains articles du Code du statut personnel.

350.La loi n° 93-65 du 5 juillet 1993, portant création d’un Fonds de garantie de la pension alimentaire et de la rente de divorce, a également créé un Fonds de garantie de la pension alimentaire et de la rente de divorce dans le but d’apporter une solution au problème de l’atermoiement des débiteurs qui ne s’acquittent pas de leur obligation envers les ayant-droits. Cette mesure vise en même temps à renforcer les droits de la femme et à préserver l’intérêt des enfants. À cette fin la loi n° 93-74 du 12 juillet 1993, portant modification de certains articles du Code du statut personnel, a substitué la collectivité nationale aux débiteurs qui font preuve d’obstination dans le non-paiement de la pension et de la rente de divorce.

351.S’agissant de l’administration de la justice pour enfants délinquants de manière à garantir leurs droits en considération de leur situation et de l’importance de l’infraction commise, la loi n° 93-73 du 12 juillet 1993, modifiant certains articles du Code de procédure pénale, prévoit que les enfants âgés de 13 à 18 ans auxquels sont imputées des infractions pénales ne sont pas déférés devant les juridictions de droit commun mais sont justiciables du juge des enfants ou du tribunal pour enfants. L’instruction est confiée à un juge d’instruction pour enfants. Dans ce contexte, un Comité technique a été créé en vue de suivre les enfants remis en liberté, d’assurer leur rééducation et leur réintégration. Ce comité regroupe dix ministères et se réunit de façon périodique tous les trimestres dans le but de procéder à la révision des programmes éducatifs, de contribuer à l’élaboration des programmes de formation des enfants, d’évaluer les efforts déployés pour faciliter l’insertion des enfants remis en liberté et de garantir la protection ultérieure aux mineurs quittant les centres de rééducation.

352.En outre, la loi n° 95-93 du 9 novembre 1995, modifiant et complétant quelques articles du Code pénal, a contribué au renforcement du Code pénal dans le sens de protéger l’enfant contre toute exploitation sexuelle ou économique que peut lui faire subir une personne ou une organisation criminelle. De même, la loi n° 95-94 du 9 novembre 1995, modifiant et complétant la loi n° 92-52 du 18 mai 1992 relative à la drogue favorise nettement le traitement social et médical des mineurs drogués sur le recours judiciaire à leur encontre.

353.Dans le cadre du renforcement des droits de l’enfant et en vue d’harmoniser la législation tunisienne avec les principes contenus dans les instruments internationaux de protection des droits de l’enfant, un Comité spécial a été créé, à l’occasion de la célébration de la Journée nationale de l’enfance (le 11 janvier 1994) afin d’élaborer un projet de Code de la protection de l’enfant. Ce Code a été promulgué par la loi n° 95-92 du 9 novembre 1995, relative à la publication du Code de la protection de l’enfant. Selon son article premier, le Code vise notamment à «inscrire les droits de l’enfant à la sauvegarde et à la protection dans le contexte des grandes options nationales, qui ont fait des droits de l’homme de nobles idéaux qui orientent la volonté du Tunisien et lui permettent de développer sa réalité et d’accéder à un meilleur vécu, et ce conformément aux valeurs humaines».

354.Ce Code procède d’une éthique nouvelle selon laquelle l’enfant, en raison de sa fragilité, tant physique que morale, a une créance à l’égard de la société tout entière. Ainsi, un cadre juridique global, favorisant la prévention des mauvais traitements des enfants et améliorant d’une façon générale leur situation, a été mis en place. De nouveaux mécanismes de protection ont été introduits notamment:

Le délégué à la protection de l’enfance intervient dans tous les cas où il s’avère que la santé de l’enfant ou son intégrité physique ou morale est exposée à un danger. De même, il incombe à toute personne, y compris celle qui est tenue au secret professionnel, de signaler au délégué à la protection de l’enfance les situations difficiles qui menacent l’enfant;

La création des commissions régionales regroupant plusieurs ministères ayant pour mission la régularisation légale des cas d’enfants nés hors mariage et le suivi du cursus d’intégration familiale et sociale de ces enfants. Dans cette optique, la loi n° 2003-51 du 7 juillet 2003, modifiant et complétant la loi n° 98-75 du 28 octobre 1998 relative à l’attribution d’un nom patronymique aux enfants abandonnés ou de filiation inconnue a été promulguée. Il en est de même de la loi n° 2001-31 du 29 mars 2001, portant création d’une attestation de conformité entre le nom originaire et le nom attribué.

XXV. ARTICLE 25

355.L’article 25 du Pacte établit le droit de tous les citoyens, sans discrimination, de participer à la vie publique de leur pays. Cette participation implique notamment le droit de tout citoyen d’être électeur et éligible et d’accéder, dans les conditions générales d’égalité, aux fonctions publiques.

356.La Constitution de la République tunisienne énonce que «la souveraineté appartient au peuple tunisien qui l’exerce conformément à la Constitution» (art. 3), et que «le peuple exerce le pouvoir législatif par l’intermédiaire d’une Assemblée représentative dénommée «Chambre des députés» et «Chambre des conseillers» (art. 18).

