Nations Unies

CRC/C/TUN/CO/3

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

16 juin 2010

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Cinquante- quatr ième session25 mai-11 juin 2010

Examen des rapports soumis par les États partiesen application de l’article 44 de la Convention

Observations finales du Comité des droits de l’enfant: Tunisie

1.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de la Tunisie (CRC/C/TUN/3) à ses 1529e et 1531e séances, tenues le 4 juin 2010, et a adopté, à sa 1541e séance, tenue le 11 juin 2010, les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite de la présentation du troisième rapport périodique de l’État partie, élaboré en se conformant aux directives du Comité relatives à l’établissement des rapports. Il se félicite aussi des réponses détaillées à sa liste de points à traiter (CRC/C/TUN/Q/3/Add.1), ainsi que du dialogue fécond engagé avec la délégation multisectorielle, qui ont permis de mieux comprendre la situation des enfants dans l’État partie.

B.Mesures de suivi adoptées et progrès accomplis par l’État partie

3.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a retiré sa déclaration et ses réserves relatives à l’article 2 de la Convention concernant le statut personnel, s’agissant notamment du mariage et des droits de succession, et à l’article 7 concernant la nationalité.

4.Le Comité salue l’adoption de:

a)La loi no 2007-32 de mai 2007 unifiant l’âge minimum du mariage des filles et des garçons et le fixant à 18 ans pour les deux sexes;

b)La loi no 2005-32 d’avril 2005 fixant l’âge d’admission des enfants au travail domestique à 16 ans au lieu de 14 ans (et à 18 ans pour certains travaux);

c)La loi no 2005-83 d’août 2005 vis ant à garantir l ’ égalité des chances pour les personnes handicapées, notamment en matière d ’ accès à l ’ éducation, à la formation professionnelle et à l ’ emploi, et à les protéger contre toutes les formes de discrimination;

d)La loi no 51 de juillet 2003 complétant la loi n° 98-75 du 28 octobre 1998 relative à l’octroi d’un nom patronymique aux enfants abandonnés ou de filiation inconnue.

5.Le Comité salue également la ratification par l’État partie des instruments suivants:

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 2 janvier 2003;

b)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le 13 septembre 2002;

c)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif, le 2 avril 2008;

d)Le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 23 septembre 2008;

e)La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en juin 2003, le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en juillet 2003, et le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en juillet 2003;

f)Le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, en août 2008.

6.Le Comité salue en outre:

a)L’adoption, en mai 2002, du Plan national d’action en faveur des enfants (2002-2011);

b)La création de l’institution du Délégué général à la protection de l’enfance chargé de superviser et de coordonner les activités des délégués à la protection de l’enfance, de les évaluer et de participer au développement de leurs capacités;

c)Le fait qu’en 2006 le Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales a été habilité à recevoir des requêtes de citoyens et que la liste des organismes que le Comité supérieur est habilité à visiter a été étendue aux«organismes sociaux chargés des personnes ayant des besoins spécifiques».

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1.Mesures d’application générales (art. 4, 42 et 44 (par. 6) de la Convention)

Recommandations précédentes du Comité

7.Le Comité prend acte avec satisfaction des efforts déployés par l’État partie pour donner suite aux observations finales concernant son deuxième rapport périodique (CRC/C/15/Add.181) formulées par le Comité en 2002. Néanmoins, le Comité regrette que certaines de ses préoccupations et recommandations aient été insuffisamment mises en œuvre ou en partie seulement.

8. L e Comité renvoie l ’ État partie à son O bservation générale n o 5 (2003) sur les mesures d ’ application générales de la Convention relative aux droits de l ’ enfant et lui recommande de prendre toutes les mesures requises pour donner suite a ux recommandations figurant dans les o bservations finales sur le deuxième rapport périodique qui n ’ ont pas encore été mises en œuvre ou in suffisamment, dont celles concernant les châtiments corporels (CRC/C/15/Add.181, par. 34), le droit à la liberté d ’ expression et de réunion pacifique (par. 28), le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (par. 30), le droit de ne pas être soumis à la torture et à d’ autres traitements cruels, inhumains ou dégradants (par. 32), la collecte de données, en particulier sur la maltraitance et la négligence (par. 34), et l ’ exploitation économique et sexuelle des enfants (par. 42 et 44). Le Comité recommande également à l ’ État partie de donner une suite adéquat e aux recommandations contenues dans les présentes observations finales sur son troisième rapport périodique.

Législation

9.Le Comité rend hommage à l’État partie pour la réforme législative d’envergure entreprise dans le domaine des droits de l’enfant, mais reste préoccupé par le fait que l’État partie n’a fourni aucune information sur la mise en œuvre effective de cette législation et son impact sur les enfants.

10. Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer l ’ application de sa législation interne et de procéder à une évaluation de son impact direct sur les droits de l ’ enfant.

Coordination

11.Le Comité prend note des mesures positives prises par l’État partie en vue d’accroître l’efficacité du Conseil supérieur pour l’enfance en tant que mécanisme de coordination. Le Comité se félicite en particulier de la création, en 2006, de la Commission chargée de renforcer l’efficience et l’efficacité de la coordination entre le gouvernement central et les gouvernorats, comme le Comité l’avait recommandé dans ses précédentes observations finales (CRC/C/15/Add.181, par. 13). Néanmoins, le Comité reste préoccupé par le manque de coordination entre les différents secteurs de la protection de l’enfance et l’absence d’une vision globale de la structure du système de protection de l’enfance.

12. Le Comité encourage l ’ État partie à poursuivre les efforts qu’il déploie pour faire en sorte que le Conseil supérieur de l ’ enfance coordonne, suive et évalue avec efficac ité la réalisation des droits de l ’ enfant. Le Comité réitère sa précédente recommandation à l ’ État partie l ’ appelant à poursuivre ses efforts visant à renforcer la coordination entre le gouvernement central et les gouvernorats. Il encourage en outre l ’ État partie à évaluer et rationaliser le système de protection de l ’ enfance et à assurer une meilleure coordination entre les différents secteurs d ’ intervention en relation avec les enfants à tous les niveaux.

Suivi indépendant

13.Le Comité se félicite de la consolidation du rôle et des prérogatives du Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales depuis 2006 et des mesures prises par l’État partie pour obtenir son accréditation auprès du Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme. Le Comité est néanmoins préoccupé par le manque de renseignements détaillés sur l’indépendance, l’efficacité et le mandat du Comité supérieur en ce qui concerne les droits des enfants, ainsi que sur les visites qu’il est habilité à effectuer dans les lieux de privation de liberté.

