NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/ITA/CO/1516 mai 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATIONDE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑douzième session18 février‑7 mars 2008

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l’éliminati on de la discrimination raciale

ITALIE

1.Le Comité a examiné les quatorzième et quinzième rapports périodiques de l’Italie présentés en un seul document (CERD/C/ITA/15) à ses 1851e et 1852e séances (CERD/C/SR.1851 et CERD/C/SR.1852), tenues les 20 et 21 février 2008. À ses 1867e et 1868e séances (CERD/C/SR.1867 et CERD/C/SR.1868), tenues les 3 et 4 mars 2008, le Comité a adopté les conclusions finales ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité se félicite de la présentation des quatorzième et quinzième rapports périodiques de l’Italie, qui ont été élaborés conformément aux directives régissant l’élaboration des rapports, et se félicite du dialogue ouvert tenu avec la délégation ainsi que des réponses écrites exhaustives et détaillées à la liste des points à traiter qui ont été communiquées en temps voulu avant la session. Il se félicite également de la participation d’une délégation composée d’experts de divers ministères, y compris de l’Office national pour l’élimination de la discrimination raciale, et reconnaît que les experts se sont efforcés de répondre aux questions orales du Comité.

B. Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption du décret-loi no 215 du 9 juillet 2003, qui a transposé dans le droit interne la Directive 2000/43/EC du Conseil européen consacrant le principe de l’égalité de traitement de tous, sans distinction de race ou d’origine ethnique.

4.Le Comité accueille avec satisfaction la tenue de la Conférence européenne sur les Roms en janvier 2008 à Rome, dont l’objectif était d’identifier des solutions éventuelles aux problèmes auxquels sont confrontés les Roms.

5.Le Comité se félicite de l’entrée en vigueur, en janvier 2008, du décret-loi no 249/07 qui accorde aux immigrants une plus grande protection contre les mesures d’expulsion.

6.Le Comité accueille avec intérêt le mémorandum d’accord relatif à la protection des mineurs «gitans, nomades et camminanti» entre l’Association des nomades et le Ministère de l’éducation en juin 2005.

7.Le Comité se félicite de la création, en novembre 2004, sous l’égide du Ministère de l’égalité des chances, de l’Office national pour l’élimination de la discrimination raciale afin de promouvoir l’égalité et de lutter contre la discrimination fondée sur la race ou l’origine ethnique.

8.Le Comité accueille avec satisfaction les informations communiquées par l’État partie selon lesquelles la Cour de cassation a décidé que tout acte judiciaire concernant un défendeur serait déclaré nul et non avenu s’il n’avait pas été traduit dans la langue maternelle de celui-ci. Il accueille également avec satisfaction la création de fonctions de médiateurs culturels et linguistiques chargés de donner des informations, des conseils et un soutien aux détenus étrangers durant la procédure judiciaire.

9.Le Comité note avec satisfaction la promulgation, le 22 juin 2007, d’une loi prévoyant des sanctions pénales contre les employeurs de migrants sans papiers afin de lutter contre l’exploitation sur le lieu de travail.

10.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption du décret-loi no 162/2005, qui prescrit de nouvelles mesures visant à prévenir et à sanctionner les actes de violence à motivation raciale lors de manifestations sportives, y compris la création d’un observatoire national sur les manifestations sportives.

C. Préoccupations et recommandations

11.Tout en prenant note des explications données par la délégation selon lesquelles la législation de l’État partie ne permet pas le recensement à des fins d’identification de groupes ethniques et n’établit aucune distinction entre les citoyens sur la base de leur origine ethnique, linguistique ou religieuse, le Comité fait part de ses préoccupations quant à l’absence de données statistiques dans le rapport de l’État partie sur la composition ethnique de sa population.

Le Comité recommande que, conformément au paragraphe 11 de son système révisé de présentation de rapports (CERD/C/2007/1), l’État partie soit prié de fournir des renseignements sur l ’utilisation des langues maternelles, l es langues couramment parlées, ou d’autres indicateurs de la diversité ethnique ainsi que tous les renseignements tirés d’enquêtes sociales ciblées menées sur une base volontaire, dans le plein respect de la vie privée et de l’anonymat des personnes concernées.

12.Tout en notant que la délégation de l’État partie s’est engagée à reconnaître les Roms et les Sintis en tant que minorités en droit interne, sur un pied d’égalité avec les minorités linguistiques historiques protégées en vertu de la loi no 482/1999, le Comité s’inquiète de ce qu’aucune législation ou politique nationale globale concernant les spécificités et besoins des Roms et des Sintis n’ait été adoptée (art. 2).

Le Comité, rappel ant sa recommandation générale XXVII concernant la discrimination à l’égard des Roms, recommande à l’État partie d’adopter et de mettre en œuvre une politique nationale globale ainsi qu’une loi concernant les Roms et les Sintis afin de les reconnaître en tant que minorité s nationale s et de protéger et promouvoir leurs langues et leur culture.

13.Le Comité note que l’État partie n’a pas encore créé d’institution nationale pour la promotion et la protection des droits de l’homme indépendante. Il prend également note de l’engagement pris de créer une institution nationale de défense et de protection des droits de l’homme lors de l’élection au Conseil des droits de l’homme et de l’approbation d’un projet de loi par la Chambre des députés le 4 avril 2007, visant à établir une telle institution conformément aux Principes de Paris (résolution 48/134 de l’Assemblée générale, annexe, en date du 20 décembre 1993) (art. 2).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre, en concertation avec un vaste éventail de représentants de la société civile et avec le concours du Haut ‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, les mesures nécessaires pour établir une institution nationale indépendante pour la promotion et la protection des droits de l’homme conformément aux Principes de Paris.

14.Tout en se félicitant de la nouvelle politique visant à lutter contre la marginalisation des Roms et des Sintis en matière de logement et à faciliter leur intégration sociale, le Comité est préoccupé par le fait que ces communautés vivent toujours dans des conditions de ségrégation de facto, dans des camps où ils sont privés d’accès aux services les plus essentiels (art. 3 et 5 e) iii)).

Le Comité, rappelant sa recommandation générale XXVII, recommande à l’État partie de définir et mettre en œuvre les politiques et projets tendant à éviter la ségrégation des communautés roms en matière de logement, faire participer les communautés et associations roms en qualité de partenaires, à côté des autres parties intéressées, à la construction, la réfection et l’entretien de logements. Il recommande en outre à l’État partie d’intervenir avec fermeté contre toute disposition locale refusant la résidence aux Roms ou aboutissant à leur expulsion illicite, et s’abstenir de reléguer les Roms à la périphérie des zones peuplées dans des lieux de campement isolés et dépourvus d’ accès aux soins de santé et autres services essentiels.

15.Tout en prenant note des initiatives adoptées par l’État partie pour lutter contre la discrimination raciale et l’intolérance, le Comité se dit préoccupé par les informations faisant état de cas de discours haineux, y compris des déclarations visant les étrangers et les Roms, émanant de responsables politiques (art. 4).

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour prévenir les délits et les discours haineux à motivation raciale et garantir que les dispositions pertinentes du droit pénal soient effectivement mises en œuvre. Il rappelle que l’exercice du droit à la liberté d’expression comporte des obligations et responsabilités particulières, notamment l’obligation de ne pas diffuser d’idées racistes. Il recommande également à l’État partie de prendre des mesures énergiques pour combattre toute tendance , en particulier de la part des politiciens, à viser, stigmatiser, stéréotyper, ou caractériser par leur profil les personnes sur la base de la race, de la couleur, de l’ascendance et de l’origine nationale ou ethnique ou de recourir à la propagande raciste à des fins politiques.

16.Le Comité est profondément préoccupé par les attitudes et stéréotypes négatifs concernant les Roms qui prévalent parmi les autorités et le public, ce qui conduit à des arrêtés discriminatoires et d’autres mesures (par exemple, des panneaux routiers) adoptés par les autorités municipales qui visent la population nomade (art. 5 et 7).

Le Comité, rappelant sa recommandation générale XXVII, demande à l’État partie de veiller à ce que les municipalités suppriment les arrêtés discriminatoires et respectent les obligations qui lui incombent en vertu de la Convention. Il demande en outre à l’État partie de s’employer, en encourageant un véritable dialogue, des consultations ou d’autres moyens appropriés, à améliorer les relations entre les communautés roms et non roms, en particulier à l’échelon local, afin de mettre un terme à la discrimination contre des membres de cette communauté.

17.Le Comité est préoccupé par des informations concernant la situation des travailleurs migrants sans papiers originaires de diverses parties du monde, en particulier d’Afrique, d’Europe de l’Est et d’Asie, appelant l’attention sur les violations de leurs droits fondamentaux, notamment de leurs droits économiques, sociaux et culturels, y compris les allégations de mauvais traitements, bas salaires reçus avec un retard considérable, longues heures ouvrées et situations de travail forcé dans lesquelles une partie des salaires est retenue par les employeurs à titre de loyer pour des logements surpeuplés, dépourvus d’électricité ou d’eau courante (art. 5).

Le Comité, rappelant sa recommandation générale XXX concernant la discrimination contre les non ‑ressortissants, exhorte l’État partie à prendre des mesures en vue d’éliminer la discrimination à l’encontre des non ‑ressortissants dans le domaine des conditions de travail et des exigences professionnelles, en ce qui concerne notamment les règles et pratiques relatives à l’emploi discriminatoires par leur but ou par leurs effets. En outre, il recommande à l’État partie de prendre des mesures concrètes pour prévenir et régler les problèmes graves auxquels les travailleurs non ressortissants sont généralement confrontés, notamment le servage pour dettes, la rétention du passeport, l’enfermement illégal et les violences physiques.

18.Le Comité est préoccupé par des allégations selon lesquelles les étrangers détenus dans le centre de rétention temporaire de Lampedusa ne sont pas dûment informés de leurs droits, ne peuvent pas voir d’avocat et risquent l’expulsion collective. Il est également préoccupé par des informations selon lesquelles les conditions de détention dans le centre laissent à désirer en raison du surpeuplement, du manque d’hygiène, de la médiocrité de la nourriture et des soins médicaux, ainsi que des mauvais traitements infligés à certains immigrants (art. 5).

Le Comité encourage l’État partie à améliorer les conditions de vie dans les centres de rétention provisoire afin de garantir des soins médicaux adéquats et de meilleures conditions de vie. Il rappelle en outre que celui-ci est tenu de prendre des mesures visant à garantir que les conditions de vie dans les centres pour réfugiés et requérants d’asile satisfont aux normes internatio nales. Le C omité recommande à l’État partie de prendre des mesures visant à garantir que les non-citoyens ne soient pas rapatriés ou expulsés dans un pays ou territoire où ils peuvent être victimes de graves violations des droits de l’homme, notamment d’actes de torture et de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

19.Le Comité est préoccupé par des informations faisant état de mauvais traitements à l’encontre des Roms, en particulier des Roms d’origine roumaine, par des membres des forces de l’ordre lors de descentes de police dans des campements roms, notamment après l’adoption, en novembre 2007, du décret présidentiel no 181/07 concernant l’expulsion des étrangers (art. 5 b)).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures afin d’empêcher que la police ne fasse un usage illégal de la force à l’encontre des Roms, et que les autorités locales prennent des mesures plus fermes pour prévenir et punir les actes de violence à motivation raciale contre les Roms et d’autres personnes d’origine étrangère. À cet égard, il appelle l’attention de l’État partie sur sa recommandati on générale  XXVII et l’exhorte à préserver la sécurité et l’intégrité des Roms, en l’absence de toute discrimination, en adoptant des mesures propres à prévenir les violences à motivation raciale à leur encontre.

20.Tout en se félicitant des initiatives prises par le Ministère de l’éducation tant au niveau central qu’à l’échelon local afin de garantir l’intégration et la scolarisation effective des enfants roms et lutter contre l’échec et l’abandon scolaires, le Comité reste préoccupé par le faible taux de scolarisation des enfants roms (art. 5 e) v)).

Une fois de plus, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale XXVII et lui recommande de redoubler d’efforts pour soutenir l’intégration dans le système éducatif de tous les enfants d’origine rom et remédier aux causes d’abandon scolaire, y compris les cas éventuels de mariage précoce, en particulier des filles roms et, à cette fin, coopérer activement avec les parents, associations et communautés locales roms. Il recommande en outre à l’État partie d’améliorer le dialogue et la communication entre les enseignants et les enfants roms, les communautés roms et les parents, notamment en faisant plus fré quemment appel à des enseignan ts auxiliaires d’origine rom.

21.Le Comité relève le faible nombre d’affaires portées en justice concernant la discrimination raciale dans l’État partie (art. 6).

Le Comité, se référant à sa recommandation générale X XXI concernant la prévention de la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale, rappelle à l’État partie que la rareté des plaintes, des poursuites et des jugements concernant des actes de discrimination raciale ne devrait pas être regardée comme nécessairement positive. L’État partie devrait examiner si cette situation tient à la mauvaise information des victimes pour ce qui est de leurs droits ou au fait que les autorités ne sont pas assez sensibilisées aux délits relevant du racisme. L’État partie devrait prendre, notamment à la lumière d’un tel examen, toutes les mesures nécessaires pour que les victimes de discrimination raciale aient accès à des recours utiles.

22.Le Comité s’inquiète du fait que les médias contribuent encore à diffuser une image négative des communautés roms et sintis et que l’État partie n’a pas pris des mesures suffisantes pour remédier à cette situation (art. 7).

Le Comité recommande à l’État partie d’encourager les médias à jouer un rôle actif dans la lutte contre les préjugés et les stéréotypes négatifs qui conduisent à la discrimination raciale, et d’adopter toutes les mesures voulues pour lutter contre le racisme dans les médias. Il prie en outre l’État partie d’adopter dans les plus brefs délais le code de conduite des journalistes, élaboré en collaboration avec l’Office national pour l’élimination de la discrimination raciale, le Haut ‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et la Fédération nationale de la presse italienne.

23.Le Comité encourage l’État partie à ratifier la Convention internationale de 1990 sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (résolution 45/158 de l’Assemblée générale, annexe, 18 décembre 1990).

24.Le Comité recommande à l’État partie de tenir compte des passages pertinents de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée (A/CONF.189/12, chap. I), lorsqu’il incorpore les dispositions de la Convention dans son ordre juridique interne, en particulier les articles 2 à 7. Il exhorte également l’État partie à faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations spécifiques sur les plans d’action adoptés et d’autres mesures prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national. Il encourage par ailleurs l’État partie à participer activement au Comité préparatoire de la Conférence d’examen de Durban et à la Conférence elle-même en 2009.

25.Le Comité recommande à l’État partie de ratifier l’amendement au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adopté le 15 janvier 1992, à la quatorzième réunion des États parties à la Convention et approuvé par l’Assemblée générale le 16 décembre 1992 dans sa résolution A/RES/47/111. À cet égard, le Comité se réfère à la résolution A/RES/61/148 de l’Assemblée générale du 19 décembre 2006 dans laquelle celle-ci a demandé instamment aux États parties d’accélérer leurs procédures internes de ratification de l’amendement et d’informer par écrit le Secrétaire général, dans les meilleurs délais, de leur acceptation de cet amendement.

26.Le Comité recommande que les rapports de l’État partie soient rapidement mis à la disposition du public dès leur présentation et que ses observations sur ces rapports soient également diffusées dans les langues officielles et nationales.

27.Le Comité recommande à l’État partie de tenir de vastes consultations avec les organisations de la société civile œuvrant à la protection des droits de l’homme, en particulier avec celles qui s’emploient à lutter contre la discrimination raciale, en vue de l’élaboration de son prochain rapport périodique.

28.L’État partie devrait, dans un délai d’un an, indiquer de quelle façon il a donné suite aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 13, 18 et 22 ci-dessus, conformément au paragraphe 1 de l’article 65 du Règlement intérieur.

29.Le Comité invite l’État partie à mettre à jour son document de base conformément aux directives harmonisées concernant l’établissement des rapports établis en vertu des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier celles qui se rapportent au document de base commun, telles qu’adoptées par les organes créés en vertu des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme à leur cinquième réunion intercomités tenue en juin 2006 (voir HRI/GEN/2/Rev.4).

30.Le Comité recommande à l’État partie de présenter ses seizième, dix‑septième et dix‑huitième rapports périodiques combinés sous la forme d’un document unique devant être présenté au plus tard le 18 février 2011, en tenant compte des directives applicables aux documents du Comité, telles qu’adoptées par celui‑ci à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1). Ce rapport devrait être un document actualisé et tous les points soulevés dans les présentes observations finales devraient y être traités.

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