Nations Unies

CERD/C/ITA/CO/16-18/Add.1

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

9 juillet 2013

Français

Original: anglais

Comité pour l’éliminati on de la discrimination raciale

Observations finales concernant les seizièmeà dix-huitième rapports périodiques de l’Italie, adoptées par le Comité à sa quatre-vingtième session (13 février-9 mars 2012)

Additif

Informations communiquées par le Gouvernement italiensur les recommandations formulées aux paragraphes 13et 15 des observations finales du Comité *

[18 juin 2013]

I.Introduction

Suite à la demande formulée au paragraphe 34 des observations finales adoptées par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) le 9 mars 2012, se référant aux recommandations formulées aux paragraphes 13 et 15 desdites observations finales, l’Italie communique les informations ci-après, conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 du règlement intérieur révisé du Comité.

II.Réponses du Gouvernement aux observations finalesdu Comité (CERD/C/ITA/CO/16-18)

A.Réponse aux recommandations figurant au paragraphe 13des observations finales

Le 20 juillet 2012, le Sénat italien a adopté le projet de loi no 2720 portant création d’une institution nationale des droits de l’homme indépendante et l’a transmis pour examen à la Chambre des députés, qui a apporté plusieurs modifications à ce texte − dont le contenu est conforme aux Principes de Paris et aux engagements internationaux pris par l’Italie dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies.

B.Réponse aux recommandations figurant au paragraphe 15des observations finales

Compte tenu de la décision du Conseil d’État, le Comité a recommandé à l’État partie de prendre les mesures appropriées pour offrir des recours utiles aux membres des communautés roms et sintis, afin qu’ils puissent obtenir réparation pour tous les préjudices subis depuis la mise en œuvre du décret d’urgence concernant les nomades, en leur fournissant notamment des logements adéquats et en veillant à ce que les camps ségrégés ne soient pas la seule solution de logement à leur disposition.

Conformément à la communication no173/2011 de la Commission européenne, intitulée Cadre de l’UE pour les stratégies nationales d’intégration des Roms, l’Italie a transmis à l’Union européenne (UE), le 28 février 2012, sa Stratégie nationale pour l’intégration des communautés roms, sintis et caminantis (2012-2020). Cette stratégie orientera le processus effectif d’intégration/inclusion des Roms, des Sintis et des Caminantis en Italie au cours des années à venir. Elle a été adoptée dans le but de «sortir définitivement de la phase d’urgence qui a caractérisé ces dernières années, notamment en intervenant dans les grandes agglomérations et en travaillant sur la situation dans ces zones» (www.unar.it). Cette stratégie reconnaît, en outre, que les séries de mesures prises au fil des ans en faveur, notamment, de l’intégration et de l’inclusion des communautés roms, sintis et caminantis ont fait ressortir la complexité de la situation de ces personnes. À l’heure actuelle, ces communautés ne sont pas concentrées dans une zone particulière, mais dispersées dans tout le pays. De plus, l’ancienne représentation consistant à voir dans tous les membres de ces communautés des «nomades» est dépassée, aussi bien sur le plan linguistique que culturel, puisque ce terme ne reflète pas la situation actuelle, comme le rappelle la Stratégie mentionnée plus haut. La formule «Roms vivant en Italie», plus précise, est utilisée afin de reconnaître la diversité actuelle de la situation de ces personnes au regard de la loi: ressortissants italiens, ressortissants d’autres pays de l’UE, ressortissants de pays non membres de l’UE, étrangers bénéficiant de l’asile ou d’une protection subsidiaire, apatrides (de facto) et apatrides nés en Italie de parents apatrides.

Aux fins de cette stratégie, le Gouvernement italien a établi un groupe de pilotage politique (Cabina di regia / tavolo politico inter- ministeriale) réunissant les ministres suivants: Ministre de la coopération internationale et de l’intégration, Ministre du travail et des affaires sociales, Ministre de l’intérieur, Ministre de la santé, Ministre de l’éducation, de l’université et de la recherche et Ministre de la justice.

Le Ministre de la coopération internationale et de l’intégration en poste à l’époque a associé à cette initiative les représentants des autorités régionales et locales, dont les maires des grandes zones urbaines, ainsi que des représentants des communautés roms, sintis et caminantis vivant en Italie (à ce jour, 94 ONG ont été inscrites sur la liste des associations qui participeront aux «tables rondes régionales» – une fois qu’elles auront été établies –, tandis que les quatre principales associations roms actives au niveau national ont déjà été intégrées dans les groupes de travail nationaux prévus par la Stratégie nationale).

À ce propos, il convient de souligner que les principaux «axes» d’intervention impliquent la participation, à un degré ou à un autre, de nombreuses autorités aux compétences, tâches et rôles très divers: toutes doivent participer de manière coordonnée à cet exercice structuré, afin de poursuivre les objectifs définis par le Gouvernement dans le contexte du «cadre de l’UE» mentionné plus haut.

Le groupe de pilotage va donc orienter au fil du temps le processus d’intégration/inclusion, en surveillant et évaluant régulièrement la situation, notamment les résultats obtenus et la cohérence des choix et projets nationaux avec les recommandations de l’UE. À cette fin, en novembre 2011 le Bureau national de lutte contre la discrimination raciale (UNAR) a été désigné point de contact national.

S’agissant du fond, cette stratégie a été élaborée en conformité avec les normes internationales et régionales pertinentes (voir pp.3 ff). Dans sa première partie, elle rappelle toutes les normes internationales et régionales pertinentes et les recommandations y afférentes − de celles adressées à la Commission européenne par le HCDH aux diverses observations finales formulées par les organes conventionnels compétents, pour n’en mentionner que quelques-unes. De plus, une perspective de genre et une approche fondée sur les droits de l’homme ont été introduites, et l’accent a été mis en particulier sur les activités relatives à l’éducation aux droits de l’homme.

Tous les éléments mis en relief dans la première partie de la Stratégie ont également été repris dans ses deux dernières pages, consacrées aux «engagements nationaux». En outre, lors de l’élaboration de la Stratégie et des mesures de suivi, les autorités italiennes ont pleinement pris en compte l’arrêt no 6050 du Conseil d’État en date du 16 novembre 2011, par lequel a été annulé le décret du Président du Conseil des ministres en date du 21 mai 2008 instaurant l’état d’urgence en relation avec les implantations de communautés nomades dans les régions de Campanie, de Lombardie et du Latium. Ce décret prévoyait en outre la désignation de commissaires délégués. Le Conseil d’État a aussi annulé les décisions prises dans l’exercice des pouvoirs d’urgence aux fins de la protection de la société. À ce propos, la Cour suprême, siégeant en formation plénière, vient tout juste de confirmer l’arrêt susmentionné, fin avril 2013.

Après l’approbation de la Stratégie susmentionnée par la Commission européenne, le 30 mai 2012, l’UNAR, parallèlement à ses activités habituelles, a rapidement commencé à dresser un bilan de ses expériences passées et d’autres expériences pertinentes, et a organisé un certain nombre d’initiatives sur les thèmes suivants: logement, médiation culturelle, abandon scolaire et éducation aux droits de l’homme.

À partir de juin 2012, l’UNAR, en parallèle avec ses activités habituelles, a assuré et/ou soutenu le lancement de la plupart des initiatives et projets prévus dans la Stratégie.

Sur le plan de l’exécution, la Stratégie a introduit une forme assez complexe de gouvernance, qui a toutefois été une réussite. Elle prévoit:

a)La création de quatre groupes de travail: un consacré au logement (que doit rapidement mettre en place le Gouvernement récemment formé) et les autres respectivement à l’éducation (groupe opérationnel depuis la mi-février 2013), au travail (opérationnel depuis le 1er février 2013) et à la santé (opérationnel depuis la mi-février 2013);

b)La création d’autres groupes de travail, l’un chargé de recueillir des données essentielles pour orienter les choix politiques (mis en place en juin 2012), l’autre d’examiner les situations juridiques hétérogènes des Roms sans papiers, arrivés en Italie pour la plupart à la suite du conflit dans les Balkans (principalement des apatrides de facto), afin de recommander des mesures législatives qui pourront éventuellement être adoptées dans le cadre de la nouvelle législature (la XVIIe) (mis en place le 30 janvier 2013);

c)Une surveillance constante des fonds alloués par l’UE et des financements nationaux, notamment afin de s’assurer que ces ressources sont utilisées correctement et de façon cohérente, pour que les objectifs exposés ci-dessus puissent être atteints.

En outre, pour que la Stratégie nationale puisse être convenablement transposée au niveau local, l’UNAR a appuyé la création, le 5 décembre 2012, d’un groupe de travail appelé Table ronde nationale des régions italiennes. Dans ce cadre, la Conférence État‑Régions (coordonnatrice de ce groupe de travail) a demandé à toutes les régions italiennes de désigner un représentant − en général l’adjoint aux politiques sociales − chargé de faciliter, dans sa propre région, la mise en place d’une table ronde régionale au sein de laquelle seront élaborés et lancés des plans locaux d’intégration sociale, conformément à la Stratégie nationale.

Dans ce contexte, la municipalité de Milan a adopté un plan début décembre 2012 et sollicite actuellement l’assistance de l’UNAR afin de définir plus précisément ses politiques. La Toscane et l’Émilie-Romagne ont été les premières régions à manifester leur volonté d’agir. Les régions suivantes ont également réagi de façon positive: les Marches, la Campanie, la Sicile et la Ligurie (il convient en outre de noter les autres initiatives et contacts bilatéraux avec toutes les autres municipalités au niveau régional et autre, en particulier celles initialement visées par le décret proclamant l’état d’urgence en relation avec les implantations de nomades).

S’agissant plus particulièrement de ces autres initiatives, dont celles de l’UNAR, il convient de citer, à titre d’exemple, les mesures suivantes:

a)Les actions menées par l’UNAR dans ce contexte relèvent essentiellement de l’«Axe D − Action 6» (Programme opérationnel national «Gouvernance et dispositifs» 2007-2013) et visent à promouvoir des mesures de gouvernance, des politiques et moyens d’intégration et des outils destinés à combattre la discrimination envers les communautés roms, sintis et caminantis − il convient d’y ajouter d’autres mesures faisant actuellement l’objet d’une mise en place rapide et relevant de l’«Axe A» et de l’«Axe B»;

b)Les activités menées au titre de l’Action 6 visent à promouvoir des modèles et des instruments de gouvernance en vue d’apporter aux régions un appui d’ordre juridique et administratif et en matière de gestion pour les aider à faire face aux obstacles locaux à l’intégration des communautés roms, sintis et caminantis;

c)Entre autres activités en la matière, l’UNAR: publie des documents au titre de projets ad hoc, comme les fiches d’information du Conseil de l’Europe sur l’histoire des Roms; s’emploie à promouvoir la médiation culturelle et linguistique, des modèles de communication et un registre des médiateurs linguistiques roms et sintis; renforce la coopération entre autorités locales (notamment les services d’enseignement régionaux et les préfectures) et communautés roms, sintis et caminantis, en particulier dans les régions concernées par l’Objectif Convergence et met en place des réseaux et des campagnes de sensibilisation. L’UNAR associe des instituts de recherche et d’autres parties prenantes à ces activités, en recourant à des avis publics;

d)Les actions relevant des axes A et B consistent avant tout à combattre l’exclusion sociale et le chômage, en favorisant l’entrepreneuriat social, en particulier des femmes roms, sintis et caminantis, la sécurité sur le lieu de travail et le placement, notamment dans les régions concernées par l’Objectif Convergence;

e)Dans les secteurs de l’information et de la communication, il convient de mentionner la campagne «Dosta!» («Ça suffit!»), lancée à l’origine par le Conseil de l’Europe dans les pays d’Europe de l’Est, qui vise à en finir avec les préjugés et les stéréotypes envers les Roms, les Sintis et les Caminantis. L’UNAR a œuvré à promouvoir cette campagne dans 30 villes italiennes. Des événements, des projets et des initiatives culturelles, ainsi que des campagnes d’éducation, de formation et d’information, ont eu lieu en 2010 et 2011, notamment avec des cours de formation pour les journalistes, la diffusion de boîtes à outils pour les écoles et des publicités dans le métro et les autobus. L’UNAR a déjà officialisé la prolongation de la campagne pour toute l’année 2013. De même, à partir de 2013, à l’occasion de la Journée de commémoration de l’Holocauste (le 27 janvier) le point de contact national entend mener une action de portée nationale en faveur de la commémoration du «Porajmos» et la diffusion d’informations sur ce sujet. Enfin, au titre de la «Semaine d’action contre le racisme», menée régulièrement depuis 2005, de concert avec la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale célébrée par l’ONU chaque année le 21 mars, l’UNAR prévoit aussi des activités destinées spécialement à combattre les manifestations d’hostilité envers les «gitans»;

f)Il convient de mentionner trois autres interventions, dont deux ont été mises en route par le Ministère de l’intérieur et le Département de l’égalité des chances, dans le cadre du Programme opérationnel national 2007-2013 «Sécurité» et «Gouvernance», la troisième devant l’être sous peu par le Département de la justice pour mineurs du Ministère de la justice, au titre du Fonds européen d’intégration des ressortissants de pays tiers 2007-2013. Le Département de l’égalité des chances (chargé de gérer l’Action 6 de l’Objectif4.2 du Programme opérationnel national «Gouvernance» du Fonds social européen, en s’inspirant de l’expérience acquise dans le cadre du programme Romed du Conseil de l’Europe en vue de la formation de médiateurs roms et sintis) a déjà officialisé le démarrage, pour l’exercice biennal 2012-2013, d’un projetpilote pertinent destiné à promouvoir un réseau de médiateurs culturels et linguistiques roms, sintis et caminantis. En matière de fourniture de services de médiation culturelle, au titre du Fonds social du Ministère de l’intérieur pour l’intégration des pays tiers 2007-2013, la Direction générale de l’application des décisions de justice du Département de la justice pour mineurs a présenté six projets prévoyant des interventions de médiateurs culturels, sociaux et linguistiques au sein des services pour mineurs en Vénétie et à Rome, Florence, Palerme, Naples et Catane; leur lancement effectif est prévu pour l’exercice biennal 2012-2013;

g)Enfin, l’UNAR a signé un mémorandum d’accord avec le Conseil national de médecine légale en vue de mettre en route, à l’intention des avocats, des cours de formation continue et de recyclage, au programme desquels figurera la lutte contre la discrimination. Cette formation sera à terme étendue aux fonctionnaires du Département de l’administration pénitentiaire, et le personnel de 18 prisons pour mineurs et centres de détention où les détenus roms sont majoritaires y participera.

En matière delogement et d’expulsion forcée, à la suite de l’arrêt rendu par le Conseil d’État en novembre 2011, des ressources résiduelles d’un montant de 17 millions d’euros − allouées initialement à la mise en œuvre du décret d’urgence relatif aux nomades − ont été restituées au Ministère de l’intérieur par l’entremise des préfets concernés. De son côté, le Ministère de l’intérieur les a rendues au Ministère de l’économie et des finances, qui a récemment réaffecté ces sommes au Ministère de l’intérieur. À l’heure actuelle, le Ministère de l’intérieur redistribue au prorata des ressources (provenant à l’origine du Fonds pour la sécurité des municipalités − Fondo Sicurezza Città) aux municipalités (et aux préfets) ayant participé à la mise en œuvre du décret d’urgence relatif aux nomades.

Ces ressources relèvent maintenant du «fonds des ressources ordinaires», destiné à la gestion ordinaire de ce secteur − ainsi, plus aucune référence n’est faite à des situations d’urgence. À ce titre, par exemple, 2,5 millions d’euros ont déjà été alloués à la municipalité de Lamezia Terme pour financer des solutions en matière de logement.

Sur un plan plus général, les difficultés de logement et la situation des sans-abri sont sans doute les manifestations les plus extrêmes de la pauvreté et de l’exclusion sociale. L’accès à un logement convenable et abordable est un besoin et un droit fondamental, mais garantir ce droit reste un défi, surtout dans une conjoncture aussi difficile. Rechercher des solutions appropriées et intégrées pour réduire la pénurie chronique de logements abordables est donc un enjeu crucial pour les plus défavorisés, y compris les Roms, comme souligné dans la Stratégie nationale. Les dernières décennies ont montré que le modèle de référence des politiques de logement menées en faveur des Roms, des Sintis et des Caminantis en Italie − les «camps de nomades» − ne correspondait pas aux besoins des personnes et des communautés, devenues majoritairement sédentaires. Seuls 3% des familles roms sont encore nomades − mais même dans leur cas, à l’évidence, on peut difficilement considérer qu’elles ont choisi ce mode de vie.

La réforme du système des «camps» − terme désignant habituellement de grandes implantations hétérogènes et changeantes à la périphérie des centres urbains − est une des principales questions auxquelles s’intéresse la Stratégie nationale. En Italie, on estime à environ 40 000 le nombre de personnes qui vivent dans des camps, situés pour la plupart dans les municipalités de Turin, Gênes, Milan, Brescia, Pavie, Padoue, Bologne, Reggio Emilia, Rome, Naples, Bari et Foggia. Cela étant, il convient de relever les bonnes pratiques adoptées ces dernières années par divers pouvoirs locaux, qui prouvent que c’est au niveau local que les processus d’intégration prennent une dimension concrète. Des solutions de logement appropriées/un mode d’habitation résidentiel réellement inclusif passent par une approche sociale: la transition du camp vers la maison (ou vers la communauté ou les «microzones») doit s’inscrire dans une démarche complexe, qui ne saurait se limiter à la seule construction de bâtiments et à leur attribution.

Le travail, l’éducation, la santé et les relations avec la population locale sont des questions essentielles à avoir à l’esprit lors des interventions effectuées pour accompagner ceux qui quittent les campements. Il est en outre indispensable que les activités de terrain soient étroitement intégrées, car le succès de l’une dépend du bon déroulement d’une autre. L’accès des enfants aux initiatives en faveur de l’éducation, par exemple, dépend de la réussite des interventions visant à encourager la formation et la participation des parents, réussite qui dépend elle de leur régularisation administrative − il faut établir un cercle vertueux d’intégration sociale au niveau local.

Au fil des ans, de nombreuses initiatives ont été prises dans différentes régions du pays pour sortir du système des «camps», à la suite de diverses expériences et propositions visant à apporter des solutions de logement appropriées, tenant compte, notamment, des besoins des bénéficiaires, culturels en particulier, et des possibilités offertes par les territoires.

Le point de contact national fait valoir que les préférences individuelles doivent toujours être mises en regard et en balance avec les principes de répartition équitable, de prévention de toute ségrégation spatiale et de planification sociale urbaine globale.

La Stratégie nationale a donné de bons résultats dans les municipalités de Bologne, Padoue, Turin, Messine, Gênes et Florence. Les expériences les plus réussies présentent un dénominateur commun: l’importante contribution de l’Union européenne ou des autorités centrales, par le canal d’un financement européen ou national. Le financement de ces interventions est un enjeu majeur car il influe sur l’efficacité de leur mise en œuvre.

Au cours des années à venir, un grand nombre d’options doivent être élaborées et pleinement mises en œuvre, notamment dans le cadre de la Stratégie nationale. Parmi les propositions à l’étude, mais pas encore formalisées dans la législation, figure la création, au niveau municipal, d’«organismes» chargés de louer des terrains à bâtir. Ces organismes pourraient faire office de «garants», offrant des garanties spéciales aux propriétaires louant leurs terrains aux personnes intéressées.

La mise en œuvre de la Stratégie nationale amène en outre à penser qu’il serait souhaitable de réviser la loi no431/1998, qui a modifié le système de contrôle des loyers (loi no392/78). Les activités parlementaires relatives à la politique du logement se sont développées au cours de la XVIe législature, avec l’introduction de mesures visant à améliorer l’accès des personnes défavorisées au logement social (voir l’article 11 du décret-loi no112/2008 − Plan logement). Le Gouvernement italien a adopté le Plan national en faveur du logement en 2009, en vue de garantir le respect de normes minimales dans le secteur du logement à l’échelle nationale. Dans le même sens, la Stratégie nationale présente une large gamme de possibilités pour lesquelles les municipalités pourraient opter en matière de logement: logement social, soutien à l’achat d’habitations privées ordinaires, soutien à la location de logements privés ordinaires, location de maisons ou d’exploitations agricoles appartenant à l’État, espaces réservés aux gens du voyage, régularisation de caravanes installées dans des zones agricoles appartenant à des Roms, des Sintis ou des Caminantis.

Les objectifs spécifiques de la Stratégie nationale dans ce domaine sont donc les suivants: promouvoir des politiques intégrées en faveur d’une coopération interinstitutions en matière d’offre de logement pour les Roms, les Sintis et les Caminantis, promouvoir des solutions de logement qui répondent aux exigences et aux besoins particuliers des familles roms, sintis et caminantis, et sensibiliser aux ressources économiques, aux arrangements administratifs disponibles dans le cadre des politiques de logement et aux possibilités immobilières pour les familles roms, sintis et caminantis.

Au sujet des affaires d’expulsions, il faut savoir que conformément à la Loi fondamentale les autorités centrales exercent un «pouvoir législatif exclusif» dans certains domaines, dont (concernant la situation des Roms): le statut de réfugié et la situation juridique des nationaux de pays non membres de l’UE, l’immigration, l’ordre public et la sécurité (hors prérogatives de la police locale/municipale), la définition de normes et services minima à assurer en ce qui concerne l’exercice des droits civils et sociaux. Les autorités locales sont de leur côté habilitées à ordonner l’expulsion forcée d’occupants d’implantations illégales.

Conformément au paragraphe 4 de l’article 54 du texte de synthèse sur les autorités locales (décret législatif no 267/2000, tel que modifié par l’article 6 du décret-loi no 92/2008, devenu par la suite la loi no 125/2008), «le maire, en sa qualité d’agent de l’État, peut, dans le but de prévenir ou d’éliminer un grave danger pour la sécurité publique et urbaine, adopter, par arrêté motivé, des mesures, y compris d’urgence, pourvu qu’elles soient conformes à la loi». À titre d’exemple en la matière, il convient de mentionner l’arrêt du Tribunal administratif du Latium rendu à la fin du mois de septembre 2012, en vertu duquel a été rejetée la plainte que des familles roms avaient déposée pour empêcher le transfert des derniers occupants du camp de Tor dé Cenci. Le Tribunal a estimé que la municipalité de Rome, qui avait ordonné l’expulsion des occupants de ce camp pour des raisons de santé et d’hygiène, «protégeait la santé publique».

Tout en respectant pleinement, à l’évidence, les prérogatives et pouvoirs de la justice administrative, l’UNAR continue à suivre tous les cas pertinents, notamment par l’entremise d’un service d’appui juridique ad hoc récemment créé et confié à une association d’avocats, l’Union juridique pour la protection des droits de l’homme (Unione Forense per la Tutela dei Diritti Umani), qui fournit, entre autres, des services consultatifs et une aide juridique aux victimes de discrimination. Conscient de la nécessité urgente de concilier des positions opposées tout en veillant à ce que les normes internationales soient correctement transposées dans le contexte local, l’UNAR a en outre publié récemment (en janvier 2013) un résumé et une note explicative portant sur les normes internationales à respecter avant, pendant et après l’expulsion ou le déplacement de personnes, dont les Principes de base et directives des Nations Unies concernant les expulsions et les déplacements liés au développement (2007), afin de sensibiliser les autorités locales à la question.

Même si des tensions peuvent survenir entre les politiques nationales et locales, il convient de prendre en considération les éléments suivants: la Stratégie nationale est relativement jeune et sa phase de mise en application a débuté, concrètement, à la fin de la législature, période où, en vertu des garanties prévues par la Constitution, la gestion des affaires courantes prédomine. L’ouverture de la nouvelle législature, à la mi-mars 2013, et la mise en place du Gouvernement dirigé par Enrico Letta (fin avril 2013) ont amorcé une dynamique nouvelle, que l’Italie va pouvoir mettre à profit. Il faut d’autre part avoir à l’esprit que le cadre juridique national a beaucoup évolué depuis la révision du titre V de la Constitution italienne, consacré aux collectivités territoriales autonomes. Pour avancer durablement, il est dès lors nécessaire de favoriser une approche intégrée, un dialogue constant et des activités communes propres à instaurer un climat de confiance.