14. Le Comité recommande de doter le Comité supérieur des droits de l ’ homme et des libertés fondamentales d’ une unité spéciale pour les enfants ayant pour mission de surveiller et d ’ évaluer les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la Convention, y compris par le secteur privé et les organisations non gouvernementales (ONG) en tant que prestataires de services aux enfants. Il recommande en outre d’assurer dans la pratique la pleine indépendance du Comité supérieur des droits de l ’ homme et des libertés fondamentales et de l’ habilit er à recevoir, instruire et traiter d ’ une manière respectueuse des enfants les plaintes relatives à des violations des droits de l ’ enfant. Le Comité recommande en outre que l ’ État partie en sollicite r apidement l’accréditation auprès du Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme. Le Comité attire l ’ attention de l ’ État partie sur son Observation générale n o 2 (2002) concernant l e rôle des institutions nationales indépendantes de droits de l ’ homme dans la promotion et la protection des droits de l ’ enfant.

Allocation de ressources

15.Tout en notant avec satisfaction que l’enveloppe budgétaire de l’enfance a augmenté ces dernières années, le Comité reste préoccupé par le manque de clarté quant aux ressources affectées et dépensées par les différents départements ministériels qui s’occupent des enfants. Il note aussi avec préoccupation que la crise économique pourrait avoir un impact négatif sur les allocations budgétaires destinées aux enfants.

16. Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer à donner la priorité aux allocations budgétaires destinées aux enfants aux niveaux national et local. Il recommande aussi à l ’ État partie de définir plus précisément la dotation budgétaire de tous les ministères concernés par les enfants et de fournir des informations à ce sujet afin de permettre de déterminer exactement à quel point l ’ État partie s ’ acquitte de son obligation découlant de l ’ article 4 de la Convention. L e Comité recommande en outre que le Plan national d ’ action soit doté d ’ un mécanisme opérationnel, y compris un budget ventilé par composante et pleinement intégré dans le budget national.

Collecte de données

17.Le Comité note avec satisfaction le grand rôle que joue depuis 2002 l’Observatoire d’information, de formation, de documentation et d’études sur la protection des droits de l’enfant (l’Observatoire) en servant de système national de collecte de données, en élaborant chaque année un rapport national sur la situation de l’enfant en Tunisie et en promouvant une culture des droits des enfants. Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’Observatoire en vue d’améliorer la base de données ChildInfo, qui regroupe des indicateurs pertinents en matière d’enfance, de faciliter l’accès aux données recueillies et de collaborer plus étroitement avec les ministères concernés afin d’améliorer la collecte des données. Le Comité regrette toutefois que les rapports annuels soient essentiellement descriptifs et que la disponibilité, la pertinence, l’accessibilité et le partage des données aux niveaux national, régional et local demeurent un défi permanent, en particulier dans le domaine de la protection de l’enfance.

18. Le Comité recommande que le rapport annuel sur la situation de l ’ enfant en Tunisie s oit utilisé pour évaluer analytique ment tant les réalisations et progrès que les contraintes et défis. Il encourage l ’ État partie à continuer de renforcer son système de statistiques, avec l ’ appui de ses partenaires, et à se fonder sur les données recueillies et analysées pour déterminer les progrès accomplis dans la réalisation des droits de l ’ enfant et aider à définir des politiques tendant à donner effet à la Convention. Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre ses travaux concernant le développement de nouveaux indicateurs, les mécanismes de collecte, la surveillance et la ventilation des données afin de permettre une analyse ciblée et pertinente de la situation des enfants en Tunisie. L ’ État partie devrait veiller à ce que dans l ’ information recueillie figurent des données à jour sur les enfants vivant en milieu rural, les enfants handicapés, les enfants vivant dans la pauvreté, les enfants des rues, les enfants travailleurs , les enfants victimes d ’ exploitation et d ’ abus sexuels et les autres enfants vulnérables.

Coopération avec la société civile

19.Le Comité note que dans son rapport l’État partie indique que ce document a été élaboré à partir d’une approche participative impliquant la société civile. Le Comité constate toutefois avec préoccupation que les ONG critiques à l’égard des politiques de l’État se heurtent à des obstacles entravant leur participation aux phases élaboration des politiques, planification et budgétisation des programmes publics. Le Comité est très préoccupé par les informations faisant état de harcèlement, de persécution, d’arrestations et de détentions arbitraires et d’autres violations des droits de l’homme envers des défenseurs des droits de l’homme, ainsi que de restrictions imposées aux activités de certaines ONG. Il exprime sa vive préoccupation face au nouveau projet de loi modifiant l’article 61 du Code pénal qui, s’il était adopté, pourrait avoir un impact négatif sur la coopération entre les organismes internationaux et régionaux des droits de l’homme et les ONG actives dans le domaine des droits de l’homme, en particulier des droits de l’enfant.

20. Le Comité engage l ’ État partie à prendre toutes les mesures requises pour faire cesser immédiatement le harcèlement et la persécution des défenseurs des droits de l ’ homme et les protéger contre ces pratiques, ainsi qu ’ à libérer toutes les personnes détenues au motif de leurs activités en faveur des droits de l ’ homme, y compris des droits de l ’ enfant. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de retirer le projet de loi modifiant l ’ article 61 du Code pénal et de réexaminer sans tarder les lois, règlements et pratiques administratives en vue de faciliter les activités des ONG. Il recommande de plus que toutes les ONG, dont les organisations d ’ enfants et les ONG indépendantes, soient systématiquement associé e s à tous les stades de la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant.

2.Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12 de la Convention)

Non-discrimination

21.Comme dans ses précédentes observations finales (CRC/C/15/Add.181, par. 22), le Comité note avec préoccupation que le principe de non-discrimination (art. 2) n’occupe pas une place suffisante dans le Code de la protection de l’enfant et que dans la pratique le cadre juridique contre la discrimination envers les enfants n’est pas appliqué pleinement pour certains groupes.

22. Sa recommandation antérieure étant restée sans suite, le Comité recommande à l ’ État partie, comme en 2002 (CRC/C/15/Add.181, par. 23 a)), de mener à tous les niveaux des actions concertées pour éliminer la discrimination, notamment la discrimination fondée sur les activités politiques ou de défense des droits de l ’ homme, les opinions exprimées ou les convictions des enfants ou de leurs parents, de leurs responsables légaux ou de membres de leur famille, la discrimination envers les handicapés et la discrimination fondée sur l ’ origine nationale, ethnique ou sociale, en procédant à un examen et à une réorientation de ses politiques, notamment en augmentant les crédits budgétaires alloués aux programmes en faveur des groupes les plus vulnérables .

