Nations Unies

CRC/C/CMR/CO/3-5

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

6 juillet 2017

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Observations finales concernant le rapport du Cameroun valant troisième à cinquième rapports périodiques *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport du Cameroun valant troisième à cinquième rapports périodiques (CRC/C/CMR/3-5) à ses 2214e et 2215e séances (voir CRC/C/SR.2214 et 2215), le 30 mai 2017, et a adopté les présentes observations finales à sa 2221e séance, le 2 juin 2017.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport du Cameroun valant troisième à cinquième rapports périodiques, ainsi que les réponses écrites à la liste de points (CRC/C/CMR/Q/3-5/Add.1), qui lui ont permis de mieux appréhender la situation des droits de l’enfant dans l’État partie. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de haut niveau de l’État partie.

II.Mesures de suivi adoptées et progrès réalisés par l’État partie

3.Le Comité prend note avec satisfaction de la ratification en 2013 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés. Il salue également les mesures législatives et institutionnelles et les politiques qui ont été adoptées pour mettre en œuvre la Convention, en particulier les modifications du Code pénal incriminant la torture, le mariage forcé, les mutilations génitales, les entraves au développement des organes et le harcèlement sexuel. Il se félicite en outre de l’augmentation du taux de scolarisation dans le primaire, et notamment de l’intégration dans les écoles locales des enfants réfugiés, des enfants demandeurs d’asile et des enfants déplacés qui arrivent en grand nombre.

III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

4.Le Comité rappelle à l’État partie le caractère indivisible et interdépendant de tous les droits consacrés par la Convention et souligne l’importance de toutes les recommandations figurant dans les présentes observations finales. Il appelle l’attention de l’État partie sur les recommandations concernant les domaines ci-après, dans lesquels il est urgent de prendre des mesures : la non-discrimination (par. 14), l’enregistrement des naissances et la nationalité (par. 19 et 21), la torture et les autres peines ou traitements cruels ou dégradants (par. 23), l’exploitation sexuelle et les violences sexuelles (par. 27), l’éducation, y compris la formation et l’orientation professionnelles (par. 39) et l’administration de la justice pour mineurs (par. 47).

A.Mesures d’application générales (art.4, 42 et 44 (par.6) de la Convention)

Législation

5. Le Comité rappelle sa précédente recommandation (CRC/C/CMR/C/2, par. 10) et invite instamment l ’ État partie à terminer la révision du Code civil, dont font partie le projet de code de protection de l ’ enfant et le projet de code des personnes et de la famille, en veillant à ce que les dispositions relatives aux droits de l ’ enfant soient harmonisées avec la Convention. Il recommande également à l ’ État partie de veiller à ce que les ressources humaines, techniques et financières allouées à la mise en œuvre de la législation relative aux droits de l ’ enfant soient adaptées et suffisantes.

Politique et stratégie globales

6. Le Comité prend note de l ’ adoption d ’ un plan d ’ action national de promotion et de protection des droits de l ’ homme au Cameroun (2015-2019), qui englobe les différents aspects de la protection de l ’ enfance et de la lutte contre les violences et les maltraitances à l ’ égard des enfants, l ’ élaboration d ’ une politique nationale de protection de l ’ enfance en 2016, et la création d ’ une plateforme de protection de l ’ enfance, mais recommande à l ’ État partie d ’ adopter une stratégie nationale spécifiquement consacrée aux enfants qui couvre tous les domaines visés par la Convention, y compris les éléments nécessaires à son application, et d ’ appuyer cette stratégie avec des ressources humaines, techniques et financières suffisantes.

Coordination

7. Le Comité constate que la coordination aux niveaux national, régional et local n ’ est pas claire et recommande à l ’ État partie de créer un organe adéquat, à un niveau interministériel élevé, qui serait doté d ’ un mandat clair et d ’ une autorité suffisante pour coordonner toutes les activités qui relèvent de la mise en œuvre de la Convention aux niveaux intersectoriel, national, régional et local ; et de veiller à ce que cet organe de coordination dispose des ressources humaines, techniques et financières nécessaires à son bon fonctionnement.

Allocation de ressources

8. Compte tenu de son observation générale n o 19 (2016) sur l ’ élaboration des budgets publics aux fins de la réalisation des droits de l ’ enfant, le Comité recommande à l ’ État partie :

a ) D ’ allouer des ressources budgétaires suffisantes à la mise en œuvre des droits de l ’ enfant et, en particulier, de définir les lignes budgétaires des ministères et des services des collectivités locales chargés de la protection et du bien-être de l ’ enfant, et d ’ augmenter progressivement la proportion des ressources nationales affectées à ces lignes budgétaires ;

b) De prendre note de la cible 16.5 des objectifs de développement durable, qui consiste à réduire nettement la corruption et la pratique des pots-de-vin sous toutes leurs formes, de prendre immédiatement des mesures pour combattre la corruption et donner les moyens aux institutions de détecter efficacement les cas de corruption, d ’ enquêter sur ces cas et d ’ en poursuivre les auteurs, notamment en renforçant le système de gestion des finances publiques afin d ’ éviter que les ressources destinées à la mise en œuvre de la Convention ne soient détournées.

Collecte de données

9. Eu égard à son observation générale n o 5 (2003) sur les mesures d ’ application générales de la Convention, le Comité réitère sa précédente recommandation (voir CRC/C/CMR/CO/2, par. 20) et recommande en outre à l ’ État partie :

a) D ’ allouer des ressources suffisantes au renforcement des capacités des statisticiens de l ’ ensemble de l ’ administration nationale en ce qui concerne la collecte et le traitement des données ;

b) De collecter et de diffuser auprès de tous les ministères et organismes compétents des données sur tous les domaines de la Convention, ventilées par âge, sexe, handicap, zone géographique, origine ethnique et origine nationale, et situation socioéconomique , afin de faciliter l ’ analyse de la situation de tous les enfants, en particulier les enfants vulnérables ;

c) De tenir compte du cadre conceptuel et méthodologique décrit dans le guide publié par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme (HCDH) pour la définition, la collecte et la diffusion de données statistiques.

Mécanisme de suivi indépendant

10. Compte tenu de son observation générale n o 2 (2002) sur le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l ’ homme dans la protection et la promotion des droits de l ’ enfant, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que la Commission nationale des droits de l ’ homme et des libertés dispose de ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour s ’ acquitter efficacement de son mandat, dans le plein respect des Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris), et notamment de faire en sorte que les enfants aient accès à la Commission dans toutes les régions du pays ;

b) De renforcer la capacité de la Commission de surveiller la situation des droits de l ’ enfant , et de veiller à ce qu ’ elle puisse entendre les plaintes émanant d ’ enfants, les instruire et leur donner la suite voulue en tenant compte de la sensibilité des enfants, et apporter aux victimes une protection adéquate.

