Pacte international relatif aux droits civilset politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/PRY/CO/224 avril 2006

FRANÇAISOriginal: ESPAGNOL

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre‑vingt‑cinquième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l’homme

PARAGUAY

1.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique du Paraguay (CCPR/C/PRY/2004/2 et HRI/CORE/1/Add.24) de sa 2315e à sa 2317e séance (CCPR/C/SR.2315, 2316 et 2317), les 19 et 20 octobre 2005, et a adopté à sa 2330e séance (CCPR/C/SR.2330), le 28 octobre 2005, les observations finales ci‑après.

A. INTRODUCTION

2.Le Comité accueille avec satisfaction le deuxième rapport périodique du Paraguay ainsi que la volonté manifestée par l’État partie de renouer le dialogue avec lui. Le rapport donne des informations détaillées sur la législation de l’État partie relative aux droits civils et politiques, mais le Comité regrette qu’il ait été soumis avec six années de retard et qu’il n’offre pas suffisamment de renseignements sur l’application concrète du Pacte.

B. ASPECTS POSITIFS

3.Le Comité accueille avec satisfaction l’abolition de la peine de mort et la ratification non assortie de réserves du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

4.Le Comité prend note également avec satisfaction de la ratification par l’État partie du Statut de la Cour pénale internationale ainsi que d’autres instruments internationaux tels que le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, les deux Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant et le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

5.Le Comité accueille avec satisfaction les réformes législatives que l’État partie a menées à bien pour mettre sa législation en conformité avec les dispositions du Pacte, en particulier par l’adoption du nouveau Code pénal (1997), du nouveau Code de procédure pénale (1998), et du Code de l’enfance et de l’adolescence (2001), ainsi que l’adoption du système accusatoire en matière pénale.

6.Le Comité se félicite de ce que les lieux de détention et d’internement aient été rendus accessibles aux organisations non gouvernementales.

C. PRINCIPAUX SUJETS DE PRÉOCUPATION ET RECOMMANDATIONS

7.Le Comité accueille avec satisfaction la création de la Commission pour la vérité et la justice dont la tâche essentielle est d’enquêter sur les principales violations des droits de l’homme commises dans le passé, mais il regrette qu’elle ne soit pas dotée de fonds publics suffisants et que la durée de son mandat (18 mois) soit trop brève pour lui permettre d’atteindre ses objectifs. (Art. 2 du Pacte)

L’État partie doit veiller à ce que la Commission dispose de suffisamment de temps et de ressources pour s’acquitter de son mandat.

8.Le Comité prend note avec intérêt des progrès réalisés sur le plan normatif pour ce qui est de l’élimination de la discrimination sexiste, de la création du Secrétariat de la femme et d’autres institutions. Il regrette toutefois que la discrimination contre les femmes persiste dans la pratique. Un exemple représentatif serait la discrimination contre la femme en matière de conditions d’emploi. (Art. 3, 25 et 26 du Pacte)

L’État partie doit veiller à ce que la protection législative contre la discrimination sexiste soit appliquée et à ce que les institutions créées à cette fin reçoivent des fonds suffisants pour en assurer le bon fonctionnement. L’État partie doit en outre adopter des mesures propres à assurer l’égalité entre les hommes et les femmes, en matière de conditions d’emploi, notamment dans les emplois domestiques, et à développer la participation des femmes dans tous les domaines de la vie publique et privée.

9.Le Comité se félicite de l’adoption de la loi contre la violence domestique mais regrette la persistance de ce problème, notamment la pratique récurrente des atteintes sexuelles, ainsi que l’impunité des agresseurs. (Art. 3 et 7 du Pacte)

L’État partie doit prendre les mesures voulues pour lutter contre la violence domestique et veiller à ce que les responsables soient traduits en justice et condamnés à des peines appropriées. Il invite l’État partie à sensibiliser la population dans son ensemble à la nécessité de respecter les droits et la dignité des femmes.

10.Le Comité prend note des mesures adoptées par l’État partie dans le domaine de la planification familiale. Cependant, il reste préoccupé par les taux élevés de mortalité infantile et maternelle, en particulier dans les zones rurales. Le Comité se déclare de nouveau préoccupé par la législation indûment restrictive sur l’avortement qui conduit les femmes à recourir à des méthodes d’avortement illégales et dangereuses comportant des risques latents pour leur vie et leur santé. (Art. 6 et 24 du Pacte)

L’État partie doit prendre des mesures concrètes pour faire baisser la mortalité infantile et maternelle moyennant, entre autres, la libéralisation de sa législation relative à l’avortement et à l’accès de la population aux moyens de contraception, en particulier dans les zones rurales.

11.Le Comité relève avec préoccupation la persistance de l’utilisation excessive de la force par les agents de sécurité et le personnel pénitentiaire, qui recourent couramment aux coups et vont jusqu’à tuer. Le Comité est également préoccupé par le fait que la majeure partie des membres de la Police nationale achètent leurs propres armes, en dehors de tout contrôle de l’État. Cette situation, conjuguée à l’impunité et l’entraînement insuffisant des forces de sécurité, inciterait à l’utilisation disproportionnée des armes à feu, ce qui cause des décès dans des conditions illégales. (Art. 6 et 7 du Pacte)

L’État partie doit assurer la fourniture et le contrôle de toutes les armes des forces de police. De même, un enseignement adéquat aux droits de l’homme doit être dispensé aux personnels chargés de faire appliquer la loi, pour assurer le respect des Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois. L’État partie doit veiller à ce que les allégations concernant l’utilisation excessive de la force fassent l’objet d’enquêtes minutieuses et à ce que les responsables soient jugés. Les victimes de ces pratiques doivent recevoir une indemnisation juste et adéquate.

12.Le Comité accueille avec satisfaction la création d’unités spéciales des droits de l’homme au sein du ministère public mais regrette qu’aucun des 56 cas de torture instruits par cette autorité n’ait donné lieu à l’inculpation des responsables de ces actes de torture. (Art. 7 du Pacte)

L’État partie doit juger les responsables des actes de torture et veiller à ce qu’ils soient dûment punis. Les victimes de ces actes doivent recevoir une indemnisation juste et adéquate.

13.Le Comité est préoccupé par la persistance dans l’État partie du trafic de femmes et d’enfants à des fins d’exploitation sexuelle, en particulier dans la région de la triple frontière. (Art. 3, 8 et 24 du Pacte)

L’État partie doit prendre d’urgence des mesures appropriées pour éliminer cette pratique et veiller à ce que tout soit fait pour identifier les victimes d’exploitation sexuelle, leur porter secours et leur assurer une indemnisation.

14.Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas donné des informations détaillées sur les mesures qui ont été adoptées pour éliminer la pratique du recrutement d’enfants pour le service militaire et est préoccupé par la persistance de cette pratique, en particulier dans les zones rurales. Les enfants soldats seraient utilisés comme main‑d’œuvre forcée, des cas de mauvais traitements et de décès ayant été signalés. (Art. 6, 8 et 24 du Pacte)

L’État partie doit éliminer la pratique du recrutement d’enfants pour le service militaire et enquêter sur les cas de mauvais traitements et de décès de conscrits et indemniser les victimes.

15.Le Comité prend note avec satisfaction des efforts faits par l’État partie pour accélérer les procédures applicables aux personnes placées en détention préventive. Cependant, il regrette la proportion élevée de personnes placées en détention préventive ainsi que les difficultés que les personnes en détention provisoire ont pour se faire assister par un défenseur public capable de représenter effectivement leurs intérêts. (Art. 9 et 14 du Pacte)

L’État partie doit rectifier les pratiques susmentionnées et veiller à ce que le bureau du Défenseur public dispose du personnel et des ressources nécessaires.

16.Le Comité est préoccupé par les conditions carcérales dans l’État partie, c’est‑à‑dire l’entassement, les conditions insuffisantes de réclusion, le fait que les prévenus ne soient pas séparés des condamnés, les mineurs des adultes et les femmes des hommes. (Art. 7 et 10 du Pacte)

L’État partie doit améliorer les conditions de détention pour les rendre compatibles avec les dispositions de l’article 10 du Pacte.

17.Le Comité regrette l’absence de critères objectifs applicables à la nomination et à la révocation des juges, y compris ceux de la Cour suprême, qui peut compromettre l’indépendance de la justice. (Art. 14 du Pacte)

L’État partie doit adopter des mesures efficaces pour assurer l’indépendance de la justice.

18.Le Comité accueille avec satisfaction la reconnaissance de l’objection de conscience au service militaire dans la Constitution du Paraguay et les mesures provisoires prises par la Chambre des députés pour garantir son application face à l’absence de règles spécifiques régissant ce droit. Toutefois il regrette que les zones rurales n’aient pas accès à l’information concernant l’objection de conscience. (Art. 18 du Pacte)

L’État partie doit prescrire des règles spécifiques concernant l’objection de conscience, afin d’assurer l’exercice effectif de ce droit, et doit garantir la diffusion adéquate dans toute la population d’une information sur l’exercice de ce droit.

19.Le Comité accueille avec satisfaction l’amélioration de la situation en ce qui concerne la liberté d’expression dans l’État partie. Toutefois il est préoccupé par l’existence de procès en diffamation contre des journalistes, qui pourraient avoir des motifs politiques. (Art. 19 du Pacte)

L’État partie doit veiller à ce que les procès en diffamation n’empêchent pas le libre exercice du droit à la liberté d’expression.

20.Le Comité note avec inquiétude que la loi no 1066/1997 limite dans la pratique le droit de manifester pacifiquement en fixant des conditions déraisonnables de temps, de lieu et de nombre de manifestants et en rendant obligatoire l’obtention préalable d’une autorisation de la police. (Art. 21 du Pacte)

L’État partie doit modifier cette législation pour garantir le libre exercice du droit de manifestation pacifique.

21.Le Comité note que, même si certains progrès ont été réalisés sur les plans normatif et institutionnel, le travail des enfants persiste et la situation d’un grand nombre d’enfants des rues n’a pas changé. (Art. 8 et 24)

L’État partie doit adopter des mesures propres à assurer le respect des droits de l’enfant, notamment des mesures urgentes pour éliminer le travail des enfants.

22.Le Comité note avec satisfaction la campagne lancée par l’État partie afin de promouvoir l’enregistrement des enfants. Il regrette toutefois qu’un nombre élevé d’enfants ne soient toujours pas inscrits sur les registres, en particulier dans les zones rurales et les communautés autochtones. (Art. 16, 24 et 27)

Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier l’enregistrement des enfants sur la totalité du territoire et de tenir le Comité informé.

23.Le Comité prend note des initiatives adoptées par l’État partie en vue de restituer les terres ancestrales aux communautés autochtones mais il est préoccupé par l’absence de progrès significatifs dans la mise en œuvre effective de ces initiatives. (Art. 27 du Pacte)

L’État partie doit accélérer la restitution effective des terres ancestrales autochtones.

24.Le Comité demande à l’État partie de rendre publics son deuxième rapport périodique et les présentes observations finales et de les diffuser largement sur l’ensemble de son territoire, dans toutes les langues officielles.

25.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait présenter dans le délai d’un an les renseignements requis sur l’évaluation de la situation et l’application des recommandations du Comité figurant aux paragraphes 7, 12, 17 et 21.

26.Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport, qui doit lui parvenir au plus tard le 31 octobre 2008, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux autres recommandations formulées et sur l’application du Pacte dans son ensemble.

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