Nations Unies

CAT/OP/BRA/2

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

5 mars 2014

Français

Original: anglais

Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Réponse initiale du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants au document soumispar le Brésil en réponse aux recommandationset questions formulées par le Sous-Comité dansson rapport sur sa première visite périodique (CAT/OP/BRA/1/Add.1) *

Table des matières

Paragraphes Page

I.Remarques préliminaires1−33

II.Coopération4−103

III.Questions prioritaires11−154

IV.Application des recommandations16−255

A.Complexité du système fédéral16−215

B.Écart entre le droit et la pratique22−257

V.Mécanisme national de prévention26−338

A.Mécanisme national de prévention26−318

B.Mécanismes régionaux329

C.Autres politiques et cadre de prévention339

VI.Torture et mauvais traitements34−629

A.Allégations de torture et de mauvais traitements38−4510

B.Décès en détention4611

C.Représailles47−5112

D.Impunité52−5413

E.Groupes criminels organisés et corruption55−6213

VII.Conditions matérielles dans les lieux de détention63−6914

A.Garde à vue63−6514

B.Surpeuplement et conditions de vie dans les prisons6615

C.Conditions matérielles de détention dans les prisons6715

D.Soins de santé68−6915

VIII.Garanties7016

IX.Autres mécanismes et politiques visant à prévenir et combattre la torture au Brésil71−7616

A.Plan-cadre du système pénitentiaire72−7316

B.Conseils communautaires74−7517

C.Bureaux du médiateur7617

I.Remarques préliminaires

Les visites effectuées par les mécanismes nationaux de prévention et le Sous-Comité pour la prévention de la torture (SPT) ainsi que la coopération entre ces organismes et les autorités de l’État jouent un rôle fondamental dans une prévention efficace de la torture et des mauvais traitements − dans le cadre du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

En vertu de l’article 12 d) du Protocole facultatif, les États parties ont l’obligation de dialoguer avec le Sous-Comité en vue de définir les mesures susceptibles d’être prises pour donner effet aux recommandations de ce dernier. Pour que le dialogue soit constructif, les États parties doivent impérativement apporter dans les délais et de façon réfléchie une réponse complète aux recommandations du SPT et à ses demandes d ’ informations . Ils doivent examiner de bonne foi ses recommandations en vue de les mettre en œuvre, si nécessaire, de manière progressive et conformément à un plan d’action comportant des échéances claires pour chaque élément.

Le SPT demande aux autorités de la République fédérative du Brésil de garder à l ’ esprit cette obligation tout au long de leur dialogue avec lui.

II.Coopération

Le Brésil a répondu avec un léger retard, d’un peu plus de deux mois, au rapport du SPT. Dans le document soumis en réponse au rapport, le Brésil communique de nouveaux renseignements précis relatifs au traitement et aux conditions de détention des personnes privées de liberté. Le SPT salue les efforts entrepris par le Brésil pour produire ce document détaillé, qui permet de dresser un tableau plus complet de la situation au Brésil.

Le SPT est conscient de la volonté du Brésil d’apporter son appui au SPT lors de ses futures visites dans le pays, que le Gouvernement fédéral a exprimée dans sa réponse aux observations préliminaires du SPT. Tout en saluant cette attitude, le SPT tient à préciser, pour éviter toute confusion à l’avenir, qu’il ne fait pas partie des titulaires de mandat au titre des procédures spéciales (voir réponse du Brésil, par. 2) mais qu’il tient directement son mandat du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En conséquence, les visites du SPT dans un pays, ses déplacements sur son territoire et son accès à tous les lieux de détention relèvent de la Convention, sans qu’une invitation de l’État soit nécessaire. Le SPT se réjouit néanmoins, et sait gré au Gouvernement brésilien, de sa volonté de coopération ainsi exprimée, dans l’esprit du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture.

Le SPT salue en outre la volonté du Brésil de rendre public le rapport qu’il a rédigé à la suite de sa visite. La publication de ce document permet d’assurer une plus grande transparence et une meilleure protection contre la torture et d’autres formes de mauvais traitements. C’est là une mesure importante qui contribuera non seulement à la prévention de la torture et des mauvais traitements au Brésil, mais permettra aussi de donner l’exemple à d’autres pays. En conséquence, et dans le prolongement de l’esprit de coopération déjà manifesté par le Brésil, le SPT encourage les autorités brésiliennes à autoriser la publication de la réponse du Gouvernement brésilien et de la présente réponse, conformément à l ’ article 16 2) du Protocole facultatif.

Bien que le Brésil ait pris les mesures formelles précitées pour satisfaire à son obligation de coopérer avec le SPT au titre du Protocole facultatif, le SPT est néanmoins préoccupé de constater qu’un grand nombre de recommandations figurant dans son rapport de visite n’ont pas été prises en considération ou n’ont pas été pleinement suivies d’effet de la part de l’État. En ce qui concerne la majorité des recommandations, les informations pertinentes ont été communiquées. Le SPT constate cependant que dans de nombreux cas, les réponses à des recommandations spécifiques, au lieu d’indiquer des mesures concrètes visant à traduire les politiques dans la pratique, ou de donner des précisions se rapportant spécifiquement et directement aux recommandations, s’en tiennent à des généralités et restent cantonnées au plan des principes.

Le SPT estime particulièrement préoccupant le fait que, dans sa réponse, le Brésil n’aborde pratiquement pas les cas de recours systématique à la torture et aux mauvais traitements dont sont victimes de nombreux détenus et qui sont relatés, assortis de recommandations, dans le rapport de visite du SPT. De fait, il ne fournit aucun détail sur les mesures que l’État entend prendre pour apporter une solution pratique à ces problèmes − par la mise en œuvre d’une politique plutôt que la réaffirmation de la politique elle‑même − à la lumière des recommandations du SPT. Malheureusement, au vu de cette situation, conjuguée à l’impuissance du Brésil à mettre en œuvre les recommandations d’autres mécanismes de l’ONU, le Sous-Comité ne peut être pleinement convaincu de l’engagement de l’État à appliquer les recommandations du SPT. Cela étant dit, le SPT prend note du «Plan-cadre» du système pénitentiaire brésilien, qu’il considère comme une avancée bienvenue, en espérant que ses modalités d’application pourront être précisées pour garantir sa mise en œuvre, d’une manière pertinente, dans tous les lieux de détention du pays.

La présente réponse porte sur certains des points l es plus urgents qui n ’ ont pas été traités de manière approfondie ou n ’ ont pas du tout été abordés dans la réponse soumise par le Brésil. Toutefois, bien qu ’ il ne mentionne pas toutes les recommandations formulées dans son rapport de visite, le SPT tient à souligner que ces recommandations sont et demeurent pertinentes, et qu ’ il attend une réponse à chacune d ’ entre elles en temps voulu.

Dans un premier temps, le SPT tient à mettre l ’ accent sur trois points très spécifiques et préoccupants à propos desquels il engage instamment les autorités à prendre immédiatement des mesures. De telles mesures touchent à son avis au cœur même de l’engagement de l’État et de son obligation de coopérer avec le SPT pour améliorer le traitement et les conditions de détention des personnes privées de liberté, en vue de mettre fin à la pratique de la torture et d’autres formes de mauvais traitements.

III.Questions prioritaires

Comme il a été indiqué, le SPT est tout à fait conscient que nombre de ses recommandations ont été précédemment adressées aux autorités brésiliennes par d’autres organes des Nations Unies et organismes régionaux, mais que l’État n’y a pas donné suite (voir rapport, par. 8). Le SPT est tout particulièrement préoccupé par deux problèmes relatifs à l’application de ses recommandations et considère que leur persistance entrave gravement toute possibilité de prévention efficace de la torture et des mauvais traitements au Brésil. Les problèmes qui préoccupent particulièrement le SPT sont les suivants:

a) Le fait que le Brésil tire prétexte de la complexité de sa structure fédérale et du formalisme excessif quant aux rôles et aux responsabilités des diffé rentes entités gouvernementales pour justifier l ’ inapplication et le non-respect des recommandations. De l ’ avis du SPT, cela n ’ est ni acceptable ni utile pour régler nombre des questions mises en évidence dans son rapport;

b) L e fait que l es garanties qui sont mises en place dans la législation et les politiques ne sont tout simplement pas reflétées, respectées ou mises en pratique dans les lieux de détention au Brésil.

Ces points sont développés dans la section suivante , où ils font l ’ objet de recommandations.

En outre, alors qu’à titre de mesure d’urgence, le SPT a recommandé la fermeture immédiate de la prison Ary Franco, il déduit des réponses de l’État partie que l’établissement reste ouvert, même si ses activités ont peut-être été «suspendues» (réponse du Brésil, par. 44). Le SPT demande confirmation de la fermeture éventuelle de l ’ établissement, c ’ est-à-dire du fait qu ’ il n ’ hébergerait plus aucun détenu et , dans ce cas, de la date et des détails de la fermeture. Si l ’ établissement n ’ a pas été fermé, le SPT renouvelle sa recommandation tendant à ce que la prison A ry Franco soit immédiatement fermée. À la suite de cela, le Brésil p ourra décider: i)  soit de rénover la prison pour la mettre en conformité avec les normes international es avant sa réouverture; ii)  soit de la fermer définitivement.

Quoi qu’il en soit, le SPT se doit de réaffirmer qu’en aucun cas la prison Ary Franco ne devrait rester ouverte dans son état actuel. Une telle situation reviendrait à perpétuer des conditions constitutives de mauvais traitements des détenus; c’est pourquoi il devrait y être mis fin à très court terme par la fermeture de la prison. Le SPT demande des renseignements précis sur la fermeture de l’établissement, notamment la date à laquelle elle a eu ou aura lieu, ainsi que sur les établissements où les détenus qui s’y trouvent actuellement seront transférés. Si les autorités ont l’intention de poursuivre la rénovation de la prison une fois vidée de ses occupants, le SPT demande à avoir des précisions sur les travaux prévus, ainsi que sur la date de leur achèvement et de la réouverture de l’établissement pour l’accueil de détenus.

Dans ses observations préliminaires, le SPT s’était déclaré vivement préoccupé par le risque de représailles contre des personnes qu’il avait interrogées, et par l’absence de mécanismes adéquats de surveillance et de protection à cet égard (voir rapport, par. 59 à 62). Le SPT reste très préoccupé par cette question, qu’il considère comme importante et toujours d’actualité. En raison du caractère prioritaire de la question, le SPT appelle l ’ attention de l ’ État sur ses observations formulées plus bas sur le sujet, et demande que des mesures soient prises pour l ’ application de s es recommandations à cet égard (voir ci-apr ès, par. 47 à 5 1 ).

Le SPT recommande en outre que des organes indépendants de contrôle, comme des représentants du Bureau du Médiateur, de l’appareil judiciaire, de la société civile et, le cas échéant, des mécanismes locaux de prévention, se rendent dans les lieux de transfert des détenus afin que les normes relatives au traitement et aux conditions de détention soient correctement reflétées dans ces établissements. Le SPT demande des précisions sur ces arrangements et sur les visites effectuées.

IV.Application des recommandations

A.Complexité du système fédéral

Comme il a été indiqué, le SPT est très préoccupé par le fait que, dans sa réponse, le Brésil insiste fortement sur la complexité de son système fédéral et en particulier sur le strict formalisme régissant les pouvoirs et responsabilités des différentes entités étatiques. Le STP reconnaît la complexité de la structure fédérale du Brésil mais il s’inquiète de constater que cela sert de prétexte pour justifier nombre des problèmes − notamment la situation et le traitement déplorables de très nombreux détenus − qui sont mis en évidence dans le rapport de visite du SPT.

Le SPT se doit de souligner que la complexité du système fédéral brésilien ne saurait en aucun cas justifier le non-respect par le Brésil de ses obligations internationales. Le SPT rappelle en outre que c ’ est l ’ État, c ’ est-à-dire l ’ État fédéral du Brésil, en tant qu ’ entité unique et à part entière, qui est directement tenu de respecter ses obligations au regard du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, comme cela est d ’ ailleurs le cas au regard de tous les autres traités auxquels le Brésil est une haute partie contractante.

Le SPT renvoie en outre les autorités brésiliennes au projet d ’ articles de la Commission du droit international sur la responsabilité de l ’ État pour fait internationalement illicite, d ’ où il ressort clairement, à l ’ article 4, qu ’ en droit international (en l ’ occurrence, au regard du Protocole facultatif), les autorités de l ’ État central assument la responsabilité des actes de ses organes, y compris de ceux relevant de la compétence de collectivités territoriales fédérées. Il n ’ est ni exact ni acceptable que les autorités centrales invoquent la complexité du système fédéral brésilien pour justifier le non-respect des obligations internationales du Brésil. Il incombe au contraire aux autorités centrales de veiller à leur application et à leur respect à tous les niveaux, sur tout le territoire de l ’ État. Le SPT espère que les autorités brésiliennes prendront en considération ces observations et, dans l ’ esprit de coopération qui anime le SPT conformément au Protocole facultatif, prendront les mesures nécessaires pour traiter cette question à la lumière des recommandations formulées dans la présente réponse.

