Nations Unies

CED/C/PER/Q/1/Add.1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

6 mars 2019

Français

Original : espagnol

Anglais, espagnol et français seulement

Comité des disparitions forcées

Liste de points concernant le rapport soumis par le Pérouen application du paragraphe 1 de l’article 29de la Convention

Additif

Réponses du Pérou à la liste de points *

[Date de réception : 25 février 2019]

I.Renseignements d’ordre général

Réponse aux questions posées au paragraphe 1

1.Le Pérou n’a pas fait la déclaration prévue à l’article 32 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (ci‑après « la Convention »).

Réponse aux questions posées au paragraphe 2

2.En 2015, la société civile et les proches de victimes n’ont pas pris part à l’élaboration du rapport. Pour autant, un groupe de travail temporaire a maintenant été mis en place en vertu de l’arrêté ministériel no 073-2018-JUS, avec pour mission de contribuer au travail attendu des acteurs participant à la recherche des personnes disparues pendant la période de violence de 1980 à 2000, et ce, dans une optique humanitaire. Il s’agit là d’une instance officielle accessible aux proches de victimes et à la société civile.

3.Conformément à la loi no 28413 relative à l’absence pour cause de disparition forcée survenue entre 1980 et 2000, le Bureau du Défenseur du peuple est responsable du Registre spécial des absences pour cause de disparition forcée. En janvier 2019, il avait délivré 1 921 procès-verbaux d’absence pour cause de disparition forcée. Ceux-ci permettent, sur demande des proches, de faire enregistrer le décès présumé de la personne disparue, par voie judiciaire, à l’issue d’une procédure de vérification des renseignements fournis. Le Bureau du Défenseur du peuple a constaté que seuls 2,8 % des proches de victimes auxquels avaient été remis un procès-verbal d’absence se voyaient délivrer une déclaration judiciaire d’absence pour cause de disparition forcée par le pouvoir judiciaire et pouvaient la faire consigner dans le registre national d’identification et d’état civil, et ainsi obtenir la reconnaissance officielle de ce fait d’état civil.

4.Dans le jugement qu’il a rendu en mars 2004 dans l’affaire no 2488-2002-HC/TC, le Tribunal constitutionnel a estimé que la demande d’habeas corpus était fondée et a ordonné l’ouverture d’une enquête sur la disparition de Genaro Villegas Namuche, conformément à la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes. Après l’entrée en vigueur de la Convention, dans le jugement qu’il a rendu en février 2018 dans l’affaire no 01804-2015-PHC/TC, le Tribunal constitutionnel a appliqué la Convention et la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes et, se référant à l’arrêt de la Cour interaméricaine des droits de l’homme dans l’affaire Velásquez Rodríguez c. Honduras, a estimé que la demande d’habeas corpus pour la disparition de Bruno Carlos Schell était fondée.

II.Définition et incrimination de la disparition forcée

Réponses aux questions posées au paragraphe 3

5.Le 23 avril 2018, la Direction générale de la recherche des personnes disparues a publié la liste des personnes disparues qui figurait au Registre national des personnes disparues et des sites d’inhumation. Celle-ci contient les renseignements suivants : nom, sexe et âge des personnes disparues, lieu, date et circonstances de la disparition et identité des auteurs de la demande d’enregistrement. Les données figurant dans le Registre national des personnes disparues et des sites d’inhumation concernent uniquement les victimes de disparitions forcées survenues entre 1980 et 2000.

6.Il est important de préciser que ce Registre national répond à la définition de personne disparue consacrée par la loi no 30470 relative à la recherche des personnes disparues pendant la période de violence de 1980 à 2000, selon laquelle l’expression personne disparue s’entend de « toute personne dont les proches ignorent où elle se trouve ou qui ne peut être retrouvée avec certitude au sens de la loi du fait des violences intervenues entre 1980 et 2000 ». Cette définition est plus vaste que celle qui figure à l’article 2 de la Convention.

7.En se fondant sur cette définition, la Direction générale de la recherche des personnes disparues a établi qu’entre 1980 et 2000, au moins 20 349 personnes avaient disparu, dont 16 160 hommes (79,41 %) et 4 181 femmes (20,55 %). On ne connaît pas le sexe des huit autres (0,039 %). C’est en 1984 que les disparitions ont été les plus nombreuses (environ 4 000) et en 1980 et 2002 qu’elles ont été les moins nombreuses (moins de 100). Les victimes avaient pour la plupart entre 18 et 29 ans (5 135 personnes). Venaient ensuite des personnes de 30 à 39 ans (2 949 personnes), la catégorie la moins touchée étant celle des plus de 65 ans (381 personnes). En tout, 2 664 mineurs ont disparu, dont 1 719 garçons (65 %) et 945 filles (35 %).

8.Les 10 régions les plus touchées sont les suivantes : Ayacucho (9 847 victimes), Junín (2 977 victimes), Huánuco (2 538 victimes), San Martín (1 206 victimes), Huancavelica (1 052 victimes), Apurímac (602 victimes), Ucayali (567 victimes), Cuzco (380 victimes), Lima (309 victimes) et Pasco (186 victimes). Enfin, 535 victimes venaient d’autres régions, et on ignore la région d’origine des 150 victimes restantes.

9.Entre 2002 et janvier 2016, alors que la loi no 30470 relative à la recherche des personnes disparues pendant la période de violence de 1980 à 2000 n’avait pas encore été adoptée, l’équipe médico-légale spécialisée de l’Institut de médecine légale du ministère public a retrouvé les restes de 3 410 personnes, sur 2 244 sites d’inhumation ; 1 973 de ces personnes ont été identifiées grâce aux méthodes d’anthropologie et d’odontologie médico-légales et à l’analyse ADN.

10.Entre 2015 et novembre 2018, les bureaux provinciaux des parquets des juridictions pénales et mixtes ont enregistré 215 cas de disparition forcée (45 en 2015, 83 en 2016, 72 en 2017 et 60 en 2018). Les régions les plus touchées sont Huánuco (55 disparitions), Ayacucho (51 disparitions) et Junín (19 disparitions). Inversement, les régions cumulant le moins grand nombre de disparitions sont les suivantes : Amazonas (3 disparitions), Loreto (4 disparitions) et San Martín (6 disparitions).

Réponses aux questions posées aux paragraphes 4 à 6

11.En janvier 2017, l’article 320 du Code pénal incriminant la disparition forcée a été modifié par l’article 2 du décret-loi no 1351 et aligné sur l’article 2 de la Convention. Désormais, tout fonctionnaire ou agent de l’État, ou toute personne qui, avec le consentement ou l’acquiescement d’un fonctionnaire ou agent de l’État, prive de quelque manière que ce soit une autre personne de sa liberté et refuse de reconnaître ladite privation de liberté ou de donner des renseignements fiables sur ce qu’il est advenu de la victime ou sur l’endroit où elle se trouve, est puni(e) d’une peine de quinze à trente ans d’emprisonnement. La peine de privation de liberté est comprise entre trente et trente-cinq ans si la victime avait moins de 18 ans ou plus de 60 ans, si elle était atteinte d’un handicap, quel qu’il fût, ou si elle était enceinte. La nouvelle définition lève l’obligation de corroborer la disparition et comporte un élément supplémentaire conformément à la Convention, à savoir le déni de la privation de liberté ou le refus de donner des renseignements sur l’endroit où se trouve la personne.

12.Le crime de disparition forcée est toujours réprimé par l’article 3 de la loi no 30077 contre la criminalité organisée, qui a pour but de fixer les règles et procédures applicables aux enquêtes, aux poursuites et à la répression des infractions commises par des organisations criminelles. Est considéré comme organisation criminelle tout groupe stable de trois personnes ou plus se répartissant différentes tâches et fonctions, dont l’existence n’est pas limitée dans le temps, quels que soient sa structure et son champ d’action, et qui se constitue, fonctionne et agit de manière concertée et coordonnée dans le but direct et affirmé de commettre une ou plusieurs infractions graves.

13.Les actes répertoriés à l’article 320 commis, quel qu’en soit l’auteur, sans le consentement ou l’acquiescement d’un fonctionnaire ou d’un agent de l’État pourront être jugés sous une autre incrimination, comme les atteintes à la liberté des personnes et infractions connexes. Ils pourront également faire l’objet d’une enquête, de poursuites et de sanctions prévues par la loi no 30077, s’ils s’inscrivent dans le cadre de l’article 3 de ladite loi. C’est le cas de l’enlèvement, de la traite des personnes, de l’extorsion et du trafic illicite de migrants.

14.La législation nationale ne prévoit pas de circonstances exceptionnelles permettant de déroger à l’interdiction de la disparition forcée ou de restreindre cette interdiction. Seule une règle de rang égal ou supérieur au Code pénal dans l’ordre juridique permettrait de déroger à l’interdiction de la disparition forcée. Toutefois, aucune proposition ou projet de loi n’a été déposé en ce sens au Congrès de la République.