A. La démocratie participative

1. La démocratie multipartite

357.Le point d’ancrage interne des idées de participation et de pluralisme se trouve à la fois dans la «Déclaration historique du 7 novembre 1987» affirmant que le «peuple est digne d’une vie politique évoluée et institutionnalisée, fondée réellement sur le multipartisme et la pluralité des organisations de masse» et dans la loi n° 88-32 du 3 mai 1988 relative à l’organisation des partis politiques. L’instauration du pluralisme devient ainsi l’une des conditions de la démocratie. Et les partis politiques sont investis d’une mission fondamentale dans le développement de l’esprit civique et la cristallisation des choix et des alternatives de façon à assurer la vitalité du système politique.

358.Le paragraphe 2 de l’article 5 de la Constitution telle qu'amendée par la loi constitutionnelle n° 2002-51 du 1er juin 2002 portant modification de certaines dispositions de la Constitution mentionne que la République a pour fondements les principes de l’état de droit et du pluralisme et affirme le droit de tout individu à participer à la vie publique. La notion de pluralisme désigne dans ce contexte la multiplicité des courants de pensée et la diversité des courants politiques appelés à être partie prenante de la vie politique débarrassée du monopartisme. Elle signifie le multipartisme et la pluralité des organisations populaires, des associations et des diverses composantes de la société civile. Tous ces groupements représentent des espaces permettant au citoyen de participer à la vie publique et de contribuer à l’édification de la démocratie dans le cadre de l’état de droit.

359.La démocratie participative, quand tous les acteurs de la vie politique et associative en acceptent les règles loyales du jeu, enfante la qualité et la compétence et favorise l’ancrage dans la modernité. Toute la société civile est concernée par ce pari qui nécessite de l’audace, du dévouement, mais aussi de la modération, de la responsabilité, de la lucidité et le respect de l’autre. Dans ce sens, plusieurs mesures juridiques et politiques ont été prises pour consacrer le pluralisme et la participation à la vie publique, au niveau du système électoral et au niveau de l’accès aux postes de décision.

2. La démocratie locale

360.Dans le cadre de la promotion de la démocratie locale, une loi organique relative à la composition du Conseil régional a été promulguée le 28 janvier 2002. Cette loi vise à permettre aux partis de l’opposition d’être représentés dans les Conseils régionaux à hauteur de 20 % de l’ensemble des membres de ces organismes, à condition que ces partis aient des représentants dans les Conseils municipaux de la région concernée.

361.C’est dans cette même optique de démocratie locale que s’inscrit l’attention accordée à l’action communale et qui s’est traduite par le démarrage de la révision de la loi organique des communes pour consolider les attributs de la décentralisation, et ce en accordant un intérêt accru aux ressources humaines des municipalités et en renforçant leurs attributions.

3. La participation de la société civile

362.Les associations sont considérées comme un partenaire essentiel dans la construction d’une société libre et responsable où la vie associative constitue le cadre approprié pour la participation des citoyens à la vie publique. Dans un contexte marqué par la consolidation de la démocratie participative, le tissu associatif permet, en effet, de promouvoir un climat de solidarité et d’un meilleur vivre ensemble.

363.Le choix politique en matière d’encouragement de la société civile s’est traduit à la fois par la mise en place d’un cadre institutionnel et réglementaire approprié et par la promotion de la démocratie participative. Cette option a permis de porter le nombre des associations de 7 282 en 1999 à 8 913 en 2005. Ces associations sont très actives dans divers domaines et constituent des partenaires incontournables des pouvoirs publics dans l’œuvre du développement économique, social et culturel. Elles sont devenues une école de citoyenneté et une donnée incontournable de la construction de la modernité politique et sociale. De ce fait, la démocratie participative n’en reste pas qu’au concept. En s’ouvrant aux idées et à la créativité des citoyens pour les impliquer dans les choix à faire, le mouvement associatif agissant dans le cadre de la légalité est à la fois une capacité politique de mobiliser les citoyens pour aider à dégager des perspectives d’avenir et une démarche qui entend aussi donner forme à une ré-articulation du rapport entre l’État et la société civile. L’idéal politique qui préside à cette visée – la nouvelle citoyenneté – présuppose plus ou moins cette idée que la démocratie directe est ouverte à tous les citoyens qui veulent s’y engager. Cette présence directe de la société civile permet, donc, d’initier une certaine forme de gestion publique qui maintient un système équilibré, dans lequel le militantisme ne saurait étouffer les droits des individus et transgresser les règles du jeu telles que définies par l’État de droit.

364.C’est dans ce même contexte de la consolidation de l’action de la société civile que se situe la mission confiée par le Chef de l’État, en novembre 2005, au président du Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales, consistant à nouer des contacts avec les responsables des partis politiques et des autres composantes de la société civile et à prendre connaissance de leurs préoccupations, attentes et aspirations.

365.Face aux mutations générées par la mondialisation et leurs conséquences, la protection des acquis sociaux de l’État national implique le besoin d’un vrai dialogue pour reconstruire un Pacte social et citoyen, et ce dialogue a plus de chances de se tenir dans le monde de la société civile où on retrouve les associations, les syndicats, les artisans, les professions libérales, et on a plus de chances de trouver des solutions concrètes et humainement acceptables dans le cadre de la dialectique de l’agir citoyen et du vivre ensemble. C’est dans ce sens que la participation de la société civile à la vie publique contribue de manière déterminante à reconstituer la sphère politique, à travers une autre relation de la société civile et de l’État en rendant davantage effectifs et concrets les droits civils et politiques.

