Nations Unies

CMW/C/MDG/CO/1

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. générale

15 octobre 2018

Original : français

Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Observations finales concernant le rapport initial de Madagascar *

1.Le Comité a examiné le rapport initial de Madagascar (CMW/C/MDG/1) à ses 399e et 400e séances (voir CMW/C/SR.399 et 400), les 4 et 5 septembre 2018. À sa 409e séance, le 12 septembre 2018, il a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie, qui a été élaboré en réponse à la liste de points établie avant la soumission du rapport (CMW/C/MDG/QPR/1), ainsi que les informations complémentaires fournies par la délégation multisectorielle et de haut niveau, dirigée par Harimisa Noro Vololona, Garde des Sceaux, Ministre de la justice, et comprenant des représentants de différents Ministères, l’Ambassadeur et le Représentant permanent de Madagascar auprès de l’Organisation des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève, ainsi que d’autres membres de la Représentation permanente. Le Comité se félicite du dialogue ouvert et constructif qu’il a eu avec la délégation.

3.Le Comité note que Madagascar est traditionnellement un pays d’origine de travailleurs migrants mais observe que c’est aussi un pays de destination pour les travailleurs migrants, dont la plupart viennent de France, de Chine, des États-Unis et d’Inde, et qu’elle est de plus en plus un pays de transit pour des migrants venant des Comores, du Cameroun, de Chine, du Congo, d’Égypte, d’Inde, d’Irak, des Philippines et de Sri Lanka. Le Comité constate, en outre, l’existence d’un petit nombre de personnes sollicitant une protection internationale.

4.Le Comité note par ailleurs que certains des pays où sont employés des travailleurs migrants malgaches ne sont pas parties à la Convention, ce qui peut empêcher ces travailleurs de jouir des droits qui leur sont garantis par la Convention.

B.Aspects positifs

5.Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour promouvoir et protéger les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, notamment à travers la création de sections au sein du Ministère de la population, de la protection sociale et de la promotion de la femme et du Ministère des affaires étrangères pour le soutien des travailleurs migrants et la réglementation des agences recrutant des travailleurs malgaches pour des emplois à l’étranger, ainsi qu’à travers les mesures législatives facilitant l’enregistrement des naissances, renforçant la lutte contre la traite des êtres humains et incriminant le travail forcé ainsi que les pratiques analogues à l’esclavage.

6.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a adhéré aux instruments internationaux ci-après ou les a ratifiés :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en juin 2015 ;

b)La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, en septembre 2013 ;

c)La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en décembre 2005 ;

d)La Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, en juin 2005 ;

e)La Convention no 97 (1949) sur les travailleurs migrants (révisée) de l’Organisation internationale du Travail, en juin 2001.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1.Mesures d’application générale (art. 73 et 84)

Législation et application

7.Le Comité note que, selon l’article 137, alinéa 4, de la Constitution de l’État partie, les conventions internationales ratifiées ont une valeur supérieure à la loi et que sa loi no 2003-044 du 28 juillet 2004 portant Code du travail punit, dans son article 261, la discrimination fondée sur la race et l’origine des travailleurs. Il se montre néanmoins préoccupé par l’absence de mesures législatives prises après la signature de la Convention visant à rendre conforme la législation nationale aux dispositions de la Convention, et surtout concernant la loi no 62-006 du 6 juin 1962 fixant l’organisation et le contrôle de l’immigration.

8. Le Comité recommande à l’ État partie :

a) D’ examiner la conformité de sa législation nationale avec la Convention et de l’aligner sur la Convention et les autres traités relatifs aux droits de l’homme ;

b) De prendre en compte les dispositions de la Convention, sans aucune restriction, dans son système juridique national, ses politiques publiques et les procédures des administrations locales, en conformité avec les engagements pris par l’ État partie dans le cadre de l’Examen p ériodique u niversel (A/HRC/28/13, par. 108.39).

Articles 76 et 77

9.Le Comité note que l’État partie n’a pas encore fait les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention reconnaissant la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications d’États parties et de particuliers concernant des violations des droits consacrés par la Convention.

10. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention.

