Nations Unies

CAT/C/PAK/1

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

11 février 2016

Français

Original : anglais

Anglais, espagnol et français seulement

Comité contre la torture

Examen des rapports soumis par les Étatsparties en application de l’article 19de la Convention

Rapports initiaux des États parties attendus en 2011

Pakistan * , **

[Date de réception : 4 janvier 2016]

Table des matières

Page

Introduction3

Première partie : Informations d’ordre général4

A.Méthode appliquée pour l’établissement des rapports 4

B.Aperçu du cadre juridique en place4

C.Difficultés et défis 6

Deuxième partie : Application de dispositions spécifiques de la Convention7

Article premier : Définition de la torture: 7

Article 2 : Prévention de la torture9

Article 3 : Non-refoulement17

Article 4 : La torture en tant qu’infraction pénale17

Article 5 : Juridiction18

Article 6 : Détention et enquête préliminaire dans les cas d’extradition19

Article 7 : Poursuites contre les personnes non extradées20

Article 8 : Infractions donnant lieu à extradition20

Article 9 : Entraide judiciaire21

Article 10 : Éducation et information concernant l’interdiction de la torture 22

Article 11 : Règles et méthodes d’interrogatoire23

Article 12 : Enquêtes diligentes et impartiales25

Article 13 : Droit de plainte27

Article 14 : Droit d’obtenir réparation et d’être indemnisé équitablement et de manière adéquate et droit à la réadaptation28

Article 15 : Déclarations obtenues par la torture29

Article 16 : Autres actes constitutifs de peines ou de traitements cruels,inhumains ou dégradants30

Introduction

Le Pakistan a ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci-après « la Convention ») le 23 juin 2010. En application de l’article 19 de cet instrument, le Gouvernement pakistanais a le plaisir de soumettre au Comité contre la torture son rapport initial, qui récapitule les lois, politiques et mesures adoptées pour mettre en œuvre la Convention. Pendant l’élaboration de ce rapport, tout a été fait pour respecter les directives générales concernant la forme et le contenu des rapports initiaux (CAT/C/4/Rev.3).

Avant toute chose, le Pakistan souhaite rappeler sa détermination à faire appliquer la Convention. Il tient en outre à préciser qu’il n’a pas attendu d’avoir ratifié la Convention pour rejeter la torture et protéger les droits de l’homme. Le chapitre premier de la Constitution pakistanaise fixe le cadre de la protection des droits fondamentaux de tous les citoyens sans discrimination aucune et garantit le respect de ces droits, et le chapitre II pose des principes généraux qui définissent également un cadre directeur pour la protection des droits. La protection contre la torture fait partie des garanties relatives aux droits de l’homme fixées dans la Constitution. Depuis qu’il a ratifié la Convention, le Pakistan a redoublé d’efforts pour renforcer les mécanismes de mise en œuvre déjà en place et en créer de nouveaux.

Le Pakistan est également partie à plusieurs traités internationaux qui donnent effet à la Convention. Il a ratifié, en même temps que la Convention, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale en 1969 et la Convention relative aux droits de l’enfant en 1990, et a adhéré à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en 1996. Il a ratifié la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et la Convention des Nations Unies contre la corruption en 2007 et 2010 respectivement. Les obligations découlant de la Convention font également l’objet de l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de l’article 44 de la Convention des Nations Unies contre la corruption et de l’article 16 de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, que le Pakistan met également en œuvre.

La plupart des droits consacrés par la Convention contre la torture, ainsi que par les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme que le Pakistan a ratifiés ont toujours fait partie intégrante du droit positif pakistanais et ont en conséquence toujours été mis en œuvre par les autorités administratives et judiciaires de l’État.

Lors de la ratification de la Convention, le Pakistan avait formulé des réserves à 10 articles, qu’il a toutes retirées à l’exception de celle relative à l’article 8, du fait qu’il subordonne l’extradition à l’existence d’un traité. Le retrait de réserves est la preuve qu’en tant qu’État partie à la Convention, le Pakistan est pleinement attaché à la mise en œuvre de ses diverses dispositions. Le Pakistan a également fait deux déclarations : l’une concernant le paragraphe 1 de l’article 28, par laquelle il affirme ne pas reconnaître la compétence du Comité prévue à l’article 20, et l’autre concernant le paragraphe 1 de l’article 30, par laquelle il dit ne pas accepter l’arbitrage ou la compétence de la Cour internationale de Justice à cet égard.

Première partieInformations d’ordre général

A.Méthode appliquée pour l’établissement des rapports

Le présent rapport a été élaboré en étroite coordination avec les principaux ministères et organismes publics aux niveaux national et provincial. Plusieurs parties prenantes de premier plan, dont des organisations non gouvernementales et des organisations de la société civile concernées, des experts et des universitaires, ont été consultées, dans le cadre d’un processus participatif ouvert à tous.

Conformément aux directives générales concernant la forme et le contenu des rapports initiaux, de nombreuses consultations approfondies ont été menées aux niveaux provincial et national, avec un large éventail de parties prenantes, dont des organismes publics, des organisations de la société civile, des experts et des universitaires concernés. Des questionnaires détaillés ont été élaborés et distribués par le groupe chargé de l’établissement des rapports au Ministère des droits de l’homme afin d’obtenir de tous les organismes publics et les organisations concernés les informations voulues. Les réponses au questionnaire ont été dépouillées et les résultats ont été présentés aux parties prenantes à l’occasion de consultations. Il a été dûment tenu compte dans le présent rapport des informations recueillies lors de ces consultations et du point de vue des participants.

En outre, il semble opportun d’indiquer au Comité que le processus d’établissement de rapports sur le respect et la mise en œuvre de tous les instruments relatifs aux droits de l’homme ratifiés par le Pakistan s’est davantage renforcé et institutionnalisé avec la création, au niveau provincial, de « cellules de mise en œuvre des instruments internationaux », dont les travaux sont coordonnés et contrôlés par la cellule nationale de mise en œuvre . Chaque cellule est chargée de surveiller et d’assurer la mise en œuvre des instruments internationaux, de coordonner les informations et de recueillir des données en vue de l’établissement des rapports nationaux. Les cellules ont été créées en vue de rendre le mécanisme d’établissement de rapports plus rapide et plus efficace.

B.Aperçu du cadre juridique en place

Comme indiqué plus haut, les actes de torture et les actes constitutifs de torture, qu’ils soient commis par un particulier ou un agent de l’État, sont érigés en infraction par le droit national, la Constitution et les autres cadres juridiques du pays. La politique officielle de l’État pakistanais n’autorise ni ne cautionne la torture sous quelque forme ou manifestation que ce soit. Selon la loi les fonctionnaires ne sont en aucune circonstance autorisés à commettre un acte susceptible d’être constitutif de torture, pas plus qu’elle ne les autorise à favoriser ou permettre la commission d’un tel acte. Tout acte ou omission cautionnant la torture de la part d’un agent de l’État, quel qu’il soit, est illicite. La loi n’admet aucune dérogation en la matière. De la même façon, aucun ordre officiel ou officieux ne peut être invoqué pour justifier la torture, même sous l’état d’urgence.

La Constitution, en tant que loi suprême du pays, garantit les droits fondamentaux des citoyens (art. 8 à 28) et décourage tout préjugé religieux, racial tribal, sectaire ou lié à l’appartenance à une province, dont pourraient souffrir les citoyens (art. 33).

Tant le Gouvernement fédéral que les gouvernements provinciaux sont résolus à mettre en œuvre la Convention. Les articles 9 et 14 de la Constitution consacrent l’inviolabilité des droits à la vie, à la liberté et à la dignité, et le Pakistan applique une politique de tolérance zéro vis-à-vis de la violation de ces dispositions. En se fondant sur ces deux articles, la Cour suprême du Pakistan a prononcé des condamnations dans des affaires d’exécutions extrajudiciaires, de décès en détention, d’arrestations arbitraires et de torture. Cette juridiction a expressément déclaré que « de tels actes de la part d’ agents relevant de l’appareil de l’État viol[ai]ent les droits fondamentaux à un traitement conforme à la loi et à l’égalité devant la loi. » Le Pakistan est pleinement convaincu que la Convention constitue un outil efficace qui lui permet d’améliorer ses mécanismes juridiques et administratifs de façon à mieux préserver les droits des citoyens et à s’acquitter de ses obligations nationales et internationales.

La Constitution pakistanaise interdit en outre expressément la torture et vise l’élimination de toutes les formes d’exploitation (art. 3). Elle instaure un cadre juridique offrant à chacun le droit à la protection de la loi, son article 4 disposant qu’aucune mesure portant atteinte à la vie, à la liberté, à l’intégrité physique, à la réputation ou aux biens d’une personne n’est admise, sauf dans les cas prévus par la loi.

L’article 9 dispose que nul ne peut être privé de sa vie ou de sa liberté, sauf dans les cas prévus par la loi. L’article 10 dispose qu’aucune personne arrêtée ne sera placée en garde à vue sans être informée des motifs de son arrestation ni privée du droit de consulter un homme de loi de son choix ou d’être défendu par lui. Toute personne arrêtée et placée en garde à vue devra être présentée à un juge dans les vingt-quatre heures qui suivent son arrestation. Disposition de portée globale, l’article 8 revêt une importance capitale, en ce qu’il interdit à l’État d’adopter une loi qui ait pour effet de priver les citoyens de leurs droits fondamentaux constitutionnels ou de restreindre ces droits, et dispose que toute loi contraire aux dispositions de la Constitution en la matière est nulle et non avenue.

Le droit à la dignité de la personne, qui est reconnu à tout citoyen, revêt une importance primordiale en vertu de la Constitution. Le paragraphe 1 de l’article 14 dispose que la dignité de la personne humaine et du domicile sont inviolables, sauf dans les cas prévus par la loi, tandis que le paragraphe 2 de ce même article dispose que nul ne sera soumis à la torture aux fins d’obtenir des éléments de preuve.

La loi offre plusieurs garanties contre les brutalités policières et les actes de torture commis par des membres des forces de l’ordre pakistanaises. Le Code pénal interdit en outre aux agents de l’État d’enfreindre sciemment la loi et d’agir d’une façon qui est susceptible de nuire à autrui. Il interdit également de détenir arbitrairement une personne ou de la soumettre à des sévices pour lui arracher des aveux. Toute personne dont il est établi qu’elle « fait usage de la torture pour extorquer des aveux encourt jusqu’à dix ans d’emprisonnement ». Le Code de procédure pénale fait obligation aux membres des forces de l’ordre d’être accompagnés d’au moins deux témoins lors des perquisitions domiciliaires. Tout aveu fait en garde à vue peut être contesté devant les tribunaux.

Le décret sur la police de 2002 punit les policiers qui torturent ou maltraitent une personne dont ils ont la garde d’une amende ou d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement. Il offre aussi des garanties aux détenus et aux gardés à vue. En vertu de ce décret, tous les policiers qui recourent à la torture, quel que soit leur rang, s’exposent à des sanctions.

Au Pakistan, l’application de la loi est avant tout du ressort des gouvernements provinciaux. Ce sont les organes provinciaux chargés de faire respecter la loi qui enquêtent sur les infractions visées par le Code pénal et les parquets provinciaux qui engagent les poursuites. L’importance accrue accordée à l’application de la loi a eu pour effet de renforcer au niveau communautaire le respect de l’obligation de faire en sorte que chacun rende compte de ses actes et permet aux gouvernements provinciaux d’élaborer des stratégies et de concevoir des programmes dans le domaine de la justice pénale qui sont adaptés aux particularités de chaque province.

Établie en application de la Constitution, la Cour suprême est la plus haute juridiction du pays. Dans les provinces, ainsi que dans le Territoire fédéral d’Islamabad, la juridiction la plus élevée est la Haute Cour. La Constitution prévoit aussi la création d’autres tribunaux, selon que de besoin. Les hautes cours ne sont pas seulement les plus hautes juridictions d’appel au niveau provincial, elles sont également chargées de superviser le travail de tous les tribunaux inférieurs, dont les tribunaux de district et les tribunaux de session, auxquels doivent être communiqués les résultats des investigations menées suite à l’établissement d’un premier rapport d’information relatif à d’éventuels actes de torture.

La justice a pour mission de garantir les droits fondamentaux consacrés par la Constitution. La Cour suprême, qui a compétence de première instance, peut examiner des questions d’intérêt public ayant trait à la mise en œuvre de tel ou tel droit fondamental (par. 3 de l’article 184 du Code de procédure pénale) et se saisir d’office de toute affaire relative à une violation des droits de l’homme. De même , les hautes cours restent compétentes pour rendre, à la demande des ordonnances relatives au respect des droits fondamentaux (art. 199 du Code de procédure pénale).

La cellule chargée des droits de l’homme à la Cour suprême s’occupe aussi d’affaires de torture. Le présent rapport présente, le cas échéant, quelques-unes de ces affaires.

C.Difficultés et défis

Comme c’est le cas dans de nombreux autres pays en développement, la plus grande difficulté à laquelle le Pakistan continue de se heurter est le manque de ressources. Les autorités n’ont toutefois pas ménagé leurs efforts pour surmonter certains obstacles ; elles ont notamment engagé à cette fin une réforme de la police et de l’appareil judiciaire et renforcé le cadre juridique et administratif du pays.

Le Gouvernement pakistanais continue à mettre en place, comme il est tenu de le faire, un cadre propice à l’exercice et à la jouissance de l’ensemble des droits fondamentaux de la personne humaine. Au moyen de sa politique nationale de sécurité intérieure pour 2014-2018, le Gouvernement s’efforce d’assurer le maintien de l’ordre public tout en continuant de veiller à la primauté du droit et à la préservation et au libre exercice par tous les citoyens des différents droits fondamentaux et garanties consacrés par la Constitution.

Deuxième partieApplication de dispositions spécifiques de la Convention

Article premier : Définition de la torture

Comme indiqué plus haut, la torture était interdite dans différents instruments juridiques pakistanais avant même la ratification de la Convention contre la torture. Elle est visée par différentes dispositions de la Constitution et plusieurs lois et ordonnances judiciaires. Ensemble, ces textes donnent dûment effet à l’article premier de la Convention. Les dispositions de la Constitution et les lois contribuent ainsi à l’application de diverses normes relatives à la torture, telle qu’elle est définie dans la Convention.

L’article 14 de la Constitution protège la « dignité de la personne humaine » et interdit « le recours à la torture pour obtenir des éléments de preuve ». Lue conjointement avec l’article 9 de la Constitution, qui protège la vie et la liberté de la personne, la disposition relative à l’interdiction de la torture apparaît comme étant de très large portée. Cela implique que le mot « vie » ne renvoie pas uniquement au fait d’être physiquement vivant, mais se rapporte à tous les aspects de l’existence humaine, y compris le droit de vivre dans la dignité.

La Cour suprême pakistanaise a noté, dans un de ses arrêts, que le mot « vie » était de vaste portée et englobait tous les services et les commodités dont une personne née dans un pays libre était en droit de jouir en vertu de la loi et de la Constitution. La Cour a également relevé que « le droit fondamental à la préservation et à la protection de la dignité humaine consacré à l’article 14 [était exceptionnel] et ne figurait que dans quelques rares constitutions dans le monde ». Une interprétation correcte de l’interdiction de la torture, telle qu’elle figure dans la Constitution, est qu’elle couvre tous les aspects de cette pratique, notamment le recours à la torture pour arracher de fausses déclarations.

La disposition du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui correspond à l’article 14 de la Constitution est l’article 7, qui prévoit une protection contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en particulier contre le fait d’être soumis, sans son libre consentement, à une expérience médicale ou scientifique. Il protège la dignité et l’intégrité physique et mentale de la personne qu’il considère comme sacrées.

De même, le paragraphe 4 b) de l’article 11 de la Constitution met en garde contre l’imposition d’une peine inhumaine à une personne exécutant un service obligatoire. Aux termes du sous-paragraphe de cet article « … aucun service obligatoire ne doit être cruel ou incompatible avec la dignité de la personne humaine ». Cette disposition est en harmonie avec les articles 14 et 11 de la Constitution.

Tous les autres cadres juridiques pakistanais érigent en infraction pénale et interdisent la torture quel qu’en soit l’auteur et qu’elle soit commise dans la sphère publique ou dans la sphère privée. Il y a un lien intrinsèque entre l’article 14 et les articles 8, 9, 10, 11, 12 et 13 de la Constitution et d’autres cadres juridiques. Par exemple, le chapitre XVI du Code pénal (art. 299 à 338-H) régit « les infractions portant atteinte à l’intégrité physique de la personne [Des infractions portant atteinte à la vie] » ; il punit lourdement les auteurs de différents types de préjudice corporel. De même, le chapitre XVI‑A du Code traite de l’entrave illicite à la liberté et de la séquestration (art. 339 à 377), alors que le chapitre XXII porte sur « l’intimidation à des fins criminelles, l’insulte et la gêne à autrui ».

Le Code pénal pakistanais érige en infraction plusieurs actes concomitants de la torture. L’article 332 du Code définit par exemple en ces termes le mot « préjudice corporel (Hurt) » : « Est considéré comme ayant porté un préjudice corporel quiconque a causé une douleur, une maladie ou une blessure à une personne ou la détérioration, le dysfonctionnement ou la perte de tout ou partie d’un organe de son corps sans causer sa mort. ». Une portée encore plus large et donnée à cette définition par l’ajout d’autres actes plus spécifiques encore, à savoir l’itlaf-i-udw, l’itlaf-i-salaiyyat-i-duw, la shajjah, le jurh, et de tout autre type de préjudice corporel non compris dans cette liste.

Le chapitre XVI-A du Code pénal traite de manière détaillée et globale d’éléments jouant un rôle essentiel dans la torture, à savoir :

L’entrave illicite à la liberté et la séquestration ;

L’usage illicite de la force et les coups et blessures ;

L’enlèvement, le rapt, l’esclavage et le travail forcé ;

Le viol.

Il convient de souligner que les dispositions du chapitre susmentionné érigent en infraction l’usage illicite de la force, par lequel l’auteur a l’intention de causer ou dont il sait qu’il est de nature à causer un préjudice corporel, une peur ou une gêne intentionnels à autrui. Le sens donné au mot « force » est très large. Il y a donc usage de la force illicite lorsqu’il y a une intention criminelle de commettre un acte qui cause ou qui est susceptible de causer un préjudice corporel, une peur ou une gêne à autrui.

Selon la définition qui figure dans la Convention, le terme « torture » désigne le préjudice causé d’une manière ou d’une autre par un agent de la fonction publique ou par une personne agissant à titre officiel ou à leur instigation. Le chapitre IX du Code pénal traite des « infractions commises par des fonctionnaires publics ou ayant un rapport avec des fonctionnaires publics » et contient des articles (intitulés notamment « Fonctionnaires publics enfreignant la loi avec l’intention de causer un préjudice à un tiers » (166), et « Modification d’un document par un fonctionnaire public avec l’intention de causer un préjudice » (167)), qui interdisent tout acte de ce type de la part d’un fonctionnaire public. L’article 166 du Code pénal dispose, par exemple, qu’un fonctionnaire public est réputé avoir commis une infraction pénale s’il désobéit en connaissance de cause à une prescription de la loi régissant la manière dont il doit se comporter en tant que fonctionnaire public, avec l’intention de causer un préjudice à autrui ou en sachant que son acte est susceptible de causer un tel préjudice.

La Cour suprême a, dans un arrêt, pris note d’office d’un incident, rapporté par la presse locale, dans lequel des membres du personnel d’une prison avaient rasé les cheveux de trois prisonniers. Les autorités pénitentiaires avaient engagé une procédure interne contre les responsables. La Cour a statué que les autorités pénitentiaires n’avaient aucun droit d’infliger un tel châtiment, qui contrevenait au règlement pénitentiaire et que la loi aurait dû être appliquée aux fonctionnaires responsables étant donné qu’« une simple procédure interne contre eux ne pouvait servir l’intérêt de la justice ».

S’agissant des actes de torture infligés à des détenus, outre les dispositions du Code pénal, le décret sur la police de 2002 érige en infraction le fait, pour les fonctionnaires de police, d’infliger des actes de torture à une personne en détention. L’article 156 d) du décret dispose que tout agent de police qui « se livre à des actes de torture ou de violence sur une personne en sa détention encourt, s’il est reconnu coupable, jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et une amende pour chacun de ces actes ». Dans l’affaire Muhammad Amin v . Pakistan, dans laquelle des fonctionnaires de police avaient, entre autres, été inculpés de préjudice corporel porté en violation des dispositions du Code pénal, lues conjointement avec l’article 156 du décret sur la police, la Haute Cour du Sind a pris acte des allégations de mauvais traitements, de séquestration et de torture formulées contre les accusés, qui étaient des fonctionnaires de police, faits qui, selon elle, ne pouvaient être traités comme des délits mineurs et devaient être pris très au sérieux. En conséquence, une demande de libération sous caution a été rejetée au motif que les éléments du dossier permettaient à première vue d’imputer l’infraction aux fonctionnaires publics concernés. Il convient de signaler que les tribunaux pakistanais n’ont aucune réticence à demander aux fonctionnaires de police de rendre compte d’actes illégaux.

Article 2Prévention de la torture

Il ressort très clairement des dispositions de la Constitution relatives à la torture que cette pratique est interdite. Les actes de torture sont en outre passibles de sanctions pénales, notamment d’amendes et de peines d’emprisonnement. Des procédures en la matière sont souvent engagées lorsque les circonstances le justifient. Dans de telles circonstances, le système judiciaire veille à ce que les auteurs rendent compte de leurs actes. La Cour suprême a défini dans un de ces arrêts les exécutions extrajudiciaires comme des homidices « qui ne sont pas sanctionnés ou autorisés par la loi ou qui ne peuvent être justifiés par aucune disposition législative ».

En aucune circonstance le Pakistan ne favorise une politique qui autorise ou cautionne le recours à la torture de la part des organes chargés de faire appliquer la loi. La torture n’est ni encouragée ni justifiée même dans des circonstances exceptionnelles. En dépit des graves menaces que fait actuellement peser sur la sécurité du pays le terrorisme, le Pakistan demeure fermement déterminé à préserver le régime des droits fondamentaux consacrés par la Constitution.

Le droit pénal en vigueur, tant au niveau fédéral qu’au niveau provincial, interdit clairement tous les actes de violence qui peuvent constituer des faits de torture. Ces actes peuvent faire l’objet de poursuites au titre de plusieurs dispositions du Code pénal, notamment celles concernant la menace physique, le meurtre, le viol, la séquestration, l’usage illicite de la force et l’enlèvement, comme indiqué dans les paragraphes précédents. Les actes constitutifs de torture sont ainsi érigés en infractions pénales.

La loi contre le terrorisme de 1997, qui est le principal texte législatif régissant les enquêtes sur les actes de terrorisme et les poursuites à l’encontre de leurs auteurs, prévoit des garanties fondées sur les normes relatives aux droits de l’homme. Elle exige qu’une personne détenue soit présentée à un magistrat dans les vingt-quatre heures qui suivent son arrestation. Les organes chargés d’appliquer la loi peuvent demander à un magistrat le maintien de la personne en détention mais il ne peut être fait droit à une demande de ce type émanant de l’organe chargé de l’enquête que si la prolongation de la détention est justifiée par des circonstances suffisamment graves et que le tribunal est convaincu qu’il n’en résultera aucun préjudice pour l’accusé. La loi contre le terrorisme accorde en outre une protection aux témoins.

Le Règlement de 2011 sur les interventions pour venir en aide au pouvoir civil interdit d’infliger des sévices ou des mauvais traitements à une personne détenue par les forces armées dans le cadre d’une intervention pour aider le pouvoir civil. Les forces armées ont l’obligation d’enquêter sur tout membre du personnel militaire qui violerait la loi. En outre, en cas d’implication présumée d’organes civils de la force publique dans des sévices ou des abus, les autorités provinciales concernées sont saisies pour enquêter sur les allégations formulées et prendre les mesures qui conviennent. En ce qui concerne les forces armées, le Règlement susmentionné dispose que « tout comportement » érigé en infraction « en vertu d’un traité ou d’une convention en vigueur » est considéré comme une infraction au regard de ce Règlement. Cette disposition non seulement renvoie à la Convention et à différents autres instruments qui interdisent la torture mais interdit elle-même explicitement cette pratique. Le Règlement a pour but de veiller tout particulièrement à ce que les considérations relatives aux droits de l’homme soient prises en compte lorsque la loi est invoquée ; il établit à cette fin un protocole complet pour l’application de ses propres dispositions et prévoit la possibilité de créer un organe pour surveiller les violations des droits de l’homme qui pourraient être commises dans le cadre du processus. Il dispose ce qui suit : « Aucune personne incarcérée en application du présent Règlement ne sera soumise à la torture. ».

Au sein des organes de la force publique ou des forces armées, les subordonnés sont tenus d’obéir aux ordres de leurs supérieurs. En vertu du décret sur la police de 2002, même dans les situations d’urgence, il incombe aux fonctionnaires de police d’« obéir à tout ordre conforme à la loi » donné par un fonctionnaire de rang plus élevé. La loi sur l’armée de 1952, l’ordonnance relative aux gardes frontière, l’ordonnance relative aux corps des Rangers, la loi sur l’armée de l’air, etc., contiennent toutes des dispositions similaires. Bien qu’il n’existe pas de loi prévoyant explicitement qu’il faut désobéir à un ordre illégal, il ressort clairement des textes législatifs qu’un tel ordre doit être refusé.

L’article 10 de la Constitution prévoit des garanties en cas d’arrestation et de détention. Il protège contre la détention arbitraire et codifie le droit d’être informé des motifs de son arrestation. La prévention de la torture dépend dans une large mesure d’une stricte application de cet article. En outre, l’article 10-A confère explicitement aux personnes le droit à un procès équitable et à une procédure régulière en matière civile et pénale.

Habeas corpus : le droit constitutionnel d’habeas corpus, garanti par l’article 199 de la Constitution, requiert qu’un détenu soit présenté immédiatement à un tribunal, qui doit déterminer si sa détention est légale et ordonner sa libération lorsqu’elle est justifiée. La stricte application de cette disposition réduit considérablement les risques de détention non enregistrée et d’actes constitutifs de torture. Le paragraphe 2 de l’article 10 de la Constitution exige en outre que toute personne détenue soit présentée à un magistrat dans un délai de vingt-quatre heures.

La Haute Cour de Lahore a souligné dans un arrêt que nul ne pourrait être détenu au‑delà de vingt-quatre heures sans l’autorisation d’un magistrat. Le droit d’habeas  corpus est précisé à l’article 491 du Code de procédure pénale de 1898, qui définit de façon plus détaillée la manière dont les personnes placées en détention doivent être présentées à un tribunal pour qu’il se prononce sur leur sort conformément à la loi. Les juridictions supérieures pakistanaises interdisent toutes les pratiques illégales des fonctionnaires publics constitutives d’actes de torture sur des détenus et transgressant les limites fixées par la loi.

Dans le cadre d’une autre affaire où un recours en habeas corpus avait été déposé pour obtenir la libération d’une personne détenue par la police, un fonctionnaire de police judiciaire est allé chercher le détenu dans une résidence privée. Il a indiqué qu’il avait trouvé le détenu menotté et attaché à une barre de fer. La cour a estimé que l’intéressé, qui était détenu arbitrairement, avait été privé du droit à une procédure régulière, qui est garanti à tous les citoyens, même aux criminels : « Aucun individu, entité ou organisation ne peut être autorisé à transgresser les limites fixées par la loi et la Constitution. ». Non seulement l’accusé a été rétabli dans ses droits mais une enquête au sujet d’un comportement abusif de la part de la police a été ordonnée. Il y a de nombreux autres cas dans lesquels, dans des circonstances similaires, la justice a pris des mesures efficaces pour prévenir le recours à la torture.

Arrestation : le chapitre XXXIX du Code de procédure pénale prévoit d’importantes garanties en cas d’arrestation et de détention conformément à l’article 10 de la Constitution. Ces garanties sont conçues pour empêcher, lors de l’arrestation et pendant la détention, des abus susceptibles de porter atteinte à la liberté des personnes. S’agissant du caractère fondamental de ces droits, il est clair que la liberté de la personne est trop précieuse pour que l’on puisse tolérer la moindre entrave arbitraire à son exercice sans que les autorités judiciaires procèdent à un contrôle en totale conformité avec la loi.

Il convient de souligner qu’au moment de l’arrestation, les agents de la force publique sont tenus de ne pas recourir à la force sauf si elle ne peut pas être évitée ; dans un tel cas, elle ne doit pas excéder ce qui est nécessaire pour empêcher l’auteur de l’infraction de commettre un autre méfait ou de s’échapper. À cet égard, la loi dispose que les femmes doivent être fouillées par des policiers de sexe féminin de façon à préserver leur dignité. En outre elle dispose clairement que lors d’une arrestation, les agents de la force publique ne doivent pas causer la mort de la personne arrêtée ou blesser cette personne.

Droit d’être informé : Les personnes qui sont arrêtées ou placées en détention ont le droit d’être informées des motifs de leur arrestation. Ces motifs doivent leur être communiqués au moment de l’arrestation ou au plus tard lors de l’octroi de l’autorisation de placement en détention provisoire. Le non-respect de cette disposition rend illégale l’ordonnance de mise en détention. Les motifs de l’arrestation à communiquer doivent inclure des informations de nature à permettre au détenu de contester efficacement sa détention.

Droit à un procès équitable et à une procédure régulière : l’article 10A de la Constitution garantit le droit à un procès équitable, ainsi que le droit à une procédure régulière. Les articles 177 à 365 du Code de procédure pénale définissent la procédure à suivre pour assurer un procès équitable. Cette procédure réduit la possibilité d’un recours à la torture en tant que moyen d’appliquer la loi.

Conditions de détention : Le champ d’application de la Convention s’étend au-delà de la détention temporaire ou du processus d’interrogatoire et d’enquête. La torture ne peut être utilisée d’aucune façon pendant l’exécution d’une peine d’emprisonnement. En outre les conditions carcérales ne doivent pas être mauvaises au point d’être assimilables à la torture ou à un traitement cruel ou dégradant.

