Nations Unies

CCPR/C/PRT/CO/4

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

23 novembre 2012

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ homme

Observations finales concernant le quatrième rapport périodique du Portugal, adoptées par le Comitédes droits de l’homme à sa 106e session(15 octobre-2 novembre 2012)

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le quatrième rapport périodique du Portugal (CCPR/C/PRT/4) à ses 2936e et 2937e séances (CCPR/C/SR.2936 et CCPR/C/ SR.2937), les 23 et 24 octobre 2012. À sa 2945e séance (CCPR/C/SR.2945), le 31 octobre 2012, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction la soumission du quatrième rapport périodique du Portugal et des informations qu’il contient. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation au sujet des mesures prises par l’État partie pendant la période considérée pour appliquer les dispositions du Pacte. Le Comité remercie l’État partie de ses réponses écrites à la liste des points à traiter (CCPR/C/PRT/Q/4/Add.1), qui ont été complétées par les réponses orales de la délégation et les informations supplémentaires fournies par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures suivantes:

a)L’adoption du deuxième Plan national contre la traite des êtres humains (2012‑2013);

b)L’adoption, en 2011, du quatrième Plan national pour l’égalité − citoyenneté et femmes;

c)La modification, en 2007, du Code pénal de façon à ériger en infraction toutes les formes de châtiment corporel infligé aux enfants et à faire de la violence au foyer une infraction pénale distincte;

d)La mise en place, en 2005, d’un réseau national de centres de lutte contre la violence au foyer;

e)La création, en 2007, du Bureau d’appui aux communautés roms et l’élaboration d’un projet pilote pour les médiateurs municipaux qui s’occupent des Roms.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

4.Le Comité est préoccupé par la sous-représentation des femmes aux postes de décision dans le secteur public, notamment dans le corps diplomatique, ainsi que dans les assemblées législatives des régions autonomes des Açores et de Madère. Il est également préoccupé par l’écart important et croissant entre les salaires des hommes et ceux des femmes (art. 2, 3, 25 et 26).

L ’ État partie devrait intensifier ses efforts pour augmenter la représentation des femmes aux postes de décision dans le secteur public, notamment dans le corps diplomatique , ainsi que dans les assemblées lég islatives des régions autonomes des Açores et de Madère , si nécessaire en appliquant des mesures spéciales temporaires . Il devrait continuer de prendre des mesures pour garantir aux femmes un salaire égal pour un travail de valeur égale, conformément au Code du travail de 2009. Il devrait également prendre des mesures pour régl er les problèmes structurels rencontrés dans la mise en œuvre des politiques relatives à l ’ égalité entre les sexes , notamment l ’ insuffisance des ressources humaines et financières, l ’ interprétation limitée de la notion d ’ égalité dans l ’ opinion publique et l ’ absence de volonté politique, mentionnés au paragraphe 47 du quatrième rapport.

5.Le Comité note avec préoccupation que malgré les efforts considérables de l’État partie, les immigrants, les étrangers et les membres des minorités ethniques, notamment la minorité rom, continuent d’être victimes d’une discrimination dans l’accès au logement, à l’emploi, à l’éducation, aux soins de santé et aux services publics ainsi qu’en ce qui concerne l’égalité de salaire et la participation à la vie publique. Le Comité est également préoccupé par les informations faisant état de comportements racistes et discriminatoires de la part d’agents de la force publique (art. 2, 25 et 26).

L ’ État partie devrait renforcer les mesures prises pour faire en sorte que les immigrants, les étrangers et les membres des minorités ethniques, notamment la minorité rom, ne soient pas victimes de discrimination dans l ’ accès au logement, à l ’ emploi, à l ’ éducation, aux soins de santé et aux services publics ainsi qu ’ en ce qui concerne l ’ égalité de salaire et la participation à la vie publique. Il devrait en outre prendre des mesures, notamment sous la forme d e plus d ’ actions de sensibilisation, pour que les agents de la force publique s ’ abstiennent de tout comportement raciste et discriminatoire.

6.Le Comité note avec préoccupation qu’en application du paragraphe 4 de l’article 143 du Code de procédure pénale, des personnes en détention pour des affaires de terrorisme ou de crime violent ou hautement organisé sont empêchées de communiquer avec d’autres personnes tant qu’elles n’ont pas été déférées devant un tribunal (art. 7, 9 et 10).