À ce propos, le SPT souhaite savoir:

a) Si, et dans l ’ affirmative comment (quand, par quels moyens de communication, et précisément à qui, etc.), le rapport de visite du SPT a été diffusé auprès des autorités publiques locales et institutions de détention concernées, ainsi que de tous autres organes et autorités;

b) Pour le cas où le rapport aurait été ainsi diffusé, si les autorités centrales ont pris des mesures pour que les entités concernées en accusent réception, et quelles dispositions ont été prises avec les États et les institutions pour suivre le respect des recommandations et en surveiller l ’ application;

c) Pour le cas où le rapport n ’ aurait pas été diffusé à tous les États concernés et à tous les établissements de détention du même type que ceux visés dans le rapport de visite du SPT, quelles sont les autorités ou les institutions qui n ’ ont pas reçu le rapport ou n ’ en ont pas été autrement informées et les raisons de cette omission;

d) Si les médiateurs, juges, ONG locales et autres entités pertinentes comme les mécanismes régionaux de prévention ont aussi été avisés et ont reçu copie du rapport et, dans l ’ affirmative, à qui et comment ces informations ont été envoyées ou diffusées.

De plus, afin de garantir le respect par l ’ État de ses engagements internationaux, le SPT lui recommande de revoir le mode de transmission des informations aux différents niveaux de gouvernement, et d ’ envisager et de mettre en place de nouveaux mécanismes chargés d ’ exercer une action de sensibilisation aux obligations au niveau local, d ’ appuyer et de faciliter leur exécution à ce niveau, ainsi que de contrôler leur mise en œuvre effective. Le SPT formule cette recommandation uniquement en raison de l ’ impact qu ’ elle aura sur la mise en œuvre de ses propres recommandations, mais les avantages que présenterait une telle mesure de manière générale sont évidents.

Le SPT tient à soulignerque l ’ existence d ’ un mécanisme national de prévention efficace, pleinement indépendant et convenablement financé pourrait considérablement renforcer les efforts à cet égard.Par le biais de ses rapports, le mécanisme national de prévention pourrait communiquer aux autorités centrales des renseignements fiables sur l’application (ou les raisons de la non-application) des recommandations ainsi que des propres garanties juridiques instituées par le Brésil. La création de mécanismes régionaux de prévention présenterait le même intérêt (voir par. 32 ci-dessous).

B.Écart entre le droit et la pratique

Le SPT a insisté dans son rapport de visite sur le fait que le cadre juridique brésilien concernant la prévention de la torture était dans une large mesure adéquat (rapport, par. 22). Il tient à réaffirmer, et à souligner, qu ’ il y a très souvent un décalage entre les protections et les garanties prévues par la loi et la réalité sur le terrain . Dans le cas du Brésil, le cadre juridique et politique existant en vue de prévenir la torture et autres mauvais traitements ne correspond tout simplement pas à la réalité et à la pratique observées dans les lieux de détention. Il est dès lors décevant de constater que dans sa réponse, le Brésil insiste essentiellement sur les protections existant au niveau des lois et des politiques, sans s’étendre sur l’application de ces lois et politiques, alors que c’est l’application des lois et des garanties qui aura un effet sur la prévention de la torture et autres mauvais traitements. Pour le SPT, la préoccupation dominante tient au fait qu ’ au Brésil , c ’ est l ’ application des lois et des garanties pertinentes qui, à ce stade, est insatisfaisante.

Compte tenu de l ’ écart existant entre le droit et la pratique, le SPT engage les autorités à prendre des mesures urgentes pour remédier à ce problème. Il recommande pour ce faire un certain nombre de mesures complémentaires, dont les suivantes:

a) Une démarche de tolérance zéro à l ’ égard de la torture et de toutes les autres formes de mauvais traitements, consistant, dans la pratique , à prendre au sérieux les allégations de torture et d ’ autres mauvais traitements et à les soumettre à une enquête rapide et indépendante tout en soustrayant l ’ auteur des allégations et tout témoin éventuel au risque d ’ intimidation et de représailles et, le cas échéant, à engager des poursuites pénales équitables entraînant (en cas de déclaration de culpabilité) l ’ imposition de sanctions appropriées proportionnelles à la gravité de l ’ infraction;

b) Des programmes de sensibilisation − notamment au moyen d ’ affiches, de documents accessibles et d ’ ateliers − en vue d ’ informer les détenus et les avocats de la défense de leurs droits, de l ’ accès à des mécanismes de plainte, etc.;

c) Une formation continue de l ’ ensemble du personnel des lieux de détention, dans tous les États, à propos des garanties légales et des normes acceptables concernant la détention, le traitement et le régime des personnes privées de liberté.

Le SPT recommande en outre que la première de ces mesures en particulier − une démarche de tolérance zéro − soit considérée comme un aspect prioritaire sur lequel la formation de l ’ ensemble du personnel devrait particulièrement insister.

De plus, afin de traiter et de contribuer à mettre en évidence le décalage entre le droit et la pratique, le SPT recommande qu ’ il soit procédé à des contrôles indépendants réguliers par le biais de visites de membres de l ’ appareil judiciaire, du mécanisme national de prévention (dont le SPT espère la création prochaine), le mécanisme régional de prévention (le cas échéant, voir par. 32 ci-dessous) et d ’ autres groupes comme les ONG.

V.Mécanisme national de prévention

A.Mécanisme national de prévention

L’article 17 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture fait obligation aux États de désigner ou de créer, dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur du Protocole, un mécanisme national de prévention qui soit conforme aux dispositions dudit Protocole et aux directives du SPT.

Le SPT tient à souligner que le mécanisme national de prévention du Brésil aurait dû être désigné au plus tard en février 2008 et qu’avec quelque cinq années de retard, le Brésil manque à ses obligations internationales. Le SPT note que le projet de loi portant désignation du mécanisme national de prévention est actuellement examiné à titre prioritaire par la Chambre des députés. D’ailleurs, le SPT a récemment appris (en avril 2013) que la Chambre des députés avait adopté le projet qui devait désormais être examiné par le Sénat. Le SPT recommande d ’ accélérer cette procédure afin que la loi entre en vigueur le plus tôt possible. Le SPT souhaite obtenir plus de précisions sur l ’ état d ’ avancement du projet au Parlement.