Ratification des instruments pertinents

11.Le Comité note que l’État partie a ratifié presque tous les principaux traités des droits de l’homme, ainsi que plusieurs conventions de l’Organisation internationale du Travail. Il note toutefois que l’État partie n’a pas encore ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, les Conventions no 143 (1975) sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires), no 181 (1997) sur les agences d’emploi privées et no 189 (2011) sur les travailleuses et travailleurs domestiques de l’Organisation internationale du Travail, ainsi que la Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique (Convention de Kampala).

12. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager, dès que possible, de ratifier les conventions sus mentionnées.

Politique et stratégie globales

13.Le Comité prend bonne note des renseignements donnés par la délégation pendant le dialogue sur l’existence d’un projet de politique globale dans le domaine des migrations et indiquant que la finalisation de cette politique faisait partie des priorités de l’État partie dans le cadre du pacte mondial sur la migration.

14. Le Comité recommande à l’ État partie de renforcer ses efforts pour finaliser sa stratégie globale s ur la migration de main d’œuvre, conformément aux dispositions de la Convention , et de veiller à ce qu’elle tienne compte des besoins particuliers de chaque sexe et qu ’elle soit appuyée par des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour assurer s a mise en œuvre et par un mécanisme de suivi. Il recommande également à l’ État partie d’adopter et de mettre en œuvre des projets pour protéger les droits de l’homme de tous les travailleurs migrants mal gaches et des immigrés à Madagascar.

Coordination

15.Le Comité accueille avec satisfaction les renseignements que la délégation a donnés pendant le dialogue indiquant que la mise en place d’une structure de coordination au niveau de la Primature pour la gestion de la migration faisait partie des priorités de l’État partie dans le cadre du pacte mondial pour la migration.

16. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer s es efforts pour :

a) É tendre le mandat du Comité interministériel veillant à la protection des intérêts des travailleurs émigrés pour coordonner toutes les activités liées à la mise en œuvre de la Convention aux niveaux intersectoriel, national, régional et local ;

b) Veiller à ce que cet organe de coordination dispose des ressources humaines, techniques et financières nécessaires à son bon fonctionnement ;

c) Continuer la coopération avec les institutions spécialisées et les programmes du système des Nations Unies et solliciter auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme une assistance technique et un appui pour assurer le bon fonctionnement de cet organe de coordination.

Collecte de données

17.Le Comité note avec satisfaction la mise en œuvre du troisième recensement général de la population et de l’habitation, en juin 2018, et d’un projet de profilage de la diaspora malgache en France, en 2016. Il se montre néanmoins préoccupé par le défaut de données statistiques ventilées permettant de suivre et d’évaluer la mise en œuvre des droits énoncés dans la Convention.

18. Le Comité recommande à l’État partie, conformément à la cible 17.18 des objectifs de développement durable, de mettre en place un système national d’information s sur les migrations afin de collecter des données statistiques et des informations, tant qualitatives que quantitatives, relatives aux migrations et portant sur tous les aspects de la Convention. Cette base de données centralisée devrait comprendre des renseignements détaillés sur le statut de tous les travailleurs migrants qui sont liés à l’État partie, y compris ceux qui sont dans l’ État partie, ceux en transit, ceux qui ont émigré , les travailleurs migrants en situation irrégulière, les enfants migrants non accompagnés et laissés au pays par leurs parents migrants, ainsi que les victimes de la traite. Les données devraient par ailleurs être ventilées par sexe, âge, nationalité, motif d’entrée et de sortie et type de travail effectué, et être utilisé es pour orienter efficacement les politiques migratoires et favoriser l’application des différentes dispositions de la Convention.

Suivi indépendant

19.Le Comité se félicite de la création d’une Commission nationale indépendante des droits de l’homme, en 2014, de la prise de fonction de ses membres, en 2016, et de sa demande d’accréditation, en février 2018. Il est toutefois préoccupé par l’appui institutionnel insuffisant dont bénéficie cette Commission.

20. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De f ournir à la Commission nationale indépendante des droits de l’homme les moyens humains, techniques et financiers dont elle a besoin pour pouvoir s’acquitter efficacement de son mandat, y compris pour traiter les plaintes des travailleurs migrants en conformité avec les engagements pris par l’ État partie dans le cadre de l’Examen p ériodique u niversel (A/HRC/28/13, 108.44) ;

b) De s olliciter une assistance technique auprès du Haut-Commissariat aux droits de l’homme en vue de garantir que l’institution nationale soit pleinement conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme ( Principes de Paris).

