Nations Unies

CCPR/C/SWZ/CO/1

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

23 août 2017

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le Swaziland en l’absence de rapport *

1.En l’absence de rapport de l’État partie, le Comité des droits de l’homme a examiné la situation des droits civils et politiques au Swaziland au regard du Pacte international relatif aux droits civils et politiques à ses 3382e et 3383e séances publiques (CCPR/C/SR.3382 et CCPR/C/SR.3383), les 7 et 10 juillet 2017. Conformément au paragraphe 1 de l’article 70 du règlement intérieur du Comité, si un État partie n’a pas soumis de rapport en vertu de l’article 40 du Pacte, le Comité peut examiner en séance publique les mesures prises par l’État partie pour donner effet aux droits reconnus dans le Pacte, et adopter des observations finales.

2.À sa 3405e séance, le 25 juillet 2017, le Comité a adopté les observations finales ci‑après.

A.Introduction

3.Le Pacte est entré en vigueur pour le Swaziland le 26 mars 2004. L’État partie était tenu de soumettre son rapport initial en vertu du paragraphe 1 a) de l’article 40 du Pacte au plus tard le 26 avril 2005. Le Comité regrette que l’État partie ait manqué à ses obligations découlant de l’article 40 du Pacte et que, malgré de nombreux rappels, il n’ait pas soumis son rapport initial.

4.Le Comité apprécie cependant l’occasion qui lui a été offerte d’engager un dialogue constructif sur la mise en œuvre du Pacte avec la délégation de haut niveau de l’État partie. Il remercie l’État partie des réponses écrites (CCPR/C/SWZ/Q/1/Add.1) apportées à la liste de points (CCPR/C/SWZ/Q/1), qui ont été complétées oralement par la délégation.

5.Compte tenu des réponses écrites détaillées à la liste des points à traiter (CCPR/C/SWZ/Q/1/Add.1) que l’État partie a fournies et du dialogue constructif que le Comité a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie, le Comité considère les réponses écrites comme le rapport initial de l’État partie et demande à ce dernier de soumettre un document de base commun afin de faciliter les discussions à venir.

B.Aspects positifs

6.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption par l’État partie des mesures législatives et institutionnelles ci-après :

a)L’adoption de la Constitution, en 2005 ;

b)La création de la Commission des droits de l’homme et de l’administration publique, en 2009 ;

c)L’adoption de la loi relative à la protection et au bien-être des enfants, en 2012 ;

d)L’adoption de la loi interdisant la traite des personnes et le trafic des êtres humains, en 2009 ;

e)La modification de la loi relative à l’enregistrement des actes notariés, en 2012 ;

f)L’adoption de la loi relative à la prévention de la corruption, en 2006.

7.Le Comité note en outre avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après ou y a adhéré :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, le 24 septembre 2012 ;

b)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 24 septembre 2012.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Statut du Pacte au regard du droit interne

8.Notant que les traités n’ont pas automatiquement force de loi dans l’État partie, le Comité regrette que le Pacte n’ait pas encore été incorporé au droit interne et qu’il ne puisse donc pas être directement invoqué devant les juridictions nationales. Il est en outre préoccupé de ce que les parties prenantes concernées ne connaissent pas suffisamment le Pacte. Bien qu’il se félicite de l’intention exprimée par l’État partie de ratifier le Protocole facultatif, le Comité regrette qu’il n’ait pas pu donner de calendrier à cet effet (art. 2).

9. L ’ État partie devrait veiller à donner pleinement effet, dans son droit interne, à toutes les dispositions du Pacte et redoubler d ’ efforts pour mieux faire connaître le P acte aux juges, aux avocats, aux procureurs et au public en général. Le Comité invite l ’ État partie à ratifier le Protocole facultatif dans les meilleurs délais.

Harmonisation de la législation nationale

10.Tout en prenant note des explications fournies par la délégation selon lesquelles tant le droit coutumier que la common law sont soumis à l’autorité de la Constitution et les tribunaux appliquent l’ensemble de lois permettant le mieux de donner effet aux droits énoncés dans la Constitution, le Comité demeure préoccupé par le fait que l’existence de plusieurs ensembles de lois contradictoires empêche la mise en œuvre efficace des dispositions de la Constitution. Il est également préoccupé par les informations indiquant que dans la pratique, la primauté de la Constitution sur le droit coutumier n’est pas appliquée par les tribunaux (art. 2).

11.Rappelant son observation générale n o 31 (2004) sur la nature de l ’ obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, le Comité rappelle à l ’ État partie qu ’ il e st tenu, en vertu du paragraphe  2 de l ’ article  2 du Pacte, de veiller à ce que la législation nationale, et en particulier les lois organiques, soient compatib les avec les dispositions du Pacte. L ’ État partie devrait prendre des mesures, en mettant en place une commission de réforme législative ou en recourant à d ’ autres moyens, en vue d ’ harmoniser de manière systématique le droit coutumier et l a common law avec la Constitution et de garantir leur compatibilité avec les dispositions du Pacte. Il devrait également veiller à ce que les juges, les procureurs et les avocats dans tout le pays, y compris ceux qui officient dans des juridictions traditi onnelles, reçoivent une formation sur la primauté de la Constitution.

Accès à des voies de recours

12.Le Comité s’inquiète de ce que la monarchie et les chefferies, notamment, ne soient pas soumis à la Constitution, ni au contrôle juridictionnel. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles des personnes qui ont été expulsées de force, en particulier de terres confiées en fiducie au nom de la nation swazie, n’ont pas pu obtenir une indemnisation rapide et appropriée, malgré les garanties constitutionnelles existantes.

13. L ’ État partie devrait veiller à ce que la Constitution soit appli cable à toutes les personnes relevant de sa juridiction , et à ce que ces personnes disposent de recours utiles . Il devrait également garantir que les personnes expulsées de terres non enregistrées ou de terres confiées en fiducie au nom de la nation s wazie puissent accéder à d ’ autres terres ou reçoivent une indemnisation rapide et appropriée.

Commission des droits de l’homme et de l’administration publique

14.Le Comité prend note des renseignements fournis par la délégation indiquant qu’un secrétariat a été mis en place pour rendre opérationnelle la Commission des droits de l’homme et de l’administration publique et que des cas ont déjà été signalés à cette dernière, mais il regrette qu’aucune législation d’habilitation n’ait encore été adoptée (art. 2).

15. L ’ État partie devrait adopter une loi habilitant officiellement la Commission des droits de l ’ homme et de l ’ administration publique à agir en tant qu ’ institution nationale des droits de l ’ homme, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris) . Il devrait veiller à ce que la Commission soit suffisamment ind épendante et bénéficie des ressources humaines et financières nécessaires pour s ’ acquitter de son mandat, à ce qu ’ un mécanisme de plaintes efficace soit mis en place et à ce que les cas signalés fassent rapidement l ’ objet d ’ une enquête de la Comm ission afin qu ’ ils puissent être résolus et que les victimes puissent recevoir une réparation intégrale.

Dangers publics exceptionnels et Proclamation royale de 1973

16.Le Comité est préoccupé par le fait que certains des motifs qui peuvent être invoqués pour proclamer l’état d’urgence en application de l’article 36 de la Constitution ne sont pas compatibles avec l’article 4 du Pacte, en ce sens qu’ils ne sont pas forcément conformes au principe qui veut que l’existence de la nation soit menacée. Il est également préoccupé par le fait que les droits énoncés dans la Constitution qui sont indiqués comme non susceptibles de dérogation n’incluent pas tous les droits énumérés au paragraphe 2 de l’article 4 du Pacte. Bien que prenant note de l’explication fournie par la délégation du Swaziland selon laquelle la Constitution de 2005 a remplacé la Proclamation royale de 1973, qui n’est donc plus en vigueur, le Comité relève qu’il existe une certaine confusion quant à la préséance que pourrait continuer à avoir la Proclamation dans la mesure où elle n’a pas été officiellement abrogée. Le Comité est en outre préoccupé par les informations selon lesquelles des agents des forces de l’ordre se prévaudraient de la Proclamation royale de 1973 pour réduire les opposants politiques au silence (art. 4).

17. L ’ État partie devrait veiller en droit et en fait à ce qu ’ il ne puisse être dérogé d ’ aucune manière aux droits énoncés dans le Pacte, hormis dans les circonstances strictement prévues à l ’ article  4 de ce dernier, et à ce que la Constitution reconnaisse tous les droits auxquels il ne saurait être dérogé. L ’ État partie devrait officiellement abroger la Proclamation royale de 1973 et veiller à ce qu ’ elle n e soit pas utilisée pour réduire les opposants politiques au silence.

Discrimination et violence fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre

18.Le Comité note avec préoccupation que la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre n’est pas formellement interdite par la Constitution ou par les lois de l’État partie. Il prend également note avec inquiétude des informations selon lesquelles les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués (LGBTI) sont souvent confrontés à la discrimination, en particulier en matière de logement et d’emploi. Il est en outre préoccupé par les informations faisant état d’actes de violence à l’égard de LGBTI, notamment de deux meurtres qui seraient directement liés à l’orientation sexuelle des victimes et du viol d’un homosexuel en détention. S’il prend note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle, dans la pratique, l’incrimination des relations homosexuelles entre hommes (sodomie) par la common law n’est pas appliquée, le Comité est préoccupé par l’intention déclarée de l’État partie de ne pas abroger la loi en cause et par l’effet discriminatoire que celle-ci continue d’avoir pour les LGBTI (art. 2, 6, 7, 17 et 26).

19. L ’ État partie devrait revoir ses lois de manière à interdire formellement la discrimination fondée sur l ’ orientation sexuelle et l ’ identité de genre en toutes circonstances , et prendre les mesures nécessaires pour que les personnes concernées puissent jouir pleinement de tous les droits fondamen taux consacrés par le Pacte. Il devrait également  :

a) Combattre énergiquement les stéréotypes et les attitudes négatives fondés sur l ’ orientation sexuelle et l ’ identité de genre d ’ autrui  ;

b) Former et sensibiliser les agents de police, les procureurs et le personnel de justice afin qu ’ ils soient à même de repérer la discrimination et les actes de violence visant les LGBTI  ;

c) Adopter une législation interdisant explicitement les infractions motivées par la haine visant des LGBTI  ;

d) Prendre de s mesures énergiques pour réellement prévenir les actes de discrimination et de violence à l ’ égard de ces personnes, et faire en sorte que tous les actes de violence les visant fassent l ’ objet d ’ une enquête efficace, que leurs auteurs soient traduits en justice et dûment sanctionnés, et que les victimes soient indemnisées. L ’ État partie devrait également collecter des données complètes sur les cas de violence motivée par l ’ orientation sexuelle ou l ’ ide ntité de genre des victimes  ;

e) Ériger en infraction les viols commis sur des hommes et supprimer l ’ infraction de sodomie prévue par la common law .

Discrimination à l’égard des personnes vivant avec le VIH/sida

20.Bien que conscient des efforts considérables réalisés par l’État partie pour promouvoir et protéger la santé et la vie des personnes vivant avec le VIH/sida, le Comité demeure préoccupé par le nombre de personnes infectées, qui reste élevé dans l’État partie, et par la stigmatisation et la discrimination que ces personnes continuent à subir. Le Comité est également préoccupé de ce qu’il n’existe pas de loi interdisant la discrimination fondée sur le VIH/sida (art. 2, 6 et 26).

21. L ’ État partie devrait  :

a) Poursuivre et intensifier ses interventions pour répondre aux besoins des populations les plus touchées, notamment les femmes, les jeunes, les travailleurs du sexe et les LGBTI, y compris en milieu rural  ;

b) Redoubler d ’ efforts pour lutter contre la stigmatisation et la discr imination liées au VIH/sida, qui sont très répandues parmi la population en général  ;

c) Veiller à ce que la loi interdise en toutes circonstances la discrimination à l ’ égard des personnes vivant avec le VIH/sida et à ce que les dispositions pertinentes s oient effectivement appliquées.

Discrimination à l’égard des personnes atteintes d’albinisme

22.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de discrimination et de violences à l’égard des personnes atteintes d’albinisme. Il constate également avec préoccupation que l’État partie n’a pas encore adopté de stratégies efficaces visant à garantir que les personnes atteintes d’albinisme bénéficient de la même protection que les autres en droit et en fait (art. 2, 6 et 26).

23. L ’ État partie devrait prendre des mesures pour veiller à ce que les personnes atteintes d ’ albinisme soient protégées, en droit et en fait, contre toutes les formes de violence et de discrimination.

Égalité entre hommes et femmes

24.Le Comité constate avec préoccupation que malgré les dispositions de la Constitution prévoyant l’égalité de traitement pour les hommes et les femmes, plusieurs lois nationales comprennent des dispositions discriminatoires à l’égard des femmes, notamment la loi sur le mariage, qui défavorise la femme par rapport à son mari, et le chapitre 4 de la Constitution, qui fait une différence entre les hommes et les femmes pour ce qui est de l’acquisition et de la transmission de la nationalité swazie. Le Comité note également avec préoccupation que le droit coutumier et la pratique perpétuent les inégalités entre les hommes et les femmes, en particulier en ce qui concerne le droit d’hériter et le droit à la propriété, et que des pratiques culturelles, telles que la polygamie, le mariage forcé et le lévirat, ont toujours cours. Le Comité prend note de la disposition énoncée au paragraphe 3 de l’article 28 de la Constitution, mais constate avec préoccupation qu’elle ne protège pas suffisamment les droits des femmes prévus par le Pacte en ce qu’elle fait peser une charge excessive sur la femme, et relève qu’elle n’est pas appliquée dans la pratique, notamment en ce qui concerne les voies de recours. Il s’inquiète également de la représentation inégale des femmes dans les secteurs public et privé, en particulier aux postes de décision, et de l’absence de renseignements précis concernant la représentation des femmes dans le secteur privé (art. 2, 3, 7 et 26).

25. L ’ État partie devrait d ’ urgence  :

a) Réviser la Constitution et les lois nationales , y compris les lois coutumières , pour ce qui est de la condition de la femme , et abroger ou modifier toutes les dispositions qui sont incompatibles avec le Pacte, notamment celles relatives au mariage, à l ’ héritage, à la propriété, ainsi qu ’ à la transmission de la nationalité  ;

b) Intensifier son action contre les pratiques coutumières discriminatoires, ce qui consiste entre autres à veiller à la bonne administration des successions et à prendre davantage de mesures de sensibilisation dans les zones rurales, ciblant notamment les hommes et les chefs traditionnels  ;

c) Lutter contre la polygamie, le mar iage forcé et le lévirat dans le but de faire disparaître ces pratiques  ;

d) Prendre toutes les mesures nécessaires pour promouvoir l ’ égale représentation des femmes aux postes de décision dans les secteurs public et privé, notamment en adoptant au besoi n des mesures temporaires spéciales et en collectant des données complètes sur la représentation des femmes dans les secteurs public et privé.

Violence à l’égard des femmes

26.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles la violence à l’égard des femmes et des enfants serait une pratique répandue, en particulier la violence sexuelle, y compris le viol et le viol conjugal, et selon lesquelles les acteurs concernés ne bénéficieraient pas d’une formation spécifique sur la violence sexiste. Il est également préoccupé de ce qu’il n’existe pas de législation adéquate pour protéger les femmes de la violence et note à cet égard le retard pris dans l’adoption du projet de loi relatif aux infractions sexuelles et à la violence familiale. Le Comité note en outre avec préoccupation que la stratégie et le plan d’action nationaux 2013-2018 visant à mettre fin à la violence n’ont toujours pas été mis en œuvre (art. 3, 6, 7 et 24).

27. L ’ État partie devrait  :

a) Se doter rapidement d ’ une législ ation incrimina nt effectivement la violence sexuelle et la violence familiale et permettant de lutter contre ces pratiques de manière efficace  ;

b) Dispenser aux acteurs compétent s des services de police, du ministère public et de la justice une formation sur la violence sexuelle et sexiste et sur la collecte d ’ éléments de preuve dans ce genre de cas  ;

c) Intensifier ses efforts visant à sensibiliser le grand public aux effets préjudiciables de la violence sexuelle et sexiste et encourager les gens à signaler de tels faits, notamment en informant systématiquement les femmes et les enfants de leurs droits et des moyens légaux dont ils disposent pour bénéficier d ’ une protection  ;

d) Faire en sorte que tous les cas de violence sexuelle et se xiste fassent l ’ objet d ’ enquêtes approfondies, que les auteurs de tels actes soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, soient dûment sanctionnés, et que les victimes reçoivent pleine réparation  ;

e) Veiller à ce que les victimes aient accès à des recours utiles et à des moyens de protection efficaces, notamment à des centres pédagogiques et psychologiques en nombre suffisant, et à ce que d ’ autres services de soutien, comme des structures d ’ hébergement ou des foyer s, soient disponibles sur l ’ ensemble du territoire.

Interruption volontaire de grossesse, mortalité maternelle et droits liés à la procréation

28.Le Comité est préoccupé par l’augmentation notable du taux de mortalité maternelle et par la forte proportion de ces décès qui résulte d’avortements non médicalisés. Il s’inquiète également du manque de clarté quant aux circonstances dans lesquelles l’interruption volontaire de grossesse est autorisée par la loi et du fait que l’État partie n’a pas encore adopté la législation prévue par l’article 15 de la Constitution. Il est en outre préoccupé par les informations selon lesquelles des procédures lourdes, consistant notamment à exiger des décisions de justice, ainsi que le refus de pratiquer des avortements pour des raisons d’objection de conscience, entraveraient l’accès des femmes et des filles à l’avortement légal. Le Comité s’inquiète aussi du taux élevé de grossesse chez les adolescentes (art. 3, 6 et 17).

29. L ’ État partie devrait  :

a) Adopter la législation prévue par l ’ article  15 de la Constitution et lever les obstacles juridiques et procéduraux à l ’ interruption volontaire de grossesse de sorte que les femmes ne soie nt pas poussées à recourir à l ’ avortement clandestin au péril de leur santé et d e leur vie  ;

b) Mettre en place des protocoles clairs à l ’ intention des prestataires de services, de manière à assurer un accès réel et légal à l ’ avortement  ;

c) Assurer l ’ accès des hommes et des femmes, ainsi que des garçons et des filles , à une éducation et à des services complets en matière de santé génésique dans l ’ ensemble du pays, y compris dans les zones rurales, notamment pour ce qui est de l ’ accès à des contraceptifs à prix abordable , et renforcer les programmes visant à sensibilise r la population à l ’ importance d ’ utiliser des contraceptifs, ainsi qu ’ aux droits et aux choix existants en matière de santé sexuelle et procréative  ;

d) Collecter des données ventilées sur la mortalité maternelle, notamment sur la mortalité liée aux avortements non médicalisés.

Droit à la vie et emploi de la force par les responsables de l’application des lois

30.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les forces de l’ordre et les gardes-chasses de l’État partie emploieraient la force meurtrière de manière excessive et pratiqueraient des exécutions arbitraires. Il s’inquiète particulièrement des conditions permissives prévues à l’article 41 de la loi relative à la procédure pénale et aux éléments de preuve et de certaines dispositions de la loi relative à l’ordre public, qui laissent chaque agent de police déterminer s’il est opportun de recourir à la force. Il est également préoccupé par des informations selon lesquelles les modifications qu’il est proposé d’apporter à la loi sur la chasse pourraient conférer aux gardes-chasses l’immunité contre les poursuites dans les cas où ils recourent à la force contre des personnes soupçonnées de braconnage. S’il accueille favorablement le moratoire de l’État partie sur la peine de mort et son intention déclarée de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, le Comité s’inquiète de ce que l’État partie n’a pas encore fixé de calendrier à cet égard (art. 6 et 7).

31. L ’ État partie devrait modifier la législation nationale régissant l ’ emploi de la force par les agents de police et les gardes-chasses de manière à garantir la protection effective du droit à la vie conformément à l ’ article 6 du Pacte. Il devrait également prendre des mesures pour faire en sorte que la loi et la pratique soient conformes aux Principes de base sur le recours à la force et l ’ utilisation des armes à feu par les responsables de l ’ application des lois . L ’ État partie devrait envisager de ratifie r dans les meilleurs délais l e d euxième P rotocole facultatif se rapportant au Pacte.

Personnes privées de liberté et décès en détention

32.Le Comité prend note avec préoccupation d’informations indiquant que les détenus n’ont pas toujours accès à un avocat et que leur famille ne sont pas correctement informées de leur détention. Il relève également que si la Constitution interdit la torture, celle-ci n’est pas expressément incriminée et il n’existe pas d’organe indépendant chargé d’enquêter sur les cas de torture ou de mauvais traitements mettant en cause des responsables de l’application des lois. Le Comité est préoccupé par les nombreux cas de décès en détention signalés. Il est également préoccupé par les retards constatés dans les enquêtes sur la mort de Luciano Reginaldo Zavale le 12 juin 2015 et de Sipho Jele en mai 2010. Il constate en outre avec préoccupation que si l’État partie s’est engagé à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, aucun progrès n’a été réalisé jusqu’à présent (art. 2, 6, 7, 9 et 10).

33. L ’ État partie devrait  :

a) Veiller à ce que les garanties juridiques fondamentales relatives à la liberté et la sécurité de la personne prévues dans le Pacte pour protéger les personnes privées de liberté, y compris le droit d ’ être assisté d ’ un conseil e t le droit d ’ être traité avec humanité, soient appliquées sans exception dès le début de la détention  ;

b) Modifier sa législation pour y faire figurer une définition de la torture pleinement conforme à l ’ article  7 du Pacte et aux autres normes internationalement établies, de préférence en érigeant la torture en infraction pénale distincte  ;

c) Mettre en place un système de surveillance régulière et indépendante de tous les lieux de détention, ainsi qu ’ un dispositif confidentiel de réception et de traitement des plaintes des personnes privées de liberté et, compte tenu du désir exprimé par l ’ État partie de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitement s cruels, inhumains ou dégradants , accélérer les préparatifs à cet effet  ;

d) Veiller à ce que les agents chargés de l ’ application des lois bénéficient d ’ une formation sur la question de la torture et des mauvais traitements en intégrant le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul) à tous les programmes de formation qui leur sont destinés  ;

e) Faire en sorte que tous les décès en détention donnent lieu rapidement à une enquête, que les responsables soient poursuivis et condamnés à des peines appropriées, et que les victimes bénéficient d ’ une réparation intégrale. L ’ État partie devrait aussi tenir à jour des données sur le nombre de décès en détention , le nombre d ’ enquêtes et de poursuites auxquelles ces décès ont donné lieu et les réparations éventuelles accordées aux victimes.

Conditions de détention

34.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de mauvaises conditions de détention et signalant que les prisonniers ne reçoivent pas toujours des soins médicaux adaptés et que la réglementation relative aux conditions de détention est obsolète (art. 2, 6 et 7).

35. L ’ État partie devrait améliorer les conditions de déten tion dans tous les établissements et mettre sa réglementation carcérale en conformité avec les normes internationales, notamment l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) .

Lutte contre le terrorisme

36.Le Comité est préoccupé par les informations signalant que les lois antiterroristes sont utilisées pour contrecarrer l’opposition politique et la contestation sociale et non pour lutter légitimement contre des menaces terroristes. Il constate également avec inquiétude que la loi sur la répression du terrorisme définit l’acte terroriste de manière excessivement large et que ni cette loi, ni la loi sur la sédition et les activités subversives ne prévoient de recours juridiques utiles, ni de garanties de procédure (art. 9, 14, 19 et 21).

37. L ’ État partie devrait veiller à ce que sa législation et ses pratiques en matière de lutte contre le terrorisme soient pleinement conformes au Pacte et respectent notamment les principes de la lib erté d ’ expression et de la non ‑ discrimination. L ’ État partie devrait en particulier veiller à ce que les actes de terrorisme soient définis conformément aux normes internationales, notamment en veillant à ce que la définition ne vise que les cas dans lesquels des actes de violence ont été commis , et à ce que des recours utiles et des garanties de procédure permettent de lutter contre l ’ utilisation abusive des lois antiterroristes.

Indépendance et impartialité de la justice et des juridictions traditionnelles

38.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état d’ingérence du pouvoir exécutif dans le fonctionnement de la justice et indiquant que les mesures adoptées récemment par l’État partie ne suffisent pas à garantir l’indépendance et l’impartialité de la justice. Il note également avec préoccupation que le système de justice traditionnelle ne respecte pas les garanties d’un procès équitable énoncées dans le Pacte et que sa compétence n’est pas suffisamment limitée (art. 14).

39. L ’ État partie devrait mettre en place des garanties constitutionnelles pour protéger les juges et les procureurs contre toute forme d ’ ingérence politique dans leurs décisions et veiller effectivement à ce qu ’ ils ne subissent ni pressions ni ingér ence dans l ’ exercice de leurs fonctions. Il devrait faire en sorte que le système de justice traditionnelle respecte les garanties d ’ un procès équitable énoncées dans le Pacte. Il devrait également faire le nécessaire pour que la compétence des tribunaux t raditionnels soit limitée à des questions de caractère civil et à des affaires pénales d ’ importance mineure et que les jugements de ces tribunaux soient validés par des tribunaux d ’ État.

Détention avant jugement et aide juridictionnelle

40.Le Comité salue les mesures prises par l’État partie pour réduire la durée de la détention avant jugement, mais il demeure préoccupé par la situation. Il prend note des explications données par la délégation de l’État partie, qui a indiqué qu’une aide juridique gratuite était fournie dans les affaires emportant la peine de mort ou une peine d’emprisonnement à vie, mais il relève à nouveau avec préoccupation que la politique relative à l’aide juridictionnelle n’a pas encore été mise en œuvre et que le projet de loi sur l’aide juridictionnelle n’a pas encore été adopté (art. 14).

41. Eu égard au paragraphe  38 de l ’ observation générale n o 35 (2014) sur la liberté et la sécurité de la personne, l ’ État partie devrait continuer à s ’ efforcer de réduire la durée de la d étention avant jugement, et notamment adopter des dispositions qui permettent de veiller à ce que la détention avant jugement ne soit pas utilisée de manière abusive et éviter les arrestations injustifié e s et les retards pouvant intervenir entre la police et le bureau du P rocureur. L ’ État partie devrait veiller à ce que la libération sous caution soit généralement disponible et à ce que le montant des cautions ne soit pas excessif. Il devrait garantir que l ’ assistance d ’ un avocat est disponibl e à titre gratuit dans toute affaire, quand les intérêts de la justice l ’ exigent.

Traite des personnes et travail forcé

42.Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que des adultes et des enfants sont recrutés par des chefs aux fins de travail forcé et que des enfants, en particulier des orphelins, sont forcés à se prostituer ou utilisés comme esclaves domestiques. Il salue l’adoption de la loi interdisant la traite des personnes et le trafic des êtres humains, mais constate avec inquiétude que des ressources insuffisantes ont été allouées à l’équipe spéciale chargée de lutter contre la traite pour assurer une mise en œuvre efficace de la loi. Le Comité constate également avec préoccupation que la mise en application des directives relatives à l’identification des victimes a été retardée (art. 8).

43. L ’ État partie devrait  :

a) Renforcer l ’ équipe spéciale chargée de lutter contre la traite en la dotant de ressources suffisantes et veiller à ce que les cas de traite soient effectivement identifiés et donnent lieu à des enquêtes et des poursuites, à ce que les responsables soient punis et à ce que les victimes bénéficient d ’ une protection et de mesures de réparation appropriées  ;

b) Accélérer la mise en œuvre des directives relatives à l ’ identification des victimes  ;

c) Élargir le champ d ’ application des mesures visant à favoriser l ’ intégration sociale des victimes et à leur donner accès à des soins de santé et des services d ’ accompagnement de qualité dans tout l ’ État parti e  ;

d) Prendre toute autre mesure nécessaire pour éliminer entièrement le travail forcé et le travail des enfants .

Liberté d’expression, de réunion et d’association

44.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état d’agressions de journalistes, d’opposants politiques, de défenseurs des droits de l’homme et de syndicalistes, et par d’autres informations selon lesquelles les modifications qu’il est envisagé d’apporter à la loi relative à l’ordre public restreindraient sévèrement la liberté d’expression, de réunion et d’association, imposeraient des conditions très strictes à l’obtention de l’autorisation préalable à la tenue d’une réunion ou à l’organisation d’une activité et donneraient aux agents de la force publique la possibilité d’interrompre des réunions à leur gré. Il est également préoccupé par l’information selon laquelle la présence d’un contrôleur serait requise pendant les réunions publiques. Le Comité s’inquiète de l’information selon laquelle des syndicalistes auraient été maintenus en détention provisoire afin qu’ils ne puissent pas participer à des activités syndicales légales (art. 19, 21 et 22).

45. L ’ État partie devrait prévenir les agressions contre les défenseurs des droits de l ’ homme et d ’ autres militants sociaux et y remédier, et adopter rapidement une législation destinée à garantir que toute restriction de l ’ exercice de la liberté d ’ expression, de réunion et d ’ association soit strictement conforme au Pacte. Il devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les droits à la liberté d ’ expression, d ’ association et de réunion pacifique, et veiller à ce que les agents de police, les juges et les procureurs reçoivent une formation dans ce domaine.

Justice pour mineurs

46.Le Comité est préoccupé par l’absence de cadre juridictionnel réservé aux mineurs, par l’âge, trop bas, de la responsabilité pénale, et par la détention d’adultes et d’enfants dans les mêmes locaux (art. 9, 10, 14 et 24).

47. L ’ État partie devrait  :

a) Faire le nécessaire pour mettre en place au sein des tribunaux des chambres pour mineurs confiées à des juges spécialisés afin de s ’ assurer que les jeunes reçoivent un traitement adapté à leur âge, à leurs besoins particuliers et à l eur vulnérabilité  ;

b) Relever l ’ âge minimum de la responsabilité pénale de façon à le mettre en conformité avec les normes internationales et garantir la pleine mise en œuvre des normes internationales rela tives à la justice pour mineurs  ;

c) Veiller à ce que les enfants en détention soient séparés des adultes.

Enregistrement des naissances

48.Tout en prenant note des mesures prises par l’État partie pour garantir l’enregistrement de toutes les naissances, le Comité demeure préoccupé par le grand nombre d’entre elles qui ne sont toujours pas enregistrées (art. 16 et 24).

49. L ’ État partie devrait accélérer l ’ action qu ’ il mène en vue d ’ enregistrer toutes les naissances sur son territoire et continuer à organiser des campagnes destinées à sensibiliser les familles et la population en général à l ’ importance de l ’ enregistrement des naissances, en part iculier dans les zones rurales .

Châtiments corporels

50.Le Comité note que l’utilisation des châtiments corporels en tant que peine judiciaire a été interdite par la loi relative à la protection et au bien-être des enfants, mais il relève à nouveau avec préoccupation que ces châtiments sont toujours légalement utilisés dans la famille, les structures de protection de remplacement, les garderies, les écoles et les établissements pénitentiaires (art. 7 et 24).

51. L ’ État partie devrait adopter des mesures concrètes, y compris, si nécessaire, d ’ ordre législatif, pour faire cesser la pratique des châtiments corporels dans tous les contextes. Il devrait encourager l ’ utilisation de formes non violentes de discipline pour remplacer les châtiments corporels et me ner des campagnes d ’ information pour sensibiliser la population aux effets préjudiciables de cette pratique.

Participation aux affaires publiques et corruption

52.Le Comité constate avec préoccupation que la concentration du pouvoir entre les mains du Roi, qui confère notamment à celui-ci des pouvoirs excessivement larges de nomination des membres du Gouvernement, du Parlement et des juges, n’est pas compatible avec l’article 25 du Pacte. Il relève également avec inquiétude que les élections qui ont eu lieu dans l’État partie en 2013 n’étaient pas conformes aux normes internationales concernant la tenue d’élections libres et régulières, et que les partis politiques en tant que tels ne peuvent pas obtenir leur enregistrement, participer aux élections ou présenter des candidats, ni participer d’une autre manière à la formation d’un gouvernement. Le Comité est préoccupé en outre par le fait que ni la Commission chargée des élections et de la délimitation des circonscriptions électorales ni la Commission de lutte contre la corruption ne sont suffisamment indépendantes, impartiales ou efficaces (art. 19, 21, 22 et 25).

53. L ’ État partie devrait mettre son cadre constitutionnel en conformité avec le Pacte, notamment avec l ’ article  25 de ce dernier , et à cette fin, prendre notamment les mesures suivantes  :

a) Promouvoir une culture du pluralisme politique, garantir la liberté de tenir un véritable débat politique pluraliste, et autoriser l ’ enregistrement des partis politiques d ’ opposi tion, y compris en leur permettant de participer aux élections, de présenter des candidats et de participer à la formation d ’ un gouvernement  ;

b) Entreprendre une réforme constitutionnelle dans le but de transférer du pouvoir à des autorités élues démocra tiquement et garantir le droit de chaque citoyen de prendre part à la conduite des affaires publiques et d ’ accéder, dans des conditions générales d ’ égalité, aux fonctions publiques  ;

c) Garantir des élections libres et régulières  ;

d) Veill er à l ’ indépendance et à l ’ efficacité des organes chargés des élections et de la lutte contre la corruption.

D.Diffusion et suivi

54.L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, des réponses écrites à la liste de points établie par le Comité et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu’auprès du grand public, afin de les sensibiliser aux droits inscrits dans le Pacte. L’État partie devrait faire en sorte que les réponses à la liste de points et les présentes observations finales soient traduites dans son autre langue officielle.

55.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à faire parvenir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 27 (violence à l’égard des femmes), 45 (liberté d’expression, d’assemblée et d’association) et 53 (participation aux affaires publiques et corruption) ci-dessus.

56.Le Comité demande à l’État partie de lui soumettre son prochain rapport périodique le 28 juillet 2021 au plus tard et d’y faire figurer des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées dans les présentes observations finales. Le Comité demande également à l’État partie, lorsqu’il élaborera ce rapport, de tenir de vastes consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, ce document ne devra pas compter plus de 21 200 mots.