Nations Unies

CAT/C/BEL/CO/2/Add.1

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.: générale

28 mars 2011

Original : français

Anglais et français seulement

Comité contre la torture

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 19 de la Convention

Réponses de suivi de la Belgique aux observations finales du Comité contre la torture (CAT/C/BEL/CO/2 )

Belgique

[Reçues le 17 mars 2010]

I. Introduction

1.Le Comité contre la torture a examiné le deuxième rapport périodique de la Belgique (CAT/C/BEL/2) à ses 850e et 853e séances, les 12 et 13 novembre 2008 (CAT/C/SR. 850 et 853), et adopté ses observations finales (CAT/C/BEL/CO/2) le 19 novembre 2008. Dans ce document (par. 31), le Comité a demandé à la Belgique de lui présenter, dans un délai d’un an, des informations sur la suite donnée aux recommandations énoncées aux paragraphes 6, 7, 11, 16, 20 et 27 de ses observations finales. Les renseignements demandés sont fournis ci-après.

Réponse au paragraphe 6 des observations finales (CAT/C/BEL/CO/2)

A.Contrôle externe des rapatriements

2.Le contrôle sur l’éloignement des étrangers est assuré par: la police aéronautique de la police fédérale (LPA/BRUNAT), chargée de l’encadrement des opérations d’éloignement; l’Inspection générale de la police fédérale et de la police locale (AIG), chargée du contrôle préventif et du traitement des plaintes éventuelles; et le Comité P, chargé du contrôle externe dans ses aspects judiciaires et non judiciaires, à son initiative ou à la suite d’une plainte ou d’une dénonciation.

3.Le commandement de LPA/BRUNAT a développé des procédures, d’une part, pour limiter au maximum le risque de dérapage individuel dans le chef des fonctionnaires de police affectés à une mission d’éloignement et, d’autre part, pour garder sous contrôle permanent l’exécution de ces missions.

4.Les directives relatives à l’encadrement des vols ont été définies par LPA/BRUNAT dans une note-cadre. Faire preuve d’humanité lors des éloignements tout en observant strictement les prescriptions en la matière est une véritable gageure pour les membres de LPA/BRUNAT. L’objectif initial est de convaincre la personne à rapatrier de quitter le territoire sans opposer de résistance pour éviter le recours à la contrainte dans le chef des fonctionnaires de police. La mise en œuvre de l’équipe de soutien social et psychologique (ESSP) de LPA/BRUNAT permet d’atteindre cet objectif en limitant le nombre des personnes qui ne souhaitent pas partir. Quand bien même il faudrait malgré tout recourir à la contrainte pour procéder au rapatriement d’une personne ne souhaitant pas quitter volontairement le territoire, celle-ci doit toujours être légale, proportionnelle et opportune conformément aux directives en usage au sein de la police fédérale.

5.Lors d’une mission avec escorte, on prévoit, en plus des deux escorteurs (au minimum), des personnes chargées du transfèrement, un membre de l’équipe de soutien social et psychologique (ESSP) ainsi qu’un membre du cadre qui accompagne l’escorte au moins jusqu'à l’arrivée de l’avion. Les cadres sont chargés d’évaluer (sur la base de certains critères) les moyens de contrainte qu’il convient d’appliquer ou si l’escorte doit être interrompue. Ils complètent le numéro de notification, font remplir ce formulaire par BAC-Security et par le commandant de bord, et pour finir prennent toutes dispositions pratiques avec ce dernier et son équipage. Les cadres s’occupent également du «briefing» préalable ainsi que du «débriefing» en cas d’échec de la tentative d’éloignement. Une check - list a été établie spécialement pour les escortes. Un médecin est toujours présent à l’aéroport, auquel on peut faire appel à tout moment au cours de la procédure d’embarquement.

6.L’Inspection générale de la police fédérale et de la police locale (AIG), chargée du contrôle préventif et éventuellement de l’inspection ou du traitement des dossiers de plainte, remet chaque année un rapport au Ministre de l’intérieur sur le contrôle des éloignements. En moyenne, l’AIG contrôle un pour cent des vols de ligne. Les vols sécurisés font pratiquement tous l’objet d’un contrôle. L’AIG n’a constaté que peu d’opposition au moment de l’extraction des cellules de LPA/BRUNAT, pendant l’accompagnement jusqu’à l’avion, et une fois que l’avion a décollé. En cas de manquements, l’AIG mène une enquête approfondie.

7.Le Comité P prend l’initiative d’effectuer des contrôles spécifiques des installations de la police à l’aéroport de Bruxelles-National ou au moment de l’embarquement de personnes à rapatrier. Au début de 2009, le Comité P a procédé à un contrôle des lieux d’enfermement situés dans l’aéroport et utilisés avant les rapatriements. Afin de mieux évaluer les missions mais aussi les contraintes de ce service de la police fédérale, le Comité P effectue des visites de travail à l’aéroport de Bruxelles-National; une visite a eu lieu dans le courant de l’année 2005 et une autre au début de 2009.

8.Le Comité P effectue également un contrôle marginal sur la manière dont l’Inspection générale contrôle et inspecte les opérations de rapatriement. Le Comité P en rend compte systématiquement dans ses rapports annuels d’activités. Une note de synthèse sur l’ensemble de la question devrait être rendue publique sous peu.

9.Lors de l’examen des plaintes introduites auprès du Comité P et/ou confiées au Comité P par les autorités judiciaires pour des faits éventuels de coups et blessures ou de comportements inadéquats dans le chef des fonctionnaires de police en charge des missions d’éloignement, un procès-verbal judiciaire est systématiquement rédigé à l’attention du parquet, et cela avant tout dépôt de plainte par la victime. Ce procès-verbal est, en règle générale, rédigé le jour de la tentative d’éloignement par le détachement policier de l’aéroport. Dès lors, c’est au parquet ou au juge d’instruction qu’il appartient de désigner le service qui sera chargé de mener l’enquête.

B.Accès aux cellules et zones d’embarquement et contrôle des ONG

10.Plusieurs instances ont accès tant aux cellules qu’aux zones d’embarquement: des organes de contrôle des services de police tant internes qu’externes (le Comité P, l’Inspection générale de la police fédérale et de la police local ainsi que le service de contrôle interne de la police fédérale), le parquet, les commissions parlementaires dans le cadre de leurs compétences, ainsi que le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) pour l’exécution de ses visites de contrôle.

11.Les dispositions règlementaires actuelles ne prévoient pas l’accès des ONG aux zones d’embarquement lors de l’éloignement par voie d’air des étrangers. Comme indiqué ci-dessus, l’ État belge a en effet ses propres organes de contrôle qui sont, d’une part, l’Inspection générale de la police fédérale et locale (AIG), qui est placée sous l’autorité du Ministre de l’intérieur et, d’autre part, le Comité P, ce dernier étant l’organe de contrôle du parlement fédéral. Ces organes de contrôle sont indépendants et veillent au respect des recommandations en matière d’éloignement émises par une commission d’éthique, la Commission Vermeersch. La préparation et l’exécution d’une opération d’éloignement demande beaucoup de concentration, de la rigueur et de la discrétion de la part des policiers qui doivent en tout temps observer scrupuleusement les recommandations de la Commission Vermeersch. Il a donc été jugé préférable de ne pas compromettre le bon déroulement de telles opérations car toute perturbation extérieure peut avoir des conséquences sur la sécurité et provoquer l’échec de l’opération.

12.Cependant, la question de l’exercice par les ONG d’un contrôle sur les opérations d’éloignement a été soulevée lors de l’évaluation des procédures d’éloignement par la Commission Vermeersch II en 2005. Tout en plaidant en faveur d’un contrôle des organisations non gouvernementales, en sus des contrôles externes exercés par le Comité P et l’Inspection générale, ces organisations étaient toutefois bien conscientes du fait qu’elles ne disposaient ni du temps ni des moyens nécessaires pour organiser une forme efficiente de contrôle externe sur les éloignements.

13.Le Gouvernement belge se penche actuellement sur la mise en œuvre (prévue fin 2010) de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, qui prévoit en son article 8.6 (relatif à l’éloignement) que «Les États membres prévoient un système efficace de contrôle du retour forcé».

14.Cette directive a fait l’objet d’une discussion à la 8ème réunion des «Direct Contact Points in Return Matters» qui s’est tenue à Prague, à la fin de mai 2009. Il a été observé que ni la directive européenne ni les principes directeurs ne précisent la portée du monitoring attendu. La Commission européenne a indiqué que l’entièreté de la procédure de retour forcé doit être couverte. Le monitoring doit inclure des parties tierces (indépendantes) différentes des autorités qui ont exécuté le retour; ce qui n’implique pas nécessairement qu’il doive s’agir d’ONG.

15.Il est toutefois prévu d’associer d’une certaine manière les ONG au contrôle des procédures d’éloignement, en les faisant participer aux travaux de la Commission Parmentier, une commission permanente chargée du suivi des procédures d’éloignement. Cette Commission sera chargée de vérifier de quelle manière les recommandations formulées en matière d’éloignement sont suivies et mises en œuvre. Elle sera également chargée de dresser une évaluation plus générale de la politique d’éloignement des étrangers dans le contexte global de la politique de migration et d’asile.

C.Utilisation des caméras

16.En 2002, les autorités belges avaient déjà été amenées à se prononcer sur la question de l’utilisation de moyens audiovisuels, s’agissant des «départs forcés avec escorte» ou des «vols sécurisés», en réponse à la recommandation n° 36 formulée par le CPT dans son rapport de visite CPT/Inf (2002) 25.

17.Sur le plan pratique, filmer l’opération d’éloignement dans son entièreté (depuis la prise en charge de la personne, son transfert vers l’aéroport, la fouille, le séjour en cellule, la préparation du transfert vers l’appareil, le transfert vers l’appareil, l’embarquement, le placement dans le fauteuil, l’embarquement d’autres passagers, le vol et jusqu’à la remise de l’intéressée au service d’immigration locale) est irréalisable.

18.Sur le plan législatif, le recours à des caméras dans le cadre des rapatriements est, en l’état actuel, légalement impossible. En effet, l’utilisation des caméras de surveillance est régie par la loi du 21 mars 2007 réglant l’installation et l’utilisation de caméras de surveillance. En vertu de celle-ci, le recours à des caméras de surveillance fixes est subordonné à l’apposition d’un pictogramme avertissant les personnes qu’elles sont filmées. Or, l’itinéraire emprunté dans le cadre des rapatriements (depuis l’extraction de la cellule ou du centre jusqu’à l’arrivée à destination) ne se prête pas au respect de cette prescription légale. À défaut de pictogramme, la vidéosurveillance n’est légitime que moyennant le consentement des personnes filmées, à savoir les personnes rapatriées, les fonctionnaires de police intervenant ainsi que les tiers qui se trouveraient, le cas échéant, dans le champ de la caméra. Or, l’obtention du consentement de toutes les personnes précitées est pratiquement impossible. Quant au recours à des caméras mobiles, il n’est possible que dans le cadre de grands rassemblements et manifestations présentant un risque pour l’ordre public, ce qui ne correspond pas à la situation analysée.

19.Dans son rapport final, la Commission Vermeersch II a, elle aussi, examiné la proposition consistant à filmer toutes les opérations d’éloignement des étrangers du début jusqu’à la fin et ce, tant dans un but préventif que dans le but d’effectuer un contrôle aposterioride la contrainte utilisée par la police, et a estimé qu’une telle pratique n’était pas opportune. La Commission Vermeersch II a également attiré l’attention sur le fait que la présence d’une caméra et d’une équipe qui filme peut également avoir un impact sur la personne à éloigner, qui pourrait y voir un stimulant pour se comporter autrement qu’elle ne l’aurait fait s’il n’y avait pas de caméra aux alentours.

Réponse au paragraphe 7 des observations finales

20.L’assistance, l’accueil et le suivi des enfants non accompagnés constituent un domaine d’action important pour la Belgique. Plusieurs autorités sont compétentes à des degrés et à des moments différents ou agissent de concert dans ce processus. Voici une série de mesures mises en place par les différents partenaires:

A.Office des étrangers

21.La circulaire du 25 juillet 2008 modifiant la circulaire du 23 avril 2004 relative à la fiche «mineur étranger non accompagné» a été adoptée par les Ministres de la migration et de la politique d’asile et de l’intérieur. Cette nouvelle fiche améliore la lisibilité et sensibilise les acteurs de première ligne à l’importance d’indiquer  le risque que le mineur étranger non accompagné (MENA) soit une victime potentielle de la traite des êtres humains ou de certaines formes aggravées de trafic d’êtres humains et tous nouveaux éléments motivant le doute sur la minorité invoquée.

22.Dans le cadre de la procédure de séjour, depuis le 1er juin 2009, l’Office des étrangers auditionne systématiquement au moins une fois le MENA en vue de déterminer une solution durable, en tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant.

23.Le personnel du Bureau MINTEH de l’Office des étrangers a suivi une formation sur l’audition, l’interculturalité et le traumatisme des mineurs. Dans un souci d’effectuer une audition adaptée aux besoins des mineurs, le personnel a également suivi, en avril 2009, une formation dispensée par «Solentra». À la suite de cette formation, au moins deux séances de «supervision» sont organisée à partir de situations concrètes vécues comme difficiles par le personnel au cours de l’audition. Le personnel du Bureau MINTEH auditionne le MENA accompagné de son tuteur dans des locaux affectés et adaptés exclusivement à l’audition des MENA.

24.Un accord de collaboration a été signé le 24 juin 2009 entre les postes diplomatiques (SPF Affaires étrangères) et l’Office des étrangers (SPF Intérieur) afin d’optimaliser la recherche des membres de la famille et de déterminer une solution durable pour chaque MENA.

25.Les articles 61/2 à 61/5 de la loi du 15 décembre 1980 prévoient la protection des victimes de la traite des êtres humains ou de certaines formes de trafic des êtres humains. Cette loi contient des dispositions spécifiques relatives aux MENA (mise immédiatement à disposition d’un document de séjour, représentation par le tuteur, etc.).

26.La circulaire du 26 septembre 2008 relative à la mise en œuvre d’une coopération multidisciplinaire concernant les victimes de la traite des êtres humains et/ou de certaines formes aggravées de trafic d’êtres humains a pour objectif de rappeler les obligations légales des différents services d’intervention et de sensibiliser les acteurs de première ligne aux mesures spécifiques applicables aux MENA et à l’importance de tenir compte de la vulnérabilité du mineur. Cette circulaire sera évaluée le 31 octobre 2010.

27.La loi du 15 septembre 2006 (transposant notamment la directive européenne 2003/96) a élargi les catégories des étrangers pouvant bénéficier d’un droit au regroupement familial: désormais les enfants majeurs handicapés et les parents du mineur étranger reconnu réfugié peuvent en faire usage.

28.Depuis le 7 mai 2007, les personnes qui se déclarent MENA et qui n’ont pas accès au territoire belge en application de l’article 3 ou de l’article 52, § 1 de la loi du 15 décembre 1980 et qui ont été identifiées comme MENA ou à l’égard desquelles il n’existe pas de doute sur leur minorité, sont admises dans un centre d’observation et d’orientation, dans l’attente d’une éventuelle décision de refoulement. Lorsque l’intérêt supérieur de l’enfant justifie un retour du MENA dans sa famille ou chez d’autres adultes qui s’occuperont de lui, c’est la Convention de Chicago qui s’applique.

B.Fedasil

29.Les articles 40 et 41 de la «loi accueil» définissent le cadre de l’accueil adapté des MENA dans les centres d’observation et d’orientation (COO). Un arrêté royal du 9 avril 2007 déterminant le régime et les règles de fonctionnement applicables aux centres d’observation et d’orientation pour les mineurs étrangers non accompagnés a été adopté en exécution de la loi accueil.

30.Il est prévu que les mineurs restent dans les COO (centres d’accueil de Neder-over-Heembeek et Steenokkerzeel) pour une période de 15 jours renouvelable au maximum une seule fois. Cet accueil permet l’enregistrement et l’identification du jeune, ainsi que la désignation d’un tuteur par le Service des tutelles. Cette période de 15 jours doit permettre l’observation du MENA en vue de dresser un premier profil médical, psychologique et social afin de l’orienter vers la prise en charge la plus adaptée à sa situation. À l’issue du séjour, un rapport sur son profil est établi, qui sera communiqué au tuteur et dont une copie sera transmise à la nouvelle structure d’accueil. À défaut de n’avoir pu déterminer un type d’accueil lié à la situation particulière du mineur, celui-ci sera orienté, dans une deuxième phase, vers une structure d’accueil gérée par l’Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile ou un partenaire plus adapté à l’accueil des MENA, que l’intéressé ait demandé ou non l’asile. Dans une troisième et dernière phase, il sera accueilli par les autorités compétentes (dans une place proposée par Fedasil en Initiative Locale d’Accueil; via l’aide accordée par les CPAS, les Communautés, etc.) en fonction de son statut.

31.Fedasil organise au total 521 places d’accueil des MENA, l’ensemble de la structure (COO, structures d’accueil «collectives» et «individuelles» (ILA)) en accueille actuellement 598.

32.Au début de l’année 2008, Fedasil a réalisé une brochure d’information destinée aux MENA. Elle est depuis distribuée aux jeunes accueillis dans les centres d’accueil de Neder-over-Heembeek et Steenokkerzeel. Cette brochure, qui existe dans plusieurs langues, explique aux jeunes MENA l’organisation de l’accueil, le système de l’aide matérielle, le Service des tutelles, la procédure d’asile, etc.

33.Le 12 novembre 2008, un protocole de coopération relatif à la manière de traiter les dossiers de disparition de mineurs des centres d'observation et d'orientation de Steenokkerzeel et de Neder-Over-Heembeek a été signé. Vu le grand nombre d'organisations concernées par cette question, il a été considéré comme opportun de consigner les modalités de coopération dans un protocole afin de pouvoir localiser le mineur dans les plus brefs délais. Les partenaires concernés sont le parquet général de la Cour d'appel de Bruxelles, le parquet du tribunal de première instance de Bruxelles, l'Office des étrangers, le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides, le Service des tutelles, Fedasil, deux zones de polices des centres respectifs et Child Focus.

34.En vue d'établir une coopération optimale entre les différents niveaux de pouvoirs et de compétences, le Secrétaire d'État à l'intégration sociale a initié des concertations en 2009 avec les différents intervenants concernés par l'accompagnement et l'accueil des MENA. Ces concertations seront poursuivies en 2010.

C.Service des tutelles

35.En 2007, le Service des tutelles (SPF Justice) a conclu un accord de partenariat avec l’ASBL Solentra, association attachée depuis 2001 à la section de psychiatrie ambulatoire pour enfants et adolescents de l’Hôpital universitaire de Bruxelles (UZB) et spécialisée dans la prise en charge et le suivi des MENA. Le programme vise à permettre aux tuteurs de mieux cerner le mineur (culture, famille, parcours, etc.), d’être capables de se présenter et de présenter leur rôle, de mener des entretiens, d’identifier la souffrance du mineur, de travailler en réseau et de gérer des situations de crise.

36. Lesm ineurs européens en situation de vulnérabilité sont à distinguer des MENA. Leur situation relève du service SMEV (dans la pratique, section du Service des tutelles), de la police et de l’Office des étrangers. La circulaire du 2 août 2007 instaure une prise en charge temporaire des mineurs européens en situation de vulnérabilité, sans titre de séjour valable et en situation de vulnérabilité (situation administrative irrégulière, situation sociale instable, état de grossesse, infirmité, état de santé physique ou mentale déficient, victimes de traite des êtres humains ou de trafic des êtres humains ou état de mendicité). Cette circulaire permet de prendre les mesures nécessaires pour assurer un suivi social adapté à la situation du mineur vulnérable qui a été signalé (relais vers l’aide à la jeunesse, hébergement auprès d’un centre d’observation et d’orientation de Fedasil, service spécialisé, etc.).

37.La circulaire ne prévoit pas la désignation d’un tuteur pour les mineurs européens en situation de vulnérabilité. Leur prise en charge est prévue par le service SMEV qui assume celle-ci et prend immédiatement les mesures que requiert l’urgence de la situation.

D.Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA)

38.Les demandes d’asile introduites par des MENA sont traitées prioritairement et les auditions sont organisées en concertation avec les tuteurs. L’audition est en effet adaptée à l’âge du mineur et à sa maturité.

39.Le CGRA a, grâce au cofinancement du Fonds européen pour les réfugiés, organisé au cours de l’année 2007 des formations spécifiques à l’intention des fonctionnaires spécialisés dans le traitement des demandes d’asile des MENA. Le premier volet de cette formation a permis de traiter une série de questions relatives à la situation du mineur exilé (séjour, hébergement, aide sociale, scolarité, soins de santé, problématique de la traite des êtres humains, tutelle) ainsi que des aspects culturels et psychologiques liés à la situation des MENA. Le second volet a permis d’approfondir spécifiquement la question des techniques spécifiques d’audition. Cette formation a été donnée aux fonctionnaires chargés de l’audition des mineurs mais également aux interprètes assistant le plus souvent les mineurs demandeurs d’asile au cours de leur audition.

40.Un canevas d’audition spécifique reprenant 5 phases a été élaboré à leur intention:

a)Une introduction (permettant une mise en confiance, explication du déroulement de la procédure, vérification de la bonne compréhension de la procédure par le mineur, explication du déroulement de l’audition et du rôle de l’interprète);

b)Une phase relative aux questions d’identité, à la situation familiale et aux données documentaires (afin de pouvoir déterminer le profil du jeune);

c)Une phase de récit libre (spontané);

d)Une quatrième phase relative à des questions plus précises (permettant à l’intervieweur de se faire une idée précise des motifs à la base de la demande d’asile);

e)Une phase de clôture (permettant au jeune de clôturer psychologiquement cette étape en posant quelques questions sur sa vie en Belgique, sur sa journée, etc.).

41.En janvier 2009, après le déménagement du CGRA dans de nouveaux bâtiments, des locaux d’audition tout nouveaux ont été aménagés. Parmi ceux-ci, trois locaux ont été spécifiquement aménagés pour les mineurs d’âge (deux locaux pour les jeunes âgés de 12 ans et plus et un plus spécifiquement aménagé pour les plus petits). Tant l’espace (éclairage, place) que le choix du mobilier (bureau ovale, commode, tapis, plante, etc.) ont été pensés pour rendre le local d’audition le plus agréable possible. En outre, du petit matériel est mis à la disposition du jeune (feuilles, marqueurs, etc.) afin qu’il puisse s’exprimer avec plus de facilité.

E.Communautés

42.À partirdu centre d’accueil de crise, tous les mineurs étrangers non accompagnés sont réorientés le plus rapidement possible vers une structure d’accueil de plus longue durée, soit vers un centre d’asile ou autre de l’autorité fédérale, soit vers une assistance et un encadrement organisés par les Communautés.

43.Il existe deux centres de prise en charge des MENA en Communauté française: le service Esperanto (capacité d’accueil pour 15 MENA) et le Service El Paso (capacité d’accueil pour 38 MENA avec 13 places organisées par Fedasil).

44.Une convention avec le CPAS d'Assesse, qui organise 26 places d'accueil pour MENA via une convention spécifique avec Fedasil, permet d’assurer de manière plus intensive le suivi de tout mineur non accompagné pour lequel un programme d'aide à été demandé. Dans le cadre de cette convention, la Communauté française intervient en offrant une subvention, fixée à un taux journalier, pour chaque jeune bénéficiant du programme d'aide.

45.En plus de l’accueil dans les deux centres spécialisés et de l’accueil organisé par le CPAS d’Assesse, une centaine de MENA par an sont pris en charge par les Conseillers ou Directeurs de l’Aide à la jeunesse de la Communauté française.

46.Une étude intitulée «les réponses apportées par la Communauté française aux besoins des mena en Belgique» a été réalisée en 2007. Le rapport de recherche, finalisé le 15 janvier 2008, apporte des recommandations très intéressantes en la matière dans son chapitre « Synthèse et perspectives».

47.Le Gouvernement de la Communauté française s’est engagé sous la législature 2009-2014 à défendre la conclusion d’un accord de coopération Fédération - Régions - Communautés pour l’accueil des MENA et la systématisation de la prise en charge des mineurs en situation de danger ou souffrant de troubles affectifs, psychiques, relationnels ou comportementaux.

48.La Région wallonne réfléchit avec plusieurs centres d'accueil de MENA à une initiative pilote de formation professionnelle par le travail qui serait destinée à des jeunes MENA âgés entre 16 et 18 ans qui n'ont pas eu de scolarisation régulière ou de scolarisation du tout et dont la situation particulière empêche de recourir de manière satisfaisante à la scolarisation classique ou aux centres CEFA (centres de formation en alternance).

49.L’assistance et l’encadrement des non-demandeurs d’asile en Communauté flamande sont assurés par l’aide spéciale à la jeunesse.L’aide spéciale à la jeunesse peut uniquement assurer l’assistance et l’encadrement d’un MENA (non demandeur d’asile) dans la mesure où le comité d’aide spéciale à la jeunesse ou le tribunal de la jeunesse le décide, dans le cadre maximum et exclusif de l’offre catégorielle existante en ce qui concerne la capacité programmée et reconnue.

50.Les MENA (non demandeurs d’asile) pris en charge par la Communauté flamande bénéficient de l’offre catégorielle suivante:

a)Catégorie 1bis « Résidentiel ». Le centre De Oever au Limbourg (capacité d’accueil de 15 places), le centre Minor-Ndako à Bruxelles (capacité d’accueil de 20 places) et le Centre Juna à Alost (capacité d’accueil de 20 places);

b)Catégorie 6 « autonomie encadrée ». Le centre Minor-Ndako (capacité d’accueil de 16 places) et le centre Joba Vluchtelingenwerking à Anvers (capacité d’accueil de 16 places);

c)Catégorie « Projet ». Le centre Joba Vluchtelingenwerking (capacité d’accueil de 6 places).

51.Pour les mineurs non accompagnés allophones (élèves qui sont arrivés très récemment de l’étranger et qui entrent dans l’enseignement néerlandophone), un enseignement d’accueil des nouveaux arrivants allophones (OKAN) est prévu. Cet enseignement d’accueil a pour objectif d’accueillir des élèves arrivés depuis peu en Belgique et ne parlant pas le néerlandais, de leur apprendre le néerlandais le plus rapidement possible et de les intégrer, au niveau de l’enseignement fondamental, dans une classe régulière et, au niveau de l’enseignement secondaire, dans le type d’enseignement et d’orientation des études qui conviennent le mieux aux capacités personnelles du nouvel arrivant allophone, et de parvenir ainsi à lui assurer une meilleure intégration dans la société.

Réponse au paragraphe 11 des observations finales

A.Remarques préliminaires

52.Préalablement à l’examen de la question de l’indépendance du Comité P, il convient de revenir sur le lien causal établi par le Comité contre la torture entre:

- D’une part, son inquiétude de par «la présence dans la composition dudit Comité d’un grand nombre de policiers et de personnes détachées d’un service de police, fait qui suscite l’inquiétude vis-à-vis des garanties d’indépendance attendues d’un organe de contrôle externe, en particulier en ce qui concerne la gestion de plaintes sur le comportement et les sanctions prises à l’encontre des policiers»;

-D’autre part, l’affirmation que cela« a pris de telles proportions que le Comité P lui-même dans son rapport annuel de 2006 indiquait que «les fonctionnaires de police semblent bel et bien bénéficier d’un régime pénal extrêmement favorable».

Ce lien de cause est erroné et doit être corrigé.

53.S’il est exact que le Comité P a analysé, dans son rapport annuel d’activités 2006, les informations dont il dispose en matière de jugements et arrêts prononcés à l’encontre des fonctionnaires de police et qu’il a pu constater que certains policiers ayant commis une transgression bénéficiaient de beaucoup de clémence de la part de certaines autorités judiciaires «au point que l’on peut certainement parler d’une politique de tolérance au niveau pénal à l’égard des moutons noirs de la police», il est, par contre, erroné de lier cette constatation au fait que certains membres du Service d’enquêtes P sont détachés des services de police et seraient, de ce fait, partiaux dans le traitement des plaintes mettant en cause des fonctionnaires de police.

54.Depuis le 1er avril 2007, les plaintes adressées au Comité P sont désormais traitées par la «cellule plaintes», dont le personnel est composé de quatorze membres du personnel administratif (non-policiers).

55.La question de l’indépendance de certains membres du Service d’enquêtes du Comité P a été abordée dans le passé par différentes instances internationales chargées du monitoring du respect des droits de l’homme, telles que le CPT, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies et le CERD. Chacune de ces instances avait exprimé sa préoccupation devant le fait qu’un certain nombre de membres du Service d’enquêtes P sont détachés d’un service de police. Dans le but de mettre fin à la mise en cause de l’indépendance d’une partie de son personnel, le Comité P avait développé ce point dans le cadre de son rapport annuel d’activités 2004.

56.Entre-temps, la question de l’indépendance et de la neutralité des personnes amenées à traiter les plaintes des citoyens contre la police et à faire des enquêtes à ce propos a été examinée dans le cadre d’un atelier d’experts organisé par le Conseil de l’Europe sous l’impulsion du Commissaire aux droits de l’homme, T. Hammarberg, les 26 et 27 mai 2008. Le Comité P a été invité à exposer sa composition et son fonctionnement dans le cadre d’une séance de travail dédiée à l’indépendance et à l’efficacité. En ce qui concerne la question de l’enquête sur la police par la police, on peut lire dans le rapport de l’atelier d’experts que «The consensus was that a mixture of police and non-police investigators is necessary, particularly until an esprit de corps for complaints investigators is established». Lors des discussions, un consensus a également été atteint sur le fait que certaines enquêtes judiciaires ne pouvaient être confiées qu’à des personnes ayant une formation et une expérience policières (anciens policiers ou policiers mis à disposition).

57.Dans son avis sur le règlement indépendant et efficace des plaintes contre la police, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe traite du mécanisme indépendant de plainte contre la police. Il pose 5 principes qui définissent l’efficacité des enquêtes qui sont ouvertes sur les plaintes contre la police, tels qu’ils ressortent de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur les articles 2 ou 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Parmi ces principes, on retrouve celui de l’indépendance, dans le sens où «il ne doit pas y avoir de lien institutionnel ou hiérarchique entre l’enquêteur et le fonctionnaire visé par la plainte et» où «l’indépendance concrète doit prévaloir dans la pratique».

58.Par ailleurs, dans le cadre du forum européen EPAC - au sein duquel la Belgique est représentée par le Comité P et l’Inspection générale de la police fédérale et de la police locale -, un groupe de travail s’attelle à définir les principes et les standards gouvernant l’action des institutions publiques chargées d’exercer un contrôle externe sur les services de police. Parmi les principes et standards élaborés en ce qui concerne l’indépendance – inspirés notamment de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et du Code européen d’éthique de la police, on citera le principe en vertu duquel: «The public institution shall be governed and controlled by persons who are not current or serving police officers or law enforcement officials. Institutions might wish, however, to employ former, current or seconded police officers or other law enforcement official».

59.Nous notons qu’il n’y a jamais eu, à notre connaissance, la moindre plainte ou récrimination concrète ou précise quant à un défaut d’indépendance, de neutralité ou encore d’impartialité dans le chef du Comité P ou dans celui d’une de ses composantes.

B.Les garanties d’indépendance des membres du Service d’enquêtes P

60.Différents éléments de réponse à la question de l’indépendance des membres du Service d’enquêtes P avaient été fournis dans le cadre du second rapport périodique de la Belgique, sous les paragraphes 273 à 280. Ces éléments de réponse sont approfondis et complétés ci-après.

61.Parmi les membres du Service d’enquêtes P, on distingue deux catégories:

1) Les membres nommés sous statut à titre définitif. Il s’agit soit de membres engagés par le Comité P dans le cadre organique statutaire du Service d’enquêtes P, soit de membres nommés sous statut à titre temporaire qui sont passés dans le cadre organique statutaire du Comité P par le mécanisme de transfert prévu à l’article 22quater de la loi organique du 18 juillet 1991, introduit en 2003, pour renforcer encore la neutralité et l’indépendance du Service d’enquêtes P, notamment sous l’effet de certaines recommandations formulées par les instances internationales;

2) Les membres nommés sous statut à titre temporaire. Un agent originaire d’un service de police ou d’une administration dans laquelle l’intéressé a acquis une expérience d’au moins cinq ans dans des fonctions en rapport avec les activités des services de police peut être nommé à la fonction de membre du Service d’enquêtes P sous statut à titre temporaire pour un terme de cinq ans, renouvelable. Conformément à l’article 20 de la loi organique du 18 juillet 1991, ce type de nomination concerne la moitié au moins des membres du Service d’enquêtes P. Cette nomination les soumet cependant à un statut propre et spécifique.

62.Il est important de rappeler ici la volonté du législateur – telle que consacrée par l’article 67 de la loi organique du 18 juillet 1991, au titre de disposition transitoire, lors de la mise en place du Comité P –, que les premières nominations des membres du Service d’enquêtes P soient faites suite à un détachement d’un service de police ou d’une administration; ce qui explique la présence ab initio d’un certain nombre d’enquêteurs détachés d’un service de police, mais temporairement totalement soustraits à ce service d’origine par la voie d’une nouvelle nomination et d’un nouveau statut.

63.Le Ministre de l’intérieur précisait à l’époque que: «l’intention est d’introduire une certaine évolution. On entend prendre le moins de risques, dans toute la mesure possible, en ne nommant au départ que des policiers au sein du Service d’enquêtes. Ils ont la formation adéquate pour effectuer des enquêtes de police. Par la suite, d’autres personnes pourront également être nommées. Elles bénéficieront alors de l’expérience d’une équipe qui pourra leur donner la formation et l’assistance nécessaires. Il ne faut en effet pas oublier que les membres du Service d’enquêtes ont la qualité d’officiers de police judiciaire ».

64.Comme mentionné au § 278 à 279 du second rapport périodique de la Belgique (CAT/C/BEL/2), la composition du Service d’enquêtes P est intrinsèquement liée aux missions qui lui sont confiées.

65.Sans préjudice des enquêtes judiciaires, les membres du Service d’enquêtes P travaillent directement et exclusivement sous l’autorité et la responsabilité du Comité P, qui reçoit les rapports sur toutes les enquêtes qui sont effectuées et qui est le seul à décider collégialement à ce propos. L’enquêteur n’a aucun pouvoir de décision en l’espèce. C’est le Comité P, par l’intermédiaire de ses membres statuant en collège, qui assume la responsabilité tant de l’ouverture d’une enquête que de ses conclusions (portées à la connaissance du Parlement).

66.C’est au Comité P lui-même qu’il appartient, en toute indépendance, de décider des enquêtes qu’il mène et de la manière dont elles sont menées. Toujours sans préjudice des missions de police judiciaire du Service d’enquêtes P, les rapports produits et présentés sont bien, en tout état de cause, ceux du Comité P et non de son Service d’enquêtes P ou d’un quelconque enquêteur en particulier.

67.La loi organique du 18 juillet 1991 prévoit différentes mesures pour garantir l’indépendance et la neutralité des membres du Service d’enquêtes P détachés d’un service de police ou d’une administration de l’État: 1) La possibilité d’être transféré de manière définitive dans le cadre organique statutaire du Service d’enquêtes P; 2) Le maintien des droits à la promotion et à l’avancement dans le service d’origine; 3) Le fait de relever de l’autorité disciplinaire du Comité P; 4) Le commissionnement aux grades les plus élevés; et 5) Des conditions particulières en termes de rémunération et de promotion. Ces différentes mesures visent également à permettre au Comité P de réduire progressivement la proportion relativement importante – telle qu’initialement voulue par le législateur – d’enquêteurs détachés d’une administration à compétence de police ou d’un service de police, en promouvant soit un retour vers les services d’origine soit un transfert définitif dans le cadre organique statutaire du Service d’enquêtes P.

68.En 2007, la spécificité et l’indépendance des membres du Service d’enquêtes P ont encore été renforcées par l’adoption par le Parlement fédéral, le 17 février 2007, d’un nouveau «Statut du directeur général et des membres du Service d’enquêtes P». Ce statut consacre clairement l’indépendance des membres du Service d’enquêtes P à l’égard de l’exécutif, des autorités de police et du monde policier en les plaçant clairement sous l’autorité exclusive et la gestion du Comité P. Ce statut fait actuellement l’objet d’une nouvelle révision qui devrait aboutir en 2010.

69.Par ailleurs, au début de 2009, faisant suite aux observations finales du Comité contre la torture, le Comité P a examiné le statut de ses enquêteurs avec sa commission parlementaire d’accompagnement et s’est engagé à prendre des mesures additionnelles pour assurer au mieux l’indépendance de ceux qui, parmi les membres de son Service d’enquêtes, sont détachés d’un service de police. Parmi ces mesures additionnelles figure le dépôt d’un avant-projet de proposition de loi visant à modifier la loi organique du 21 juillet 1991. En vertu de la nouvelle disposition, seuls certains membres du Service d’enquêtes P pourront être détachés d’un service de police ou d’une administration. Au fil des dix prochaines années, le nombre des enquêteurs provenant des services de police (et susceptibles d’y retourner un jour) aura très sensiblement diminué.

70.Aujourd’hui, parmi les enquêteurs provenant des services de police, six n’ont plus aucun lien depuis plus de quinze ans avec le service d’où ils proviennent et dix-huit autres n’ont plus aucun lien avec leur service d’origine depuis plus de dix ans. Quatre enquêteurs viennent d’entamer un quatrième mandat de cinq ans au sein du Comité P. Ces temps de présence de plus en plus longs dans une structure totalement indépendante de l’exécutif ont renforcé l’indépendance de ces enquêteurs.

71.Rappelons aussi que les missions qui sont confiées aux membres du Service d’enquêtes P tiennent compte de leur éventuelle provenance d’un corps ou d’un service déterminé ou d’éventuelles affinités avec ces derniers. Un membre du Service d’enquêtes P détaché d’un service de police donné ne sera jamais, ni d’aucune manière, chargé de mener une enquête au sein de son corps/service d’origine.

C.La jonction systématique des plaintes

72.La question est actuellement à l’étude.

Réponse au paragraphe 16 des observations finales

A.Présence d’un tiers responsable / d’un avocat

73.Concernant la présence d’un tiers responsable rappelons que:

L’article 33quater de la loi sur la fonction de police prévoit la possibilité de contacter une personne de confiance lorsqu’une personne fait l’objet d’une arrestation administrative. Lorsque la personne privée de sa liberté est un mineur d'âge, la personne chargée de sa surveillance en est d'office avertie; 

La loi sur la protection de la jeunesse prévoit l’avertissement d’un adulte responsable, en son article 48bis, quand un mineur est privé de sa liberté suite à une arrestation ou a été mis en liberté contre la promesse de comparaître ou la signature d’un engagement, et en son article 51 l’avertissement par le tribunal saisi d’un fait qualifié d’infraction;

Dans le cas d’une arrestation judiciaire, l’article 91bis du Code d’instruction criminelle prévoit l’accompagnement par une personne de confiance des mineurs d’âge témoin ou victime de faits de mœurs ou d’autres mauvais traitements. Cette présence ne peut être refusée de manière motivée et fondée dans l’intérêt du mineur ou de la manifestation de la vérité.

74.Concernant la présence d’un avocat, rappelons que:

L’article 20 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive prévoit que l’inculpé peut communiquer librement avec son avocat après la première audition par le juge d’instruction qui doit avoir lieu dans les 24 heures après son arrestation;

La loi sur la protection de la jeunesse prévoit une communication systématique de la copie de toute ordonnance et tout jugement au jeune concerné, à ses parents et à son avocat. Le jeune doit obligatoirement être assisté par un avocat, si nécessaire via une désignation d’office. L’article 54bis prévoit que lorsqu’un mineur est partie en cause et qu’il n’a pas d’avocat, il lui en est désigné un d’office;

Les lois soumettent également le juge et le tribunal à une obligation de motivation renforcée, à des critères de décision et à des révisions plus fréquentes, et limitent le recours à certaines mesures qui entravent la liberté physique (certaines formes de placement) aux conditions énoncées par la loi (et liées, entre autres, à la gravité des faits et aux antécédents du jeune concerné);

La délivrance d’une copie de l’audition est prévue explicitement ainsi que les règles spécifiques de délivrance de la copie à un mineur dans les articles 28quinquies, §2, al.4 et 57, §2, al.4 du Code d’instruction criminelle.

75.Suite aux arrêts Salduz et Panovits rendus par la Cour européenne des droits de l’homme, la question de l’assistance de l’avocat pendant les auditions est de nouveau à l’ordre du jour. Une large consultation de tous les groupes professionnels concernés a été organisée par le Ministre de la justice sur ce point. Les groupes professionnels concernés sont: l’Ordre des barreaux, le Collège des procureurs généraux, le Conseil supérieur de la justice et le Conseil des procureurs du roi. La plupart des avis ont été rendus, une synthèse est en cours de préparation.

B.Enregistrement audiovisuel

76.Les articles 92 à 101 Code d’instruction criminelle prévoient la possibilité d’enregistrement audiovisuel de l’audition pour les mineurs victimes ou témoins, cela afin d’éviter une victimisation secondaire causée par des auditions répétées. L’enregistrement audiovisuel de l’audition de mineurs présumés auteurs est également possible sur la base de l’article 112ter du Code d’instruction criminelle.

77.Un budget spécifique est prévu pour permettre l’équipement des 27 arrondissements judiciaires de la Belgique. À l’heure actuelle, chacun de ceux-ci dispose d’un local d’audition, spécialement aménagé pour l’audition-vidéo des mineurs, d’un local de régie et d’un local d’accueil permettant de soustraire l’enfant aux regards étrangers et contribuer ainsi à son bien-être. La cellule TAM du service des sciences du comportement de la direction générale de la police judiciaire met également à la disposition des enquêteurs des kits d’audition mobiles leur permettant d’entendre les enfants qui ne peuvent pas se déplacer.

78.Dans chaque arrondissement, un réseau d’enquêteurs brevetés, issus de la police fédérale ou locale, est mis en place. Seuls les enquêteurs formés sont compétents pour procéder aux auditions des mineurs victimes ou témoins. Ils sont nominativement désignés par le magistrat en charge du dossier. Le réseau doit être organisé de manière à pouvoir en permanence répondre à ces demandes. La coordination administrative du réseau est prise en charge par un coordinateur. Celui-ci organise des journées de supervision collective et assure la gestion administrative du réseau.

79.Les principes contenus dans les différents textes légaux et réglementaires sont enseignés, dans un premier temps, par des experts aux futurs formateurs, puis, dans un second temps, par les formateurs aux enquêteurs. Ces enquêteurs sont actuellement au nombre de 500 (268 francophones et 232 néerlandophones). Ils participent trois fois par an à des journées de supervision collective au cours desquelles les formateurs travaillent à maintenir à niveau leurs compétences de base et à développer des compétences nouvelles rendues nécessaires par les évolutions pertinentes.

Réponse au paragraphe 20 des observations finales

A.Enquêtes, contrôles et inspections des lieux de privation de liberté, visant notamment à assurer le respect de l’obligation de tenir un registre des privations de liberté

80.L’article 33bis de la loi sur la fonction de police, tel qu’inséré par la loi du 25 avril 2007 portant des dispositions diverses, impose l’inscription de toute privation de liberté dans le registre des privations de liberté. Le contenu et la forme dudit registre ainsi que les conditions de conservation des données doivent être déterminés par le Roi. L’arrêté royal dont il est question est en préparation. Dans l’attente de sa promulgation, des directives internes aux services de police ont été élaborées en vue d’assurer l’efficacité et l’uniformité de l’application de la loi.

81.La Direction générale de la police administrative a adopté une note permanente de la police fédérale du 24 janvier 2008 contenant des commentaires et directives en matière d’arrestations administratives. Le point 3.9 de la note permanente relatif au registre des privations de liberté reprend les mentions devant apparaître dans le registre.

82.À la suite de la note permanente du 24 janvier 2008, la Direction générale de la police administrative a élaboré un projet de modèle-type de registre des privations de liberté applicable aux arrestations administratives et judiciaires. Ce modèle est déjà utilisé au sein de la police aéronautique. Ce projet est par ailleurs en phase de finalisation en ce qui concerne la Direction générale de la police administrative et la Direction générale de la police judiciaire, associée au projet. Un exemplaire du modèle a également été transmis à la Commission permanente pour la police locale, en vue de l’adoption éventuelle par la police locale du modèle proposé.

83.Le Comité P s’investit depuis plusieurs années dans le contrôle des conditions de détention des personnes arrêtées dans les installations policières. Lorsqu’une plainte ou une dénonciation judiciaire ou non fait allusion à des conditions de détention critiquables, des vérifications sur site sont systématiquement effectuées par le Service d’enquêtes P. En outre, une enquête thématique globale, intitulée «les amigos ou chambres de sûreté installées dans les bâtiments des services de la police belge», a été initiée dès 1997. Un suivi a été assuré au cours des années suivantes. Depuis lors, ce sont 310 locaux de police où sont incarcérées des personnes arrêtées qui ont été visités ou revisités. Après chaque visite, un compte rendu reprenant les constatations effectuées ainsi que, le cas échéant, les recommandations qui s’imposent est transmis au chef de corps. Le Comité P vient d’établir un document rendant compte de douze années de visites et de contrôles systématiques des lieux d’enfermement qui devrait être publié sous peu.

84.Lors de ses contrôles, le Comité P a pu constater qu’un registre des privations de liberté était tenu dans chacun des endroits visités. Cependant, l’absence d’arrêté royal prescrivant le contenu et la forme du registre des privations de liberté pose toujours problème. Certains registres des privations de liberté n’étant pas correctement remplis, des remarques ont été adressées aux responsables policiers rencontrés ainsi qu’aux chefs de corps par le Comité P.

B.Mention des marques de blessures dans le registre des privations de liberté

85.En ce qui concerne la mention relative à l’état physique de la personne arrêtée, il a bien été pris acte de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme Turan Cakir contre la Belgique du 10 mars 2009, notamment du point 54 qui impose à l’État de protéger les personnes en garde à vue compte tenu de leur situation de vulnérabilité. La mention des blessures et de l’état physique perceptibles avant la mise en cellule ainsi qu’à la sortie de celle-ci sera reprise dans le modèle-type de registre des privation de liberté applicable aux arrestations administratives et judiciaires précité ainsi que dans l’arrêté royal à venir.

86.Certains chefs de corps ou de service insistent néanmoins pour que soient relatées dans un procès-verbal les informations relatives au comportement de la personne lors de son interpellation et les traces physiques ou blessures (avant, pendant ou après l’intervention policière). C’est notamment le cas dans une note permanente de la police fédérale du 4 août 2009. Lorsqu’à l’occasion d’un des contrôles qu’il effectue, le Comité P rencontre une personne détenue, il s’enquiert toujours de son état et en rend compte dans le rapport qu’il établit.

Réponse au paragraphe 27 des observations finales

L’État partie est encouragé à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants .

87.La Belgique a signé le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants le 24 octobre 2005.

88.Depuis lors, des travaux préparatoires en vue de la ratification du Protocole facultatif ont été entamés. Un groupe de travail composé des représentants des entités fédérales et fédérées concernées a été mis en place sous la précédente législature. Ce groupe de travail examine les aspects techniques et juridiques de l’obligation, pour chaque partie contractante, de disposer d'un mécanisme national de prévention de la torture.

89.Le groupe de travail est arrivé, sous la législature précédente, à des conclusions préliminaires. Il reprendra ses activités en janvier 2010 afin d’obtenir un accord avec toutes les autorités concernées sur la structure, la composition, le mandat et le financement de ce mécanisme national de prévention de la torture.