15.S’il est vrai que le Titre XIV du Code pénal a trait aux « crimes contre l’humanité », cela ne signifie pas pour autant que la disparition forcée ne donne lieu à des poursuites que lorsqu’elle s’inscrit dans une pratique systématique et généralisée dirigée contre la population civile ; toute disparition forcée est réprimée, indépendamment du contexte dans lequel elle se produit. Sans préjudice de ce qui précède, le Pérou s’efforce actuellement d’aligner sa législation pénale sur le Statut de Rome de la Cour pénale internationale et d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme. Ainsi, à sa séance ordinaire du 23 novembre 2018, la Commission nationale d’étude et d’application du droit international humanitaire a recommandé à l’exécutif d’adopter la loi destinée à prévenir et à réprimer les crimes internationaux et les atteintes aux droits de l’homme. L’avant-projet de loi érige la disparition forcée en crime contre l’humanité et en violation grave des droits de l’homme. Actuellement à l’examen au Ministère délégué à la justice, qui relève du Ministère de la justice et des droits de l’homme, il devrait être déposé sous peu auprès du Congrès de la République.

16.L’avant-projet de loi visant à incriminer la disparition forcée en tant qu’infraction autonome maintient les peines actuellement en vigueur, à savoir une peine de quinze à trente ans d’emprisonnement pour l’infraction simple, et de trente à trente-cinq ans d’emprisonnement en cas de circonstances aggravantes. La peine prévue pour la disparition forcée comme crime contre l’humanité est majorée d’un tiers par rapport au maximum prévu pour l’infraction autonome.

Réponses aux questions posées au paragraphe 7

17.Dans la mesure où le crime de disparition forcée peut être le fait d’un fonctionnaire ou d’un agent de l’État qui a des devoirs particuliers de protection envers la société, lors de la révision de la qualification pénale en 2017, il a été jugé nécessaire de maintenir l’interdiction d’exercer comme peine principale, tant pour l’infraction simple de disparition forcée que pour les infractions qualifiées, conformément aux paragraphes 1 et 2 de l’article 31 du Code pénal.

18.Les peines prévues pour les infractions visées à l’article 320 du Code pénal commises sans l’appui ou l’acquiescement d’un fonctionnaire ou d’un agent de l’État sont : pour l’enlèvement et séquestration, de vingt à trente ans d’emprisonnement pour l’infraction simple et d’une peine minimum de trente ans en cas de circonstances aggravantes ; pour la traite des êtres humains, de huit à quinze ans d’emprisonnement pour l’infraction simple et de douze à vingt ans en cas de circonstances aggravantes (selon la justice, 84 déclarations de culpabilité ont été prononcées entre 2015 et 2017 dans des affaires de traite) ; pour le trafic illicite de migrants, de quatre à six ans pour l’infraction simple et de cinq à huit ans ou d’une peine minimum de vingt-cinq ans en cas de circonstances aggravantes ; et pour l’extorsion, de dix à quinze ans d’emprisonnement pour l’infraction simple et de quinze à vingt-cinq ans, d’une peine minimum de trente ans ou de la réclusion à perpétuité en cas de circonstances aggravantes.

19.S’agissant des circonstances aggravantes des faits réprimés par l’article 320, les trois cas de figure ont trait à la condition de la victime, conformément au paragraphe 2 b) de l’article 7 de la Convention. Ces trois cas ont été incorporés dans le Code pénal car la privation de liberté entraînant la soustraction de la personne à la protection de la loi, il est nécessaire de la sanctionner davantage lorsqu’elle est commise contre un mineur, une personne âgée, une personne handicapée ou une femme enceinte.

20.Si les circonstances aggravantes visées au paragraphe 2 b) de l’article 7 de la Convention concernant le décès de la personne n’ont pas été incorporées expressément dans l’article 320, le Code pénal prévoit néanmoins en son article 50 le concours réel d’infractions et dispose que si plusieurs faits constitutifs d’infractions indépendantes ont été commis, les peines privatives de liberté prononcées par le juge pour chacune des infractions se cumulent sans pouvoir dépasser le double de la peine prévue pour l’infraction la plus grave, ou une peine de trente-cinq ans d’emprisonnement ou, si l’une des infractions est passible de la réclusion à perpétuité, que seule celle-ci sera appliquée. À cet égard, en cas de décès de la victime, le principe du concours réel d’infractions sera appliqué compte tenu des infractions pertinentes qualifiées au Titre premier relatif aux atteintes à la vie, à l’intégrité physique et à la santé.

21.S’agissant des circonstances atténuantes, si l’article 320 du Code pénal ne reprend pas expressément les circonstances que les États sont invités à prendre en considération au titre du paragraphe 2 a) de l’article de 7 de la Convention, le Code pénal est néanmoins compatible avec cette disposition, son article 46 précisant que constituent des circonstances atténuantes, pour autant qu’elles ne soient pas prévues spécifiquement pour sanctionner l’infraction et qu’elles ne soient pas constitutives des faits en cause, les éléments suivants : essayer de son propre chef, après la commission de l’infraction, d’en atténuer les conséquences, réparer volontairement le préjudice causé ou les conséquences inhérentes au danger créé et se présenter de son propre chef aux autorités après avoir commis l’acte punissable, pour reconnaître sa responsabilité.

22.S’agissant de la compatibilité des règles relatives à la grâce (indulto) adoptées récemment, en particulier en ce qui concerne la remise de peine pour raisons humanitaires (indulto humanitario), avec les dispositions des articles 7 et 24 de la Convention, ni le décret suprême no 008-2010-JUS, ni l’arrêté ministériel no 0162-2010-JUS n’intègrent expressément la disparition forcée parmi les infractions susceptibles de grâce pour raisons humanitaires. Plus particulièrement, l’article 35 de l’arrêté ministériel qui a trait aux critères d’évaluation prévoit que la demande de remise de peine et le droit de grâce feront l’objet d’un examen et d’une décision de la Commission fondés sur les critères établis pour la remise de peine ordinaire, dans lesquels primeront le caractère humanitaire de la décision et l’avis spécialisé du professionnel de santé compétent, et, qu’en outre, dans le cas du droit de grâce, l’intéressé devra avoir été inculpé. L’article 2 de la loi no 28760 portant modification des articles 147, 152 et 200 du Code pénal et de l’article 136 du Code de procédure pénale dispose uniquement que ni la grâce, ni la commutation de peine ne peuvent être accordées aux personnes reconnues coupables des crimes d’enlèvement et d’extorsion, et que le droit de grâce ne s’applique pas aux personnes inculpées de tels crimes.

Réponses aux questions posées au paragraphe 8

23.Concernant les mesures spécifiques éventuellement prises pour incorporer dans le droit interne la responsabilité pénale de toute personne qui commet une disparition forcée, l’ordonne ou la commandite, en est complice ou y participe (par. 1 de l’article 6 de la Convention), le Pérou applique les dispositions du chapitre IV du Code pénal concernant la responsabilité et la participation, en particulier la qualité d’auteur, d’auteur moral ou de coauteur (art. 23), l’instigation (art. 24), ainsi que la complicité primaire et à la complicité secondaire (art. 25).

24.S’agissant de la responsabilité de toute personne qui tente de commettre une disparition forcée, le chapitre II du Code pénal renferme les dispositions relatives à la tentative (art. 16), à la tentative non punissable (art. 17), au désistement volontaire (art. 18) et à la participation de différents agents à la tentative (art. 19). Le juge réprimera la tentative en minorant raisonnablement la peine au cas par cas, compte tenu des circonstances de l’espèce.

25.Le Pérou ne dispose pas de règle portant spécifiquement sur la responsabilité des supérieurs autres que militaires. Pour autant, l’avant-projet de loi mentionné plus haut traite de la responsabilité des chefs et autres supérieurs hiérarchiques et dispose qu’un officier de l’armée ou de la police, un supérieur civil ou quiconque exerce de telles fonctions se voit appliquer la même peine que celle qui est prévue pour les personnes qui, se trouvant sous son commandement ou son autorité et son contrôle effectif, commettent l’une quelconque des infractions visées par ce texte, si, alors qu’il savait que ses subordonnés étaient en train de commettre une infraction ou s’apprêtaient à commettre une infraction, il n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables en son pouvoir pour les en empêcher ou les sanctionner et pour informer les autorités compétentes aux fins de l’ouverture d’une enquête et d’une procédure judiciaire.

26.Le Pérou rappelle les renseignements fournis aux paragraphes 56 et 57 de son rapport, à savoir que l’arrêt du Tribunal constitutionnel établit expressément qu’on ne saurait reconnaître l’existence d’obligations manifestement contraires aux droits fondamentaux ou, de manière générale, aux objectifs constitutionnellement légitimes et que le jugement exécutoire du Tribunal suprême dispose que l’obéissance ne saurait en aucun cas être invoquée pour exécuter des ordres à caractère délictueux, car en pareil cas, la loi doit primer l’autorité.

27.Dans le cas d’ordres ou d’instructions émanant de supérieurs de la police, le 16 août 2016, a été adopté le décret-loi no 1186 régissant l’emploi de la force par la Police nationale. Ce texte établit en son article 10.b que, dans l’exercice de ses fonctions relatives à l’emploi de la force, le personnel de la Police nationale a le droit de ne pas observer des prescriptions ou des ordres émanant de ses supérieurs en ce qui concerne l’emploi de la force, lorsque ceux-ci sont manifestement illicites ou arbitraires. Au paragraphe 3 de son article 11, ce texte dispose, s’agissant de l’utilisation d’armes à feu, que le personnel de la Police nationale ne peut arguer de l’obéissance aux ordres émanant des supérieurs s’il savait que l’utilisation de telles armes était manifestement illicite et, si ces ordres ont été exécutés, que la responsabilité des supérieurs qui les ont donnés sera également engagée. Le règlement d’application du décret-loi no 1186, promulgué par le décret suprême no 012‑2016-IN, dispose en son article 3.f que sera considérée comme manifestement illicite la prescription ou l’instruction donnée par un supérieur hiérarchique qui est notoirement et manifestement contraire au droit ou vise à porter atteinte de manière arbitraire aux droits fondamentaux des personnes. Le Manuel des droits de l’homme à l’usage des forces de police, approuvé par l’arrêté ministériel no 952-2018-IN, reprend en son article 25 les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois et l’article 8 du Code de conduite pour les responsables de l’application des lois.

28.S’agissant des ordres et instructions émanant de supérieurs militaires, le Pérou confirme que l’article 29 du décret-loi no 1095 mentionné au paragraphe 58 du rapport est toujours en vigueur. À cet égard, dans le jugement qu’il a rendu dans l’affaire no 002‑2008‑PI/TC, le Tribunal constitutionnel a estimé qu’en vertu du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme, l’exécution d’ordres émanant de supérieurs n’exonérait pas de sa responsabilité la personne qui les exécutait, a fortiori lorsque ces ordres étaient manifestement illégaux. Par conséquent, lorsqu’il a conclu à l’inconstitutionnalité de la loi no 29166 (désormais abrogée), le Tribunal constitutionnel a estimé que l’on ne pouvait conclure au caractère obligatoire d’un ordre que si celui-ci n’était pas manifestement illégal ou contraire à la Constitution.

III.Procédure judiciaire et coopération en matière pénale

Réponses aux questions posées au paragraphe 9

29.Le Code pénal régit le principe d’infraction continue en son article 49. Conformément à celui-ci, lorsque plusieurs violations de la même loi pénale ou d’une loi de même nature ou de nature similaire ont été commises simultanément ou successivement, dans une même intention criminelle, celles-ci sont considérées comme une seule infraction continue et sanctionnées de la peine prévue pour la plus grave de ces infractions. Si par ces violations, l’auteur des infractions a porté préjudice à plusieurs personnes, la peine est majorée d’un tiers de la peine maximale prévue pour l’infraction la plus grave. Comme indiqué aux paragraphes 29, 31 et 68 à 74 du rapport, cet article a fait l’objet d’une interprétation de la Cour suprême du pouvoir judiciaire, dans l’arrêt no 9-2009-CJ-116, qui constitue un précédent contraignant pour les organes de l’appareil judiciaire et s’applique à la disparition forcée. Cette interprétation concorde en outre avec les jugements du Tribunal constitutionnel mentionnés dans le rapport, étant entendu que c’est à celui-ci qu’il revient en dernier ressort d’interpréter la Constitution. La disparition forcée est donc d’ores et déjà considérée comme une infraction continue.

30.S’agissant des initiatives législatives qui prévoient l’imprescribilité du crime de disparition forcée, l’avant-projet de loi mentionné plus haut dispose que l’action pénale et la peine sont imprescriptibles pour les infractions visées. Cela signifie que l’imprescribilité s’applique à la disparition forcée, tant comme infraction autonome que comme crime contre l’humanité.

31.Le Pérou réaffirme que, si la législation pénale en vigueur n’établit pas spécifiquement l’imprescribilité du crime de disparition forcée, les décisions de justice mentionnées dans le rapport attestent que la disparition forcée est bel et bien considérée comme imprescriptible au Pérou. Le délai de prescription prévu par le Code pénal ne s’applique donc pas au crime de disparition forcée.

32.S’agissant des mesures qui ont été prises pour garantir le droit à un recours effectif, la loi no 29360, telle que modifiée par le décret-loi no 1407 du 12 septembre 2018 portant renforcement du service de la défense publique, dispose en son article 8 que la défense publique s’entend des services suivants : a) la défense des victimes, qui comprend le conseil juridique et technique et/ou la représentation en justice à l’intention des personnes à faibles ressources, des enfants et des adolescents victimes de violences sexuelles, des personnes âgées et des personnes handicapées victimes d’atteintes à la vie, à l’intégrité physique ou à la santé, ainsi qu’à la liberté ou à la famille, des femmes et des membres de la cellule familiale, selon les dispositions de la loi no 30364, des victimes de la traite des êtres humains ou de violations des droits de l’homme, de même que d’atteintes aux biens ou de violations de leurs droits par un organe administratif, quel qu’il soit ; et b) l’aide juridique, qui comprend le conseil juridique et technique et/ou la représentation en justice sur les questions de droit civil et de droit de la famille prévues par le règlement d’application de la loi, et dans les cas où des enfants ou des adolescents sont en danger ou sont privés de protection familiale.

33.En 2018, la Direction générale de la défense publique et de l’accès à la justice disposait de 315 spécialistes de la défense des victimes qui fournissaient une aide juridique et technique aux victimes de violations des droits de l’homme, ainsi que de 242 défenseurs publics, qui s’occupaient des questions liées aux violations des droits de l’homme (rectification des actes de naissance, enregistrement des actes de décès et déclaration judiciaire d’absence pour cause de disparition forcée, entre autres). Grâce à ce dispositif, 10 victimes ont bénéficié d’une représentation en justice en 2015, 6 en 2016, 3 en 2017 et 3 en 2018, soit un total de 22 personnes.

Réponses aux questions posées au paragraphe 10

34.Le Code pénal prévoit en son article premier le principe de compétence territoriale et en son article 2, le principe de compétence extraterritoriale, la doctrine des effets ou principe de protection et le principe de compétence personnelle active et passive.

35.En vertu du premier de ces principes, la loi pénale s’applique à quiconque commet un acte punissable sur le territoire péruvien, à l’exception des cas visés par le droit international. Elle s’applique également aux actes punissables commis à bord de vaisseaux ou d’aéronefs publics immatriculés au Pérou, où qu’ils se trouvent, ou à bord de vaisseaux ou d’aéronefs privés immatriculés au Pérou et se trouvant en haute mer ou dans un espace aérien sur lequel aucun État n’exerce sa souveraineté.

36.En vertu du deuxième principe, la loi pénale péruvienne s’applique à toute infraction commise à l’étranger, notamment : 1) si l’auteur de l’infraction est un fonctionnaire ou un agent de l’État, dans l’exercice de ses fonctions ; 2) si l’infraction porte atteinte à la sécurité ou à l’ordre public ou s’il s’agit d’actes relevant du blanchiment d’argent, pour autant que ceux-ci produisent leurs effets sur le territoire de la République ; 3) si l’infraction porte préjudice à l’État et à la défense nationale, aux pouvoirs de l’État et à l’ordre constitutionnel ou à l’ordre monétaire ; 4) si l’infraction est perpétrée contre un Péruvien ou par un Péruvien, et peut donner lieu à extradition selon la loi péruvienne, à condition qu’elle soit également punissable dans l’État où elle a été commise et que l’auteur pénètre, de quelque manière que ce soit, sur le territoire péruvien ; et 5) si le Pérou est tenu de la réprimer en application d’instruments internationaux.

37.Le Pérou réaffirme ce qu’il a indiqué aux paragraphes 78 à 80 du rapport, à savoir que les règles de droit pénal et de procédure pénale s’appliquent dans le respect de la Constitution et sur un pied d’égalité aux nationaux et aux étrangers, indépendamment de l’existence d’un traité d’extradition.