B. Le système électoral

1. Au niveau des élections présidentielles

366.La loi constitutionnelle n° 99-52 du 30 juin 1999, portant dispositions dérogatoires au troisième alinéa de l’article 40 de la Constitution, a consacré pour la première fois le pluralisme des candidatures aux élections présidentielles de 1999. Cette loi n’exige plus que le candidat soit présenté par 30 élus comme le stipulait, auparavant, l’article 40 de la Constitution. Cette loi prévoit qu’est habilité à se porter candidat, à titre exceptionnel, le premier responsable d’un parti politique, qu’il soit président ou secrétaire général, sous réserve qu’il exerce le jour de dépôt de la candidature ses fonctions depuis cinq années consécutives et que le parti ait au moins un représentant à la Chambre des députés.

367.La loi constitutionnelle n° 2003-34 du 13 mai 2003, portant dispositions dérogatoires au troisième alinéa de l’article 40 de la Constitution, a précisé que la candidature ne se limite pas à la seule personne du premier responsable du parti, comme ce fut le cas en 1999, mais il appartient à chacun des cinq partis politiques, représentés à la Chambre des députés, de proposer l’un des membres de son instance exécutive pour les élections présidentielles.

368.Par ailleurs, il convient de souligner que l’élection du Président de la République en deux tours, instituée à la faveur de la réforme constitutionnelle du 1er juin 2002, constitue un acquis politique qui réaffirme le souci d’ancrer encore davantage la souveraineté du peuple.

369.Lors des élections présidentielles de 2004, le Président Ben Ali a été mis en compétition avec trois autres candidats, à savoir, le Secrétaire général du «Parti de l’unité populaire», le Président du «Parti social libéral» et un membre du Bureau politique du «Mouvement Ettajdid».

370. En vertu de la loi constitutionnelle n° 99-52 du 30 juin 1999, portant dispositions dérogatoires au troisième alinéa de l’article 40 de la Constitution, une compétition semblable a eu lieu aux élections présidentielles de 1999 avec deux candidats et a consacré pour la première fois le pluralisme des candidatures. Il s’agit du Secrétaire général de «l’Union démocratique unioniste» et du Secrétaire général du «Parti de l’Unité Populaire».

371.Le taux de participation aux élections présidentielles de 2004 est de 91,52 %. Le taux de participation enregistré lors des élections présidentielles qui se sont déroulées en octobre 1999 était de 91,4 %.

2. Au niveau des élections législatives

372.La loi organique n° 93-118 du 27 décembre 1993, modifiant et complétant le Code électoral, a porté modification du mode de scrutin. Cette modification, qui a fait l’objet d’une large consultation avec les représentants des partis politiques et les autres structures et organes de la société civile, a institué le système majoritaire avec introduction de la proportionnelle de manière à garantir la représentation de l’opposition à la Chambre des députés. Les modifications introduites dans le Code électoral visent également à renforcer davantage les choix démocratiques, à concrétiser le pluralisme et à consacrer le concept de la justice et de la concorde nationale. Ainsi:

L’âge minimum requis pour se porter candidat aux élections législatives a été réduit de 25 à 23 ans et ce, en vertu de la loi organique n° 98-93 du 6 novembre 1998, modifiant et complétant certaines dispositions du Code électoral, qui a élargi le champ de la participation à la vie politique;

Des primes sont octroyées par l’État à chaque candidat à la Présidence de la République et à chaque liste de candidats aux élections législatives, à titre de contribution au financement de la campagne électorale;

Le budget de l’État se charge des frais d’établissement des listes électorales, de la publicité, de leur révision ainsi que de l’impression et de la distribution des bulletins de vote et des cartes d’électeurs;

Le parrainage pour les candidatures aux élections législatives a été supprimé.

373.Le nouveau système de scrutin adopté, prévoit la répartition des sièges à deux niveaux: au niveau des circonscriptions électorales et au niveau national. Les partis de l’opposition ont pu, à la faveur de ce système, remporter, pour la première fois, dix-neuf sièges à la Chambre des députés en 1994.

374.Tous les amendements énumérés ci-dessus offrent des garanties accrues à la crédibilité de l’opération électorale et permettent à l’opposition d’apporter sa contribution à l’enrichissement de la vie politique et à la promotion du processus démocratique pluraliste. À ces amendements, il faut ajouter l’assouplissement des conditions d’attribution de la subvention accordée aux candidats à la Présidence de la République pour qu’ils puissent couvrir les frais de leurs campagnes électorales. Dans ce sens, la promulgation de la loi organique n° 2006-7 du 15 février 2006, modifiant la loi n° 97-48 du 21 juillet 1997, relative au financement public des partis politiques, est venue augmenter la subvention octroyée à l’ensemble des partis politiques pour faire face à leurs frais de fonctionnement.

375.L’amendement de l’article 48 du Code électoral, en vertu de la loi organique n° 2000-32 du 21 mars 2000, portant modification de certaines dispositions du Code électoral, vise à assurer la transparence totale du scrutin. Cet amendement fait obligation à l’électeur de se munir de tous les bulletins de vote avant d’entrer dans l’isoloir dans le même esprit et dans le but de garantir la transparence des opérations électorales, la loi organique n° 2002-97 du 25 novembre 2002, relative à la préparation au régime de la révision permanente des listes électorales, a annulé le régime de la révision annuelle des listes électorales et a instauré celui de la révision permanente de manière à faciliter l’opération d’inscription sur ces listes. Ainsi depuis l’entrée en vigueur, début 2003, du système de la révision permanente des listes électorales, près de 1 500 000 citoyens non inscrits auparavant ont vu leurs noms ajoutés aux listes électorales des élections générales de 2004-2005. Le taux des inscrits, parmi ceux qui ont atteint l’âge de voter, a augmenté pour atteindre le summum en 2004, soit 82,56 %. Ce taux est plus élevé que celui de 1999 (65,1 %) et que celui de 1989 (62 %). En 2004, le nombre de votants a augmenté de plus d’un million, en comparaison avec 1999. Le pourcentage de votants en 2004, parmi ceux qui ont atteint l’âge légal en 2004, est de 75,49 %, alors qu’il n’était en 1999 et en 1994 que d’environ 59 % seulement.

376.Par ailleurs, tout litige relatif à l’inscription ou à la radiation est soumis à l’examen de la Commission de révision présidée par un magistrat désigné par le Ministre de la justice. L’attribution de la présidence de cette Commission à un magistrat figure parmi les mesures introduites par l’amendement de 2003 du Code électoral. Il en est de même pour l’obligation de distribuer les cartes d’électeur cinq mois avant le scrutin. Dans cet ordre d’idées, la carte d’électeur est remise directement à l’électeur qui accuse réception de sa carte en apposant sa signature devant son nom et prénom. Pour les électeurs, légalement inscrits sur les listes électorales et n’ayant pas obtenu leurs cartes d’électeur, il est constitué une Commission dont la mission consiste en l’examen de ces requêtes. Cet amendement prévoit également l’assouplissement des conditions relatives aux scrutateurs ainsi que la réduction du nombre de bureaux de vote dans les communes de plus de 7 000 électeurs afin de permettre aux partis de l’opposition d’accréditer des observateurs dans ces bureaux.

377.De même, l’amendement de 2003 a interdit aux membres des bureaux de vote de porter des signes susceptibles d’indiquer leur appartenance politique. Cette mesure illustre nettement le souci de promouvoir les conditions de l’exercice démocratique. Dans le droit fil de cette volonté, s’inscrit l’amendement faisant obligation à l’électeur de signer en personne la liste électorale prouvant l’accomplissement de l’opération de vote.

378.La réforme du Code électoral opérée par la loi organique n° 2002-58 du 4 août 2003, modifiant et complétant le Code électoral, vise à conférer à l’opération électorale un surcroît de transparence et à consolider les acquis enregistrés sur la voie de la progression du processus démocratique pluraliste. Cette réforme a modifié 46 articles et en a ajouté un nombre équivalent. Selon les dispositions de cette loi, l’électeur est obligé, après avoir voté, d’apposer sa signature sur la liste des électeurs, les membres du bureau de vote sont astreints à la neutralité, l’accréditation d’observateurs par les partis politiques est facilitée, le vote par procuration est interdit, le contentieux de l’inscription sur les listes électorales est confié à l’autorité judiciaire.

379.Ainsi, les amendements du Code électoral mettent entre les mains des parties en compétition la plus grande responsabilité lors des élections dont l’observation des opérations de vote et de tri et la réclamation pour tout abus. Tout cela au vu d’une administration neutre, qui offre les services nécessaires dans les bureaux de vote et dans les centres de tri. Le Mouvement des démocrates socialistes, par exemple, a mis en place 436 observateurs, lors des élections législatives de 2004, mais il n’a présenté aucune réclamation.

380.Sept partis ont participé aux législatives de 2004, avec 168 listes électorales, en plus de sept listes indépendantes. Chaque parti a son programme, ses objectifs, ses orientations et choix politiques propres. Ils diffèrent les uns des autres sur plusieurs points. Mais tous sont d’accord sur les principes du régime politique républicain, le rejet des thèses défendues par les forces obscurantistes et la nécessité de sauvegarder les acquis de la modernité. Le nombre de candidats pour les sièges de la Chambre des députés a approché le millier, pour 189 sièges, soit plus de 5 candidats par siège. Ces chiffres sont de loin supérieurs à ceux enregistrés lors des élections de 1999 et celles de 1994. Le taux de participation enregistré lors des élections législatives de 2004 est de 91,45 %. Le taux des élections législatives qui se sont déroulées en octobre 1999 était de 91,4 %.

Tableau 2: Pratique électorale démocratique en Tunisie depuis 1989

LES PARTIS

1989

1994

1999

2004

Les voix / (Les sièges)

Le Mouvement des démocrates socialistes (MDS)

76 141

30 660(10)

98 220(13)

194 829(14)

Le Parti de l’unité populaire (PUP)

11 082

8 391(2)

52 054(7)

132 179(11)

L’Union démocratique unioniste (UDU)

7 934

9 152(3)

52 612(7)

92 780(7)

Le Mouvement «Ettajdid»

7 789

11 299(4)

32 220(5)

43 268(3)

Le Parti social libéral (PSL)

5 270

1 892

15 024(2)

26 099(2)

Le Parti démocratique progressiste (PDP)

4 071

1 749

5 835

10 217

Les Indépendants

289 445

1 061

3 738

1 093

Total

402732

64204

259703

521201

(%)

(19,8)

(2,3)

(8,4)

(12,41)

(Les sièges)

(19)

(34)

(37)

Le Rassemblement constitutionnel démocratique

1 634 603

2 768 667

2 831 030

3 678 645

Pourcentage (%)

(80,48)

(97,73)

(91,59)

(87,59)

Nombre de sièges

(141)

(144)

(148)

(152)

Nombre d’habitants

7 909 545

8 815 400

9 450 640

9 910 872

Les habitants ayant atteint l’âge de voter

4 077 253

4 804 500

5 203 000

5 583 200

Pourcentage (%) des habitants

(51,5)

(54,5)

(55,1)

(56)

Les inscrits

2 711 953

2 978 694

3 388 142

4 609 237

Pourcentage (%) ayant atteint l’âge de voter

66,5

62

(65,1)

(82,56)

Les votants

2 082 759

2 832 871

3 166 194

4 215 151

Pourcentage (%) des inscrits

(76,46)

(95,47)

(91,51)

(91,45)

Pourcentage (%) ayant atteint l’âge légal de voter

(51,1)

(59)

(63,34)

(75,49)

381.Ces données chiffrées permettent de constater l’augmentation progressive du nombre de voix qui soutiennent les partis de l’opposition. Ces partis ont obtenu, lors des législatives de 2004, plus de 520 000 voix. En 1999, ils n’en avaient obtenu que 260 000 voix. En 1994, le nombre de voix qu’ils ont obtenues n’a pas dépassé les 60 000. Le processus avance également dans le sens d’une présence plus importante des partis de l’opposition par le nombre de sièges. Les sièges des partis de l’opposition à la Chambre des députés ont atteint, en 2004, 37 sièges sur un total de 189 contre 34 en 1999. Les partis de l’opposition, lors des élections municipales, ont été mieux représentés, avec 268 sièges. Toutes ces tendances à la progression ne peuvent que renforcer l’avenir des partis de l’opposition, non seulement au sein du parlement, mais aussi dans les régions et consolider le droit à la participation à la vie publique.

3. Au niveau de la Chambre des conseillers

382.L’amendement fondamental de la Constitution, en vertu de la loi constitutionnelle n° 2002‑51 du 1er juin 2002, a créé une deuxième chambre législative, à savoir la Chambre des conseillers, et ce à l’instar des plus anciennes démocraties qui ont adopté le système bicaméral. Tout en consolidant la représentation générale à travers l’élection directe des représentants du peuple, cet amendement vise à garantir une plus large représentation des régions et des diverses composantes de la société et ce, dans le but d’enrichir la fonction législative et la vie politique de façon générale. La participation des citoyens et de leurs représentants à la détermination des objectifs à atteindre en matière de progrès social, économique et culturel et à la réalisation de ces objectifs, se trouve ainsi renforcée et élargie avec la création de la Chambre des conseillers. La création de la Chambre des conseillers comprise comme un espace législatif complémentaire à la Chambre des députés, permet à toutes les catégories socioprofessionnelles et aux représentants de toutes les régions de s’exprimer et d’exprimer les attentes des régions et de la société et d’enrichir la démocratie pluraliste et participative. Ainsi, cette nouvelle Chambre concourt à renforcer le contrôle démocratique.

383.C’est dans ce même contexte que la loi organique n° 2004-48 du 14 juin 2004, portant organisation du travail de la Chambre des députés et de la Chambre des conseillers et fixant les relations entre les deux chambres, a été promulguée en vue d’organiser le fonctionnement de la Chambre des députés et de la Chambre des conseillers tout en fixant les relations entre ces deux Chambres.Le nombre des membres de la Chambre des conseillers ne doit pas être supérieur aux deux tiers des membres de la Chambre des députés. La Chambre des conseillers comprend des représentants des gouvernorats à raison d’un représentant ou deux pour chaque gouvernorat.

384.Les sièges sont repartis à égalité entre les secteurs concernés. La Chambre des conseillers, étant habilitée à exercer la fonction législative, exprime à cet effet les préoccupations de toutes les régions, des divers secteurs professionnels et des différentes catégories sociales.

4. Au niveau des élections municipales

385.L’amendement du Code électoral en 1998 a renforcé la présence de l’opposition aux Conseils municipaux et lui a permis d’obtenir 243 sièges lors des élections de 2005. Le décret n° 2000-907 du 8 mai 2000, portant révision exceptionnelle des listes électorales vise à accorder des délais supplémentaires aux électeurs qui ne se sont pas inscrits à temps sur ces listes, ce qui leur garantit l’exercice de leur droit électoral.

386.Aux élections municipales du 25 mai 2005, le nombre de candidats a dépassé les 5 000, sachant qu’en 2000, le nombre de candidats a été de 4 200. L’opposition a fait son entrée, pour la première fois, au sein des Conseils municipaux lors des élections municipales qui se sont déroulées en mai 2000. Elles ont abouti à une représentation plus large des partis de l’opposition et des listes indépendantes dans les Conseils municipaux qui en sont issus. Le nombre des conseillers municipaux appartenant à ces partis ou aux listes indépendantes s’est accrue d’une manière significative puisqu’il est passé de 6 sièges durant le mandat municipal de 1994 à 243 en 2005. Cette orientation de la démocratie locale constitue une partie indissociable de l’ensemble de l’édifice démocratique. Elle vise à élargir, à tous les citoyens le champ de la participation à l’effort national. C’est pourquoi, les 4 366 conseillers municipaux assument, durant leur mandat, la responsabilité pour faire de la cité un lieu de convivialité, de modernité, de solidarité et d’exercice quotidien et permanent de la démocratie locale.

387.La participation en 2005 à cet exercice de la démocratie locale, aux côtés du parti au pouvoir de quatre partis politiques de l’opposition et d’une liste d’indépendants, montre que la politique entendue comme une gestion des affaires de la cité suscite l’intérêt des Tunisiens.

388.Le taux de participation citoyenne à ces élections, la transparence et la neutralité de l’administration qui ont marqué le déroulement du scrutin, l’entrée massive des femmes comme conseillères ne sont devenus possibles que grâce à la mise en place des mécanismes institutionnels et culturels, à la diffusion d’une culture civique qui ont favorisé l’implication accrue des citoyens et de la société civile dans les affaires de la cité.

389.Pour garantir davantage la sincérité du scrutin, un «Observatoire national des élections» a été créé en 1999, dont la mission est de suivre le déroulement des élections présidentielles et législatives depuis le dépôt des candidatures jusqu’à la proclamation des résultats. Cet organisme est à la disposition de tous les citoyens et prend acte de toutes les observations qui lui sont adressées et des réclamations des citoyens ou des partis politiques relatives au déroulement de la campagne et interpelle l’administration pour corriger les défaillances ou manquements soulevés. Afin de remplir au mieux sa mission au service de la transparence de l’opération électorale et de sa régularité.

390.L’Observatoire produit, à la fin des élections, un rapport destiné au Président de la République contenant les constats des observateurs et les propositions afin d’apporter des correctifs nécessaires à l’amélioration du système électoral. Après les élections de 2004, le rapport de l’Observatoire des élections a été publié dans la presse et mis à la disposition du grand public. Un Observatoire national a été crée à l’occasion des élections municipales de 2005. Son rapport a été également rendu public.

C. Accès aux postes de décision

1. La fonction publique

391.Tous les citoyens ont le droit d’accéder aux fonctions publiques. Ce principe est consacré par l’article 6 de la Constitution tunisienne qui dispose que «tous les citoyens ont les mêmes devoirs, ils sont égaux devant la loi». En outre, l’article 11 du Statut général des personnels de la fonction publique énonce que «sous réserve des dispositions spéciales commandées par la nature des fonctions, et qui peuvent être prises à ce sujet, aucune distinction n’est faite entre les deux sexes pour l’application de la présente loi».

2. La participation politique

392.La démocratie participative se traduit dans la réalité empirique par l’existence de plusieurs partis politiques qui contribuent à l’enrichissement de la vie politique nationale.

a)Le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD): le parti majoritaire, ouvert à toutes les sensibilités intellectuelles d’obédience moderniste, le RCD est, en nombre d’adhérents, la première force politique du pays. Parti de la libération et de la construction de l’État national, le «RCD» est à l’heure actuelle l’unique force politique partisane à pouvoir présenter des candidats dans toutes les circonscriptions du pays lors des différentes élections nationales.

b)Les partis de l’opposition jouent un rôle actif dans le processus pluraliste. Le rôle des partis politiques reconnus légalement dans la promotion de la démocratie participative ne cesse de se confirmer. La représentation minimale de 20 % des sièges de députés et de conseillers municipaux et régionaux est garantie aux partis de l’opposition. Les partis de l’opposition participent de plus en plus à la vie politique, non seulement par leurs discours et programmes politiques, mais aussi par leurs députés et leurs conseillers municipaux.

XXVI. ARTICLE 26

393.L’article 26 établit des dispositions générales relatives à l’égalité de tous devant la loi sans discrimination et une égale protection de la loi.

394.L’article 6 de la Constitution de la République tunisienne consacre ce principe en énonçant que «tous les citoyens ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Ils sont égaux devant la loi». Ainsi, toute personne dont le droit est protégé par la loi et qui se trouve lésée, peut ester en justice et a droit à un traitement égal devant les tribunaux.

395.Le système juridique tunisien prévoit des mécanismes convergents pour garantir les droits par l’article 26 du Pacte. Le droit pénal repose sur la règle de territorialité des lois. La loi pénale tunisienne s’applique sur l’ensemble du territoire tunisien.

396.La Tunisie, attachée au principe de l’égalité, a ratifié un ensemble de traités et conventions visant à interdire les différentes formes de discrimination. Ces conventions, faut-il encore le rappeler, ont une valeur juridique supérieure à celle des lois et s’imposent au juge. On peut citer certaines des conventions que la Tunisie a ratifiées:

a)La Convention n°111 de l’OIT concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession (ratifiée en 1959);

b)La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ratifiée en 1966);

c)La Convention n° 100 de l’OIT concernant l’égalité de rémunération entre la main‑d’œuvre masculine et la main-d’œuvre féminine pour un travail de valeur égale (ratifiée en 1968);

d)Le Protocole relatif au statut des réfugiés (ratifié en 1968);

e)La Convention sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement des mariages (ratifiée en 1968);

f)La Convention sur la nationalité de la femme mariée (adhésion en 1967);

g)La Convention sur les droits politiques de la femme (adhésion en 1967);

h)La Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement (ratifiée en 1969);

i)La Convention relative au statut des apatrides (adhésion en 1969);

j)La Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’Apartheid (adhésion en 1976);

k)La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (ratifiée en 1985);

l)La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ratification en 1988);

m)La Convention relative aux droits de l’enfant (ratifiée en 1991).

XVII. ARTICLE 27

397.L’article 27 du Pacte garantit aux minorités ethniques ou linguistiques, quand elles existent, une propre vie culturelle, la liberté de professer et de pratiquer leur propre religion ou d’employer leur propre langue.

398.La composition démographique de la population tunisienne est du point de vue ethnique fortement homogène. Elle est constituée essentiellement d’Arabes musulmans de rite malékite. Les sectes religieuses sont pratiquement inexistantes. Il n’existe aucune communauté autonome particulièrement et géographiquement localisée qui revendique une spécificité. Les Berbères, représentant la population autochtone, ne forment pas une minorité revendiquant une reconnaissance de sa spécificité puisqu’ils sont des citoyens pleinement et entièrement intégrés dans le tissu social.

399.La population non musulmane est constituée en majorité par la communauté juive. Celle-ci jouit de tous les droits proclamés par l’article 27 du Pacte. Il a été déjà indiqué lors du commentaire de l’article 18 du Pacte que cette communauté jouit du libre exercice de son culte. L’on peut ajouter que la loi n° 58-78 du 11 juillet 1958 relative au régime du culte israélite a tout prévu pour permettre aux juifs tunisiens d’avoir une vie culturelle propre, de pratiquer et de professer leur propre religion, et d’employer leur propre langue. À cet effet, l’article 2 de cette loi reconnaît aux associations de culte israélite, qui sont des associations d’utilité publique, le droit d’assurer:

a)L’organisation et l’entretien des synagogues;

b)Le service de l’abattage rituel, du pain azyme et des produits alimentaires kascher avec le concours des rabbins;

c)L’assistance culturelle aux membres de leur communauté;

d)L’organisation de l’enseignement religieux.

400.En Tunisie, le soutien à l’épanouissement culturel et spirituel de la communauté juive se manifeste à travers les subventions accordées par les collectivités publiques aux associations culturelles israélites.

401.De la même façon, les chrétiens qui sont en majorité des femmes occidentales vivant en Tunisie et ayant acquis la nationalité tunisienne par suite de leur mariage avec des Tunisiens, pratiquent librement leur culte dans les églises, parsemées sur le territoire national et gérées de façon libre et autonome. L’église est représentée par un prélat désigné par le Saint-Siège. L’article premier du décret n° 64-245 du 23 juillet 1964, portant publication de l’accord conclu entre le Gouvernement de la République tunisienne et le Saint-Siège stipule que «le gouvernement de la République tunisienne protège le libre exercice du culte catholique en Tunisie conformément aux dispositions de l’article 5 de la Constitution tunisienne du 1er juin 1959».

402.La Tunisie, pays de grande civilisation et d’histoire millénaire, dispose d’un référentiel identitaire profond et homogène. La préservation et la consolidation de ce référentiel constituent un axe stratégique prioritaire dans sa politique culturelle. Ce choix n’est pas contradictoire avec l’impératif tout aussi vital d’ouverture sur les autres cultures, de respect de la différence, de dialogue et d’échange avec les autres peuples et le bannissement de toute forme d’intolérance et de chauvinisme culturels.

403.L’organisation en Tunisie, au cours de l’année 1995 de la Conférence internationale sur la tolérance en Méditerranée sous l’égide de l’UNESCO et la déclaration qui en est issue, baptisée «Déclaration de Carthage», consacrent l’engagement indéfectible de la Tunisie en faveur du respect de ces principes.

404.Les médias tunisiens (chaînes de télévision, radio et presse écrite) jouent un rôle important dans la diffusion auprès du public des valeurs de non-discrimination, de tolérance, d’ouverture et de respect de la différence.

405.La Chaire Ben Ali pour le dialogue entre les civilisations et les religions, créée en novembre 2001, a organisé plusieurs colloques, séminaires et tables rondes. On peut en citer à titre indicatif:

«Le dialogue des civilisations en Méditerranée» du 3 janvier 2002, (SEBASTIANO MAFFETONE),

«Les Bâtisseurs de la civilisation en Méditerranée» du 23 janvier 2002,

«Islam et Droit» du 5 avril 2002,

«La tolérance en Tunisie: de Carthage à Kairouan» du 30 juillet 2002,

«La Chaire BEN ALI pour le dialogue des civilisations et des religions: principes référentiels et objectifs» du 20 novembre 2002,

«Tunisie, terre de rencontre et carrefour des civilisations» du 7 octobre 2002,

«La rencontre des trois grandes religions Abrahamiques à Jérusalem AL-QODS. Quel passé? Quel avenir?» du 9 octobre 2002, (Père Michèle LELONG),

«La tolérance pour le rapprochement et la solidarité entre les peuples» des 9‑10 décembre 2002, (Colloque international),

«Carthage et sa civilisation» du 22 janvier 2003,

«Tunisie 3000 ans d’art et d’histoire» du 7 février 2003,

«Dialogue des cultures» du 28 avril 2003,

«Islam et chrétienté au siècle Haroun El Rachid et de Charlemagne» du 9 mai 2003,

«La Tunisie, diversité culturelle et valeurs» du 15 septembre 2003,

«Pour une culture de la paix» du 21 septembre 2003, (Table ronde),

«Le dialogue des civilisations dans la pensée du Président Ben Ali» des 8-9 octobre 2003,

«Pour un dialogue interreligieux» des 17-18 octobre 2003,

«La Tunisie, terre d’accueil et de rencontre des civilisations» du 23 octobre 2003,

«Islam et christianisme pour construire le vivre ensemble» des 17, 18, 19 février 2004, (colloque international).

«Que faire pour la paix et la tolérance entre les peuples?» du 17 mars 2005,

«La connaissance de l’autre comment? Pourquoi?» du 25 avril 2005,

«Pour un dialogue entre les religions abrahamiques» du 9 mars 2005,

«Tolérance ou acceptation de l’autre» du 5 mai 2005,

«Le dialogue interreligieux aujourd’hui» du 15 mai 2005,

«La Solidarité dans le monde: l’approche de la Tunisie» du 25 juin 2005, (Symposium Euro-Méditerranéen).

XXVIII. CONCLUSION

406.Ce rapport reflète une période cruciale dans la vie du pays et présente quelques retours en arrière et quelques pistes pour l’avenir. Fruit d’une collaboration avec des représentants de la société civile, il décrit le plus objectivement possible les initiatives et mesures accomplies en matière de protection et de promotion des droits civils et politiques et a pour ambition de mieux faire connaître les acquis qui ont engagé la Tunisie sur un chemin sûr, mais parsemé de difficultés et porteur d’avenir. La route est encore longue, mais elle est bien tracée.

407.Le propre du cheminement tunisien en matière de protection et de promotion des droits civils et politiques est d’opérer une dialectique créatrice entre la démocratie participative, l’entrée en application des droits de l’homme et la consolidation des fondements de l’état de droit. L’objectif est d’instituer une démocratie pluraliste dans laquelle ne s’opposent pas les fanatismes d’appartenance mais les opinions et les programmes. Il s’agit de construire une démocratie participative entre des citoyens responsables et des partis mûrs, dont le rôle est de trouver de nouvelles idées pour la Tunisie, présenter des solutions de rechange et encadrer les électeurs pour sauvegarder les intérêts du pays.

408. L’ambition de la Tunisie en matière de promotion et de protection des droits de l’homme se fonde sur des constantes historiques, sociales, politiques et culturelles dont découle un choix authentique, dynamique et ouvert sur l’avenir. C’est pourquoi, la Tunisie a tout mis en œuvre pour le respect de l’humanisme, du pluralisme et du droit à la différence. Cela implique de sanctionner tout agissement discriminatoire, quels qu’en soient le prétexte et le contexte, toute provocation à la haine ou la violence, toute forme de diffamation et d’injure. C’est ainsi qu’on peut concevoir une «société pour l’homme, par l’homme» et lutter ensemble pour la réalisation de cet objectif.

409. La culture des droits de l’homme conduit à un nouveau jalon décisif sur la voie de la concrétisation des acquis juridiques. Non pour émousser le combat pour les droits de l’homme, mais pour lui permettre de mieux se déployer dans les consciences et dans les actes au nom du principe même de toute civilisation moderne: l’homme ne peut pas être considéré comme un moyen, mais toujours comme une fin. Tout être humain a des droits inaliénables. Mais aucun de ces droits n’est jamais définitivement acquis; ils supposent efforts de lucidité, de responsabilité, de solidarité pour les percevoir, les conquérir et les exercer. En effet, la mise en œuvre concrète et continue de ce besoin fait de la culture des droits de l’homme un impératif, qui ne peut progresser que dans le respect des uns et des autres: respect de la dignité, de l’identité, du droit à la différence dans une société ouverte et tolérante où chacun a droit à une vie tranquille et sûre, tout en assumant les devoirs qu’implique la vie en commun.

410.Certes, toutes les initiatives et mesures visant la protection et la promotion des droits civils et politiques ont été bénéfiques, grâce à une volonté politique affirmée sans cesse et à l’implication de la société civile. Mais il demeure nécessaire de poursuivre ces efforts car le processus du développement humain n’est jamais achevé.

411.Toute mise à niveau du discours et de la pratique politique va de pair avec l’impulsion d’une démocratie participative, de plus en plus efficace. Certes, cette forme évoluée de démocratie nécessite, en plus de la volonté politique, beaucoup de temps pour s’enraciner dans les mentalités et les traditions, germer et s’épanouir. Elle n’est sûrement concevable que dans le cadre de l’état de droit et en rapport direct avec la protection des droits de l’homme, car il n’y a pas d’état de droit sans prééminence des droits de l’homme, comme il n’y a pas de droits de l’homme en marge de l’état de droit. La démarche tunisienne est certes progressive, mais elle est déterminée, irréversible et prometteuse.

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