Formation et diffusion de l’information sur la Convention

21.Le Comité note les efforts fournis par l’État partie en matière d’éducation, de formation et de sensibilisation aux droits de l’homme. Il est toutefois préoccupé par le manque de programmes de formation portant spécifiquement sur la Convention et les droits qui y sont consacrés pour les parties prenantes, y compris le personnel judiciaire et les forces de l’ordre.

22. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De m ettre au point des programmes d’éducation et de formation sur les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille visés par la Convention, les questions de genre et les droits de l’enfant, et de faire en sorte que ces programmes soient proposés à l’ensemble des fonctionnaires et des personnes travaillant dans le domaine de la migration, en particulier aux membres des forces de l’ordre et aux autorités douanières, aux juges, aux procureurs, aux agents consulaires, aux fonctionnaires nationaux, régionaux et locaux, aux travailleurs sociaux et aux membres des org anisations de la société civile ;

b) De r enforcer l’action qu’il mène avec les organisations de la société civile et les médias pour diffuser des informations sur la Convention et promouvoir cet instrument sur tout le territoire ;

c) D’o rganiser des sessions de formation à l’intention des journalistes des médias sociaux et des autorités locales pour leur permettre d’avoir une bonne connaissance de la Convention et la faire respecter.

Participation de la société civile

23.Le Comité est préoccupé par la faible contribution de la société civile à son dialogue avec l’État partie, et parl’insuffisanteconsultation de la société civile par l’État partie et le soutien insuffisant qu’il lui apporte pour sa participation à la mise en œuvre de la Convention.

24. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’envisager des mesures proactives et systématiques de consultation de la société civile et des organisations non gouvernementales pour la mise en œuvre de la Convention et pour la négociation et le suivi des accords bilatéraux ;

b) De renforcer le soutien à ces organisations pour qu’elles participent à la mise en œuvre de la Convention, y compris dans les pays où sont employés des travailleurs migrants mal gaches .

Corruption

25.Le Comité accueille avec satisfaction les renseignements que la délégation a donnés pendant le dialogue sur les efforts de l’État partie pour combattre la corruption, y compris au sein de la police nationale, liée aux irrégularités dans la délivrance d’actes de naissance et de visas, ainsi qu’à la fraude dans la documentation des travailleurs migrants.

26.Le Comité recommande à l’État partie de renforcer ses efforts pour faire face à tous les cas de corruption et lui recommande d’enquêter, de manière approfondie, sur toute affaire dans laquelle pourraient être impliqués des fonctionnaires, et de leur appliquer des sanctions appropriées. Le Comité recommande également à l’État partie de mener des campagnes d’information pour encourager les travailleurs migrants et les membres de leur famille victimes de corruption ou de fraude à porter plainte, et d’informer davantage les travailleurs migrants et les membres de leur famille sur les services mis gratuitement à leur disposition.

2.Principes généraux (art. 7 et 83)

Non-discrimination

27.Le Comité note que l’article 6 de la Constitution de l’État partie protège les individus contre la discrimination fondée sur le sexe, le degré d’instruction, la fortune, l’origine, la croyance religieuse ou l’opinion, et que l’article 28 protège contre la discrimination au travail. Il regrette toutefois :

a)Que ni la Constitution, ni la législation nationale en matière d’emploi et de conditions de travail n’interdit tous les motifs de discrimination énumérés dans la Convention (voir art. 1, par. 1, et art. 7) ;

b)De ne pas disposer d’informations sur les pratiques réelles et d’exemples qui permettraient d’évaluer le degré de réalisation du droit à la non‑discrimination garanti par la Convention pour tous les travailleurs migrants, qu’ils soient en situation régulière ou non.

28. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires, notamment en modifiant sa législation , pour :

a) Garantir que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille qui se trouvent sur son territoire ou sous sa juridiction, qu’ils soient pourvus ou non de documents, jouissent sans discrimination des droits consacrés par la Convention, conformément à son article 1, paragraphe 1 , et à son article 7 ;

b) Veiller à ce que tous les travailleurs migrants en situation irrégulière, dans le secteur informel et en transit bénéficient de l’égalité de traitement avec les nationaux.

Travailleuses migrantes

29.Le Comité note que la législation de l’État partie en matière de mariage interdit les pratiques néfastes, telles que la polygamie et le mariage forcé. Il exprime toutefois sa préoccupation quant aux informations indiquant l’existence de ces pratiques, qui sont des facteurs incitant à la migration. Il se montre également préoccupé par le fait que les opportunités économiques limitées contraignent les femmes et filles migrantes à recourir aux activités informelles qui les exposent à des mauvais traitements, et cela surtout dans les secteurs traditionnellement féminins, comme le travail domestique. Le Comité note par ailleurs que la législation nationale relative à la migration ne contient pas de disposition claire et spécifique protégeant les migrantes contre la discrimination fondée sur le sexe ou leur garantissant une protection spéciale.

30. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter et d’appliquer des mesures destinées à garantir les droits de toutes les travailleuses migrantes, y compris les travailleuses domestiques, en conformité avec l’observation générale n o 1 (2011) sur les travailleurs domestiques migrants, par les moyens suivants :

a) Protéger leurs droits en matière de travail, dans le respect des principes d’égalité et de non-discrimination, notamment en garantissant l’établissement de documents d’identification individuels pour toutes les femmes et filles à toutes les étapes de la migration ;

b) Garantir l’accès des travailleuses migrantes à la sécurité sociale, les salaires, les contrats de travail, le licenciement, l’indemnisation et l ’ accès à la justice, et permett re aux services d’inspection du travail de contrôler efficacement les conditions du travail domestique ;

c) Garantir que toutes les travailleuses migrantes reçoivent un soutien légal, aient accès à la justice et à un recours effectif , notamment dans les cas de harcèlement sexuel , et aux soins médicaux, y compris dans le domaine de la santé sexuelle et procréative ;

d) Mettre en place des mécanismes de sélection des candidats aux programmes bilatéraux de migration de main-d’œuvre qui tiennent compte des questions de genre ;

e) Intégrer dans sa législation une interdiction claire et spécifique de la discrimination fondé e sur le sexe à l ’ égard des femmes migrantes.

Accès à un recours effectif

31.Le Comité prend note des informations fournies pendant le dialogue quant à la création de services d’orientation sur les procédures judicaires, ainsi que de la création, en 2015, du Service des travailleurs migrants pour soutenir les travailleurs migrants dans ce domaine. Le Comité exprime toutefois sa préoccupation quant à la limitation des possibilités de recours des travailleurs migrants faisant l’objet d’une procédure d’expulsion, en vertu de l’article 15 de la loi no 62-006, notamment pour un recours administratif, et quant aux procédures d’expulsion expéditives qui les empêchent de faire usage de cette possibilité de recours.

32. Le Comité recommande à l’État partie de prendre l es mesures nécessaires pour que les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux en situation irrégulière  :

a) Aient accès à un recours judiciaire , notamment dans un contexte de justice transfrontalière et en cas d e décision d’expulsion , et obtiennent réparation devant les tribunaux en cas de violation des droits qu’ils tiennent de la Convention ;

b) S oient informés des recours judiciaires et autres qui leur sont ouverts en cas de violation des droits qu’ils tiennent de la Convention, et ce , dans les langues qu ’ils comprennent ;

c) A ient accès à la justice et aux services de police, de santé, de sécurité sociale et de logement sans craindre de représailles en raison de leur statut de migrant en situation irrégulière .

3.Droits de l’homme de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)

Exploitation par le travail et autres formes de mauvais traitements

33.Le Comité prend note de l’adoption de mesures législatives contre la traite, le travail forcé d’enfants et le tourisme sexuel. Il se montre toutefois préoccupé par :

a)Des informations faisant état de l’exploitation par le travail de travailleurs migrants, y compris d’enfants, de servitude domestique, de travail forcé et d’exploitation sexuelle à des fins commerciales ;

b)L’impunité en lien avec les cas d’exploitation sexuelle à des fins commerciales, et des lacunes dans l’application de la législation sur le tourisme sexuel ;

c)Le fait que l’État partie ne fournisse pas de données permettant de dresser un aperçu de la situation de la servitude domestique, du travail forcé et de l’exploitation sexuelle de travailleurs migrants, y compris d’enfants, sur son territoire, ni d’informations sur son action pour prévenir et éradiquer ces pratiques.

34. Le Comité recommande à l’État partie , conformément aux objectifs de développement durable (cibles 8.8 et 16.2 ) :

a) De s’assurer que l’inspection du travail contrôle de manière plus régulière les conditions de travail des travailleurs migrants en situation régulière et irrégulière, y compris dans le secteur informel, et rapport e systématiquement les cas d’ab us aux autorités ;

b) D’intensifier ses efforts pour mettre en œuvre son dispositif juridique et appliquer des sanctions appropriées aux employeurs qui exploitent des travailleurs migrants, en particulier les travailleuses domestiques, ou qui les soumettent au travail forcé et leur infligent des sévices ;

c) De fournir une assistance, une protection et une réadaptation adéquate, notamment une réadaptation psychosociale, aux migrants victimes d’abus sexuels et d’exploitation par le travail, en particulier aux femmes et aux enfants ;

d) De garantir la mise en œuvre des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme  ;

e) De faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur l’exploitation des travailleurs migrants, y compris ceux en situation irrégulière.

Régularité de la procédure, détention et égalité devant les tribunaux

35.Le Comité note que l’article 53 bis du Code de procédure pénale prévoit l’obligation pour le juge d’informer l’inculpé de son droit de choisir un défenseur parmi les avocats inscrits au barreau de l’État partie, un agent d’affaires ou toute personne de son choix. Il exprime toutefois sa préoccupation par rapport :

a)Au placement en détention pour infraction à la législation sur la migration, sans recours à une justification adaptée au cas individuel et basée sur la nécessité ;

b)Au manque d’informations sur les mesures de substitution à la détention de travailleurs migrants, y compris ceux qui se trouvent en situation irrégulière, et surtout pour les enfants non accompagnés et les familles avec enfants ;

c)À l’absence d’informations sur la durée maximale et les conditions de détention administrative des travailleurs migrants en attente d’expulsion ;

d)À l’absence de données statistiques sur les cas de placement en rétention administrative de travailleurs migrants et des membres de leur famille pour des motifs liés à la migration irrégulière.

36. Le Comité recommande à l’ État partie :

a) De v eiller à ce que la détention des migrants soit une mesure exceptionnelle, de dernier recours et limitée à la durée la plus brève possible, qu’elle soit fondée sur le cas d’espèce, notamment sur les raisons pour lesquelles des mesures de substitution ne peuvent pas être mises en œuvre, et qu’elle soit examinée sous vingt ‑ quatre heures par une autorité judiciaire indépendante et impartiale  ;

b) D’a dopter des mesures de substitution à la détention administrative pour les travailleurs migrants et les membres de leur famille qui ont violé la législation sur la migration, ainsi que ceux qui sont en attente d’expulsion du territoire national ;

c) De v eiller à ce que les travailleurs migrants et les membres de leur famille, dans d es cas exceptionnels où la détention ne peut pas être évité e , soient placés dans des établissements spéciaux, qu’ils soient séparés des détenus de droit commun et que les conditions de détention soient conformes à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) , en accord avec les engagements pris dans le cadre de l’Examen périodique u niversel en 2014 (A/HRC/28/13, par. 108.118) ;

d) De f aire figurer, dans son prochain rapport périodique, des informations détaillées et ventilées par âge, sexe, nationalité et/ou origine sur le nombre de travailleurs migrants actuellement placés en rétention administrative pour des infractions à la législation relative à l’immigration, ainsi que sur le lieu, la durée moyenne et les conditions de leur rétention .

Assistance consulaire

37.Le Comité note avec satisfaction la création d’un service de protection et d’assistance pour les Malgaches à l’étranger, en 2017. Il constate toutefois avec préoccupation :

a)La présence limitée de représentations diplomatiques et consulaires de l’État partie dans les pays de destination des travailleurs migrants malgaches, y compris le Koweït et le Liban ;

b)Le manque d’informations concrètes sur l’assistance fournie aux travailleurs migrants malgaches et aux membres de leur famille établis à l’étranger, y compris à ceux en situation irrégulière et victimes d’abus, privés de liberté et/ou qui font l’objet de mesures d’expulsion.

38. Le Comité recommande à l’ État partie :

a) De renforcer les efforts de coopération avec les pays de destination des travailleurs mal gaches et d es membres de leur famille, y compris la Chine, le Koweït, le Liban et d’autres pays du Golfe, pour garantir une protection des droits des travailleurs migrants mal gaches et des membres de leur famille à l’étranger , et ce , même en l’ absence d’une représentation diplomatique ou consulaire de l’ État partie  ;

b) De renforcer les capacités de ses services diplomatiques ou consulaires pour que ceux -ci puissent s’acquitte r de manière efficace de leur mission de protection et de promotion des droits des travailleurs migrants mal gaches et des membres de leur famille , y compris de ceux qui sont privés de liberté ou visés par une décision d’expulsion .

Enregistrement des naissances et nationalité

39.Le Comité prend note des mesures législatives prises par l’État partie pour réduire l’apatridie. Il s’inquiète toutefois du nombre élevé de personnes apatrides dans l’État partie, et :

a)Du manque d’informations sur les conditions dans lesquelles les enfants des travailleurs migrants malgaches à l’étranger et des travailleurs migrants à Madagascar peuvent être enregistrés à la naissance ou plus tard et avoir leur nationalité d’origine reconnue ;

b)Des conditions difficilement accessibles pour la naturalisation dans l’État partie ;

c)Des délais dans la création du comité chargé de statuer sur les cas d’apatridie, conformément à l’arrêté no 1236 du 1er juillet 1961.

40. Le Comité recommande à l’ État partie :

a) De garantir que tous les enfants de travailleurs migrants malgaches à l’étranger et de travailleurs migrants à Madagascar so ie nt enregistrés à la naissance , de faciliter les enregistrements tardifs, et de garantir qu’ils reçoivent des documents d’identification, en conformité avec l’objectif de développement durable (but 16.9) et les engagements pris dans le cadre de l’Examen périodique universel ( A/HRC/28/13, par. 108.62) , d e collaborer avec les État s d’origine des travailleurs migrants dans l’ État partie, y compris ceux qui se trouvent en situation irrégulière , les apatrides et ceux qui n’ont pas de documents d’identité , pour la reconnaissance de leur nationalité , et de sensibiliser les travailleurs migrants et les membres de leur famille à l’importance de l’enregistrement des enfants à la naissance ;

b) De s implifier les procédures de naturalisation pour les enfants nés à Madagascar de parents étrangers , apatrides ou qui n’ont pas le droit de transmettre leur nationalité à leurs enfants à l’étranger  ;

c) D’allouer les ressources humaines, techniques et financières nécessaires à la mise en œuvre de la loi n o 61-025 et à la création du comité chargé de statuer sur les cas d’apatridie ;

d) D ’ adhér er à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie.

Formation professionnelle

41.Le Comité prend note de l’adoption, en 2015, d’une politique nationale de l’emploi et de la formation professionnelle.

42. Le Comité recommande à l’ État partie d’allouer les ressources humaines, techniques et financières nécessaires pour mettre en œuvre la p olitique n ationale de l’ e mploi et de la f ormation p rofessionnelle et de garantir que les travailleurs migrants aient le même accès que les nationaux aux programmes correspondants, conformément à l’art icle 43 ( alinéas b ) et c ) ) de la Convention .

Droit de transférer ses gains et ses économies

43.Le Comité prend note des renseignements donnés par la délégation pendant le dialogue sur les flux de fonds des travailleurs migrants malgaches à l’étranger et des travailleurs migrants se trouvant dans l’État partie. Il exprime toutefois sa préoccupation par rapport à l’absence d’informations sur des partenariats avec des institutions financières permettant de faciliter le transfert des revenus et sur les frais que les travailleurs migrants doivent supporter lorsqu’ils veulent rapatrier leurs gains et leurs économies dans leur pays d’origine.

44. Le Comité recommande à l’ État partie de fournir des renseignements dans son prochain rapport périodique sur :

a) L e coût du transfert de s gains et économies des travailleurs migrants dans leur pays d’origine ;

b) Les mesures prises pour faciliter ces transferts à Madagascar, conformément à la cible 10 c ) des objectifs de développement durable ;

c) La réglementation bancaire et les contrôles auxquels sont soumises les institutions financières, destinés à empêcher que les travailleurs migrants rentrant au pays aient à payer des taux et commissions excessifs.

4.Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille pourvus de documents ou en situation régulière (art. 36 à 56)

Libre choix de la profession

45.Le Comité regrette que la loi no 062-006, dans son article 8, permette de restreindre les professions que les travailleurs migrants peuvent exercer, et que l’article 9 de la même loi interdise aux travailleurs migrants de dévier de la profession inscrite sur leur carte de séjour.

46. Le Comité recommande à l’ État partie de garantir aux travailleurs migrants sur son territoire le droit de choisir librement leur activité rémunérée, et d’ aligner les lois, règlements et pratiques gouvernant les permis de séjour et de résidence sur les dispositions de l’art icle 52 de la Convention .

5.Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 64 à 71)

Enfants en situation de migration internationale

47.Le Comité regrette de manquer d’informations sur le nombre d’enfants restés au pays d’origine et d’enfants revenus dans l’État partie, ainsi que sur les politiques mises en œuvre par l’État partie pour faciliter leur réinsertion.

48. Le Comité recommande à l’État partie , conformément à l’observation générale conjointe n o 3 (2017) du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n o  22 (2017) du Comité des droits de l’enfant sur les principes généraux relatifs aux droits de l’homme des enfants dans le contexte des migrations internationales, et à l’observation générale conjointe n o 4 (2017) du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n o  23 (2017) du Comité des droits de l’enfant sur les obligations des États en matière de droits de l’homme des enfants dans le contexte des migrations internationales dans les pays d’origine, de transit, de destination et de retour :

a) D’adopter une stratégie globale visant à promouvoir et protéger les droits des enfants et de la famille des travailleurs mal gaches , en particulier au moyen de programmes dans les domaines de l’éducation, de l’entrepreneuriat, de la formation et d e l ’action sociale, et de coopérer davantage à ces fins avec les acteurs de la société civile sur place et dans le pays d’origine ;

b ) De donner des renseignements, dans son prochain rapport périodique, sur les mesures qui auront été prises po ur la réinstallation et la réinsertion des travailleurs migrants mal gaches à leur retour, y compris le regroupement avec leurs enfants qui sont restés au pays .

Coopération internationale avec des pays de transit et de destination

49.Le Comité accueille avec satisfaction les renseignements que la délégation a donnés pendant le dialogue sur les négociations d’accords bilatéraux en cours avec l’Arabie saoudite, Maurice et le Liban. Il note également le renouvèlement de l’accord-cadre entre l’État partie et les Comores en 2016. Le Comité regrette toutefois :

a)L’absence d’informations sur les accords bilatéraux que l’État partie aurait conclus avec d’autres pays accueillant des travailleurs migrants malgaches, tels que la Chine, l’Inde et le Koweït ;

b)Les lenteurs dans les négociations avec l’Arabie saoudite, et que les accords de 1967, 1969 et 1973 avec la France n’aient pas été revus après la ratification de la Convention.

50. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) D ’intensifier ses efforts pour la signature d’ a ccord s bilatéraux avec l’Arabie saoudite , Maurice et le Liban, ainsi qu’ avec tous les pays accueillant des travailleurs migrants mal gaches , afin de favoriser la migration régulière, de garantir des conditions saines, équitables et humaines , et que ses ressortissants aient la possibilité de recourir à la protection et à l’assistance, y compris l’assistance juridique, si besoin est, des autorités consulaires pour faire respecter leurs droits , en conformité avec la Convention  ;

b) De veiller à ce que ces accords bilatéraux soient pleinement inspirés des dispositions de la Convention, de l’ o bservation générale n o 1, de l’ o bservation générale n o  2 (2013) sur les droits des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leur famille, et des observations générales n o 3 et n o 4 .

Agences de recrutement

51.Le Comité note avec satisfaction l’adoption de l’arrêté no 20307/2015/MEETFP du 11 juin 2015 fixant les modalités d’octroi et de retrait d’agréments des bureaux de placement privés et leurs obligations. Il est néanmoins préoccupé par des informations indiquant que des agences informelles continuent à procéder à des recrutements, y compris d’enfants.

52. Le Comité recommande à l’ État partie, en conformité avec les Principes de Dhaka pour la migration dans la dignité  :

a) D e d évelopper des outils opérationnels pour aider les employeurs, les intermédiaires de recrutement et les gouvernements à mettre en œuvre l’arrêté n o 20307/2015/MEETFP du 11  juin 2015, en coopération avec l’O rganisation internationale pour les migrations , pour promouvoir et renforcer les processus de recrutement et d’emploi éthiques et transparents ;

b) De r enforcer le contrôle et les inspections des agences de recrutement pour veiller à ce que des conditions de travail adaptées soi en t offert es aux travailleurs migrants  ;

c) De m ettre en place un système de poursuite effectif pour les agences de recrutement qui dérogent aux règles en vigueur .

Migration irrégulière et traite des personnes

53.Le Comité prend note de l’adoption de la loi et d’une politique nationale sur la lutte contre la traite des êtres humains. Il exprime pourtant son inquiétude par rapport :

a)À la présence de migrants et des membres de leur famille en situation irrégulière dans l’État partie, et au fait que l’obligation de cautionnement et les tarifs élevés des cartes de séjour ne leur permettent pas de régulariser leur situation ;

b)Aux informations signalant que le territoire de l’État partie sert de tremplin à des réseaux de traite d’êtres humains ;

c)Aux informations indiquant que la suspension de l’envoi de travailleurs malgaches dans les pays à haut risque, à travers le décret no 2013-594 du 6 août 2013, a pour effet d’encourager la migration irrégulière et expose ainsi les travailleurs migrants à la traite en Arabie saoudite, au Liban et en Chine ;

d)Au manque de confiance dans l’appareil judiciaire et à la peur des répercussions, qui contribuent au taux bas de condamnations pour traite de personnes, servitude domestique et exploitation sexuelle ;

e)Aux informations indiquant que les services de soutien, de réhabilitation, d’intégration et les réparations ne sont pas garantis à toutes les victimes de la traite.

54. Le Comité recommande à l’ État partie , conformément à l’observation générale n o 2 et aux Principes et directives concernant les droits de l ’ homme et la traite des êtres humains recommandés par le H aut-Commissariat aux droits de l’homme :

a) De prendre l es mesures appropriées pour mettre en place de s procédures de régularisation de la situation des travailleurs migrants en situation irrégulière et de veiller à ce que ceux-ci soient informés de ces procédures  ;

b) D ’ allouer des ressources budgétaires suffisantes à l’amélioration de la gestion des frontières , et de renforcer le s formations sur la traite des êtres humains d es agents des frontières, juges, procureurs, inspecteurs du travail, enseignants, agents de santé et employés des consulats et ambassades de l’ État partie ;

c) D’é tablir des accords bilatéraux permettant de veiller à ce que les travailleurs migrants soient protégés contre les abus et l’exploitation, plutôt que d’interdire les migrations en direction de destinations précises ;

d) De mettre en œuvre le manuel de procédure visant à détecter et à juger les cas de traite des êtres humains, de v eiller à ce que tous les actes de traite des personnes et les infractions connexes, y compris la complicité, fassent l ’ objet d ’ une enquête, d e poursuite s et d ’ une répression rapide et efficace , et de garantir que tous les victimes et témoins de crimes, y compris des enfants, bénéficient de la protection garantie par la Convention ;

e ) De garantir l’accès de tou tes les victimes de traite à une assistance juridique, psychologique, médicale et sociale, ainsi qu’à des foyers et des réparations , indépendamment de leur capacité ou de leur volonté de se porter témoin , et de mett re en œuvre son manuel de prise en charge des victimes .

6.Diffusion et suivi

Diffusion

55. Le Comité demande à l’État partie de garantir la diffusion rapide des présentes observations finales, dans la langue officielle de l’État partie, aux institutions d’État pertinentes à tous les niveaux, notamment auprès des ministères, du Parlement, de l’appareil judiciaire et des autorités locales, ainsi qu’aux organisations non gouvernementales et autres membres de la société civile.

Assistance technique

56. Le Comité recommande à l’État partie de faire appel à l’assistance internationale pour la mise en œuvre des recommandations contenues dans les présentes observations finales conformément au Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Suivi des observations finales

57. Le Comité invite l’État partie à lui fournir, d’ici deux ans, soit le 1 er octobre 2020 au plus tard, des informations écrites sur la mise en œuvre des recommandations figurant aux paragraphes 8, 20, 38 et 50 ci-dessus .

Prochain rapport périodique

58. Le Comité prie l’État partie de soumettre son deuxième rapport périodique d’ici au 1 er octobre 2023. Pour ce faire, l’État partie peut souhaiter suivre la procédure simplifiée. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur ses directives harmonisées ( HRI/GEN.2/Rev.6 ).