Nations Unies

CCPR/C/PRT/CO/5

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

28 avril 2020

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ homme

Observations finales concernant le cinquième rapport périodique du Portugal *

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le cinquième rapport périodique du Portugal (CCPR/C/PRT/RQ/5) à ses 3696e et 3697e séances (voir CCPR/C/SR.3696 et 3697), les 5 et 6 mars 2020. Le 27 mars 2020, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité sait gré au Portugal d’avoir soumis son cinquième rapport périodique dans les délais et accueille avec satisfaction les renseignements qui y sont donnés. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif avec la délégation de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour appliquer les dispositions du Pacte. Il remercie l’État partie de ses réponses écrites (CCPR/C/PRT/RQ/5) à la liste de points (CCPR/C/PRT/Q/5), qui ont été complétées oralement par la délégation, ainsi que des renseignements supplémentaires qui lui ont été communiqués par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité salue l’adoption par l’État partie des mesures législatives et institutionnelles ci-après :

a)La mise en place du Service de la transparence, organe indépendant au sein de la Cour constitutionnelle, qui est chargé d’évaluer et de contrôler les déclarations de revenu, le patrimoine et les intérêts des responsables politiques et des hauts fonctionnaires (loi organique no 4/2019 du 13 septembre 2019) ;

b)La loi organique no 1/2019 du 29 mars 2019, qui a porté de 33,3 % à 40 % le seuil minimal de femmes sur les listes électorales au Parlement national, au Parlement européen, au sein des organes électifs des municipalités et aux conseils paroissiaux ;

c)La loi no 26/2019 du 28 mars 2019, qui a défini un seuil minimal de 40 % de femmes parmi les hauts fonctionnaires de l’administration publique ainsi que dans les établissements publics d’enseignement supérieur et les associations publiques ;

d)La loi no 38/2018 du 7 août 2018, sur les droits des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes ;

e)La loi no 93/2017 du 23 août 2017, sur la prévention et l’interdiction de la discrimination fondée sur l’origine raciale et ethnique, la couleur, la nationalité, l’ascendance ou le lieu d’origine, et la lutte contre ces formes de discrimination ;

f)La loi no 94/2017 du 23 août 2017, qui a introduit la possibilité de faire exécuter les peines d’emprisonnement inférieures ou égales à deux ans par assignation à résidence avec surveillance électronique ;

g)Le Plan d’action pour la prévention et la répression de la violence à l’égard des femmes et de la violence familiale (2018-2030).

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Mise en œuvre du Pacte et du Protocole facultatif s’y rapportant

4.Le Comité note que les tribunaux nationaux se réfèrent aux dispositions du Pacte. Tout en relevant que l’article 8 2) de la Constitution dispose que les conventions internationales ratifiées entrent en vigueur dans le droit interne, il s’inquiète de la non‑conformité de la législation nationale avec les paragraphes 3 d) et 5 de l’article 14 du Pacte. À cet égard, il prend note de l’explication fournie par la délégation, selon laquelle la question du droit de faire réexaminer la déclaration de culpabilité pénale par une juridiction supérieure, prévu au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, a été soumise à la Cour constitutionnelle, qui doit rendre une décision. Il regrette, cependant, la position de l’État partie quant à la mise en œuvre du paragraphe 3 d) de l’article 14 du Pacte, qui a fait l’objet de constatations du Comité dans l’affaire Correia de Matos (communication no 1123/2002) (CCPR/C/86/D/1123/2002 et Rev.1), adoptées en mars 2006 (art. 2).

5. L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures institutionnelles et législatives nécessaires pour veiller à ce que les droits protégés par le Pacte soient pleinement appliqués dans l ’ ordre juridique interne et à ce que des suites soient données aux observations finales et aux constatations adoptées par le Comité, de manière à garantir le droit des victimes à un recours utile en cas de violation du Pacte, conformément aux paragraphes 2 et 3 de l ’ article 2. Il devrait envisager de modifier sa législation pour la mettre en conformité avec les paragraphes 3 d) et 5 de l ’ article 14 du Pacte. Il devrait également poursuivre l ’ action qu ’ il mène pour faire connaître le contenu du Pacte et du Protocole facultatif s ’ y rapportant aux avocats, aux procureurs, aux juges et aux membres des forces de l ’ ordre ainsi qu ’ au grand public.

Institutions nationales des droits de l’homme

6.Tout en se félicitant que le Bureau du Médiateur du Portugal se soit vu accorder le statut A, le Comité est préoccupé par des informations indiquant que celui-ci ne dispose pas des ressources financières dont il a besoin pour s’acquitter efficacement de son mandat (art. 2).

7. L ’ État partie devrait réévaluer les besoins financiers du Bureau du Médiateur du Portugal et veiller à ce que celui-ci dispose des ressources financières dont il a besoin pour s ’ acquitter de son mandat efficacement et en toute indépendance.

Mesures de lutte contre la corruption

8.Le Comité apprécie les renseignements communiqués par l’État partie au sujet des mesures législatives, institutionnelles et répressives qu’il a prises pour prévenir et combattre la corruption, mais il est préoccupé par les affaires de corruption à haut niveau qui ont récemment fait scandale dans l’État partie (art. 1er, 2 et 25).

9. L ’ État partie devrait poursuivre les efforts qu ’ il déploie pour combattre la corruption et promouvoir la bonne gouvernance, la transparence et la responsabilité, notamment au moyen de la coopération internationale et par l ’ application effective de la législation et des mesures de prévention. Il devrait faire dispenser aux services de maintien de l ’ ordre, aux procureurs et aux juges la formation voulue sur la détection des pratiques de corruption, l ’ investigation sur ces pratiques et les poursuites à engager, ainsi que sur le renforcement de l ’ indépendance opérationnelle et structurelle et de la spécialisation des services de maintien de l ’ ordre et des procureurs chargés des affaires de corruption , afin de permettre l ’ instruction d ’ affaires de corruption de haut niveau et complexes.

Cadre de la lutte contre la discrimination

10.Malgré les explications fournies par la délégation, le Comité note avec préoccupation que l’article 240 du Code pénal, qui incrimine la discrimination, limite le champ de cette infraction aux « activités de propagande organisée » et en exclut l’incitation à la discrimination. Il note également que l’article 240 n’interdit pas la discrimination fondée sur la langue et sur toute autre situation, comme l’exige le Pacte. S’il prend acte de la position de l’État partie selon laquelle la discrimination fondée sur la langue est interdite par le Protocole no 12 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme), que l’État partie a ratifié, le Comité n’a pas reçu d’informations sur la protection effectivement assurée, dans la pratique, contre la discrimination fondée sur ces motifs (art. 2 et 26).

11. L ’ État partie devrait envisager de modifier l ’ article 240 du Code pénal afin de le rendre compatible avec les articles 20 et 26 du Pacte, et prendre toutes les mesures nécessaires pour que cet article incrimine également l ’ incitation à la discrimination et que son application assure une protection complète et efficace, sur le fond et en matière de procédure, contre la discrimination fondée sur tous les motifs interdits par le Pacte dans tous les domaines et secteurs. Il devrait garantir aux victimes de discrimination l ’ accès à des voies de recours efficaces et appropriées.

Discrimination à l’égard des Roms et des personnes d’ascendance africaine

12.Le Comité se félicite des différents programmes mis en place pour améliorer la situation des Roms et des personnes d’ascendance africaine, ainsi que des progrès accomplis à cet égard dans certains domaines, mais il est préoccupé par certaines informations indiquant que ces communautés continuent d’être l’objet de discrimination, surtout dans les domaines de l’éducation, de l’emploi et du logement. Il s’inquiète en particulier du taux élevé d’abandon scolaire et du faible taux d’emploi au sein de ces communautés. Le Comité s’inquiète des répercussions négatives de l’interdiction de la collecte de données ventilées en fonction de la race ou de l’origine ethnique, prévue par la Constitution, sur la capacité de renforcer la lutte contre la discrimination (art. 2, 24, 26 et 27).

