Nations Unies

CCPR/C/FIN/CO/7

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

3 mai 2021

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ homme

Observations finales concernant le septième rapport périodique de la Finlande *

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le septième rapport périodique de la Finlande (CCPR/C/FIN/7) à ses 3758e, 3759e et 3760e séances (voir CCPR/C/SR.3758, CCPR/C/SR.3759 et CCPR/C/SR.3760), tenues les 2, 3 et 4 mars 2021, pour la première fois en ligne en raison de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19). À sa 3774e séance, le 23 mars 2021, le Comité a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le septième rapport périodique de la Finlande et les renseignements qui y sont donnés. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif avec la délégation de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour appliquer les dispositions du Pacte. Il remercie l’État partie des réponses écrites (CCPR/C/FIN/7) apportées à la liste préalable de points à traiter (CCPR/C/FIN/QPR/7), qui ont été complétées oralement par la délégation, ainsi que des renseignements supplémentaires importants qui lui ont été communiqués par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité salue l’adoption par l’État partie des mesures législatives et institutionnelles ci-après :

a)La loi sur la non-discrimination (no 1325/2014), en 2014, et l’institution du Bureau du Médiateur pour la non-discrimination et du Tribunal national pour la non‑discrimination et l’égalité ;

b)La loi portant modification de la loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes (no1329/2014), en 2014 ;

c)La loi sur le contrôle du recueil de renseignements (no 121/2019) et la modification du règlement intérieur du Parlement (no 123/2019), le 1er février 2019, avec l’institutionnalisation du Médiateur du renseignement et du Comité de contrôle du renseignement pour contrôler la légalité des activités de renseignement civil et militaire ;

d)La loi sur l’Office national des poursuites (no 32/2019), garantissant aux procureurs une indépendance et une autonomie totales ;

e)Le deuxième plan d’action national sur les droits fondamentaux et les droits de l’homme pour la période 2017-2019 ;

f)Le Plan d’action pour l’égalité des sexes pour la période 2016-2019 ;

g)Le Plan d’action contre la traite des êtres humains pour la période 2016-2017 ;

h)Le plan d’action « Meaningful in Finland » visant à lutter contre les discours de haine et le racisme et à favoriser l’inclusion sociale, en 2016 ;

i)Le Plan d’action pour la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique pour la période 2018-2021 ;

j)La Politique nationale en faveur des Roms pour la période 2018-2022, en 2018 ;

k)Le Plan d’action pour la mise en œuvre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2018 ;

l)Le Plan d’action pour la période 2019-2025 visant à assurer l’égalité des chances pour les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes dans la société d’Åland, en 2019.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Mise en œuvre du Pacte et du Protocole facultatif s’y rapportant

4.Le Comité note que les juridictions supérieures finlandaises se réfèrent aux dispositions du Pacte. Il regrette toutefois l’absence d’exemples concrets d’affaires judiciaires dans lesquelles les dispositions du Pacte ont été directement appliquées, et notamment de cas dans lesquels les dispositions du droit interne contraires au Pacte ont été écartées. Le Comité est également préoccupé par le fait qu’il n’a pas encore été donné suite aux constatations qu’il a adoptées en novembre 2018 au sujet du droit à l’autodétermination des Sâmes. Au contraire, les décisions en date du 5 juillet 2019 par lesquelles le Tribunal administratif suprême a réinscrit sur les listes électorales 97 personnes que la Commission électorale du Parlement sâme avait retirées semblent contraires aux constatations du Comité. En outre, les élections parlementaires sâmes tenues en septembre 2019 n’ont pas été annulées ou reportées par le Gouvernement finlandais, ce qui a donné lieu à une importante modification de la composition du Parlement sâme, qui compte désormais des Finlandais de souche, que le Parlement sâme ne considère pas comme des Sâmes (art. 2).

5. L ’ État partie devrait continuer de s ’ employer à faire connaître le contenu du Pacte et du Protocole facultatif s ’ y rapportant aux avocats, aux procureurs, aux juges et aux membres des forces de l ’ ordre ainsi qu ’ au public. Il devrait également se conformer rapidement à toutes les constatations relatives au peuple autochtone sâme adoptées par le Comité, en recourant à des mécanismes appropriés et efficaces, afin de garantir le droit des victimes à un recours utile, conformément à l ’ article 2 (par. 3) du Pacte.

Études d’incidence sur les droits de l’homme

6.Le Comité note que divers acteurs, notamment le Conseil d’évaluation des incidences de la réglementation, étudient l’incidence qu’auraient, sur les droits de l’homme, les projets de loi et de mesure de politique générale. Il relève que la constitutionnalité de la législation et le respect des obligations relatives aux droits de l’homme sont contrôlés par le Ministre de la justice et le Comité du droit constitutionnel. Il est toutefois préoccupé par certaines informations indiquant que ces études ne relèveraient pas d’une démarche systématique et manqueraient d’efficacité en ce qui concerne la protection des droits de l’enfant ainsi que des droits des femmes, des demandeurs d’asile, des migrants et des Sâmes, en particulier pour ce qui est de la collecte et de l’analyse de données sur le sujet (art. 2).

7. L ’ État partie devrait renforcer les mécanismes permettant d ’ évaluer les effets sur les droits de l ’ homme des projets de loi ou de mesure de politique générale avant que ceux-ci soient adoptés afin de garantir leur compatibilité avec le Pacte, en particulier s ’ agissant des projets de loi ou de mesure de politique générale touchant les droits des personnes appartenant à des groupes vulnérables. L ’ État partie devrait également améliorer son système de collecte de données fiables ventilées afin de pouvoir étudier les effets de la législation et des politiques sur les droits énoncés dans le Pacte.

Réserves

8.Le Comité note que l’État partie maintient ses réserves aux articles 10 (par. 2 b) et 3), 14 (par. 7) et 20 (par. 1) du Pacte, entre autres. Il regrette que la position de la Finlande n’ait pas évolué à cet égard depuis l’examen du rapport précédent (art. 2).

9. Rappelant ses précédentes recommandations (CCPR/C/FIN/CO/6, par. 4), le Comité répète que l ’ État partie devrait envisager de retirer ses réserves aux articles susmentionnés du Pacte.

Mesures de lutte contre le terrorisme

10.Le Comité est préoccupé par la définition imprécise qui est donnée des infractions terroristes dans le Code pénal et par l’utilisation abusive qui pourrait en être faite. Il prend note de l’adoption récente par l’État partie d’une résolution sur le sujet, et de l’intention que celui-ci a exprimée de poursuivre ses efforts pour rapatrier les enfants des zones de conflit armé, mais il est préoccupé par le nombre d’enfants nés de ressortissants finlandais qui se trouvent encore dans ces zones, où ils vivent dans des conditions très difficiles, notamment dans le camp de réfugiés d’Al-Hol en République arabe syrienne (art. 2, 9, 12 et 14).

11. L ’ État partie devrait :

a) Veiller à ce que sa législation antiterroriste, en particulier les définitions qu ’ elle contient et les pouvoirs qui y sont prévus et leurs limites, soit compatible avec le Pacte et les principes de légalité, de sécurité juridique, de prévisibilité et de proportionnalité, et à ce que les personnes soupçonnées ou inculpées d ’ infractions terroristes ou d ’ infractions connexes bénéficient, en droit et dans la pratique, de toutes les garanties juridiques, conformément au Pacte ;

b) Redoubler d ’ efforts pour rapatrier tous les ressortissants finlandais qui se trouvent actuellement dans des zones de conflit armé et leurs enfants en mettant en place une procédure claire et équitable respectant le principe de l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant, et veiller à ce que ces personnes puissent accéder comme il se doit à des services de réadaptation et à des soins une fois rapatrié e s.

Non-discrimination et égalité des sexes

12.Le Comité prend note des mesures législatives et stratégiques que l’État partie a adoptées pour prévenir et combattre la discrimination et promouvoir l’égalité des sexes. Il est toutefois préoccupé par le fait que le Médiateur pour la non-discrimination ne peut saisir le Tribunal national pour la non-discrimination et l’égalité qu’avec le consentement de toutes les parties lésées et que les victimes ne peuvent pas demander d’indemnisation auprès de ce Tribunal, mais doivent pour ce faire engager une longue procédure judiciaire. Le Comité note également avec préoccupation que la délégation a reconnu que la loi sur la non-discrimination n’était pas encore largement connue du grand public et que les victimes de discrimination avaient donc tendance à chercher à obtenir réparation par des voies diverses et parfois confuses. Il est également préoccupé par le faible niveau de représentation politique des femmes handicapées et des femmes issues de minorités ethniques et par le manque de données statistiques ventilées à ce sujet (art.2 et 26).

13. L ’ État partie devrait :

a) Prendre toutes les mesures nécessaires pour r éexaminer et modifier la loi sur la non-discrimination ( n o 1325/2014) et les autres lois antidiscrimination pertinentes afin d ’ accroître l ’ efficacité du cadre juridique et institutionnel de lutte contre la discrimination ;

b) Revoir le mandat du Médiateur pour la non-discrimination, dans le but de supprimer les obstacles à la saisine du Tribunal national pour la non-discrimination et l ’ égalité dans toutes les affaires de discrimination ;

c) Envisager d ’ habiliter le Tribunal national pour la non ‑ discrimination et l ’ égalité à indemnis er directement les victimes, ce qui permettrait à celles-ci d ’ accéder en temps opportun à des mesures de réparation effectives  ;

d) Informer le public du contenu de la législation antidiscrimination et des recours juridiques ouverts aux victimes, notamment du mandat du Médiateur pour la non-discrimination, du Médiateur pour l ’ égalité et du Tribunal national pour la non ‑ discrimination et l ’ égalité ;

e) Poursuivre les efforts visant à accroître la présence des femmes , notamment d es femmes handicapées et d es femmes issues de minorités ethniques , dans les secteurs public et privé et leur représentation au plus haut niveau, et améliorer la collecte de données à ce sujet.

Discours de haine et crimes motivés par la haine

14.Le Comité prend note des mesures que l’État partie a prises pour lutter contre les discours de haine et les crimes motivés par la haine, notamment de l’adoption du Plan d’action national de prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violents et de la désignation, dans les services de police, de ceux qu’on appelle les « flics d’Internet ». Il est toutefois préoccupé par la persistance de l’intolérance, des préjugés, des discours de haine et des crimes motivés par la haine dont sont victimes des groupes vulnérables et des minorités, dont les femmes, les personnes d’ascendance africaine, les musulmans, les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres et les communautés roms et juives, en particulier dans les médias et sur les réseaux sociaux. À cet égard, le Comité regrette l’absence d’informations spécifiques sur les effets des politiques et des mesures de sensibilisation et leur efficacité s’agissant de faire diminuer le nombre de discours de haine et de crimes motivés par la haine, ainsi que l’insuffisance des données collectées (art. 2, 19, 20 et 26).

15. L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour combattre la discrimination, les discours de haine et l ’ incitation à la discrimination ou à la violence fondés, entre autres, sur la race, l ’ appartenance ethnique, la religion ou l ’ orientation sexuelle et l ’ identité de genre, conformément aux articles 19 et 20 du Pacte et à l ’ observation générale n o 34 (2011) du Comité sur la liberté d ’ opinion et la liberté d ’ expression. Il devrait notamment :

a) Améliorer la collecte de données sur le sujet et prendre des mesures efficaces pour prévenir les discours de haine à la fois en ligne et hors ligne, condamner fermement et publiquement de tels discours et lutter plus énergiquement contre les discours de haine en ligne ;

b) Renforcer ses activités de sensibilisation visant à promouvoir le respect des droits de l ’ homme et la tolérance envers la diversité, et à remettre en cause et éliminer les préjugés stéréotypés fondés sur la race, l ’ origine ethnique, la religion ou l ’ orientation sexuelle et l ’ identité de genre ;

c) Encourager le signalement des crimes motivés par la haine, et veiller à ce que ces crimes donnent lieu à des enquêtes approfondies, à ce que leurs auteurs soient poursuivis et sanctionnés, et à ce que les victimes aient accès à des recours utiles ;

d) Dispenser des formations appropriées au personnel des autorités centrales et locales, aux membres des forces de l ’ ordre, aux juges et aux procureurs, sur la répression des discours de haine et des crimes motivés par la haine, et aux professionnels des médias, sur la promotion de l ’ acceptation de la diversité.

Profilage ethnique

16.Le Comité note que la loi sur les étrangers interdit le profilage ethnique et qu’une formation sur le sujet est dispensée aux membres des forces de l’ordre, mais il reste préoccupé par les cas signalés de profilage ethnique par la police (art. 2, 12, 17 et 26).

17. L ’ État partie devrait prendre les mesures qui s ’ imposent pour garantir l ’ interdiction du profilage ethnique par la police, en droit et dans la pratique, et empêcher tout e différence de traitement reposant sur l ’ apparence physique, la couleur ou l ’ origine ethnique ou nationale. Il devrait continuer de s ’ employer à dispenser une formation adéquate à tous les membres des forces de l ’ ordre , afin de prévenir efficacement le profilage ethnique, et évaluer régulièrement les effets d ’ une telle formation.

Violence à l’égard des femmes

18.Le Comité salue les efforts que déploie l’État partie pour combattre les violences faites aux femmes, notamment la mise en œuvre de campagnes de sensibilisation, l’ouverture d’une ligne téléphonique d’urgence et la proposition de désigner un rapporteur indépendant sur cette question. Il reste cependant préoccupé par la persistance de la violence à l’égard des femmes, notamment par l’augmentation des cas de violence domestique dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Il prend note également avec inquiétude du faible niveau de signalement et du faible nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées contre les auteurs de violences à l’égard des femmes, du nombre insuffisant de foyers d’hébergement et de centres d’aide d’urgence aux victimes de viol, en particulier dans les zones rurales reculées, et du fait que les personnes dont les demandes de mesure d’éloignement ont été rejetées se voient imposer des frais de justice. Le Comité regrette que le chapitre 20 du Code pénal, qui concerne les infractions sexuelles, n’ait pas été modifié de façon que l’absence de consentement devienne l’élément central de la définition du viol, et que le mariage forcé n’ait pas été expressément érigé en infraction (art. 2, 3, 6, 7 et 26).

19. L ’ État partie devrait :

a) Encourager le signalement des actes de violence à l ’ égard des femmes, et garantir la sécurité des femmes qui dénoncent de tels actes, notamment en rendant les mesures d ’ éloignement plus facilement accessibles et plus efficaces , et envisager de supprimer les frais imposés aux personnes dont la demande de mesure d ’ éloignement a été rejetée ;

b) Veiller à ce que les actes de violence à l ’ égard des femmes donnent lieu à des enquêtes approfondies, et à ce que les auteurs présumés de tels actes soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines à la mesure de la gravité des faits  ;

c) Garantir aux victimes, en particulier à celles qui vivent dans des zones rurales reculées, l ’ accès à des recours utiles et à des moyens de protection et d ’ assistance, notamment à un hébergement ou à des centres d ’ accueil dans toutes les régions du pays ainsi qu ’ à d ’ autres services de soutien ;

d) Accélérer les réformes législatives visant à prévenir et à combattre efficacement toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes, notamment en modifiant la définition du viol de façon que l ’ absence de consentement en devienne la caractéristique essentielle, en incriminant expressément le mariage forcé et en révisant la législation sur les mesures d ’ éloignement ;

e) Continuer de s ’ employer à dispenser aux membres des forces de l ’ ordre, aux procureurs, aux juges et aux avocats une formation appropriée qui leur permette de traiter efficacement les affaires de violence à l ’ égard des femmes.

Orientation sexuelle, identité de genre et intersexualité

20.Le Comité est préoccupé par la stigmatisation sociale, la discrimination et la violence dont certaines personnes sont victimes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Il prend note du processus en cours en vue de modifier la loi sur les transgenres, mais il est préoccupé par la longueur de la procédure de reconnaissance juridique du genre et par les prérequis imposés, à savoir être stérilisé et avoir fait l’objet d’un diagnostic de « transsexualisme », lequel est défini comme un trouble mental. Il s’inquiète en outre du fait que les enfants transgenres qui y consentent pourraient ne pas avoir accès à la procédure de reconnaissance juridique du genre. Le Comité est également préoccupé par le fait que des interventions médicales irréversibles et invasives continuent d’être pratiquées sur des enfants intersexes. Il note avec inquiétude que ces actes sont souvent fondés sur une vision stéréotypée des rôles dévolus à chaque sexe et pratiqués avant que les enfants soient en âge de donner leur plein consentement, librement et en toute connaissance de cause (art. 3, 7, 9, 17, 24 et 26).

21. L ’ État partie devrait adopter des mesures législatives et autres pour  :

a) S ’ employer plus énergiquement à éliminer toutes les formes de discrimination et de violence ainsi que la stigmatisation sociale qui s ’ exercent à l ’ égard de certaines personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, et faire le nécessaire pour donner accès à des recours utiles aux victimes de tels actes ;

b) Mettre en place une procédure administrative simple, facile d ’ accès et respectueuse des dispositions du Pacte aux fins du changement de sexe sur les actes d ’ état civil ;

c) P rendre des mesures pour p révenir efficacement la réalisation d ’ interventions médicales irréversibles, en particulier d ’ opérations chirurgicales, sur des enfants intersexes qui ne sont pas encore capables de donner leur plein consentement librement et en toute connaissance de cause, sauf lorsque de telles procédures sont absolument nécessaires d ’ un point de vue médical , et garantir l ’ accès des victimes de telles interventions à des recours utiles.

Usage excessif de la force

22.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les agents de la force publique feraient un usage accru de la force, notamment des pistolets à impulsions électriques (tasers) et d’autres armes à létalité réduite (art. 6 et 7).

23. L ’ État partie devrait s ’ assurer que les agents de la force publique respectent les règles et conditions régissant l ’ utilisation des tasers, que l ’ utilisation de ces dispositifs fait l ’ objet d ’ un contrôle adéquat et que les politiques relatives à leur emploi sont pleinement conformes aux Principes de base sur le recours à la force et l ’ utilisation des armes à feu par les responsables de l ’ application des lois et aux Lignes directrices de l ’ Organisation des Nations U nies relatives aux droits de l ’ homme et à l ’ utilisation des armes à létalité réduite dans le cadre du maintien de l ’ ordre.

Liberté et sécurité de la personne

24.Le Comité prend note des informations communiquées par l’État partie selon lesquelles, en pratique, les personnes arrêtées sont souvent libérées dans les deux jours suivant leur arrestation, mais il regrette l’absence de données statistiques fiables à ce sujet et exprime à nouveau sa préoccupation concernant les informations indiquant que les autorités n’appliquent pas strictement le délai de quarante-huit heures dans lequel une personne arrêtée pour une infraction pénale doit être présentée à un juge. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles les autorités omettent parfois d’informer la famille de la personne arrêtée de la privation de liberté dans le délai de quarante-huit heures (art. 9).

25. L ’ État partie devrait mettre sa législation et sa pratique en conformité avec l ’ article 9 du Pacte, notamment en veillant à ce que les personnes arrêtées ou détenues pour une infraction pénale soient déférées devant un juge dans les quarante-huit heures, et à ce que les membres de leur famille ou les personne s de leur choix soient informés de la privation de liberté dans le même délai.

26.Le Comité prend note de la modification apportée à la loi sur la détention provisoire en janvier 2019, de l’introduction de nouvelles mesures de substitution à la détention provisoire et de la diminution qui a suivi du nombre de mis en cause détenus dans les locaux de détention de la police. Il reste toutefois préoccupé par le fait qu’il demeure possible de placer un prévenu dans un centre de détention de la police pour des raisons exceptionnelles de sécurité ou des motifs liés à l’enquête (art. 9).

27. L ’ État partie devrait faire le nécessaire pour cesser de placer des mis en cause dans l es locaux de détention de la police, y compris pour des raisons exceptionnelles, et accélérer la construction planifiée de nouveaux locaux de détention provisoire. Il devrait également accroître le recours aux mesures de substitution à la détention provisoire.

28.Le Comité prend note du faible nombre de détenus de moins de 18 ans dans l’État partie et du fait que celui-ci projette de créer des sections séparées réservées aux mineurs dans plusieurs prisons ; cela étant, il constate une nouvelle fois avec préoccupation que les détenus de moins de 18 ans ne sont pas encore séparés des prisonniers adultes et demeurent donc exposés à la violence et aux abus sexuels (art. 10).

29. En dépit de la réserve qu ’ il a émise à l ’ égard de l ’ article 10 (par. 2 b) et 3) du Pacte, l ’ État partie devrait veiller, en règle générale, à ce que les détenus de moins de 18 ans soient séparés des prisonniers adultes.

Personnes présentant un handicap intellectuel ou psychosocial

30.Le Comité note avec inquiétude que les personnes qui présentent un handicap psychosocial ou intellectuel, y compris les personnes âgées atteintes de démence vivant dans des structures d’aide sociale, peuvent être soumises à une hospitalisation ou à un traitement non consenti sans justification légale suffisante et sans garanties procédurales de nature à protéger leurs droits et leur intérêt. Il prend note du processus législatif en cours visant à mieux protéger le droit à l’autodétermination, en l’occurrence celui des personnes handicapées, mais il regrette que des progrès insuffisants aient été faits s’agissant de garantir l’accès à des recours juridiques utiles pour contester un internement d’office ou un traitement psychiatrique non consenti (art. 7, 9 et 17).

31. L ’ État partie devrait veiller, en droit et dans la pratique, à ce que :

a) L ’ internement psychiatrique d ’ office ne soit utilisé que lorsqu ’ il est strictement nécessaire et proportionné et vise à protéger l ’ intéressé contre toute atteinte grave ou à prévenir des atteintes à autrui, et ne soit appliqué qu ’ en dernier ressort et pour une durée aussi brève que possible ;

b) L ’ internement ou le traitement médical d ’ office de personnes handicapées privées de leur capacité juridique soit compatible avec la nécessité de tout mettre en œuvre pour obtenir le consentement préalable, libre et éclairé des intéressés et soit mené dans le respect des garanties juridiques et procédurales appropriées ;

c) Les procédures utilisées pour une telle hospitalisation ou un tel traitement soient assorties de contrôles juridictionnels initiaux et périodiques, ainsi que de garanties de recours utiles, et à ce que tout abus donne lieu à une enquête approfondie et à des poursuites.

Traitement des étrangers, notamment des demandeurs d’asile et des apatrides

32.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer la situation des enfants entrant dans le pays ainsi que l’accès à des documents d’identité pour les bénéficiaires d’une protection internationale, et se félicite du projet de loi visant à donner la possibilité aux demandeurs d’asile d’être assistés d’un conseil juridique durant les entretiens qui ont lieu dans le cadre de l’examen de leur demande. Il reste toutefois préoccupé par les restrictions apportées au droit de présenter de nouvelles informations dans le cas d’une demande d’asile renouvelée, ainsi que par les obstacles au regroupement familial, notamment les conditions de ressources imposées. Il prend note de la mise en place de solutions de substitution à la détention, telles que l’assignation à résidence, mais s’inquiète des mesures de contrôle restrictives qui sont associées à ces solutions, ainsi que de l’insuffisance des données collectées au sujet du recours à la détention et aux mesures de substitution à la détention. Le Comité relève que le placement en détention des enfants demandeurs d’asile non accompagnés de moins de 15 ans est interdit par la loi et que les enfants non accompagnés âgés de 15 à 17 ans ne peuvent pas être placés en détention pendant la procédure d’asile, mais il demeure préoccupé par le fait que la détention d’un enfant est toujours autorisée lorsqu’une décision défavorable déjà rendue à l’égard de cet enfant est devenue exécutoire et que d’autres mesures de sûreté moins restrictives ne sont pas suffisantes. Le Comité se félicite que la nationalité finlandaise soit octroyée automatiquement aux enfants nés en Finlande qui autrement seraient apatrides, mais reste préoccupé par le nombre de personnes apatrides dans l’État partie (art. 2, 6, 7 et 13).

33. L ’ État partie devrait :

a) Redoubler d ’ efforts pour mieux garantir les droits des enfants entrant dans le pays, en particulier des enfants non accompagnés, en tenant compte de la nécessité de respecter leur intérêt supérieur ;

b) Continuer de s ’ employer à donner accès à un service d ’ aide ju ridictionnelle de qualité aux demandeurs d ’ asile tout au long de la procédure d ’ asile ;

c) S ’ assurer que les restrictions apportées au droit de présenter de nouvelles informations dans le cadre d ’ une demande d ’ asile renouvelée n ’ entraînent pas de violation du principe de non-refoulement ;

d) Revoir ses procédures en matière de regroupement familial, en vue notamment de supprimer certains obstacles tels que les conditions de ressources ;

e) Développer le recours aux mesures de substitution à la détention, n ’ utiliser la détention qu ’ en dernier ressort pour les demandeurs d ’ asile et les réfugiés, et envisager la possibilité d ’ interdire toute détention d ’ enfants à des fins de contrôle de l ’ immigration , tout en amélior ant la collecte de données relatives au recours à la détention et aux mesures de substitution à celle-ci ;

f) Renforcer la protection des apatrides, notamment en établissant une procédure spécifique et efficace de détermination du statut d ’ apatride, assortie de considérations et de garanties procédurales particulières .

Droit au respect de la vie privée

34.Le Comité est préoccupé par la manière dont sont définies les situations susceptibles de donner lieu à une surveillance civile ou militaire, par exemple dans la loi sur la police (no 581/2019), qui peut supposer l’exercice de pouvoirs de surveillance trop étendus. Il note qu’il existe dans l’État partie cinq mécanismes de surveillance du renseignement, couvrant à la fois les services de renseignement civils et militaires, notamment le nouveau Médiateur du renseignement et le Comité de contrôle du renseignement, mais craint qu’une structure aussi complexe ne compromette l’efficacité du dispositif pour ce qui est de protéger le droit au respect de la vie privée (art. 17).

35. L ’ État partie devrait s ’ assurer :

a) Que toutes les activités de surveillance et toutes les formes d ’ immixtion dans la vie privée, de nature tant civile que militaire, dont la surveillance en ligne, l ’ interception de communications , l ’ accès aux données sur les communications et l ’ extraction de données, sont encadrées par une législation appropriée conforme au Pacte, en particulier aux dispositions de l ’ article 17, ainsi qu ’ aux principes de légalité, de proportionnalité et de nécessité ;

b) Que les activités de surveillance et d ’ interception ne peuvent être menées que sur autorisation judiciaire et sous réserve de l ’ existence de mécanismes de contrôle efficaces et indépendants, et que les personnes concernées ont effectivement accès à des recours utiles si elles s ’ estiment victimes d ’ atteintes à leurs droits.

Objection de conscience au service militaire

36.Le Comité constate avec inquiétude que la loi abrogeant la loi sur l’exemption du service militaire pour les Témoins de Jéhovah sous certaines conditions (no 330/2019) a supprimé l’exemption du service militaire et civil accordée aux Témoins de Jéhovah, alors qu’il avait précédemment recommandé d’élargir cette exemption à d’autres groupes d’objecteurs de conscience (CCPR/C/FIN/CO/6, par. 14). Il note aussi avec préoccupation que la durée normale du service non militaire de remplacement équivaut à la plus longue période de service militaire et que, si ce service de remplacement est placé sous l’égide du Ministère de l’emploi et de l’économie, des militaires font toujours partie des groupes de travail et comités qui en définissent la nature et la durée. Il s’inquiète également de l’insuffisance des mesures visant à diffuser l’information sur le droit à l’objection de conscience et les solutions de substitution au service militaire (art. 18).

37. L ’ État partie devrait :

a) S ’ assurer que les solutions de substitution au service militaire ne sont pas punitives ou discriminatoires par leur nature ou leur durée, et qu ’ elles demeurent de nature civile, extérieures au commandement militaire ;

b) Cesser d ’ engager des poursuites contre les personnes refusant d ’ effectuer le service militaire pour des raisons de conscience et libérer celles qui purgent actuellement une peine de prison pour ce motif ;

c) Redoubler d ’ efforts pour informer le public du droit à l ’ objection de conscience et de l ’ existence de solutions de substitution au service militaire.

Liberté de religion

38.Le Comité est préoccupé par le fait que, compte tenu de la réglementation applicable en matière d’abattage des animaux dans l’État partie, l’accès des minorités religieuses à des produits alimentaires conformes aux règles imposées par leur religion peut être limité (art. 2, 18 et 26).

39. L ’ État partie devrait veiller à ce que les minorités religieuses aient accès de manière adéquate aux biens et services, en particulier à des produits alimentaires conformes aux règles imposées par leur religion, sans discrimination.

40.Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie conserve une disposition pénale relative à la violation du caractère sacré de la religion qui est libellée dans des termes généraux et imprécis (chapitre 17 du Code pénal) et sanctionne cette infraction d’une peine pouvant aller jusqu’à six mois d’emprisonnement (art. 18 et 19).

41. L ’ État partie devrait faire le nécessaire pour dépénaliser l ’ atteinte au caractère sacré de la religion et protéger la liberté de pensée, de conscience et de religion ainsi que la liberté d ’ expression conformément aux articles 18 et 19 du Pacte.

Droits du peuple autochtone sâme

42.Le Comité prend note des mesures que l’État partie a adoptées pour promouvoir les droits des Sâmes, notamment la mise en place, en cours, d’une Commission vérité et réconciliation. Il reste toutefois préoccupé par le fait que, malgré les constatations qu’il a adoptées à ce propos en novembre 2018, la loi sur le Parlement sâme − en particulier l’article 3, qui contient une définition de l’identité sâme, et l’article 9, sur l’obligation faite aux autorités de négocier avec le Parlement sâme toutes les mesures importantes et de grande portée susceptibles d’avoir des effets sur le statut des Sâmes en tant que peuple autochtone − n’a pas encore été modifiée de manière à garantir le droit des Sâmes à l’autodétermination. Au contraire, les décisions rendues par le Tribunal administratif suprême le 5 juillet 2019 et la décision prise par le Gouvernement de ne pas annuler ou reporter les élections de septembre 2019 au Parlement sâme semblent contraires aux constatations adoptées par le Comité concernant les Sâmes (voir par. 4 et 5 ci-dessus). Le Comité est en outre préoccupé d’apprendre que des critères imprécis ont été employés pour évaluer les effets des mesures envisagées, notamment des projets de développement, sur la culture et les moyens de subsistance traditionnels des Sâmes et que, de ce fait, les autorités n’ont pas mené de véritables consultations en vue de recueillir le consentement préalable, libre et éclairé des Sâmes. Le Comité prend note également du retard pris par l’État partie en ce qui concerne la ratification de la Convention de 1989 relative aux peuples indigènes et tribaux (no 169) de l’Organisation internationale du Travail (art. 1er, 25 et 27).

43. L ’ État partie devrait :

a) Accélérer le processus de révision de la loi sur le Parlement sâme, en particulier de ses articles 3, sur la définition de l ’ identité sâme, et 9, sur le principe du consentement préalable, libre et éclairé, afin de respecter le droit des Sâmes à l ’ autodétermination, conformément à l ’ article 25, lu seul et conjointement avec l ’ article 27, tel qu ’ interprété à la lumière de l ’ article premier du Pacte , et le processus de mise en œuvre des constatations du Comité adoptées en novembre 2018 ;

b) Revoir la législation, les politiques et les pratiques existantes régissant les activités susceptibles d ’ avoir des répercussions sur les droits et les intérêts des Sâmes, notamment les projets de développement et les activités des industries extractives, en vue de garantir, dans la pratique, la tenue de consultations constructives avec les Sâmes pour recueillir leur consentement préalable, libre et éclairé ;

c) Envisager de ratifier la Convention de 1989 relative aux peuples indigènes et tribaux ( n o 169) de l ’ Organisation internationale du Travail ;

d) Redoubler d ’ efforts pour dispenser aux fonctionnaires gouvernementaux et locaux, aux policiers, aux procureurs et aux juges une formation appropriée sur la nécessité de respecter les droits des Sâmes en tant que peuple autochtone.

D.Diffusion et suivi

44. L ’ État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, de son septième rapport périodique et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile, des organisations non gouvernementales œuvrant dans le pays et du grand public afin de les sensibiliser aux droits consacrés par le Pacte. L ’ État partie devrait faire en sorte que le rapport et les présentes observations finales soient traduits dans ses langues officielles.

45. Conformément à l ’ article 75 (par. 1) du r èglement intérieur du Comité, l ’ État partie est invité à faire parvenir , le 26 mars 202 3 au plus tard, des renseignements sur la suite qu ’ il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 15 (discours de haine et crimes motivés par la haine), 19 (violence à l ’ égard des femmes) et 43 (droits du peuple autochtone sâme) ci-dessus.

46. Dans le cadre du cycle d ’ examen prévisible du Comité, l ’ État partie recevra en 2027 la liste de points établie par le Comité avant la soumission du rapport et devra soumettre dans un délai d ’ un an ses réponses à celle-ci, qui constitueront son huitième rapport périodique. Le Comité demande également à l ’ État partie de consulter largement la société civile et les organisations non gouvernementales œuvrant dans le pays lors de l ’ élaboration de son rapport. Conformément à la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots. Le prochain dialogue constructif avec l ’ État partie se tiendra en 2029, à Genève.