Réponses aux questions posées aux paragraphes 11 et 12

38.La compétence des tribunaux ordinaires pour connaître des affaires de disparition forcée au Pérou est effective en tout temps, y compris dans les situations d’urgence, et pour tous (personnel militaire, membres de la police et civils). Le droit à la vie et le droit à l’intégrité de la personne s’appliquent pleinement en tout temps. Si le droit à la liberté individuelle peut être restreint lorsque l’état d’urgence a été proclamé, les restrictions doivent être conformes au paragraphe 24.f) de l’article 2 de la Constitution, lequel ne dispense pas le fonctionnaire ou l’agent de l’État qui procède à une arrestation ou à un placement en détention de l’obligation de donner des informations sur l’endroit où se trouve l’intéressé. De surcroît, les garanties procédurales ne sont pas suspendues pendant l’état d’urgence et l’obligation de mettre la personne arrêtée ou détenue à la disposition de l’autorité judiciaire compétente reste entière. Il s’ensuit que le droit de former un recours contre la détention au moyen d’une requête en habeas corpus, en application du Code de procédure constitutionnelle, demeure effectif pendant l’état d’urgence. Les garanties d’un traitement juste et d’un procès équitable prévues à l’article 139 de la Constitution restent également valables.

39.La Direction générale de la défense publique et de l’accès à la justice assure la défense publique en matière pénale, ce qui inclut les conseils juridiques et techniques et/ou la représentation en justice à titre gracieux pour les personnes visées par une plainte ou une enquête et les personnes détenues, inculpées, accusées ou condamnées à l’issue d’une procédure pénale, y compris les adolescents en conflit avec la loi pénale. Jusqu’à présent, la Direction générale a fait appel aux services de défenseurs publics spécialistes du droit pénal en général, ce qui n’a pas eu pour effet d’exclure la prise en charge des justiciables sous le coup d’une enquête pour disparition forcée, la défense en matière pénale s’appliquant au droit à la défense en général, lequel est valable pour l’ensemble des infractions visées par le Code pénal.

40.La Constitution dispose que nul ne peut être détenu autrement que sur ordre écrit et motivé d’un juge ou par les autorités de la police en cas de flagrant délit ; que l’intéressé doit être mis à la disposition du juge compétent, dans un délai de vingt-quatre heures ou dans le délai imposé par l’éloignement. Cette disposition ne s’applique pas aux affaires de terrorisme, d’espionnage ou de trafic illicite de stupéfiants, les autorités de la police étant habilitées à placer les personnes soupçonnées d’être impliquées dans des faits de cette nature en détention pour une durée ne dépassant pas quinze jours civils, et devant en rendre compte au ministère public et au juge, lequel peut se déclarer compétent avant que le délai ne soit échu.

41.La notification de la détention par le Pérou de l’auteur présumé d’une disparition forcée à des États tiers pouvant également se déclarer compétents pour connaître d’une affaire de disparition forcée s’effectue par la voie diplomatique, conformément à la Convention de Vienne sur les relations consulaires. En cas de détention aux fins d’extradition pour le crime de disparition forcée ou pour toute autre infraction pénale, les formalités à remplir sont établies par le Code de procédure pénale, qui dispose que la détention est notifiée aux États concernés à la fois par la voie diplomatique, la notification servant de base officielle pour calculer le respect des délais, et par l’intermédiaire d’INTERPOL.

42.Dans tous les cas où un ressortissant étranger est visé par une enquête pénale, y compris pour des faits de disparition forcée, le Pérou en informe par la voie diplomatique l’État dont cette personne est le ressortissant, afin qu’elle puisse bénéficier de l’assistance consulaire au titre de l’article 36 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires. Le Pérou confirme les renseignements fournis au paragraphe 81, à savoir qu’il incombe à l’administration pénitentiaire d’informer les autorités consulaires ou la représentation diplomatique de l’incarcération et des transferts de ressortissants étrangers.

Réponses aux questions posées au paragraphe 13

43.S’agissant des données statistiques ventilées concernant les plaintes reçues pour des cas présumés de disparition forcée, le ministère public indique avoir reçu 45 plaintes en 2015, 83 en 2016, 72 en 2017 et 60 entre janvier et novembre 2018, soit un total de 260 plaintes entre 2015 et novembre 2018. On ne dispose pas de données statistiques ventilées par sexe, âge et nationalité.

44.Pour établir les faits en rapport avec des cas présumés de disparition forcée, sur la quasi-totalité du territoire national, les autorités suivent la procédure commune établie par le Livre premier du nouveau Code de procédure pénale. Cette procédure est la suivante : enquête préparatoire, étape intermédiaire et jugement, lequel est sanctionné par une décision. Dans les circonscriptions judiciaires de Lima est, Lima sud et Lima centre, la procédure ordinaire prévue par le Code des procédures pénales est toujours en vigueur. Celle-ci comprend une étape préliminaire d’instruction, suivie du jugement, qui donne lieu à une décision. Les autorités judiciaires compétentes sont les juridictions pénales nationales, la chambre pénale nationale et la Cour suprême. Il convient de préciser que la majorité des enquêtes portant sur des disparitions forcées commises entre 1980 et 2000 ont été ouvertes en application du Code des procédures pénales.

45.Les mesures prises pour garantir la recherche des personnes disparues reposent sur deux types de recherches : les recherches menées dans le cadre de l’enquête pénale et les recherches à caractère humanitaire prévues par la loi no 30470.

46.Dans le premier cas, le procureur ouvre une enquête préliminaire soit sur demande de la partie civile, soit d’office. Dans le cadre de l’enquête, il demande à l’équipe médico-légale spécialisée de l’Institut de médecine légale de procéder à une enquête médico-légale, afin d’identifier les victimes présumées. Ces recherches visent principalement à recueillir des moyens de preuve pour les besoins de l’enquête du parquet, de manière à pouvoir établir, ou non, la responsabilité pénale.

47.Il importe de préciser que le ministère public a publié la directive no011-2001-MP-FN en 2001, dans un contexte où avait été signalée l’existence de fosses communes renfermant des restes humains, dont on supposait qu’elles étaient liées aux violations des droits de l’homme commises dans les années 1980 et 1990. Lorsque des plaintes étaient déposées, des enquêtes étaient confiées aux parquets provinciaux, de sorte qu’il a été jugé utile d’uniformiser les modalités d’enquête, en partant du principe que l’un des aspects primordiaux d’une enquête indépendante et impartiale dans une affaire de violation grave des droits de l’homme était de recueillir des preuves et de les analyser. Deux étapes ont été établies pour les enquêtes du parquet : l’ouverture de l’enquête par le procureur de la province et la visite d’inspection aux fins d’établir l’existence de la fosse et son emplacement. Le procureur dressait ensuite un procès-verbal et ouvrait une enquête de terrain qui se déroulait en cinq étapes : 1) protection des lieux ; 2) observation et maintien des lieux en l’état ; 3) collecte d’indices ; 4) exhumation des corps ; et 5) conservation des indices. L’enquête était menée par le procureur, avec l’appui des experts de l’Institut de médecine légale. Une fois l’enquête terminée, le procureur engageait l’action publique auprès du juge compétent auquel il remettait un rapport indiquant les faits connus, les résultats de l’enquête, les éléments de preuve à l’appui du dossier et ses conclusions.

48.En application de la décision no 1262-2003-MP-FN du Bureau du Procureur général de la nation, le 13 août 2003, a été créée au sein de l’Institut de médecine légale, l’équipe médico-légale spécialisée, initialement composée de six spécialistes, pour participer à cette procédure d’enquête. Les effectifs de cette équipe ont par la suite été portés à 25 spécialistes en application de la décision no 039-2008-MP-FN du 11 janvier 2008.

49.En 2009, la directive no 007-2009-MP-FN a été adoptée pour remplacer celle de 2001, conformément à la décision no 1694-2009-MP-FN. Ce texte, qui est toujours en vigueur, prévoit que l’enquête médico-légale spécialisée se déroule en huit étapes : 1) enquête médico-légale préliminaire ; 2) localisation, évaluation et enregistrement ; 3) récupération des restes humains et des autres éléments retrouvés sur place ; 4) sécurisation des éléments de preuves recueillis ; 5) analyse médico-légale des restes humains et des autres éléments retrouvés sur place ; 6) analyse des renseignements ante mortem/post mortem aux fins de l’identification ; 7) analyse génétique des restes humains et comparaison avec les caractéristiques génétiques des proches ; et 8) rédaction du rapport final d’expertise médico-légale. Une fois terminée l’enquête médico-légale spécialisée, le procureur chargé de l’affaire engage l’action publique auprès du juge compétent auquel il remet le compte rendu des faits, les résultats de l’enquête, les preuves à l’appui du dossier et les conclusions des experts.

50.Dans le deuxième cas, les recherches se font conformément à l’article 8 de la loi no 30470 qui dispose que l’enquête médico-légale est le processus technique et pluridisciplinaire destiné à localiser et à évaluer les sites d’inhumation, établir le profil biologique des victimes, récupérer les restes humains et les autres éléments de preuve, et procéder à une analyse scientifique de ceux-ci afin d’identifier les personnes disparues et de restituer leurs restes à leurs proches, après avoir établi la cause de la mort et, si possible, à recueillir des informations susceptibles d’avoir une valeur probante.

51.La directive no 01-2018-MP-FN du ministère public intitulée « Exercice du rôle du ministère public dans la recherche des personnes disparues (entre 1980 et 2000) conformément à la loi no 30470 » dispose que la Direction générale de la recherche des personnes disparues remet le rapport de l’enquête humanitaire au Bureau du Procureur général de la nation, lequel charge ensuite l’équipe médico-légale spécialisée, par l’intermédiaire de la direction de l’Institut de médecine légale, d’établir dans les meilleurs délais, le plan de travail concernant l’action des services médico-légaux. Dans le cadre de l’action conjointe, le procureur saisi demande à la Direction générale de la recherche des personnes disparues de fournir un accompagnement psychosocial et un appui logistique aux proches de personnes disparues, dans une optique humanitaire.

52.Dans le cadre des attributions prévues par la loi no 30470, le Ministère de la justice et des droits de l’homme facilite les recherches à caractère humanitaire et y participe, sans préjudice des compétences et attributions que la législation confère au parquet, ainsi qu’aux autres organismes publics et privés réalisant un travail scientifique, il favorise l’enquête médico-légale visant à identifier les personnes disparues, conformément à la loi no 30470, et à la directive no 001-2017-JUS/VMDHAJ-DGBPD.

53.S’agissant des autorités chargées d’enquêter sur les cas de disparition forcée, de poursuivre les auteurs et de les condamner, le Pérou rappelle les renseignements fournis aux paragraphes 33, 34, 38, 39, 40, 87 et 88 de son rapport et précise que le système d’administration de la justice applicable aux disparitions forcées se compose des organes juridictionnels suivants : le premier tribunal pénal de Huancayo (qui remplit également la fonction de tribunal pénal national de Junín), le deuxième tribunal pénal de Huamanga (qui remplit également la fonction de tribunal pénal national d’Ayacucho), le premier tribunal pénal transitoire de Huánuco chargé de résorber l’arriéré judiciaire (qui remplit également la fonction de tribunal pénal national de Huánuco), le premier tribunal pénal national de Lima, la chambre pénale nationale − en formation collégiale « B » (dont le siège se trouve à Lima, à titre exclusif), et les chambres pénales de la Cour suprême de justice de la République.

54.En cas de refus d’enquêter sur les faits dénoncés, il est possible de saisir tout juge pénal d’un recours en habeas corpus en faveur de la personne disparue, sans considération de compétence et sans avoir qualité pour représenter la victime. Un tel recours ne nécessite ni la signature d’un avocat, ni le paiement d’une taxe ou quelque autre formalité que ce soit. Il peut également être formé par le Bureau du Défenseur du peuple, conformément au Titre II « Procédure d’habeas corpus » du Code de procédure constitutionnelle, qui dispose en son article 25.16 que l’un des droits protégés par cette procédure est de ne pas faire l’objet d’une disparition forcée. Il est également possible de saisir le Conseil supérieur de la magistrature en cas d’irrégularité ou de manquement d’un fonctionnaire de justice, qu’il s’agisse d’un magistrat, d’un fonctionnaire de justice en général ou d’un auxiliaire de justice dans une procédure de quelque nature que ce soit. Pour ce qui est des mesures destinées à garantir que les auteurs présumés d’une disparition forcée n’influent pas sur le cours de l’enquête, le Pérou rappelle les renseignements fournis aux paragraphes 89, 90 et 91 de son rapport.

55.En ce qui concerne les mesures de protection de la personne qui signale la disparition forcée, des témoins, des proches, des défenseurs et des agents de la fonction publique chargés de l’enquête et de la répression des faits, le Pérou rappelle les informations fournies aux paragraphes 92, 93 et 94 de son rapport. Il convient de préciser qu’en 2008, par la décision no 1558-2008-MP-FN, le Bureau du Procureur général de la nation a mis en place le Programme de protection des victimes et des témoins. Celui-ci est à présent dirigé par l’Unité centrale d’assistance aux victimes et aux témoins, dont le rôle consiste à définir et mettre en œuvre des mesures de protection efficaces en faveur des victimes, des témoins et des collaborateurs qui prennent part à des procédures pénales, dont font partie les procédures portant sur des disparitions forcées.

56.En 2018, il existait 156 unités de protection et d’assistance réparties dans tout le pays (40 unités de districts chargées de la protection et de l’aide aux victimes et aux témoins et 116 unités d’aide immédiate aux victimes et aux témoins). Ces unités assurent aux victimes, aux témoins et aux collaborateurs qui prennent part à des procédures pénales des mesures de protection et une aide juridique, psychologique et sociale complète et gratuite. En 2018, huit cas de disparition forcée ont été enregistrés au niveau national, qui ont donné lieu à la mise en place de mesures de protection au profit de 17 personnes (les mesures de protection ont été confiées à l’Unité de district d’aide aux victimes et aux témoins de Lima centre dans cinq cas, pour un total de 16 bénéficiaires, à l’Unité de district de l’aide aux victimes et aux témoins du parquet spécialisé anticriminalité organisée de Lima dans un cas, pour un bénéficiaire, et à l’Unité de district de l’aide aux victimes et aux témoins d’Apurímac dans les deux autres cas).

Réponses aux questions posées au paragraphe 14

57.Les règles établies par le nouveau Code de procédure pénale en ce qui concerne la coopération judiciaire internationale dans le domaine pénal indiquées au paragraphe 102 du rapport sont toujours en vigueur. L’entraide judiciaire (dénommée « assistance judiciaire internationale » dans la législation péruvienne), qu’elle soit assurée à la demande l’État partie ou par celui-ci, est régie par les articles 528 à 537 du nouveau Code de procédure pénale. Les demandes d’entraide émanant d’États tiers sont valables pour les cas de disparition forcée vu que la peine prévue est supérieure à un an d’emprisonnement et que l’infraction ne relève pas du droit militaire. Dans ce cas, les actes de procédure qui peuvent être requis, sans préjudice de ce que prévoient les traités, sont les suivants : notification des décisions et jugements avec indication de l’identité des témoins et des experts aux fins de témoignage, enregistrement de témoignages et de dépositions, présentation et transmission de documents judiciaires ou de copies de tels documents, présentation de documents ou de rapports, convocations ou inspections, examen d’objets et de sites, gel de comptes, mise sous séquestre, confiscation ou saisie d’avoirs criminels, immobilisation d’actifs, perquisitions, visites domiciliaires, mise sous surveillance des communications et transmission d’informations et d’éléments de preuve. L’Unité de la coopération judiciaire internationale et des extraditions du Bureau du Procureur général de la nation, créée en application de la décision no 124-2006-MP-FN du 3 février 2006, est chargée de coordonner et de centraliser l’exécution de toutes les mesures prescrites par le Livre VII du nouveau Code de procédure pénale.

58.Dans le cas des extraditions, l’article 517 du nouveau Code de procédure pénale dispose qu’il ne peut pas être procédé à une extradition si les faits qui motivent la procédure ne constituent pas une infraction tant dans l’État requérant qu’au Pérou, et si la législation des deux pays ne prévoit pas une peine privative de liberté d’au moins deux ans. Si la demande d’extradition porte sur plusieurs infractions, il suffit que l’une d’elles remplisse cette condition pour que l’extradition soit également valable pour les autres infractions. S’agissant de l’assistance judiciaire internationale, les faits à l’origine de la demande doivent être punissables dans les deux pays.

59.Enfin, pour ce qui est de la coopération judiciaire et des demandes d’entraide judiciaire visant à rechercher, à localiser ou à faire libérer des victimes de disparition forcée, à leur venir en aide ou à récupérer leur dépouille, ou portant sur un autre acte de coopération, les règles en vigueur sont celles indiquées dans les paragraphes précédents et dans le rapport. À ce jour, l’Unité de la coopération judiciaire internationale n’a pas reçu de demande de coopération de cette nature.

IV.Mesures de prévention des disparitions forcées

Réponses aux questions posées au paragraphe 15

60.Le nouveau Code de procédure pénale interdit d’extrader une personne lorsque la demande d’extradition a été présentée dans le but de la poursuivre ou de la punir en raison de sa religion, de sa nationalité, de son opinion ou de sa race. Sont également exclues des accords d’extradition les personnes poursuivies pour des infractions politiques ou des faits apparentés (par. 2 et 3 de l’article 517). Le décret-loi no 1350, du 7 janvier 2017, sur les migrations dispose en son article 64 : a) que les obligations de quitter le territoire et les arrêtés d’expulsion exigent une décision administrative de la Direction nationale des migrations ayant force exécutoire, avec effet immédiat, conformément aux dispositions du règlement d’application dudit décret-loi ; et b) que conformément aux principes d’unité de la famille et d’intérêt supérieur de l’enfant et de l’adolescent, la Direction nationale envisagera la possibilité de surseoir à l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, dans les cas où il aura été établi qu’il y a un risque manifeste et imminent de violation de ces principes.

61.S’agissant des garanties diplomatiques, lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire que la personne serait exposée à un risque, les traités d’extradition bilatéraux et multilatéraux auxquels le Pérou est partie renferment des dispositions claires sur les garanties que l’État requis peut demander à l’État requérant, notamment lorsque l’infraction objet de la demande emporte la peine de mort. De même, l’État requérant est tenu de garantir que la durée de la détention que la personne dont il demande l’extradition a effectuée dans l’État requis sera déduite de sa peine. L’État requis demande également à avoir la garantie que la personne visée par la demande d’extradition bénéficiera d’un procès équitable, qu’elle ne sera pas soumise à la torture, qu’elle ne sera pas remise à un État tiers sans son autorisation, et qu’elle ne sera pas jugée pour une infraction autre que celle qui a fait l’objet de la demande et a donné lieu à l’extradition. Il est par conséquent peu probable que le Pérou autorise l’extradition d’une personne s’il soupçonne que celle-ci pourrait être soumise à une disparition forcée. Le respect des garanties susmentionnées doit faire l’objet d’une vérification périodique du Pérou, selon un protocole prévu à cet effet.

62.Préalablement à l’exécution d’un arrêté d’expulsion ou d’une décision de la Direction nationale des migrations concernant la remise d’une personne à un autre État, la personne concernée peut faire appel dans un délai de quinze jours ouvrables à compter du lendemain de la présentation de l’avis d’expulsion, conformément à l’article 211 du règlement d’application du décret-loi no 1350.

63.Concernant la décision d’extradition, le nouveau Code de procédure pénale ne prévoit pas de recours contre l’avis consultatif de la Cour suprême concluant à l’opportunité de l’extradition. Il ne prévoit pas non plus de recours contre le décret suprême pris par le Gouvernement péruvien à titre de décision finale d’extradition. Toutefois, aux fins d’éviter qu’une décision d’expulsion ou d’extradition ne soit prise ou d’obtenir qu’il soit sursis à l’exécution d’une telle décision, lorsqu’il existe un risque sérieux que la personne réclamée ou visée par la demande d’extradition soit soumise à une disparition forcée ou à d’autres atteintes graves à la vie ou à l’intégrité physique, il est possible de former un recours en habeas corpus.

Réponses aux questions posées au paragraphe 16

64.Le nouveau Code de procédure pénale dispose qu’il est nécessaire que les faits à l’origine de la procédure (le crime de disparition forcée) constituent une infraction tant dans l’État requérant qu’au Pérou (double incrimination), que la législation des deux États les réprime d’une peine privative de liberté d’au moins deux ans et que l’action pénale ne soit pas prescrite à la date de présentation de la demande d’extradition. Le nouveau Code de procédure pénale ne dressant pas de liste des infractions concernées, la disparition forcée répond effectivement à ces critères, qui sont également ceux qui ont été retenus pour la négociation des traités d’extradition que le Pérou a conclus ou est en train de négocier avec d’autres pays.

65.Les demandes d’extradition adressées à l’État partie sont consignées par l’Unité de la coopération judiciaire internationale, y compris les demandes visant l’auteur d’une disparition forcée. Les demandes d’extradition pour le crime de disparition forcée sont peu nombreuses dans les statistiques de ce service, qui ne font apparaître aucune demande provenant d’États tiers. 3 demandes d’extradition émanant du Pérou pour des faits de disparition forcée ont été répertoriées, à savoir 2 demandes présentées aux États-Unis d’Amérique (pour Wilmer Yarleque Ordinola et Telmo Ricardo Hurtado Hurtado) et 1 au Chili (pour Alberto Fujimori Fujimori). Dans les trois cas, les personnes concernées étaient accusées de plusieurs infractions et l’extradition a été accordée.

66.La disparition forcée n’est pas considérée comme une infraction politique.

Réponses aux questions posées au paragraphe 17

67.Il peut être procédé à une privation de liberté sur décision du juge dûment motivée, ou en cas de flagrant délit. Le nouveau Code de procédure pénale reconnaît le droit de l’inculpé de se représenter lui-même ou de se faire représenter par un conseil dès l’ouverture de l’enquête et jusqu’à la fin de la procédure, et de communiquer avec la personne de son choix immédiatement après son placement en détention. La législation nationale ne prévoit aucune exception, ni aucune restriction de ces droits. Le Code d’application des peines dispose que la privation de liberté n’a pas pour finalité d’exclure la personne, mais de la réinsérer, de sorte que celle-ci jouit des mêmes droits que tout citoyen (l’application de certains droits étant modifiée par la privation de liberté). La personne privée de liberté peut communiquer périodiquement, oralement ou par écrit et dans sa propre langue, avec ses proches, ses amis, des représentants diplomatiques et des organisations et institutions d’aide aux détenus, sauf en cas de détention au secret sur décision de l’autorité judiciaire.

68.Le règlement concernant le Code d’application des peines établit les modalités selon lesquelles le détenu peut exercer son droit aux communications téléphoniques et aux visites (admission, nombre de visites, type de visites, périodicité, horaires et durée des visites et autres conditions), dans le respect, en tout temps, de sa dignité et de son droit à la vie privée. La communication du détenu avec son conseil est un droit protégé par le Code d’application des peines, lequel dispose que l’établissement pénitentiaire est tenu de mettre à disposition un espace adéquat. Ce droit ne souffre aucune suspension ni aucune immixtion, et le directeur de l’établissement pénitentiaire en est garant.

69.En 2018, le Bureau du Défenseur du peuple n’avait été saisi que d’une seule plainte, déposée par un détenu de l’établissement pénitentiaire del Callao. Le plaignant faisait valoir qu’il avait été dans l’impossibilité de communiquer par téléphone avec des personnes se trouvant hors de l’établissement pénitentiaire (faute de recharge téléphonique) et qu’il n’y avait pas de cahier de doléances dans l’établissement. Le Bureau du Défenseur du peuple a identifié l’opérateur de téléphonie fixe de l’établissement, PRISONTEC, et lui a demandé d’améliorer la qualité de ses services, ce que celui-ci a fait.

70.En 2018, l’Institut pénitentiaire national (INPE) a indiqué qu’aucun des bureaux installés à Lima et dans les sept régions dotées d’établissements pénitentiaires n’avait été saisi d’une quelconque plainte ou recours pour non-respect des droits des personnes privées de liberté en matière de communication.

71.Le Code d’application des peines dispose que dans l’exercice de leurs fonctions, le Président de la République, les membres du Congrès et les ministres, les magistrats du parquet et du siège, le Défenseur du peuple et les membres du Conseil pénitentiaire national sont autorisés à pénétrer dans les établissements pénitentiaires, après avoir été identifiés, à toute heure et n’importe quel jour de la semaine. Les représentants du corps diplomatique accrédités dans le pays, les représentants du Comité international de la Croix-Rouge et d’autres organisations non gouvernementales sont habilités à entrer dans les établissements pénitentiaires, avec l’autorisation du directeur de l’établissement, du Directeur régional ou d’un membre du Conseil pénitentiaire national ; ils doivent pour ce faire présenter une demande écrite à l’autorité pénitentiaire concernée en précisant les motifs de leur visite. Le Mécanisme national de prévention de la torture peut lui aussi accéder aux lieux de privation de liberté conformément à la loi no 30394 attribuant au Bureau du Défenseur du peuple les fonctions de mécanisme national de prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

72.S’agissant du lien entre les différents registres qui contiennent des renseignements sur les personnes privées de liberté, ces registres sont au nombre de trois : le registre national des personnes détenues et des personnes condamnées à une peine privative de liberté ferme, le registre pénitentiaire de l’Institut pénitentiaire national et le registre national des tribunaux. Le Service du registre national des personnes détenues et des personnes condamnées à une peine privative de liberté est un organisme multisectoriel créé en application de la loi aux fins de constituer une banque de données sur les personnes privées de liberté. Son travail consiste notamment à répertorier des informations sur les détenus adultes et les jeunes délinquants, avec des détails concernant la détention, ainsi que des informations permettant de retracer l’ensemble de la procédure pénale, le but étant que les informations ainsi traitées puissent être utilisées par les citoyens et les organismes accrédités pour déterminer l’endroit où se trouvent les détenus.

73.Le Service du registre de l’Institut pénitentiaire national gère les informations concernant la population pénitentiaire des établissements pénitentiaires et des établissements d’exécution des peines en milieu ouvert, qui figurent dans ledit registre. Il fournit également des informations aux différentes institutions du système d’administration de la justice et du système national de sécurité publique.

74.Enfin, le Service du registre national des tribunaux a pour fonction d’organiser, d’alimenter et de tenir à jour le registre national des condamnations, le registre national des restrictions des libertés, le registre national des débiteurs de pensions alimentaires en défaut de paiement, le registre national des détenus, des inculpés et des condamnés et les autres registres créés par le Conseil exécutif du pouvoir judiciaire dont celui-ci pourrait lui confier la responsabilité.

