Nations Unies

CERD/C/ITA/CO/19-20

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

17 février 2017

Français

Original : anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant le rapport de l’Italie valant dix-neuvième et vingtième rapports périodiques *

Le Comité a examiné le rapport de l’Italie valant dix-neuvième et vingtième rapports périodiques (CERD/C/ITA/19-20), à ses 2504e et 2505e séances (voir CERD/C/SR.2504 et 2505), les 1er et 2 décembre 2016. À sa 2513e séance, le 8 décembre 2016, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité se félicite que l’Italie ait soumis ses dix-neuvième et vingtième rapports périodiques dans les délais voulus et prend note avec intérêt des renseignements fournis. Il remercie l’Italie d’avoir fourni des réponses écrites à la liste de thèmes, se félicite du dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie ainsi que des renseignements complémentaires qui lui ont été présentés par écrit.

B.Aspects positifs

Le Comité félicite l’État partie des efforts qu’il a déployés pour assurer des opérations de recherche et de sauvetage en mer de migrants et de demandeurs d’asile, ainsi que pour l’aide humanitaire et la protection internationale qu’il leur a accordées. Le Comité est conscient des difficultés majeures auxquelles l’État partie est confronté à cet égard, notamment du fait qu’en dépit de ses initiatives, 355 personnes sont mortes en mer en 2016, comme l’a indiqué le chef de la délégation.

Le Comité se félicite également que l’État partie ait adopté les mesures législatives et directives suivantes :

a)La loi no 67/2014 d’avril 2014, qui dépénalise l’infraction d’entrée ou de séjour irréguliers sur le territoire de l’État partie et lui substitue des sanctions administratives, comme l’avait recommandé le Comité dans ses précédentes observations finales (voir CERD/C/ITA/CO/16-18, par. 22) ;

b)Le décret-loi no 18/2014 portant application de la directive 2011/95/EU de l’Union européenne concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, le 21 février 2014 ;

c)Le Plan national d’action contre le racisme, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, le 7 août 2015.

Le Comité se félicite également que l’État partie ait ratifié plusieurs instruments internationaux, ou qu’il y ait adhéré, dont les instruments suivants :

a)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 3 avril 2013 ;

b)Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le 20 février 2015 ;

c)La Convention sur la réduction des cas d’apatridie, le 1er décembre 2015 ;

d)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, le 4 février 2016.

C.Sujets de préoccupation et recommandations

Législation contre la discrimination

Le Comité prend note de la disposition générale relative à l’égalité énoncée à l’article 3 de la Constitution et des assurances fournies par la délégation de l’État partie quant au fait que les dispositions de l’article premier de la Convention ont été intégralement transposées dans sa législation interne. Il demeure toutefois préoccupé par un certain manque de clarté dans les dispositions législatives portant expressément sur la discrimination raciale, conformément à l’article premier de la Convention, notamment en ce qui concerne l’interdiction de la discrimination fondée sur la couleur ou l’origine nationale ou ethnique, indépendamment de la question de savoir si cette discrimination est délibérée ou non (art. 1er).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter les mesures nécessaires pour que sa législation nationale interdise la discrimination sous toutes ses formes, conformément à l’article premier de la Convention, notamment celle fondée sur la couleur et l’origine nationale ou ethnique, que cette discrimination soit délibérée ou non. Il rappelle que les garanties légales contre la discrimination raciale doivent s’appliquer aux non-ressortissants, quel que soit leur statut au regard de la législation relative à l’immigration, comme le rappelle la recommandation générale n o 30 (2004) du Comité concernant la discrimination contre les non-ressortissants. Le Comité demande à l’État partie d’apporter dans son prochain rapport périodique des éclaircissements sur le cadre législatif et le libellé exact des dispositions légales qui interdisent toute forme de discrimination raciale, en application de l’article premier de la Convention.

Données statistiques ventilées

Tout en prenant note des mesures récemment adoptées par l’État partie pour améliorer la collecte de données sur les infractions pénales commises pour des motifs racistes, le Comité se déclare de nouveau préoccupé par l’absence de données détaillées sur la composition raciale et ethnique de l’État partie. Ces données constituent en effet une matière première essentielle pour la mise au point ultérieure d’indicateurs socioéconomiques plus détaillés, ventilés par groupe social, qui, eu égard à la jouissance des droits énoncés dans la Convention, montreront dans quelle mesure il existe des différences entre les personnes protégées au titre de l’article premier de cette dernière. Le Comité rappelle que des données statistiques détaillées sont essentielles pour recenser de manière empirique les groupes visés par une discrimination fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, pour adopter des mesures appropriées (y compris des mesures spéciales) visant à remédier aux situations d’inégalité et pour évaluer l’impact de ces mesures (art. 1er, 2 et 5).

Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place un mécanisme qui permette de rassembler des données détaillées non seulement sur les infractions pénales commises pour des motifs racistes, mais également sur les violations de l’article premier de la Convention visées par des dispositions législatives distinctes e t complémentaires de celles du C ode pénal, c’est-à-dire par des dispositions du droit civil et administratif garantissant l’exercice des droits dans des conditions d’égalité, sans distinction de race, de couleur, d’ascendance ou d’origine nationale ou ethnique. Le Comité réitère également la recommandation dans laquelle il avait invité l’État partie à recueillir des données statistiques détaillées sur la composition ethnique de sa population, en tenant compte des directives révisées du Comité pour l’établissement des rap ports (voir CERD/C/2007/1, par.  10 et 12) ainsi que d e la recommandation générale n o 8 (1990) concernant l’interprétation et l’application des paragraphes 1 et 4 de l’article premier de la Convention.

Institution nationale des droits de l’homme

Le Comité constate avec regret qu’aucune avancée n’a été réalisée en ce qui concerne la mise en place d’une institution nationale des droits de l’homme, malgré la recommandation qu’il avait formulée dans ses observations finales de 2012 et l’engagement de l’État partie d’y donner suite (art. 2).

Rappelant sa recommandation générale n o  17 (1993) concernant la création d’organismes nationaux pour faciliter l’application de la Convention, le Comité recommande à l’État partie de mettre en place sans tarder, avec la participation active des acteurs de la société civile, une institution nationale des droits de l’homme, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

Bureau national de lutte contre la discrimination raciale

Tout en prenant acte du travail important que le Bureau national de lutte contre la discrimination raciale (UNAR) continue d’accomplir pour promouvoir l’égalité et combattre la discrimination raciale dans l’État partie, le Comité demeure préoccupé par le manque d’indépendance de cet organe (art. 2).

Le Comité recommande à l’État partie de garantir l’indépendance du Bureau national de lutte contre la discrimination raciale (UNAR), en droit comme en fait, et de veiller à ce que celui-ci dispose de ressources humaines et financières suffisantes pour s’acquitter pleinement de son mandat. Il souligne par ailleurs qu’en cas d’intégration dans une autorité indépendante ayant un domaine de compétence plus large, il conviendrait de veiller à ce que le Bureau s’acquitte de manière indépendante et effective de son mandat en matière de lutte contre la discrimination raciale.

Propos incitant à la haine raciale

Le Comité prend acte des procédures judiciaires qui ont été engagées contre des responsables politiques locaux ayant diffusé une idéologie fondée sur la notion de la supériorité d’une race ou sur la haine raciale, mais constate avec préoccupation que les dispositions de la Constitution garantissant l’immunité des parlementaires pour les opinions exprimées dans l’exercice de leurs fonctions risque aussi d’avoir pour effet de les soustraire à l’obligation de rendre des comptes. Le Comité est particulièrement préoccupé de constater que les propos racistes, la stigmatisation, les stéréotypes dévalorisants dirigés contre les migrants, les musulmans, les personnes d’ascendance africaine, les Roms, les Sintis et les Camminantis occupent une large place dans les débats politiques et sont relayés par les médias. Il juge également inquiétants : a) les propos incitant à la haine raciale diffusés sur Internet, notamment le nombre croissant de groupes qui contribuent et incitent à la haine contre les non-ressortissants sur Facebook ; b) le manque de données concernant les poursuites engagées contre les responsables et les voies de recours ouvertes aux victimes (art. 2 et 4).

Compte tenu de sa recommandation générale n o 35 (2013) concernant la lutte contre les discours de haine raciale, le Comité recommande à l’État partie :

a) D e faire en sorte que toute personne (y compris les responsables politiques à tous les niveaux) diffusant une idéologie fondée sur la notion de la supériorité d’une race ou sur la haine raciale ou commettant d’autres violations de l’article 4 de la Convention soit tenue de rendre des comptes et sanctionnée, notamment par la levée de son immunité parlementaire en cas de propos incitant à la haine raciale, conformément à la recommandation générale n o 7 (1985) concernant l’application de l’article 4 de la Convention ;

b) D e veiller à ce que les victimes de propos incitant à la haine raciale aient accès à des moyens de recours utiles ;

c) D e mettre en place un mécanisme cohérent de collecte de données qui permette de consigner systématiquement les propos incitant à la haine raciale, les textes de loi appliqués, les peines prononcées et les moyens de recours dont disposent les victimes ;

d) D e condamner clairement, au niveau politique le plus élevé, la diffusion d’idées et de propos incitant à la haine, et de promouvoir activement une culture de la tolérance et du respect ;

e) D e veiller à ce que l’interdiction des propos incitant à la haine raciale soit étendue à Internet et de ratifier le Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité, relatif à l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques  ;

f) D ’encourager les organes d’information publics et privés à adopter des codes de déontologie et des codes de la presse intégrant le respect des principes de la Convention et d’autres normes fondamentales relatives aux droits de l’homme, en évitant notamment les représentations stéréotypées et toute référence non nécessaire à la race, à la religion et à d’autres caractéristiques de groupes susceptibles de favoriser l’intolérance ;

g) D ’interdire aux autorités et aux institutions publiques, tant nationales que locales, d’inciter à la discrimination raciale ou de l’encourager, conformément à l’alinéa c de l’article 4 de la Convention ;

h) D ’utiliser la fonction publique comme tremplin pour promouvoir les moyens propres à éliminer les barrières entre les races et à décourager les politiques tendant à renforcer la division raciale , conformément au paragraphe 1 e) de l’article 2 de la Convention.

Crimes de haine raciale

Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour lutter contre les crimes de haine raciale, notamment la création en 2010, au sein du Ministère de l’intérieur, de l’Observatoire pour la sécurité contre les actes de discrimination, afin d’encourager le signalement et de faciliter le recensement de ce type de crimes. Il reste toutefois préoccupé par : a) les récents rapports faisant état de violences et de crimes racistes et l’absence de riposte adéquate face à de tels actes ; b) la disposition relative aux circonstances aggravantes de la loi no 205/1993 (loi de Mancino) qui, en ne considérant le racisme comme une circonstance aggravante que s’il est le seul motif du crime, et non lorsqu’il s’accompagne d’autres mobiles, semble avoir pour effet d’atténuer la portée de la loi ; c) le fait que l’on ne recueille pas systématiquement et de manière cohérente de données sur les crimes de haine raciale, notamment sur les décisions adoptées en vue d’assurer l’application de la loi Mancino, sur les peines prononcées et sur les voies de recours proposées aux victimes (art. 2, 4 et 6).

Ayant à l’esprit sa recommandation générale n o 31 (2005) concernant la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le Comité recommande à l’État partie :

a) D e mener des enquêtes sur tous les crimes de haine raciale signalés, de poursuivre leurs auteurs et de leur infliger des peines proportionnelles à la gravité de l’infraction, et de garantir des voies de recours utiles aux victimes ;

b) D e recueillir systématiquement des données ventilées sur les incidents et les crimes de haine raciale, eu égard en particulier aux mesures prises dans le cadre de l’administration de la justice, notamment les poursuites engagées et les motifs avancés pour justifier l’arrêt de ces poursuites alors même que le responsable a été identifié ;

c) D ’adopter des mesures concrètes, en concertation avec les groupes concernés, pour encourager le signalement des crimes de haine raciale, en faisant en sorte que le mécanisme de plainte soit transparent et accessible et que les victimes fassent confiance à la police et au système judiciaire ;

d) D e renforcer la loi sur les circonstances aggravantes en l’appliquant aux crimes ordinaires dans le cadre desquels la haine raciale n’est que l’un des nombreux motifs en jeu.

Flux migratoires mixtes : migrants, demandeurs d’asile et réfugiés

Le Comité a pris acte des efforts déployés par l’État partie pour mettre en œuvre les droits spécifiques des personnes qui se rendent sur son territoire pour fuir des conflits armés ou des persécutions ainsi que pour faire respecter les droits des migrants qui arrivent dans le cadre des mêmes flux migratoires que des réfugiés et des demandeurs d’asile ; il conviendrait de mener ces efforts à plus grande échelle, moyennant le renforcement de la coopération internationale, en particulier avec l’Union européenne et les pays d’origine, de transit et d’accueil.

Le Comité se félicite de l’adoption, en avril 2014, de la loi no 67/2014 qui dépénalise l’infraction d’entrée ou de séjour irréguliers sur le territoire de l’État partie, mais reste préoccupé par le fait que les migrants en situation irrégulière qui reviennent sur le sol italien après une expulsion resteront passibles de sanctions pénales. Il se déclare également préoccupé par la stratégie adoptée par l’État partie pour donner suite à la recommandation de la Commission européenne de mai 2015, qui consiste à établir des centres d’accueil (hotspots) permettant d’identifier et de transférer rapidement les migrants et les demandeurs d’asile en situation irrégulière, afin de traiter leur demande d’asile, de les réinstaller dans un autre État membre de l’Union européenne ou de les renvoyer dans leur pays d’origine. L’existence de tels centres inquiète le Comité notamment pour les raisons suivantes :

a)Il n’existe pas de fondement juridique pour l’établissement de ces centres, où les migrants et les demandeurs d’asile sont de facto retenus au-delà de la période de quarante-huit heures légalement autorisée ;

b)Ces centres sont en nombre insuffisant et les conditions d’accueil y sont déplorables ;

c)Les mineurs non accompagnés ou séparés de leur famille ne sont pas suffisamment protégés ; le système de prise en charge de ces mineurs n’est pas suffisamment individualisé et fait peser une responsabilité trop lourde sur certaines municipalités ;

d)On y recourt à la violence pour contraindre les personnes à fournir leurs empreintes digitales ;

e)Il n’existe pas de directives, de procédures et de responsabilités clairement définies en ce qui concerne l’identification et l’encadrement des personnes en situation de vulnérabilité, lesquelles doivent bénéficier d’une attention particulière et de mesures de protection spécifiques, notamment les victimes de la torture, de la traite et de la violence sexuelle et sexiste ;

f)Il n’existe pas de solides garanties à visée préventive contre le refoulement, et l’importance excessive attachée au critère de la nationalité dans ces centres accroît le risque de violation de l’interdiction des expulsions collectives et du principe du non‑refoulement (art. 1er, 2, 5 et 6).

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D ’envisager d’introduire dans la loi une présomption défavorable à la détention des migrants et de veiller à ce que les migrants ne soient détenus qu’en dernier ressort après avoir vérifié, au cas par cas, que cette mesure est strictement nécessaire, proportionnelle, légitime et non arbitraire, et qu’elle est imposée pour une durée aussi brève que possible ;

b) D e dépénaliser les nouvelles entrées ou les séjours irréguliers sous toutes leurs formes ;

c) D e veiller à ce que tous les établissements dans lesquels les migrants et les demandeurs d’asile sont privés de leur liberté aient un fondement légal et à ce que la période de rétention n’excède pas la durée légale de quarante-huit heures ;

d) D e veiller à ce qu’il y ait suffisamment de centres d’accueil, à ce que les conditions d’accueil y soient satisfaisantes, et à ce que, tant du point de vue de l’administration de ces centres que de leur dotation en personnel, il soit dûment tenu compte des préoccupations et des besoins des migrants et des demandeurs d’asile en matière de droits de l’homme ;

e) D e mettre en place des procédures ad hoc de filtrage et d’évaluation tenant compte de l’âge, de la culture et du sexe des intéressés, afin que ceux qui ont besoin d’une protection internationale ou se trouvent en situation de vulnérabilité puissent être identifiés rapidement et de manière fiable ;

f) D e protéger l’intégrité physique des migrants et des demandeurs d’asile, de veiller à ce qu’ils bénéficient de l’assistance d’avocats et d’observateurs indépendants, et à ce que les fonctionnaires chargés de relever leur s empreintes digitales s’abstiennent autant que possible de recourir à la force ;

g) D e respecter scrupuleusement le principe du non-refoulement et de modifier les procédures d’expulsion de manière à ce qu’aucune expulsion ne soit décidée sans l’assurance que la personne concernée ne risque pas, de retour dans son pays, d’être victime de graves violations de ses droits ;

h) D e mettre pleinement en œuvre les recommandations figurant dans le rapport établi par le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants à l’issue de sa mission dans l’État partie (A/HRC/29/36/Add.2).

Populations rom, sinti et camminanti

Tout en notant que l’État partie a pris des mesures telles que l’adoption d’une stratégie nationale pour l’intégration des communautés roms, sintis et camminantis (2012‑2020), le Comité constate une fois de plus avec une vive préoccupation que ces communautés continuent d’être victimes d’une discrimination profondément ancrée. Il est particulièrement préoccupé par :

a)La persistance, sur le tout le territoire italien, de la pratique des expulsions forcées de Roms, de Sintis et de Camminantis, qui a des effets particulièrement néfastes sur les enfants encore scolarisés ;

b)Le fait que les communautés roms, sintis et camminantis continuent de vivre dans des camps ou des zones d’habitation séparés où les conditions de logement sont déplorables, qui sont souvent insalubres et qui sont situés dans des zones isolées, loin des services de base, notamment les services de santé et les écoles ;

c)La construction par les autorités municipales de nouveaux camps séparés destinés aux seuls Roms ;

d)L’introduction par les autorités locales de critères d’attribution des logements sociaux et d’autres prestations en matière de logement qui sont source de discrimination à l’égard des Roms, des Sintis et des Camminantis ;

e)L’absence de voies de recours juridiques pour les Roms, les Sintis et les Camminantis dont les droits ont été violés dans le cadre de la mise en œuvre du décret relatif à « l’état d’exception pour les nomades », qui a été en vigueur de mai 2008 à novembre 2011 ;

f)Le nombre d’apatrides parmi les Roms, les Sintis et les Camminantis, et le fait que l’État partie n’a pas fourni d’informations sur les mesures concrètes qui ont été prises pour remédier à cette situation (art. 1er, 2, 3, 5 et 6).

Rappelant sa recommandation générale n o  27  (2000) concernant la discrimination à l’égard des Roms , le Comité recommande à l’État partie :

a) D’interrompre tout projet prévoyant de nouvelles expulsions de Roms , de Sintis ou de Camminantis , ou la création de nouveaux camps ou zones d’habitation séparés qui les isoleraient de l’ensemble de la société ;

b) De mettre fin à l’aménagement de camps séparés et de veiller à ce que les Roms , les Sintis et les Camminantis bénéficient de logements adéquats et adaptés à leur culture ;

c) De réviser et modifier les lois, les politiques et les pratiques nationales, régionales et municipales relatives au logement, afin de garantir l’absence de discrimination à l’égard des Roms , des Sintis et des Camminantis dans l’exercice de leurs droits, en particulier dans l’accès aux logements sociaux et aux autres formes d’aide au logement ;

d) D’accorder la priorité aux efforts visant à garantir l’accès des enfants roms , sintis et camminantis à une éducation de qualité qui soit adaptée à leur langue et à leur culture et dispensée dans des écoles géographiquement accessibles, où ils ne subissent aucune forme de ségrégation scolaire ou de mauvais traitement de la part des membres du personnel ou des élèves ;

e) De veiller à ce que la stratégie nationale pour l’intégration des communautés roms , sintis et des camminantis (2012-2020) aboutisse à des progrès tangibles et concrets dans la réalisation de leurs droits, notamment en éliminant l’apatridie, et faire en sorte que a) les communautés roms , sintis et camminantis puissent participer véritablement à la conception de cette stratégie et à sa mise en œuvre ; b) les effets de la stratégie fassent l’objet d’un suivi et d’une évaluation périodiques, fondés sur des données exhaustives ; c) les ressources humaines et financières consacrées à la mise en œuvre de la stratégie soient suffisantes ;

f) De garantir l’accès des Roms , Sintis et Camminantis à des recours utiles et des mesures de réparation , notamment lorsque les violations des droits de l’homme dont ils sont victimes découlent de la mise en œuvre du décret relatif à « l’ét at d’exception pour les nomades  », compte tenu de l’arrêt n o 6050 du Conseil d’État daté du 16 novembre 2011.

Situation des travailleurs migrants

Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour lutter contre l’exploitation par le travail, notamment l’adoption du plan national d’action contre la traite et l’exploitation caractérisée (2016-2018) et d’une loi destinée à lutter contre le travail non déclaré et l’exploitation par le travail dans l’agriculture (appelée « loi sur le caporalato») que la Chambre des députés a approuvée le 18 octobre 2016, et accueille avec intérêt les informations fournies sur les infractions aux articles 600 à 603 bis du Code pénal relatifs à la réduction de l’esclavage, à la traite des êtres humains, à l’achat ou l’aliénation d’esclaves, ainsi qu’à l’intermédiation illicite et à l’exploitation par le travail. Toutefois, le Comité constate avec préoccupation que les employeurs continuent d’exploiter physiquement et financièrement les migrants sans crainte de sanctions et que les migrants n’ont pas accès à une protection juridique efficace et appropriée contre les abus et l’exploitation. Il se dit à nouveau préoccupé par les obstacles qui continuent d’entraver l’accès des migrants à certains services sociaux, en particulier les services dispensés par les autorités locales (art. 1er, 5 et 6).

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que la nouvelle loi contre le travail non déclaré et l’exploitation par le travail dans l’agriculture (loi sur le caporalato ), approuvée le 18  octobre 2016 par la Chambre des députés, soit respectée dans la pratique ;

b) D’adopter de nouvelles mesures pour renforcer la capacité de l’inspection du travail d’appliquer la loi afin de lutter contre l’exploitation par le travail et la discrimination raciale, et de veiller à ce que les employeurs qui portent atteinte aux droits des migrants soient sanctionnés ;

c) De faire en sorte que tous les migrants aient accès à la justice et à des voies de recours utiles, et qu’en cas de violation de leurs droits, ils puissent porter plainte sans avoir peur d’être arrêtés, placés en détention ou expulsés ;

d) De garantir l’accès de tous les migrants, quel que soit leur statut au regard de la législation sur l’immigration, aux services de base, conformément aux normes internationales relatives aux droits de l’homme ;

e) De fournir des informations complémentaires dans son prochain rapport périodique sur la mise en œuvre de la loi sur le caporalato et les autres lois pertinentes, ainsi que sur les activités de l’inspection du travail contre la discrimination raciale et l’exploitation par le travail, en indiquant notamment le nombre de visites effectuées, le nombre et la nature des sanctions infligées, ainsi que les autres mesures qui ont été prises dans différentes régions et différents secteurs.

Personnes d’ascendance africaine

Le Comité constate avec préoccupation que les personnes d’ascendance africaine, dans tous les milieux, qu’elles soient responsable politique, footballeur ou écolier et qu’elles aient la nationalité italienne ou non, continuent de subir de nombreuses formes de discrimination, notamment des violences, des propos haineux et des actes de harcèlement, et d’être stigmatisées. Il note que la délégation de l’État partie a fait part de son intention d’organiser en 2017 une manifestation destinée à sensibiliser la population à la situation des personnes d’ascendance africaine dans l’État partie, mais il déplore que des mesures globales et concrètes n’aient toujours pas été prises pour éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard de ces communautés (art. 1er, 2 et 5).

Ayant à l’esprit sa recommandation générale n o 34 (2011) sur la discrimination raciale à l’égard des personnes d’ascendance africaine, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’enquêter sur tous les actes de discrimination raciale commis à l’égard de personnes d’ascendance africaine, qu’elles aient la nationalité italienne ou non, de poursuivre en justice ou de considérer comme juridiquement responsables les auteurs de telles infractions et de garantir des recours util es aux victimes ;

b) De recueillir et publier des données sur les cas de discrimination à l’égard de personnes d’ascendance africaine dans l’État partie, le nombre d’enquêtes menées, de poursuites engagées et de condamnations prononcées contre les auteurs de tels actes et l’issue des actions civiles et administratives ;

c) De prendre des mesures concrètes et complètes pour lutter contre la discrimination à l’égard des personnes d’ascendance africaine, notamment dans le cadre du plan national d’action contre le racisme, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée ;

d) De veiller à ce que des enseignants d’ascendance africaine soient recrutés dans les écoles et à ce que tous les enseignants et les autres membres du personnel des établissements d’enseignement reçoivent une formation adéquate sur les principes d’égalité et de non-discrimination et sur la marche à suivre en cas de discrimination raciale en milieu scolaire ;

e) De veiller à ce que les programmes scolaires traitent de l’histoire coloniale de l’État partie de manière à mettre en évidence les conséquences des politiques de discrimination raciale et les effets qui persistent jusqu’à aujourd’hui ;

f) De mettre pleinement en œuvre les recommandations formulées par le Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine à la suite de la mission qu’il a menée en Italie en juin 2015 (A/HRC/33/61/Add.1).

Système de justice pénale

Le Comité est préoccupé par les informations fournies par la délégation de l’État partie selon lesquelles quasiment la moitié de la population pénitentiaire serait composée de non-ressortissants. En outre, tout en prenant note du fait que la délégation de l’État partie a garanti l’absence de profilage racial, le Comité prend note avec préoccupation d’informations qui décrivent de telles pratiques (art. 1er et 5).

Le Comité recommande à l’État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des informations sur la représentation des non-ressortissants dans le système de justice pénale qui soient plus détaillées et ventilées selon les motifs énoncés à l’article premier de la Convention, à savoir la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique. Il prie l’État partie de fournir des éclaircissements sur les raisons de la surreprésentation des non-ressortissants dans les prisons italiennes et sur les mesures qui ont été prises pour remédier à cette situation. Il recommande également à l’État partie de veiller à interdire la pratique du profilage racial et de faire en sorte que cette interdiction soit pleinement respectée par tous les services chargés de l’application des lois.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions intéressent directement les communautés qui peuvent faire l’objet de discrimination raciale, comme la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

À la lumière de sa recommandation génér ale n o 33 (2009) sur le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, quand il applique la Convention. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d’action qu’il aura adoptés et les autres mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national.

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

À la lumière de la résolution 68/237 de l’Assemblée générale proclamant la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine pour 2015-2024 et de la résolution 69/16 sur le programme d’activités de la Décennie, le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et de mettre en œuvre un programme ada pté de mesures et de politiques . Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport des renseignements précis sur les mesures concrètes qu’il aura adoptées dans ce cadre, compte tenu de sa recommandation générale n o 34 (2011) sur la discrimination raciale envers les personnes d’ascendance africaine.

Consultations avec la société civile

Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et d’élargir le dialogue avec les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, dans le cadre de l’élaboration du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales.

Suite donnée aux présentes observations finales

Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur, le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 17 a) (crimes de haine raciale), 22 a) et b) (populations rom, sinti et camminanti ) et 20 b) et g) (flux migratoires mixtes : migrants, demandeurs d’asile et réfugiés).

Paragraphes d’importance particulière

Le Comité souhaite appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 15 (discours de haine raciale), 20 (flux migratoires mixtes : migrants, dema ndeurs d’asile et réfugiés), et  24 (situation des travailleurs migrants), et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite.

Diffusion d’information

Le Comité recommande à l’État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de diffuser également les observations finales du Comité qui s’y rapportent dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu’il conviendra.

Élaboration du prochain rapport périodique

Le Comité recommande à l’État partie de soumettre son vingt et unième rapport périodique, d’ici au 4 février 2019, en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1) et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales . À la lumière de la résolution  68/268 de l’Assemblée générale, le Comité demande instamment à l’État partie de respecter la limite de 21 200 mots fixée pour les rapports périodiques.