23.Le Comité note que l’État partie a grandement progressé dans la lutte contre la pauvreté et s’emploie à éliminer les disparités et à promouvoir l’égalité des chances pour tous les enfants en menant des programmes sociaux d’accompagnement de la croissance économique. Il se félicite du projet triennal (2009-2011) visant à améliorer les chiffres de l’emploi des jeunes dans la plupart des régions défavorisées. Il reste toutefois préoccupé par les disparités en termes d’accessibilité et de disponibilité des services pour les enfants entre les différentes régions et entre communautés urbaines et rurales. Ces disparités, qu’illustre une série d’indicateurs démographiques et sociaux, sont telles que les buts des objectifs du Millénaire pour le développement risquent de ne pas être atteints à l’échelon régional.

24. Le Comité appelle l ’ État partie à poursuivre sa lutte contre la pauvreté et la vulnérabilité des ménages et à continuer de donner la priorité à l ’ investissement dans l ’ enfance. Il réitère sa recommandation antérieure (CRC/C/15/Add.181, par. 23 b)) et engage l ’ État partie à procéder plus avant à la décentralisation appropriée des ressources budgétaires vers les zones les plus défavorisé e s et à renforcer ses actions visant à assurer l ’ égalité en matière d ’ accessibilité et de disponibilité des services pour tous les enfants − où qu ’ ils vivent.

25.Le Comité se félicite des informations fournies sur les mesures prises, conformément à ses recommandations précédentes, pour remédier à la discrimination envers les enfants nés hors mariage, mais il reste préoccupé par la persistance de la discrimination envers les enfants nés hors mariage ainsi qu’envers les mères célibataires du fait d’attitudes sociales négatives qui nuisent à ces enfants comme l’attestent, entre autres, un taux élevé d’abandon et les cas d’infanticide d’enfant né hors mariage.

26. Le Comité engage l ’ État partie à mener des campagnes de sensibilisation contre la discrimination visant les enfants nés hors mariage et les mères célibataires et à faire en sorte que les mères célibataires bénéficient d ’ une aide psychosociale et financière adaptée.

27.Tout en se félicitant du retrait de la réserve de l’État partie à l’article 2 de la Convention concernant le statut personnel, le Comité demeure préoccupé par le fait que le Code du statut personnel tolère encore une discrimination en matière d’héritage envers les femmes et les filles. Le Comité note aussi avec inquiétude que la loi ne pose pas clairement le droit de l’enfant adopté et de l’enfant né hors mariage à la succession ou à l’héritage.

28. Le Comité engage l ’ État partie à revoir sa législation interne pour en éliminer les dispositions discriminatoires quant aux droits des filles en matière successorale, conformément à l ’ article 2 de la Convention relative aux droits de l ’ enfant et à la Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes. Il recommande en outre de modifier la législation nationale en vue de garantir expressément à l ’ enfant adopté et à l ’ enfant né hors mariage le bénéfice des mêmes droits que l ’ enfant né dans le mariage en matière d ’ héritage.

29. Le Comité demande que dans le prochain rapport périodique figurent des informations précises sur les mesures et programmes se rapportant à la Convention relative aux droits de l ’ enfant que l ’ État partie aura mis en œuvre pour donner suite à la Déclaration et au Programme d ’ action de Durban adoptés lors de la Conférence mondiale de 2001 contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l ’ intolérance qui y est associée, ainsi que sur les mesures prises pour donner suite au document final adopté lors de la Conférence d ’ examen de Durban en 2009, en tenant compt e de son Observation générale n o 1 (2001) concernant les buts de l ’ éducation.

Intérêt supérieur de l’enfant

30.Le Comité note avec satisfaction que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant est intégré dans la législation de l’État partie, notamment dans l’article 4 du Code de la protection de l’enfant, et est en général appliqué dans les décisions touchant les enfants que prennent les autorités législatives, judiciaires et administratives de l’État partie. Le Comité note toutefois avec inquiétude qu’aux termes de l’article 58 du Code du statut personnel, le titulaire du droit de garde de sexe féminin doit être non marié et que le titulaire du droit de garde de sexe masculin doit avoir à sa disposition une femme qui assure les charges de la garde, ce qui pourrait être incompatible avec le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant.

31. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures propres à assurer l ’ intégration adéquate du principe de l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant dans toutes les dispositions juridiques et sa mise en pratique dans les décisions judiciaires et administratives et dans les programmes, projets et services ayant un impact sur les enfants, conformément à l ’ article 3 de la Convention.

Respect des opinions de l’enfant

32.Le Comité se félicite de la création du Parlement de l’enfant et du Parlement des jeunes, ainsi que de conseils municipaux pour enfants au niveau local, mais note avec regret qu’en dépit de ces efforts la participation des enfants à la vie publique et leurs possibilités de participation active à la définition des priorités et à la mise en œuvre et à l’évaluation des programmes sont assez limitées. Le Comité regrette aussi que les conseils municipaux pour enfants ne concernent que les enfants des zones urbaines. Le Comité s’inquiète de ce que les opinions des enfants ne sont pas toujours suffisamment prises en considération dans les affaires touchant à l’administration scolaire et à l’enseignement en classe, dans les débats publics et dans la famille, ainsi que dans les procédures administratives et judiciaires.

33. Le Comité recommande à l ’ État partie de définir et mettre en place des mécanismes et directives clairs concernant les modalités de prise en considération , par les organes chargés d ’ élaborer les politiques , des opinions que les enfants expriment au Parlement de l ’ enfant, au Parlement des jeunes et dans les conseils municipaux pour enfants, et de faire en sorte que les enfants reçoivent des réponses adéquates à leurs propositions. Le Comité recommande en outre d ’ instituer de tels conseils dans les zones rurales également. Il recommande à l ’ État partie, conformément à l ’ article 12 de la Convention, d ’ intégrer, de faciliter et de mettre en pratique le principe du respect des opinions de l ’ enfant dans la famille, à l ’ école et dans la communauté, ainsi que dans les institutions et dans les procédures administratives et judiciaires. Le Comité appelle de plus l ’ attention de l ’ État partie sur son Observation générale n o 12 (2009) concernant le droit de l ’ enfant d ’ être entendu.