75.Ces services gèrent les informations concernant les détentions et les procédures pénales. Néanmoins, le registre national des personnes détenues et des personnes condamnées à une peine privative de liberté contient exclusivement des données officielles provenant de la Police nationale, du ministère public, du pouvoir judiciaire et de l’Institut pénitentiaire national au sujet des personnes détenues ou privées de liberté, le registre de l’Institut pénitentiaire national contient uniquement des informations sur les personnes détenues dans des établissements pénitentiaires et le registre national des tribunaux rassemble les informations à caractère judiciaire de différents registres de la justice.

76.Le Service du registre national des personnes détenues et des personnes condamnées à une peine privative de liberté propose différents services aux usagers, de façon que les citoyens et citoyennes dûment autorisés puissent obtenir des informations sur l’endroit où se trouvent les personnes détenues. Les intervenants du système d’administration de la justice accrédités peuvent également consulter les informations relatives aux détenus et aux procédures les concernant. Afin que tous les registres soient dûment remplis, le Service du registre national des personnes détenues et des personnes condamnées à une peine privative de liberté dispose d’un système de contrôle de la qualité des données, dans la mesure où il recueille des informations officielles provenant d’institutions telles que la Police nationale, le ministère public, le pouvoir judiciaire et l’Institut pénitentiaire national, qui les lui transmettent par différents moyens (service Web, documents Excel, accès à leurs systèmes et fiches et formulaires sur support papier).

77.Les institutions communiquant des informations au Service du registre national des personnes détenues et des personnes condamnées à une peine privative de liberté sont tenues d’indiquer l’identité de la personne. Les éléments mentionnés dans la Convention qui ne sont pas répertoriés à ce jour sont ceux qui ont trait à l’intégrité physique et, en cas de décès, à la cause du décès et à la destination des restes de la personne. Néanmoins, en application de la Convention, le Service du registre national des personnes détenues et des personnes condamnées à une peine privative de liberté s’est engagé à incorporer ces données, en coordination avec sa commission de coordination multisectorielle et les institutions qui lui transmettent l’information.

78.S’agissant de l’obligation au regard du droit interne de consigner toute privation de liberté, des dispositions figurent à ce sujet dans le Règlement régissant l’organisation et les attributions du ministère public, ainsi que dans les directives, instructions et protocoles qui ont trait à l’obligation d’enregistrement et prévoient des sanctions en cas de manquement. En décembre 2018, le Service du registre national des personnes détenues et des personnes condamnées à une peine privative de liberté n’avait été saisi d’aucune plainte pour enregistrement d’informations fausses ou inexactes ou pour refus d’information. Pour autant, son plan opérationnel pour 2019 prévoit l’élaboration et l’adoption de règles internes aux fins de l’amélioration de l’exécution de ses fonctions.

79.Les renseignements que l’Institut pénitentiaire national communique au Service du registre national des personnes détenues et des personnes condamnées à une peine privative de liberté sont les suivants : identité, dates d’entrée et de sortie, motif de la sortie (libération, décès, transfert), établissement pénitentiaire, lieu où le placement en détention a été décidé, autorité ayant ordonné le placement en détention ou la libération, et situation judiciaire de la personne (inculpé/condamné). Les informations concernant les décès sont transmises par le directeur de l’établissement pénitentiaire. Le Code d’application des peines dispose qu’une fiche d’exécution de la peine et un « dossier personnel » concernant la situation judiciaire du détenu et le traitement pénitentiaire sont établis pour chaque détenu. La gestion du dossier personnel est régie par le Manuel des procédures et activités de tenue du registre pénitentiaire de l’Institut pénitentiaire national (décret présidentiel no 305-2008-INPE/P).

80.La loi portant création du registre national des personnes détenues et des personnes condamnées à une peine privative de liberté ferme dispose que toute personne physique ou morale, publique ou privée jouit d’un libre accès aux renseignements figurant dans ledit registre.

81.Conformément aux dispositions du paragraphe 4 de l’article 71 du nouveau Code de procédure pénale, dans une affaire de disparition forcée, le conseil ou le représentant de la personne visée par la procédure peut saisir le juge d’instruction, afin que celui-ci ordonne la mesure de protection voulue, sachant que la demande devra faire l’objet d’une décision immédiate, après constatation des faits et tenue d’une audience en présence des parties.

82.Conformément au Code de procédure constitutionnelle, le justiciable peut former un recours en habeas data en cas de violation des droits que lui reconnaissent les paragraphes 5 et 6 de l’article 2 de la Constitution, c’est-à-dire de son droit de solliciter auprès de quelque organisme public que ce soit, sans avoir à en donner les motifs, les informations dont il a besoin et de les recevoir, dans les délais légaux, moyennant les coûts afférents à la demande, à l’exception des informations touchant à la vie privée et des informations expressément exclues par la loi ou relevant de la sécurité nationale, et du droit que les services informatiques, électroniques ou autres, publics ou privés, ne fournissent pas d’informations touchant à sa vie privée ou à celle de sa famille. Si, comme il est dit dans le rapport, le recours en habeas data peut être utilisé pour obtenir des renseignements en rapport avec la disparition forcée d’une personne, il peut être plus approprié de former un recours en habeas corpus dans la mesure où celui-ci est destiné à protéger spécifiquement le droit de ne pas faire l’objet d’une disparition forcée. L’un et l’autre recours peuvent être utilisés, en fonction des besoins, dans une affaire de disparition forcée.

83.La Direction du registre pénitentiaire de l’Institut pénitentiaire national vérifie que le détenu a été remis en liberté. Une fois émis l’ordre de libération, la Direction du registre pénitentiaire s’assure, par l’entremise de ses sous-directions et unités présentes dans chaque établissement pénitentiaire, que le détenu n’est pas sous le coup de procédures ayant donné lieu à une ordonnance de placement en détention ou à une peine non encore exécutée (si tel est le cas, il en informe l’autorité compétente). L’identité du détenu est ensuite vérifiée, le directeur de l’établissement pénitentiaire signe le billet de sortie et le détenu est mis à la disposition du service de sécurité de l’établissement pénitentiaire qui procède à la levée d’écrou contre signature du billet de sortie validé par le directeur de l’établissement. Cela signifie que l’Institut pénitentiaire national enregistre des renseignements précis sur la libération des personnes visées par une procédure pénale et des personnes condamnées à une peine privative de liberté. En 2018, aucun cas ne s’était produit dans lequel un ordre de libération aurait été émis sans que le détenu soit mis en liberté, hormis pour les raisons susmentionnées.

Réponses aux questions posées au paragraphe 18

84.L’École du ministère public a prévu pour 2019 de mettre en place des activités de formation spécialisée à l’intention du personnel du parquet et du personnel médico-légal sur les affaires de crimes contre l’humanité, la collecte et l’analyse de restes retrouvés mélangés et l’analyse des traumas osseux, questions qui ont trait au crime de disparition forcée.

85.Le Centre du droit international humanitaire des forces armées travaille à l’élaboration d’un projet visant à standardiser les cours et à y inclure les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, ainsi que les organes chargés de surveiller l’application des conventions et des protocoles facultatifs (Directive générale no 002-MINDEF-SG-VPD/DIGEDOC), dont fait partie la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

V.Mesures de réparation et mesures de protection des enfants contre les disparitions forcées

Réponses aux questions posées au paragraphe 19

86.L’article 4 de la loi no 28592 dispose que les victimes qui ne sont pas mentionnées dans le plan intégré de réparations et qui souhaitent faire valoir leur droit à réparation ont toujours la possibilité de recourir à la voie judiciaire. Ce principe s’applique aux personnes qui ont été victimes de disparition forcée en dehors des violences de la période 1980 à 2000. La procédure d’inscription des victimes de disparition forcée au registre central des victimes se fait soit sur demande de la partie concernée, soit d’office. Elle comprend une étape d’évaluation qui consiste à s’assurer du bon établissement des fiches et de la constitution du dossier et à vérifier que la victime a été correctement « individualisée ». Il est ensuite procédé à la reconnaissance de la qualité de victime et à l’inscription au registre central des victimes, ainsi qu’à la certification.

87.Selon la loi no 30470, l’expression « personne disparue » s’entend de toute personne dont les proches ignorent où elle se trouve ou qui ne peut être localisée avec certitude au sens de la loi du fait des violences intervenues entre 1980 et 2000 et les proches sont les enfants, le conjoint ou le concubin, le père, la mère, ainsi que les frères et sœurs, conformément aux dispositions pertinentes du Code civil. Ce texte prévoit en outre qu’il doit être tenu compte du contexte socioculturel des personnes issues de communautés autochtones ou paysannes, ou appartenant à un peuple autochtone ou originaire. Les définitions susmentionnées visent à faire en sorte que les personnes concernées bénéficient d’un accompagnement psychosocial et logistique de manière à pouvoir prendre part aux recherches, et n’ont pas pour but d’établir la condition de victime aux fins de réparations. Il n’est donc pas nécessaire qu’une procédure pénale ait été engagée. Cependant, le règlement régissant l’inscription au registre central des victimes définit les « victimes » comme les personnes ou groupes de personnes qui, du fait de la période de violence, ont subi des violations de leurs droits fondamentaux, et inclut dans la catégorie des victimes directes la personne disparue et ses proches (conjoint ou concubin, enfants et parents). Les proches de personnes disparues sont considérés comme titulaires d’un droit à réparation au regard du registre central des victimes.

