Nations Unies

CAT/OP/BRA/3

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

16 février 2017

Français

Original : anglais

Anglais, espagnol et français seulement

Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Visite au Brésil effectuée du 19 au 30 octobre 2015 : observations et recommandations adressées à l’État partie

Rapport du Sous-Comité *

Table des matières

Page

I.Introduction3

II.Facilitation de la visite et coopération4

III.Représailles4

IV.Principaux problèmes4

A.Mauvais traitements et actes de torture infligés par la police5

B.Mauvais traitements et torture dans les centres de détention9

C.Autonomie et délégation dans les lieux de détention10

D.Conditions matérielles de détention11

V.Mise en œuvre du Protocole facultatif : Système national de prévention et de répression de la torture16

A.Cadre institutionnel pour la prévention de la torture au niveau fédéral16

B.Cadre institutionnel pour la prévention de la torture au niveau des États18

Annexes

I.Liste des lieux de privation de liberté visités par le Sous-Comité21

II.Agents de l’État et autres personnes et représentants d’organisations avec qui la délégation s’est entretenue22

I.Introduction

Conformément au mandat que lui confère le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Sous-Comité pour la prévention de la torture a effectué sa deuxième visite au Brésil du 19 au 30 octobre 2015.

Les membres du Sous-Comité qui ont effectué la visite étaient Víctor Madrigal-Borloz (chef de la délégation), Marija Definis-Gojanovic, Enrique Andrés Font, Nora Sveaass et Victor Zaharia. L’équipe du Sous-Comité était assistée de trois spécialistes des droits de l’homme du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), d’agents de sécurité de l’Organisation des Nations Unies et d’interprètes.

La première visite régulière au Brésil du Sous-Comité a eu lieu du 11 au 30 septembre 2011, et le rapport de visite (CAT/OP/BRA/1) a été communiqué à titre confidentiel à l’État partie le 8 février 2012. Le 15 octobre 2012, le Gouvernement a soumis un long commentaire sur le rapport du Sous-Comité. Le 30 mai 2013, le Sous-Comité a répondu à l’État et, le 28 février 2014, le Gouvernement a communiqué sa deuxième réponse à la première réponse du Sous-Comité, en fournissant des informations complémentaires sur les nouvelles mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations du Sous-Comité, notamment la mise en place d’un mécanisme national de prévention. Dans un esprit de dialogue constructif et de coopération avec le Sous‑Comité, l’État a rendu publics le rapport de visite du Sous-Comité ainsi que les réponses du Gouvernement et du Sous-comité.

Dans ce contexte, le Sous-Comité a organisé sa visite de 2015 avec l’objectif de fournir des conseils à l’État sous quatre angles : les mesures prises par l’État pour mettre en œuvre les recommandations formulées par le Sous-Comité en 2011 ; la conception, la mise en œuvre et la promotion du Système national de prévention et de répression de la torture ; les mesures prises par les pouvoirs publics pour prévenir la torture ; la conduite de visites inopinées de lieux de détention non visités précédemment.

Le Sous-Comité s’est rendu dans quatre États (District fédéral de Brasília, Amazonas, Pernambouc et Rio de Janeiro) et a effectué plus de 20 visites dans des lieux de privation de liberté (prisons, centres de détention provisoire, postes de police, établissements pénitentiaires pour femmes, établissements pour mineurs, hôpitaux pénitentiaires et instituts médico-légaux) (voir annexe I), dans lesquels il a procédé à des observations et tenu des entretiens individuels et des entretiens collectifs avec des personnes privées de liberté. Il a tenu une série de réunions avec les autorités compétentes, y compris avec le Gouvernement fédéral, les gouvernements des États, les autorités pénitentiaires et la police. Il s’est entretenu avec les représentants du mécanisme national de prévention récemment créé, ainsi qu’avec ceux des mécanismes de prévention du Pernambouc et de Rio de Janeiro. Il a observé les travaux du mécanisme national de prévention et du mécanisme local du Pernambouc pendant ses visites des lieux de privation de liberté. Il s’est également entretenu avec plusieurs dizaines de représentants de la société civile ainsi qu’avec des représentants de l’Organisation des Nations Unies (voir annexe II).

À l’issue de sa visite, le Sous-Comité a présenté oralement ses observations préliminaires confidentielles aux autorités fédérales et au mécanisme national de prévention. Dans le présent rapport, il expose ses conclusions et recommandations concernant la mise en œuvre de ses recommandations précédentes et formule de nouvelles recommandations découlant de la visite. Dans le présent rapport, l’expression générique « mauvais traitements » désigne toutes les formes de peines ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le Sous-Comité prie l ’ État de lui fournir une réponse dans un délai de six mois à compter de la date de transmission du présent rapport afin de lui rendre pleinement compte des mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations, et de lui communiquer une feuille de route et un calendrier pour l ’ application des recommandations qui restent en suspens.

Le présent rapport restera confidentiel jusqu’à ce que l’État décide de le rendre public, conformément au paragraphe2 de l’article16 du Protocole facultatif. Le Sous-Comité appelle l’attention de l’État sur le Fonds spécial créé en application de l’article 26 du Protocole facultatif, sachant qu’il est possible d’invoquer les recommandations formulées par le Sous-Comité dans ses rapports de visite rendus publics pour demander que des projets spécifiques soient soutenus financièrement par le Fonds.

Le Sous-Comité recommande à l ’ État de demander la publication du présent rapport conformément au paragraphe 2 de l ’ article 16 du Protocole facultatif. Il lui recommande en outre de faire distribuer ce rapport à toutes les administrations et institutions publiques concernées.

II.Facilitation de la visite et coopération

Le Sous-Comité exprime sa gratitude aux autorités fédérales pour leur coopération. En particulier, il tient à remercier l’État pour les informations reçues avant la visite, la délivrance des autorisations pour l’accès sans restriction aux lieux de détention et pour la désignation de Pedro Saldanha, Chef de la Division des droits de l’homme du Ministère des affaires étrangères, en tant que coordonnateur de la visite. Le Sous-Comité remercie également Renato Vitto, Directeur général du Département pénitentiaire national, d’avoir facilité la coordination de la visite du Sous-Comité sur le terrain.

Le Sous-Comité prend note de la coopération fournie par le Gouvernement au cours de l’organisation de la mission, de la transparence du dialogue au cours de sa mission, et des facilités d’accès offertes par les institutions fédérales et les institutions des États lors des réunions et des visites. Néanmoins, le Comité s’est heurté à de grandes difficultés d’accès dans l’État d’Amazonas, en raison du manque de connaissance approfondie du Protocole facultatif. Certaines de ces difficultés, imputables à de hautes autorités de l’État d’Amazonas, ont été partiellement résolues après l’intervention des autorités fédérales. Le Sous-Comité tient à souligner le rôle constructif joué par la Mission permanente du Brésil auprès de l’Office des Nations Unies à Genève au cours de la phase préparatoire de la visite.

III.Représailles

Le Sous-Comité note avec préoccupation que des personnes interrogées au cours de la visite pourraient faire l’objet de représailles, et tient à souligner que toute mesure de représailles constitue une violation de l’obligation qu’a l’État de coopérer avec le Sous‑Comité au titre du Protocole facultatif. Il engage donc les autorités à veiller à ce qu’aucune mesure de représailles ne soit prise à l’issue de sa visite. À cet égard, il appelle l’attention des autorités brésiliennes sur sa politique concernant la question des représailles dans le cadre de son mandat de visite (CAT/OP/6/Rev.1).

Le Sous-Comité condamne tout acte de représailles. Il formule également de nouveau les recommandations figurant dans ses observations préliminaires et souligne que les personnes qui fournissent des informations à des institutions ou organismes nationaux ou internationaux ou qui ont coopéré avec ces institutions ou organismes ne doivent pas en pâtir . Le Sous-Comité demande à l ’ État partie d ’ inclure dans sa réponse des informations sur les mesures prises pour prévenir les représailles et enquêter sur les actes de représailles qui pourraient être commis .

IV.Principaux problèmes

L’État a conscience qu’il est urgent d’améliorer la situation des personnes privées de liberté, et le Gouvernement a pris des mesures concrètes à cet égard. Toutefois, les politiques ambitieuses qui ont été formulées doivent être renforcées et mises en œuvre dans les meilleurs délais afin de régler les problèmes systémiques qui font courir aux personnes privées de liberté des risques graves de torture et de mauvais traitements. Ces problèmes sont exposés dans les sections A à D ci-après.

A.Mauvais traitements et actes de torture infligés par la police

1.Nécessité de la prévention, des enquêtes et des sanctions

Au Brésil, la police est déployée principalement au niveau des États, où coexistent la police civile et la police militaire, qui opèrent indépendamment l’une de l’autre. Le Sous‑Comité est vivement préoccupé par les nombreuses allégations faisant état d’actes de violence commis par la police militaire, qui conduit des patrouilles destinées à maintenir l’ordre public et procède à des arrestations de suspects. En particulier, le Sous-Comité a interrogé plusieurs détenus qui ont affirmé que les agents de la police militaire, notamment les agents de la brigade motorisée, font un usage disproportionné de la force lorsqu’ils procèdent à des arrestations (usage de spray au poivre, de balles en caoutchouc, de matraques et de tasers à impulsion électrique, et sacs en plastique placés sur la tête des détenus, parfois pendant de longues périodes). Le Sous-Comité note que ces méthodes peuvent constituer des actes de torture ou des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et rappelle qu’en vertu de l’article 11 de la Convention contre la torture, l’État a l’obligation d’exercer une surveillance systématique en ce qui concerne les méthodes d’interrogatoire et les dispositions en matière de garde à vue et de traitement des personnes soumises à une forme quelconque d’arrestation, de détention ou d’emprisonnement, en vue de prévenir la torture.