Le SPT prend note de l’affirmation du Brésil selon laquelle le projet de loi est «compatible avec les exigences d’indépendance, d’efficience, d’efficacité et de réalisme politique dans la coopération entre les différentes institutions compétentes en la matière» (réponse du Brésil, par. 166). Le SPT n’en est pas moins conscient que, selon son propre avis, le texte le plus récent qu’il a vu du projet de loi n’était pas conforme à ces exigences (rapport, par. 16). Le SPT s’est inquiété en particulier de la méthode envisagée pour la sélection des membres de ce mécanisme, qui n’est pas de nature à garantir leur indépendance. Le SPT réitère la recommandation formulée au paragraphe 17 de son rapport de visite. Il souhaite en outre recevoir un exemplaire du projet de loi le plus récent soumis à la décision du Parlement, aux fins de formuler des commentaires.

Le SPT s’inquiète en outre de la formule «réalisme politique dans la coopération» figurant dans la réponse du Brésil, qui n’évoque pas une pleine coopération avec le mécanisme national de prévention qui serait conforme aux exigences du Protocole facultatif et aux vœux du SPT. Le SPT prie le Brésil de préciser le sens de cette formule et d ’ indiquer plus particulièrement quel type de coopération il consid é rerait comme non compatible avec le réalisme politique, selon quels critères, à quel stade, avec qui, ainsi que de préciser si le Brésil pourrait juger nécessaire de limiter sa coopération avec le mécanisme national de prévention, et pour quelles raisons.

Après avoir reçu la réponse du Brésil et appris l’adoption du projet de loi sur le mécanisme national de prévention par la Chambre des députés, le SPT a reçu des informations indiquant que le droit d’accès du mécanisme national de prévention aux lieux de détention pourrait ne plus être automatique et être subordonné à une communication préalable. Le SPT prie le Brésil d ’ expliciter quels sont les droits d ’ accès accordés au mécanisme national de prévention par le projet de loi. Il recommande en outre aux autorités, dans l ’ intérêt de la plus grande efficacité possible du mécanisme national de prévention, de reconsidérer cette position et d ’ envisager au contraire de rendre automatique le droit d ’ accès du mécanisme national de prévention à tous les lieux de détention, que sa visite soit ou non annoncée.

Le mécanisme national de prévention devrait notamment être conforme aux articles 17, 18, 19 et 20 du Protocole facultatif, ainsi qu ’ aux Principes de Paris. Le SPT souhaite obtenir un exemplaire du texte le plus récent du projet de loi afin d ’ émettre ses observations à ce sujet, et demande à être informé de l ’ avancement de la procédure d ’ adoption .

B.Mécanismes régionaux

Le SPT salue la création de mécanismes locaux de prévention dans certains États du Brésil, qu’il considère comme une mesure très importante et progressiste qui peut largement contribuer à lutter contre la torture et les mauvais traitements et servir de modèle dans d’autres États voisins. Le SPT n ’ ayant cependant pas reçu de réponse du Brésil à la recommandation formulée au paragraphe 20 de son rapport, il souhaite connaître les mesures qui ont été éventuellement prises pour donner suite à cette recommandation et doter ces mécanismes de l ’ indépendance fonctionnelle et de ressources suffisantes, ce qui renforcerait considérablement la protection.

C.Autres politiques et cadre de prévention

Le SPT accueille avec intérêt les précisions concernant les mécanismes et politiques visant à prévenir et combattre la torture et les mauvais traitements, autres que le mécanisme national de prévention et ses équivalents régionaux. Il s’agit en particulier du «plan-cadre» brésilien (réponse du Brésil, par. 152) et des politiques exposées à la section V de la réponse du Brésil. Le SPT présente ci-après ses observations, recommandations et demandes concernant ces dispositions.

VI.Torture et mauvais traitements

Au cours de sa visite, le SPT a entendu de nombreux récits concordants et crédibles faisant état d’actes de torture et de mauvais traitements commis par la police militaire et civile sur des adultes et des mineurs (voir rapport, par. 79 à 86), par des agents pénitentiaires dans des prisons et lors de transports dans des véhicules des services des opérations spéciales (rapport, par. 126 à 129), dans des centres de détention provisoire pour mineurs (rapport, par. 143) et dans des institutions pour enfants et adolescents (rapport, par. 144 à 150). Il est établi par des preuves abondantes que, malgré les progrès observés dans un certain nombre de domaines, la torture et d’autres mauvais traitements restent une pratique générale au Brésil, dans toute une série d’établissements. Il apparaît clairement aussi que la torture et d’autres formes de mauvais traitements sont perpétrées par différentes autorités publiques.

Le SPT est très préoccupé de constater que le Brésil n’a répondu directement à aucune des recommandations se rapportant expressément à la torture et aux mauvais traitements formulées dans le rapport de visite, mais n’a fait qu’exposer une nouvelle fois le cadre juridique et les principes préexistants. De l’avis du SPT, les autorités brésiliennes s’appuient beaucoup trop sur les implications de la structure fédérale du Brésil. Il semble que le Gouvernement brésilien impute la responsabilité de l’inapplication, dans la pratique, de sa législation et de ses politiques au niveau régional aux collectivités locales, qui échapperaient à tout pouvoir ou contrôle de l’État central. Comme il a déjà été indiqué, cette position n ’ est ni satisfaisante ni acceptable et le SPT attend de recevoir les vues des autorités centrales sur cette question et de poursuivre le dialogue sur ce problème complexe et délicat.

Le SPT sait gré au Brésil d’avoir communiqué des précisions sur un «plan-cadre» national (voir observations ci-après), mais il note que ces éléments lui ont été communiqués à la place des réponses détaillées demandées par le SPT, concernant par exemple les résultats des enquêtes menées (rapport, par. 90, par exemple). Le SPT saisit cette occasion pour réitérer plusieurs de ses recommandations qu’il considère comme très importantes mais auxquelles, malheureusement, l’État brésilien n’a pas encore répondu pleinement.

Le SPT souhaite en outre obtenir du Brésil l ’ assurance que les autorités de l ’ État central prendront toutes les mesures disponibles pour garantir la mise en œuvre des dispositions du plan-cadre à tous les niveaux de l ’ État, en particulier leur application au niveau local des États. Le SPT prie le Brésil de lui communiquer les détails des plans − et accueillerait volontiers, en particulier, un plan d ’ action précis − concernant les mesures qu ’ il pourrait éventuellement mettre en place pour garantir cette application.

A.Allégations de torture et de mauvais traitements

Rappelant la recommandation qu ’ il a formulée au paragraphe 86 de son rapport, le SPT demande aux autorités brésiliennes de veiller à l ’ application d ’ un principe de tolérance zéro à l ’ égard de la torture et d ’ autres mauvais traitements. Cela devrait notamment passer par une condamnation ferme et publique de tout acte de torture et l ’ adoption de toutes les mesures nécessaires pour prévenir la torture et les mauvais traitements. Les mesures de prévention à prendre sont, entre autres, les suivantes:

a) L ’ ouverture rapide, sur toutes les allégations ou informations relatives à des actes de torture ou des mauvais traitements, d ’ enquêtes indépendantes et impartiales entraînant, si les allégations ou informations sont jugées crédibles, l ’ engagement de poursuites et l ’ application de sanctions appropriées correspondant à la gravité du crime;

b) L ’ établissement d ’ un système de plaintes efficace, qui soit facilement accessible et bien connu par les détenus, mais qui protège aussi la confidentialité des plaintes (lesquelles ne doivent pas passer entre les mains des autorités de détention, et encore moins être lues par elles), et assure une protection contre toutes représailles;

c) La création d ’ un registre national de toutes les allégations de torture et d ’ autres fo rmes de mauvais traitements; et

d) Une formation bien structurée, dispensée à tous les agents de détention, qui insiste sur la démarche de tolérance zéro de l ’ État et sur l ’ importance de bonnes pratiques.

Le SPT recommande au Brésil de prendre les mesures nécessaires pour garantir l ’ application de telles mesures de protection dans la pratique, et attend avec intérêt les observations et les plans du Brésil quant à la manière d ’ atteindre cet objectif.

Au paragraphe 129 de son rapport de visite, le SPT a formulé quelques recommandations précises motivées par des allégations cohérentes de mauvais traitements par des agents pénitentiaires et les services des opérations spéciales. Le SPT renvoie le Brésil à ces recommandations et souhaite obtenir l ’ assurance que l ’ État a pris des dispositions pour appliquer ces mesures. Il souhaite en particulier savoir comment l ’ État a transmis à l ’ ensemble de ces autorités, dans tout le pays, un message de tolérance zéro, en veillant à ce qu ’ il soit étayé, dans tous les cas, par des enquêtes et des poursuites, le cas échéant.

Le SPT souhaite en outre recevoir un exemplaire de toutes les règles qui ont été établies concernant l ’ utilisation de gaz irritants afin que ceux-ci soient utilisés dans le strict respect des principes de proportionnalité et de nécessité, ainsi que des précisions sur le mode de diffusion de ces règles et l ’ observation de leur application au niveau local. Le SPT demande aussi des précisions sur tout éventuel registre qui aurait été créé à cet égard (voir rapport, par. 129 d)).

Le SPT a mentionné de nombreuses allégations concordantes et crédibles de torture et de mauvais traitements dans des établissements pour mineurs (voir rapport, par. 143 à 148). Dans sa réponse, le Brésil présente les sections III et V relatives à ses politiques comme une suite donnée aux recommandations formulées par le SPT aux paragraphes 149 et 150 de son rapport. Le SPT accueille avec satisfaction cet exposé détaillé de la politique brésilienne, et note en particulier les informations données aux paragraphes 177 à 181 de la réponse du Brésil en ce qui concerne la prévention de la torture dans le système socioéducatif, mais il souhaite obtenir de plus amples détails.

Au paragraphe 149 de son rapport de visite, le SPT a demandé à être informé de tout plan d’action visant à éliminer la torture et les mauvais traitements dans les établissements pour enfants et adolescents. Il prend note des mécanismes, dont la loi sur le système national socioéducatif (SINASE), qui sont mentionnés dans la réponse du Brésil. Il s’inquiète néanmoins de constater qu’il ne s’agit pas de mécanismes nouveaux ou supplémentaires par rapport à ceux déjà existants. Compte tenu des constatations faites par le SPT lors de sa visite qui montrent l’ampleur du problème des mauvais traitements dans les établissements pour mineurs, le SPT ne peut que conclure que les mesures énoncées ne sont pas pleinement efficaces, d’autant plus certaines des mesures de prévention applicables plus généralement à l’ensemble des détenus (voir par exemple le PAICT) le sont sur une base géographique et, de fait, ne sont pas disponibles pour tous les détenus (voir observations ci-après).

S ’ agissant des mineurs, le SPT réitère sa demande de précisions concernant un plan d ’ action de l ’ État, tenant compte en particulier des problèmes mentionnés aux paragraphes 143 à 150 de son rapport. Le SPT recommande notamment que soit établi un calendrier de réalisation des différents objectifs, et que le plan comporte des mesures dans les domaines suivants:

a) Une formation mettant l ’ accent sur un principe de tolérance zéro à l ’ égard des mauvais traitements, dispensée à l ’ ensemble du personnel de tous les établissements existant à l ’ échelon national qui prennent en charge des détenus mineurs;

b) Une formation appropriée du personnel médical des lieux de détention sur le principe précité, s ’ ajoutant à une formation approfondie sur le Protocole d ’ Istanbul;

c) Une action ciblée auprès du personnel médical sur le risque qu ’ il court, en ne prenant pas au sérieux ou en dissimulant des cas de lésions suspectes pouvant être la conséquence de mauvais traitements, d ’ être considéré comme complice des mauvais traitements et de tomber sous le coup du principe de tolérance zéro.

Le SPT réitère sa recommandation tendant à ce que l ’ utilisation des tropas de choque soit limitée à des cas exceptionnels et soit autorisée par la plus haute autorité compétente, sur la base de critères bien établis et clairs, l ’ établissement de rapports sur chaque opération et la tenue de contrôles externes devant être par ailleurs obligatoires. Le SPT demande confirmation que cette recommandation a bien été appliquée et, si tel est le cas, il souhaite être informé des critères à respecter pour ce type d ’ intervention, et recevoir des précisions sur la personne habilitée à autoriser l ’ utilisation des tropas de choque .

B.Décès en détention

Le SPT avait noté dans son rapport (voir par. 89) qu’un nombre remarquablement élevé de personnes étaient mortes en détention. Constatant qu’il n’a pas encore reçu du Brésil les informations demandées, le SPT réitère sa demande (rapport, par. 90) tendant à ce que l ’ État partie lui fournisse des éléments précis, y compris des certificats de décès et rapports d ’ autopsie, sur les causes et circonstances de tous les décès survenus dans des lieux de détention, ainsi que des informations sur les enquêtes indépendantes menées à ce sujet.

C.Représailles

Dans ses observations préliminaires, le SPT s’était déclaré vivement préoccupé par le risque de représailles contre des personnes qu’il avait interrogées et par l’absence de mécanismes adéquats de surveillance et de protection à cet égard (voir rapport, par. 59 à 62). En outre, comme indiqué dans son rapport, le SPT a reçu des informations selon lesquelles des représailles auraient eu lieu dans au moins un des établissements visités, à savoir la prison pour femmes Nelson Hungria. Le SPT condamne de nouveau fermement ces actes et tout autre acte de représailles qui aurait eu lieu, en contravention des obligations internationales du Brésil. Le SPT est particulièrement préoccupé par le fait que dans sa réponse, le Brésil élude ses recommandations portant spécifiquement sur cette question.

Le SPT renvoie l ’ État aux recommandations qu ’ il a formulées aux paragraphes 61 et 62 du rapport de visite, et le prie d ’ ouvrir immédiatement une enquête sur cette affaire et sur toute autre allégation de représailles, et de traduire les responsables en justice. Le SPT demande à être informé spécifiquement des mesures prises à cet égard et de l ’ évolution de la situation.

Le SPT regrette que le Brésil ne lui ait pas communiqué le rapport du Médiateur national des droits de l’homme sur les visites que, selon la réponse du Brésil aux observations préliminaires, le Bureau du Médiateur devait entreprendre à propos des représailles ayant eu lieu dans la prison Nelson Hungria. Le SPT demande la communication immédiate de ce rapport, et si celui-ci n ’ existe pas encore, des explications sur cette absence. Au minimum, il souhaite avoir confirmation que la visite a effectivement eu lieu et, si tel est le cas, connaître la date de cette visite, ses conclusions et les mesures qui ont été prises pour y donner suite.

Dans son rapport, le SPT a mis en évidence les hésitations de détenus qui n’osaient pas demander une assistance médicale de crainte d’être punis (rapport, par. 44 et 45). Le SPT prend note de la réponse du Brésil (réponse du Brésil, par. 121) à propos du protocole qui donnerait pour instructions aux équipes sanitaires de promouvoir le respect des droits de l’homme. Le SPT n’en reste pas moins préoccupé vu que la réponse n’indique aucune mesure permettant de vérifier qu’il n’y a pas eu de représailles, y compris des représailles postérieures à l’examen médical demandé.

Tout en prenant note des assurances données par le Brésil selon lesquelles il sera possible «de traiter ces questions [des représailles faisant suite à une demande d’examen médical] de manière plus approfondie et d’y remédier», le SPT s’inquiète de leur imprécision. Il rappelle en particulier à l ’ État que même si des garanties et des stratégies ont été mises en place aux niveaux législatif et politique, elles doivent être spécifiques et exécutoires et être mises en œuvre pour produire un effet. Le SPT prie le Brésil de communiquer de plus amples détails sur la manière dont il continuera de veiller à ce qu ’ il n ’ y ait pas de représailles, et dont il traitera éventuellement les cas de représailles. Le SPT saisit en outre cette occasion pour rappeler à l ’ État l ’ intérêt que pourrait présenter à cet égard un mécanisme national de prévention pleinement fonctionnel, indépendant et doté de ressources suffisantes en tant que mécanisme de suivi dont les autorités brésiliennes pourraient mettre en œuvre les recommandations pour améliorer la situation et traiter les questions sous-jacentes.

D.Impunité

Il était indiqué dans le rapport du SPT que l’impunité pour les actes de torture était généralisée, comme en témoignaient l’absence de poursuites à l’encontre des auteurs de tels actes et la persistance d’une culture de tolérance des abus commis par des agents publics. Le SPT est vivement préoccupé de constater que le Brésil a fait peu de cas de ce problème, et n’a pas répondu directement aux recommandations figurant aux paragraphes 53 et 55 de son rapport.

Le SPT réitère sa recommandation figurant au paragraphe 55 de son rapport de visite tendant à ce que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements fassent systématiquement l ’ objet d ’ une enquête approfondie et à ce que les auteurs de tels actes soient poursuivis. Comme il a déjà été indiqué, l ’ État partie devrait, au plus haut niveau, condamner fermement la torture en déclarant que celle-ci ne sera tolérée en aucune circonstance. Ce message de «tolérance zéro» de la torture et des mauvais traitements devrait être transmis à intervalles réguliers à l ’ ensemble des forces de sécurité et du personnel pénitentiaire, y compris dans le cadre de la formation professionnelle. Le SPT prie le Brésil de lui donner l ’ assurance qu ’ il est donné suite à cette recommandation, en précisant ce qui a été fait et ce qu ’ il est prévu de faire (y compris les échéances fixées) pour mettre en œuvre ces mesures.

De plus, dans nombre de ses entretiens, le SPT s’est enquis du nombre de personnes condamnées pour torture, sans toutefois obtenir de réponse (rapport, par. 52). Le SPT renouvelle sa demande concernant ce complément d ’ information.

E.Groupes criminels organisés et corruption

Dans son rapport, le SPT a noté la présence de groupes criminels organisés dans presque toutes les prisons dans lesquelles il s’est rendu (voir rapport, par. 57). Il considère que cette situation dangereuse expose les détenus à un risque non négligeable de torture et de mauvais traitements et recommande à l ’ État de prendre d ’ urgence des mesures pour remédier à ce problème, compte tenu des observations et des recommandations du SPT dans le rapport de visite.

Le SPT a observé en particulier que dans l’établissement Ary Franco, les dossiers personnels des détenus contenaient une déclaration du détenu donnant son accord pour être placé dans un quartier donné sous le contrôle d’une faction donnée, et assumant par là même la responsabilité de sa propre sécurité (rapport, par. 92). Le SPT considère cette pratique comme dangereuse et recommande que le nombre de cas de ce type dans le pays soit établi et que des mesures concrètes soient prises pour y mettre fin.

Le SPT recommande aussi à l ’ État d ’ entreprendre un examen de toutes les prisons à l ’ échelon national pour faire en sorte que cette pratique ne se répande pas dans d ’ autres établissements du pays. Il demande à être informé des résultats de cette enquête, et recommande à l ’ État d ’ élaborer un plan d ’ action précis, assorti d ’ échéances, pour lutter contre ce phénomène.

Lors de sa visite, le SPT a établi l’existence d’une forte corrélation entre le contrôle exercé par des groupes criminels dans les établissements pénitentiaires et la corruption de la police. Il prend note de la réponse du Brésil à ce sujet et, tout en accueillant favorablement certaines mesures prises pour remédier à ce problème (voir ci-dessous), il s’inquiète de constater que cela reste bien en deçà de ce qui serait nécessaire pour régler totalement cette question, suivant la recommandation formulée par le SPT au paragraphe 58 de son rapport.

Le SPT réitère sa recommandation figurant au paragraphe 58 et prie le Brésil de lui faire part de ses observations sur cette recommandation et l ’ ensemble de ses aspects. Il insiste particulièrement sur l ’ adoption et la mise en œuvre par les plus hautes autorités de la police et de l ’ administration pénitentiaire d ’ une politique ferme et transparente de «tolérance zéro» à l ’ égard de la corruption. Ce message devrait être relayé dans le cadre de la formation et renforcé par une détermination à éradiquer la corruption et en poursuivre et sanctionner les auteurs, conformément à la gravité des infractions commises.

Le SPT insiste de nouveau sur sa recommandation tendant à ce que les salaires des policiers et du personnel pénitentiaire soient révisés, vu que la faiblesse des salaires des agents de détention est l ’ une des causes profondes de la corruption et des mauvais traitements infligés aux détenus qui, par extension, expose les détenus au risque de mauvais traitements et d ’ exploitation par des groupes criminels.

Le SPT accueille favorablement les mesures qui ont été prises en vue de dispenser une formation au personnel pénitentiaire des États dans le domaine des droits de l’homme, sous la forme notamment d’une formation aux droits de l’homme et aux normes minima pour le traitement des détenus (réponse du Brésil, par. 67 à 77). Il est en outre encouragé par l’établissement des écoles d’administration pénitentiaire des États en tant que centres d’excellence et considère que c’est là un dispositif que l’État peut exploiter pour former le personnel pénitentiaire sur ces questions. Le SPT prie le Brésil de lui faire savoir quelle proportion du personnel pénitentiaire a bénéficié d ’ une formation de ces centres, si ces centres existent dans tous les États brésiliens et, si tel n ’ est pas le cas, s ’ il est prévu d ’ en établir dans tous les États et selon quel calendrier. Le SPT souhaite aussi obtenir des précisions sur les plans visant à étendre la formation à l ’ ensemble du personnel pénitentiaire du pays, ainsi qu ’ un calendrier réaliste pour leur réalisation. Le SPT recommande l ’ intégration du principe de «tolérance zéro» à l ’ égard de la torture et des mauvais traitements ainsi que de la corruption dans toutes les formations pertinentes dispensées à l ’ ensemble des personnels pénitentiaire et de police.

Le SPT réitère sa recommandation tendant à ce que le Brésil adopte un plan d ’ action comportant des objectifs, des mesures et des échéances pour mettre en œuvre les recommandations figurant au paragraphe 58 de son rapport, et demande à recevoir des informations précises à cet égard, y compris concernant les délais et les moyens d ’ une mise en œuvre effective.

VII.Conditions matérielles dans les lieux de détention

A.Garde à vue

Le SPT a signalé un important problème de surpeuplement des locaux de police (rapport, par. 75) constitutif, dans certains cas extrêmes, d’une forme grave de mauvais traitements. Il prend note de la réaffirmation des normes par le Brésil, concernant notamment l’espace minimum alloué à chaque détenu et les capacités d’accueil des cellules (réponse du Brésil, par. 45 à 49). L’affirmation du Brésil selon laquelle les normes définies dans la résolution 9 «sont largement prises en compte» est source de vive préoccupation car elle n’est ni conforme à la réalité ni corroborée par les constatations faites par le SPT dans les locaux de police, et aussi dans les prisons, lors de sa visite.

Rappelant les inquiétudes générales qu’il nourrit du fait que les garanties et normes énoncées dans la loi ne sont pas mises en œuvre dans la pratique, c’est-à-dire dans les établissements pénitentiaires et les locaux de police eux-mêmes, le SPT réitère les recommandations figurant au paragraphe 76 de son rapport, et compte sur les autorités brésiliennes pour prendre immédiatement des mesures propres à éviter les situations de surpeuplement extrêmes décrites dans le rapport. Il convient notamment de faire en sorte que toutes les garanties et normes applicables soient mises en œuvre dans la pratique.

Compte tenu d’allégations concordantes reçues par le SPT selon lesquelles les locaux de police étaient souvent en très mauvais état (rapport, par. 77) et eu égard à la recommandation formulée au paragraphe 78 de son rapport, le SPT souhaite savoir précisément s’il a été procédé à un contrôle des conditions matérielles existant dans les locaux de la police ou si un tel contrôle est prévu. Il souhaite en outre être informé du résultat du contrôle et de tout plan d’action éventuellement élaboré pour donner suite à ses conclusions ou − si ce contrôle n’a pas encore été entrepris − connaître la date prévue pour y procéder et établir le rapport correspondant.

B.Surpeuplement et conditions de vie dans les prisons

Le SPT prend note du programme national brésilien d’appui au système pénitentiaire (réponse du Brésil, par. 43), qui vise notamment à résoudre le problème du manque de places dans les prisons de femmes. Il est cependant conscient que ce programme ne répond pas à toutes les inquiétudes mises en évidence dans le rapport quant à la surpopulation carcérale (rapport, par. 96 à 98). De ce fait, il ne comprend toujours pas bien dans quelle mesure le Brésil traite cette question à titre prioritaire. Le SPT souhaite réitérer sa recommandation tendant à ce que le Brésil réévalue ses politiques pour faire en sorte que le traitement du problème de surpeuplement soit une priorité, et que cette priorité se traduise par des mesures immédiates pour y remédier. Il souhaite en particulier attirer l’attention de l’État une fois de plus sur sa recommandation figurant au paragraphe 97 du rapport, tendant à ce que le Brésil réévalue ses politiques de sécurité publique. Il prend note du recours à des lieux de détention temporaires indiqué dans la réponse du Brésil, mais ne voit pas bien en quoi cela règle le problème, en particulier à long terme. Il serait possible de résoudre cette question en élaborant par exemple un plan d’action national comportant un calendrier précis de réalisation. Le SPT souhaite savoir si, dans son programme national, le Brésil accorde la priorité au traitement du problème de surpeuplement et, dans l’affirmative, il le prie de lui communiquer de plus amples détails, y compris un calendrier d’exécution, sur les mesures à court et à long terme visant à réduire le surpeuplement dans les prisons.

C.Conditions matérielles de détention dans les prisons

Eu égard à la résolution no 9 du CNPCP (Conseil national des politiques pénales et pénitentiaires), qui vise à définir une norme architecturale propre à améliorer les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires, le SPT demande que lui soit communiqué un exemplaire de cette résolution, pour observations. Le SPT est conscient qu ’ actuellement, les règles ne correspondent pas à la réalité dans les prisons, et il compte sur le Brésil pour prendre les mesures nécessaires à leur pleine application. Le SPT demande des précisions, y compris un calendrier, sur les plans d ’ exécution de la résolution dans tout le Brésil.

D.Soins de santé

Le SPT reste très préoccupé par l’insuffisance des soins de santé, une situation qu’il a jugée extrêmement inquiétante dans la plupart des établissements qu’il a visités (rapport, par. 36 à 51). Il accueille favorablement les renseignements détaillés que lui a communiqués le Brésil (réponse du Brésil, par. 97 à 118), y compris concernant le Plan national de santé dans le système pénitentiaire (PNSSP). Notant que le Plan national de santé a déjà permis d’assurer l’accès de 30,69 % de la population carcérale aux soins de santé, le SPT tient à insister sur la nécessité de garantir l’accès de tous les détenus aux soins de santé. Il salue les progrès accomplis à cet égard, y compris l’accroissement des ressources financières, et demande de plus amples informations.

Le SPT souhaite en particulier obtenir des précisions sur le plan tel que révisé par un groupe de travail interministériel (réponse du Brésil, par. 103), savoir comment il est envisagé d’assurer à tous les détenus une couverture en soins de santé, et connaître le calendrier de réalisation.

VIII.Garanties

Le SPT a mis en évidence, de manière générale, le non-respect par la police des garanties pertinentes (observations préliminaires, par. 17, rapport par. 22). Les préoccupations du SPT ne portent pas tant sur l’existence de ces garanties que sur leur application. Le SPT rappelle à l ’ État qu ’ en vue de prévenir la torture et d ’ autres mauvais traitements, des garanties doivent non seulement être prévues dans la loi et les politiques, mais aussi être mises en œuvre. Le SPT attend avec intérêt des commentaires plus détaillés du Brésil sur les mesures qui sont prises ou prévues pour assurer le respect des garanties, en particulier celles visées aux paragraphes 64, 66, 68, 70 et 72 du rapport du SPT .

IX.Autres mécanismes et politiques visant à préveniret combattre la torture au Brésil

Le SPT accueille avec satisfaction les précisions concernant les mécanismes et politiques visant à prévenir et combattre la torture et les mauvais traitements, autres que le mécanisme national de protection et ses équivalents régionaux. Le SPT note en particulier les renseignements relatifs au «Plan-cadre» brésilien (réponse du Brésil, par. 51 à 83), qui vise à «associer les efforts des autorités fédérales et des gouvernements des différents États pour améliorer les conditions carcérales au Brésil», ainsi que les politiques exposées à la section V de la réponse du Brésil.

A.Plan-cadre du système pénitentiaire

S’agissant du Plan-cadre du système pénitentiaire, qui «énumère une série de mesures que les États et le district fédéral doivent appliquer à court, à moyen et à long terme», le SPT souhaite savoir comment, et selon quelle fréquence, sont évalués les progrès de la mise en œuvre de ce plan, et par quels moyens et par qui cette mise en œuvre sera assurée.

S ’ agissant de la liste des objectifs du plan, le SPT recommande au Brésil d ’ envisager d ’ y ajouter l ’ établissement d ’ un mécanisme national de protection pleinement indépendant et fonctionnel et doté de ressources suffisantes, la création de mécanismes régionaux de prévention sur le modèle de celui de Rio, et la formation des personnels pénitentiaires et de police aux politiques de tolérance zéro à l ’ égard de la torture et des mauvais traitements, ainsi que de la corruption.

B.Conseils communautaires

En ce qui concerne les conseils communautaires mentionnés dans la réponse du Brésil (par. 81 à 83 et 153), le SPT souhaite plus d’informations sur leur structure et leur fonctionnement. Il note que ces conseils communautaires sont «des organes d’exécution des peines qui font intervenir la participation sociale dans l’objectif de faire respecter les droits des détenus et de veiller à la bonne application des politiques pénitentiaires à l’échelon local». Le SPT accueille favorablement tout mécanisme additionnel de contrôle de l’exécution des politiques qu’il juge essentiel pour la prévention de la torture et des mauvais traitements.

Le SPT demande des précisions sur les points suivants:

a) Le mode de constitution des conseils, notamment leur composition et le mode de désignation de leurs membres, leur lien éventuel avec des organismes publics ou l ’ indépendance de leurs membres;

b) Leur mandat et leurs pouvoirs;

c) Si des conseils communautaires existent et fonctionnent dans tous les États, et contrôlent tous les lieux de détention au Brésil;

d) Dans le cas où toutes les régions du Brésil ne disposent pas d ’ un conseil, s ’ il est prévu d ’ en créer dans les régions qui en sont dépourvues, et suivant quel calendrier;

e) Les méthodes de travail des conseils, concernant notamment l ’ objectif «de faire respecter les droits des détenus et de veiller à la bonne application des politiques pénitentiaires à l ’ échelon local». Le SPT souhaite en particulier savoir selon quelle fréquence ils effectuent des visites dans les établissements pénitentiaires, s ’ ils se rendent régulièrement dans tous les établissements relevant de leur compétence, et comment ils suivent l ’ application de leurs recommandations.

C.Bureaux du médiateur

Tout en prenant note de l’«objectif 3» du Plan-cadre du Brésil et en accueillant favorablement l’établissement d’un service du Médiateur indépendant et autonome, le SPT demande plus de détails, en particulier sur ce qui a été fait précisément pour renforcer l ’ indépendance des médiateurs et les doter de moyens d ’ enquête efficaces . Le SPT souhaite en outre savoir quels bureaux du médiateur sont précisément concernés par ces mesures.