Réponses aux questions posées au paragraphe 20

88.Selon les dispositions de la loi no 26497 (art. 44, par. e)) et du règlement régissant l’inscription au registre national d’identification et d’état civil, l’absence pour cause de disparition forcée fait partie des éléments qui peuvent être consignés dans ledit registre. Cette inscription nécessite la déclaration judiciaire d’absence pour cause de disparition forcée qui entraîne en outre l’inscription au registre d’identification et d’état civil de l’acte de décès de la personne déclarée disparue (directive DI-415-GRC/032). Les informations concernant les personnes pour lesquelles une déclaration d’absence a été établie sont consignées dans le registre national des personnes disparues et des sites d’inhumation. Enfin, s’agissant des procès-verbaux d’absence pour cause de disparition forcée, en janvier 2018, le Bureau du Défenseur du peuple avait délivré 1 921 procès-verbaux de cette nature, dans le cadre de ses attributions (loi no 28413).

Réponses aux questions posées au paragraphe 21

89.La loi no 28592 porte création d’un plan intégré de réparations destiné aux victimes civiles, ainsi qu’aux victimes dans les rangs de la police et de l’armée de la période de violence qui a sévi entre mai 1980 et novembre 2000 (ce plan n’inclut pas les victimes de disparitions survenues en dehors de cette période). Les réparations prévues dans le cadre de la loi no 28592 n’exigent pas de condamnation pénale. Une fois que le Conseil des réparations inscrit une victime dans le registre central des victimes, il transmet les informations voulues pour que la mesure de réparation correspondante soit mise en œuvre. En 2018, 9 186 victimes de disparition forcée et 20 727 proches considérés comme victimes directes étaient inscrits au registre central des victimes. Il convient de préciser que l’inscription de la victime de disparition forcée au registre central ne comporte aucune indication concernant l’auteur de la disparition.

90.En conséquence, au 11 janvier 2019, le plan intégré de réparations avait permis de fournir des réparations financières individuelles à 85 278 victimes de violences sexuelles, d’incapacité permanente, ou à des proches de victimes de disparition forcée ou d’assassinat commis entre 1980 et 2000, pour un montant total de 325 millions de soles. Ces réparations ont notamment été versées à 18 352 proches de victimes de disparition forcée, pour environ 69 millions de soles. En outre, des réparations collectives ont été accordées à 2 708 communautés et 24 organisations de personnes déplacées non revenues pour un montant de 271 millions de soles, aux fins de la réalisation de 2 675 projets de production et d’infrastructure, avec un programme de réparations collectives qui a progressé de 46 %.

91.Les bureaux du ministère public qui relèvent du sous-système de lutte contre le terrorisme et les crimes contre l’humanité établissent une communication permanente avec les proches des victimes, qu’ils tiennent informés, au moyen de notifications, des décisions prises par le parquet au fil de l’enquête. Ils reçoivent les déclarations des proches des victimes, qui leur donnent des renseignements sur le contexte dans lequel la disparition s’est produite.

Réponses aux questions posées au paragraphe 22

92.La loi no 30470 dispose que le Ministère de la justice et des droits de l’homme fournit aux proches de victimes l’appui matériel et logistique voulu durant leur participation au processus de recherche de personnes disparues. Les proches de victimes sont notamment tenus informés du déroulement de l’enquête et de ses résultats. Les proches et les personnes ayant un intérêt légitime qui souhaitent bénéficier de ces services peuvent en faire la demande aux bureaux de la Direction générale de la recherche des personnes disparues, à Lima, Ayacucho, Junín et Huánuco. Le Bureau du Procureur général de la nation participe également à cette action, en ce qu’il fournit des renseignements utiles et communique avec les victimes de disparitions forcées (décision du Bureau du Procureur général de la nation n° 049-2018-MP-FN).

Réponses aux questions posées au paragraphe 23

93.En 2018, il n’existait aucun protocole concernant les victimes de faits survenus en dehors de la période de violence.

94.S’agissant de la localisation, de l’identification et de la restitution des restes de victimes de disparition forcée, entre la création de la Direction générale de la recherche des personnes disparues en 2017 et décembre 2018, des enquêtes humanitaires ont été menées au sujet de 403 personnes, 15 actions conjointes ont été menées avec le Bureau du Procureur général de la nation, les corps de 14 victimes ont été restitués à leurs proches dans le département d’Ayacucho (districts de Vinchos, San José de Ticllas, Acocro et Cangallo), 86 sites d’inhumation ont été vérifiés et les données correspondantes mises à jour, 382 familles de 18 agglomérations des régions d’Ayacucho, de Huánuco, de Huancavelica et de Junín ont bénéficié d’un accompagnement psychosocial, 38 corps ont été retrouvés dans différentes régions, les principales étant Huánuco (agglomération de Chinchao : 2 corps), Ayacucho (agglomération de Acosvinchos : 5 corps, Vinchos : 7, et Tetemina : 2) et Huancavelica (Lircay : 1 corps et Anchonga : 6). Cependant, il a été jugé nécessaire d’augmenter le budget.

95.Le Pérou s’est doté de la Banque de données génétiques pour la recherche de personnes disparues (décret-loi no 1398) en 2018 et du règlement d’application correspondant (décret suprême no 014-2018-JUS) en janvier 2019.

Réponses aux questions posées au paragraphe 24

96.S’agissant de la législation applicable à la soustraction de mineurs soumis à une disparition forcée, les règles applicables sont : a) la loi no 29685 portant établissement de mesures spéciales dans les cas de disparition d’enfants, d’adolescents, de personnes âgées et de personnes présentant un handicap mental, physique ou sensoriel ; b) le règlement d’application de la loi no 29685 (décret suprême no 006-2018-IN) ; et c) le décret-loi no 1428 portant établissement de mesures concernant le traitement des cas de disparition de personnes vulnérables. Le Pérou s’efforce de garantir le traitement immédiat des plaintes portant sur la disparition de personnes vulnérables, la diffusion de ces plaintes, la réalisation des enquêtes correspondantes, la recherche et la localisation des personnes concernées, de promouvoir la coopération entre les autorités, les organismes publics et les organismes privés, les personnes physiques et les personnes morales, et la société civile et la société en général en ce qui concerne la diffusion des plaintes portant sur la disparition de personnes vulnérables, les enquêtes correspondantes, la recherche et la localisation des personnes concernées, et de mettre en place des dispositifs technologiques pour l’échange d’informations sur les cas de disparition de personnes vulnérables (décret-loi no 1428).

97.S’agissant des procédures spécifiquement prévues par la loi pour garantir le droit à l’identité des enfants disparus et des adultes qui estiment avoir été victimes d’une disparition forcée (ou le droit de ces personnes de voir rétablie leur véritable identité), il existe des procédures de recours contre l’inscription de l’identité au registre national d’identification et d’état civil (sur demande dûment motivée de la partie concernée) et des procédures de recours en révision ou en annulation de la procédure d’adoption, de placement ou de garde (sur ordonnance judiciaire ou sur décision de la Direction générale des adoptions du Ministère de la femme et des populations vulnérables).

98.Depuis la création, en 2004, du sous-système de lutte contre le terrorisme et les crimes contre l’humanité au sein du Bureau du Procureur général de la nation, aucun cas de disparition forcée d’enfant ne s’est présenté.

99.Le Code civil dispose que tout enfant adopté peut demander l’annulation en justice de l’adoption dans l’année qui suit sa majorité, auquel cas la filiation biologique et l’acte d’état civil correspondant sont rétablis, sans effet rétroactif (art. 385). Ce fait d’état civil est ensuite inscrit au registre national d’identification et d’état civil, sur ordonnance judiciaire.

100.Concernant les mécanismes en place pour rechercher et identifier, motu proprio, des enfants disparus entre 1980 et 2000, les dispositions applicables sont celles, d’une part, de la loi no 30740 et, d’autre part, des directives du ministère public et de la Direction générale de la recherche des personnes disparues indiquées dans la réponse aux questions posées au paragraphe 13.

101.Le décret-loi relatif à la protection des enfants et des adolescents privés ou risquant d’être privés de protection parentale (décret-loi no 1297) et son règlement d’application (décret suprême no 001-2018-MIMP) prévoient l’ouverture d’une action publique dans les situations de risque et les situations où des enfants ou des adolescents sont privés de protection familiale, laquelle action publique repose notamment sur la recherche des personnes disparues.