Dans le rapport qu’il a soumis en 2012 à l’État partie, le Sous-Comité s’est dit préoccupé par les allégations faisant état de graves mauvais traitements infligés à des détenus et de conditions de transport inhumaines. Le Sous-Comité avait été informé que les détenus étaient entassés dans des véhicules dans lesquels la ventilation était, au mieux, limitée, et qu’ils étaient menottés dans des positions inconfortables. Ces conditions persistent.

Le Sous-Comité a également reçu des informations concernant l’usage de la force par les unités spécialisées de la police militaire qui font des descentes dans les prisons et les centres de détention provisoire. Dans un établissement en particulier, il a été informé que des policiers auraient menacé les détenus, les agressant avec des sprays au poivre, brandissant des armes à feu, frappant les détenus et détruisant leurs effets personnels. Le Sous‑Comité a été informé que ces descentes ont été déléguées à une entreprise privée, ce qui souligne la nécessité d’un contrôle adéquat des sous-traitants auxquels sont confiées des fonctions de police lorsqu’ils sont en contact avec des personnes privées de liberté.

Le Sous-Comité a en outre été informé que le nombre de décès dus à l’action de la police qui sont classés à tort comme des homicides licites pour rébellion augmente régulièrement. Le Sous-Comité est également très préoccupé par les informations selon lesquelles les Noirs sont en nombre disproportionné parmi les personnes tuées par des policiers en service.

Exhortant l ’ État partie à prendre des mesures pour prévenir la commission d ’ actes de torture et de meurtres par des policiers, enquêter sur les actes qui ont été commis et en poursuivre les auteurs, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie :

a ) De m ettre en place une formation intégrale obligatoire des policiers avant leur déploiement, de familiariser les policiers à l ’ interdiction de la torture et des mauvais traitements et de prévoir une formation et une évaluation continues . La formation devrait inclure la communication d ’ instructions portant sur l ’ utilisation de méthodes non létales pour appréhender les suspects, porter sur les techniques modernes d ’ enquête médico-légale, et prévoir une sensibilisation à la discrimination raciale. Une culture de tolérance raciale devrait être promue dans l ’ ensemble des forces de police ;

b ) De m ettre en œuvre le projet de loi n o  4472/12, s ’ il est adopté . Ce projet de loi exige qu ’ une enquête documentée soit rapidement ouverte chaque fois qu ’ un individu est tué par un agent de l ’ État. Dans tous les cas , le Sous-Comité recommande vivement à l ’ État partie de mettre immédiatement en œuvre de s procédures internes d ’ examen pour garantir la cohérence des enquêtes sur les allégations indiquant que des policiers se sont livrés à de mauvais traitements et à des actes de torture, l ’ adoption de mesures disciplinaires appropriées ou l ’ engagement de poursuites pénales lorsque les enquêtes montrent que de tels actes ont été commis , et l ’ octroi de réparations aux victimes ;

c ) D ’ a llouer des fonds suffisants pour que les membres des forces de police soient assez nombreux, motivés et payés convenablement (comme l ’ a recommandé le Sous-Comité dans son rapport de 2012) ;

d ) De m ettre en œuvre une procédure rigoureuse de contrôle et de responsabilisation à l ’ intention des entreprises privées qui exercent des fonctions de police.

2.Détection de la torture par le personnel médico-légal

Le Sous-Comité estime que les actes de torture et les mauvais traitements infligés par des policiers ne sont pas détectés par les employés des instituts de médecine légale qui examinent les détenus afin de déceler d’éventuels signes de torture. Lorsqu’il a visité des instituts de médecine légale dans les États d’Amazonas et de Rio de Janeiro, le Sous‑Comité a constaté que ces examens étaient effectués de manière inefficace et superficielle, et que les détenus n’étaient pas interrogés sur la cause de leurs blessures ou sur la façon dont ils avaient été traités par les policiers qui les avaient arrêtés. Malgré les efforts faits par l’État partie pour mettre en œuvre un programme de formation portant sur le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul), le personnel des instituts de médecine légale n’avait jamais entendu parler de cet instrument. L’absence de prise en considération des signes évidents de maltraitance ainsi que la peur des représailles dissuadent les victimes de porter plainte. Le fait qu’aucune mesure ne soit prise pour déceler les actes de torture commis par les autorités de police et pour enquêter sur ces actes revient à assurer l’impunité et perpétue le cycle de la torture et des mauvais traitements.

Le Sous-Comité demeure gravement préoccupé par le manque d’indépendance des instituts de médecine légale qui, dans de nombreux États, sont subordonnés à l’autorité administrative de la police ou des secrétariats à la sécurité publique. Cette relation non seulement compromet l’autonomie des médecins légistes mais peut aussi dissuader les victimes d’actes de torture infligés par des agents de police de porter plainte. Malgré les recommandations formulées à ce sujet par le Sous-Comité dans son rapport de 2012, peu a été fait pour modifier cette structure administrative. En réponse à ses questions, le Sous‑Comité n’a été informé d’aucun dossier qui aurait été ouvert par un médecin légiste au sujet de mauvais traitements infligés par des fonctionnaires de police. Au contraire, il a constaté que la méthode utilisée par les praticiens de l’établissement qu’il a visité ne prévoit aucune observation technique qui pourrait montrer qu’il est nécessaire d’enquêter sur des actes de torture ou des mauvais traitements potentiels. En outre, le Sous-Comité a été témoin d’examens médico-légaux pendant lesquels les personnes subissaient des interrogatoires agressifs de type policier et des actes d’intimidation. Ces observations ont confirmé au Sous-Comité qu’il importe d’assurer l’indépendance institutionnelle des instituts de médecine légale.

Le Sous- Comité rappelle l es obligation s qui incombe nt à l ’ État partie au titre des articles 12 et 13 de la Convention, qui prévoient qu ’ il soit immédiatement procédé à une enquête impartiale et approfondie chaque fois qu ’ il y a des motifs raisonnables de croire qu ’ un acte de torture a été commis. Il recommande :

a ) Que l ’ ensemble du personnel des instituts de médecine légale en contact avec des détenus suive une formation sur le Protocole d ’ Istanbul ;

b ) Que l es instituts de médecine légale tiennent des registres décrivant en détail les allégations de torture et de mauvais traitements, ainsi que les mesures prises pour mener des enquêtes . Ces registres devraient être recoupés avec les registres de la police, et les incohérences devraient être éclaircies lors de l ’ enquête ;

c ) Que l es instituts de médecine légale deviennent indépendant s de la police et des autorités de la sécurité publique sur les plans structurel et fonctionnel ;

d ) Sachant que le Protocole d ’ Istanbul est un outil indispensable pour détecter et documenter les actes de torture et les mauvais traitements et prévenir la commission de tels actes , que l ’ État partie fournisse des informations détaillées sur les mesures qu ’ il prend pour diffuser des informations sur le Protocole d ’ Istanbul et former les agents de l ’ État concernés (y compris les médecins légistes, les policiers, les juges, les procureurs et les défenseurs publics) à sa mise en œuvre. Le Sous-Comité demande à être informé des bénéficiaires, de la méthodologie et des résultats de la formation.

3.Méthodes de collecte des données

Le Sous-Comité prend note avec satisfaction du rapport conjoint détaillé publié en 2014 par le Ministère de la justice et le Département pénitentiaire national présentant une analyse statistique de nombreux aspects de la population carcérale et du système pénitentiaire au Brésil. Toutefois, ce rapport ne contient pas d’informations sur le nombre de cas dans lesquels des personnes privées de liberté ont subi des actes de torture ou des mauvais traitements, informations essentielles pour évaluer dans quelle mesure l’État s’acquitte des obligations qui lui incombent au titre de la Convention et du Protocole facultatif.

Le Sous-Comité demande à l ’ État partie de recueillir systématiquement , aux fins d ’ analyse, des informations sur les cas dans lesquels des personnes privées de liberté ont été torturées ou maltraitées . Il lui recommande d ’ améliorer les méthodes de collecte des données relatives à ce type de faits . Il faudrait di s poser d ’ u ne base de données présentant au moins les caractéristiques ci-après :

a ) I ndication du nombre de cas et description précise des faits , de l ’ enquête et du suivi assuré par l ’ État, et indication du stade de la procédure ;

b ) Des éléments de sécurité et un système de contrôle visant à empêcher les personnes susceptibles de faire subir des représailles à ceux qui signalent de mauvais traitements d ’ avoir accès aux données  ;

c ) U ne interface permettant l ’ identification et l ’ analyse des tendances ;

d ) U n système assurant la confidentialité et l ’ anonymat qui permette de protéger l ’ identité des personnes fournissant et analysant les données.

4.Présentation à un juge

Le Sous-Comité a été informé par l’État qu’en 2015, plus de 40 % des détenus étaient en détention avant jugement. Afin de réduire le nombre de placements en détention provisoire, le Sous-Comité encourage l’adoption de la proposition de loi du Sénat no 554/2011, visant à modifier le Code de procédure pénale afin de d’établir le droit des détenus d’être présenté à un juge. Ce projet de loi, qui a été adopté par le Sénat en septembre 2015 et doit être examiné par la Chambre des députés, prévoit que chaque individu pris en flagrant délit de commission d’une infraction doit être présenté à un juge dans les vingt-quatre heures suivant son arrestation, ce qui permet de statuer sur la question de savoir si le suspect doit être placé en détention et d’identifier immédiatement des signes potentiels d’actes de torture et de mauvais traitements infligés par les forces de police lors de l’arrestation et de l’interrogatoire. Le Sous-Comité considère que la présentation à un juge peut permettre de détecter et de prévenir les actes de torture et d’autres violences commis par des policiers. Il se félicite de la décision d’août 2015 de la Cour suprême fédérale relative à l’Ação Direta de Inconstitucionalidade 5240, rejetant une contestation de la constitutionnalité du caractère obligatoire de la présentation à un juge dans l’État de São Paulo.

Le Sous-Comité se félicite également d’une autre décision rendue par la Cour suprême fédérale (Arguição de Descumprimento de Preceito Fundamental 347), en septembre 2015, dans laquelle la Cour a estimé que le système pénitentiaire brésilien présentait un caractère inconstitutionnel en raison de graves dysfonctionnements structurels et chroniques qui menaçaient les droits fondamentaux des détenus. La Cour a reconnu la nécessité d’une réforme urgente et a ordonné que soit mise en œuvre, dans un délai de quatre‑vingt-dix jours, une politique prévoyant la présentation à un juge au plus tard dans les vingt-quatre heures suivant l’arrestation, et que les ressources budgétaires nécessaires soient débloquées par le Fonds pénitentiaire national.

Le Sous-Comité prend note avec satisfaction de la mise en place par le Gouvernement d’un programme pilote portant sur la présentation à un juge. Selon les chiffres fournis par le Conseil national de la justice, à la mi-octobre 2015, plus de 20 000 présentations à un juge avaient eu lieu, ce qui avait eu des incidences importantes sur la réduction du nombre de placements en détention avant jugement. Par exemple, dans l’État de Rio de Janeiro, près de 43 % des 194 détenus présentés à un juge entre le 18 septembre et le 13 octobre 2015 ont été libérés. Au total, à la mi-octobre 2015, environ 47 % des détenus présentés à ces audiences au Brésil avaient été libérés. La diminution immédiate du nombre de prévenus a allégé la pression pesant sur le système pénitentiaire surpeuplé, et a généré d’importants avantages secondaires pour l’État, notamment une économie d’environ 4,3 milliards de reais prévue d’ici à décembre 2016. Le Sous-Comité accueille avec satisfaction cet ambitieux programme conçu pour que toutes les personnes privées de liberté soient rapidement présentées à un juge.

Le Sous-Comité félicite l ’ État partie pour les mesures juridiques qu ’ il a prises pour mettre en place un système de présentation à un juge , et l ’ engage à le s mettre pleinement en œuvre dans l ’ ensemble du pays.

Tout en reconnaissant que la présentation à un juge a la capacité d’améliorer le système de justice pénale, le Sous-Comité note qu’au Brésil ces audiences ne sont pas conçues pour prévenir la torture et les mauvais traitements. Selon les statistiques fournies par le Gouvernement, dans environ 6 % de ces audiences tenues dans l’ensemble du Brésil à la mi‑octobre 2015, les détenus s’étaient plaints d’actes de violence commis dans les centres de détention. Les statistiques du Gouvernement indiquent en outre, ce qui ne laisse pas d’être inquiétant, que près de 20 % des détenus faisant l’objet d’une étude qui portait sur 186 audiences tenues dans l’État de Rio de Janeiro entre le 18 septembre et le 14 octobre 2015 ont déclaré qu’ils avaient été soumis à la torture ou à des mauvais traitements par des policiers au moment de leur arrestation. Le Sous-Comité n’a cependant pas reçu d’informations concrètes en réponse à ses questions concernant des cas spécifiques dans lesquels de telles allégations ont fait l’objet d’une enquête impartiale pouvant déboucher sur l’adoption de mesures correctives.

En outre, sur la base des informations qu’il a reçues, le Sous-Comité n’est pas convaincu que les juges soient en mesure de constater les signes de mauvais traitements physiques ou psychiques infligés par des policiers et de prendre des mesures en conséquence, ou que les juges et les avocats commis d’office cherchent systématiquement à savoir comment un détenu a été traité lors de son arrestation, de son transport et de sa détention préalable à l’audience. Le Sous-Comité reconnaît les difficultés qu’il y a à appliquer les garanties d’une procédure régulière sur l’ensemble de l’immense territoire géographique du Brésil, où il y a environ 16 500 juges. Toutefois, pour que la présentation rapide à un juge joue son rôle en tant qu’outil de détection de la torture, les victimes doivent avoir la possibilité de signaler les actes de maltraitance sans crainte de représailles, et les fonctionnaires concernés doivent être correctement formés afin d’être capables de déceler d’éventuels signes de torture et de donner suite comme il convient.

Le Sous-Comité demande à l ’ État partie de fournir des informations concernant les garanties procédurales visant à encourager les victimes de violence à signaler les mauvais traitements lorsqu ’ elles sont présentées à un juge . Le Sous ‑ Comité rappelle que toute s les personne s privée s de liberté ont le droit fondamental de bénéficier promptement d ’ une assistance juridique et médicale indépendante , de prendre contact avec leur famille et d ’ être informé e s de leurs droits . Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de mettre en œuvre des prescriptions procédurales protégeant le droit des détenus de s ’ entretenir en privé et en toute confidentialité avec leur avocat, en l ’ absence de policiers. Il recommande en outre que tous les agents de l ’ État jouant un rôle lors de la présentation à un juge (juges, procureurs, avocats nommés d ’ office, fonctionnaires de police et auxiliaires de justice) reçoivent une formation leur permettant de déceler les signes de torture et de mauvais traitements et de leur donner suite comme il convient. Cette formation devrait mettre l ’ accent sur le devoir des juges d ’ être vigilants en ce qui concerne les signes de torture et de mauvais traitements, et de poser des questions sur la façon dont les détenus ont été traités pendant leur interpellation et pendant la garde à vue.

Le Sous-Comité recommande également que les autorités publiques impliquées dans la présentation au juge (tribunaux, avocats commis d ’ office, instituts de médecine légale) reçoivent des ressources suffisantes, pour que chaque cas puisse être traité avec toute la diligence voulue.

B.Mauvais traitements et torture dans les centres de détention

Le Sous-Comité a constaté que la peur des représailles dissuade souvent les détenus de se plaindre d’actes de torture et de mauvais traitements. Il a noté qu’il existait un climat général d’intimidation et de répression dans les lieux de détention qu’il a visités. Dans plusieurs prisons, on lui a fait part d’allégations selon lesquelles des détenus sont régulièrement emmenés par d’autres détenus dans certaines cellules ou locaux où ils sont soumis à la torture. Dans un certain nombre d’établissements, des détenus avaient été placés à l’isolement parce qu’ils avaient été menacés par d’autres détenus, notamment des membres de gangs criminels qui exercent ouvertement un contrôle important dans les prisons.

Dans certains établissements de l’État de Rio de Janeiro, le Sous-Comité a entendu des récits convaincants de violence physique (coups, notamment coups de pied et coups de poing au visage) et de graves menaces verbales de la part d’agents chargés du maintien de la sécurité. Les personnes détenues dans ce centre ont dit craindre énormément d’être de nouveau agressées pour avoir signalé des mauvais traitements. Le Sous-Comité a également reçu des informations récentes selon lesquelles plusieurs détenus avaient été pris en otage dans une prison de l’État de Paraná. Il est également préoccupé par des cas avérés dans lesquels des détenus s’en sont pris violemment à des membres de la famille d’autres détenus, venus rendre visite, et à des membres du personnel de la prison, notamment du personnel médical et des gardiens. Le Sous-Comité note aussi avec préoccupation que, dans plusieurs des établissements qu’il a visités, les prévenus étaient placés dans les mêmes cellules que les condamnés.

Ayant examiné les dossiers pertinents dans la plupart des lieux de détention visités, le Sous-Comité note avec une profonde préoccupation qu’aucun effort constant n’est fait pour établir les allégations de torture et de décès dans les prisons et pour enquêter. Il se félicite des efforts faits par l’État partie pour collecter et publier des statistiques détaillées sur les morts violentes survenues dans les lieux de privation de liberté. Toutefois, ces statistiques alarmantes montrent que des procédures rigoureuses d’enquête, en conformité avec les articles 12 et 13 de la Convention contre la torture, sont absolument nécessaires. Selon le rapport du Département pénitentiaire national et du Ministère de la justice, le taux d’homicide volontaire au Brésil était six fois plus élevé en 2014 qu’en 2013, et près de la moitié des 565 personnes décédées alors qu’elles étaient privées de liberté en 2014 ont été tuées intentionnellement. Pour obliger les responsables de ces actes à rendre des comptes il faut procéder à une collecte approfondie d’informations et mettre en place une procédure de suivi diligente et documentée. L’absence d’enquêtes et de poursuites rapides, impartiales et exhaustives pour des actes de violence commis dans des établissements où des personnes sont privées de liberté est susceptible d’encourager une culture de violence et d’impunité, d’éroder la confiance dans la primauté du droit et de réduire les possibilités qu’ont les détenus de se réadapter et de se réinsérer dans la société.

Le Sous-Comité souligne que les difficultés matérielles et historiques ne diminuent en rien l’urgence qu’il y a à changer les attitudes concernant le recours à la torture par des agents de l’État, de manière à ce que les personnes qui sont sous la garde de l’État soient protégées contre la torture mentale et physique. Il souligne en outre que le seuil de ce qui constitue la torture est abaissé lorsque les personnes sont privées de liberté.

En conséquence, le Sous-Comité recommande aux autorités de l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour lutter contre les mauvais traitements en mettant pleinement en œuvre le système d ’ enquête sur les allégations de mauvais traitements et de torture , en luttant contre l ’ impunité , en promouvant l ’ éthique professionnelle par la formation continue du personnel dans les centres de détention et en rappelant régulièrement au personnel que les détenus doivent être traités sur un pied d ’ égalité et avec respect, et que le non-respect de ces principes compromet la tâche principale des agents pénitentiaires, qui est de corriger les comportement s et non d ’ imposer de s châtiment s .

Le Sous-Comité tient également à souligner que le droit international impose de séparer les prévenus des condamnés . En conséquence, il demande instamment à l ’ État partie de veiller à ce que cette séparation soit faite dans les centres de détention de tout le pays.

Le Sous-Comité a reçu des informations selon lesquelles des personnes rendant visite à des détenus sont soumises à des fouilles corporelles invasives qui, bien qu’interdites dans plusieurs États, sont toujours pratiquées malgré les études indiquant que des produits de contrebande ne sont trouvés que dans un nombre très limité de fouilles, et alors même qu’il existe des solutions de remplacement telles que les dispositifs à balayage électronique. Un projet de loi interdisant les fouilles abusives dans tous les établissements pénitentiaires du pays a été approuvé à l’unanimité au sénat et à la Commission des droits de l’homme et des minorités de la Chambre basse du Congrès.

Le Sous-Comité recommande que ce projet de loi , actuellement enregistré sous la cote 7764/2014 devant la Chambre des députés, soit approuvé, signé et mis en œuvre dans l ’ en semble du pays.

C.Auto-administration et délégation dans les lieux de détention

Le Sous-Comité est vivement préoccupé par le manque de contrôle de l’État sur les conditions de détention. Il a constaté qu’il y existe de solides structures de gouvernance autonome, les autorités publiques déléguant des tâches aux détenus. Dans certains États, les détenus, appelés dépositaires des clefs, avaient la capacité d’ouvrir et de fermer les portails d’entrée des ailes de la prison et les portes de cellules individuelles, surveillaient et exerçaient un contrôle de facto sur leur pavillon, confiant à d’autres détenus la responsabilité de faire le ménage et de préparer et distribuer la nourriture. Fait inquiétant, cette délégation de pouvoir autorisait également à des détenus, notamment les dépositaires des clefs, à sanctionner et à punir les détenus moins puissants.

Le Sous-Comité a été informé que certains détenus qui exercent du pouvoir seraient affectés dans des secteurs plus avantageux de la prison et auraient accès à d’autres prestations, alors que les détenus n’ayant pas d’autorité sont privés de certains avantages, tels que l’accès aux visiteurs, et connaîtraient des conditions de détention plus sévères. L’auto-administration semblait être plus fréquente dans les lieux de détention où les bandes criminelles avaient la responsabilité de déléguer l’autorité. Ces structures de contrôle illégales augmentent la probabilité que les personnes privées de liberté soient systématiquement soumises à des mauvais traitements et à la torture, voire tuées, et que les auteurs de tels actes jouissent de l’impunité.

Le Sous-Comité a constaté qu’un climat de peur et de répression était plus répandu dans les lieux de détention où l’auto-administration était plus prononcée, et que les dépositaires des clefs contrôlaient des ailes au vu et au su des autorités pénitentiaires. Des dépositaires de clefs ont cherché à entraver, dès que cela était possible, les entretiens de la délégation avec les détenus, tentant d’intimider les personnes interrogées en se tenant à proximité. Les régimes d’auto-administration créés avec l’autorisation tacite de l’État créent la terreur parmi les détenus, qui deviennent particulièrement vulnérables aux mauvais traitements de la part des autres détenus et n’ont aucun moyen de recours.

Le Sous-Comité recommande :

a ) Que l es autorités pénitentiaires veillent à ce qu ’ il y ait suffisamment de personnel dans les prisons et recrute nt un nombre suffisa nt de gardes de sécurité , avec un salaire approprié , pour q ue les détenus soient surveillé s par des agents de l ’ État, et non par d ’ autres détenus ;

b ) Que d es mesures administratives claires soient prises pour mettre un terme à la délégation de pouvoir s aux détenus, et pour sanctionner ceux qui tentent de contrôler d ’ autres détenus ou d e leur assigner des tâches normalement accomplies par le personnel ;

c ) Que l es plans de privatisation des prisons soient soigneusement examinés , et, s ’ ils sont appliqué s, qu ’ ils incluent de solides programmes de formation et des garanties telles que la supervision et le suivi adéquats pour prévenir l ’ auto ‑ administration par les détenus.

D.Conditions matérielles de détention

1.Surpopulation

Au cours de sa visite précédente, le Sous-Comité a constaté que, dans presque tous les centres de détention pour hommes qu’il a visités, le taux d’occupation dépassait de loin la capacité prévue. D’après le rapport établi par le Gouvernement en 2014, le taux moyen d’occupation dans les prisons brésiliennes était de 161 %. Bien qu’il soit indiqué dans le rapport que près d’un tiers des établissements n’avaient pas atteint leur capacité maximale, 24 % d’entre eux auraient un taux d’occupation de plus de 200 %. Le Sous-Comité a visité la prison Raimundo Vidal Pessoa, centre de détention avant jugement de Manaus qui abritait 691 personnes, bien au-delà de sa capacité de 250 détenus. Dans un État, le Sous‑Comité a été informé par un représentant du Gouvernement que les prisons locales sont souvent extrêmement surpeuplées. Un centre de détention pour mineurs où le Sous‑Comité s’est rendu hébergeait près de deux fois le nombre de détenus pour lequel il avait été conçu. De même, le Centre d’observation criminologique et de sélection Everardo Luna, à Recife, accueillait 2 473 personnes, soit plus du double de sa capacité prévue de 952 places. La prison Ary Franco a une capacité prévue de 958 places mais accueillait 1 731 personnes lors de la visite du Sous-Comité. Bien que, dans son précédent rapport, le Sous-Comité ait appelé l’attention sur la nécessité urgente de prendre des mesures dans l’établissement Ary Franco, celui-ci n’a pas été rénové ou modernisé depuis. L’un des établissements pour femmes visités (prison Joaquim Ferreira de Souza, dans le complexe pénitentiaire de Gericinó) était également surpeuplé, avec 546 détenues pour une capacité prévue de 400 places. Selon les chiffres fournis par le Gouvernement, entre 2011 et 2015, le nombre de détenus dans l’État de Rio de Janeiro a augmenté de 53 %, sans qu’il y ait eu une augmentation correspondante de la capacité.

Dans certains établissements, le Sous-Comité a constaté que le traitement réservé aux détenus était inhumain et dégradant, et se caractérisait par une forte surpopulation carcérale conjuguée à des conditions matérielles extrêmement mauvaises, un manque d’eau potable et l’absence de ventilation, un climat de peur créé par la violence, et l’absence d’activités. Dans la prison de Santa Cruz do Capibaribe, nouvel établissement de l’État du Pernambouc, le Sous-Comité a constaté que certaines cellules construites pour héberger neuf détenus chacune semblaient offrir moins de 6 mètres carrés d’espace, si l’on excluait la superficie occupée par la douche, les toilettes et les lits. Dans les cellules de nombreuses prisons et centres de détention avant jugement, dans plusieurs États, des détenus dormaient dans des hamacs fixés au plafond en raison du nombre insuffisant de lits ou de matelas.

Le Sous-Comité considère que cette surpopulation compromet la santé physique et mentale et la dignité des détenus, en les soumettant à un risque accru de maladies infectieuses et de stress, et en réduisant leur accès aux services médicaux, qui sont surchargés. Il encourage l’État partie à continuer de mettre en œuvre des programmes tels que la présentation à un juge, qui peuvent effectivement réduire la population carcérale. Il note également que le Tribunal fédéral suprême examine actuellement des mesures qui, si elles étaient mises en œuvre, réduiraient la surpopulation carcérale, à savoir la dépénalisation des drogues, par une déclaration affirmant que l’article 28 de la loi sur la lutte contre la drogue est contraire à la Constitution, et la possibilité pour certains détenus enfermés dans des établissements surpeuplés de bénéficier des dispositions de substitution comme l’assignation à résidence. Cependant, de toute évidence, il reste encore beaucoup à faire.

Le Sous-Comité invite instamment l ’ État partie à redoubler d ’ efforts pour réduire la surpopulation dans les centres de détention et souhaiterait être tenu informé des mesures prises et des pro grès accomplis dans ce domaine.

Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que toutes les cellules, qu ’ elles soient occupées par des prévenus , des mineurs, des condamnés ou des patients d ’ établissements psychiatriques, soient conformes aux normes internationales , y compris celles qui régissent la taille minimum des cellules pour l ’ occupation prévue.

Le Sous-Comité est profondément préoccupé par les manifestations de violence extrême, y compris les homicides, survenues entre détenus dans les centres de détention surpeuplés. Il note que la surpopulation exacerbe le stress des détenus, les obligeant à se faire concurrence pour un espace et des ressources limités, ce qui entraîne des comportements agressifs et un risque accru de violence non seulement à l’égard des détenus mais aussi du personnel. Malgré les recommandations que le Sous-Comité a faites dans son rapport de 2012, la surpopulation des centres de détention brésiliens demeure problématique. Par exemple, le complexe pénitentiaire Anísio Jobim, à Manaus, dont la capacité prévue est de 450 personnes, accueillait 1 203 détenus lors de la visite du Sous-Comité. Douze détenus ont été tués dans cette prison en 2002 et la surpopulation actuelle accroît le risque que des faits similaires se produisent à tout moment. De fait, en juillet 2015, un prisonnier a été décapité par d’autres détenus, peu de temps après son arrivée à la prison. Dans l’un des établissements visités, le Sous-Comité a eu connaissance d’allégations répétées concernant l’existence de cellules désignées et d’autres zones où les détenus sont régulièrement emmenés pour être battus et torturés par des codétenus. Dans une prison pour femmes, le Sous-Comité a rencontré une détenue qui avait été placée à l’isolement après avoir tué une autre détenue. Dans l’État de Bahia, en mai 2015, neuf détenus ont été tués dans une prison qui accueillait plus de 1 000 détenus, soit bien plus que sa capacité prévue de 644 places.

Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ accroître les effectifs dans les centres de détention, afin qu ’ il y ait un nombre suffisant de gardes formés, de gardiens, de membres du personnel médical et de cadres pour assurer la sécurité du personnel comme des détenus, et réduire l ’ influen ce de la criminalité organisée.

2.Produits de première nécessité

Le Sous-Comité demeure gravement préoccupé par les conditions matérielles de détention au Brésil, surtout en ce qui concerne l’accès aux produits de première nécessité. Dans plusieurs des établissements visités, le Sous-Comité a constaté que les cellules étaient dans un tel état d’insalubrité qu’elles étaient impropres à l’usage. Plusieurs détenus ont indiqué qu’ils n’avaient pas suffisamment de papier hygiénique, de détergent, de savon ou de dentifrice, et devaient demander aux personnes qui leur rendaient visite de leur en fournir. Dans la plupart des établissements, le Sous-Comité a également constaté un manque de lits et de literie propres, lesquels étaient souvent partagés par les détenus en raison de la surpopulation. Le Sous-Comité a également noté que la plupart des prisons et des centres de détention avant jugement ne disposaient pas d’un système de ventilation adéquat. Lorsqu’il y avait des ventilateurs, ceux-ci étaient insuffisants pour permettre la circulation adéquate de l’air dans des cellules chaudes, humides et surpeuplées.

Le Sous-Comité demande à l ’ État partie de fournir aux détenus des produits d ’ hygiène suffisant s pour répondre à leurs besoins spécifiques et génériques, ainsi que des serviettes, des draps et des vêtements pour garantir un niveau sanitaire minimum . Il lui demande à l ’ État partie de supprimer , dès que possible, l es cellules qui ne répondent pas aux normes internationales d ’ occupation.

3.Soins de santé

En ce qui concerne les soins de santé préventifs et curatifs, le Sous-Comité note avec une vive préoccupation que, selon les statistiques de 2014 fournies par le Gouvernement, au moins 768 des 1 258 unités carcérales du Brésil ne disposent pas de cabinet médical ou d’infirmerie. Dans un certain nombre de centres de détention, il a constaté que les unités de santé existantes manquent de ressources financières, matérielles et humaines.

Le Sous-Comité a également constaté que, dans plusieurs établissements du Pernambouc, l’assistance médicale, y compris l’aide d’urgence et les soins dentaires, n’était pas constante et était administrée par du personnel insuffisamment qualifié ou par des détenus sans qualifications qui, dans certains cas, faisaient office de pharmaciens et prescrivaient même des médicaments aux autres détenus. En outre, dans certains lieux visités, les détenus ne faisaient pas l’objet d’un examen médical à leur arrivée ou d’un dépistage de maladies infectieuses. En revanche, le Sous-Comité a noté avec satisfaction qu’en avril 2015, une infirmière avait été recrutée au Centre d’observation criminologique et de sélection Everardo Luna afin de dépister la tuberculose dans l’ensemble de la population carcérale et fournir des soins médicaux aux détenus atteints. Toutefois, le Sous‑Comité note que ces mesures doivent être largement mises en œuvre dans l’ensemble du Pernambouc, État où la prévalence de la tuberculose serait près de 100 fois supérieure à celle de la population générale.

Le Sous-Comité réitère ses recommandations tendant à ce que tous les détenus puissent bénéficier gratuitement d ’ un examen médical le plus rapidement possible après leur placement en détention, et après leur transfert dans une prison. Les conclusions d ’ ensemble des médecins devraient être consignées dans un registre créé à cette fin et, en cas d ’ allégations ou de signes de torture ou de mauvais traitements, de nouveaux examens devraient être menés. Les examens médicaux devraient être toujours effectués dans le respect du principe du secret médical : aucune personne étrangère au corps médical ne doit assister à l ’ examen.

Le Sous-Comité a reçu des informations crédibles indiquant que, dans certains secteurs, les détenues accouchent menottées. Le Sous-Comité a été particulièrement alarmé par les informations selon lesquelles les détenues enceintes ne reçoivent pas de soins obstétriques adéquats et, en octobre 2015, une détenue de la prison Talavera Bruce, dans le complexe de Gericinó, à Bangú, a accouché dans une cellule d’isolement. Le Sous-Comité a reçu des informations contradictoires du Gouvernement et d’autres sources sur la question de savoir si cette détenue a bénéficié d’une assistance médicale pendant l’accouchement.

Le Sous-Comité demande une copie du rapport établi à l ’ issue de l ’ enquête menée sur ces faits , ainsi que des informations sur les procédures suivies lorsque des détenu e s accouchent dans les lieux de privation de liberté. Le Sous-Comité note qu e certains États au moins , notamment ceux de São Paulo et de Rio de Janeiro, semblent avoir interdit la pratique consistant à menotter les détenu e s pendant l ’ accouchement, et il demande à l ’ État partie de veiller à ce que cette interdiction soit prorogé e , et mis e en œuvre dans l ’ ensemble du pays.

Le Sous-Comité recommande en outre à l ’ État partie de prendre des mesures concrètes pour que les personnes privées de libe rté puissent obtenir rapidement et gratuitement des soins et des traitements médicaux adaptés . Ces soins doivent inclure les soins obstétriques et prénatals de routine pour les femmes enceintes. Le Sous ‑ Comité souligne qu ’ il est urgent de ren force r le rôle des professionnels de santé dans la prévention des mauvais traitements et d ’ accroître la participation du Ministère de la santé à la prestation de serv ices de santé dans les prisons.

4.Activités et contacts avec le monde extérieur

Outre des fouilles corporelles invasives, le Sous-Comité a eu connaissance de plusieurs autres obstacles auxquels se heurtent les personnes qui souhaitent rendre visite à des détenus. Le Sous-Comité a été informé que des visites ont été arbitrairement restreintes dans certains établissements, les cartes de visiteurs étant remises avec retard aux membres de la famille et refusées aux personnes non apparentées. Le Sous-Comité a également entendu des allégations selon lesquelles, dans certaines prisons du District fédéral, les visites conjugales avaient lieu dans des conditions non hygiéniques, plusieurs couples utilisant le même matelas dans une même journée, parfois sans draps. Le Sous-Comité a été informé que, pendant une grève du personnel pénitentiaire qui a duré plusieurs semaines dans le District fédéral, les détenus n’ont pas pu recevoir de visites ou s’entretenir avec leur avocat.

Le Sous-Comité réitère sa recommandation tendant à ce que tous les détenus soient autorisés, sous la surveillance nécessaire, à communiquer régulièrement, par lettre, téléphone et dans le cadre de visites , avec leur famille, leurs avocats et d ’ autres personnes, et recommande en outre que les autorités d es centre s de détention fassent en sorte que les visites conjugales se déroulent dans des conditions matérielles humaines .

Le Sous-Comité a été informé que les détenus n’ont pas un accès égal aux possibilités de travailler, et que le manque de possibilités de travailler et d’activités intéressantes contribue à l’anxiété des détenus et à l’agitation et favorise les agressions. Le Sous-Comité a reçu des informations selon lesquelles, dans l’État de Rio de Janeiro, 2 % seulement des détenus avaient un emploi.

Le Sous-Comité réitère sa recommandation tendant à ce que les autorités compétentes redoublent d ’ efforts pour fournir à tous les détenus des activités constructives et des possibilités de travail ler pouvant leur permettre de trouver un emploi rémunérateur après leur libération.

5.Femmes

Le Sous-Comité a été informée que, dans une prison pour femmes du District fédéral, aucune nourriture ne serait fournie aux détenues. Confirmant les informations qui lui ont été communiquées, le Sous-Comité a constaté que, dans les établissements qu’il a visités, les détenues n’ont souvent pas accès aux produits d’hygiène féminine, dont elles ont besoin pour maintenir un niveau minimum de santé et de bien-être. Le Sous-Comité a également constaté qu’à la prison Joaquim Ferreira de Souza, on ne donnait pas aux détenues de vêtements de rechange, de telle sorte que, lorsque leurs vêtements étaient en cours de lavage, elles n’en avaient pas d’autres. Les détenues ont indiqué au Sous-Comité qu’elles n’étaient pas autorisées à recevoir des vêtements de la part des visiteurs, alors que le Sous-Comité a constaté que, dans la prison pour hommes du même complexe pénitentiaire, les détenus de sexe masculin étaient autorisés à en recevoir.

Le Sous-Comité invite instamment l ’ État partie à prendre immédiatement des mesures pour que la nourriture et les produits d ’ hygiène de base soient fournis en quantité suffisante aux occupantes des lieux de détention.

6.Mineurs

Le Sous-Comité est consterné par l’adoption de l’amendement constitutionnel no 115/2015, qui abaisse à 16 ans (contre 18 ans auparavant) l’âge auquel un adolescent peut être jugé comme un adulte pour des crimes odieux, pour coups et blessures ayant entraîné la mort et pour meurtre. Le Sous-Comité exprime son opposition à cet amendement.

Dans un centre de détention pour mineurs qu’il a visité, le Sous-Comité a constaté que les conditions de détention ne tenaient pas compte des besoins spécifiques des mineurs. Bien que des mesures positives aient apparemment été prises pour passer d’une approche punitive à une approche préventive, il a néanmoins découvert, sur la base de plusieurs entretiens, que les enfants et les adolescents ne recevaient pas la protection spéciale dont ils avaient besoin au moment de leur arrestation et qu’ils étaient exposés à une violence physique constante et ne bénéficiaient pas de garanties juridiques.

Le Sous-Comité a également reçu des informations faisant état de la détention arbitraire de mineurs dans le cadre de l’« Opération été », dispositif de sécurité visant à prévenir la criminalité en bord de mer pendant la saison touristique à Rio de Janeiro. Il a été informé que de nombreux mineurs pauvres qui fréquentaient les plages avaient été détenus sans motif légal, et que le mécanisme local de prévention s’était vu à plusieurs reprises refuser l’accès lorsqu’il avait essayé de visiter les foyers où ils étaient placés.

Le Sous-Comité est profondément alarmé par les informations fournies par les sources, dont le Gouvernement lui-même, selon lesquelles les jeunes noirs pauvres courent considérablement plus de risques que les autres d’être arrêtés et sommairement exécutés par la police. Le Sous-Comité a également reçu de nombreuses informations émanant de membres de la société civile qui indiquent que, dans certains États, la police militaire s’en prend spécifiquement aux jeunes noirs pauvres, qui sont victimes d’arrestations, d’usage excessif de la force et d’exécutions extrajudiciaires. Dans l’établissement pour mineurs de l’État de Rio de Janeiro où il s’est rendu, le Sous-Comité a constaté qu’un nombre manifestement disproportionné de détenus étaient noirs.

Le Sous-Comité demande à l ’ État partie de revoir ses pratiques en matière de détention pour mineurs et de les harmoniser avec les normes internationales, en particulier celles concernant la non-discrimination, la présomption d ’ innocence, l ’ accès à l ’ assistance juridictionnelle , l ’ interdiction des châtiments corporels, et le recours à la privation de liberté en dernier ressort uniquement .

7.Minorités de genre et minorités sexuelles

Le Sous-Comité est également préoccupé par le manque de visibilité et de protection dont souffrent, dans les centres de détention, les minorités de genre et les minorités sexuelles, comme les lesbiennes, les gays, les bisexuels, les transgenres et les intersexués. Selon les chiffres fournis par le Gouvernement, 86 % des établissements pénitentiaires ne disposent pas de locaux séparés pour ces personnes.

Le Sous-Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que des hébergements distincts soient fournis aux membres des minorités de genre et des minorités sexuelles dans tous les lieux de privation de liberté. Le Sous-Comité renvoie également l’État partie à son récent rapport intitulé « Prévention de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants en ce qui concerne les lesbiennes, les gays, les bisexuels, les transgenres et les intersexués ».

8.Étrangers

Dans les prisons de l’État de Rio de Janeiro, le Sous-Comité a constaté que les détenus étrangers n’avaient pas régulièrement accès à des services d’interprétation, et n’avaient qu’un accès limité aux services d’avocats et aux soins de santé.

Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les détenus étrangers aient accès à des services d ’ interprétation et qu ’ ils soient en mesure de consulter un avocat et du personnel de santé, selon que de besoin.

V.Application du Protocole facultatif : Système national de prévention et de répression de la torture

Conformément à l’article 17, le Brésil aurait dû créer ou désigner un mécanisme national de prévention au plus tard un an après sa ratification du Protocole facultatif, en 2007. Depuis la ratification, l’État a procédé à des évaluations internes et à des consultations publiques concernant le modèle adéquat pour un tel mécanisme. Le projet de loi sur le mécanisme national de prévention a été présenté au Sous-Comité lors de sa première visite au Brésil en 2011. Dans son premier rapport de visite, le Sous-Comité avait recommandé à l’État partie de procéder aux changements nécessaires pour garantir un processus ouvert, transparent et inclusif, faisant intervenir en particulier la société civile, en vue de sélectionner et de désigner les membres du mécanisme national de prévention. Il avait également recommandé que des mesures soient prises pour assurer l’équilibre entre les sexes et veiller à une représentation adéquate des groupes ethniques et minoritaires du pays dans la composition du mécanisme. Il salue les changements apportés au projet de loi à la suite de sa première visite, qui ont permis d’améliorer le niveau de transparence des nouveaux organes créés par la loi fédérale. Il met néanmoins l’accent sur l’importance de l’équilibre entre les sexes dans la composition du mécanisme national de prévention.

A.Cadre institutionnel pour la prévention de la torture au niveau fédéral

Le Sous-Comité se félicite de l’adoption de la loi fédérale 12.847 du 2 août 2013, portant création du Système national de prévention et de répression de la torture et du décret fédéral 8.154, du 16 décembre 2013 réglementant le fonctionnement du Système national de prévention et de répression de la torture, la composition et le fonctionnement du Comité national de prévention et de répression de la torture et du Mécanisme national de prévention et de répression de la torture.

Le Sous-Comité observe avec beaucoup d’intérêt la structure composite créée par l’État, qui montre que la prévention et la répression de la torture sont perçues et reconnues comme une tâche systémique qui dépend d’une multiplicité d’institutions et d’organes de l’État.

Le Sous-Comité est conscient de la complexité de l’État fédéral et il a noté que le Système national de prévention et de répression de la torture était composé de divers organes et institutions, dont le Comité national de prévention et de répression de la torture, le Mécanisme national de prévention et de répression de la torture, le Département pénitentiaire national, le Conseil national des politiques pénales et pénitentiaires et les comités locaux de prévention et de répression de la torture au niveau des États. Le rôle du Système national est d’intégrer tous ces organes et institutions et de tenir une réunion annuelle.

Le Sous-Comité a appris que, depuis sa création en août 2014, l’une des principales priorités initiales du Comité national a été la sélection des membres du Mécanisme national de prévention, lesquels ont été officiellement nommés en mars 2015. Le Sous-Comité a été informé que le Mécanisme national était devenu opérationnel en avril 2015, avec neuf membres. La loi fédérale prévoit toutefois que le mécanisme national de prévention sera composé de 11 experts choisis par le Comité national et nommés par le Président du Brésil pour un mandat de trois ans, renouvelable une fois. Chaque année, le Président du Comité national nomme un nouvel expert chargé de coordonner le Mécanisme national.

Tant le Comité national que le Mécanisme national sont de nouvelles institutions toutes deux liées, sur le plan administratif, au Secrétariat fédéral des droits de l’homme. Elles sont physiquement situées dans les locaux du Secrétariat aux droits de l’homme et leur structure est intégrée au sein du Secrétariat. Il a été porté à l’attention du Sous-Comité que les ressources demandées pour le fonctionnement de ces institutions proviennent du budget du Secrétariat. Le Sous-Comité a noté avec regret que le mécanisme national de prévention n’est pas doté des ressources nécessaires qui lui permettraient de s’acquitter de ses fonctions efficacement et en toute indépendance.

Le Sous-Comité a constaté que, pendant la phase initiale de sa mise en place, le mécanisme national de prévention s’est principalement attaché à élaborer ses procédures et protocoles internes et à établir un plan de surveillance, ainsi qu’à effectuer quelques visites de contrôle dans les lieux de détention. Il prend note des solides qualifications techniques des membres du mécanisme, dont les connaissances très diversifiées permettent une approche pluridisciplinaire de l’action de prévention de la torture.

En outre, le Sous-Comité a constaté que le mécanisme national de prévention était encore peu connu du grand public et de la population carcérale. Il estime que le statut et le rayonnement du mécanisme national de prévention devraient être renforcés. En outre, le mécanisme ne participe pas suffisamment aux processus législatifs, ce que l’article 19 du Protocole facultatif encourage et qui renforce la visibilité globale de ces mécanismes.

Le Sous-Comité a reçu des informations de la société civile au sujet du manque de transparence des méthodes de travail du Comité national ce qui, par voie de conséquence, peut avoir une incidence sur la façon dont la légitimité et l’efficacité de cette nouvelle institution sont perçues, et réduire les possibilités de coopération avec d’autres institutions ou organisations, qui constituent l’un des fondements du Système national de prévention et de répression de la torture. La société civile a également exprimé des préoccupations concernant le degré d’autonomie du Comité national vis-à-vis du Gouvernement.

Le Sous-Comité se félicite de l ’ aboutissement du long processus législatif concernant la création du M écanisme national de prévention et de répression de la torture en 2015 . Il rappelle à l ’ État partie qu ’ en vertu du paragraphe 3 de l ’ article 18 du Protocole facultatif, il est légalement tenu de doter ce mécanisme de ressources financières et humaines suffisantes, et souhaite être informé, à titre prioritaire, des mesures qu ’ il entend prendre pour allouer au m écanisme national de prévention des ressources financières et humaines suffisantes lui assurant une complète autonomie financière et opérationnelle.

Le Sous-Comité rappelle que, conformément à ses directives concernant les mécanismes nationaux de prévention, l ’ État doit veiller à ce que le mécanisme national de prévention jouisse de l ’ autonomie opérationnelle et de l ’ indépendance et s ’ abstenir de nommer des membres qui occupent une position susceptible de donner lieu à des conflits d ’ intérêts (voir CAT/OP/12/5, par. 12 et 18).

Le Sous-Comité recommande au Gouvernement fédéral non seulement de fournir à la fois les ressources humaines nécessaires et un financement suffisant pour assurer le fonctionnement efficace du m écanisme national de prévention au moyen d ’ une ligne budgétaire spécifique, mais aussi de lui accorder l ’ autonomie institutionnelle nécessaire dans l ’ utilisation de ses ressources. Le m écanisme devrait disposer des ressources nécessaires à son bon fonctionnement et jouir d ’ une totale autonomie financière et opérationnelle dans l ’ exercice de ses fonctions au titre du Protocole facultatif. L ’ allocation de ressources devrait être assurée par l ’ établissement d ’ une ligne distincte dans le budget annuel et ces ressources devraient être prévisibles, afin que le m écanisme national de prévention puisse élaborer son plan de travail et ses visites annuels, et planifier sa coopération avec d ’ autres partenaires.

Le Sous-Comité souligne que le m écanisme national de prévention devrait compléter plutôt que remplacer les systèmes de surveillance existants au Brésil, et que son fonctionnement devrait faciliter une coopération et une coordination efficaces entre les mécanismes de prévention dans le pays. Il recommande en outre que des budgets distincts soient alloués au Comité national et au Mécanisme national . En coopération avec le Comité national , le Mécanisme national devrait établir une distinction claire entre leurs mandats respectifs afin qu ’ ils puissent s ’ acquitter de l ’ ensemble des aspects de leurs mandats respectifs tout en évitant les conflits d ’ intérêts, réels ou perçus.

Le Sous-Comité recommande en outre à l ’ État partie de renforcer les capacités des nouveaux agents du m écanisme national de prévention , et d ’ intensifier la formation de tous ceux qui participent à ses travaux. Il lui recommande aussi de faire en sorte que le m écanisme continue de développer ses capacités en renforçant sa coopération avec le Sous-Comité et en dialoguant avec d ’ autres mécanismes de prévention , qu ’ ils soient nationaux ou relèvent d ’ États fédérés .

Le Sous-Comité recommande également à l ’ État partie d ’ encourager le Système national de prévention et de répression de la torture en général, et le Mécanisme national de prévention et de répression de la torture en particulier, à établir un dialogue plus direct avec les organisations de la société civile, y compris, au minimum, en accentuant leur participation aux visites du m écanisme national de prévention et au dialogue avec les autorités.

Le Sous-Comité recommande aussi à l ’ État partie d ’ accroître le rayonnement du m écanisme national de prévention , notamment en menant des activités destinées à mieux faire connaître le Protocole facultatif et le mandat du m écanisme ; ses recommandations devraient faire l ’ objet de débats et de dialogues nourris. À cette fin, le Sous-Comité recommande au m écanisme national de prévention de renforcer ses activités de sensibilisation auprès des institutions qui accueillent des personnes privées de liberté, auprès des ministères concernés et auprès des législateurs. Il recommande également à l ’ État partie de soutenir de tels échanges.

Enfin, les autorités de l ’ État et le m écanisme national de prévention devraient engager un véritable dialogue permanent en vue de l ’ application des recommandations que pourrait adopter le mécanisme, afin d ’ améliorer le traitement et la situation des personnes privées de liberté et de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de publier et de diffuser largement les rapports annuels du m écanisme national de prévention, ainsi qu ’ à les lui transmettre, conformément à l ’ article 23 du Protocole facultatif. Il l ’ invite instamment à mettre en place un cadre institutionnel pour débattre de ces rapports et y donner suite.

B.Cadre institutionnel pour la prévention de la torture au niveau des États

L’impact et l’efficacité du Système national de prévention et de répression de la torture envisagé par la loi fédérale repose en grande partie sur la mise en place d’un réseau de mécanismes de prévention au niveau des États, qui fonctionneront en collaboration les uns avec les autres et avec le mécanisme national de prévention qui jouera le rôle d’organe central. Le Secrétariat aux droits de l’homme favorisera la création de ces mécanismes locaux. En outre, le décret 8.154 régissant la mise en œuvre de la loi relative au mécanisme national de prévention dispose qu’un transfert volontaire de fonds sera effectué par le Secrétariat aux droits de l’homme aux États dans le but d’appuyer leurs investissements dans la prévention de la torture. Néanmoins, le Sous-Comité n’a été informé d’aucun transfert de ce type lors de la visite. Les organisations de la société civile ont exprimé des préoccupations quant au degré de priorité véritable accordé par le Gouvernement fédéral à cette question, étant donné que l’adoption du Système national devait s’accompagner d’un financement suffisant pour permettre la bonne mise en œuvre de la politique. Le Sous-Comité a constaté que, malgré le large réseau d’acteurs, dont des organisations de la société civile et des institutions publiques, qui encouragent la mise en œuvre du Protocole facultatif dans différents États du Brésil, le nombre d’États qui ont mis en place un mécanisme local de prévention reste très faible. L’adoption de la loi fédérale n’a pas eu l’effet escompté : depuis août 2013, seuls deux États ont adopté une législation en la matière.

Le Sous-Comité note avec satisfaction que le Secrétariat aux droits de l’homme, par l’intermédiaire de son Département de lutte contre la torture, a lancé des initiatives pour promouvoir la création et le fonctionnement de mécanismes de prévention au niveau des États, et engagé un dialogue avec les gouvernements des États afin de les encourager à s’acquitter de leurs obligations au titre du Protocole facultatif. Toutefois, ces efforts n’ont pas été systématiques et n’ont pas donné de résultats substantiels.

Le Sous-Comité regrette qu’il n’y ait pas une volonté politique suffisante pour mettre en place des mécanismes locaux de prévention, ce qui est également lié au fait de ne pas fournir des ressources financières adéquates aux mécanismes de prévention. Le Sous‑Comité a été informé que, bien que certains États aient promulgué des lois portant expressément création de mécanisme locaux de prévention, ces mécanismes n’ont pas reçu les ressources financières nécessaires pour permettre leur mise en place. Le Sous‑Comité appuie pleinement les efforts déployés par le Gouvernement fédéral pour promouvoir un système de mécanismes de prévention au niveau des États et saisit cette occasion pour réaffirmer sa volonté de l’aider aussi activement que ses ressources le permettront.

À cet égard, le Sous-Comité r appelle à l ’ État partie qu ’ en vertu de l ’ article 29 du Protocole facultatif , les dispositions du Protocole facultatif s ’ appliquent, sans limitation ni exception aucune , à toutes les unités constitutives des États fédéraux . Le Sous-Comité recommande donc aux autorités de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer la mise en place et le fonctionnement efficace des mécanismes de prévention dans tous les États du pays.

Le Sous-Comité demande à tous les g ouvernements des États qui ne l ’ ont pas encore fait de prendre des mesures et de mettre en place des mécanismes de prévention au niveau de l ’ État, conformément aux dispositions du Protocole facultatif, et de les doter de l ’ indépendance fonctionnelle et de ressources suffisantes pour que ces organismes puissent exercer leurs fonctions avec efficacité, comme le prévoit la loi fédérale 12.847.

Le Sous-Comité recommande au Gouvernement fédéral, par l ’ intermédiaire du Secrétariat fédéral des droits de l ’ homme, d ’ adopter , en coordination avec les autorités des États, une approche plus dynamique s ’ inscrivant dans le cadre d ’ un programme public national afin de favoriser la création de mécanismes locaux. Il peut s ’ agir de tenir des réunions avec d es autorités de haut niveau des États concernés , d ’ organiser des visites régulières de sensibilisation dans les États, de prêter un appui technique aux fins de l ’ élaboration de la législation ou encore de mettre en place des incitations économiques au moyen de l ’ allocation de fonds.

Selon les informations dont a eu connaissance le Sous-Comité pendant la visite, cinq États seulement disposaient de lois prévoyant la création d’un mécanisme de prévention mais celles-ci n’étaient pas encore entrées en vigueur. Le Sous-Comité reste préoccupé par le fait que des mécanismes de prévention étaient opérationnels dans deux États seulement, les États de Rio de Janeiro et du Pernambouc. Dans ces deux États, le Sous-Comité a constaté qu’il n’y avait pas la volonté politique de renforcer ces mécanismes et de leur fournir les ressources et les conditions nécessaires à leur bon fonctionnement. Dans les deux États, les mécanismes fonctionnent avec des ressources limitées. Le Sous-Comité se félicite qu’en 2015, le mécanisme de Rio de Janeiro ait obtenu des ressources financières et des locaux à usage de bureaux presque quatre ans après son entrée en fonctions. Néanmoins, le mécanisme ne dispose pas de personnel d’appui administratif et les ressources qui lui sont allouées ne semblent pas suffisantes pour lui permettre de s’acquitter pleinement de son mandat en vertu du Protocole facultatif.

Le Sous-Comité note avec une vive préoccupation que des membres du mécanisme du Pernambouc ont été harcelés, menacés et tenus en joue par un agent de la prison de Santa Cruz de Capibaribe alors qu’ils effectuaient une visite. Non seulement les membres du mécanisme ont énormément souffert de cet incident, mais le système de prévention et de répression de la torture a lui aussi gravement pâti d’une telle entrave flagrante à l’exécution de son mandat. Outre le fait que les membres du mécanisme ont été empêchés d’exercer leurs fonctions, l’un d’entre eux, une femme transgenre, a été insulté et humilié et continue de recevoir des menaces. D’après les informations reçues par le Sous-Comité, l’enquête ne progressait guère.

Le Sous-Comité demande au Gouvernement de procéder rapidement à une enquête complète, impartiale et approfondie sur les circonstances de cet incident, de traduire les responsables en justice et de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher que de tels incidents se reproduisent.

Le Sous-Comité est également préoccupé par le fait que le mécanisme de Rio de Janeiro et le mécanisme fédéral se sont vu refuser l’accès à des lieux qui ne sont pas traditionnellement considérés comme des lieux de privation de liberté, comme des foyers et des établissements psychiatriques. Cette situation semble avoir été due au fait que les autorités du système de protection sociale connaissaient mal la notion de « personne privée de liberté » en vertu du Protocole facultatif. L’accès est une caractéristique fondamentale de la prévention de la torture et, en l’absence d’accès, il est important qu’une enquête pour entrave à l’accomplissement d’une mission publique soit ouverte et conduite avec efficacité par l’organisme national chargé de ce type de problèmes.

Le Sous-Comité souligne que, en vertu de l ’ article 4 du Protocole facultatif, l ’ État doit autoriser des visites dans tout lieu placé sous sa juridiction ou sous son contrôle où se trouvent ou pourraient se trouver d es personnes privées de liberté sur l ’ ordre d ’ une autorité publique ou avec son consentement exprès ou tacite.

Annexe I

Liste des lieux de privation de liberté visités par le Sous-Comité

Rio de Janeiro

Centre de détention pour femmes Nelson Hungria

Cadeia Pública Joakim Fereira de Souza (centre de détention pour femmes no 8)

Unité de soins d’urgence (UPA) à Bangu

Hôpital pénitentiaire et véhicule de transfert de Bangu (SOE)

Prison Ary Franco

Unité de police de lutte contre la traite no 159

Institut central de médecine légale

Centre éducatif social Dom Bosco

Delegacia Antissequestro (DAS), police civile

Manaus

Cadeia Pública Desdor Raimundo Vidal Pessoa

Centre de détention provisoire I, Cadeia Pública

Centre pénitentiaire pour femmes de Manaus

Institut de médecine légale

Commissariat de police no13 (delegacia 13)

Compagnie d’intégrité communautaire, Unité de police spécialisée dans les infractions commises contre les femmes

Département de la police spécialisé dans les homicides et les enlèvements

Poste de police militaire (deux bâtiments distincts)

ROCAM − Ronda Ostensiva Candido Mariano, quartier général de la police militaire

Recife

Prison de Santa Cruz de Capibaribe

Centro de Observação e Triagem Professor Everardo Luna (COTEL)

Central de Flagrantes da Polícia Militar (avec le mécanisme de prévention de l’État)

Brasília

St. Maria établissement social d’enseignement pour filles (observation de la visite du mécanisme national de prévention)

Annexe II

Agents de l’État et des autres personnes et représentants d’organisations avec qui la délégation s’est entretenue

Brasília

Ambassadeur Sérgio Danese, Ministre d’État par intérim, Ministère des affaires étrangères

Nilma Gomes, Ministre des femmes, de l’égalité raciale et des droits de l’homme

Eleonora Menicucci, Secrétariat spécial pour les femmes

Paulo Roberto Martins Maldos, Secrétaire national pour la promotion et la protection des droits de l’homme

Alexandre Ghisleni, Directeur du Département des droits de l’homme et des questions sociales du Ministère des affaires étrangères

Christiana Lamazière, cheffe adjointe de la Division des droits de l’homme du Ministère des affaires étrangères

Rodrigo de Oliveira Morais, Conseiller international

Renato Vitto, Directeur général, Département pénitentiaire national

Maricia Loureiro, cheffe du Département international, Ministère de la justice

Ana Janaina Souza, Secrétaire nationale pour la jeunesse

Beatriz Cruz, Conseillère auprès du Secrétaire national à la sécurité publique

Joao Loureiro, Assistant technique au Département pénitentiaire national

Valdirené Daufembach, Directeur des politiques pénitentiaires

Luiz Guilherme Paiva, Secrétariat national des politiques relatives aux drogues

Fabiana Barrerto, Présidente, Conseil national des politiques pénales et pénitentiaires

Gabriel Sampaio, Secrétaire des questions législatives

Ministère de la santé

Rogério Sotilli, Secrétaire aux droits de l’homme

Juliana Bueno, Conseillère du Secrétaire spécial

Fernando Antônio dos Santos Matos, Directeur du Département de la protection des droits de l’homme

Karolina Alves Pereira de Castro, Coordonnatrice générale de la lutte contre la torture

Rodrigo Torres de Araujo Lima, Secrétaire national des droits des enfants et des adolescents

Fabricio Cruz, Secrétaire général du Conseil national de la justice

Aurélio Rios, Procureur fédéral pour les droits des citoyens

Paulo Pimenta, Vice-Président de la Commission des droits de l’homme et des minorités de la Chambre des députés

Mécanisme national de prévention et de répression de la torture

Comité national de prévention et de répression de la torture

Société civile

Centre pour la défense des droits des enfants et des adolescents (CEDECA)

District fédéral, En mouvement/jeunesse expression (DF Em Movimento/Juventude de expressão)

Commission des droits de l’homme − Association du barreau brésilien (Comissão de Direitos Humanos/OAB)

Carcerária pastorale

Conectas

Forum des jeunes Noirs (FOJUNE)

Mouvement CEI Viva (Movimento CEI Viva)

Collectif Artsam (Coletivo Artsam)

Collectif de la ville (Coletivo da Cidade)

Institut d’études socioéconomiques (Instituto de Estudos Socioeconômicos, INESC)

Association des familles de détenus du système pénitentiaire du District fédéral et des environs (Associação de Familiares de Internos no Sistema Prisional do Distrito Federal e Entorno, AFISP DFE)

Société des droits de l’homme du Maranhão (Sociedade Maranhense de Direitos Humanos, SMDH)

Rio de Janeiro

André Castro, Défenseur public général de l’État de Rio de Janeiro

Commission des droits de l’homme de l’Assemblée législative de l’État de Rio de Janeiro

Colonel Ribeiro Costa Filho, Secrétaire de l’administration pénitentiaire

Cristina Cosentino, Secrétaire chargée de la protection sociale et des droits de l’homme de l’État de Rio de Janeiro

Andrea Sepulveda Brito, Secrétaire chargée de la protection et de la promotion des droits de l’homme

Mécanisme d’État de prévention et de répression de la torture

Comité d’État de prévention et de répression de la torture

Fernando Da Silva Veloso, chef adjoint de la police

Recife

Mécanisme d’État de prévention et de répression de la torture

Société civile

CENDHEC − Centro Dom Helder Câmara de Estudos e Ação Social

Instituto José Ricardo

RENAP PE − Rede Nacional de Advogadas e Advogados Populares em Pernambuco

GAJOP − Gabinete de Assessoria Jurídica às Organizações Populares

Gestos (organisation pour la lutte contre le VIH/sida et pour l’égalité des sexes)