Nations Unies

CERD/C/GRC/CO/16-19

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

14 septembre 2009

Français

Original: anglais

Comité pour l’éliminati on de la discrimination raciale Soixante- quinzième session3-28 août 2009

Examen des rapports présentés par les États partiesconformément à l’article 9 de la Convention

Observations finales du Comité pour l’éliminationde la discrimination raciale

Grèce

1.Le Comité a examiné les seizième à dix-neuvième rapports périodiques de la Grèce, présentés en un seul document (CERD/C/GRC/16-19), à ses 1944e et 1945e séances (CERD/C/SR.1944 et 1945), les 10 et 11 août 2009. À sa 1963e séance (CERD/C/SR.1963) tenue le 24 août 2009, il a adopté les observations finales suivantes.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport présenté par l’État partie et les réponses que celui-ci a fournies à la liste des points à traiter, ainsi que les informations complémentaires que la délégation a données oralement. Il juge encourageant que la délégation ait répondu de manière constructive et avec franchise aux questions et commentaires formulés par les membres du Comité. Le Comité se félicite de la grande qualité du rapport de l’État partie, qui est conforme aux principes directeurs du Comité.

B.Aspects positifs

3.Le Comité se félicite de l’adoption en 2005 de la loi no 3304/2005 relative à l’«application du principe de l’égalité de traitement indépendamment de l’origine raciale ou ethnique, des convictions religieuses ou autres croyances, du handicap, de l’âge ou de l’orientation sexuelle».

4.Le Comité salue la modification apportée au paragraphe 3 de l’article 79 du Code pénal en 2008, qui prévoit que la commission d’une infraction motivée par la haine ethnique, raciale ou religieuse constitue une circonstance aggravante.

5.Le Comité se félicite de l’établissement du Comité pour l’égalité de traitement ainsi que des nouvelles responsabilités assumées par le Médiateur grec pour la promotion du principe de l’égalité de traitement dans le secteur public.

6.Le Comité prend note avec satisfaction du plan d’action intégré pour l’insertion sociale des Roms grecs et de la loi de 2005 pour l’insertion des ressortissants de pays tiers en situation régulière sur le territoire hellénique, et reconnaît l’importance des mesures spéciales et autres mesures positives déjà prises.

7.Le Comité se félicite que l’État partie ait récemment ratifié le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ainsi que les deux Protocoles facultatifs relatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant.

C.Sujets de préoccupation et recommandations

8.Le Comité prend acte de l’explication donnée par l’État partie de la raison pour laquelle seuls les nationaux appartenant à la minorité musulmane de Thrace, définie par le Traité de Lausanne de 1923, sont reconnus comme «minorité».

Le Comité, renvoyant à sa recommandation générale VIII (1990) concernant l’interprétation et l’application des paragraphes 1 et 4 de l’article premier de la Convention, et rappelant sa recommandation générale XX (1996) concernant l’article 5 de la Convention, appelle l’État partie à veiller à la mise en œuvre sans discrimination de chacun des droits et libertés visés à l’article 5 de la Convention pour tous les groupes visés par cet instrument. Le Comité recommande à l’État partie de procéder à des études pour évaluer efficacement l’incidence de la discrimination raciale dans le pays, en s’attachant en particulier à la discrimination fondée sur l’origine nationale ou ethnique, et à prendre des mesures ciblées pour l’éliminer.

9.Le Comité constate que la minorité musulmane de Thrace est composée des groupes ethniques turc, pomak et rom et que le Gouvernement est désireux de garantir à ces groupes le droit d’utiliser leurs propres langues.

Le Comité invite l’État partie à inclure dans son prochain rapport des renseignements sur les mesures prises pour protéger les droits fondamentaux et le droit à l’identité de ces groupes.

10.Le Comité s’inquiète de ce que l’État partie ne met pas effectivement en œuvre les dispositions légales tendant à éliminer la discrimination raciale et en particulier celles ayant trait à la poursuite et à la répression des infractions racistes.

Le Comité invite instamment l’État partie à garantir la mise en œuvre effective de toutes les dispositions juridiques destinées à éliminer la discrimination raciale et à faire en sorte que les infractions motivées par la haine raciale soient effectivement poursuivies et sanctionnées. Le Comité lui demande en outre de fournir dans son prochain rapport des renseignements actualisés concernant l’application par les tribunaux des dispositions pénales sanctionnant les actes de discrimination raciale, telles que celles de la loi n o 927/1979, en donnant notamment des informations sur le nombre et la nature des affaires portées devant les tribunaux, des condamnations prononcées et des peines appliquées, ainsi que sur toute réparation ou autres dédommagements accordés aux victimes.

11.Le Comité s’inquiète des informations faisant état de la propagation par certaines organisations et certains médias de stéréotypes racistes et de commentaires haineux à l’égard de personnes appartenant à différents groupes ethniques et raciaux.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures efficaces pour sanctionner les organisations et les médias coupables de tels actes. Il lui recommande en outre d’interdire concrètement les groupes néonazis sur son territoire et de prendre des mesures plus efficaces pour promouvoir la tolérance à l’égard des personnes d’origines ethniques différentes.

12.Le Comité est préoccupé par les informations concernant des cas de mauvais traitement de demandeurs d’asile et d’immigrants clandestins, y compris d’enfants non accompagnés.

Le Comité recomma nde à l’État partie de prendre d es mesures plus efficaces pour traiter les demandeurs d’asile avec humanité et de réduire autant que possible la période de détention des demandeurs d’asile, en particulier des enfants.

13.Le Comité relève avec préoccupation des informations faisant état de cas de mauvais traitements et de recours excessif à la force par les services de police grecs à l’encontre de personnes appartenant à des groupes vulnérables, en particulier les Roms.

Se référant à sa recommandation générale XXXI (2005) concernant la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le Comité encourage l’État partie à redoubler d’efforts pour lutter contre l’abus d’autorité et prévenir les mauvais traitements de personnes appartenant à différents groupes raciaux et ethniques par les forces de police, à veiller à ce que de tels actes soient effectivement poursuivis et sanctionnés par les autorités judiciaires et à intégrer davantage de membres de la communauté rom dans la police.

14.Compte tenu des liens existant entre appartenance ethnique et religion, le Comité s’inquiète des informations selon lesquelles les musulmans appartenant à différents groupes ethniques rencontreraient certaines difficultés particulières pour pratiquer leur religion.

Le Comité rappelle à l’État partie qu’il est tenu de veiller à ce que toutes les personnes jouissent de la liberté de pensée , de conscience et de religion, sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, conformément à l’article 5 d) de la Convention.

15.Le Comité est préoccupé par les obstacles rencontrés par certains groupes ethniques pour exercer la liberté d’association et prend note à cet égard d’informations faisant état de dissolutions forcées et du refus d’enregistrer certaines associations dont les noms comportent des mots tels que «minorité», «Turc» ou «Macédonien», comme de motiver ces refus.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures tendant à garantir l’exercice effectif, par les personnes appartenant à toute communauté ou à tout groupe, de leur droit à la liberté d’association et de leurs droits culturels, y compris le droit d’utiliser leur langue maternelle.

16.Le Comité prend acte des mesures spéciales importantes déjà adoptées pour l’intégration sociale des Roms, mais constate avec préoccupation que les Roms rencontrent des obstacles en ce qui concerne l’accès au travail, au logement, aux soins de santé et à l’éducation.

Le Comité recommande à l’État partie d’entreprendre une évaluation des rés ultats du Plan d’action intégré pour l’in ser tion sociale des Roms grecs, en consultation avec les communautés concernées, et d’adopter des mesures de nature à améliorer sensiblement les conditions de vie des Roms, conformément à l’article 5 de la Convention ainsi qu’à la r ecommandation générale XXVII (2000) concernant la discrimination à l’égard des Roms.

17.Le Comité exprime des préoccupations quant à l’accès limité qu’aurait la minorité turcophone de Thrace occidentale à une éducation « minoritaire» de qualité.

Le Comité recommande à l’État partie d’améliorer la qualité de l’enseignement proposé aux groupes ethniques vulnérables et à la minorité musulmane, notamment en formant des enseignants issus de ces groupes, en veillant à ce que les établissements d’enseignement secondaire soient en nombre suffisant et en mettant en place des établissements préscolaires dans lesquels l’enseignement est délivré dans la langue maternelle des élèves.

18.Le Comité prend acte du partage des compétences entre le Bureau du Médiateur, le Comité pour l’égalité de traitement et l’Inspection du travail (par. 253 du rapport de l’État partie).

Puisque le Bureau du Médiateur est le seul organisme indépendant, le Comité recommande à l’État partie d’envisager de lui confier l’autorité générale en matière de réception de plaintes pour discrimination raciale, étant entendu qu’il coopérerait avec les autres organismes pour l’examen de ces plaintes.

19.Eu égard à l’indivisibilité de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme qu’il n’a pas encore ratifiés, en particulier ceux dont les dispositions ont des répercussions directes sur le thème de la discrimination raciale, comme la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille de 1990.

20.Le Comité recommande à l’État partie, lorsqu’il applique dans son ordre juridique interne les dispositions de la Convention, de tenir compte de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, ainsi que du document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009. Il l’invite aussi à inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements spécifiques sur les plans d’action adoptés et les autres mesures prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national.

21.Le Comité recommande à l’État partie de continuer à consulter les organisations de la société civile qui œuvrent à la protection des droits de l’homme et, en particulier, luttent contre la discrimination raciale, et de renforcer son dialogue avec elles dans le cadre de l’élaboration de son prochain rapport périodique.

22.Le Comité encourage l’État partie à envisager de faire la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention.

23.Le Comité recommande à l’État partie d’entériner la modification du paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adoptée le 15 janvier 1992 à la quatorzième réunion des États parties à la Convention et approuvée par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111 du 16 décembre 1992. À cet égard, il appelle l’attention de l’État partie sur la résolution 61/148 de l’Assemblée générale, dans laquelle celle-ci a demandé instamment aux États parties de hâter leurs procédures internes de ratification de la modification et d’informer par écrit le Secrétaire général dans les meilleurs délais de leur acceptation de cette modification.

24.Le Comité recommande que les rapports de l’État partie soient rendus accessibles au public dès leur publication et que les observations du Comité concernant ces rapports soient diffusées de façon similaire dans les langues officielles et les autres langues communément utilisées, le cas échéant.

25.Relevant que l’État partie a soumis son document de base en 2002, le Comité l’encourage à le mettre à jour conformément aux prescriptions des Directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier celles qui portent sur le document de base, telles qu’adoptées par la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, tenue en juin 2006 (voir HRI/GEN/2/Rev.4).

26.Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur modifié, le Comité prie l’État partie de lui fournir des informations, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes conclusions, sur la suite donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 12 et 13 ci-dessus.

27.Le Comité souhaite aussi attirer l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations 10, 11 et 18, et l’invite à fournir dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes prises pour donner effet à ses recommandations.

28.Le Comité recommande à l’État partie de présenter ses vingtième et vingt et unième rapports périodiques en un seul document, attendu le 18 juillet 2013, qui tienne compte des directives spécifiques relatives aux documents destinés au Comité, telles qu’adoptées à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1), et traite tous les points soulevés dans les présentes observations finales.