Coopération avec la société civile

11. Voyant que les organisations de la société civile −  notamment celles qui travaillent dans le domaine des droits de l ’ enfant  − ont du mal à obtenir un statut juridique, ce qui restreint leur accès aux financements, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De simplifier les formalités d ’ enregistrement et de prévoir des réunions plus fréquentes de la commission technique chargée de l ’ homologation du statut juridique ;

b) De renforcer sa collaboration avec les organisations de la société civile, notamment en les associant à la planification, à la mise en œuvre, au suivi et à l ’ évaluation des politiques, plans et programmes concernant les droits de l ’ enfant.

Droits de l’enfant et entreprises

12. Profondément préoccupé, d ’ une part, par le fait que les activités des entreprises dans l ’ État partie, en particulier les sociétés transnationales des secteurs de l ’ extraction et de l ’ agro-industrie, puissent entraîner le déplacement et la réinstallation forcés de communautés autochtones et d ’ autres groupes minoritaires, la contamination des ressources en eau et de la nourriture, et la dégradation de l ’ environnement au détriment des enfants et, d ’ autre part, par l ’ absence de cadre réglementaire dans ces domaines, le Comité, se référant à son observation générale n o 16 (2013) sur les obligations des États concernant les incidences du secteur des entreprises sur les droits de l ’ enfant et des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l ’ homme consacrés par le Conseil des droits de l ’ homme en 2011, recommande à l ’ État partie :

a) D ’ établir un cadre réglementaire pour limiter les incidences des activités des entreprises sur les droits de l ’ enfant, de sorte que ces activités ne portent pas atteinte aux droits de l ’ homme et ne compromettent pas les normes environnementales ou autres, en particulier celles qui touchent aux droits de l ’ enfant ;

b) De veiller au plein respect par les entreprises des normes nationales et internationales relatives à l ’ environnement et à la santé, d ’ assurer un suivi efficace de l ’ application de ces normes, et des sanctions et/ou des réparations appropriées en cas de violation ;

c) D ’ exiger que les entreprises procèdent à des évaluations des effets de leurs activités sur l ’ environnement, la santé et les droits de l ’ homme, qu ’ elles organisent des consultations à ce sujet et divulguent toutes les informations correspondantes, ainsi que les mesures qu ’ elles comptent prendre pour réduire ces effets.

B.Définition de l’enfant (art. 1)

13. Le Comité prend note de l ’ adoption de la loi n o 2016/007 du 12 juillet 2016 relative à l ’ article 356 du Code pénal, qui érige «  le mariage forcé  » en infraction et aggrave la peine lorsque la victime est âgée de moins de 18 ans, mais réitère sa recommandation antérieure (voir CRC/C/CMR/CO/2, par. 26) et engage l ’ État partie à parachever la révision du Code civil et à porter l ’ âge minimum du mariage à 18 ans pour les filles comme pour les garçons.

C.Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12)

Non-discrimination

14. Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de l’article 242 du Code pénal révisé, qui interdit la discrimination fondée sur la race, la religion, le sexe ou l’état de santé. Il s’inquiète cependant des discriminations qui persistent à l’égard des enfants marginalisés et défavorisés, parmi lesquels les filles, les enfants nés hors mariage, les enfants handicapés, les enfants qui vivent avec le VIH/sida, les enfants atteints d’albinisme, les enfants autochtones, les enfants des rues, les enfants soupçonnés d’association avec Boko Haram, les enfants réfugiés, les enfants demandeurs d’asile et les enfants déplacés et de l’absence de stratégie globale visant à combattre cette discrimination. Le Comité est vivement préoccupé par le rejet qu’a manifesté l’État partie au cours du dialogue, quant à l’identité des enfants homosexuels, bisexuels, transgenres et intersexués, et par la stigmatisation et la discrimination dont ces enfants sont victimes.

15. Le Comité réitère sa précédente recommanda tion (voir CRC/C/CMR/CO/2, par.  28) et engage instamment l ’ État partie à :

a) Adopter et mettre en œuvre une législation complète, accompagnée d ’ une stratégie globale, pour protéger tous les enfants de la discrimination, en particulier les filles, les enfants nés hors mariage, les enfants handicapés, les enfants qui vivent avec le VIH/sida, les enfants atteints d ’ albinisme, les enfants autochtones, les enfants des rues, les enfants soupçonnés d ’ association avec Boko Haram , les enfants réfugiés, les enfants demandeurs d ’ asile et les enfants déplacés ;

b) Reconnaître l ’ identité des enfants homosexuels, bisexuels, transgenres et intersexués et les protéger, en droit et en pratique, de la discrimination ;

c) Organiser des programmes de sensibilisation et des programmes éducatifs, notamment des campagnes, à l ’ intention des enfants, des familles, des communautés, des chefs religieux et des chefs traditionnels, sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des enfants.

Intérêt supérieur de l’enfant

16. Compte tenu de son observation générale n o 14 (2013) sur le droit de l ’ enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ intensifier son action pour que ce droit soit dûment pris en considération, qu ’ il soit toujours interprété de la même manière et systématiquement appliqué dans toutes les procédures et décisions législatives, administratives et judiciaires, ainsi que dans tous les programmes, projets et politiques qui concernent les enfants ou ont un effet sur eux ;

b) De définir des procédures et des critères qui serviront d ’ orientation à toutes les personnes ayant autorité, aux niveaux national, régional et local, pour déterminer l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant dans tous les domaines et en faire une considération primordiale.

Respect de l ’ opinion de l ’ enfant

17. Compte tenu de son observation générale n o 12 (2009) sur le droit de l ’ enfant d ’ être entendu, le Comité salue l ’ organisation régulière de sessions du Parlement des enfants et, conformément à sa précédente recommandation ( CRC/C/CMR/CO/2, par. 32), encourage l ’ État partie à se doter d ’ une législation de nature à renforcer ce parlement et à le doter d ’ un véritable mandat et de ressources humaines, techniques et financières suffisantes, de manière que les enfants, en particulier les enfants vulnérables, puissent participer effectivement aux processus législatifs nationaux sur les questions qui les concernent.

D.Libertés et droits civils (art. 7, 8 et 13 à 17)

Enregistrement des naissances et nationalité

18.Le Comité salue la réforme du cadre législatif et institutionnel qui a permis d’améliorer le système d’enregistrement des naissances, notamment la création du Bureau national de l’état civil et l’extension du délai imparti pour déclarer les naissances. Il s’inquiète cependant du faible taux d’enregistrement des naissances, en particulier dans les zones rurales, pour les raisons suivantes :

a)La loi, lacunaire, ne prend pas en compte la question des conséquences, pour les familles pauvres et vulnérables, du coût de l’enregistrement des naissances, ni celle de la déclaration des naissances qui ont lieu en dehors des hôpitaux ;

b)Les parents sont peu informés de l’importance de l’enregistrement des naissances, des délais impartis à cette fin et de la difficulté qu’il y a à obtenir un certificat de naissance de substitution par ordonnance judiciaire à l’expiration desdits délais ;

c)Les bureaux d’état civil sont parfois inaccessibles et n’ont pas suffisamment de ressources, ce qui a des effets disproportionnés sur les populations vulnérables, parmi lesquelles les groupes et communautés autochtones de la presqu’île de Bakassi.

19. Compte tenu de la cible 16.9 des objectifs de développement durable, qui est de garantir à tous une identité juridique, notamment grâce à l ’ enregistrement des naissances, le Comité réitère sa précédente recommanda tion (voir CRC/C/CMR/ CO/2, par.  34) et prie instamment l ’ État partie :

a) De supprimer les frais d ’ enregistrement des naissances et de délivrance des certificats ;

b) De renforcer les ressources financières, techniques et humaines du Bureau national de l ’ état civil afin de le rendre plus accessible dans l ’ ensemble de l ’ État partie ;

c) De renforcer les campagnes de sensibilisation encourageant les parents à déclarer les naissances.

20.Le Comité s’inquiète en outre de constater que les enfants nés hors mariage doivent remplir des conditions supplémentaires pour acquérir la nationalité camerounaise et que celle-ci peut être refusée aux enfants handicapés.

21. Le Comité recommande à l ’ État partie de modifier le Code de la nationalité et de le purger des dispositions discriminatoires relatives à l ’ acquisition de la nationalité par les enfants nés hors mariage et à la naturalisation des enfants handicapés.

E.Violence à l’égard des enfants (art. 19, 24 (par. 3), 28 (par. 2), 34, 37 a) et 39)

Torture et autres peines ou traitements cruels ou dégradants

22.Le Comité salue l’adoption de l’article 277-3 du Code pénal révisé interdisant la torture. Il demeure cependant profondément préoccupé par les violences commises par la police contre des enfants, notamment dans le cadre d’enquêtes et de détentions provisoires prolongées, en particulier contre des enfants qui ont participé à des manifestations ou sont soupçonnés d’association avec Boko Haram, et qui pourraient constituer des actes de torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

23. Le Comité renv oie à son observation générale n o 13 (2011) sur le droit de l ’ enfant d ’ être protégé contre toutes les formes de violence et, compte tenu de la cible 16.2 des objectifs de développement durable, qui consiste à mettre un terme à toutes les formes de violence dont sont victimes les enfants, réitère sa précédente recommandation (voir CRC/C/CMR/CO/2, par. 36) et engage l ’ État pa rtie à :

a) Donner rapidement des directives à la police en ce qui concerne le droit de l ’ enfant d ’ être protégé contre toutes les formes de violence, en particulier la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) Donner pour instruction au ministère public d ’ enquêter avec diligence sur les cas signalés de torture d ’ enfants par la police, de poursuivre les auteurs de ces actes et de veiller à ce qu ’ ils soient sévèrement sanctionnés et à ce que les enfants victimes bénéficient d ’ une indemnisation et de services de réadaptation.

Châtiments corporels

24. Au vu de la fréquence des châtiments corporels dans la famille et dans la mesure où les pratiques violentes en matière de discipline, bien qu ’ illégales, demeurent répandues dans les écoles, le Comité, renvoyant à son observation générale n° 8 (2006) sur le droit de l ’ enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments, réitère sa recommandation antérieure (voir CRC/C/CMR/CO/2, par. 38) et engage l ’ État partie à :

a) Interdire expressément, dans la loi, les châtiments corporels dans tous les cadres, notamment dans la famille et dans les établissements accueillant des enfants ;

b) Veiller à ce que tous les cas de châtiments corporels touchant des enfants fassent l ’ objet d ’ une enquête et à ce que les auteurs soient poursuivis ;

c) Mettre en place, avec la participation des enfants, des familles, de la communauté et de ses dirigeants, des programmes durables d ’ éducation publique, de sensibilisation et de mobilisation sociale quant aux effets préjudiciables des châtiments corporels, tant sur le plan physique que sur le plan psychique, en vue de faire évoluer les mentalités à l ’ égard de cette pratique et de promouvoir le recours à des formes positives, non violentes et participatives d ’ éducation et de discipline plutôt qu ’ aux châtiments corporels.

Maltraitance et négligence

25. Se fondant sur son observation générale n o 13, le Comité réitère sa recommandation antérieure (voir CRC/C/CMR/CO/2, par. 50) et recommande en outre à l ’ État partie :

a) De garantir une action coordonnée en ce qui concerne la mise en œuvre de la politique nationale de protection de l ’ enfance afin de prévenir efficacement la violence à l ’ égard des enfants ;

b) De renforcer les mécanismes de détection précoce, de prévention de la maltraitance d ’ enfants et de réadaptation des enfants victimes en veillant à ce que les communautés disposent de travailleurs sociaux qualifiés et de services d ’ accompagnement des victimes et à ce que ceux-ci soient accessibles ;

c) De sensibiliser les parents et les chefs communautaires aux effets néfastes de la violence et de la maltraitance sur les enfants et la société, ainsi qu ’ aux moyens de prévention et aux solutions ;

d) D ’ encourager les enfants victimes à signaler les cas de maltraitance, de violence et de négligence, et de veiller à ce que les auteurs soient poursuivis et punis ;

e) De créer une base de données nationale répertoriant tous les cas de violence à l ’ égard d ’ enfants, notamment les cas de mauvais traitements, de violences sexuelles, de sévices et de négligence, ainsi que de violences familiales, et d ’ élaborer et de mettre en œuvre un système de suivi et d ’ évaluation permettant de déterminer quels sont les meilleurs moyens dont disposent les mécanismes de protection de l ’ enfance pour lutter contre la violence faite aux enfants .

Exploitation sexuelle et violences sexuelles

26. Le Comité salue l’adoption de l’article 297 du Code pénal révisé, qui dispose que l’auteur d’un viol ne peut échapper aux poursuites en épousant sa victime, et de l’article 302-1 du même Code, qui incrimine le harcèlement sexuel, prévoit une peine de prison lorsque la victime est mineure et considère comme une circonstance aggravante le fait que l’auteur soit investi d’un mandat éducatif à l’égard de la victime. Cependant, le Comité note avec une vive préoccupation :

a)Que les violences sexuelles sont répandues, y compris à l’égard de très jeunes enfants ;

b)Que plus de 22 % des filles âgées de 15 à 19 ans ont été victimes de violences sexuelles, notamment dans le contexte des mariages d’enfants, de sorte que la prévalence du VIH/sida demeure élevée dans ce groupe d’âge ;

c)Que la législation nationale n’apporte pas une entière protection à toutes les victimes de violences, notamment de la violence sexuelle, et ne leur garantit ni indemnisation ni services de réadaptation.

27. Appelant l ’ attention sur la cible 5.2 des objectifs de développement durable, qui consiste à éliminer de la vie publique et de la vie privée toutes les formes de violence faite aux femmes et aux filles, y compris la traite et l ’ exploitation sexuelle et d ’ autres types d ’ exploitation, le Comité réitère sa recommandation antérieure (voir CRC/C/CMR/CO/2, par. 74) et prie instamment l ’ État partie :

a) D ’ adopter une législation spécifique pour combattre la violence sexuelle et sexiste à l ’ égard des enfants, et de veiller à ce que des mesures de prévention, de protection et de réadaptation soient en place et visent particulièrement les groupes exposés à ces formes de violence, à savoir les filles, les enfants handicapés et les enfants réfugiés, les enfants demandeurs d ’ asile et les enfants déplacés ;

b) De mettre au point des mécanismes, des procédures et des lignes directrices faisant obligation de signaler les actes de violence et d ’ exploitation sexuelles commis contre des enfants ;

c) De mettre un terme à l ’ impunité pour tous les auteurs d ’ infractions sexuelles contre des enfants et de veiller à ce que ces individus soient poursuivis, tout en garantissant aux enfants victimes d ’ exploitation sexuelle ou de violences sexuelles l ’ accès aux mesures de protection des victimes et des témoins ;

d) De prévoir des formations régulières et approfondies à l ’ intention des juges, des avocats, des procureurs, des policiers, des travailleurs sociaux et des professionnels de santé sur les procédures normalisées de prise en charge des victimes compte tenu du sexe de l ’ enfant et de sa sensibilité ;

e) D ’ achever l ’ actualisation de la stratégie nationale de lutte contre la violence sexiste, d ’ allouer des ressources suffisantes à la mise en œuvre de cette stratégie, de veiller à ce qu ’ elle comprenne des activités de sensibilisation contre la stigmatisation des enfants victimes d ’ exploitation sexuelle et de violences sexuelles et à ce qu ’ elle contribue à faire connaître les mécanismes existants pour porter plainte, demander réparation et solliciter de l ’ aide.

Pratiques préjudiciables

28. Renvoyant à la recommandation générale/observation générale conjointe n o 31 du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes et n o 18 du Comité des droits de l ’ enfant (2014) sur les pratiques préjudiciables, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à l ’ application stricte des articles 277-1 et 277-2 du Code pénal révisé, qui incriminent respectivement les mutilations génitales et les atteintes à la croissance d ’ un organe ;

b) D ’ incriminer expressément la pratique du −  repassage des seins  − ;

c) D ’ achever l ’ actualisation du plan d ’ action national contre les mutilations génitales féminines, de lui allouer des ressources suffisantes, et de garantir sa mise en œuvre grâce à la plateforme de collaboration entre le Ministère de la promotion de la femme et de la famille et le Conseil des imams et des dignitaires musulmans, en coordination avec les comités mis en place localement pour lutter contre cette pratique ;

d) D ’ élaborer à l ’ intention des familles et des chefs communautaires, en particulier dans les régions reculées, des campagnes et des programmes globaux de sensibilisation aux effets néfastes des pratiques préjudiciables à l ’ égard en particulier des filles, des enfants atteints d ’ albinisme et des jumeaux ;

e) De prendre toutes les mesures nécessaires, conformément aux obligations de l ’ État partie au titre de la Convention et de la Charte africaine des droits et du bien-être de l ’ enfant, pour mettre fin à la pratique des mariages d ’ enfants, qui demeure répandue dans l ’ ensemble de l ’ État partie, en particulier dans les régions du Nord, de l ’ Extrême-Nord, de l ’ Adamaoua et de l ’ Est.

Lignes téléphoniques d’assistance

29. Le Comité recommande à l ’ État partie de dégager des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour mettre en place le numéro d ’ appel d ’ urgence (le 116) destiné au signalement des cas de maltraitance et de violence à l ’ égard d ’ enfants et en assurer le fonctionnement, et de faire connaître l ’ existence de cette ligne téléphonique aux enfants.

F.Milieu familial et protection de remplacement (art. 5, 9 à 11, 18 (par. 1 et 2), 20, 21, 25 et 27 (par. 4))

Milieu familial

30. Le Comité réitère sa recommandation antérieure (voir CRC/C/CMR/CO/2, par. 42 et 44) et recommande en outre à l ’ État partie :

a) D ’ achever l ’ élaboration de la politique nationale de protection sociale et de prévoir des ressources suffisantes pour sa mise en œuvre, de manière à garantir aux familles pauvres l ’ aide matérielle et financière nécessaire pour que les enfants puissent jouir d ’ un milieu familial convenable ;

b) D ’ envisager de ratifier la Convention de L a Haye du 23 novembre 2007 sur le recouvrement international des aliments destinés aux enfants et à d ’ autres membres de la famille et le Protocole du 23 novembre 2007 sur la loi applicable aux obligations alimentaires envers les enfants.

Enfants privés de milieu familial

31. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur les lignes directrices relatives à la protection de remplacement pour les enfants (voir résolution 64/142 de l ’ Assemblée générale, annexe) et souligne que la pauvreté financière ou matérielle ou des conditions uniquement et exclusivement imputables à cet état de pauvreté ne devraient jamais servir de justification pour retirer un enfant à la garde de ses parents, pour placer un enfant sous protection de remplacement ou pour empêcher sa réinsertion sociale. À cet égard, le Comité réitère sa recommandation antérieure (voir CRC/C/CMR/CO/2, par. 46) et recommande en outre à l ’ État partie :

a) D ’ élaborer des normes claires, fondées sur l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant, pour la prise en charge et la protection des enfants sans protection parentale et pour le recrutement et le choix de familles d ’ accueil ;

b) De prendre des mesures efficaces pour faire respecter la réglementation relative à la création et à l ’ homologation de centres de protection de remplacement et de veiller à ce que les centres existants fassent l ’ objet d ’ inspections et à ce qu ’ ils se conforment, à tout le moins, aux normes minimales établies ;

c) D ’ examiner régulièrement la situation des enfants placés en famille d ’ accueil ou en institution et de s ’ assurer de la qualité de leur prise en charge, notamment en instaurant des mécanismes accessibles de signalement des mauvais traitements à enfant, de suivi de ces cas et de remédiation ;

d) De soutenir et de faciliter la prise en charge des enfants en milieu familial autant que possible et de renforcer le système de placement en famille d ’ accueil pour les enfants qui ne peuvent être maintenus dans leur famille, pour qu ’ un moins grand nombre d ’ enfants soient placés en institution ;

e) De veiller à ce que les centres de protection de remplacement et les services compétents de protection de l ’ enfance disposent de ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour favoriser, dans toute la mesure possible, la réadaptation et la réinsertion sociale des enfants qu ’ ils accueillent.

Adoption

32. Le Comité réitère sa recommandation antérieure (voir CRC/C/CMR/CO/2, par. 48) et recommande en outre à l ’ État partie :

a) D ’ achever la révision du Code civil, qui consolide le système d ’ adoption ;

b) D ’ informer davantage le public des procédures d ’ adoption et de la réglementation y relative et de promouvoir et d ’ encourager les adoptions nationales ;

c) D ’ établir une réglementation claire en ce qui concerne l ’ adoption internationale et d ’ envisager de ratifier la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d ’ adoption internationale.

G.Handicap, santé de base et bien-être (art. 6, 18 (par. 3), 23, 24, 26, 27 (par. 1 à 3) et 33)

Enfants handicapés

33. Se référant à son observation générale n o 9 (2006) sur les droits des enfants handicapés, le Comité engage l ’ État partie à adopter une approche du handicap qui soit fondée sur les droits de l ’ homme et lui recommande en particulier :

a) D’accélérer la publication du projet de décret d’application de la loi n o 2010/002 du 13 avril 2010 portant protection et promotion des personnes handicapées, en veillant à ce qu’il prévoie l’obligation de procéder à des aménagements raisonnables  ;

b) De prendre sans délai des mesures pour que les enfants handicapés aient accès aux soins de santé, notamment aux programmes de dépistage et d ’ intervention précoces ;

c) De retirer immédiatement des institutions tous les enfants qui y ont été placés en raison de leur handicap et de veiller à ce qu’ils reçoivent un appui dans le cadre de leur communauté ;

d) De mettre en œuvre la politique nationale d’éducation inclusive, de former du personnel et des enseignants spécialisés et de les affecter dans des classes inclusives offrant un soutien individualisé et toute l’attention voulue aux enfants ayant des difficultés d’apprentissage ;

e) De mener des campagnes de sensibilisation à l’intention des familles d’enfants handicapés, des enseignants et de la société en général pour lutter contre la stigmatisation et les préjugés dont sont victimes les enfants handicapés et donner une image positive de ces enfants ;

f) D ’ envisager de ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Santé et services de santé

34. Compte tenu de l ’ insuffisance des crédits budgétaires alloués au secteur de la santé et de la piètre qualité des infrastructures, des équipements et des services, et du manque de personnel qualifié qui en résultent, et au vu des taux élevés de mortalité maternelle et néonatale et de malnutrition infantile, le Comité, se référant à son observation générale n o 15 (2013) sur le droit de l ’ enfant de jouir du meilleur état de santé possible et tenant compte de l ’ objectif de développement durable 3, recommande à l ’ État partie :

a) D ’ affecter davantage de ressources aux soins de santé primaires de façon que ces soins soient à la fois accessibles et abordables et de mettre en œuvre les programmes stratégiques prévus, notamment la Stratégie sectorielle de santé (2016 ‑ 2020), le Plan national de développement sanitaire (2016-2020) et son plan intégré de suivi et d ’ évaluation (2016-2020), ainsi que les programmes portant sur le paludisme, les vaccinations, la communication, la prise en charge intégrée des enfants et la santé néonatale ;

b) De faire en sorte que les hôpitaux et les centres de santé soient accessibles et suffisamment nombreux dans tout le pays, et qu’ils disposent de ressources humaines, techniques et financières suffisantes ;

c) D’œuvrer davantage à la prévention du paludisme saisonnier, notamment au moyen de programmes de sensibilisation à l’utilisation des moustiquaires, et de veiller à ce que les professionnels de santé qui facturent des honoraires non officiels pour l’administration d’un traitement gratuit contre le paludisme soient sanctionnés ;

d) De veiller à ce que les fonds soient alloués et décaissés de manière rationnelle afin que le financement des campagnes de vaccination soit assuré sans interruption lorsque l’aide de l’Alliance du vaccin ( Gavi ) arrivera à échéance en 2018 ;

e) De lutter contre la malnutrition et pour ce faire, d’arrêter définitivement la politique alimentaire et nutritionnelle et de procéder à sa mise en œuvre, de prévoir dans le budget national une ligne budgétaire spécifique pour la nutrition, de multiplier les campagnes de sensibilisation, en particulier dans les zones rurales, d’encourager l’allaitement maternel exclusif, de faire mieux connaître le Code national de commercialisation des substituts du lait maternel et de créer de s hôpitaux « amis des bébés » ;

f) D’améliorer la gestion de l’eau en dressant un inventaire des installations sanitaires et des installations d’approvisionnement en eau et d’assainissement, en prenant des mesures pour renforcer les capacités des comités de gestion des points d’eau et en actualisant la législation relative à la gestion de l’eau afin de remédier aux problèmes institutionnels ;

g) De mettre en œuvre et d’appliquer les règles énoncées dans le Guide technique du HCDH concernant l ’ application d ’ une approche fondée sur les droits de l ’ homme à la mise en œuvre des politiques et des programmes visant à réduire et à éliminer la mortalité et la morbidité évitables des enfants de moins de 5 ans (A/HRC/27/31).

Santé des adolescents

35. Compte tenu de son observation générale n o 4 (2003) sur la santé et le développement de l ’ adolescent dans le contexte de la Convention, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De mettre en œuvre son plan stratégique national pour la santé des adolescents et des jeunes et de veiller à ce qu ’ il comprenne un volet complet axé sur la santé sexuelle et procréative, qui consiste notamment à dispenser une éducation sexuelle et procréative aux adolescents, filles et garçons, dans le cadre du programme scolaire obligatoire, en mettant l ’ accent en particulier sur la prévention des grossesses précoces et des maladies sexuellement transmissibles, et en s ’ efforçant de promouvoir des comportements responsables en matière de parentalité et de sexualité au moyen d ’ activités de sensibilisation destinées en particulier aux garçons et aux hommes ;

b) D ’ améliorer l ’ accès des adolescentes aux soins de santé de la procréation et aux services connexes, et de renforcer l ’ appui aux services de santé de la procréation et de planification familiale, ainsi que l ’ accès à des contraceptifs abordables ;

c) De dépénaliser l ’ avortement en toutes circonstances et d ’ abroger le paragraphe 2 de l ’ article 339 du Code pénal révisé de sorte qu ’ il ne soit plus nécessaire d ’ obtenir une attestation du procureur avant de pouvoir avorter en toute légalité en cas de viol, de garantir l ’ accès des filles à des services d ’ avortement médicalisé et de soins après avortement, et de veiller à ce que l ’ opinion des filles soit toujours entendue et dûment prise en considération dans les décisions concernant l ’ avortement ;

d) De lutter contre la consommation de drogues, en particulier de Tramadol , chez les enfants et les adolescents, notamment en fournissant à ceux-ci une information précise et objective et en leur dispensant des enseignements pratiques dans le but de prévenir la consommation de substances nocives, notamment l ’ alcool et le tabac, et de mettre en place des services de traitement de la toxicomanie et de réduction des risques qui soient accessibles et adaptés aux jeunes .

VIH/sida

36. S ’ il constate que, dans l ’ État partie, la majorité des enfants et des adolescents vivant avec le VIH n ’ ont pas accès aux traitements antirétroviraux, le Comité, se référant à son observation générale n o 3 (2003) sur le VIH/sida et les droits de l ’ enfant, recommande à l ’ État partie :

a) D ’ arrêter définitivement les plans opérationnels portant sur l ’ élimination de la transmission de la mère à l ’ enfant et sur la prise en charge et le traitement du VIH chez les enfants et les adolescents, et de veiller à ce que des ressources humaines, techniques et financières suffisantes soient allouées à leur mise en œuvre ;

b) De renforcer l ’ accès des enfants, des adolescents, des femmes enceintes et des femmes allaitantes qui sont séropositifs à la thérapie antirétrovirale et au traitement prophylactique en multipliant les services de dépistage gratuit du VIH et en veillant à ce qu ’ ils soient accessibles et en déléguant rapidement la responsabilité d ’ entamer les traitements aux infirmiers et aux sages-femmes.

Niveau de vie

37. Compte tenu de la forte proportion de familles vivant dans la pauvreté (39,9 %) dans l ’ État partie, proportion qui est encore plus forte dans les zones rurales (55 %), et du grand nombre de travailleurs employés dans l ’ économie informelle qui ne bénéficient d ’ aucune forme de protection sociale, le Comité réitère sa recommandation antérieure (CRC/C/CMR/CO/2, par. 64) et appelle l ’ attention sur la cible 1.3 des objectifs de développement durable qui concerne la mise en place de systèmes et de mesures de protection sociale pour tous, adaptés au contexte national. Il recommande en outre à l ’ État partie de renforcer les stratégies et les mesures visant à garantir l ’ exercice des droits de l ’ enfant dans le cadre des programmes de lutte contre la pauvreté, et notamment de créer une allocation familiale universelle.

H.Éducation, loisirs et activités culturelles (art. 28 à 31)

Éducation, y compris formation et orientation professionnelles

38.Le Comité prend note des mesures adoptées par l’État partie pour améliorer l’accès des enfants à l’école, notamment la création de nouvelles écoles sur l’ensemble de son territoire et le recrutement d’un nombre accru d’enseignants, et l’élaboration de politiques relatives au développement de la petite enfance et à l’enseignement préscolaire. Cependant, il constate avec regret que ces efforts sont insuffisants et que bon nombre d’enfants en âge d’être scolarisés ne le sont pas. Le Comité est préoccupé par :

a)Le fait que le financement alloué à l’éducation, notamment pour la mise en œuvre de la stratégie sectorielle de l’éducation, reste insuffisant, ce qui se traduit par un manque d’enseignants qualifiés, de matériel pédagogique, d’équipements scolaires et une insuffisance des infrastructures, notamment un accès insuffisant à l’eau potable et à des installations sanitaires et l’absence, dans la plupart des cas, de services de ramassage scolaire ;

b)La fermeture d’écoles en raison de l’insécurité qui règne dans les régions de l’Extrême-Nord, du Nord, de l’Est, de l’Adamaoua, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ;

c)Le coût excessif de l’éducation en raison de frais non officiels qui ont des effets d’autant plus importants pour les nombreuses familles pauvres vivant dans l’État partie ;

d)Le faible taux de scolarisation des filles et, en particulier, le fort taux d’abandon scolaire dans l’enseignement secondaire en raison de l’ampleur du harcèlement sexuel de la part d’enseignants, des mariages d’enfants et des grossesses précoces ;

e)Les répercussions disproportionnées de l’obligation de présenter un certificat de naissance pour pouvoir passer l’examen d’entrée dans l’enseignement secondaire sur les enfants autochtones, les enfants réfugiés, les enfants demandeurs d’asile et les enfants vivant dans des régions reculées.

39. Prenant note de l ’ objectif de développement durable 4, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D’allouer davantage de ressources au secteur de l’éducation et de renforcer la transparence et la reddition de comptes au sujet des dépenses ;

b) D’améliorer la qualité de l’éducation en consacrant davantage de dépenses à la formation des enseignants, à l’acquisition de matériel pédagogique et d’équipement scolaire, et à la mise en place d’infrastructures, en particulier pour améliorer l’accès à l’eau potable et aux installations sanitaires, et les services de transport scolaire ;

c) De garantir la sécurité des enfants et du personnel des établissements scolaires et de prendre des mesures pour rouvrir d’urgence les écoles dans les régions qui connaissent des problèmes d’insécurité ;

d) De supprimer tous les frais indirects dans l’enseignement primaire et de sanctionner les membres du personnel éducatif qui exigent le paiement de frais non officiels ;

e) De redoubler d’efforts pour faire cesser la pratique des mariages d’enfants et faciliter la réinsertion des jeunes mères dans le système scolaire ordinaire, sans qu’elles soient victimes de stigmatisation ;

f) D’encourager le signalement en toute confidentiali t é des violences sexuelles infligées à des enfants par des enseignants, en veillant à ce que des enquêtes approfondies soient menées et à ce que les auteurs de tels actes soient traduits en justice ;

g) De supprimer les obstacles administratifs à la scolarisation, notamment l’obligation de produire un certificat de naissance pour pouvoir passer les examens d’entrée dans l’enseignement secondaire ;

h) D’instaurer des programmes d’enseignement et de formation professionnels pour les enfants qui ont abandonné l ’ école, en ciblant en particulier les groupes d ’ enfants vulnérables.

I.Mesures de protection spéciales (art. 22, 30, 32, 33, 35, 36, 37 b) à d) et 38 à 40)

Enfants réfugiés et enfants demandeurs d’asile

40. S ’ il note qu ’ ensemble, les différents conflits et l ’ instabilité qui règnent dans les pays voisins ont fait qu ’ il y a actuellement plus d ’ un demi-million de réfugiés, de demandeurs d ’ asile et de personnes déplacées au Cameroun, principalement dans les régions de l ’ Est, du Nord, de l ’ Extrême-Nord et de l ’ Adamaoua, le Comité réitère sa précédente recommandation (CRC/C/CMR/CO/2, par. 68) et recommande en outre à l ’ État partie :

a) De rendre opérationnelle la Commission d’éligibilité au statut de réfugié et de lui allouer les ressources nécessaires afin qu’elle mette en œuvre des procédures d’évaluation et d’enregistrement adaptées aux enfants ;

b) De veiller à ce que l’intérêt supérieur de l’enfant soit une considération primordiale dans tous les accords et décisions portant sur le transfert d’enfants réfugiés ou demandeurs d’asile, à ce que tous les retours soient volontaires et le principe du non-refoulement, respecté ;

c) D’élaborer des cadres généraux d’orientation et de gestion des dossiers en ce qui concerne les services destinés aux enfants réfugiés ou demandeurs d’asile, en particulier dans les domaines de la santé mentale et physique, de l’éducation, de la police et de la justice, et notamment la fourniture d’une aide juridique gratuite, tout particulièrement aux enfants non accompagnés ou séparés de leur famille ;

d) De prévenir la détention arbitraire des enfants réfugiés ou déplacés ;

e) D ’ envisager d ’ adhérer à la Convention relative au statut des réfugiés, à la Convention relative au statut des apatrides et à la Convention sur la réduction des cas d ’ apatridie.

Enfants dans les conflits armés

41. Se référant au rapport du Secrétaire général sur le sort des enfants en temps de conflit armé au Nigéria (S/2017/304) qui évoque l ’ enlèvement d ’ enfants par Boko Haram et l ’ utilisation effroyable de ces enfants, en particulier des filles, dans des attentats-suicides, ainsi que le placement en détention provisoire des enfants soupçonnés d ’ association avec le groupe, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ élaborer et de mettre en œuvre une stratégie nationale visant à coordonner la libération rapide des enfants soupçonnés d ’ association avec des groupes terroristes et détenus sur la base d ’ éléments de preuve non étayés ;

b) De modifier la loi antiterroriste n o 2014/028 du 23 décembre 2014 de façon que les tribunaux militaires n’aient pas compétence pour connaître des affaires impliquant des enfants ;

c) De créer des structures communautaires d ’ accompagnement pour la réinsertion des enfants ass ociés à des groupes armés, y compris à des groupes d ’ autodéfense , qui facilitent leur réadaptation physique et psychologique et leur réinsertion sociale dans des conditions favorisant la santé, le respect de soi et la dignité de l ’ enfant, et d ’ allouer les ressources nécessaires à ces structures.

Enfants appartenant à une minorité ou à un groupe autochtone

42. Compte tenu de la discrimination dont sont victimes les peuples pygmée et mbororo dans l ’ État partie et de l ’ absence de loi protégeant leurs droits, le Comité, se référant à son observation générale n o 11 (2009) sur les enfants autochtones et leurs droits en vertu de la Convention, réitère sa recommandation antérieure (CRC/C/CMR/CO/2, par. 83) et engage l ’ État partie :

a) À allouer les ressources nécessaires à la mise en œuvre du plan d’action national en faveur des peuples autochtones (2014) et à s’assurer que celui-ci a pour objectif de faire respecter, de protéger et de promouvoir les droits des enfants autochtones et de remédier à l’insécurité alimentaire, à la pauvreté et à la vulnérabilité de ces enfants face à la violence et à l’exploitation, avec leur part icipation pleine et effective ;

b) À redoubler d’efforts pour favoriser l’éducation des enfants autochtones et remédier à l’analphabétisme qui est extrêmement élevé chez les peuples autochtones en construisant dans leurs communautés des écoles dotées de ressources suffisantes et en proposant des programmes d’études adaptés à leur culture ;

c) À garantir l’accès des peuples autochtones aux prestations et aux services sociaux en facilitant l ’ enregistrement des naissances et la délivrance de cartes d ’ identité nationales.

Exploitation économique, notamment le travail des enfants

43. Compte tenu du grand nombre d ’ enfants qui continuent d ’ être exploités dans l ’ agriculture commerciale et le travail domestique, le Comité prie instamment l ’ État partie :

a) D’allouer des ressources suffisantes au Comité national de lutte contre le travail des enfants, crée par l’arrêté n o 082/PM du 27 août 2014, pour lui permettre de mener ses activités, et de parachever le plan d’action national de lutte contre le travail des enfants et de le mettre en œuvre ;

b) De protéger les enfants qui travaillent comme domestiques et de veiller à leur réadaptation et à leur insertion sociale, en particulier dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’action national ;

c) De faire connaître à la population les protections prévues par la loi contre l ’ exploitation des enfants par le travail afin d ’ encourager le signalement des violations, et de veiller à ce que celles-ci fassent l ’ objet d ’ enquêtes approfondies et à ce que leurs auteurs soient punis.

Enfants des rues

44. Se référant à son observation générale n o 21 (2017) sur les enfants des rues, le Comité réitère sa recommandation antérieure (CRC/C/CMR/CO/2, par. 72) et recommande à l ’ État partie :

a) De renforcer ses programmes d ’ aide aux familles pauvres et vulnérables et ceux visant à prévenir la séparation des enfants d ’ avec leurs parents et à assurer la réinsertion des enfants des rues dans leur famille et dans leur communauté lorsque cela est possible ;

b) De veiller à ce que les agents de l ’ État, notamment les membres de l ’ armée et de la police, respectent pleinement les droits des enfants des rues en sanctionnant tout acte de violence à leur égard et en fournissant aux victimes une protection et une aide adéquates, notamment de leur fournir de la nourriture, de leur offrir un abri, de leur assurer l ’ accès à l ’ éd ucation et à des soins de santé  ;

c) De réaliser des études sur les causes profondes qui amènent des enfants à vivre dans la rue, de collecter des données pour appréhender ce phénomène et d ’ associer les enfants des rues à la planification, à la mise en œuvre et à l ’ évaluation des mesures qui les concernent, comme indiqué plus haut.

Vente, traite et enlèvement

45. Constatant que, dans l ’ État partie, des enfants sont victimes de la traite à des fins de travail forcé dans le secteur minier et l ’ agriculture et de servitude domestique, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ allouer les ressources nécessaires à l ’ application de la loi n o 2011/024 du 14 décembre 2011 relative à la lutte contre le trafic et la traite des personnes au Cameroun et de rendre opérationnel le Comité de coordination et de suivi des stratégies de lutte contre le trafic des organes humains et des crimes rituels.

Administration de la justice pour mineurs

46.Le Comité est gravement préoccupé par le fait que les enfants en conflit avec la loi continuent de n’être que très peu protégés par la loi et la justice. Il est particulièrement préoccupé par :

a)L’âge, très bas, de la responsabilité pénale, fixé à 10 ans ;

b)Le fait que des enfants sont détenus arbitrairement par la police et que des frais non officiels sont exigés pour leur libération, notamment par des avocats commis d’office ;

c)L’absence de tribunaux pour mineurs, les longues périodes de détention provisoire et l’accès limité à l’aide juridictionnelle ;

d)L’absence de mesures de substitution à la détention pour les enfants en conflit avec la loi ;

e)Le fait que les installations sanitaires et les services assurés pour les enfants dans les centres de détention sont inadaptés et insuffisants et que les enfants ne sont pas systématiquement séparés des adultes.

47. Se référant à son observation générale n o 10 (2007) sur les droits de l ’ enfant dans le système de justice pour mineurs, le Comité réitère sa recommandation antérieure (CRC/C/CMR/CO/2, par. 80) et engage l ’ État partie à mettre son système de justice pour mineurs en pleine conformité avec la Convention et les autres normes applicables, en particulier :

a) En portant dans les meilleurs délais l’âge minimum de la responsabilité pénale à un niveau acceptable au regard des normes internationales ;

b) En traduisant en justice les policiers qui ont détenu arbitrairement des enfants et exigé des pots-de-vin pour leur libération, ainsi que les avocats commis d’office qui ont facturé des honoraires non officiels ;

c) En établissant dans les meilleurs délais des tribunaux et des procédures judiciaires spécialisés pour mineurs, en leur allouant des ressources humaines, techniques et financières suffisantes et en nommant des juges spécialisés pour les administrer ;

d) En veillant à ce que les enfants en conflit avec la loi bénéficient d ’ une aide juridique et juridictionnelle dispensée par des juristes qualifiés et indépendants, y compris par des assistants juridiques, dès le début de la procédure et tout au long de celle-ci ;

e) En encourageant le recours à des mesures autres que les procédures judiciaires, telles que la déjudiciarisation, le sursis probatoire, la médiation, l’accompagnement psychologique ou les travaux d’intérêt général, pour traiter les cas d’enfants accusés d’infraction à la loi pénale à chaque fois que cela est possible, en employant des mesures de substitution à la condamnation et en veillant à ce que la détention soit utilisée en dernier ressort, pour une durée aussi brève que possible et réexaminée à intervalles réguliers en vue d’être levée ;

f) En faisant en sorte, lorsque le placement en détention est inévitable, que les enfants soient systématiquement séparés des adultes et que leurs conditions de détention soient conformes aux normes internationales, notamment en ce qui concerne l ’ accès aux services d ’ éducation et de santé .

Enfants victimes ou témoins d’actes criminels

48. Le Comité réitère sa recommandation antérieure (CRC/C/CMR/CO/2, par. 81) et recommande en outre à l ’ État partie de renforcer les mesures d ’ accompagnement, en particulier les mesures de réadaptation psychosociale , des enfants victimes d ’ infractions, et de veiller notamment, pour ce faire, en à disposer d ’ un plus grand nombre de travailleurs sociaux qualifiés et à les déployer plus largement, et de rouvrir, à cette fin, l ’ Institut national de travail social.

J.Ratification des protocoles facultatifs à la Convention

49. Le Comité recommande à l ’ État partie de ratifier le Protocole facultatif à la Convention, concernant la vente d ’ enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et le Protocole facultatif à la Convention établissant une procédure de présentation de communications, afin de renforcer encore le respect des droits des enfants.

K.Ratification d’instruments internationaux relatifs aux droitsde l’homme

50. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de ratifier les instruments relatifs aux droits de l ’ homme fondamentaux ci-après auxquels il n ’ est pas encore partie, afin de renforcer encore le respect des droits de l ’ enfant :

a) La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ;

b) La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille ;

c) Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort.

51. Le Comité prie instamment l ’ État partie de s ’ acquitter de son obligation de faire rapport au titre du Protocole facultatif à la Convention, concernant l ’ implication d’enfants dans les conflits armés, sachant que son rapport était attendu le 4 février 2015.

L.Coopération avec les organismes régionaux

52. Le Comité recommande à l ’ État partie de coopérer avec le Comité africain d ’ experts sur les droits et le bien-être de l ’ enfant de l ’ Union africaine en ce qui concerne la mise en œuvre de la Convention et des autres instruments relatifs aux droits de l ’ homme, dans l ’ État partie et dans d ’ autres États membres de l ’ Union africaine.

IV.Mise en œuvre et soumission de rapports

A.Suivi et diffusion

53. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que les recommandations figurant dans les présentes observations finales soient pleinement mises en œuvre. Il recommande également que le rapport valant troisième à cinquième rapports périodiques, les réponses écrites de l ’ État partie et les présentes observations finales soient largement dif fusés dans les langues du pays.

B.Mécanisme national d’établissement des rapports et de suivi

54. Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer de renforcer son mécanisme national d ’ établissement des rapports et de suivi, en tant qu ’ organisme permanent de l ’ État chargé de coordonner et d ’ élaborer les rapports devant être présentés aux mécanismes internationaux et régionaux des droits de l ’ homme et de nouer un dialogue avec ces mécanismes, et de coordonner et suivre l ’ exécution des obligations conventionnelles et la mise en œuvre des recommandations et des décisions émanant desdits mécanismes. Le Comité souligne que cette structure devrait être appuyée de manière appropriée et en permanence par un personnel qui lui soit spécialement affecté et devrait être à même de consulter systématiquement les institutions nationales des droits de l ’ homme et la société civile.

C.Prochain rapport

55. Le Comité invite l ’ État partie à soumettre son rapport valant sixième et septième rapports périodiques le 9 août 2022 au plus tard et à y faire figurer des renseignements sur la suite donnée aux présentes observations finales. Ce rapport devra être conforme aux directives spécifiques à l ’ instrument adoptées le 31 janvier 2014 (CRC/C/58/Rev.3) et ne pas dépasser 21 200 mots (voir la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, par. 16). Si l ’ État partie soumet un rapport dont le nombre de mots excède la limite fixée, il sera invité à en réduire la longueur de manière à se conformer à la résolution susmentionnée. S ’ il n ’ est pas en mesure de remanier son rapport et de le soumettre à nouveau, la traduction de ce rapport aux fins d ’ examen par le Comi té ne pourra pas être garantie.

56. Le Comité invite en outre l ’ État partie à soumettre un document de base actualisé qui ne dépasse pas 42 400 mots et soit conforme aux prescriptions applicables aux documents de base figurant dans les directives harmonisées concernant l ’ établissement des rapports à présenter en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument (HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I), et au paragraphe 16 de la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale.