Nations Unies

CCPR/C/ECU/CO/5

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

4 novembre 2009

Français

Original: espagnol

Comité des droits de l ’ homme

Quatre-vingt-dix-septième session

Genève, 12-30 octobre 2009

Examen des rapports soumis par les États partiesen application de l’article 40 du Pacte

Observations finales du Comité des droits de l’homme

Équateur

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné les cinquième et sixième rapports périodiques de l’Équateur (CCPR/C/ECU/5) à ses 2667e et 2668e séances (CCPR/C/SR.2667 et 2668), tenues les 19 et 20 octobre 2009, et a adopté, à sa 2682e séance (CCPR/C/SR.2682), le 29 octobre 2009, les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction les rapports périodiques soumis en un seul document par l’Équateur. Il se félicite de cette occasion de renouer le dialogue avec l’État partie et remercie la délégation pour le dialogue qu’il a eu avec elle. Il regrette toutefois que les réponses à la liste de points à traiter n’aient pas été présentées par l’État partie, comme le prévoit l’article 40 du Pacte, mais au nom du Ministère de la justice et des droits de l’homme. Il regrette également l’insuffisance des réponses aux questions posées pendant le dialogue.

B.Aspects positifs

3.Le Comité prend note avec satisfaction des réformes législatives menées à bien par l’État partie, et en particulier de l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution, en octobre 2008, de l’abrogation des dispositions du Code pénal relatives à l’outrage, en 2007, et de la déclaration d’inconstitutionnalité de l’ordonnance de «détention avant mise en accusation» en 2006, qui s’est traduite par un décongestionnement et une réduction du surpeuplement des prisons.

4.Le Comité note que la Constitution en vigueur (art. 191) instaure un système de défense publique en matière pénale comme mécanisme de protection pour les personnes qui n’ont pas les moyens de faire appel aux services d’un défenseur pour garantir leurs droits. Il constate avec satisfaction que le nouveau Code de l’organisation judiciaire prévoit aussi ce mécanisme.

5.Le Comité accueille avec satisfaction la déclaration d’inconstitutionnalité des articles 145 et 147 de la loi relative à la sécurité nationale, qui autorisaient les tribunaux militaires à juger des civils pour des actes commis pendant les périodes d’état d’urgence.

6.Le Comité note que, en vertu de l’article 161 de la Constitution en vigueur, le service militaire est volontaire.

7.Le Comité accueille avec satisfaction les dispositions du paragraphe 29 de l’article 66 (Titre II, Droits, chap. VI) et de l’article 78 de la Constitution, qui prévoient des mesures de prévention et de lutte contre la traite des personnes ainsi que des mesures pour la protection et la réinsertion sociale des victimes de la traite. Il se félicite également de la mise en place du Plan national de lutte contre la traite, le trafic et l’exploitation des personnes.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

8.Le Comité note avec satisfaction que la nouvelle Constitution consacre le principe de l’égalité entre hommes et femmes et le principe de la non-discrimination. Cependant, il demeure préoccupé par la différence entre la situation de droit et la situation de fait pour ce qui est de la protection juridique des femmes et de l’égalité entre les sexes (art. 2, 3, 25 et 26).

L’État partie devrait adopter les mesures voulues pour garantir la pleine application de la législation en vigueur de manière à empêcher la discrimination à l’égard des femmes. Il devrait redoubler d’efforts pour lutter contre la discrimination à l’égard des femmes dans le monde du travail, afin de garantir dans la pratique l’égalité des chances en ce qui concerne l’accès aux postes à responsabilité dans le secteur public et le secteur privé ainsi que l’égalité de traitement pour un travail égal.

9.Le Comité accueille avec satisfaction la création de commissariats à la femme et à la famille et l’établissement d’unités spécialisées chargées des affaires de violence dans la famille et de délits sexuels au sein du ministère public dans les districts les plus importants, ainsi que la mise en œuvre d’un Programme de protection des victimes de violence sexuelle et les efforts accomplis pour garantir l’application de la loi 103 sur la violence à l’égard des femmes et la violence dans la famille. Toutefois, il est préoccupé par le nombre élevé d’actes de violence commis contre les femmes et les filles et de cas de sévices et de harcèlement sexuels contre les filles dans les écoles (art. 3, 7 et 24).

L’État partie devrait:

a) Ouvrir des enquêtes et sanctionner les auteurs de violences;

b) Permettre l’accès effectif des victimes de violence sexiste à la justice;

c) Offrir une protection policière aux victimes et créer des foyers d’accueil où celles-ci puissent vivre dignement;

d) Redoubler d’efforts pour créer un environnement éducatif sans discrimination et sans violence, par des campagnes de sensibilisation et par la formation des fonctionnaires et des étudiants;

e) Adopter des mesures de prévention et de sensibilisation concernant la violence sexiste, parmi lesquelles l’organisation de formations à l’intention des fonctionnaires de police, en particulier ceux des commissariats à la femme, sur les droits des femmes et sur la violence sexiste.

À ce propos, le Comité souhaiterait voir figurer dans le prochain rapport périodique de l’Équateur des renseignements détaillés sur les progrès réalisés dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes.

10.Le Comité remercie l’État partie pour les éclaircissements apportés par écrit au sujet des états d’urgence proclamés au cours de l’année dans les villes de Guayaquil, Quito et Manta. Il est néanmoins préoccupé par les allégations selon lesquelles des agents de l’État auraient fait usage de la force contre des personnes participant à des manifestations publiques (art. 4).

L’État partie devrait appliquer dans la pratique les dispositions de l’article 4 du Pacte consacrées par l’article 165 de la Constitution. L’État partie devrait ouvrir des enquêtes, sanctionner les auteurs des violations et accorder des réparations aux victimes.

11.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par le Ministère de l’éducation et de la culture pour éliminer l’analphabétisme mais prend note avec préoccupation du taux élevé d’analphabétisme chez les filles qui vivent dans les zones rurales (art. 3 et 24).

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour lutter contre l’analphabétisme, en particulier chez les filles qui vivent dans les zones rurales.

12.Bien que le paragraphe 2 de l’article 11 de la nouvelle Constitution interdise la discrimination contre les minorités sexuelles, le Comité est préoccupé par le fait que des femmes transsexuelles aient été placées dans des cliniques privées ou dans des centres de réadaptation pour être soumises à des traitements dits de réorientation sexuelle. Il est également vivement préoccupé par le fait que ces personnes aient été victimes d’internements forcés et de mauvais traitements dans les cliniques de réadaptation de la ville de Portoviejo en juin 2009 (art. 2 et 7).

L’État partie devrait prendre des mesures pour empêcher tout placement de personnes ayant une orientation sexuelle différente dans des cliniques privées ou des centres de réadaptation pour y subir des traitements dits de réorientation sexuelle. Le Comité recommande à l’État partie d’ouvrir des enquêtes sur les cas présumés d’internement forcé et de tortures et de prendre les mesures correctives qui s’imposent en vertu de la Constitution.

13.Le Comité prend note avec préoccupation de la persistance d’allégations faisant état de mauvais traitements commis par des agents de la force publique contre des détenus au moment de leur placement en garde à vue et du fait que la plupart de ces actes n’ont donné lieu à aucune sanction (art. 7).

L’État partie devrait:

a) Prendre immédiatement des mesures efficaces pour mettre fin à ces violences, instaurer une surveillance, ouvrir des enquêtes et, s’il y a lieu, poursuivre et sanctionner les agents de la force publique qui en sont les auteurs et accorder une réparation aux victimes. À ce sujet, l’État partie devrait faire figurer dans son prochain rapport périodique des statistiques sur les procédures pénales et disciplinaires engagées et leurs résultats;

b) Renforcer les activités de formation des agents de la force publique aux droits de l’homme afin de prévenir les actes de ce type.

14.Le Comité note que le Code de l’enfance et de l’adolescence interdit les châtiments corporels à l’école mais constate une nouvelle fois avec préoccupation que les châtiments corporels restent traditionnellement acceptés et qu’ils continuent d’être utilisés comme une forme de discipline dans la famille et dans d’autres contextes (art. 7 et 24).

L’État partie devrait adopter des mesures, dans la pratique, pour mettre fin aux châtiments corporels. Il devrait aussi promouvoir des formes de discipline non violentes pour remplacer les châtiments corporels dans le système éducatif et mener des campagnes d’information auprès du public sur leurs effets nocifs .

15.Le Comité regrette de n’avoir reçu aucune information claire et précise de l’État partie en ce qui concerne la Commission de la vérité chargée d’enquêter et de faire la lumière sur les violations des droits de l’homme commises par des agents de l’État entre 1984 et 1988, et d’empêcher l’impunité (art. 6).

L’État partie devrait veiller à ce que les violations des droits de l’homme fassent l’objet d’enquêtes, que leurs auteurs soient jugés et que les victimes ou leur famille soient dûment indemnisées, conformément aux principes énoncés dans le rapport de la Commission de la vérité.

16.Le Comité prend note avec préoccupation des allégations selon lesquelles des membres de l’armée et des forces de police auraient causé la mort de manifestants par des tirs d’armes à feu ou par un usage excessif des gaz lacrymogènes contre les participants à des manifestations publiques (art. 6, 7, 19 et 21).

L’État partie devrait prendre les mesures voulues pour faire cesser les morts de manifestants causées par les agents des forces de l’ordre, notamment en mettant sur pied des commissions d’enquête. Le Comité engage vivement l’État partie à ouvrir des enquêtes sur les violations présumées et à faire en sorte que leurs auteurs soient sanctionnés.

17.Le Comité prend note des mesures que l’État partie a entrepris d’adopter pour améliorer les conditions de détention mais s’inquiète du taux élevé de surpopulation et des mauvaises conditions qui règnent dans les centres de réadaptation sociale, en particulier de l’insalubrité, du manque d’eau potable, de la violence, de l’absence de soins médicaux et de l’insuffisance du personnel (art. 10).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour améliorer les conditions de vie de toutes les personnes privées de liberté, en appliquant intégralement l’ E nsemble de règles minima pour le traitement des détenus. Il devrait en particulier s’occuper à titre prioritaire du problème de la surpopulation. Il devrait soumettre au Comité des données qui montrent les progrès accomplis, en particulier dans la mise en œuvre de mesures concrètes pour améliorer les conditions carcérales.

18.Le Comité note que le principe de non-discrimination au motif des antécédents judiciaires est énoncé au paragraphe 2 de l’article 11 de la Constitution et que le projet de réforme du décret no 3301 relatif aux réfugiés interdit expressément à la Direction générale des réfugiés chargée de recevoir les demandes d’asile de demander les antécédents judiciaires des demandeurs, mais regrette que, selon certaines informations, les autorités continuent dans la pratique d’exiger un extrait de casier judiciaire comme condition d’entrée des seuls immigrants colombiens (art. 2 et 26).

L’État partie devrait prendre les mesures voulues pour garantir le respect dans la pratique du principe de non-discrimination au motif des antécédents judiciaires énoncé dans la Constitution. À la lumière du paragraphe 5 de l’Observation générale n o 15 sur la situation des étrangers au regard du Pacte, le Comité rappelle à l’État partie que, même si le Pacte ne reconnaît pas aux étrangers le droit d’entrer sur le territoire d’un État partie ou d’y séjourner, un étranger peut, dans certaines situations, bénéficier de la protection du Pacte, y compris en ce qui concerne l’entrée ou le séjour, lorsque des considérations relatives à la non-discrimination, à l’interdiction des traitements inhumains et au respect de la vie familiale entrent en jeu.

19.Tout en prenant note du chapitre IV de la Constitution en vigueur, qui concerne les droits spécifiques des peuples autochtones, le Comité reste préoccupé par la persistance d’une discrimination raciale de fait à l’encontre des peuples autochtones et afro-équatoriens. De même, il note avec préoccupation que le paragraphe 2 de l’article 11 du Titre II de la Constitution n’établit pas l’interdiction de la discrimination raciale comme principe de l’exercice des droits (art. 26).

L’État partie devrait adopter les mesures voulues pour garantir l’application des dispositions constitutionnelles et législatives garantissant le principe de la non-discrimination à l’égard des populations autochtones ainsi que le plein respect des articles 26 et 27 du Pacte.

20.Le Comité demande à l’État partie de publier et diffuser largement son cinquième rapport périodique et les présentes observations finales auprès du grand public et des autorités judiciaires, législatives et administratives ainsi que des organisations non gouvernementales. Le texte de ces documents devrait être distribué aux universités, aux bibliothèques publiques, à la bibliothèque du Parlement ainsi que dans d’autres lieux. Le Comité suggère également de diffuser un résumé du rapport et des observations finales auprès des communautés autochtones, dans leurs langues respectives.

21.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait faire parvenir dans un délai d’un an des renseignements sur l’évaluation de la situation et sur la suite donnée aux recommandations formulées par le Comité aux paragraphes 9, 13 et 19.

22.Le Comité invite l’État partie, qui n’a pas encore soumis de document de base commun, à soumettre ce document conformément aux directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, telles qu’elles ont été adoptées à la cinquième réunion intercomités, tenue en juin 2006 (HRI/GEN/2/Rev.4).

23.Le Comité prie l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique, qui devra lui parvenir le 30 octobre 2013 au plus tard, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux autres recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble.