Nations Unies

CED/C/PER/CO/1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

8 mai 2019

Français

Original : espagnol

Comité des disparitions forcées

Observations finales concernant le rapport soumis par le Pérou en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention *

1.Le Comité a examiné le rapport soumis par le Pérou en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention (CED/C/PER/1) à ses 281e et 282e séances (CED/C/SR.281 et 282), les 10 et 11 avril 2019. À sa 291e séance, le 17 avril 2019, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport soumis par le Pérou en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention, ainsi que les renseignements qui y figurent. Il se félicite du dialogue ouvert et constructif qu’il a eu avec la délégation plurielle et représentative de l’État partie sur les mesures prises pour appliquer les dispositions de la Convention.

3.Le Comité remercie en outre l’État partie de ses réponses écrites (CED/C/PER/Q/1/Add.1) à la liste de points (CED/C/PER/Q/1), qui ont été complétées par les interventions orales de la délégation pendant le dialogue et les informations supplémentaires communiquées par écrit.

B.Aspects positifs

4.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a ratifié tous les instruments fondamentaux des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme et sept des protocoles facultatifs s’y rapportant. Il constate également avec satisfaction que l’État partie a reconnu la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers (art. 31 de la Convention). Il constate en outre que l’État partie a ratifié la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

5.Le Comité félicite également l’État partie des mesures prises dans des domaines intéressant la Convention, notamment :

a)L’adoption de la loi portant création du Plan intégré de réparations (loi no 28592), en 2005, et de son règlement d’application, en vertu du décret suprême no 015-2006-JUS, en 2006 ;

b)L’adoption de la loi relative à la recherche des personnes disparues pendant la période de violence de 1980 à 2000 (loi no 30470), en 2016 ;

c)L’adoption du Plan national de recherche des personnes disparues entre 1980 et 2000, en 2016, et la création d’un groupe de travail d’acteurs du processus de recherche humanitaire des personnes disparues (arrêté ministériel no 0373-2018-JUS) ;

d)La modification de l’article 320 du Code pénal qui érige en infraction la disparition forcée (décret-loi no 1351), en 2017 ;

e)La création de la Direction générale de recherche des personnes disparues (décret suprême no 013-2017-JUS), en 2017 ;

f)La création de la banque de données génétiques pour la recherche des personnes disparues (décret-loi no 1398), en 2018, et l’adoption du règlement correspondant (décret suprême no 014-2018-JUS), en 2019.

6.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a adressé à tous les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme une invitation permanente à se rendre dans le pays.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

7.Le Comité considère qu’au moment de la rédaction des présentes observations finales, la législation en vigueur, sa mise en œuvre et l’action de certaines autorités n’étaient pas pleinement conformes aux obligations découlant de la Convention. Il encourage l’État partie à mettre en œuvre ses recommandations, qui ont été formulées dans un esprit constructif, l’objectif étant de faire en sorte que a législation en vigueur et la manière dont elle est appliquée par les pouvoirs publics soient pleinement conformes aux droits et obligations consacrés par la Convention.

Renseignements d’ordre général

Communications émanant de particuliers ou d'États

8.Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas reconnu la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant d’États en vertu de l’article 32 de la Convention (art. 32).

9. Le Comité encourage l’État partie à reconnaître sa compétence pour recevoir et examiner des communications émanant d’États conformément à l’article 32 de la Convention.

Définition et incrimination de la disparition forcée (art. 1er à 7)

Interdiction absolue de la disparition forcée

10.Le Comité prend note des chiffres concernant les disparitions forcées survenues au Pérou entre 1980 et 2000 que l’État partie lui a fournis sur la base des informations recueillies par différents organismes publics, mais est néanmoins préoccupé par le fait qu’il n’existe pas de registre global contenant aussi les données postérieures à l’année 2000. De surcroît, le Comité constate que les chiffres fournis présentent des lacunes et des incohérences et que l’État partie n’a pas cherché à analyser les caractéristiques des différentes catégories de victimes, ni les causes, les facteurs et les motivations qui sous-tendent la disparition forcée, alors que ces informations sont indispensables à l’élaboration d’une politique de prévention efficace (art. 1er).

11. Le Comité prie instamment l’État partie de créer un registre de toutes les disparitions forcées survenues sur son territoire, y compris après la période 1980-2000. Ce registre devrait recenser toutes les personnes disparues, et donc inclure à la fois les personnes disparues puis retrouvées, mortes ou vivantes, et celles qui sont toujours disparues.

12.Le Comité note que la délégation a affirmé que, même en situation d’état d’urgence, l’État partie n’autoriserait jamais le recours à la disparition forcée. Il constate toutefois avec préoccupation que la législation nationale ne dit pas expressément qu’aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour justifier une exception ou une restriction à l’interdiction de la disparition forcée (art. 1er).

13. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour incorporer dans la législation nationale l’interdiction absolue de la disparition forcée, conformément au paragraphe 2 de l’article premier de la Convention.

Définition de la disparition forcée et sanctions appropriées

14.Le Comité prend note de la modification apportée à l’article 320 du Code pénal en 2017, mais constate néanmoins avec préoccupation que la nouvelle définition de la disparition forcée figurant dans cet article n’est pas pleinement conforme à l’article 2 de la Convention en ce qu’elle a comme sujet actif « le fonctionnaire ou agent de l’État », et non « les agents de l’État ». Par ailleurs, il s’inquiète de l’adoption, par la Cour suprême réunie en séance plénière, de l’arrêt 9-2009/CJ-116, qui dispose que seules peuvent faire l’objet d’une enquête pour disparition forcée les personnes qui sont toujours fonctionnaires ou agents de l’État au moment de l’enquête. À cet égard, il se félicite que la délégation ait déclaré que l’État partie avait l’intention de ne pas donner effet à cet arrêt. Le Comité est en outre préoccupé par le fait que, contrairement à la Convention, la législation pénale en vigueur ne reconnaît pas la double nature du crime de disparition forcée. De surcroît, s’il note que l’article 320 du Code pénal prévoit que la disparition forcée est passible d’une peine allant de quinze à trente-cinq ans d’emprisonnement, il constate avec préoccupation que la peine moyenne prononcée est de quinze ans. Il constate également avec préoccupation que la disparition forcée ne fait pas partie des crimes dont les auteurs ne peuvent pas être graciés (art. 2, 4, 5 et 7).

15. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures législatives et autres qui s’imposent pour :

a) Que la définition de la disparition forcée retenue en droit interne soit pleinement conforme à celle figurant à l’article 2 de la Convention et ait comme sujet actif les agents de l’État et les personnes ou groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État ;

b) Qu’aucune disposition de l’ordre juridique interne, y compris l’arrêt 9-2009/CJ-116, n’empêche d’ouvrir une enquête et d’engager des poursuites contre tous les auteurs présumés de disparitions forcées ;

c) Que soit reconnue la double nature de la disparition forcée, qui est à la fois une infraction autonome (art. 2) et un crime contre l’humanité (art. 5) ;

d) Que la disparition forcée soit punie, dans la pratique, de peines appropriées, qui tiennent compte de son extrême gravité ;

e) Que les auteurs de crimes internationaux, y compris la disparition forcée, ne puissent plus bénéficier de mesures de grâce.

Responsabilité pénale des supérieurs hiérarchiques

16.Le Comité constate avec préoccupation que la législation pénale ne prévoit pas la mise en jeu de la responsabilité des supérieurs hiérarchiques, contrairement au paragraphe 1, alinéa b), de l’article 6 de la Convention, ni la mise en jeu de la responsabilité d’autorités autres que les autorités militaires (art. 6).

17. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour que la législation pénale consacre la responsabilité du supérieur qui :

a) Savait que des subordonnés placés sous son autorité et son contrôle effectifs commettaient ou allaient commettre un crime de disparition forcée, ou a délibérément négligé de tenir compte d’informations qui l’indiquaient clairement ;

b) Exerçait une responsabilité et un contrôle effectifs sur les activités auxquelles le crime de disparition forcée était lié ;

c) N’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour empêcher ou réprimer la commission d’une disparition forcée ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d’enquête et de poursuites.

Responsabilité pénale et coopération judiciaire en matière de disparition forcée (art. 8 à 15)

Plaintes et enquêtes sur les cas de disparition forcée

18.Le Comité regrette de ne pas avoir reçu de statistiques officielles indiquant clairement le nombre de plaintes reçues, et ventilées selon la période (avant et après l’entrée en vigueur de la Convention), ainsi que le sexe, l’âge et la nationalité de la victime. À la lumière des informations fournies par la délégation sur le nombre total d’enquêtes menées et de déclarations de culpabilité prononcées, il constate avec préoccupation que peu de cas de disparition forcée ont donné lieu à des poursuites et qu’une grande partie des accusés ont été acquittés, ce qui a contribué à perpétuer l’impunité. De surcroît, s’il prend note des informations fournies par la délégation, il reste néanmoins préoccupé par les facteurs qui empêchent d’enquêter efficacement sur les disparitions forcées, à savoir, notamment : a) l’insuffisance des ressources mises à la disposition des autorités compétentes ; b) le fait que ces autorités n’ont pas accès à toutes les informations et tous les dossiers pertinents, en particulier en ce qui concerne les forces armées et la Police nationale ; c) le fait que le Ministère de la défense aurait dans certains cas recouru à la conciliation pour mettre fin à une procédure judiciaire en cours ; et d) le fait que, même après avoir été suspendu de ses fonctions, un agent de l’État soupçonné d’avoir été impliqué dans une disparition forcée peut obtenir une promotion et accéder à de nouvelles responsabilités lui permettant d’influencer une enquête (art. 1er, 7, 12 et 24).

19. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’accélérer les enquêtes en cours concernant des disparitions forcées, de veiller à ce que tous les cas de disparition forcée, sans exception, donnent rapidement lieu à une enquête et à des poursuites, et de faire en sorte que les auteurs présumés soient jugés et, s’ils sont reconnus coupables, qu’ils se voient infliger une peine appropriée qui tienne compte de l’extrême gravité de leurs actes et qu’aucune disparition forcée ne reste impunie ;

b) De veiller à ce que les autorités d’enquête compétentes soient dotées des ressources humaines, financières et techniques dont elles ont besoin pour s’acquitter efficacement de leur tâche ;

c) De permettre l’accès aux informations et aux dossiers pertinents, en particulier ceux qui concernent les forces armées et la Police nationale ;

d) De veiller à ce qu’aucun agent de l’État soupçonné d’être coupable d’une disparition forcée, qu’il soit civil ou militaire, ne puisse influencer le déroulement d’une enquête.

Protection des personnes qui signalent une disparition forcée ou participent à une enquête sur une disparition forcée

20.Le Comité prend note de la création, en 2008, du programme de protection et d’assistance des victimes et des témoins, mais constate toutefois avec préoccupation que ce programme s’applique uniquement aux témoins, aux experts, aux victimes et aux autres personnes intervenant dans une procédure pénale, et non à toutes les personnes visées au paragraphe 1 de l’article 12 de la Convention. Il est en outre préoccupé par les informations qu’il a reçues selon lesquelles les victimes, leurs proches et leurs défenseurs sont harcelés, menacés, intimidés et agressés pour avoir dénoncé des violations des droits de l’homme (art. 12 et 24).

21. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour prévenir et sanctionner les actes d’intimidation et les mauvais traitements à l’égard de toutes les personnes visées au paragraphe 1 de l’article 12 de la Convention.

Mesures de prévention des disparitions forcées (art. 16 à 23)

Mécanismes d’expulsion, de renvoi, de remise et d’extradition

22.Le Comité prend note des informations fournies par la délégation selon lesquelles, dans la pratique, nul n’est expulsé, renvoyé, remis ou extradé s’il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être victime d’une disparition forcée. Cependant, il est préoccupé par le fait que cette interdiction n’est pas expressément inscrite dans la législation nationale et que celle-ci autorise même l’extradition vers un État où l’infraction de disparition forcée est passible de la peine de mort si cet État donne à l’État partie l’assurance que cette peine ne sera pas appliquée. Le Comité prend note de l’existence de commissions spéciales chargées de mener les procédures qui ont trait aux extraditions. Toutefois, il regrette l’insuffisance des renseignements sur les critères ou procédures appliqués pour déterminer si une personne risque d’être victime de disparition forcée dans le pays de destination et pour apprécier ce risque avant de statuer sur son expulsion, son renvoi, sa remise ou son extradition. Le Comité est préoccupé en outre par le fait que, selon le décret-loi (no 1350) relatif aux migrations et son règlement d’application (décret suprême n° 007-2017-IN), la décision d’expulsion prend effet immédiatement, ainsi que par l’indication donnée par la délégation selon laquelle en pareil cas seul un recours en habeas corpus peut être introduit (art. 13 et 16).

23. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour :

a) Inscrire expressément dans sa législation l’interdiction d’expulser, de renvoyer, de remettre ou d’extrader une personne lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à une disparition forcée ;

b) S’assurer que des critères et procédures clairs et précis sont en place pour déterminer si une personne risque d’être victime de disparition forcée dans le pays de destination et pour apprécier ce risque avant de procéder à son expulsion, son renvoi, sa remise ou son extradition, de façon que si un tel risque existe, la personne concernée ne soit pas expulsée, extradée, remise ou renvoyée ;

c) Garantir l’accès effectif à un recours, ayant un effet suspensif, contre toute décision d’expulsion, de renvoi, de remise ou d’extradition.

Garanties juridiques fondamentales et registres des personnes privées de liberté

24.Le Comité prend note des renseignements donnés par la délégation au sujet des garanties prévues par la Constitution politique du Pérou et le nouveau Code de procédure pénale, mais est préoccupé par les informations reçues faisant état de transferts de personnes privées de liberté sans que leur famille ou leur avocat en soient informés. Il se félicite de l’engagement pris par l’État partie, au cours du dialogue, de faire figurer dans les registres des personnes privées de liberté existants, et en particulier dans le Registre national des détenus et des personnes condamnées à une peine privative de liberté ferme, toutes les informations énumérées au paragraphe 3 de l’article 17 de la Convention (art. 17).

25. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que :

a) Dès le début de sa privation de liberté, toute personne privée de liberté puisse consulter un avocat et que sa famille ou toute autre personne de son choix soit informée de sa privation de liberté et du lieu où elle est détenue, ainsi que de son transfert ;

b) Toute privation de liberté, sans exception, soit inscrite dans des registres officiels et/ou des dossiers tenus à jour et comportant au moins les informations visées au paragraphe 3 de l’article 17 de la Convention.

Formation relative à la Convention

26.Le Comité prend note du fait qu’une formation aux droits de l’homme est dispensée à certains agents de l’État. Il constate cependant que cette formation ne comprend pas un enseignement spécifique et régulier sur les disparitions forcées et sur les dispositions de la Convention (art. 23).

27. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts de formation des agents de l’État aux droits de l’homme, et en particulier de veiller à ce que tous les agents civils ou militaires chargés de faire respecter la loi, le personnel médical, les agents de la fonction publique et les autres personnes susceptibles d’intervenir dans la garde ou le traitement des personnes privées de liberté, tels que les juges, les procureurs et les autres fonctionnaires responsables de l’administration de la justice, reçoivent régulièrement une formation portant spécifiquement sur les dispositions de la Convention, conformément au paragraphe 1 de l’article 23 de cet instrument.

Mesures de réparation et mesures de protection des enfants contre les disparitions forcées (art. 24 et 25)

Définition de la notion de victime et droit des victimes d’obtenir réparation et d’être indemnisées rapidement, équitablement et de manière adéquate

28.Le Comité est préoccupé par le fait que la loi relative à la recherche des personnes disparues pendant la période de violence de 1980 à 2000 (loi no 30470) et la loi portant création du Plan intégré de réparations (loi no 28592) ne considèrent comme victimes que les seules personnes disparues et leurs proches et non toutes les personnes visées au paragraphe 1 de l’article 24 de la Convention, ce qui exclut, par exemple, les couples de lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes. Il est également préoccupé par le fait que la loi no 28592 refuse le statut de victimes aux membres d’organisations subversives et les exclut expressément des programmes visés par cette loi (art. 4), ainsi que par les informations selon lesquelles dans la pratique, cette exclusion s’applique aussi aux membres de leur famille. Le Comité relève que le nombre de demandes d’inscription au Registre central des victimes pour disparition forcée reçues est très supérieur au nombre de victimes enregistrées. À cet égard, il est préoccupé par les conditions excessives régissant l’inscription au Registre central des victimes, lesquelles pourraient avoir privé un grand nombre de victimes de disparition forcée de la possibilité d’obtenir réparation. Le Comité est également préoccupé par l’absence de mesures visant à garantir une réparation aux victimes de disparitions forcées survenues après 2000 (art. 24).

29. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour :

a) Mettre la définition de la notion de victime énoncée dans sa législation en conformité avec le paragraphe 1 de l’article 24 de la Convention, afin que toute personne, sans exclusion aucune, qui a subi un préjudice direct du fait d’une disparition forcée puisse exercer les droits énoncés dans la Convention ;

b) Faire en sorte que toutes les victimes de disparition forcée aient accès à une réparation complète, et lever tous les obstacles et restrictions à leur inscription au Programme intégré de réparations ;

c) Garantir que le système de réparation tienne compte des spécificités de chaque victime, par exemple de son sexe, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de son origine ethnique, de sa situation sociale et de son handicap, et qu’il soit pleinement conforme aux dispositions des paragraphes 4 et 5 de l’article 24 de la Convention ;

d) Garantir une réparation complète aux victimes des disparitions forcées survenues après la période 1980-2000.

Situation juridique des personnes disparues dont le sort n’a pas été élucidé

30.Le Comité accueille avec satisfaction les déclarations faites par la délégation concernant l’intention des autorités de réviser la procédure d’établissement, au regard de la loi, du statut des membres de la famille d’une personne disparue au cours de la période 1980-2000. Cependant, il est préoccupé par le fait qu’à l’heure actuelle, pour régulariser la situation de ces personnes, les déclarations judiciaires d’absence pour cause de disparition forcée prononcées en vertu de la loi no 28413 doivent être portées au Registre national d’identification et d’état civil comme décès présumés, même si le sort de la personne disparue n’a pas été élucidé. À cet égard, le Comité est préoccupé par le faible nombre de disparitions inscrites au Registre national d’identification et d’état civil compte tenu du nombre de procès-verbaux d’absence pour cause de disparition forcée délivrés par le Bureau du Défenseur du peuple (art. 24).

31. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures législatives nécessaires pour définir, ainsi qu’il est prévu au paragraphe 6 de l’article 24 de la Convention, la situation juridique des personnes disparues dont le sort n’a pas été élucidé ou dont on ignore où elles se trouvent, ainsi que celui de leurs proches, en ce qui a trait à la protection sociale, au droit de la famille et aux droits de propriété, sans qu’il soit besoin de déclarer la mort présumée de la personne disparue. À cet égard, le Comité encourage l’État partie à inscrire dans sa législation la déclaration d’absence pour cause de disparition forcée.

Recherche de personnes disparues et restitution de dépouilles mortelles

32.Le Comité salue la création de la banque de données génétiques pour la recherche des personnes disparues au Pérou et de la Direction générale de recherche des personnes disparues. Toutefois, il est préoccupé par les progrès encore limités accomplis dans la recherche des personnes disparues dont on ignore où elles se trouvent, ainsi que par les possibles difficultés de coordination entre l’« équipe médico-légale spécialisée de l’Institut de médecine légale et de criminalistique » et la direction générale susmentionnée. Le Comité est en outre préoccupé par le fait qu’il n’existe pas de dispositif d’urgence permettant d’engager des recherches immédiates des personnes susceptibles d’avoir été soumises à une disparition forcée après la période 1980-2000 (art. 19 et 24).

33. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour rechercher, retrouver et libérer toutes les personnes disparues et, lorsqu’une personne est retrouvée sans vie, pour restituer dignement sa dépouille mortelle. Il devrait en particulier :

a) Garantir, dans la pratique, que lorsqu’une disparition est signalée, des recherches soient engagées d’office sans délai ;

b) Veiller à ce que les recherches soient menées par les autorités compétentes, avec la participation des proches de la personne disparue, s’ils le souhaitent ;

c) Garantir la coordination, la coopération et l’échange de données entre les différents organes chargés de la recherche des personnes disparues et de l’identification des restes des personnes retrouvées sans vie ;

d) Faire en sorte que les organismes compétents en matière de recherche disposent du personnel et des ressources financières et techniques nécessaires ;

e) Veiller à ce que les recherches se poursuivent jusqu’à ce que le sort de la personne disparue soit élucidé.

Législation relative à la soustraction de mineur

34.Le Comité regrette de ne pas avoir reçu suffisamment d’informations sur les mesures prévues par la législation de l’État partie pour prévenir et réprimer les actes visés au paragraphe 1 de l’article 25 de la Convention, pour rendre les enfants visés au paragraphe 1, alinéa a), de l’article 25 à leur famille d’origine et pour aider les adultes qui pensent être nés de victimes de disparition forcée à faire rétablir leur véritable identité (art. 25).

35. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De revoir sa législation pénale afin d’ériger en infractions distinctes les actes visés au paragraphe 1 de l’article 25 de la Convention et de punir ces actes de peines appropriées, qui tiennent compte de leur extrême gravité ;

b) De mettre en place des procédures spécifiques pour restituer à leur famille d’origine les mineurs visés au paragraphe 1, alinéa a) , de l’article 25 ;

c) De mettre en place des procédures spécifiques permettant de réexaminer et, s’il y a lieu, d’annuler à tout moment toute adoption ou mesure de placement ou de tutelle qui trouve son origine dans une disparition forcée, et de rétablir la véritable identité de la personne concernée, avec effet rétroactif.

D.Diffusion et suivi

36. Le Comité tient à rappeler les obligations que les États ont contractées en devenant parties à la Convention et, à cet égard, engage l’État partie à veiller à ce que toutes les mesures qu’il adopte, quelles que soient leur nature et l’autorité dont elles émanent, soient pleinement conformes aux obligations qu’il a assumées en devenant partie à la Convention et à d’autres instruments internationaux pertinents.

37. Le Comité tient également à souligner l’effet particulièrement cruel qu’ont les disparitions forcées sur les droits de l’homme des femmes et des enfants qu’elles touchent. Les femmes soumises à une disparition forcée sont particulièrement vulnérables à la violence sexuelle et aux autres formes de violence fondée sur le genre. Les femmes parentes d’une personne disparue sont particulièrement susceptibles d’être gravement défavorisées sur les plans économique et social et de subir des violences, des persécutions et des représailles du fait des efforts qu’elles déploient pour localiser leur proche. Les enfants victimes d’une disparition forcée, qu’ils y soient soumis eux-mêmes ou qu’ils subissent les conséquences de la disparition d’un membre de leur famille, sont particulièrement exposés à de nombreuses violations des droits de l’homme, notamment la substitution d’identité. C’est pourquoi le Comité insiste particulièrement sur la nécessité, pour l’État partie, de suivre des approches qui tiennent des questions de genre et des besoins des enfants lorsqu’il met en œuvre les droits et obligations énoncés dans la Convention.

38. L’État partie est invité à diffuser largement la Convention, le rapport qu’il a soumis en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention, ses réponses écrites à la liste de points établie par le Comité et les présentes observations finales, en vue de sensibiliser les autorités judiciaires, législatives et administratives, la société civile, les organisations non gouvernementales actives dans le pays et le grand public. Le Comité encourage aussi l’État partie à promouvoir la participation de la société civile, en particulier les associations de familles de victimes, à l’action menée pour donner suite aux présentes observations finales.

39. Conformément au Règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à communiquer, le 18 avril 2020 au plus tard, des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 15 (définition de la disparition forcée et sanctions appropriées), 29 (définition de la notion de victime et droit des victimes d’obtenir réparation) et 33 (recherche de personnes disparues) des présentes observations finales.

40. En application du paragraphe 4 de l’article 29 de la Convention, le Comité demande à l’État partie de lui soumettre, au plus tard le 18 avril 2025, des informations précises et à jour sur la mise en œuvre de toutes ses recommandations, ainsi que tout renseignement nouveau touchant l’exécution des obligations découlant de la Convention, dans un document établi conformément aux prescriptions énoncées au paragraphe 39 des directives concernant la forme et le contenu des rapports que les États parties doivent soumettre en application de l’article 29 de la Convention (CED/C/2, par. 39). Le Comité encourage l’État partie à continuer de consulter la société civile, en particulier les associations de familles de victimes, dans le cadre de la compilation de ces informations.