13.L ’ État partie devrait intensifier l ’ action qu ’ il mène pour combattre la stigmatisation et la discrimination visant les Roms et les personnes d ’ ascendance africaine et veiller à ce que les plaintes donnent lieu à des enquêtes et à ce que les victimes aient accès à des recours. Il devrait envisager de prendre des mesures propres à garantir l ’ accès des Roms et des personnes d ’ ascendance africaine au marché de l ’ emploi et à accroître le taux de scolarisation et le taux d ’ achèvement des études parmi les enfants scolarisés. Il devrait envisager également d ’ autoriser la collecte de certaines données ventilées sur différents groupes minoritaires et de mettre au point des outils qui permettent de garantir la jouissance effective par les minorités raciales et ethniques de tous les droits de l ’ homme et libertés fondamentales et d ’ évaluer la situation de ce point de vue, et utiliser ces données à des fins de planification et d ’ évaluation.

Discours de haine et crimes motivés par la haine

14.Le Comité prend note des mesures législatives et des autres mesures adoptées par l’État partie pour combattre les discours de haine et les crimes motivés par la haine, mais il est préoccupé par l’intolérance, les préjugés, les discours de haine et les crimes motivés par la haine dont seraient victimes les groupes vulnérables et les groupes minoritaires, notamment les Roms, les personnes d’ascendance africaine, les musulmans et les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transgenres, en particulier dans les médias et sur les réseaux sociaux. Le Comité est préoccupé en outre par le faible nombre de plaintes ainsi que par l’absence de renseignements concernant les condamnations prononcées et les peines infligées dans des affaires de crimes motivés par la haine, ces renseignements étant soumis à la politique de l’État partie sur la confidentialité des données statistiques (art. 2, 19, 20 et 26).

15. L ’ État partie devrait  :

a) Redoubler d ’ efforts pour combattre l ’ intolérance, les stéréotypes, les préjugés et la discrimination visant les groupes vulnérables et les groupes minoritaires, notamment les Roms, les personnes d ’ ascendance africaine, les musulmans et les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transgenres , notamment en renforçant la formation des agents de la force publique, des procureurs et des juges et en menant des campagnes de sensibilisation auprès du grand public pour encourager l ’ ouverture à la diversité et promouvoir son respect  ;

b) Accroître les efforts déployés pour prévenir les discours de haine et les crimes motivés par la haine et veiller à ce que tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse, à l ’ hostilité ou à la violence soit interdit par la loi, conformément aux articles 19 et 20 du Pacte et à l ’ observation générale n o 34 (2011) du Comité sur la liberté d ’ opinion et la liberté d ’ expression  ;

c) Encourager le signalement des crimes motivés par la haine et des discours de haine et veiller à ce que ces crimes soient identifiés et consignés, notamment en mettant en place un système permettant de collecter des données détaillées et ventilées  ;

d) Renforcer la capacité des agents de la force publique d ’ enquêter sur les crimes motivés par la haine et les discours de haine relevant du droit pénal, y compris sur Internet, et faire en sorte que toutes les affaires fassent systématiquement l ’ objet d ’ une enquête, que les auteurs aient à rendre compte de leurs actes et soient passibles de peines à la mesure de la gravité des faits et que les victimes aient accès à une réparation intégrale.

Orientation sexuelle, identité de genre et intersexualité

16.Bien qu’il se félicite de l’adoption récente de la loi no 38/2018, le Comité note avec préoccupation que des enfants présentant des variations du développement sexuel à la naissance subissent parfois des actes médicaux invasifs et irréversibles visant à leur attribuer un sexe, que ces actes se fondent souvent sur une vision stéréotypée des rôles dévolus à chaque sexe et qu’ils sont pratiqués avant que les intéressés soient en âge de donner leur consentement librement et en toute connaissance de cause (art. 3, 7, 9, 17, 24 et 26).

17. L ’ État partie devrait renforcer les mesures visant à mettre fin aux actes médicaux irréversibles, en particulier les opérations chirurgicales, pratiqués sur des enfants intersex e s qui ne sont pas encore en mesure de donner leur consentement librement et en toute connaissance de cause, sauf lorsque de telles interventions sont absolument nécessaires du point de vue médical.

Personnes présentant un handicap intellectuel ou psychosocial

18.Le Comité prend note de l’explication fournie par la délégation à propos des obstacles à l’octroi de prestations sociales aux personnes handicapées et des mesures prises pour y remédier, mais il s’inquiète d’informations faisant état de retards dans la fourniture de prestations sociales, liés à la fois à des examens médicaux et au traitement et au versement des pensions. Il est également préoccupé par l’absence d’informations sur les critères qui sont utilisés pour décider de pratiquer des interventions médicales non consenties, notamment des interruptions de grossesse et des interventions de psychochirurgie, sur des personnes handicapées qui ont été déclarées juridiquement incapables, ainsi que par l’absence de données statistiques sur ce sujet. Il note en outre avec préoccupation les restrictions injustifiées au droit de vote des personnes présentant un handicap mental.

19. L ’ État partie devrait :

a) Poursuivre l ’ action qu ’ il mène en vue de remédier aux insuffisances et aux retards dans l ’ octroi des prestations sociales aux personnes handicapées, notamment en allouant des ressources financières et humaines suffisantes aux services compétents et en assurant une couverture à titre rétroactif  ;

b) Veiller à ce que les personnes handicapées privées de leur capacité juridique ne fassent l ’ objet d ’ un traitement médical ou d ’ une intervention chirurgicale que si tout a été mis en œuvre pour obtenir leur consentement libre, préalable et éclairé, et si les garanties juridiques et procédurales appropriées sont respectées ; garantir des recours judiciaires utiles  ; et veiller à ce que tout abus fasse l ’ objet d ’ une enquête et de poursuites efficaces  ;

c) Veiller à ne pas exercer de discrimination à l ’ égard des personnes présentant un handicap mental, intellectuel ou psychosocial en leur refusant le droit de vote pour des motifs disproportionnés ou n ’ ayant aucun lien raisonnable et objectif avec leur aptitude à voter, compte tenu de l ’ article 25 du Pacte.

Égalité entre les hommes et les femmes

20.Le Comité prend note des différentes mesures qui ont été prises pour promouvoir l’égalité des sexes, mais il est préoccupé par le fait que les femmes demeurent faiblement représentées dans le secteur privé (art. 2, 3, 25 et 26).

21. L ’ État partie devrait continuer à s ’ efforcer d ’ accroître la participation des femmes dans les secteurs public et privé et leur représentation aux plus hauts niveaux. Il devrait également renforcer les actions visant à sensibiliser la population afin de combattre les stéréotypes sexistes dans la famille et au sein de la société.

Violence à l’égard des femmes

22.Le Comité note qu’un certain nombre de mesures importantes ont été prises pour combattre la violence à l’égard des femmes, notamment l’adoption du Plan d’action pour la prévention et la répression de la violence à l’égard des femmes et de la violence familiale (2018-2030). Il est toutefois préoccupé par la persistance de la violence domestique s’exerçant contre les femmes. Il s’inquiète en particulier du faible nombre de cas de violence fondée sur le genre qui sont signalés et du faible nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées. Il prend note de l’explication donnée par la délégation quant à la difficulté d’enquêter sur les cas de violence familiale, notamment lorsque la victime refuse de coopérer à l’enquête ou n’est pas en mesure de le faire, mais il rappelle à l’État partie l’obligation qui lui incombe de prendre toutes les mesures nécessaires pour réaliser les droits consacrés par le Pacte (art. 2, 3, 6, 7 et 26).

23. L ’ État partie devrait veiller à la mise en œuvre effective du Plan d ’ action pour la prévention et la répression de la violence à l ’ égard des femmes et de la violence familiale, notamment en prenant les mesures suivantes :

a) Mener des campagnes pour alerter du caractère inacceptable et des effets néfastes de la violence à l ’ égard des femmes, et informer systématiquement les femmes de leurs droits et des moyens d ’ obtenir une protection, une aide et des réparations  ;

b) Encourager le signalement des cas de violence à l ’ égard des femmes et faire en sorte que les femmes victimes de violence aient accès à des mécanismes de signalement adéquats  ;

c) Veiller à ce que les membres des forces de l ’ ordre, le personnel judiciaire, les procureurs et les autres parties prenantes reçoivent la formation voulue sur les moyens de détecter les cas de violence à l ’ égard des femmes et sur la façon de traiter ces affaires, d ’ enquêter sur ces actes et de poursuivre leurs auteurs, en tenant compte des questions de genre  ;

d) Veiller à ce que les cas de violence à l ’ égard des femmes donnent lieu à des enquêtes approfondies, à ce que les auteurs de telles violences soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables , dûment punis, et à ce que les victimes aient accès à des voies de recours utiles.

Usage excessif de la force

24.Le Comité est préoccupé par la persistance des informations faisant état de violences commises par des policiers contre des membres de minorités ethniques, en particulier des Roms et des personnes d’ascendance africaine. Il constate avec inquiétude que ces infractions ne donnent pas lieu à des enquêtes et des poursuites appropriées et que peu de condamnations sont prononcées. Malgré les explications fournies par la délégation, il prend note avec préoccupation d’informations selon lesquelles les policiers en poste dans des quartiers majoritairement peuplés de membres de minorités ethniques ne disposent pas d’une formation suffisante (art. 7 et 24).

25.L ’ État partie devrait veiller à ce que des mécanismes de plainte accessibles soient en place et à ce que tous les cas de violence signalés fassent l ’ objet d ’ une enquête approfondie débouchant, s ’ il y a lieu, sur des sanctions proportionnées. Il devrait également envisager l ’ utilisation de caméras - piétons, lorsque cela est possible et sous réserve que des mesures adéquates de protection de la vie privée soient prises. En outre, il devrait renforcer l ’ action qu ’ il mène pour éliminer les stéréotypes et la discrimination visant les minorités ethniques, en particulier les Roms et les personnes d ’ ascendance africaine, en réalisant des campagnes de sensibilisation du public pour promouvoir la tolérance et le respect de la diversité et en dispensant une formation appropriée à tous les agents de la force publique, en particulier ceux qui travaillent dans des zones sensibles.

Interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants et du recours excessif à la force

26.Le Comité est préoccupé par les allégations de recours excessif à la force, y compris d’actes de torture et de mauvais traitements, par des représentants des forces de l’ordre au moment de l’arrestation, durant les interrogatoires et dans les centres de détention, ainsi que par le très faible nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées dans ce type d’affaires. Il regrette également l’absence d’informations sur les indemnisations accordées aux victimes d’actes de torture et de mauvais traitements (art. 7 et 10).

27. L ’ État partie devrait veiller à ce que toutes les allégations de recours excessif à la force, y compris d ’ actes de torture et de mauvais traitements, par des représentants des forces de l ’ ordre au moment de l ’ arrestation, durant les interrogatoires et dans les centres de détention donnent lieu sans délai à des enquêtes impartiales, approfondies et efficaces, à ce que les auteurs de tels actes soient poursuivis et condamnés à une peine appropriée et à ce que les victimes reçoivent une indemnisation adéquate. Il devrait également faire en sorte que les programmes de formation destinés aux agents de la force publique comprennent des instructions concernant les enquêtes et la prévention de la torture et des mauvais traitements.

Conditions de détention

28.Tout en se félicitant des mesures prises pour améliorer les conditions de vie et les droits des prisonniers, et de l’assurance donnée par la délégation que la situation s’est sensiblement améliorée dans l’État partie, le Comité reste préoccupé (CCPR/C/PRT/CO/4, par. 11) par les informations qui lui sont parvenues récemment et font état de mauvaises conditions et de surpeuplement dans les lieux de privation de liberté. Il est également préoccupé par des informations dénonçant le manque d’efficacité des mécanismes de plainte mis à la disposition des détenus. Il s’inquiète en outre du taux de suicide des détenus et du fait que des personnes présentant un handicap intellectuel ou psychosocial sont détenues dans des annexes psychiatriques de prisons, où les soins sont insuffisants et où les traitements appropriés font défaut (art. 6, 7, 9, 10 et 14).

29. L ’ État partie devrait  :

a) Envisager de recourir à des mesures de substitution à la détention, notamment la libération sous caution, et veiller à ce que la détention provisoire soit une mesure exceptionnelle, raisonnable et nécessaire, appliquée au cas par cas et pour la durée la plus brève possible  ;

b) Adopter des mesures de prévention des suicides en détention, notamment en mettant en place des stratégies et des programmes efficaces d ’ intervention précoce et en améliorant le repérage des personnes présentant un risque de suicide  ;

c) Accélérer les efforts déployés pour améliorer les conditions en détention et réduire la surpopulation dans les lieux de privation de liberté, et veiller à ce que les conditions dans les lieux de détention soient conformes à l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela)  ;

d) Veiller à ce que les personnes privées de liberté bénéficient, dans la pratique, de toutes les garanties juridiques dès le début de la privation de liberté  ;

e) Accroître le recours aux mesures de substitution à la privation de liberté pour les personnes incarcérées qui présent e nt des troubles mentaux.

Mise à l’isolement

30.Malgré les informations communiquées par la délégation, selon lesquelles, conformément à une recommandation datant de novembre 2019, la mise à l’isolement ne peut pas être imposée pour une période excédant quinze jours, le Comité s’inquiète de ce que la législation en vigueur (art. 105 de la loi no 115/2009) permet d’imposer l’isolement cellulaire à titre de sanction disciplinaire pour une période pouvant aller jusqu’à trente jours. Il est particulièrement préoccupé par le fait que de telles mesures peuvent être imposées à des mineurs de moins de 18 ans (art. 7, 9 et 10).

31. L ’ État partie devrait mettre sa législation et sa pratique en matière de mise à l ’ isolement en conformité avec les normes internationales énoncées dans l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) en abolissant le placement de mineurs à l ’ isolement et en réévaluant la durée totale pendant laquelle il est autorisé de mettre à l ’ isolement une personne en détention provisoire, même lorsque l ’ isolement constitue une mesure de dernier recours. Il devrait évaluer régulièrement les effets de la mise à l ’ isolement en vue de continuer à réduire le recours à cette pratique et de mettre au point des mesures de substitution s ’ il y a lieu.

Traite des personnes

32.Le Comité prend note des efforts faits par l’État partie pour lutter contre la traite des personnes, mais il demeure préoccupé par le faible taux de signalement de ce type d’infractions ainsi que par le faible nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées. Il s’inquiète de ce qu’aucun dispositif adéquat ne soit prévu, dans les procédures d’asile, pour repérer les victimes de la traite, en particulier les enfants victimes (art. 8 et 24).

33. L ’ État partie devrait  :

a) F aire en sorte que les cas de traite donnent lieu à des enquêtes approfondies, que les responsables soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées, et que les victimes obtiennent une réparation intégrale du préjudice subi ainsi qu ’ une protection et une assistance adéquates  ;

b) D ispenser aux juges, aux procureurs, aux membres des forces de l ’ ordre, aux agents des services de l ’ immigration et au personnel de toutes les structures d ’ accueil une formation appropriée portant notamment sur les procédures à suivre pour repérer les victimes de la traite  ;

c) V eiller à ce que les victimes de la traite aient accès à des procédures d ’ asile permettant de déterminer leurs besoins éventuels.

Droits des étrangers, y compris des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile

34.Le Comité est conscient du nombre croissant de migrants qui arrivent sur le territoire de l’État partie, des difficultés que crée cette situation et des efforts que fait l’État partie pour répondre aux besoins de ces personnes, mais il craint que certaines des mesures prises pour faire face à l’afflux de migrants ne portent atteinte aux droits protégés par le Pacte. Il s’inquiète particulièrement :

a)Des retards signalés dans le traitement des demandes d’asile habituelles et dans la délivrance et le renouvellement des permis de séjour ;

b)Du recours excessif à des procédures accélérées qui pourraient compromettre la qualité de l’évaluation des demandes et augmenter le risque de refoulement ;

c)L’absence de dispositif adéquat de repérage des demandeurs d’asile vulnérables, notamment des apatrides ;

d)Des informations indiquant que des demandeurs d’asile sont détenus de façon prolongée à la frontière ;

e)Des informations selon lesquelles les migrants seraient soumis à de mauvaises conditions de détention, notamment le surpeuplement (art. 2, 7, 9, 10 et 13).

35. L ’ État partie devrait  :

a) Faire en sorte que toutes les demandes de protection internationale faites à la frontière et dans les centres d ’ accueil et de détention soient rapidement reçues, enregistrées et transmises aux autorités compétentes  ;

b) Poursuivre ses efforts afin de maintenir et de renforcer la qualité de ses procédures de détermination du statut de réfugié, afin d ’ identifier et de prendre en considération de manière équitable et efficace les personnes ayant besoin d ’ une protection internationale et d ’ offrir des garanties suffisantes de respect du principe de non-refoulement prévu par le Pacte  ;

c) Mettre en place un dispositif efficace de repér age d es demandeurs vulnérables, en particulier d es apatrides  ;

d) Veiller à ce que la détention des migrants et des demandeurs d ’ asile soit une mesure raisonnable, nécessaire et proportionnée, conformément à l ’ observation générale n o 35 (2014) du Comité sur la liberté et la sécurité de la personne, et que des mesures de substitution à la détention soient appliquées dans la pratique  ;

e) Veiller à ce que les conditions de vie et le traitement dans les centres de détention d ’ immigrants répondent aux normes internationales  ;

f) Renforcer la formation des agents des services de l ’ immigration et du contrôle aux frontières sur les droits des demandeurs d ’ asile et des réfugiés protégés par le Pacte et d ’ autres instruments internationaux.

Mineurs non accompagnés

36.Tout en prenant note de l’information communiquée par la délégation selon laquelle la loi portugaise n’autorise pas la détention de mineurs de moins de 18 ans pour des motifs liés à l’immigration, le Comité relève qu’une note du Ministère de l’administration intérieure, publiée en juillet 2018, fixe à sept jours la durée maximale de la détention des enfants de moins de 16 ans. Il est préoccupé par l’absence d’une législation claire sur ce sujet, notamment en ce qui concerne les enfants de moins de 16 ans, ainsi que par des informations indiquant que des enfants sont placés en détention dans les aéroports (art. 2, 7, 9, 13 et 24).

37.L ’ État partie devrait veiller à ce que les enfants et les mineurs non accompagnés ne soient pas placés en détention autrement qu ’ en dernier ressort et pour la durée appropriée la plus courte possible, en tenant compte au premier chef de leur intérêt supérieur quant à la durée et aux conditions de détention, ainsi que de leur besoin particulier de protection. Il devrait également veiller à ce que les conditions matérielles dans tous les centres de détention d ’ immigrants et dans les centres d ’ accueil répondent aux normes internationales. Il devrait faire en sorte que des garanties soient mises en place pour protéger les enfants demandeurs d ’ asile, en particulier les enfants non accompagnés, en veillant à ce qu ’ ils puissent être scolarisés et bénéficier de services de santé, de services sociaux et psychologiques ainsi que de l ’ aide juridictionnelle de manière appropriée, et qu ’ un représentant légal ou un tuteur leur soit assigné dans les meilleurs délais.

Droit à un procès équitable

38.Le Comité prend note des éclaircissements que la délégation a apportés par écrit (CCPR/C/PRT/5, par. 148 à 156) et oralement au sujet des informations fournies aux détenus et concernant l’accès à l’aide juridictionnelle gratuite, mais il reste préoccupé par des informations indiquant que les détenus, en particulier les étrangers, ne sont pas toujours informés rapidement et dans une langue qu’ils comprennent de leurs droits, notamment de leur droit de s’entretenir avec un avocat dès leur arrestation. Il note également avec préoccupation que les personnes détenues n’ont pas réellement accès à une assistance juridique (art. 7, 9 et 10).

39. Comme le Comité l ’ a indiqué dans ses précédentes recommandations (CCPR/C/PRT/CO/4, par. 8), l ’ État partie devrait renforcer les mesures visant à faire en sorte que le droit d ’ accès à un conseil soit effectivement garanti dès le moment du placement en garde à vue et que les agents de la force publique respectent l ’ obligation que leur fait la loi d ’ informer de ses droits dans une langue qu ’ elle comprend toute personne privée de liberté.

Détention provisoire

40.Tout en se félicitant de l’adoption de la loi no 94/2017, qui réglemente l’assignation à résidence sous surveillance électronique, et de la diminution du taux de détention provisoire, le Comité reste préoccupé par le fait que la durée de la détention provisoire, telle que prévue à l’article 215 du Code de procédure pénale, est excessive. Il regrette l’absence de statistiques sur la durée moyenne de la détention provisoire et s’inquiète des informations indiquant que des personnes sont maintenues en détention provisoire pendant de longues périodes. Il regrette également l’absence d’informations sur les mesures prises pour réduire la durée des enquêtes et améliorer l’efficacité de la justice (art. 9 et 10).

41. Comme le Comité l ’ a indiqué dans ses précédentes recommandations (CCPR/C/PRT/CO/4, par. 9), l ’ État partie devrait prendre de nouvelles mesures pour faire en sorte que la détention provisoire ne soit utilisée qu ’ en dernier ressort et pour la durée la plus courte possible, conformément aux dispositions du Pacte, et que la nécessité de cette mesure soit réexaminée régulièrement. Il devrait continuer à promouvoir les mesures de substitution à la privation de liberté et les appliquer de manière systématique, réduire la durée des enquêtes et prendre des mesures pour améliorer l ’ efficacité de la justice.

Diffamation

42.Le Comité note avec préoccupation qu’au Portugal, la diffamation est une infraction pénale et que l’État partie n’envisage pas de modifier, dans le Code pénal, les dispositions y relatives. Il s’inquiète également de l’effet paralysant que l’action privée en justice peut avoir sur la liberté d’expression (art. 19).

43. L ’ État partie devrait envisager de dépénaliser la diffamation et, en tout état de cause, limiter l ’ application de la loi pénale aux affaires les plus graves, étant entendu que l ’ emprisonnement ne constitue jamais une peine appropriée pour l ’ infraction de diffamation, comme il est indiqué dans l ’ observation générale n o 34 (2011) sur la l iberté d ’ opinion et la liberté d ’ expression .

D.Diffusion et suivi

44. L ’ État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, d es deux Protocole s facultatif s s ’ y rapportant, de son cinquième rapport périodique, de ses réponses écrites à la liste de points établie par le Comité et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays ainsi qu ’ auprès du grand public pour faire mieux connaître les droits consacrés par le Pacte. L ’ État partie devrait faire en sorte que le rapport et les présentes observations finales soient traduits dans sa langue officielle.

45. Conformément au paragraphe  1 de l ’ article 7 5 du règlement intérieur du Comité, l ’ État partie est invité à faire parvenir, le 26 juillet 2021 au plus tard, des renseignements sur la suite qu ’ il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes  33 ( traite des personnes ), 37 ( m ineurs non accompagnés ) et 41 ( détention provisoire ).

46.Dans le cadre du cycle d ’ examen prévisible du Comité, l ’ État partie recevra du Comité en 2026 la liste de points à traiter avant soumission du rapport et disposera d ’ un an pour soumettre ses réponses, qui constitueront son sixième rapport périodique. Le Comité demande également à l ’ État partie, lorsqu ’ il élaborera ce rapport, de tenir de vastes consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays. Conformément à la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots. Le prochain dialogue constructif avec l ’ État partie se tiendra en 2028, à Genève.