L ’ État partie devrait prendre des mesures pour g a ranti r une réglementation stricte de la détention ordonnée par le parquet en application du paragraphe 4 de l ’ article 143 du Code de procédure pénale dans les affaires de terrorisme ou de crime violent ou hautement organisé, que les personnes détenues en application de cette disposition soient placées sous surveillance judiciaire et que les restrictions imposées aux communication s avec d ’ autres personnes soient examinées très rigoureusement par un organe ju d ic iair e.

7.Le Comité note avec préoccupation que le temps passé en garde à vue à des fins d’identification, qui devient ensuite une détention pour soupçon d’infraction pénale, n’est pas décompté du délai de quarante-huit heures dans lequel la personne gardée à vue doit être présentée à un juge, et que des personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction pénale ne bénéficient pas pendant cette période des garanties auxquelles ont droit les suspects (art. 7, 9 et 10).

L ’ État partie devrait prendre des mesures pour que le temps passé en garde à vue à des fins d ’ identification , qui devient ensuite une détention pour soupçon d ’ i nfraction pénale , soit décompté du délai de quarante-huit heures dans le quel une personne doit être présentée à un juge , et que cette période de détention ne soit pas mise à profit pour ne pas garantir les droits des personnes soupçonnées d ’ avoir commis une infraction pénale .

8.Le Comité note avec préoccupation que les agents de la force publique n’informent pas toujours les détenus de leur droit d’être assisté par un conseil dès leur arrestation et que certaines personnes détenues dans le cadre d’affaires pénales ordinaires n’ont pas été autorisées à prendre contact avec un tiers pendant leur garde à vue (art. 7, 9 et 10).

L ’ État partie devrait veiller à ce que le droit d ’ accès à un conseil soit effectivement garanti dès le moment du placement en garde à vue et à ce que les agents de la force publique s ’ acquittent de l ’ obligation qui leur est faite dans la loi d ’ informer de ses droit s toute personne privée de liberté. Il devrait aussi prendre des mesures pour garantir aux personnes placées en garde à vue, y compris à celles qui sont détenues par la police judiciaire, le droit d ’ informer un tier s de leur détention , auquel il ne peut être dérogé que dans des situations clairement définies et pendant une période limitée pour les besoins légitimes de l ’ enquête de police.

9.Le Comité craint que la durée moyenne de la détention avant jugement ne soit excessivement longue, puisque pour près de 20 % des détenus elle est supérieure à une année. Il constate aussi avec préoccupation que les prévenus ne sont pas séparés des condamnés (art. 9 et 10).

L ’ État partie devrait prendre d ’ autres mesures pour faire diminuer le nombre de personnes en détention avant jugement ainsi que la durée de cette détention, notamment des mesures visant à réduire la durée des enquêtes et des procédures judiciaires , à a méliorer l ’ efficacité de ces procédure s et à remédier au manque de personnel. Il devrait également veiller à ce que les prévenus soient séparés des condamnés.

10.Le Comité demeure préoccupé par les informations faisant état d’un usage excessif de la force et de mauvais traitements imputés à des agents de la force publique et à des membres des forces de sécurité et par l’autorisation de l’emploi de pistolets à impulsion électrique («Tasers») dans certaines circonstances (art. 7, 9 et 10).

L ’ État partie devrait continuer de prendre des mesures d ’ ordre législati f ou autre pour empêcher que les agents de la force publique et les membres des forces de sécurité ne fassent un usage excessif de la force et n ’ appliquent des mauvais traitements. Il devrait faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations sur le nombre de plaintes déposées depuis 2011 , sur les enquêtes menées par l ’ I nspection générale des départements de l ’ administration interne et des enquêtes internes des services de police locaux et sur l es peines prononcées dans chaque cas. Le rapport devrait également contenir des renseignements plus complets sur la réglementation et l ’ utilisation d ’ appareils qui envoient des décharges électriques, comme les «Tasers».

11.Le Comité est préoccupé par la situation dans certaines prisons, caractérisée par le surpeuplement, l’insuffisance des équipements et les mauvaises conditions sanitaires. Il relève que l’abus de drogues chez les prisonniers et le pourcentage élevé de détenus ayant le VIH/sida, ou souffrant de l’hépatite C. Le Comité est également préoccupé par certaines informations faisant état de mauvais traitements physiques et d’autres formes de brutalités imputés à des gardiens dans la prison de haute sécurité de Monsanto et dans les prisons centrales de Coimbra et de Porto (art. 7 et 10).

L ’ État partie devrait accélérer ses efforts pour s ’ occuper du problème du surpeuplement carcéral, notamment dans la prison régionale d ’ Angra do Heroismo (Açores), ainsi que de celui de l ’ insuffisance des équipements , de la circulation des drogues et de la toxicomanie et du pourcentage élevé de détenus ayant le VIH / sida ou souffrant de l ’ hépatite C dans les établissements pénitentiaires. Il devrait également prendre des mesures d ’ ordre législati f ou autre pour prévenir les mauvais traitements physiques et d ’ autres formes d e brutalités , y compris la pratique exc essi ve des fouilles à nu , par l es gardiens de prison.

12.Le Comité constate avec préoccupation que la violence au foyer continue d’être prévalente et qu’à cause d’attitudes sociales traditionnelles les victimes s’abstiennent souvent de dénoncer ce qu’elles subissent (art. 7 et 9).

L ’ État partie devrait continuer de prendre des mesures, en particulier dans le cadre du quatrième Plan d ’ action contre la violence au foyer (2011-2013) , pour combattre et prévenir cette violence et faire en sorte que les victimes ai ent acc ès dans la pratique à des dispositifs de plainte. Il devrait également veiller à ce que les victimes aient accès à des moyens de protection , en veillant notamment à ce qu ’ il y ait suffisamment de foyers pour les accueillir. L ’ État partie devrait également garantir que les actes de violence au foyer fassent l ’ objet d ’ enquêtes diligentes et que les auteurs soient traduits en justice et punis.

13.Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie continue d’être un lieu de destination, de transit et d’origine pour les femmes, les hommes et les enfants victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle et de travail forcé. Il note avec préoccupation que l’article 160 du Code pénal donne une définition trop générale de la traite incluant des infractions de moindre gravité, ce qui rend difficile l’évaluation des poursuites engagées contre les trafiquants et des condamnations et des peines prononcées (art. 8).

L ’ État partie devrait intensifier ses efforts pour combattre la traite des personnes et devrait modifier ses méthodes de collecte et de communication des données en vue de donner une description plus utile des mesures prises par les autorités judiciaires. Il devrait en outre faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations pour chaque année à compter de 2011 sur le nombre de victimes de la traite à des fins d ’ exploitation sexuelle et autre, notamment a ux fins de travail forcé , ainsi que sur le nombre de cas dans lesquel s il y a eu des poursuites et une condamnation.

14.Le Comité note avec préoccupation que les particuliers n’ont pas le droit d’assurer eux-mêmes leur défense dans une procédure pénale, puisque le ministère d’un avocat est obligatoire, en violation du paragraphe 3 d) de l’article 14 du Pacte (voir communication no 1123/2002, Correia de Matas c. Portugal, constatations adoptées le 28 mars 2006) (art. 14).

L ’ État partie devrait faire en sorte que les personnes soient en mesure d ’ exercer leur droit de se défendre elle s -même s, conformément au paragraphe 3 d) de l ’ article 14 du Pacte et que toute restriction de ce droit serve un but objectif et suffisamment important et n ’ aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour protéger les intérêts de la justice. D ans cet te optique, l ’ État partie devrait donner suite à la recommandation faite par le Comité dans ses constatations concernant la communication n o  1123/2002 et rendre la règle en vigueur moins rigide , et étudier la possibilité d ’ assurer de façon obligatoire l e service d ’ un conseil auxiliaire pour les personnes qui assurent elles-mêmes leur défense.

15.L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, de son quatrième rapport périodique, de ses réponses écrites à la liste des points à traiter établie par le Comité et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays ainsi que du grand public. Le Comité suggère également que le rapport et les observations finales soient traduits dans la langue officielle de l’État partie. Il demande également à l’État partie de consulter largement la société civile et les organisations non gouvernementales, quand il établira son cinquième rapport périodique.

16.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait faire parvenir dans un délai d’un an des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 9, 11 et 12.

17.Le Comité demande à l’État partie de faire figurer, dans son prochain rapport périodique, qui devrait lui parvenir avant le 31 octobre 2018, des renseignements spécifiques et à jour sur toutes ses recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble.