Nations Unies

CRPD/C/11/D/8/2012

Convention relative aux droits des personnes handicapée s

Distr. générale

18 juin 2014

Français

Original: espagnol

C omité des droits des personnes handicapées

Communication no 8/2012

Constatations adoptées par le Comité à sa onzième session(31 mars-11 avril 2014 )

Communication présentée par:

X (représenté par un conseil,Valeria G. Corbacho)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Argentine

Date de la communication:

22 juin 2012 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 70 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 9 août 2012 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations:

11 avril 2014

Objet:

Refus de placement en résidence surveillée; conditions de détention et accès aux soins médicaux et à un traitement de réadaptation approprié et en temps utile

Question ( s ) de procédure:

Non-épuisement des recours internes; griefs non étayés

Question ( s ) de fond:

Discrimination fondée sur le handicap; aménagements raisonnables; égalité et non‑discrimination; accessibilité; droit à la vie; santé; adaptation et réadaptation

Article(s) d e la Convention:

9, 10, 13, 14 (par. 2), 15 (par. 2), 17, 25 et 26

Article(s) du Protocole facultatif:

2, al. d et e

Annexe

Constatations du Comité des droits des personnes handicapées au titre de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportantà la Convention relative aux droits des personnes handicapées (onzième session)

concernant la

Communication no 8/2012

Présentée par:

X (représenté par un conseil, Valeria G. Corbacho)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Argentine

Date de la communication:

22 juin 2012 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits des personnes handicapées, institué en vertu de l’article 34 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées,

Réuni le 11 avril 2014,

Ayant achevé l’examen de la communication no 8/2012, présentée par X en vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre de l’article 5 du Protocole facultatif

1.1L’auteur de la communication est M. X, de nationalité argentine, né le 26 novembre 1952. L’auteur affirme être victime de violations par l’Argentine des articles 9, 10 et 13; du paragraphe 2 de l’article 14; du paragraphe 2 de l’article 15; et desarticles17, 25 et 26 de la Convention. Il est représenté par Valeria G. Corbacho. Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention est entré en vigueur le 2octobre 2008 pour l’État partie.

1.2Le 4 février 2013, la Rapporteuse spéciale chargée des nouvelles communications, agissant en sa qualité de membre du Comité, a demandé à l’État partie, en application de l’article 64 du Règlement intérieur du Comité, d’envisager de prendre des mesures pour procurer à l’auteur l’attention, les soins et la réadaptation dont il a besoin, compte tenu de son état de santé, le temps que le Comité examine la communication. Le 31 juillet 2013, l’État partie a informé le Comité des mesures prises pour donner suite à la demande de mesures provisoires adressée par le Comité.

Rappel des faits

2.1L’auteur a été placé en détention provisoire dans le complexe pénitentiaire fédéral II Marcos Paz, dans le cadre d’une procédure pénale engagée auprès du Tribunal no 1 de San Martín de procédure orale en matière pénale (le Tribunal oral fédéral). Sur autorisation dudit Tribunal, l’intéressé a subi le 27 janvier 2010 une intervention chirurgicale de la colonne vertébrale, visant à remplacer par une plaque un disque situé au niveau du cou, qui lui avait été retiré en 1999 à la suite d’un accident de voiture. Le 28 janvier 2010, l’auteur a été victime d’un accident vasculaire cérébral. Depuis lors, l’auteur souffre d’une hémianopsie latérale homonyme concernant l’hémichamp gauche de chaque œil, qui s’accompagne de troubles de l’équilibre et d’altérations des fonctions perceptives, cognitives et d’orientation visuo-spatiale. Par ailleurs, l’auteur fait valoir que, lors de l’opération pratiquée sur sa colonne vertébrale, la plaque a été posée de façon inappropriée et a de ce fait migré, se retrouvant contre l’œsophage.

2.2Par la suite, sur autorisation du Tribunal oral fédéral, l’auteur a été transféré à l’Institut FLENI, à Escobar, où son état de santé a été stabilisé. L’auteur a alors pu entamer un programme de réadaptation dans le cadre d’une hospitalisation.

2.3Le 7 avril 2010, le Tribunal oral fédéral a été informé par l’Institut FLENI que l’auteur était désormais en état de poursuivre un programme de réadaptation en hospitalisation de jour («en ambulatoire»). Le jour même, l’auteur a demandé que la mesure de placement en détention provisoire soit commuée en une assignation à résidence, en vertu de l’article 10 du Code pénal et des articles 32 et 33 de la loi no 24660 (modifiés par la loi no 26472). L’auteur a fait valoir qu’il devait continuer de suivre quotidiennement, dans le cadre d’une hospitalisation de jour, une réadaptation analogue à celle dont il avait bénéficié depuis son accident vasculaire cérébral; qu’il avait besoin d’un cadre de vie adapté à son handicap; et que la distance entre le centre de détention et le centre de réadaptation devait être prise en considération. La distance entre le centre de détention où il se trouvait auparavant et l’hôpital l’empêcherait, dans la pratique, d’accéder au traitement de réadaptation et, partant, porterait atteinte à son droit à des soins médicaux. L’auteur a donc fait valoir que l’assignation à résidence était la mesure de détention la mieux adaptée à son traitement, sachant qu’il pouvait compter sur une personne de confiance pour l’aider dans ses gestes quotidiens, sur des installations adaptées à son handicap et sur un accès facilité à l’Institut FLENI, où des prestations de réadaptation pouvaient lui être prodiguées.

2.4Le 9 juin 2010, deux médecins du Département de médecine légale de la Cour suprême de justice ont examiné l’auteur à la demande du Tribunal oral fédéral. Le Département de médecine légale a établi que le traitement dispensé par l’Institut FLENI était approprié; que l’auteur avait besoin de l’assistance de tiers; que, en principe, il n’était pas possible de dispenser intégralement le traitement requis dans un établissement pénitentiaire, l’établissement privé qu’est l’Institut de neurosciences de Buenos Aires (INEBA) pouvant toutefois être une solution envisageable; et que les transferts entre les lieux de réclusion et l’établissement traitant pouvaient avoir des effets préjudiciables compte tenu de la distance à parcourir, qui imposait le recours à des unités mobiles et/ou à des ambulances spécialement aménagées.

2.5Le 22 juillet 2010, la Commission d’évaluation no 3 du Service national de réadaptation a octroyé à l’auteur le certificat attestant son handicap, conformément à la loi no 22431, en précisant que l’auteur avait besoin de l’assistance d’une tierce personne.

2.6Le 6 août 2010, le Tribunal oral fédéral a rejeté la demande d’assignation à résidence soumise par l’auteur et ordonné le transfert de ce dernier à l’hôpital pénitentiaire central du Complexe pénitentiaire fédéral de la municipalité de BuenosAires, où devaient être établies les conditions à réunir pour que l’auteur puisse suivre la réadaptation prescrite dans ce lieu de détention. Le Tribunal oral fédéral a fait observer que la détention provisoire de l’auteur n’empêchait pas ce dernier de recevoir le traitement de réadaptation approprié.

2.7Le 14 août 2010, à l’aube, l’auteur a été transféré à l’hôpital Vélez Sarsfield, puis a été admis au centre médical Anchorena. Il a soumis une demande de réexamen de la décision du Tribunal oral fédéral en date du 6 août 2010.

2.8Le 17 août 2010, le Tribunal oral fédéral a reçu un rapport émanant du Département de médecine légale de la Cour suprême de justice, qui avait examiné l’auteur au cours de sa détention au Complexe pénitentiaire fédéral de Buenos Aires; il y était indiqué qu’une évaluation sur les plans clinique et neurochirurgical s’imposait de toute urgence et que l’hôpital pénitentiaire «ne dispos[ait] pas des infrastructures dont le patient a[vait] besoin […] et que, bien qu’il n’y ait pas de risque de mort imminente, le fait pour l’auteur de demeurer dans ses conditions de détention actuelles sans pouvoir bénéficier des contrôles ou traitements dont il a[vait] besoin (appui nutritionnel et traitement psychiatrique) compromet[tait] gravement sa santé et [pouvait] mettre sa vie en péril». Le même jour, le médecin de son assurance maladie (OSDE) a délivré un certificat dans lequel il signalait que «compte tenu de l’état neurologique du patient, il [était] suggéré de poursuivre le programme de réadaptation en milieu hospitalier».

2.9Le 23 août 2010, le Bureau du Procureur pénitentiaire de la nation (Bureau du Procureur) a demandé au Tribunal oral fédéral d’autoriser l’hospitalisation de l’auteur à l’Institut FLENI afin qu’il y reçoive d’urgence un traitement, à titre de mesure de précaution d’urgence, pour éviter toutes lésions consécutives à l’inadéquation du lieu de vie. Le 26 août 2010, l’auteur a été transféré à l’Institut FLENI, à Escobar.

2.10Le 3 novembre 2010, le neurochirurgien de l’Institut FLENI a estimé que le rachis cervical de l’auteur était instable et qu’une intervention chirurgicale s’imposait; que les trajets continuels en ambulance aggravaient sa pathologie; et qu’il devait y être recouru exclusivement lorsque cela était indispensable. Le 17 novembre 2010, un autre médecin de l’Institut a informé le Tribunal oral fédéral qu’il n’était pas possible de donner des indications concrètes et précises concernant les conditions de transport de l’auteur en ambulance, donc qu’il revenait au Tribunal de consulter des spécialistes à ce sujet. Le Tribunal oral fédéral a demandé à l’Institut de mettre à disposition, pour chaque transfert, une ambulance spécialement aménagée, avec médecin à bord, et d’établir l’état clinique de l’auteur préalablement à tout trajet.

2.11Le 7 mai 2011, le Bureau du Procureur a publié un rapport faisant suite à un nouveau bilan médical réalisé pour l’auteur, dont la conclusion était que l’état de santé du patient s’était amélioré, mais que ce dernier avait besoin de l’aide de tierces personnes pour les tâches élémentaires de la vie courante. De plus, il y était établi que l’unité médicale du Service pénitentiaire fédéral manquait des infrastructures et des ressources voulues pour pourvoir aux besoins sanitaires et de réadaptation de l’auteur, et qu’elle ne pouvait garantir en temps voulu et dans les conditions requises les transports entre la prison et le centre de réadaptation qui auraient permis au patient de poursuivre le programme de réadaptation en ambulatoire. Le Bureau du Procureur pénitentiaire a donc recommandé le maintien de l’auteur à l’Institut FLENI. En outre, le 17 mai 2011, l’Institut FLENI a indiqué que l’auteur conservait des séquelles neurologiques et qu’il lui fallait poursuivre les soins de réadaptation avec séances de kinésithérapie, d’ergothérapie, et de rééducation neurologique, cognitive et visuelle; que l’auteur pouvait poursuivre un programme de réadaptation en ambulatoire sur un site désigné conjointement par le Tribunal oral fédéral et l’organisme assureur; que la réadaptation dans les domaines susmentionnés devait être assurée trois à cinq fois par semaine; et que les modalités pour les trajets relevaient des recommandations du neurochirurgien. Le 24 juin 2011, l’OSDE (assurance maladie) a communiqué au Tribunal la liste des établissements agréés pour la réadaptation de l’auteur, qui se trouvaient à proximité de la prison et étaient couverts par le régime d’assurance de l’intéressé.

2.12Le 26 mai 2011, l’auteur a été transféré à l’hôpital central pénitentiaire du Complexe pénitentiaire fédéral no 1 d’Ezeiza (la prison d’Ezeiza), sur instruction du Tribunal oral fédéral. De plus, le Tribunal a ordonné à cet établissement pénitentiaire de se concerter avec l’OSDE afin d’évaluer et de mettre en place dans les meilleurs délais la poursuite du traitement de réadaptation, qui se déroulerait dans la mesure du possible dans un centre médical proche du lieu de détention.

2.13Le 27 mai 2011, faisant suite à une demande de la défense, dans le cadre d’une procédure d’habeas corpus, le juge du Tribunal fédéral pénal et correctionnel de première instance no 1 ou 2 de Lomas de Zamora (le juge du Tribunal fédéral pénal et correctionnel) a autorisé le transfert de l’auteur à l’Institut FLENI, compte tenu de la crise aiguë de décompensation physique et psychique de l’auteur. Le 29 mai 2011, l’auteur a été dirigé sur la clinique Olivos. Du 30 mai au 3 juin 2011, il a été hospitalisé à l’Institut argentin de diagnostic et de traitement, où il a été établi, notamment, qu’il fallait procéder au retrait de la plaque posée lors de l’intervention chirurgicale pratiquée sur la colonne vertébrale. Les conclusions énonçaient que «[s]i cela fait courir un risque de perforation de l’œsophage, le même risque existe en cas de déplacement du dispositif. Et ce risque augmente bien évidemment avec les gestes maladroits pouvant se produire lors d’un transfert dans des conditions inappropriées ou en cas de mouvement brusque». Le 2 juin 2011, le Bureau du Procureur a conclu que si l’on optait pour un traitement en ambulatoire ou en «hospitalisation de jour», les trajets entre l’établissement pénitentiaire − où qu’il soit − et le lieu du traitement risquaient fort de faire échouer le traitement, sachant que le système pénitentiaire fédéral ne pouvait garantir le respect de la fréquence et des horaires pour les trajets, et que les progrès obtenus pouvaient être annihilés en cas de non-respect du programme d’activité prévu à l’Institut FLENI.

2.14Le 3 juin 2011, l’auteur a de nouveau été transféré à l’hôpital du Complexe pénitentiaire d’Ezeiza.

2.15Le 24 juin 2011, le juge du Tribunal fédéral pénal et correctionnel a rejeté le recours en habeas corpus formé par l’auteur, invoquant son incompétence. Le même jour, l’auteur a de nouveau demandé au Tribunal oral fédéral de lui accorder l’assignation à résidence sous la supervision d’un tribunal, sachant que le Complexe pénitentiaire fédéral d’Ezeiza ne disposait ni des installations ni du personnel requis pour la réadaptation de patients atteints d’affections neurologiques graves qui, en outre, requièrent l’assistance d’une tierce personne pour l’accomplissement des tâches essentielles de la vie courante; que le traitement de réadaptation avait été interrompu; et que les infrastructures n’étaient pas adaptées aux personnes handicapées. Dans son propre cas, il ne pouvait accéder aux sanitaires ou à la douche en raison de la présence d’une marche qu’il ne pouvait franchir sans aide extérieure; on lui avait attribué une cellule située au 1er étage, si bien qu’il ne pouvait sortir dans la cour, dont l’accès se faisait par le rez-de-chaussée; il ne pouvait assurer convenablement et suffisamment son hygiène personnelle et, d’une manière générale, il devait effectuer ses tâches courantes depuis son lit; il souffrait d’escarres liées à sa position couchée; et il lui était impossible de contacter le personnel de l’infirmerie lorsqu’il avait besoin de son aide. De plus, l’auteur a souligné qu’il n’avait pas été tenu compte des avis médicaux préconisant une nouvelle intervention à la colonne vertébrale.

2.16Le 4 juillet 2011, le Complexe pénitentiaire d’Ezeiza a informé le Tribunal oral fédéral que, malgré l’existence d’un service de kinésithérapie motrice et d’ergothérapie, l’auteur se refusait à un traitement de réadaptation. De plus, les 19, 20 et 27 juillet 2011, l’auteur s’est opposé à son transfert au centre médical Santa Cataline, où devait se faire la coordination d’un programme de réadaptation à son intention, faisant valoir pour cela que le centre médical en question ne lui offrait pas tous les services de réadaptation indiqués.

2.17Le 15 août 2011, le Tribunal oral fédéral a une fois de plus rejeté la demande d’assignation à résidence soumise par l’auteur, considérant que l’état de santé physique de l’auteur et sa situation sur le plan médical ne permettaient pas de conclure que celui-ci nepouvait guérir s’il était privé de liberté, ou qu’il ne pouvait être correctement pris en charge en prison et, lorsque cela s’imposait, transporté ailleurs dans une ambulance spécialement aménagée, avec un médecin à bord. Selon le Tribunal, il n’était pas prouvé que l’auteur ne pouvait être correctement et efficacement traité que s’il était assigné à résidence.

2.18L’auteur a fait appel de la décision du Tribunal oral fédéral auprès de la Chambre fédérale de cassation pénale (la Chambre fédérale). Le 18 novembre 2011, la Chambre fédérale a admis le motif de cassation et a renvoyé l’affaire au Tribunal oral fédéral, compte tenu entre autres de l’absence de rapports actualisés du Département de médecine légale au sujet de la santé de l’auteur; des conditions de vie dans le centre pénitentiaire; et des répercussions que les trajets entre ledit centre et le centre de réadaptation pouvaient avoir sur la santé de l’auteur.

2.19En novembre 2011, on a commencé à amener l’auteur à l’hôpital de San Juan de Dios. Cependant, le 25 novembre 2011, le chef du Service de réadaptation de l’hôpital a demandé l’arrêt des transferts jusqu’à ce qu’un spécialiste de la colonne vertébrale établisse un rapport sur les conséquences que de tels trajets pouvaient avoir.

2.20Le 2 décembre 2011, l’ophtalmologiste du Complexe pénitentiaire fédéral d’Ezeiza a demandé à poursuivre les séances de réadaptation orthoptique de l’auteur pour traiter l’hémianopsie homonyme latérale gauche. Toutefois, selon l’auteur, au moment de la soumission de la communication, il n’avait toujours pas bénéficié de cette réadaptation.

2.21Le 7 décembre 2011, le Département de médecine légale de la Cour suprême de justice a informé le Tribunal oral fédéral que l’état de santé de l’auteur évoluait favorablement et qu’il fallait désormais l’équiper d’un fauteuil roulant et d’une minerve, et prévoir l’assistance d’une autre personne. De plus, le Département de médecine légale a indiqué qu’il faudrait de nouvelles radiographies pour déterminer l’état du rachis cervical, et que le traitement approprié consisterait à poursuivre le programme de réadaptation en ambulatoire. S’agissant des trajets, le Département de médecine légale a indiqué qu’ils étaient indispensables quel que soit le lieu où l’auteur était détenu, et qu’ils devaient se faire systématiquement dans l’ambulance fournie par l’OSDE sous la surveillance d’un gardien du Service pénitentiaire fédéral.

2.22Le 29 décembre 2011, le Tribunal oral fédéral a de nouveau rejeté la demande d’assignation à résidence soumise par l’auteur. Quel que soit le lieu où l’auteur était détenu, il fallait en effet le transporter jusqu’au centre de réadaptation, donc le risque que les transferts faisaient prétendument courir ne disparaîtrait pas avec l’octroi de l’assignation à résidence. De plus, rien ne permettait de penser que l’auteur ne pouvait être correctement traité qu’à son domicile ni qu’un tel arrangement était l’unique solution pour écarter tout risque lié aux trajets jusqu’au centre de réadaptation. Le Tribunal oral fédéral a pris note, notamment, du rapport de l’examen de la vue pratiqué par la Gendarmería Nacional au Centre pénitentiaire fédéral d’Ezeiza, dans le cadre de la procédure d’habeas corpus, dans lequel il était rendu compte des mesures prises pour adapter les installations aux besoins de l’auteur et, plus précisément, de l’installation d’un bouton d’appel d’urgence, de la suppression de la marche menant aux toilettes installées dans la cellule de l’auteur; ainsi que des éléments présentés par le ministère public au sujet des installations et de l’état des salles de réadaptation et de soins, de l’assistance d’un infirmier assurée vingt-quatre heures sur vingt-quatre, de l’existence et du bon fonctionnement des ascenseurs, et de la présence d’une porte d’accès à la cour spécialement aménagée pour le passage de l’auteur.

2.23Le 5 janvier 2012, l’auteur s’est pourvu en cassation devant la Chambre fédérale contre la décision du Tribunal oral fédéral. Le même jour, le Directeur adjoint de l’hôpital du Centre pénitentiaire fédéral d’Ezeiza a indiqué au Tribunal oral fédéral que les prestations de kinésithérapie étaient faites dans la cellule même de l’auteur; que ce dernier bénéficiait de consultations régulières à l’hôpital deSanJuan de Dios; qu’il s’acquittait des gestes courants en matière d’hygiène et pourvoyait à ses besoins essentiels depuis son lit, avec l’aide du personnel infirmier; et que, s’il souhaitait un traitement visant à lui conférer l’autonomie dans ses gestes quotidiens, l’hôpital ne disposait pas des infrastructures adaptées à son état.

2.24Le 29 juin 2012, le directeur de l’hôpital pénitentiaire a établi un nouveau rapport dans lequel il consignait les traitements de réadaptation dont l’auteur avait bénéficié. L’auteur fait valoir que le rapport manque de précision et interprète mal le fait que les traitements offerts au centre pénitentiaire n’étaient pas appropriés. Il fait aussi valoir qu’il n’a bénéficié que de quatre séances à l’hôpital de San Juan de Dios, et qu’il n’a pas eu de rééducation visuelle, pas plus qu’il n’a bénéficié d’une réadaptation sur les plans neurologique et cognitif, les différentes séances auxquelles il avait participé ayant plutôt servi à établir un rapport sur le plan neuropsychologique.

2.25Le 13 juillet 2012, la Chambre fédérale a rejeté l’appel et ordonné aux autorités pénitentiaires d’assurer la surveillance, les soins et l’évaluation régulière de l’état de santé de l’auteur, et de prendre les mesures que cet état requiert, eu égard en particulier à la réadaptation médicale et à l’accès aux installations sanitaires de base. La Chambre fédérale a considéré que le Tribunal oral fédéral avait accordé toute l’attention voulue à l’état de santé de l’auteur avant de prendre la décision de rejeter sa demande; qu’il ne pouvait conclure qu’il n’était possible de transférer l’auteur que s’il se trouvait à son domicile, pas plus qu’il ne pouvait conclure que les effets préjudiciables des transferts disparaîtraient dès lors que l’assignation à résidence serait octroyée; et que l’auteur ne pouvait s’appuyer sur son refus des traitements de réadaptation proposés par les autorités pénitentiaires et sa coopération partielle aux examens médicaux physiques pour obtenir de force l’accès à l’assignation à résidence. La Chambre fédérale a considéré que des mesures correctives avaient été apportées aux infrastructures du centre pénitentiaire en vue de doter l’auteur des améliorations lui permettant de circuler et d’évoluer plus aisément et d’accéder à la cour, notamment en veillant à la présence d’ascenseurs en état de fonctionner; et que le point avait été fait sur l’équipement présent en salle de physiothérapie, dans les salles de soins spécialisées, dans les salles des urgences traumatiques et dans l’unité de soins mobile, ainsi que sur l’assistance d’un personnel infirmier vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

2.26Le 12 octobre 2012, le médecin de la prison en poste à l’hôpital du centre pénitentiaire a signalé que l’auteur présentait une hypotrophie des membres inférieurs résultant du temps passé en position couchée. L’auteur ajoute que, à cette époque, on ne lui a pas offert la possibilité d’être transféré en temps voulu dans un centre de santé capable d’assurer les soins odontologiques dont il avait besoin, soins dont il n’a pu bénéficier que plusieurs mois plus tard, lorsqu’il a dû subir une intervention chirurgicale pour drainer unefistule.

2.27Les 12 et 20 novembre 2012 et le 16 janvier 2013, l’auteur a réaffirmé ses allégations et a informé le Comité que, malgré les décisions de la Chambre fédérale, le Tribunal oral fédéral n’avait pas pris les mesures requises pour garantir l’accès voulu et en temps utile aux installations sanitaires. Les autorités pénitentiaires n’avaient fourni qu’un fauteuil en plastique partiellement aménagé, auquel il manquait les équipements de sécurité indispensables. Bien que, dans son rapport déjà, le médecin de la prison d’Ezeiza ait indiqué qu’une consultation neurologique était prévue à l’extérieur, cette consultation n’a eu lieu que le 31 octobre 2012, à l’Institut FLENI, et ce, grâce à l’intervention des proches de l’auteur. L’auteur a fait valoir, également, que le secteur où il était détenu ne disposait que d’un infirmier pour assurer les services d’infirmerie pour l’ensemble des patients détenus sur le site, et que, concrètement, il n’avait pu bénéficier de l’assistance requise, en temps opportun. Le 14 novembre 2012, l’Institut FLENI a signalé que l’auteur «requérait une réadaptation intensive dans un centre doté des équipements de pointe». L’auteur a présenté une nouvelle demande de transfert et d’admission à l’Institut FLENI ou dans un autre centre doté des moyens humains et techniques voulus pour pourvoir à ses besoins. Néanmoins, le 28 décembre 2012, le Tribunal oral fédéral a rejeté sa demande.

2.28L’auteur fait valoir que, bien qu’il n’ait pas épuisé tous les recours internes, ses recours se sont éternisés de façon injustifiée, rendant improbable une quelconque issue favorable. De ce fait, il ne peut concrètement bénéficier, dans de bonnes conditions de temps et d’efficacité, du traitement médical prescrit, et son intégrité physique et psychique s’en trouve gravement compromise.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme être victime de violations par l’État partie des articles 9, 10 et 13; du paragraphe 2 de l’article 14; du paragraphe 2 de l’article 15; et des articles 17, 25 et 26 de la Convention.

3.2L’auteur soutient que, pour déterminer la pertinence de la mesure de placement en détention dans un établissement pénitentiaire, y compris dans un hôpital pénitentiaire, il faudrait tenir compte de son état de santé, de l’absence d’infrastructures et de services et soins médicaux, ainsi que des effets de ladite mesure sur l’aggravation de son état de santé. L’interruption du traitement de réadaptation qu’il suivait à l’Institut FLENI, et les lacunes évoquées plus haut, l’empêchent d’exercer, au niveau le plus haut possible et sans discrimination, son droit à la santé, et elles font obstacle à son droit d’atteindre le maximum d’autonomie et de réaliser pleinement son potentiel, en sus de mettre gravement sa vie en péril, en violation des articles 25 et 26 de la Convention. Concrètement, les services de réadaptation offerts par les autorités ne constituent que des soins palliatifs, qui ne suffisent pas pour assurer le rétablissement complet de l’auteur. Aucun autre détenu ne se trouve dans un état de santé semblable au sien pour ce qui est de dépendre de l’assistance de tierces personnes pour les actes quotidiens de la vie courante, si bien que sa détention dans un centre pénitentiaire constitue une violation de son droit à l’égalité devant la loi.

3.3L’inadaptation des infrastructures à la situation des personnes présentant son handicap, et la précarité des conditions de détention et de soins de santé à l’hôpital du Complexe pénitentiaire d’Ezeiza, sont toutes deux constitutives d’une atteinte à sa dignité et d’un traitement inhumain. Sachant qu’il a été placé dans une cellule du 1er étage de l’établissement, l’auteur n’a pu accéder à la cour pendant les huit premiers mois de sa détention dans ce complexe pénitentiaire, si bien qu’il a été privé d’air frais et de la lumière naturelle, en violation du paragraphe 2 de l’article 14 de la Convention.

3.4L’accès à la douche et aux toilettes est limité en raison des dimensions de la salle de bains, et il ne peut se faire sans l’assistance du seul infirmier présent dans le pavillon, ou sans faire appel à la bonne volonté d’autres détenus ou de gardiens. Les travaux et aménagements réalisés par les autorités pénitentiaires en vue d’éliminer la marche qui empêchait d’accéder aux toilettes et à la douche ne suffisent pas, tant que les dimensions de la salle de bains ne sont pas adaptées aux fauteuils roulants, si bien que l’auteur ne peut se rendre par ses propres moyens aux toilettes et à la douche. Son état actuel et le manque d’assistance de tierces personnes ne lui permettent pas d’effectuer les gestes d’hygiène quotidiens, et il est en partie tributaire des protections hygiéniques et des produits que lui procure sa famille. Les aménagements apportés sur le lieu de sa détention s’avèrent insuffisants pour corriger les conditions à l’origine de dommages irréparables pour sa santé physique et mentale, en violation des dispositions du paragraphe 2 de l’article 15 de la Convention. L’auteur rappelle que l’État est tenu de garantir le droit à la vie et l’intégrité de la personne, compte tenu en particulier du contrôle rigoureux que les autorités pénitentiaires exercent sur les personnes en détention.

3.5L’auteur sait ne pas pouvoir compter en temps voulu sur l’infirmier affecté à son pavillon. Une sonnette d’appel a certes été installée mais, dans la pratique, bien souvent la personne met du temps à venir, voire ne vient pas du tout. À plusieurs reprises, l’auteur, qui ne disposait pas de matelas antiescarres, a développé des escarres et ses mouvements en ont été considérablement limités. Depuis son arrivée à la prison d’Ezeiza, il n’a pas eu accès à la rééducation posturale et visuelle qui devait lui être prodiguée par des équipes de réadaptation neurologique composées de neurologues cliniciens, de spécialistes en rééducation orthoptique, de physiothérapeutes, d’ergothérapeutes et d’orthophonistes. Le centre de santé le plus proche où l’auteur puisse bénéficier de la réadaptation requise se trouve à 32 kilomètres de là. La rééducation visuelle prescrite par les ophtalmologistes n’a jamais pu lui être prodiguée. Il n’a été amené à l’hôpital que lorsqu’il a contracté une infection requérant une intervention chirurgicale. L’absence de réadaptation appropriée influe négativement sur sa réinsertion sur les plans social, familial et professionnel, sachant qu’il ne peut travailler en prison ni accéder dans des conditions d’égalité au mode de vie des autres détenus par l’éducation et les soins. Tout ce qui précède constitue une violation de l’article 17 de la Convention.

3.6L’auteur fait valoir que les tribunaux n’ont pas dûment pris en compte sa situation et ont ordonné son emprisonnement en dépit des éléments d’ordre médical en faveur de son assignation à résidence ou de sa détention en milieu hospitalier. Ils ont en particulier rejeté arbitrairement ses allégations selon lesquelles les trajets entre la prison d’Ezeiza et le centre de réadaptation portaient préjudice à sa santé et pouvaient entraîner un risque grave compte tenu de l’instabilité de ses lésions du rachis cervical. L’assignation à résidence permettrait de suivre une réadaptation en ambulatoire pratiquée par ses médecins traitants de l’Institut FLENI, établissement qui compte tous les services de réadaptation nécessaires et qui se trouve à 5 kilomètres de son domicile, les trajets se faisant via une route goudronnée.

3.7De plus, l’auteur signale qu’il a été obligé de se rendre sur le lieu où se déroulait son procès oral, le 11 avril 2011 par exemple, mais que, une fois sur place, l’accès à la salle d’audience lui a été refusé, le contraignant à rester plus de six heures durant dans l’ambulance, ce qui était contraire à l’avis des médecins. Cela illustre bien le côté arbitraire des décisions des autorités à l’encontre des personnes qui, comme lui, ont été accusées de crimes contre l’humanité.

3.8Pour réparer le préjudice subi, l’auteur demande que soit ordonnée son assignation à résidence jusqu’à ce qu’il soit en état de subir une nouvelle intervention chirurgicale du rachis cervical; et demande que l’autorisation soit donnée de lui prodiguer en temps voulu le traitement de réadaptation nécessaire selon la formule de l’hospitalisation de jour à l’Institut FLENI, à Escobar, dans les conditions de sécurité que l’État partie juge nécessaires, proportionnées et raisonnables.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 12 mars 2013, l’État partie a fait part au Comité de ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication, et il a demandé que la communication soit déclarée irrecevable en vertu des alinéas d et e de l’article 2 du Protocole facultatif, sur la base des arguments exposés ci-après.

4.2S’agissant des faits ayant donné lieu au placement en détention de l’auteur dans un centre pénitentiaire, l’État partie a indiqué que l’auteur était responsable de la Police provinciale de Buenos Aires sous la dictature au pouvoir dans l’État partie de 1976 à 1983. Le 14 avril 2011, le Tribunal oral fédéral a condamné l’auteur à une peine de réclusion à perpétuité assortie d’une incapacité générale à perpétuité pour les infractions suivantes: perquisition illégale, privation illégitime de liberté à la suite d’un abus de pouvoir aggravé, actes de torture aggravée et homicide doublement aggravé. Au moment où l’État partie a soumis ses observations, l’auteur avait fait appel du jugement auprès de la Chambre nationale de cassation pénale. La condamnation de l’auteur s’inscrit dans le contexte du processus dit «de mémoire, de vérité et de justice», tendant à retrouver les auteurs des crimes graves commis pendant la dictature, à les juger et à les punir.

4.3L’auteur n’a pas épuisé tous les recours internes à disposition s’agissant des plaintes dont il saisit le Comité, le recours qu’il a choisi étant inapproprié pour la réparation des violations présumées. De plus, l’auteur fait état de violations de la Convention sans qu’il soit établi qu’une action administrative et/ou judiciaire interne a été intentée en vue d’obtenir réparation. La demande d’assignation à résidence formulée par l’auteur a été examinée par le Tribunal oral fédéral et la Chambre fédérale, demande qui a été rejetée par cette dernière, les conditions juridiques nécessaires pour l’assignation à résidence n’étant pas remplies. L’auteur aurait pu interjeter appel d’une telle décision en engageant un recours extraordinaire fédéral devant la Cour suprême de justice de la nation. Cependant, il a préféré s’adresser directement au Comité bien qu’il ait admis ne pas avoir épuisé tous les recours internes. Selon l’article 14 de la loi no 48, l’une des conditions préalables requises pour former un recours extraordinaire est que l’affaire relève de la compétence fédérale, par exemple lorsqu’il est question de la violation de dispositions de la Constitution ou d’un instrument tel que la Convention. Le fait de ne pas avoir formé ce recours implique donc que tous les recours internes n’ont pas été épuisés. Par conséquent, les allégations de l’auteur selon lesquelles les recours s’étaient prolongés de façon injustifiée sont non fondées. En réalité, elles ne mentionnent même pas la procédure suivante au cours de laquelle sa demande d’assignation à résidence a été examinée. En outre, l’auteur n’a jamais contesté auprès d’une juridiction nationale la durée excessive des procédures internes. Sa demande a été abondamment examinée par les tribunaux compétents qui sont intervenus, et ce, avec toutes les garanties judiciaires voulues.

4.4Les allégations de l’auteur, qui sont de caractère général et manquent de précision, ne sont pas fondées. Les autorités judiciaires ont apporté plusieurs réponses aux demandes formulées par l’auteur au sujet des traitements médicaux qu’il devait suivre, ainsi que sur la question de ses conditions de détention et de vie.

4.5L’État partie dresse un récapitulatif des faits liés à l’affaire et souligne que, le 13 juillet 2012, la Chambre fédérale a rejeté le recours en cassation formé par l’auteur. Elle a toutefois établi expressément quelles étaient les obligations du Tribunal oral fédéral, à savoir prendre d’urgence toutes les mesures nécessaires eu égard à la réadaptation médicale de l’auteur et à son accès aux installations sanitaires minimales requises sur son lieu de détention. Par suite de cette décision, le 18 juillet 2012, le Tribunal oral fédéral a ordonné que le Centre pénitentiaire fédéral d’Ezeiza prenne diverses mesures, telles que l’établissement de rapports mensuels sur l’état de santé de l’auteur et les traitements de réadaptation lui ayant été prodigués, ainsi que sur l’assistance d’un infirmier vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

4.6La Chambre fédérale a ordonné au Tribunal oral fédéral de faire procéder à un nouvel examen médical afin d’étudier correctement la demande d’assignation à résidence de l’auteur. Le Département de médecine légale a effectué ledit examen, sur lequel le Tribunal oral fédéral s’est ensuite fondé pour prendre, le 29 décembre 2011, la décision de rejeter la demande de l’auteur. Les autorités judiciaires ne sont pas restées passives face aux allégations de l’auteur: bien au contraire, la Chambre fédérale a confirmé le recours en cassation formé par l’auteur contre la décision du Tribunal oral fédéral en date du 15 août 2011.

4.7L’État partie commente les points de divergence entre les avis médicaux du Département de médecine légale et l’expert proposé par l’auteur dans le cadre des recours internes, faisant observer que, selon le Département de médecine légale, le programme de rééducation posturale et visuelle devait être poursuivi en ambulatoire pour une durée dépendant des progrès obtenus. La demande d’assignation à résidence était incohérente sachant que, quelle que soit la situation, l’auteur devrait être transporté jusqu’au centre de réadaptation.

4.8S’agissant des conditions de détention, le Tribunal oral fédéral a demandé des rapports à la prison d’Ezeiza, qui ont été complétés par les informations fournies par la Gendarmería Nacional et par le Bureau du Procureur général. Il y était fait in situ un constat de l’état de l’hôpital pénitentiaire, de l’équipement de réadaptation et du matériel médical en place, de l’assistance d’un infirmer vingt‑quatre heures sur vingt-quatre, de l’accessibilité de la salle de bains réservée exclusivement à l’auteur, de l’existence d’un ascenseur en état de fonctionner ainsi que d’une porte aménagée de façon à permettre à l’auteur d’accéder à la cour. L’État partie soutient que les certificats médicaux établis par l’Institut FLENI et présentés les 12 et 20 novembre 2012 par l’auteur, où il était souligné que l’auteur devait être admis dans un centre doté des équipements de pointe, avaient pour objectif d’obtenir l’assignation à résidence.

4.9L’auteur a bénéficié d’un traitement identique à celui qui serait réservé à n’importe quelle autre personne se trouvant dans sa situation. Le régime de l’assignation à résidence constitue une exception à la norme, et la pratique des tribunaux consiste à ordonner le placement en détention des condamnés dans des établissements pénitentiaires ordinaires ou dans des hôpitaux pénitentiaires, sans concéder d’avantages indus.

4.10L’État partie demande au Comité de déclarer la communication irrecevable pour non-épuisement des recours internes ou, à titre subsidiaire, pour défaut d’objet manifeste.

Informations complémentaires fournies par l’auteur

5.1Les 15 mars, 24 avril, 11 juin, 5 août, 10 novembre et 17 décembre 2013 ainsi que le 6 mars 2014, l’auteur a présenté des informations complémentaires au Comité. L’auteur a fait valoir que, au 15 mars 2013, aucune mesure d’aucune sorte n’avait encore été prise à la prison d’Ezeiza pour apporter les aménagements raisonnables requis, et qu’il n’avait pas bénéficié du traitement de réadaptation prescrit par ses médecins.

5.2Le 17 avril 2013, le médecin de la prison d’Ezeiza a présenté au Tribunal oral fédéral un rapport médical selon lequel l’hôpital pénitentiaire ne disposait pas d’un centre de réadaptation doté d’équipements de pointe en mesure de dispenser le traitement prescrit par les médecins traitants de l’Institut FLENI ayant pris en charge l’auteur, raison pour laquelle il a été recommandé que l’auteur soit admis dans un centre de réadaptation doté de toutes les technologies de pointe.

5.3L’auteur a formé devant la Chambre fédérale un recours en cassation contre la décision du Tribunal oral fédéral, en date du 28 décembre 2012, rejetant la demande par l’auteur de son transfert et de son admission à l’Institut FLENI, en faisant valoir que, les mesures ordonnées par la Chambre fédérale dans sa décision du 13 juillet 2012 n’ayant pas été mises en place, son état de santé ne cessait de se détériorer.

5.4Le 29 mai 2013, la Chambre fédérale a fait droit au recours, annulé la décision contestée et ordonné au Tribunal oral fédéral de se prononcer de nouveau sur la demande d’admission dans un centre de santé soumise par l’auteur. La Chambre a pris note du rapport médical de la prison d’Ezeiza en date du 17 avril 2013 et de la demande d’adoption de mesures provisoires formulée par le Comité le 4 février 2013, et elle a ordonné au Tribunal oral fédéral de se rendre dans l’hôpital pénitentiaire afin de s’assurer des conditions de détention de l’auteur.

5.5L’auteur a réaffirmé que, malgré cette décision judiciaire, il n’avait toujours pas bénéficié du traitement requis. Dans la pratique, il est matériellement impossible de procéder à un traitement en ambulatoire puisque le Service pénitentiaire fédéral est dans l’incapacité de coordonner correctement les trajets et d’assurer la régularité que requiert ledit traitement, avec respect des heures fixées pour les rendez-vous par les services de santé extérieurs. De plus, l’auteur fait valoir que, les soins dentaires requis n’ayant pu être prodigués à temps, son dentiste lui a annoncé le 4 juin 2013 qu’il lui était désormais impossible de mettre en place les implants dentaires prévus.

5.6Le 12 juin 2013, le Tribunal oral fédéral a une nouvelle fois rejeté la demande d’admission à l’Institut FLENI. Le 1er juillet 2013, l’auteur a présenté un recours en cassation. Selon lui, le Tribunal oral fédéral ne disposait pas d’éléments dignes de foi lui permettant de conclure que l’auteur avait refusé d’assister aux séances de réadaptation à la prison d’Ezeiza dispensées par le kinésithérapeute de l’établissement GEBEN-Centro Alternativas en Rehabilitaciones S.A., de janvier à mars 2012. Il a également fait valoir que l’avis de ce kinésithérapeute au sujet de la pertinence et de l’adéquation de l’équipement de réadaptation de l’hôpital pénitentiaire contredisait les avis du kinésithérapeute et du médecin traitant qui s’occupaient de lui en prison. Malgré l’avis de ses médecins traitants sur le fait qu’il devrait être admis à l’hôpital et malgré les avis exprimés auparavant par le Département de médecine légale les 7 et 17 décembre 2012, le Tribunal oral fédéral n’a pas accédé à sa demande. L’auteur ajoute que, deux années durant, il n’a pu suivre la réadaptation que son handicap exigeait et qu’il a été contraint de parcourir plusieurs dizaines de kilomètres en ambulance pour suivre des séances de physiothérapie et avoir des entretiens avec un psychologue, ce deux fois et une fois par semaine, respectivement. Une telle situation a des répercussions sur son état de santé physique et mentale, compte tenu en particulier de la fragilité de son rachis cervical.

5.7L’auteur affirme devant le Comité que le traitement de réadaptation offert par l’État partie est non seulement parcellaire mais qu’il n’a débuté qu’à la mi-juillet 2013. De plus, pour des raisons indépendantes de sa volonté, les séances de réadaptation ont été interrompues en septembre 2013, l’ambulance qui assurait son transport ayant eu un accident. À la suite de quoi, l’auteur a ressenti de vives douleurs au cou et à la hanche, pour lesquelles il a subi des examens médicaux, douleurs qui ont amené à suspendre son transfert à l’hôpital de San Juan de Dios.

5.8.Le 10 novembre 2013, l’auteur a informé le Comité que le Département de médecine légale avait confirmé que le dernier examen médical dénotait l’absence de toute amélioration de son état de santé général. Le 17 décembre 2013, l’auteur a fait observer que l’accident d’ambulance attestait le risque que les transports entre le centre pénitentiaire et l’hôpital de réadaptation représentaient pour sa vie et pour sa santé. Non seulement ces trajets étaient cause de grande anxiété et de vives douleurs pour lui, ce qui influait négativement sur l’efficacité du traitement, mais ils l’empêchaient d’avoir des visites sur son lieu de détention les jours autorisés par les autorités pénitentiaires, dès lors que les trajets à l’hôpital coïncidaient avec les heures de visites instaurées pour les proches et amis dans la prison.

5.9Le 6 mars 2014, l’auteur a réitéré ses allégations quant à l’absence de réadaptation appropriée et prodiguée en temps voulu, et aux répercussions néfastes des trajets en ambulance pour son rachis cervical, et il a fait valoir qu’il devait être placé dans un établissement de santé spécialisé ou être assigné à résidence. De plus, il a signalé que le dernier rapport établi par son médecin traitant mentionnait que les soins prodigués étaient insuffisants et inefficaces, et qu’il lui fallait donc un traitement de réadaptation quotidien, d’une durée de quatre heures.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1Le 31 juillet 2013, l’État partie a informé le Comité des mesures prises pour donner suite à la demande d’adoption de mesures temporaires faite par le Comité le 4 février 2013. Le 12 juin 2013, sur requête de la Chambre fédérale, le Tribunal oral fédéral a examiné de nouveau la demande d’admission de l’auteur à l’Institut FLENI, et s’est prononcé contre une telle mesure. Au préalable, le Tribunal avait rendu visite à l’auteur et avait inspecté son lieu de détention à l’hôpital pénitentiaire, y compris la salle de bains et les locaux consacrés à la physiothérapie, qu’il avait trouvés bien entretenus et en bon état de propreté.

6.2Le Tribunal oral fédéral a pris note des renseignements médicaux communiqués par le Département de médecine légale, selon lesquels il n’était pas nécessaire d’adopter de nouvelles mesures et il y avait lieu de se conformer aux indications figurant dans les rapports antérieurs, tendant à ce qu’un traitement de réadaptation soit dispensé en ambulatoire.

6.3Au sujet du rapport du médecin de la prison d’Ezeiza, en date du 17 avril 2013, l’État partie signale que, dans le cadre de la procédure devant le Tribunal oral fédéral, il a consulté le médecin en question, qui a soutenu que son avis avait reposé exclusivement sur les recommandations des médecins de l’auteur, à l’Institut FLENI. De plus, le Tribunal oral fédéral a considéré que les rapports médicaux produits au moment où l’auteur a quitté l’Institut FLENI établissent que l’auteur était en état de suivre un traitement en ambulatoire, conclusion que ni les médecins traitants de l’Institut FLENI ni les experts officiels n’avaient contestée.

6.4À partir des éléments communiqués par l’OSDE, le Tribunal oral fédéral a établi que, en juin 2012, l’auteur avait refusé les services de réadaptation dispensés par la société GEBEN à l’intérieur de l’établissement pénitentiaire, et a exigé d’être soigné selon les modalités et dans les lieux prescrits par l’Institut FLENI. De même, le Tribunal oral fédéral a pris note de l’affirmation du kinésithérapeute qui s’était occupé de l’auteur dans le centre pénitentiaire, concernant les limites des équipements de kinésithérapie à disposition sur place, et a fait observer que ce constat était contredit par le prestataire d’assurance maladie de l’auteur, selon lequel, suite à la visite effectuée par le médecin de GEBEN, il y avait une possibilité de soins de réadaptation en kinésithérapie et en physiothérapie sur le lieu de détention, les médecins traitants pouvant très bien se rendre sur place. En outre, la disponibilité d’équipements de toute dernière génération a été confirmée par le Procureur général extraordinaire du Service des droits humains, au Bureau du Procureur général, lequel s’était rendu à l’hôpital pénitentiaire le 8 mai 2013 et s’y était entretenu avec l’auteur. Le Tribunal oral fédéral a donc conclu que le constat était fait de la présence d’équipements de réadaptation de kinésithérapie, en nombre suffisant, du moins pour ce qui était des besoins de base, et que l’équipement en question était en bon état et fonctionnait correctement.

6.5Par conséquent, le Tribunal oral fédéral a conclu que, hormis l’avis du médecin de la prison d’Ezeiza, il n’y avait ni prescription médicale ni nouvel élément en faveur de la demande de l’auteur. Prenant note de la demande de mesures temporaires formulée par le Comité le 4 février 2013, le Tribunal oral fédéral a demandé au Département de médecine légale de procéder à une expertise médicale afin de déterminer quel était l’état de santé de l’auteur, d’évaluer les modalités de sa réadaptation et de déterminer s’il était opportun qu’il reste à l’hôpital pénitentiaire. Le Tribunal a également ordonné de maintenir les services de réadaptation offerts par l’organisme d’assurance maladie de l’auteur, et, s’il y avait lieu, de conserver la trace du refus de l’auteur de se soumettre à ces prestations, en s’assurant que le refus résultait bien d’une décision prise en connaissance de cause; il a en outre ordonné que le Département de médecine légale établisse chaque mois un rapport d’ensemble sur l’état de santé de l’auteur et son évolution.

6.6Le 20 septembre 2013, l’État partie a informé le Comité que le Tribunal oral fédéral avait demandé au centre de réadaptation de San Juan de Dios des renseignements, qui avaient confirmé que l’auteur suivait un traitement de réadaptation en physiothérapie et en psychologie.

6.7Les 15 novembre et 19 décembre 2013, l’État partie a informé le Comité que, à la demande du Tribunal oral fédéral, l’auteur avait été soumis le 9 octobre 2013 à une expertise médicale à laquelle avaient pris part le Département de médecine légale de la Cour suprême de justice et trois experts médecins désignés par les parties. Selon le rapport correspondant, aucun changement notable n’avait été constaté dans l’état de santé de l’auteur. Après l’accident d’ambulance, le 3 septembre 2013, l’auteur a été soumis à un examen médical de son état de santé visant en particulier à déterminer les dommages éventuels au rachis cervical et au cerveau. Cet examen n’a révélé aucun changement par rapport aux résultats antérieurs. De plus, il est signalé dans le rapport que la prison dispose d’un équipement approprié pour la réadaptation du système musculo‑squelettique, mais n’est pas équipé pour la réadaptation des patients présentant des difficultés à se tenir debout et des altérations de l’équilibre, ou ayant besoin d’une rééducation visuelle. Il a donc été recommandé de maintenir l’auteur au Complexe pénitentiaire fédéral d’Ezeiza, une partie de la réadaptation requise devant se faire en milieu hospitalier hors du Complexe. L’un des experts proposés par les parties a toutefois signalé que même si les installations de réadaptation de la prison étaient en excellent état de fonctionnement et de propreté, l’auteur présentait des séquelles d’une gravité telle qu’elles exigeaient son placement dans un centre de réadaptation spécialisé en neurologie.

6.8Le 2 avril 2014, l’État partie a réaffirmé que la communication devait être déclarée irrecevable au sens de l’article 2 du Protocole facultatif, compte tenu des arguments déjà exposés au Comité, du fait que la peine de prison imposée à l’auteur faisait partie des efforts menés dans le cadre du processus dit de mémoire, de vérité et de justice, et de ce que, s’agissant de la présente communication, la seule intention de l’auteur était d’éviter d’exécuter la peine imposée en prison.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits des personnes handicapées doit, conformément à l’article 2 du Protocole facultatif et à l’article 65 du Règlement intérieur du Comité, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention.

7.2Conformément aux dispositions de l’alinéa c de l’article 2 du Protocole facultatif, le Comité s’est assuré que la même affaire n’avait pas déjà été examinée par le Comité et qu’elle n’avait pas déjà été examinée ou n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.3Le Comité constate que l’auteur a invoqué une violation de l’article 13 de la Convention et a affirmé que, malgré son état de santé, il avait été obligé de se rendre jusqu’au tribunal où se déroulait le procès oral le concernant, ce en dépit de l’avis contraire de ses médecins, pour se voir ensuite refuser l’entrée de la salle d’audience, et devoir rester dans l’ambulance ou sur un brancard. Toutefois, sur la base des éléments présentés, le Comité considère qu’il ne peut conclure que l’auteur a épuisé tous les recours internes eu égard à cette allégation, et déclare donc la communication partiellement irrecevable en vertu de l’alinéa d de l’article 2 du Protocole facultatif, pour ce qui est de ce point.

7.4Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel l’auteur n’a pas épuisé tous les recours internes, sachant qu’il a choisi une voie de recours inappropriée pour les violations présumées et qu’il n’a pas formé de recours fédéral extraordinaire auprès de la Cour suprême contre la décision de la Chambre fédérale en date du 13 juillet 2012. Le Comité relève que l’auteur a saisi les tribunaux de l’État partie, à diverses reprises, pour demander son assignation à résidence, ou son transfert et son admission dans un centre de santé. En particulier, il a formé par trois fois un recours en cassation devant la Chambre fédérale de cassation pénale, le dernier en date ayant été fait le 29 mai 2013. Le Comité considère que l’État partie ne parvient pas à expliquer son affirmation selon laquelle l’auteur a opté pour une voie de recours qui n’était pas appropriée. L’État partie n’explique pas non plus en quoi le recours fédéral extraordinaire aurait pu être utile et approprié, et n’indique pas quel autre recours était disponible pour les violations alléguées par l’auteur. Compte tenu de la nature des questions à l’examen, le Comité estime que l’auteur a fait des efforts suffisants pour soumettre ses plaintes aux autorités nationales. En outre, en formant les recours extraordinaires que prévoit la législation de l’État partie, le traitement de la demande pouvait s’en trouver considérablement retardé, ce qui mettait en péril l’intégrité physique du demandeur. Le Comité conclut donc que rien ne fait obstacle à la recevabilité de la communication au titre de l’alinéa d de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.5Le Comité prend note des arguments de l’État partie selon lesquels la communication est irrecevable en vertu de l’alinéa e de l’article 2 du Protocole facultatif, puisque les allégations de l’auteur ne sont pas fondées et qu’elles sont de caractère général et manquent de précision. Le Comité estime que les plaintes de l’auteur et les faits exposés soulèvent des questions qui méritent d’être examinées au titre des articles 9 et 10, du paragraphe 2 de l’article 14, du paragraphe 2 de l’article 15 et des articles 17, 25 et 26 de la Convention, et qu’ils ont été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité. Par conséquent, en l’absence d’autres obstacles à la recevabilité, le Comité déclare la communication partiellement recevable et procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

8.1Conformément à l’article 5 du Protocole facultatif et au paragraphe 1 de l’article 73 du Règlement intérieur du Comité, le Comité des droits des personnes handicapées a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui avaient été communiquées.

8.2Le Comité prend note du grief de l’auteur selon lequel il a été victime de discrimination de la part des autorités, qui n’ont pas pris en considération son handicap et son état de santé lorsqu’elles ont décidé de le placer à l’hôpital de la prison centrale du Complexe pénitentiaire fédéral d’Ezeiza, et qu’elles n’ont pas apporté les aménagements raisonnables requis pour garantir l’intégrité personnelle de l’auteur. Il en est résulté une interruption du traitement de réadaptation prescrit par les médecins traitants de l’auteur, et une violation de son droit de jouir du meilleur état de santé possible, sans discrimination, et de son droit d’atteindre le maximum d’autonomie et de réaliser pleinement son potentiel. De plus, l’auteur affirme que les autorités ont rejeté arbitrairement ses allégations quant au risque que les trajets entre la prison d’Ezeiza et le centre de réadaptation présentaient pour sa santé, et selon lesquelles les infrastructures au centre pénitentiaire sont précaires et non adaptées aux personnes handicapées et les aménagements opérés par les autorités pénitentiaires sur son lieu de détention insuffisants pour éviter les dommages continuels et irréparables causés à sa santé physique et mentale.

8.3Des informations dont dispose le Comité il ressort que l’auteur a dû subir une intervention chirurgicale au cours de laquelle une plaque a été mise en place au niveau du cou, de façon défectueuse. L’auteur a également eu un accident vasculaire cérébral ayant entraîné de graves séquelles, notamment une hémianopsie homonyme latérale gauche et des troubles de l’équilibre sensoriel et cognitif et de l’orientation visuo-spatiale. Compte tenu de cela, l’auteur demande à bénéficier d’un traitement de réadaptation comportant des prestations de kinésithérapie, d’ergothérapie, de neurologie cognitive et de rééducation visuelle. Le 7 avril 2010, l’Institut FLENI a informé le Tribunal oral fédéral que l’auteur était en état de poursuivre un programme de réadaptation en ambulatoire (hospitalisation de jour) et, le 6 août 2010, le Tribunal a ordonné son placement en détention, à la prison centrale de Buenos Aires dans un premier temps, puis à la prison d’Ezeiza, le 26 mai 2011, centre pénitentiaire où il se trouve toujours à l’heure actuelle.

Les conditions du lieu de détention

8.4Le Comité prend note des allégations de l’auteur selon lesquelles sa cellule à la prison d’Ezeiza n’est pas adaptée pour une occupation par une personne handicapée. Les aménagements apportés par les autorités pénitentiaires s’avèrent insuffisants, puisque les dimensions des sanitaires ne sont pas adaptées à un fauteuil roulant, que le fauteuil en plastique partiellement adapté mis à disposition dans la salle de bains n’est pas doté des équipements de sécurité indispensables, et que l’auteur ne peut se déplacer par ses propres moyens pour accéder aux toilettes et à la douche, donc est tributaire de l’assistance d’un infirmier ou d’une autre personne. Une sonnette d’appel a certes été installée, mais dans la pratique il arrive fréquemment que personne ne réagisse en temps voulu. L’auteur a contracté des escarres à plusieurs reprises, et ce, parce qu’il ne disposait pas d’un matelas antiescarres et que ses mouvements étaient extrêmement limités. Concrètement, il ne peut pourvoir à ses besoins essentiels qu’en recourant à des équipements dans son lit et, puisqu’il ne dispose d’aucune assistance d’une tierce personne, il ne peut procéder à sa toilette quotidienne. Le manque d’infrastructures adaptées aux personnes handicapées et les conditions de détention précaires portent atteinte à sa dignité et constituent un traitement inhumain. Par ailleurs, le Comité prend note des observations de l’État partie sur le fait que les autorités ont effectué les travaux et apporté les modifications nécessaires pour supprimer la marche qui empêchait l’auteur d’accéder de façon autonome à la salle de bains et à la douche. De plus, les autorités judiciaires de la Gendarmería Nacional et le Bureau du Procureur général se sont assurés in situ de la présence d’ascenseurs, en état de fonctionner, de l’existence pour l’accès à la cour d’une porte spécialement aménagée pour le passage de l’auteur, et de la présence et du bon fonctionnement d’une sonnette permettant de faire appel à l’infirmier vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

8.5Le Comité rappelle que, conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l’article 14 de la Convention, les personnes handicapées qui se voient privées de liberté ont le droit d’être traitées conformément aux buts et aux principes énoncés dans la Convention, y compris le droit à ce qu’on apporte les aménagements raisonnables requis. De même, il rappelle que l’accessibilité est l’un des principes généraux de la Convention et que, à ce titre, il s’applique également aux cas où la personne handicapée est privée de liberté. L’État partie a l’obligation de garantir que ses établissements pénitentiaires sont conçus de façon que puissent y accéder toutes les personnes handicapées qui se trouvent privées de liberté. Par conséquent, les États parties doivent adopter toutes les mesures utiles, y compris recenser et éliminer les obstacles qui se posent à l’accès, de sorte que les personnes handicapées privées de liberté puissent mener une vie autonome et prendre pleinement part à toutes les composantes de la vie courante sur leur lieu de détention; il s’agit notamment de leur garantir l’accès, à égalité avec les autres détenus, aux différents espaces physiques et services − salles de bains et toilettes, cour, bibliothèque, salle d’étude, ateliers, ou encore service médical, psychologue et services sociaux et juridiques. Dans le cas présent, le Comité convient que l’État partie a procédé à des aménagements pour éliminer les obstacles à l’accès de l’auteur à l’environnement physique dans le centre pénitentiaire. Cependant, il considère que l’État partie n’a pas montré avec des preuves dignes de foi à l’appui que les mesures d’ajustement prises sur le complexe pénitentiaire étaient suffisantes pour garantir l’accès de l’auteur à la salle de bains et à la douche, à la cour et à l’infirmerie, dans la plus grande autonomie possible. À cet égard, le Comité constate que l’État partie n’a pas fait valoir l’existence d’obstacles l’empêchant de prendre toutes les mesures nécessaires pour faciliter les déplacements de l’auteur dans son environnement, et qu’il n’a pas non plus rejeté les allégations de l’auteur quant aux obstacles persistants dans l’architecture des locaux. Parconséquent, le Comité estime que, en l’absence d’explications exhaustives, l’État partie n’a pas respecté ses obligations eu égard aux alinéas a et b du paragraphe 1 de l’article 9 et au paragraphe 2 de l’article 14 de la Convention.

8.6Étant parvenu à la conclusion ci-dessus et dans les circonstances de l’espèce, le Comité considère que, compte tenu du défaut d’accessibilité et d’ajustements raisonnables, l’auteur a été placé en détention dans des conditions précaires incompatibles avec le droit consacré à l’article 17 de la Convention.

8.7Le Comité rappelle que l’absence de mesures appropriées et d’aménagements raisonnables suffisants, lorsque ceux-ci sont requis, pour des personnes handicapées privées de liberté peut équivaloir à un traitement contraire aux obligations énoncées au paragraphe 2 de l’article 15 de la Convention. Cependant, dans le cas présent, le Comité estime qu’il ne dispose pas d’éléments suffisants lui permettant de conclure à l’existence d’une violation des dispositions du paragraphe 2 de l’article 15 de la Convention.

Les soins de santé et le traitement de réadaptation

8.8Le Comité prend note des allégations de l’auteur selon lesquelles, depuis son arrivée à la prison d’Ezeiza, il n’a bénéficié d’aucun traitement de réadaptation approprié prodigué en temps voulu, et que ce centre pénitentiaire manque des infrastructures, de l’équipement et du personnel compétent pour mener à bon terme le programme de réadaptation prescrit à l’auteur. Le Comité prend note également des observations de l’État partie selon lesquelles, en se coordonnant avec l’OSDE, le traitement de réadaptation en ambulatoire peut être prodigué à la prison d’Ezeiza et dans des centres de santé extérieurs situés à proximité de la prison; il note que l’auteur a refusé à plusieurs reprises de se soumettre auxdits traitements, et que ses demandes d’assignation à résidence ou d’admission en milieu hospitalier ont été examinées avec attention par les autorités judiciaires, lesquelles ont ordonné au Tribunal oral fédéral de prendre les mesures voulues pour protéger la santé et l’intégrité de l’auteur.

8.9Le Comité rappelle que, conformément à l’article 25 de la Convention, les personnes handicapées ont le droit de jouir du meilleur état de santé possible sans discrimination, et que les États parties doivent prendre toutes les mesures appropriées pour assurer aux personnes handicapées l’accès à des services de santé, y compris des services de réadaptation. En outre, l’article 26 dispose que les États parties doivent prendre des mesures efficaces et appropriées pour permettre aux personnes handicapées d’atteindre et de conserver le maximum d’autonomie, de réaliser pleinement leur potentiel physique, mental, social et professionnel, et de parvenir à la pleine intégration et à la pleine participation à tous les aspects de la vie, au moyen de services et de programmes diversifiés d’adaptation et de réadaptation, de telle sorte que ces programmes et services commencent au stade le plus précoce possible et soient fondés sur une évaluation pluridisciplinaire des besoins et des atouts de chacun. À la lumière de ces dispositions, lues conjointement avec le paragraphe 2 de l’article 14, le Comité rappelle que les États parties ont une responsabilité particulière de garants des droits fondamentaux chaque fois que les autorités pénitentiaires exercent un contrôle ou un pouvoir important sur les personnes handicapées privées de liberté à l’issue d’une quelconque procédure.

8.10Dans le cas présent, il ne fait absolument aucun doute que l’auteur a besoin de soins de santé et d’un traitement de réadaptation. À cet égard, le Comité constate que, depuis son arrivée à la prison d’Ezeiza, le 26 mai 2011, l’établissement pénitentiaire n’a pas pris les dispositions permettant à l’auteur de suivre de façon continue le traitement de réadaptation prescrit par ses médecins traitants de l’Institut FLENI. Cela étant, l’auteur a, parfois, refusé de suivre le traitement de réadaptation offert à la prison d’Ezeiza ou dans les hôpitaux extérieurs désignés par les autorités. Plus tard, suite à une intervention de la Chambre fédérale de cassation pénale, l’auteur a pu bénéficier, à compter de juillet 2013, de séances régulières de physiothérapie et de psychothérapie au centre de réadaptation de San Juan de Dios et à l’hôpital pénitentiaire. Le Comité a conscience des contradictions entre les affirmations de l’auteur et les déclarations de l’État partie quant à la qualité et à l’opportunité du traitement de réadaptation fourni à l’auteur durant sa détention. Le Comité constate toutefois que, d’une part, les affirmations de l’auteur ne sont pas assorties d’éléments de preuve pleinement convaincants et que, d’autre part, les organes judiciaires ont pris des mesures pour répondre aux besoins médicaux de l’auteur. En conséquence, et dans les circonstances particulières de l’espèce, le Comité ne dispose pas d’éléments suffisants pour conclure à l’existence d’une violation des articles 25 et 26 de la Convention.

Les risques que représente l’état du rachis cervical de l’auteur pour sa santé et pour sa vie

8.11Le Comité prend note des allégations de l’auteur quant à la fragilité de son rachis cervical et aux risques importants qu’entraîne la migration de la plaque qui avait été mise en place par voie chirurgicale. Selon les allégations de l’auteur, les autorités auraient mis sa vie et sa santé gravement en péril en l’affectant à un centre pénitentiaire et en l’obligeant à accepter un traitement en ambulatoire qui nécessite de fréquents trajets en ambulance, tous déplacements qui représentent un risque grave pour sa vie et sa santé. Le Comité prend note des avis médicaux sollicités par les autorités judiciaires ainsi que de ceux présentés par l’auteur. Le Comité note que, le 7 avril 2010, les médecins traitants de l’auteur, à l’Institut FLENI, ont recommandé que l’auteur suive un traitement en ambulatoire; que, après cette date, l’auteur a été admis dans des centres de santé, dont un choisi par ses propres soins, qu’il y a subi une batterie d’examens et de bilans de santé; et que les avis médicaux sur les conséquences que pourraient avoir les trajets compte tenu de l’état du rachis cervical de l’auteur ne sont pas concluants. Tenant compte des informations portées à sa connaissance, le Comité ne dispose pas de suffisamment d’éléments pour conclure que les transferts depuis et vers la prison en ambulance dotée d’équipements de pointe et avec un médecin à bord, ou le maintien de l’auteur dans l’établissement pénitentiaire, constituent une violation des articles 10 et 25 de la Convention.

9.Le Comité, agissant en vertu de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, considère que l’État partie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des alinéas a et b du paragraphe 1 de l’article 9, du paragraphe 2 de l’article 14, et de l’article 17 de la Convention, et fait les recommandations ci-après à l’État partie:

a)Recommandations concernant l’auteur: l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur une réparation pour la violation des droits que ce dernier tient de la Convention, consistant à procéder aux aménagements du lieu de détention propres à garantir son accès aux installations physiques et aux services pénitentiaires, à égalité avec les autres personnes détenues. L’État partie est également tenu de rembourser à l’auteur les frais engagés pour le traitement du dossier. De plus, étant donné l’état de santé fragile de l’auteur, le Comité demande à l’État partie de veiller à ce que, dans l’optique du droit du patient de consentir à un traitement médical ou de le refuser, l’auteur ait accès en temps voulu aux soins de santé appropriés qu’impose son état de santé, et à ce qu’il ait accès en permanence et pleinement à un traitement de réadaptation approprié;

b)Recommandation générale: l’État partie est tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas. Il est notamment tenu:

i)D’adopter des mesures pertinentes et de procéder à des aménagements raisonnables suffisants, lorsqu’ils sont demandés, afin de garantir aux personnes handicapées privées de liberté la possibilité de vivre de façon indépendante et de participer pleinement à toutes les composantes de la vie sur leur lieu de détention;

ii)D’adopter des mesures utiles et d’apporter les aménagements raisonnables suffisants, lorsque ceux-ci sont demandés, pour garantir aux personnes handicapées privées de liberté l’accès, à égalité avec les autres personnes privées de liberté, aux installations physiques du lieu de détention ainsi qu’aux services qui y sont offerts;

iii)D’adopter des mesures utiles pour garantir aux personnes handicapées privées de liberté l’accès à un traitement médical et à une réadaptation, de façon qu’elles puissent jouir du meilleur état de santé possible, sans discrimination;

iv)De garantir que, faute d’accessibilité et d’aménagements raisonnables, les conditions de détention des personnes handicapées ne s’aggravent pas et n’entraînent pas une plus grande souffrance sur les plans physique et mental, pouvant évoluer en formes de traitement cruel, inhumain ou dégradant et en atteintes à l’intégrité physique et mentale de la personne;

v)De prévoir une formation appropriée et régulière concernant le domaine d’application de la Convention et du Protocole facultatif s’y rapportant, à l’intention des juges et autres membres du corps judiciaire, ainsi que du personnel des établissements pénitentiaires, en particulier du personnel de santé.

10.Conformément à l’article 5 du Protocole facultatif et à l’article 75 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à soumettre au Comité, dans un délai de six mois, une réponse écrite dans laquelle il indiquera toute mesure qu’il aura pu prendre à la lumière des constatations et recommandations du Comité. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations et à les diffuser largement, sous des formes accessibles, auprès de tous les secteurs de la population.

[Adopté en espagnol (version originale), en anglais, en arabe, en chinois et en français. Paraîtra ultérieurement en russe dans le rapport biennal présenté par le Comité à l’Assemblée générale.]