3.Droits et libertés civils (art. 7, 8, 13 à 17, 19 et 37 a) de la Convention)

Liberté d’expression et de réunion pacifique

34.Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas donné de suite à sa recommandation antérieure (CRC/C/15/Add.181, par. 28) relative au droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique et s’inquiète donc à nouveau de ce que les droits de l’enfant à la liberté d’expression, y compris le droit de recevoir de l’information, et à la liberté d’association et de réunion pacifique ne soient pas pleinement garantis dans la pratique.

35. Le Comité réitère sa précédente recommandation (CRC/C/15/Add.181, par. 28) appelant l ’ État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la pleine application pratique des droits à la liberté d ’ expression et à la liberté d ’ association et de réunion pacifique, conformément aux articles 13 et 15 de la Convention.

Liberté de pensée, de conscience et de religion

36.Le Comité note que l’article 5 de la Constitution garantit l’inviolabilité de la liberté de conscience et protège la liberté de culte, sous réserve qu’il ne trouble pas l’ordre public, mais il reste préoccupé par la réglementation interdisant le port du foulard islamique (hijab) par les femmes et les filles dans les administrations publiques, les écoles et universités.

37. Le Comité regrette d ’ avoir à réitérer la recommandation adressée à l ’ État partie en 2002 (CRC/C/15/Add.181, par. 30) l ’ appelant à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la pleine application du droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion.

Torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants

38.Le Comité note avec satisfaction qu’en 2005 les autorités tunisiennes et le Comité international de la Croix-Rouge ont conclu un accord autorisant ce dernier à effectuer des visites dans tous les établissements pénitentiaires et lieux de garde à vue. Le Comité s’inquiète toutefois vivement des violations du droit de l’enfant de ne pas être soumis à la torture ou à d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants qui, selon certaines allégations, auraient été commises depuis l’adoption de ses dernières observations finales, au mépris de ses précédentes recommandations (CRC/C/15/Add.181, par. 32), et de l’impunité persistante des auteurs de tels crimes. Le Comité note avec alarme que les enfants des défenseurs des droits de l’homme et des opposants politiques semblent particulièrement ciblés. Le Comité note aussi avec alarme que le fait que la victime d’actes de tortures ou d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants est un enfant ne constitue pas une circonstance aggravante, la même peine étant donc encourue que la victime soit un enfant ou un adulte.

39. Eu égard à l ’ article 37 a) de la Convention, le Comité engage l ’ État partie à prendre toutes les mesures requises pour protéger les enfants contre toutes les formes de torture ou d ’ autres traitements cruels, inhumains ou dégradants dans tous les milieux, les prévenir et les interdire. Il recommande à l ’ État partie d ’ enquêter sur les allégations de torture et de mauvais traitements sur enfant et de prendre toutes les mesures requises pour traduire les auteurs présumés en justice et éviter l ’ impunité. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de réviser sa législation de manière que le fait que la victime d ’ actes de torture ou d ’ autres traitements cruels, inhumains ou dégrada nts soit un enfant constitue une circonstance aggravante et que les peines soient proportionnées à la gravité du crime.

Châtiments corporels

40.Tout en notant avec satisfaction qu’un projet de loi modifiant l’article 339 du Code pénal est en cours d’examen, le Comité relève avec inquiétude qu’en vertu de ce texte «la correction infligée à un enfant par les personnes ayant autorité sur lui n’est pas punissable». Le Comité relève aussi avec inquiétude que les châtiments corporels demeurent légaux dans la famille et dans le cadre de la protection de remplacement et qu’au mépris du Règlement intérieur édicté par le Ministère de l’éducation, interdisant les châtiments corporels, des enseignants continuent à administrer de tels châtiments à des enfants partout dans l’État partie. Le Comité constate en outre avec inquiétude que le champ de la disposition interdisant le «mauvais traitement habituel» des enfants est bien plus étroit que celui des châtiments corporels au sens du Comité. Il regrette l’insuffisance de l’action d’information et de sensibilisation concernant la violence familiale et ses effets néfastes sur les enfants.

41. Rappelant sa recommandation antérieure (CRC/C/15/Add.181, par. 34), le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur l ’Observation générale n o 8 (2006) concernant le droit de l ’ enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments, aux termes de laquelle éliminer les châtiments violents et humiliants à l ’ encontre des enfants est une obligation immédiate et inconditionnelle des États parties. Le Comité engage donc l ’ État partie à:

a) Modifier le Code pénal en vue d ’ interdire expressément par la voie légale toutes les formes de châtiments corporels dans tous les cadres et veiller à ce que la loi soit effectivement appliquée et que les auteurs de mauvais traitements sur enfant fassent systématiquement l ’ objet de poursuites judiciaires;

b) Modifier la définition de «mauvais traitement habituel» pour l ’ aligner sur la définition des châtiments corporels et autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments figurant dans l ’Observation générale n o 8 (2006) du Comité;

c) Réaliser une étude approfondie vissant à déterminer les causes, la nature et l ’ ampleur des châtiments corporels dans l ’ État partie et concevoir des politiques et des programmes propres à y remédier;

d) Entreprendre des campagnes publique s d ’ éducation , de mobilisation et de sensibilisation sociale sur les effets néfastes des châtiments corporels et de la violence familiale en vue d ’ infléchir l ’ attitude générale envers cette pratique et de promouvoir un e approche et des valeurs positives, non violentes et participatives en matière de prise en charge et d ’ éducation des enfants.

Suivi de l’Étude des Nations Unies sur la violence contre les enfants

42. Le Comité encourage l ’ État partie à accorder la priorité à l ’ élimination de toutes les formes de violence contre les enfants. Se référant à l ’ Étude des Nations Unies sur la violence contre les enfants, le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De faire tout le nécessaire pour donner suite aux recommandations issues de la Consultation régionale pour le Moyen-Orient et l ’ Afrique du Nord, tenue au Caire du 27 au 29 juin 2005, et de la Consultation régionale de suivi, tenue au Caire du 25 au 28 mars 2006. Le Comité recommande en particulier, à l ’ État partie d ’ être très attentif aux recommandations suivantes:

i) Interdire toutes les formes de violence contre les enfants;

ii) Renforcer les capacités de toutes les p ersonnes travaillant avec et pour les enfants;

iii) S ’ attaquer à la dimension genre de la violence contre les enfants;

b) De faire des recommandations formulées dans l ’ Étude un outil pour agir en partenariat avec la société civile et, en particulier, de veiller, avec la participation des enfants, à protéger tous les enfants contre toutes les formes de violence − physique, sexuelle et psychologique − et d ’ impulser des actions concrètes à échéances précises visant à prévenir la violence et la maltraitance et à y faire face;

c) De solliciter l ’ assistance technique de la Représentante spéciale du Secrétaire général sur la violence contre les enfants, du Fonds des Nations Unies pour l ’ enfance (UNICEF), du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme et de l ’ Organisation mondiale de la s anté.

4.Milieu familial et protection de remplacement (art. 5, 18 (par. 1 et 2), 9 à 11, 19 à 21, 25, 27 (par. 4) et 39 de la Convention)

Milieu familial et soutien parental

43.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie afin de faciliter l’établissement de la filiation paternelle des enfants nés hors mariage, mais est préoccupé par la forte proportion d’enfants nés hors mariage qui sont placés en institution du fait de la situation précaire, de la stigmatisation et de la discrimination sociale auxquelles les mères célibataires sont exposées. Le Comité note avec une vive inquiétude que le Code de la protection de l’enfant ne prévoit pas de mécanismes propres à garantir un soutien familial et parental aux mères célibataires et le recouvrement de la pension alimentaire auprès du père ou des autres personnes ayant une responsabilité financière à l’égard de l’enfant.

44. Le Comité engage l ’ État partie à:

a) Prendre les mesures, y compris législatives, nécessaires pour assurer, dans la mesure du possible, l ’ entretien de l ’ enfant né hors mariage par ses parents, en particulier le père, ou d ’ autres personnes ayant une responsabilité financière à l ’ égard de l ’ enfant, conformément au paragraphe 4 de l ’ article 27 de la Convention;

b) Garantir une protection et des services sociaux efficace s aux familles les plus vulnérables et veiller à ce que les régimes de protection sociale donnent la priorité aux femmes chefs de famille;

c) Mener des actions d ’ information et de sensibilisation en vue d ’ éliminer la stigmatisation et la discrimination envers les mères célibataires.

Enfants privés de milieu familial

45.Tout en notant qu’une politique de désinstitutionalisation a été adoptée, le Comité constate avec préoccupation que ces dix dernières années le nombre total d’enfants placés en institution n’a pas affiché de tendance sensible à la baisse. Il s’inquiète vivement du nombre très élevé d’enfants nés hors mariage placés en institution, qui, en 2007, ont représenté quelque 35 % des enfants privés de soins parentaux placés en institution.

46. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De donner la priorité à la protection du milieu familial naturel et de veiller à ce que le retrait de la famille et le placement en famille d ’ accueil ou en institution ne soit utilisé qu ’ en dernier ressort si tel est l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant;

b) D ’ élaborer un plan d ’ action national aux fins de la mise en œuvre efficace de la politique de désinstitutionalisation selon un échéancier précis et d ’ assurer la mise en place de mécanismes en vue de sa bonne exécution et de son suivi;

c) De développer les services de protection de remplacement en mettant en place une réglementation, des normes minimales et des contrôles appropriés;

d) De garantir le droit de l ’ enfant d ’ être entendu à tous les stades de la procédure de protection de remplacement;

e) De prendre en considération les recommandations issues de la journée de débat général que le Comité a consacré e aux enfants s ans protection parentale, le 16  septembre 2005 (voir CRC/C/153);

f) D ’ envisager de ratifier la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d ’ adoption internationale (1993) afin d ’ éviter la vente d ’ enfants par le canal d ’ adoptions illégales.

Sévices et négligence

47.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption du Plan national d’action contre la violence envers les enfants et pour la promotion de la non-violence (2009-2012), de la création d’un système d’information sur l’enfance en danger, qui devrait permettre de ventiler les données recueillies par les agents de la protection de l’enfance, et de la réalisation d’une enquête sur la violence en milieu scolaire et d’une enquête sur la violence dans le milieu familial et social. Néanmoins, le Comité est préoccupé par ce qui suit:

a)La violence familiale et la maltraitance envers les enfants, y compris la violence sexuelle, constituent un problème répandu et croissant comme il ressort, entre autres, des chiffres issus de la dernière enquête par grappes à indicateurs multiples (MICS 3, 2006), selon lesquels 94 % des enfants de 2 à 14 ans sont victimes de violence verbale, physique ou psychologique dans leur milieu familial;

b)Les services de soutien physique et psychologique des victimes de violences sont insuffisants;

c)Le système de protection de l’enfance est dépourvu d’organe d’exécution et de procédures au sens des articles 19 et 39 de la Convention, notamment en matière de prévention, d’identification, de signalement, d’enquête, de traitement, de réinsertion sociale et de suivi;

d)On ne dispose pas de suffisamment de données ventilées pour surveiller et protéger les enfants victimes.

48. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De prendre toutes les mesures nécessaires afin de traiter et de prévenir la violence et la maltraitance envers les enfants;

b) De veiller à ce que des services adéquat s et appropriés de réadaptation et de réinsertion sociale soient fournis aux enfants et à leur famille dans toutes les régions du pays et à ce que les enfants sachent où obtenir une aide efficace;

c) De procéder en temps voulu à des enquêtes adéquates sur tous les cas de maltraitance et de violence, et de prendre des mesures et dispositions pour protéger les droits et intérêts des enfants victimes et témoins dans le processus de justice pénale, y compris en autorisant le recours à des enregistrements audiovisuels pour administrer la preuve;

d) D e consacrer une étude approfondie aux causes foncières , à la nature et à l ’ ampleur de la violence familiale, englobant les abus, la négligence et les mauvais traitements, et de développer des indicateurs spécifiques en vue de recueillir des données ventilées, notamment, par âge, sexe, origine ethnique et zone géographique.

5.Santé de base et bien-être (art. 6, 18 (par. 3), 23, 24, 26, 27 (par. 1 à 3) de la Convention)

Enfants handicapés

49.Le Comité félicite l’État partie d’avoir adopté la loi d’orientation du 15 août 2005 et réexaminé ultérieurement son cadre juridique. Le Comité note avec satisfaction que depuis l’introduction par l’État partie de mesures en faveur de la scolarisation des enfants handicapés dans les écoles ordinaires, le nombre d’élèves handicapés fréquentant ces écoles a plus que quadruplé. Toutefois, il constate avec préoccupation que la mise en œuvre de cette politique demeure trop lente par rapport aux objectifs fixés et que l’intégration des enfants handicapés dans les écoles ordinaires ne s’accompagne pas de campagnes de sensibilisation suffisantes et d’une formation appropriée des enseignants.

50. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De faire tout le nécessaire pour veiller à l ’ application de la législation qui garantit aux enfants handicapés protection et égalité d ’ accès à l ’ éducation, à la formation professionnelle, à l ’ emploi et à la vie sociale et publique, en tenant compte du genre;

b) De ne ménager aucun effort en vue de mettre à la disposition de tous les enfants handicapés des programmes appropriés et des services inclusifs et de veiller à ce que ces services soient dotés de ressources humaines et financières adéquates ;

c) De mener des programmes de sensibilisation en vue d ’ informer le public des droits et besoins des enfants handicapés et d ’ en favoriser l ’ intégration sociale;

d) De dispenser une formation aux professionnels travaillant avec des enfants handicapés, dont les enseignants, les travailleurs sociaux et le personnel médical et paramédical et connexe;

e) D’a ssurer la participation des enfants handicapés et de leur famille à la planification , au suivi et à l’ évaluation des politiques et des programmes;

f) De tenir compte de son O bservation générale n o 9 (2006) concernant les droits des enfants handicapés.

Santé et accès aux services de santé

51.Le Comité note que l’État partie s’emploie vigoureusement à mettre en œuvre sa politique de soins de santé primaires, notamment par le canal de plusieurs programmes nationaux, dont le Programme national de périnatalité, le Programme national de prise en charge intégrée de la mère et de l’enfant et la stratégie d’assurance de la qualité des services de santé de base. Néanmoins, le Comité est préoccupé par les taux relativement élevés de mortalité infantile et maternelle. Tout en prenant note de la stratégie élaborée par le Ministère de la santé publique ciblant les régions ayant des indicateurs de santé inférieurs à la moyenne nationale, il constate avec préoccupation que dans les zones rurales la mortalité infantile est deux fois plus élevée que dans les zones urbaines et que persiste une forte disparité entre zones rurales et zones urbaines en matière d’accès à des services de santé de qualité. Le Comité constate aussi avec préoccupation que la prévalence de l’allaitement maternel exclusif a fortement reculée entre 2000 (48 %) et 2006 (6 %).

52. Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer d ’ affecter à titre prioritaire des ressources financières et humaines au secteur de la santé pour assurer l ’ égalité d ’ accès à des services de santé de qualité à tous les enfants, dont les enfants vivant dans les régions les plus défavorisées et les zones reculées du pays. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts visant à réduire encore la mortalité infantile et maternelle, en particulier en privilégiant les mesures préventives et en généralisant des actions spécifiques propres à prévenir les principales causes de décès maternel. Il engage l ’ État partie à élaborer des stratégies et programmes visant à informer dans la durée les parents et les communautés des avantages que présente l ’ allaitement maternel.

S anté des adolescents

53.Le Comité note avec satisfaction que l’Office national de la famille et de la population a développé une stratégie d’information et d’éducation en vue de sensibiliser les adolescents à la santé mentale, à la santé reproductive et aux conduites à risque. Le Comité salue les mesures prises par l’État partie contre la consommation de tabac chez les enfants, dont la campagne nationale de lutte contre le tabagisme et la révision du cadre législatif, mais il constate avec préoccupation que, selon l’enquête mondiale sur le tabagisme des jeunes (2007), près d’un quart des adolescents de 13 à 15 ans ont déjà fumé une cigarette.

54. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les adolescents disposent d’informations sur la santé sexuelle et reproductive, y compris la planification familiale et les contraceptifs. Il recommande aussi que les adolescents non scolarisés et les adolescents des zones rurales ou reculées bénéficient de services de santé adaptés à l’enfance et des services de conseil confidentiels pour adolescents et tenant compte du genre. Le Comité recommande à l’État partie de fournir aux enfants des informations exactes et objectives sur l’usage de substances, y compris le tabagisme, de les protéger contre la désinformation en restreignant strictement la publicité pour le tabac. Il recommande de plus à l’État partie de développer les services de réadaptation pour enfants victimes d’abus de substances.

6.Éducation, loisirs et activités culturelles (art. 28, 29 et 31 de la Convention)

L ’ éducation, y compris la formation et l ’ orientation professionnelles

55.Le Comité salue les efforts d’envergure déployés par l’État partie afin d’accroître les taux de scolarisation dans le primaire et le secondaire, ainsi que de réduire les taux d’abandon et les disparités entre les régions et entre les milieux urbain et rural. Il accueille avec satisfaction le programme d’éducation prioritaire sur quatre ans (2001-2005) adopté au titre de la stratégie nationale de réduction des disparités entre les régions et entre les milieux urbain et rural. Il salue aussi les progrès accomplis tant en matière d’expansion de l’éducation préscolaire et des programmes d’alphabétisation des adultes que d’amélioration de l’accès aux technologies de l’information. Néanmoins, le Comité est préoccupé par:

a)Les taux d’abandon et de redoublement dans les premier et second cycles de l’éducation de base qui, même s’ils s’inscrivent en baisse, demeurent une gageure pour le système éducatif;

b)La persistance des disparités entre les régions et entre les milieux urbain et rural en matière d’éducation et de qualité des établissements d’enseignement;

c)Le fait que le taux d’inscription dans les structures éducatives pour la petite enfance reste faible et que beaucoup de familles pauvres et de familles vivant en milieu rural sont exclues de ces structures à cause du retrait progressif du secteur public au profit du secteur privé en tant que prestataires de services d’éducation préscolaire.

56. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De poursuivre et renforcer ses efforts visant à éliminer les disparités entre régions et entre milieux urbain et rural en matière d ’ éducation;

b) De p oursuivre et renforcer sa politique visant à prévenir l ’abandon scolaire et le redoublement et d e réaliser une étude sur les raisons de l’échec scolaire et l es relations e ntre les taux d ’ abandon et la pertinence du matériel éducatif et des méthodes d ’ enseignement;

c) De renforcer la coordination des services éducatifs et sociaux et d ’ instituer un mécanisme d ’ alerte précoce permettant de réintégrer les enfants déscolarisés à temps dans une école ou une autre structure éducative répondant à leurs besoins spéciaux en matière d ’ éducation et d ’ apprentissage;

d) D ’amplifier la formation professionnelle dans les écoles secondaires et les programmes de formation professionnelle et d ’ apprentissage au stade de la transition entre l ’ école à l ’ emploi;

e) D ’ encourager la participation des enfants à tous les niveaux du système éducatif et de veiller à ce qu ’ ils puissent librement discuter, participer et exprimer des opinions et avis sur toutes les questions les concernant;

f) D’assurer à c haque enfant l’ accès à une structure éducative de la petite enfance dotée d’ enseignants qualifiés et de sensibilis er et intéresser les parents aux établissements préscolaires et aux possibilités d ’ apprentissage précoce;

g) De faire une place aux droits de l ’ homme et aux droits de l ’ enfant dans les programmes des écoles à tous les niveaux;

h) De tenir compte de son O bservation générale n o 1 (2001) sur les buts de l ’ éducation et de son O bservation générale n o 7 (2005) sur la mise en œuvre des droits de l ’ enfant dans la petite enfance.

7.Mesures de protection spéciales (art. 22, 38, 39, 40, 37 b) et d), 30 et 32 à 36 de la Convention)

Exploitation économique, notamment le travail des enfants

57.Le Comité accueille avec satisfaction l’amendement législatif de 2005 et le Programme national de lutte contre l’exploitation économique des jeunes filles employées comme domestiques. Le Comité réitère la préoccupation exprimée dans ses précédentes observations finales (CRC/C/15/Add.181, par. 41) au sujet du manque de données précises et d’évaluation des activités concernant le travail des enfants dans l’État partie.

58. Le Comité réitère ses précédentes recommandations (CRC/C/15/Add.181 , par.  42) appelant l ’ État partie à faire tout le nécessaire pour prévenir et combattre avec efficacité le travail des enfants et à rendre compte dans son prochain rapport périodique de la nature et de l ’ ampleur du travail des enfants ainsi que des mesures prises en vue d ’ appliquer les conventions de l ’ Organisation internationale du Travail (OIT) n o 138 de 1973, sur l ’ âge minimum d ’ admission à l ’ emploi, et n o 182 de 1999, concernant l ’ interdiction des pires formes de travail des enfants et l ’ action en vue de leur élimination immédiate.

Enfants des rues

59.Le Comité relève avec inquiétude qu’en 2008 35 % des affaires signalées aux délégués régionaux à la protection de l’enfance étaient des cas de négligence et de vagabondage. Face à l’ampleur de ce phénomène, le Comité s’inquiète de l’inexistence apparente de mesures de protection appropriées et de l’absence dans le rapport de l’État partie d’informations et de données précises sur la situation des enfants des rues.

60. Le Comité recommande donc à l ’ État partie:

a) De procéder à l’ examen systématique de la situation des enfants des rues afin de dresser un tableau précis des causes foncières et de l ’ ampleur du phénomène;

b) D ’ élaborer et d’exécuter , avec la participation active des enfants mêmes, une politique globale qui s ’ attaque aux causes foncières de ce phénomène pour le prévenir et le réduire;

c) D’ assurer , e n coordination avec les ONG, aux enfants des rues la protection nécessaire, notamment un milieu familial, des services adéquats de soins de santé, la possibilité de fréquenter l ’ école et d ’ autres services sociaux;

d) Appuyer les programmes de réunification familiale, si tel est l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant.

Exploitation et abus sexuels

61.Le Comité s’alarme de la forte hausse du nombre d’enfants victimes d’abus sexuel dans l’État partie sur l’année 2008-2009. Il regrette à ce sujet que les données fournies ne soient ni spécifiques ni détaillées, ce qui empêche d’apprécier la nature et l’ampleur de l’exploitation et des abus sexuels envers les enfants, dont la prostitution des enfants et la pédopornographie, dans l’État partie. Le Comité note avec préoccupation que l’article 227 bis du Code pénal, qui interdit de faire subir − même sans violences − l’acte sexuel à un enfant de moins de 15 ans accomplis ne fait référence qu’aux enfants de sexe féminin et ne protège donc pas expressément les garçons de moins de 15 ans contre pareil acte.

62.Le Comité recommande à l ’ État partie de constituer un système de collecte et d ’ analyse de données sur l ’ exploitation et les abus sexuels envers les enfants et sur la répression et la condamnation des auteurs. Il recommande aussi à l ’ État partie d ’ amender l ’ article 227 bis du Code pénal afin d ’ interdire expressément de faire subir − même sans violences − l ’ acte sexuel aussi bien aux filles qu ’aux garçons de moins de 15 ans accomplis. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de mettre en œuvre une législation, des politiques et des programmes adéquats de prévention, d ’ enquête et de répression, ainsi que de réadaptation et de réinsertion sociale des enfants victimes d ’ abus et d ’ exploitation sexuels, en tenant compte des documents issus des premi ère , deuxième et troisième sessions du Congrès mondial contre l ’ exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, tenues en 1996, 2001 et 2008 respectivement, et du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant concernant la vente d ’ enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

Vente, traite et enlèvement

63.Tout en notant avec satisfaction que l’État partie a récemment adhéré à plusieurs instruments internationaux relatifs à cette question, le Comité relève avec préoccupation que la loi n’interdit pas expressément la traite des êtres humains et que le rapport de l’État partie ne contient pas d’informations sur la vente, la traite, y compris le trafic d’organes humains, et l’enlèvement d’enfants dans le pays.

64. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre son droit interne en pleine conformité avec la Convention relative aux droits de l’enfant et son Protocole facultatif concernant la vente d ’ enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants , ainsi qu’avec les autres instruments internationaux pertinents , et d ’ adopter de nouvelles mesures de lutte contre la traite des enfants à des fins d ’ exploitation sexuelle ou autre . Il recommande en outre d ’établir un mécanisme national de coordination et un système global de collecte de données pour assurer l e recueil et l ’ analyse systématiques de données sur la vente, la traite, dont le trafic d ’ organes humains, et l ’ enlèvement , et leur ventilation par, entre autres, âge et sexe, et d e s’en servir pour form ul er des politiques et les évaluer . Le Comité recommande aussi à l ’ État partie d e mener des activités de sensibilisation contre la traite, notamment des campagnes dans les médias , et d’établir un service d ’ accueil téléphonique gratuit permettant de signaler les cas de traite d’enfants et de soutenir les victimes.

Administration de la justice pour mineurs

65.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a adhéré à l’ensemble des normes et instruments internationaux relatifs à la justice des mineurs et que le Code de la protection de l’enfant introduit des mécanismes spécifiques constituant un cadre et des procédures appropriés. Le Comité relève toutefois avec préoccupation que l’État partie ne surveille pas la qualité et l’efficacité du système de justice pour mineurs et ne garantit pas la pleine application de toutes les dispositions à tous les stades du processus de justice pénale. S’agissant des «infractions de caractère social et familial» mentionnées dans le rapport de l’État partie, le Comité constate avec préoccupation qu’il se pourrait que l’État partie incrimine des problèmes comportementaux des enfants bien souvent imputables à des problèmes psychologiques ou socioéconomiques, que l’on qualifie parfois de délit d’état. Il note aussi avec inquiétude que la définition très large des actes de terrorisme risque d’avoir des conséquences néfastes pour la protection des droits de l’enfant et engendrer des abus. Le Comité note avec inquiétude que les mesures de substitution à la privation de liberté ne sont pas suffisamment utilisées et regrette que le dispositif de probation (délégué à la liberté surveillée) prévu dans le Code de la protection de l’enfant ne soit toujours pas en place. Le Comité note aussi avec inquiétude le taux élevé de récidive des mineurs délinquants, des filles en particulier. Le Comité regrette l’insuffisance des informations disponibles sur les conditions dans les centres de détention pour enfants et sur les mécanismes indépendants de plaintes.

66. Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre ses efforts tendant à améliorer le système de justice pour mineurs en l’alignant sur les articles 37 b), 39 et 40 de la Convention, ainsi qu e sur l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l ’ administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad) et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (Règles de La Havane) . Le Comité recommande en outre à l’État partie , eu égard à son Observation générale n o 10 (2007) sur les droits de l ’ enfant dans le système de justice pour mineurs :

a) De veiller à ce que le Code pénal n e prévoie pas de délit d ’ état , afin de prévenir toute stigmatisation, victimisation et criminalisation ultérieures des jeunes;

b) De formuler et d’ adopter une définition plus précise des actes de terroris me et d e veiller à ce que les personnes de moins de 18 ans ne so ie nt pas tenu e s pour responsables, détenu e s ou poursuivi e s en vertu des lois anti terrorisme;

c) De veiller à ce que la privation de liberté ne soit utilisée qu ’ en dernier ressort et d ’ élargir le recours aux peines de substitution, telles que la liberté surveillée et le travail d ’ intérêt général;

d) De mettre en place le dispositif de délégué à la liberté surveillé e pour enfants prévu dans le Code de la protection de l ’ enfant, et de revoir et renforcer les procédures et la méthodologie en vigueur en matière de m édiation pénale afin d ’ atteindre son objectif éducatif;

e) De ne négliger aucun effort pour établir un programme de réadaptation et de réinsertion des enfants en fin de procédure judiciaire , tenant compte du genre;

f) De veiller à ce que les conditions de détention soient conformes aux normes internationales et de fournir des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique;

g) De veiller à ce que les enfants ayant affaire au système de justice pour mineurs disposent de mécanismes indépendants efficaces permettant de recueillir leurs doléances et d ’ y répondre;

h) De contrôler, avec l ’ assistance technique de l ’ UNICEF et du Groupe interinstitutions sur la justice pour mineurs, la qualité et l ’ efficacité du système de justice pour mineurs afin d ’ en assurer la conformité avec les normes internationales en tout temps et pour toute infraction.

Protection des témoins et d es victimes de crimes

67. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller, par des dispositions lég islatives e t réglementaires a daptées , à ce que tous les enfants victimes et/ou témoins d ’ actes criminels, par exemple les enfants v ictimes d ’ abus, de violence familiale , d ’ exploitation sexuelle ou économique, d ’ enlèvement et de traite , et les enfants témoins de pareils actes bénéficient de la protection que requiert la Convention, et de prendre pleinement en considération les Lignes directrices des Nations Unies en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d ’ actes criminels (annexe de la résolution 2005/20 du Conseil économique et social, en date du 22 juillet 2005).

8.Ratification d’instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme

68. Le Comité invite l ’ État partie à soumettre rapidement son rapport initial au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant concernant la vente d ’ enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. Il encourage en outre l ’ État partie à adhérer à tous les grands instruments relatifs aux droits de l ’ homme, notamment la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, à s ’ acquitter rapidement des obligations en découlant en matière de mise en œuvre et de soumission de rapports afin de promouvoir et d ’ améliorer la protection globale des droits de l ’ homme.

9.Suivi et diffusion

Suivi

69. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures propres à garantir la pleine mise en œuvre des présentes recommandations, notamment en les transmettant aux membres du Parlement , aux ministères compétents à la Cour suprême et aux autorités locales , le cas échéant, pour examen et suite à donner.

Diffusion

70. Le Comité recommande de plus que le troisième rapport périodique et les réponses écrites de l ’ État partie, de même que les recommandations y relatives adoptées (observations finales) soient largement diffusés dans les langues du pays, y compris (mais pas exclusivement) par l ’ Internet, auprès du public en général, des organisations de la société civile, des groupes de jeunes, des groupes professionnels, des enfants et des médias, en vue de faire connaître la Convention, sa mise en œuvre et son suivi, et de susciter un débat sur ce sujet.

10.Prochain rapport

71. Eu égard à sa recommandation sur la soumission des rapports périodiques figurant dans ses rapport s CRC/C/114 et CRC/C/124 , constatant que le quatrième rapport périodique de l ’ État partie était attendu en février 2009, le Comité invite l ’ État partie à soumettre en un seul document ses quatrième, cinquième et sixième rapports pério diques, le 28 août 2017 (soit dix-huit mois avant la date découlant de la Convention pour la soumission du sixième rapport périodique). Ce rapport ne devrait pas dépasser 120 pages (voir CRC/C/118) et devrait contenir des informations sur la suite donnée aux présentes observations finales et sur la mise en œuvre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant concernant l ’ implication d ’ enfants dans les conflits armés. Le Comité attend de l ’ État partie qu ’ il soumette par la suite un rapport tous les cinq ans, comme le prévoit la Convention.

72. Le Comité invite en outre l ’ État partie à soumettre un document de base actualisé conforme aux instructions relatives à l ’ établissement du document de base commun énoncées dans les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports , approuvées en juin 2009 par la neuvième Réunion intercomités des organes créés en vertu d ’instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme (HRI/GEN/2/Rev.6).