Le cadre juridique régissant l’administration du système pénitentiaire au Pakistan est défini dans la loi sur les prisons de 1894 et la loi sur les prisonniers de 1900, qui régissent l’inspection des prisons de chaque province. Ces deux lois réglementent entre autres la prise en charge et le traitement des prisonniers, ainsi que la discipline et la répression de toute nouvelle infraction. D’autres dispositions figurent dans le Règlement des prisons de 1978, communément appelé « le Manuel des prisons ». Les tribunaux veillent à ce l’État soit tenu responsable de toute déviation de la loi en cas de torture. Dans l’affaire Benazir  Bhutto v. The President of Pakistan (supra), la Cour suprême a estimé qu’il incombait aux autorités « d’expliquer comment une personne sous leur garde a trouvé la mort et indiquer si le décès était naturel ou non et dans quelles circonstances il s’était produit. Les décès de personnes en détention doivent être expliqués d’une manière satisfaisante comme le requiert la loi. ».

En vertu du Code pénal la police n’a pas le droit de priver une personne de sa vie, sauf dans des cas exceptionnels définis par la loi ; en dehors de ces cas, le fonctionnaire de police, qui cause la mort d’une personne, se rend coupable d’homicide volontaire. La réponse à la question de savoir si le fait d’avoir causé la mort d’une personne dans un cas particulier relève de l’une ou l’autre de ces deux situations peut seulement être apportée par une enquête appropriée.

Le mandat de l’Inspection couvre :

La détention, c’est-à-dire le fait de garder une personne dans un lieu sécurisé ;

La prise en charge, c’est-à-dire la satisfaction des besoins essentiels d’une personne (logement, alimentation, soins de santé et autres services nécessaires) ;

Le contrôle, c’est-à-dire le maintien de l’ordre et de la discipline dans les locaux de la prison ;

La réadaptation, c’est-à-dire le fait de motiver les détenus au moyen d’une éducation éthique et morale, et d’une formation professionnelle pour qu’ils deviennent des citoyens utiles et respectueux de la loi.

Ces principes, qui sont issus des cadres juridiques susmentionnés, constituent le fondement des textes législatifs en question et sont enseignés dans le cadre de la formation dispensée à l’École nationale de l’administration pénitentiaire. Conformément à ces principes, les gouvernements provinciaux s’efforcent en permanence d’améliorer le système pénitentiaire et les conditions de vie des prisonniers et de les mettre en conformité avec les meilleures pratiques internationales.

La surveillance de la situation des prisons et des prisonniers par les pouvoirs publics fait partie intégrante de la structure institutionnelle et administrative. Le Ministre de l’intérieur exerce un contrôle sur les activités de l’Inspecteur général des prisons, qui lui fait rapport et doit lui rendre des comptes, en tant que chef d’une direction/d’un département opérant sous sa tutelle. L’inspecteur général administre et supervise directement tous les établissements pénitentiaires. Le directeur de chaque prison est responsable devant lui. En vertu du Règlement des prisons, le directeur de la prison pourvoit à tous les besoins des prisonniers, notamment en nourriture et en vêtements, et doit veiller à ce que leur traitement soit conforme à la loi. Toute plainte pour menace physique ou mauvais traitements doit être immédiatement transmise au directeur ou au directeur adjoint de la prison. Le directeur adjoint doit prendre toutes les mesures requises pour assurer la sécurité des prisonniers, ainsi que pour maintenir la discipline et de bonnes conditions sanitaires dans la prison.

En vertu du Règlement des prisons, chaque établissement pénitentiaire est doté d’un comité composé d’avocats et de représentants de la société civile et présidé par un juge de district. Ce comité effectue des visites périodiques dans la prison pour s’informer de la situation des prisonniers, veiller à la fourniture de repas satisfaisants sur le plan de la qualité et de la quantité et pourvoir aux autres besoins essentiels des prisonniers. Ces derniers peuvent faire librement part de leurs points de vue et de leurs problèmes au comité, qui recommande aux autorités de la prison les mesures à prendre pour répondre à leurs doléances.

En outre, le règlement des prisons exige des responsables et des fonctionnaires de la prison qu’ils traitent les prisonniers avec humanité. Il fait obligation aux fonctionnaires de s’abstenir de tout acte ou geste susceptible d’irriter ou gêner un prisonnier et aux gardiens de ne pas utiliser la force, sous quelque forme que ce soit. Par exemple, en réponse à une plainte reçue par la cellule des droits de l’homme de la Cour suprême au sujet de violations graves du règlement dans la prison du district de Lahore, le Président de la Cour suprême a donné, par le biais du Procureur général du Panjab, ainsi que de l’inspecteur général des prisons, des directives aux autorités pénitentiaires pour qu’elles prennent les mesures nécessaires, moyennant la stricte application du règlement des prisons, en vue d’améliorer la situation des prisonniers.

Le règlement des prisons requiert en outre l’ouverture d’enquêtes sur les blessures inexpliquées. Ainsi lorsqu’un prisonnier, qui était détenu par la police, est admis en prison avec des lésions corporelles, il doit être immédiatement examiné par un membre du personnel médical. Si l’examen révèle des blessures inexpliquées, non signalées dans le rapport médico-légal reçu avec le prisonnier, un rapport est immédiatement adressé au juge des sessions, au fonctionnaire en charge des poursuites et au directeur de la police.

Les prisonniers/détenus ont aussi la possibilité de saisir les tribunaux en déposant une plainte par écrit auprès du Président de la Cour suprême pour obtenir une prompte réparation d’une violation de leurs droits, y compris en cas de torture ou de mauvais traitements infligés par les autorités/agents pénitentiaires. Suite à une plainte reçue d’une personne incarcérée dans la prison de Muzaffargarh au sujet de mauvais traitements et de tortures que lui auraient infligés certains agents de la prison, le Président de la Cour suprême a immédiatement ordonné l’ouverture d’une enquête. La plainte s’étant révélée fondée, les accusés ont été arrêtés et une procédure judiciaire a été engagée à leur encontre. De même, en réaction à un article paru dans un journal local au sujet d’actes de torture subis dans une prison locale par un prisonnier, dont l’affaire était en instance, le Président de la Cour suprême a ordonné l’ouverture immédiate d’une enquête. La plainte ayant été jugée fondée, le Président de la Cour suprême a demandé que le procès du prisonnier soit accéléré et a pris des mesures contre l’agent pénitentiaire responsable.

Mineurs et femmes emprisonnés : Le règlement des prisons prévoit des mesures spéciales pour les femmes et les mineurs. Chaque femme admise en prison doit être examinée dans les vingt-quatre heures qui suivent son incarcération par une gardienne, en présence d’un membre du personnel médical de la prison, le but étant de repérer d’éventuelles blessures inexpliquées. Toute lésion constatée doit être signalée au juge du district et à la police.

Le règlement prévoit en outre des espaces réservés aux mineurs et aux femmes qui doivent être séparés du reste de la prison et répondre aux besoins de ces deux catégories de personnes. En vertu du règlement, toutes les femmes condamnées à une peine d’au moins deux mois d’emprisonnement et toutes les mineures doivent être incarcérées dans une prison pour femmes. Les prisonnières doivent être en permanence séparées des prisonniers.

Pour plus de sécurité et de liberté, les prisonnières sont séparées des autres prisonniers dans les prisons dotées d’un personnel de sexe féminin. En vertu du règlement, une directrice adjointe gère les affaires des femmes sous la supervision et le contrôle direct du directeur de la prison. Elle est assistée par une équipe de gardiennes ayant les mêmes attributions que leurs homologues de sexe masculin. Aucun homme, exerçant une fonction, quelle qu’elle soit, dans une prison pour femmes ou lié de quelque manière que ce soit à un établissement de ce type, n’est autorisé à entrer dans les locaux réservés aux femmes sauf s’il y est invité par la directrice adjointe et s’il est accompagné par une gardienne. Les femmes ont accès sans discrimination aux services offerts par la prison à condition qu’il y ait suffisamment de personnel/de facilitatrices. Faute de cela, des efforts particuliers sont déployés pour faire en sorte que des services tels qu’un examen par un médecin ou un agent paramédical de sexe féminin, soient assurés selon que de besoin.

En vertu du règlement, ni la flagellation ni aucun autre châtiment corporel ne peut être infligé à une femme. En outre, une prisonnière, qui met au monde un enfant, peut le garder avec elle jusqu’à l’âge de 6 ans. Il est, d’autre part, interdit de soumettre des femmes à des mesures disciplinaires allant au-delà de l’obligation de porter des menottes.

Les délinquants mineurs (enfants âgés de moins de 18 ans qui sont impliqués dans des délits ou des infractions pénales) bénéficient d’une protection additionnelle pendant leur incarcération. Toutes les questions les concernant sont régies par l’ordonnance sur le système de justice pour mineurs de 2000 qui a été adoptée le 1er juillet 2000 et modifié ultérieurement en 2012. Cette ordonnance a notamment pour but « la protection des enfants faisant l’objet de poursuites pénales, leur réinsertion dans la société, la réorganisation des tribunaux pour mineurs… ».

L’ordonnance sur le système de justice pour mineurs contient d’importantes dispositions concernant la libération sous caution des mineurs et leur détention avant jugement, prévoyant notamment la présentation de l’enfant ayant commis une infraction ne pouvant donner lieu à une libération sous caution à un tribunal pour mineurs dans les vingt‑quatre heures qui suivent son arrestation. Les tribunaux veillent à ce qu’un soin particulier soit apporté à la gestion du dossier et à ce qu’une protection soit assurée à l’enfant accusé pour préserver « sin intérêt supérieur ». Dans une affaire où l’accusé était un enfant selon la définition légale du terme, la Cour a ordonné sa libération sous caution, statuant qu’un enfant, tel que défini par la loi, était en droit d’être libéré sous caution même si l’infraction qu’il avait commise emportait la peine de mort sous réserve des restrictions fixées dans l’ordonnance sur le système de la justice pour mineurs. Toujours afin d’assurer la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant arrêté/accusé, la loi requiert sa libération avec ou sans caution à moins qu’il n’y ait « de sérieux motifs » de craindre que sa libération « le mette en contact avec des délinquants ou l’expose à un danger ». En outre, l’ordonnance sur le système de justice pour mineurs interdit expressément de soumettre un enfant à un châtiment corporel pendant sa détention, et les moyens de contrainte utilisés habituellement ne lui sont appliqués que lorsqu’ils sont nécessaires.

L’article 399 du Code de procédure pénale dispose qu’au lieu d’être incarcérés dans un établissement pénitentiaire, les jeunes délinquants peuvent être placés par les autorités provinciales dans des maisons de correction, où ils recevront une bonne éducation et une formation professionnelle. Les prisonniers mineurs sont détenus dans des locaux séparés ; dans les prisons centrales, ils sont placés dans des quartiers pour adolescents. Par exemple, dans la prison centrale de Haripur (province de Khyber Pakhtunkhwa), des services d’éducation de base (cours d’informatique, accès à une bibliothèque, cours d’enseignement général jusqu’à la dixième année, etc.), une éducation religieuse sont fournis et des installations récréatives sont mises à la disposition des enfants en coopération avec des organisations non gouvernementales.

Droit à une couverture médicale : Le rôle du fonctionnaire médical revêt une importance cruciale pour l’application des dispositions de la Convention, et la loi sur les prisons et le Manuel des prisons le décrivent de façon très détaillée. Les fonctionnaires médicaux ont pour tâche d’examiner les prisonniers nouvellement admis et de tenir un registre de leur état de santé, de leur apparence et de leurs aptitudes physiques. Ils doivent en outre contrôler régulièrement la santé des prisonniers qui travaillent pendant qu’ils exécutent leur peine et de ceux qui font l’objet d’une mesure d’isolement cellulaire. Ils sont en outre tenus d’établir un certificat médical sur l’état physique de tout prisonnier astreint à des mesures disciplinaires en application de la loi. Sans l’accord du fonctionnaire médical aucune punition ne peut être infligée. Des dispositions sont prises pour qu’un médecin externe de sexe féminin puisse examiner les prisonnières. En outre, des conseils psychologiques sont fournis à tous les hommes, toutes les femmes et tous les mineurs par des psychologues des deux sexes.

Les articles 776 à 809 du règlement des prisons de 1978 chargent les administrations pénitentiaires de fournir des soins médicaux à tous les prisonniers ou de faciliter la prestation de ces services. Le règlement prévoit la mise en place dans chaque prison d’une infirmerie pour soigner les prisonniers malades. Si leur état le nécessite, les prisonniers doivent être hospitalisés pour recevoir les soins dont ils ont besoin. Le règlement prévoit également la fourniture des soins médicaux requis et un régime alimentaire spécial pour les malades. Chaque fois que les soins requis n’ont pas été fournis, le tribunal a ordonné aux autorités pénitentiaires concernées de prendre les mesures nécessaires pour assurer des services médicaux suffisants et de meilleure qualité dans la prison.

Les services de santé destinés aux prisonniers relèvent du Département de la santé du district. Leurfourniture demeure une priorité pour l’Inspection des prisons. Une permanence médicale est assurée. Dans les prisons où il n’y a pas de médecin à plein temps des mesures ont été prises pour faire venir au besoin de l’extérieur au moins une fois par semaine des médecins travaillant dans les hôpitaux des districts. Les services de santé dispensés comprennent des examens assurés par des spécialistes et des généralistes et tous les soins et les analyses requis.

Certaines prisons sont dotées d’infirmeries où les malades peuvent être alités, ainsi que de services psychiatriques, de petits laboratoires, etc. Dans la prison centrale de Peshawar, par exemple, des soins médicaux, y compris des soins dentaires, sont fournis vingt-quatre heures sur vingt-quatre. La prison est dotée d’une infirmerie bien équipée, d’une capacité de 19 lits et d’une clinique psychiatrique. Le personnel médical masculin comprend un médecin principal et deux fonctionnaires médicaux, un chirurgien-dentiste, un psychologue, 8 agents paramédicaux et un technicien dentiste. Le personnel féminin se compose d’un médecin principal, d’une infirmière, d’une visiteuse sanitaire et de trois psychiatres.

Article 3Non-refoulement

Le Pakistan continue de s’acquitter des obligations qui sont les siennes en vertu de l’article 3 de la Convention en s’abstenant d’expulser, de refouler ou d’extrader des personnes vers un État où elles risquent d’être soumises à la torture. La loi de 1972 sur l’extradition est conforme au principe de non-refoulement.

Les articles 5 à 14 de la loi sur l’extradition énoncent les principales dispositions qui régissent l’extradition des délinquants en fuite. En application de cette loi, le Gouvernement peut arrêter et extrader un délinquant en fuite, que l’infraction commise soit ou non punie par la législation pakistanaise. Ce pouvoir est néanmoins limité par plusieurs facteurs, notamment la durée de la peine, la prescription et la nature de l’infraction. L’alinéa g) du paragraphe 2 de l’article 5 de la loi sur l’extradition prévoit qu’un délinquant en fuite ne peut être extradé s’il est établi qu’il risque de faire l’objet d’un traitement discriminatoire lors de son procès ou d’être condamné, détenu ou de voir ses libertés restreintes en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de ses opinions politiques.

L’article 13 de la loi sur l’extradition prévoit que la procédure engagée peut être abandonnée si l’extradition n’est pas demandée de bonne foi ou « dans l’intérêt de la justice », ou si l’extradition du délinquant serait inique ou inopportune. Le respect de ce principe est l’illustration de la mise en œuvre de l’article 3 de la Convention . La loi sur l’extradition n’interdit pas expressément d’extrader un délinquant en fuite au motif qu’il risque d’être soumis à la torture, mais son article 13 a pour but de prévenir toute extradition inique. Ainsi, elle interdit indirectement d’extrader un délinquant en fuite vers un État où il risque d’être soumis à la torture.

Un magistrat désigné par le Gouvernement fédéral détermine la recevabilité de la demande d’extradition. Il est chargé d’émettre les mandats voulus et de recueillir et d’examiner toutes les informations disponibles au Pakistan et à l’étranger. S’il estime que l’extradition aboutirait à une injustice, l’article 13 de la loi sur l’extradition s’applique. L’extradition n’a lieu que si le bien-fondé de la demande est établi.

D’autres lois réglementent le départ du territoire pakistanais des personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction. Le décret de 1951 sur les étrangers interdit, dans certains cas, la sortie des étrangers du territoire, notamment de ceux qui font l’objet d’une inculpation pénale et de ceux dont le départ est susceptible de nuire aux relations entre le Pakistan et un autre État ou serait contraire à l’intérêt public.

Article 4La torture en tant qu’infraction pénale

Comme il a déjà été indiqué, les actes de torture sont interdits et réprimés par des peines plus ou moins lourdes. Si aucune loi en particulier ne garantit la mise en œuvre des dispositions de la Convention, un éventail de lois pénales et d’autres textes législatifs fixent le cadre de la criminalisation de la torture.

La législation pénale pakistanaise classe parmi les actes constitutifs de torture le recours à la force dans l’intention de commettre une infraction, la menace physique, le préjudice corporel, le meurtre, le viol, l’entrave illicite à la liberté de circulation et la séquestration (art. 300, 332, 339, 340, 350, 351 et 375 du Code pénal). S’agissant de ces actes, la complicité, le dol et la tentative ont également érigées en infraction (chap. V, V-A, XXIII du Code pénal).

Certaines lois criminalisent explicitement les actes constitutifs de torture imputables aux agents de l’État. Un agent de l’État qui passe sous silence une infraction ou une tentative d’infraction qu’il a le devoir de prévenir engage sa responsabilité pénale. De la même manière, un agent de l’État qui enfreint la loi dans l’intention de nuire à autrui est passible de sanctions (art. 119 et 166 du Code pénal). L’alinéa d) de l’article 156 du décret de 2002 sur la police réprime le recours à la torture ou à la violence contre une personne placée sous la garde d’un membre des forces de l’ordre. Le décret de 2002 sur la police instaure également un code de conduite pour les forces de l’ordre et prévoit les procédures et les sanctions applicables à leurs membres lorsqu’ils commettent des irrégularités (art. 44, 109, 113, et 114 du décret de 2002 sur la police).

La législation pakistanaise prévoit une peine d’emprisonnement à vie ou la peine de mort pour le crime de Qatl-i-Amd (homicide volontaire). La loi fixe les peines pour différents degrés de préjudice corporel intentionnel. Ces peines vont d’une année d’emprisonnement avec paiement de dommages-intérêts fixés par le tribunal − pour la coupure ou le saignement − à dix ans d’emprisonnement avec paiement de dommages-intérêts prévus par le Code pénal − pour démembrement, amputation (totale ou partielle) et ablation d’organes. En outre, toute personne qui tente de commettre intentionnellement un acte constitutif du crime de Qatl-i-Amd commet une infraction pénale et encourt dix ans d’emprisonnement assortis d’une amende. De plus, la loi sur les préjudices corporels réprime séparément tout préjudice physique infligé dans le cadre d’une tentative de commission du crime de Qatl-i-Amd.

Afin de renforcer encore les mécanismes juridiques existants, le Pakistan a élaboré le projet de loi de 2014 sur la prévention et la répression de la torture et des violences entraînant la mort et des viols en détention. Ce projet de loi a été adopté par le Sénat et est en cours d’examen à l’Assemblée nationale en vue de son adoption. On notera qu’il a été élaboré dans le cadre d’un long processus inclusif auquel ont activement participé les principales parties prenantes. Il a été examiné par différents acteurs compétents des secteurs public et privé, dont des parlementaires, des représentants de la communauté juridique, des membres des forces de police et des organes chargés de faire respecter la loi, des membres de la société civile, des organisations non gouvernementales, des représentants des milieux universitaires et des juristes.

Article 5Juridiction

Les lois relatives aux droits et obligations de la population pakistanaise sont appliquées de manière uniforme. De même, les lois relatives au respect des droits de l’homme s’appliquent de la même manière dans tous les territoires.

De manière générale, comme le prévoit l’article premier de la Constitution, la législation fédérale et la législation provinciale en matière pénale s’appliquent dans les quatre provinces, dans le territoire de la capitale et dans les zones tribales sous administration fédérale. Ceci est vrai quelle que soit la nationalité de la victime ou de l’auteur de l’infraction.

Le Pakistan ne peut exercer sa compétence pénale en dehors du territoire national que dans un nombre limité de circonstances. Le Code pénal, par exemple, s’applique à toute infraction commise « par tout ressortissant pakistanais ou toute personne au service du Pakistan », que l’auteur soit ou non présent sur le territoire national au moment de la commission de l’infraction. Il s’applique également à « toute personne se trouvant à bord d’un navire ou d’un aéronef enregistré au Pakistan », ce qui inclut les navires et aéronefs se trouvant en dehors du pays.

De même, le Code de procédure pénale, qui s’applique à l’ensemble du territoire national, prévoit que les ressortissants pakistanais qui ont commis une infraction en dehors du Pakistan, les agents de l’État qui ont commis une infraction dans une zone tribale et les personnes qui ont commis une infraction à bord d’un navire ou d’un aéronef enregistré au Pakistan doivent être traités de la même manière que s’ils avaient commis l’infraction au Pakistan.

En vertu de la loi de 1972 sur l’extradition, peut donner lieu à extradition toute action ou omission constitutive de l’une des infractions énoncées à son annexe qui, si elle était commise dans un lieu relevant de la compétence du Pakistan, constituerait une violation de la législation nationale, et toute infraction dont l’auteur est extradable en vertu d’un traité d’extradition conclu par le Pakistan avec un autre État.

Article 6Détention et enquête préliminaire dans les cas d’extradition

La loi de 1972 sur l’extradition prévoit l’arrestation et le placement en détention des délinquants en fuite aux fins de leur extradition. Cette procédure est engagée lorsqu’un diplomate ou un gouvernement étranger adresse au Pakistan une demande d’extradition d’un délinquant. En réponse à cette demande, le Gouvernement fédéral peut décider de désigner un magistrat pour ouvrir une enquête.

Si la demande est jugée à première vue recevable, le magistrat émet une sommation à comparaître ou un mandat d’arrestation à l’endroit du délinquant en fuite. À l’audience préliminaire, le magistrat instruit l’affaire avec les mêmes pouvoirs et devoirs que les juges des tribunaux de session. À ce stade, des éléments de preuve peuvent être produits tant à l’appui de la demande d’extradition qu’aux fins de la défense du délinquant présumé.

Les éléments de preuve peuvent être des pièces à charge authentifiées et des dépositions, des procès-verbaux, des attestations et d’autres documents certifiés pertinents. Les mandats émis par des juridictions étrangères et les dépositions ou les déclarations sous serment faites auprès de ces autorités peuvent également, s’ils ont été dûment authentifiés, constituer des éléments de preuve. Les autorités judiciaires respectent les règles susmentionnées, et les tribunaux pakistanais examinent, après en avoir vérifié l’authenticité, différents éléments de preuve, notamment des documents, afin d’établir les faits.

Article 7Poursuites contre les personnes non extradées

La Constitution contient plusieurs dispositions qui garantissent le droit à un procès équitable. Il s’agit de l’article 9 (Sécurité de la personne) ; de l’article 10 (Garanties en cas d’arrestation et de détention) ; de l’article 10-A (Droit à un procès équitable) ; de l’article 12 (Protection contre les peines rétroactives) ; de l’article 13 (Protection contre le fait d’être jugé deux fois pour un même fait et l’auto-accusation) ; de l’article 14 (Inviolabilité de la dignité de l’être humain) ; et de l’article 25 1) (Égalité devant la loi et égale protection de la loi).

Le Pakistan a bien entendu compétence pour poursuivre les personnes ayant commis des actes constitutifs de torture à l’intérieur et à l’extérieur de son territoire. Conformément à l’article 2 du Code pénal, toute personne ayant commis au Pakistan par action ou omission une infraction visée par le Code est passible de sanction. L’article 3 du Code pénal prévoit que ce principe s’applique également à toute personne qui s’est rendue coupable en dehors du Pakistan d’une infraction à laquelle la législation pakistanaise est applicable.

En outre, la loi sur les enquêtes pour des procès équitables et les règles relatives aux enquêtes pour des procès équitables qui s’y rapportent ont été adoptées en 2013. La loi sur les enquêtes pour des procès équitables prévoit de nouvelles lignes directrices en ce qui concerne l’application, l’émission et l’exécution équitables des mandats. Elle régit également la recevabilité des éléments de preuve recueillis sous mandat et prévoit la supervision par un comité des affaires dans lesquelles aucun mandat n’a été émis et de celles dans lesquelles un mandat a été délivré mais utilisé à mauvais escient. Les règles qui s’y rapportent prévoient une plus grande transparence de la procédure d’enquête. Ceci vaut notamment pour l’enregistrement des affaires et l’examen de la recevabilité des éléments de preuve.

Article 8Infractions donnant lieu à extradition

Comme il a déjà été indiqué, le Pakistan a retiré toutes ses autres réserves à la Convention, mais il maintient sa réserve à l’égard de l’article 8. Cette réserve est libellée comme suit : « Aux fins du paragraphe 2 de l’article 8 de la Convention, le Gouvernement de la République islamique du Pakistan déclare qu’il ne considère pas la Convention comme constituant la base juridique de la coopération avec les autres États parties en matière d’extradition. ». L’extradition internationale est une question qui relève du Gouvernement fédéral. Conformément à la législation pakistanaise, le Gouvernement ne peut extrader une personne en l’absence d’un traité d’extradition, sauf dans les circonstances prévues par l’article 4 de la loi de 1972 sur l’extradition.

Il convient de noter que 28 traités bilatéraux d’extradition lient actuellement le Pakistan à d’autres pays. Ces pays sont l’Algérie, l’Argentine, l’Arabie saoudite, l’Australie, l’Autriche, la Belgique, la Colombie, Cuba, le Danemark, l’Égypte, l’Équateur, les États-Unis, la France, la Grèce, l’Iran, l’Iraq, l’Italie, le Libéria, le Luxembourg, Monaco, les Maldives, l’Ouzbékistan, les Pays-Bas, le Portugal, Saint-Marin, la Suisse, la Turquie et la Yougoslavie. Le Pakistan a également signé des accords sur l’échange de prisonniers avec l’Espagne, Hong Kong, Sri Lanka et la Thaïlande.

Le paragraphe 2 de l’article 5 de la loi sur l’extradition impose certaines restrictions quant aux infractions pouvant donner lieu à extradition. Un délinquant en fuite ne peut pas être extradé :

Si son extradition est demandée pour une infraction à caractère politique ;

Si l’infraction commise n’est pas punie de mort, d’emprisonnement à vie ou d’au moins douze mois d’emprisonnement ;

Si les poursuites contre l’intéressé sont prescrites d’après la législation de l’État qui demande l’extradition ;

S’il risque d’être poursuivi pour une autre infraction que celle pour laquelle son extradition est demandée ;

Si, eu égard à la législation pakistanaise relative à l’interdiction de juger une personne deux fois pour un même fait, dans le cas d’une condamnation ou d’un acquittement antérieur, l’intéressé n’est pas passible de poursuites au Pakistan ;

Si l’intéressé a été inculpé d’une autre infraction au Pakistan ou s’il exécute une peine à la suite d’autre condamnation pénale, et ce jusqu’à ce qu’il soit acquitté ou libéré ;

Si le Gouvernement fédéral estime, sur recommandation du magistrat chargé de l’affaire, qu’après son extradition, l’intéressé risque de faire l’objet d’un procès arbitraire ou d’être condamné ou détenu ou de voir ses libertés personnelles restreintes en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de ses opinions politiques.

Pour que l’extradition ait lieu, l’infraction doit également faire l’objet d’une double incrimination. On entend par « infraction donnant lieu à extradition » un acte constitutif de l’une des infractions énoncées à l’annexe de la loi sur l’extradition commis sur le territoire national et constituant une violation de la législation pénale pakistanaise. L’infraction doit également être prévue par un traité d’extradition en vigueur ou, conformément à l’article 4 de la loi sur l’extradition, dans un accord conclu par le Gouvernement pakistanais.

En outre, la loi sur l’extradition prévoit que l’extradition ne peut être accordée que s’il existe à première vue des éléments de preuve pour établir l’infraction. À défaut, la demande d’extradition peut être rejetée.

De même, l’ordonnance de 2002 sur le transfert des délinquants, qui porte sur le transfert des ressortissants pakistanais reconnus coupables d’une infraction dans un pays étranger vers le Pakistan et le transfert des ressortissants de pays étrangers reconnus coupables d’une infraction au Pakistan vers lesdits pays , prévoit que lorsque le Pakistan a conclu, avant ou après l’entrée en vigueur de l’ordonnance, un accord de transfert réciproque de délinquants avec un autre pays, les autorités compétentes doivent déclarer, par publication dans le Journal officiel, les dispositions de l’ordonnance applicables à ce pays.

Article 9Entraide judiciaire

Plusieurs lois fédérales autorisent les organes chargés de faire respecter la loi à assurer l’entraide judiciaire dans les affaires pénales, conformément à la Convention contre la torture. Le Pakistan a conclu un traité bilatéral d’entraide judiciaire avec Sri Lanka et le Kazakhstan.

L’accord d’entraide judiciaire conclu avec Sri Lanka, par exemple, reprend globalement les dispositions de la loi de 1972 sur l’extradition. Le Ministère de l’intérieur est l’autorité centrale chargée d’assurer l’entraide dans les affaires pénales. L’entraide judiciaire peut inclure : la remise de documents ; l’enregistrement de déclarations ; l’exécution de demandes de perquisition et de saisie ; la fourniture d’informations, de documents et d’enregistrements ; la confiscation d’objets utilisés pour commettre des activités criminelles et du produit de ces activités ; la remise de biens ; et la restitution.

Il convient de souligner que l’entraide judiciaire peut être refusée pour certains motifs. Si la demande d’entraide est considérée comme susceptible de porter atteinte à la souveraineté ou à la sécurité de l’État ou à l’ordre public, ou si le fait pour lequel elle est demandée ne constitue pas une infraction au regard de la législation de l’État requis, elle peut être rejetée. Tout comme la loi sur l’extradition, les accords d’entraide judiciaire prennent en considération la double incrimination et la prescription de l’infraction.

La loi de 2013 sur les enquêtes pour des procès équitables contient des dispositions sur l’entraide judiciaire. L’ordonnance de 1999 sur l’établissement des responsabilités au niveau national prévoit des mécanismes d’entraide judiciaire dans les affaires de corruption. À l’avenir, le Pakistan entend conclure de nouveaux accords d’entraide judiciaire avec d’autres États dans le cadre de l’action qu’il mène pour renforcer son dispositif juridique de lutte contre le terrorisme.

Article 10Éducation et information concernant l’interdiction de la torture

La Constitution, le décret sur la police, le règlement de la police et la loi sur la preuve (Qanun-e-Shahadat) interdisent le recours à la torture. Le Pakistan a donc rendu obligatoire la formation de tous les membres des forces de l’ordre à la prévention de la torture.

L’Académie nationale de police, créée en 1978, est la principale institution pakistanaise de formation de la police. Elle dispense une formation spécialisée aux commissaires adjoints de police nouvellement recrutés et assure également la formation en cours d’emploi des cadres supérieurs de toutes les forces de police. Grâce à la formation qu’ils reçoivent, les policiers sont capables d’assurer des services de maintien de l’ordre modernes. L’Académie reste déterminée à promouvoir le respect de la primauté du droit et des valeurs des droits de l’homme, notamment l’interdiction de la torture.

L’Académie a dispensé une formation aux forces de police de différents pays, dont la Palestine, les Maldives, l’Afghanistan et le Nigéria. L’Arabie saoudite, l’Indonésie, le Yémen, Dubaï et Sri Lanka se sont également dits intéressés par la possibilité de faire former leurs policiers par l’Académie, ce qui montre que la formation dispensée par l’Académie est non seulement conforme aux normes internationales, mais également largement reconnue.

Conformément au Code de conduite de la police du Panjab (2011), prévu par le décret de 2002 sur la police, aucun fonctionnaire de police ne peut infliger, susciter ou tolérer un acte de torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants quels qu’ils soient ni invoquer un ordre de ses supérieurs ou une menace contre la sécurité nationale, l’instabilité politique intérieure ou un autre état d’exception, pour justifier la torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En vertu de la section H du Code les fonctionnaires doivent obéir à tous les ordres légaux qu’ils reçoivent et se conformer aux dispositions du décret sur la police. Elle prévoit aussi que les fonctionnaires doivent aider leurs collègues à s’acquitter de leurs fonctions et empêcher tout comportement répréhensible en le signalant si besoin est. En outre, le Code impose aux fonctionnaires de police de respecter la dignité de la personne humaine et de défendre et de protéger dans l’exercice de leurs fonctions les droits de toutes les personnes. Des codes de conduite comparables s’appliquent aux fonctionnaires de police des autres provinces du Pakistan.

En 2006, le groupe de gestion du programme d’accès à la justice mis en œuvre par la Division du droit, de la justice et des droits de l’homme a engagé des réformes de la police le but étant de faire en sorte qu’une formation soit dispensée aux policiers à tous les niveaux. Tous les fonctionnaires de police reçoivent une formation initiale et continue ciblée. Ils apprennent à fonder leurs rapports avec le public sur les principes d’égalité, de justice et de respect de tous, sans discrimination. Si un fonctionnaire commet un abus dans l’exercice de ses fonctions, il est passible de poursuites pour autant que la plainte ait été déposée dans un délai de six mois après les faits. On enseigne aux policiers que nul n’est au-dessus des lois, pas même eux. De plus, un fonctionnaire de police qui se rend coupable de mauvaise conduite, d’intrusion, de fouille, d’arrestation ou de saisie de biens abusives ou d’actes de torture ou qui retarde sans motif valable la présentation d’un suspect à un tribunal, encourt une amende et entre un et cinq ans d’emprisonnement, en fonction de la gravité de l’infraction.

Le décret de 2002 sur la police a fait évoluer la culture policière, qui est désormais axée sur le service et non plus sur la force. Pour faire en sorte que la police assure ce « service » de manière adaptée aux besoins de la population et en observant les normes relatives aux droits de l’homme, notamment en traitant avec respect les femmes, les personnes âgées et les enfants, le Pakistan a pris des mesures concrètes, notamment en restructurant le programme de formation et en mettant au point des modes opératoires normalisés pour différents aspects du maintien de l’ordre.

Les écoles de la magistrature du Pakistan ont des programmes de formation approfondie indépendants destinés aux fonctionnaires de justice et aux fonctionnaires de police. Le Gouvernement et les organisations de la société civile insistent tout particulièrement sur la formation des membres du corps judiciaire et du personnel pénitentiaire afin de renforcer leurs capacités et de leur permettre de mieux prévenir les violations des droits de l’homme. Des séries d’ateliers, de cours et de séminaires sont régulièrement organisées pour guider les membres du corps judiciaire et le personnel pénitentiaire quant aux responsabilités qui sont les leurs dans le domaine de la promotion et de la protection des droits de l’homme, notamment de la prévention et de l’interdiction de la torture.

Article 11Règles et méthodes d’interrogatoire

Il convient de rappeler que le paragraphe 2 de l’article 14 de la Constitution interdit très clairement de recourir à la torture pour extorquer des aveux. L’interrogatoire des suspects en détention est régi par un ensemble de dispositions constitutionnelles et de lois fédérales.

Les membres des forces de l’ordre ont pour ordre de s’abstenir de commettre des actes constitutifs de torture et subissent les conséquences de leur comportement s’ils ne se conforment pas à ces instructions Le respect de ces règles est illustré par la réglementation et la supervision strictes de l’interrogatoire, ainsi que de la garde des suspects et de leur traitement lors de leur arrestation et durant leur détention.

Conformément au décret de 2002 sur la police, la police est tenue de « veiller au respect des droits et des privilèges que la loi garantit aux personnes placées en garde à vue ». La police a également interdiction de détenir, de fouiller ou d’arrêter de manière vexatoire ou sans motif une personne, ou de commettre un acte constitutif de torture à l’égard d’une personne placée en garde à vue. Dans le cadre d’une affaire, la Haute Cour de Lahore a estimé que « la police ayant pénétré dans les locaux sans respecter les dispositions prévues par la loi, les éléments de preuve recueillis [pouvaient] être déclarés irrecevables ».. Les responsables des organes chargés de faire appliquer la loi au niveau des districts et au niveau fédéral sont tenus de signaler aux autorités compétentes tout cas de viol, de décès ou de blessure grave survenu en garde à vue et toute plainte déposée pour de tels faits.

Dans une autre affaire, la Cour suprême a déclaré inconstitutionnelles certaines dispositions de la loi de 1997 contre le terrorisme au motif qu’elles étaient en conflit avec les dispositions de l’article 14 de la Constitution. En effet, un agent des forces de police, des forces armées ou des forces armées civiles doit consigner par écrit les raisons qu’il a de croire que le suspect a enfreint la loi et remettre à l’intéressé un exemplaire du document exposant ces raisons avant de pénétrer dans des locaux et de procéder à leur perquisition.

Le Manuel des prisons prévoit des mesures de protection supplémentaires pour les personnes détenues. Avec la loi sur les prisons, il fixe un cadre permettant de prévenir les mauvais traitements que peuvent subir des prisonniers et de garantir leurs droits fondamentaux dans les établissements carcéraux pakistanais. Il prévoit aussi des visites et des inspections par des commissions pénitentiaires largement représentatives chargées de veiller au respect des règles en vigueur, ce qui garantit un contrôle supplémentaire du système pénitentiaire. Dans son rapport sur les droits et privilèges des prisonniers, la Commission pakistanaise du droit et de la justice a affirmé que les juges de district des quatre provinces étaient tenus d’effectuer des visites régulières dans les prisons relevant de leur juridiction.

En mai 2008, le Gouvernement fédéral a créé un comité chargé de la réforme des prisons. Après de longs débats, plusieurs recommandations ont été adressées aux gouvernements provinciaux pour suite à donner. Le Ministère de l’intérieur a récemment élaboré une nouveau projet du manuel des prisons, qui est actuellement examiné en vue de l’établissement de sa version définitive.

La législation pakistanaise prévoit également des protections spéciales pour les femmes et les enfants, conformément au paragraphe 3 de l’article 25 de la Constitution. La loi interdit de poursuivre au pénal les enfants avant un certain âge. Le Code de procédure pénale prévoit aussi que les délinquants de moins de 15 ans qui n’encourent pas la peine de mort ou une peine d’emprisonnement à vie peuvent être jugés conformément aux dispositions de la loi de 1897 sur les écoles de redressement. Les femmes doivent être arrêtées et fouillées par des membres des forces de l’ordre de sexe féminin. Elles doivent également être séparées des détenus et des fonctionnaires de sexe masculin (les règles relatives à la détention sont exposées dans la partie consacrée à la mise en œuvre de l’article 2).

Article 12Enquêtes diligentes et impartiales

Au Pakistan, les autorités compétentes, fédérales et provinciales, sont tenues de mener sans délai une enquête impartiale sur toute allégation de torture formulée dans les limites de leur juridiction. Dans le cadre de l’enquête, les organes chargés de faire respecter la loi doivent s’acquitter de la responsabilité qui leur incombe d’enquêter en toute impartialité sur les allégations de sévices et de surveiller la situation, selon que de besoin. La Haute Cour du Sind a estimé dans l’un de ses arrêts que l’on ne pouvait autoriser les services chargés d’enquêter à dénaturer la loi et à faire planer pendant trop longtemps la menace d’une procédure judiciaire, telle une épée de Damoclès au-dessus de la tête de l’accusé, puisque cela portait atteinte à sa dignité, à son honneur, à sa réputation et à ses droits fondamentaux. En l’espèce, l’intéressé, qui n’avait rien à se reprocher et avait simplement été victime d’un comportement malafide de la part des autorités, avait subi le supplice de six années d’instruction et d’enquête. Il est essentiel d’enquêter sur tous les actes constitutifs de torture avec le même sérieux que sur toute autre infraction grave.

En cas de plainte pour abus d’autorité de la part des forces de police, une enquête judiciaire impartiale est immédiatement menée pour vérifier le bien-fondé des allégations formulées. Comme indiqué précédemment, la procédure judiciaire et le cadre juridique pakistanais prévoient un mécanisme propre à faciliter l’accès à la justice. Seule une enquête approfondie, menée par un magistrat, peut permettre de déterminer si des actes de torture ou un abus d’autorité ont été commis par les forces de police. Au Pakistan, des enquêtes judiciaires ont ainsi permis de faire la lumière sur plusieurs affaires de torture, qui avaient été étouffées. À la suite d’un décès survenu au cours d’une « altercation avec la police », à Faisalabad, en 2012, l’enquête menée par un juge en application de l’article 30 du Code de procédure pénale avait permis de déterminer que la victime avait en fait été torturée à mort par des policiers, qui avaient maquillé les faits. Le magistrat chargé de l’instruction avait ensuite transmis le rapport d’enquête au juge de district, qui avait donné des instructions à l’Inspecteur général de la police pour qu’il prenne à l’égard des policiers responsables les mesures prévues par la loi.

Au stade de l’enquête préliminaire, les forces de l’ordre et le parquet collaborent dans différents domaines. Les forces de l’ordre sont tenues d’avertir immédiatement le procureur de district de l’enregistrement d’un premier rapport d’information et de lui en fournir un exemplaire. En outre, tous les rapports de police doivent être transmis aux procureurs compétents, comme le prévoit la loi.

Le procureur est tenu « de remplir les devoirs de sa charge et d’exercer ses prérogatives équitablement, loyalement et avec toute la diligence voulue, dans l’intérêt de la société et dans celui de la justice ». Il est formé et mandaté pour faire prévaloir la primauté du droit et promouvoir le respect des droits fondamentaux garantis par la Constitution. Ainsi qu’il ressort du Code de déontologie des procureurs du Panjab, établi en application de la loi de 2006 sur le service des poursuites pénales du ministère public du Panjab (Composition, attributions et pouvoirs) (des lois de ce type ayant été adoptées dans d’autres provinces), le ministère public, « qui joue un rôle consultatif et apporte une assistance et un appui au stade de l’enquête », doit aussi impérativement « veiller à ce que les services chargés de l’enquête respectent les règles du droit et les droits fondamentaux de la personne ». Conformément au Code de déontologie, les procureurs sont également tenus de vérifier que les preuves produites ont été obtenues par des moyens légaux et que les victimes et les témoins sont informés de leurs droits. Ils ont également l’obligation de veiller à ce que les mesures voulues soient prises à l’égard des agents des forces de l’ordre responsables, lorsqu’il est établi que des moyens illégaux ont été employés dans le cadre d’une enquête.

Les personnes placées en détention ont le droit de charger un avocat d’assurer leur défense. Ce droit est garanti par le paragraphe 1 de l’article 10 de la Constitution. Toute personne a le droit et la possibilité, dès son arrestation, de choisir librement un conseil. Un avocat peut également être désigné par l’État pour assurer la défense des personnes qui n’ont pas les ressources financières nécessaires. La Haute Cour du Sind a rappelé que la Constitution garantissait ce droit à toute personne mise en cause qui n’était pas en mesure d’obtenir les services d’un avocat et une aide juridictionnelle faute, notamment, de moyens financiers ou en raison d’une impossibilité de communiquer,et que l’État avait l’obligation de désigner un avocat qui assurerait la défense de l’intéresséselon que de besoin, compte tenu des circonstances de l’espèce et dans l’intérêt de la justice, sous réserve, bien entendu, que celui-ci ne s’y oppose pas.

Le règlement de l’ordre des avocats du Pakistan prévoit l’attribution de l’aide juridictionnelle aux personnes dans le besoin/aux indigents. Dans les provinces, les districts et les tehsils, les ordres des avocats saisissent des commissions permanentes spéciales d’aide juridictionnelle qui ont pour seule fonction de se prononcer sur les demandes d’aide juridictionnelle et d’attribuer l’aide juridictionnelle selon que de besoin. Ces commissions désignent également les membres du « Groupe des services juridictionnels bénévoles », des avocats qui se portent volontaires pour offrir gracieusement leurs services aux indigents dont le dossier aura été approuvé. Entre autres éléments fondamentaux, ce mécanisme comporte également un système de surveillance et de contrôle qui permet d’assurer que les mesures voulues soient prises pour remplir les objectifs fixés par les ordres des avocats en matière d’aide juridictionnelle.

Conformément à l’ordonnance sur le système de justice pour mineurs, tout enfant, qu’il soit accusé ou victime, a le droit de bénéficier de l’aide juridictionnelle. En outre, la loi oblige l’État à désigner à ses frais un avocat pour représenter l’enfant en justice. Les mineurs inculpés d’une infraction pénale, quelle qu’elle soit, bénéficient également de l’aide juridictionnelle et des mesures sont prises pour assurer leur protection contre les mauvais traitements et la torture, sous toutes leurs formes. La Haute Cour du Sind a conclu dans l’un de ses arrêts que nul enfant ne devait être inculpé ou jugé avec un adulte et que l’enfant devait avoir le droit de bénéficier de l’aide juridictionnelle aux frais de l’État. Les juges de district sont d’ailleurs habilités à dresser une liste d’avocats chargés d’offrir leurs services aux détenus mineurs au titre de l’aide juridictionnelle. Des permanences téléphoniques ont également été mises en place dans les provinces et à l’échelle nationale pour permettre aux femmes et aux enfants de bénéficier d’une assistance et d’un conseil juridiques.

Article 13Droit de plainte

La Constitution du Pakistan garantit le droit inaliénable de tous de bénéficier de la protection de la loi et d’être traité conformément à la loi. Le Code de procédure pénale, dans le prolongement de la Constitution, fait en outre obligation à quiconque a connaissance d’une infraction ou d’une intention de commettre une infraction d’en informer le magistrat compétent et la police sans retard injustifié. En outre, toute information relative à la commission d’une infraction pouvant donner lieu à une arrestation sans mandat d’arrêt doit être consignée par le policier de service. Les renseignements communiqués à la police doivent être vérifiés et attestés par le plaignant, et consignés par le policier de sorte que les procédures prévues par la loi puissent être engagées.

Au Pakistan, les victimes de torture ont le droit de porter plainte et d’être entendues dans les meilleurs délais et en toute impartialité dans le cadre d’une procédure pénale. Lorsqu’un agent de la fonction publique commet un acte constitutif de torture, la victime ou d’autres personnes agissant en son nom ont le droit, expressément énoncé dans la loi, de porter plainte auprès d’un agent public compétent et de demander l’ouverture d’une enquête impartiale. La Constitution dispose expressément que tous les citoyens sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection de celle-ci (art. 25). Aucune restriction n’interdit donc à quiconque de porter plainte pour dénoncer un acte constitutif de torture. Les plaintes pour abus d’autorité, actes de torture et autres abus commis par des représentants des organes chargés de faire respecter la loi, y compris par des policiers, font l’objet d’une enquête judiciaire et des mesures de réparation sont ordonnées en faveur de la victime, conformément à la loi. Il est ainsi arrivé qu’à la suite du décès de son fils en détention, une femme saisisse la justice et qu’à l’issue d’une procédure d’enquête approfondie, le juge adjoint de district ordonne à l’agent compétent de la police régionale de recevoir sa demande et d’enregistrer le premier rapport d’information, conformément à la loi, de sorte qu’il puisse y être donné suite.

Les juges de paix peuvent prendre des mesures pour faire appliquer la loi en cas de refus des autorités de police d’enregistrer une plainte. Conformément aux articles 22-A et 190 du Code de procédure pénale, le magistrat prend connaissance d’une infraction présumée lorsque la plainte correspondante lui est présentée. L’autorité compétente est également habilitée à ordonner à tout membre d’un organe chargé de faire respecter la loi de s’acquitter de son obligation de prêter assistance au magistrat aux fins du traitement de la plainte.

Le décret de 2002 sur la police prévoit également la création de plusieurs commissions chargées de superviser les activités des forces de l’ordre, notamment d’enregistrer des plaintes pour faute déposées contre des policiers .

La loi garantit également la protection des témoins. Conformément à l’article 21 de la loi contre le terrorisme, par exemple, un tribunal spécial peut ordonner, sur demande, des mesures de protection en faveur de témoins. Le non-respect de ces mesures et le fait de menacer ou de harceler un témoin constituent des infractions pénales passibles de deux ans d’emprisonnement assortis d’une amende.

On notera que la législation sur la protection des témoins est en évolution. En 2013, la province du Sind a adopté une loi sur la protection des témoins qui prévoit l’instauration d’un régime de protection complet à l’intention des personnes qui témoignent dans le cadre d’une procédure pénale. Conformément à cette loi, des forces de police doivent être spécialement affectées à la protection de ces témoins et des mesures supplémentaires doivent être prises pour assurer leur sécurité et, partant, leur bien-être. De même, une loi nationale, applicable sur l’ensemble du territoire, oblige l’État à prendre les mesures voulues pour assurer la sécurité des témoins à charge et des enquêteurs, notamment.

Article 14Droit d’obtenir réparation et d’être indemnisé équitablement et de manière adéquate et droit à la réadaptation

La loi donne le droit à quiconque subit un acte constitutif de torture, quel qu’il soit, d’obtenir réparation et d’être indemnisé comme il se doit par l’auteur de l’infraction. Le droit pakistanais prévoit un régime d’indemnisation des victimes d’actes particulièrement abominables constitutifs de torture. Les victimes de torture ont plusieurs possibilités d’obtenir réparation, en fonction des circonstances.

Les mesures de réparation et d’indemnisation sont prévues par le Code de procédure pénale, en vertu duquel les personnes reconnues coupables d’homicide, de préjudice physique, de dommages corporels, de souffrance morale ou de préjudice moral, en plus d’être passibles d’une peine principale, assortie d’une amende, peuvent également être condamnées au paiement d’indemnités. Le tribunal peut ordonner que les indemnités soient versées séparément ou que la somme à acquitter soit déduite du montant de l’amende.

Dans certains cas, le Code de procédure pénale autorise également l’ouverture d’une procédure pénale en lien avec une affaire civile. Si certaines dispositions relatives à l’exonération de responsabilité interdisent de poursuivre en justice un agent de l’État pour un acte commis dans l’exercice de ses fonctions, de bonne foi ou suivant des consignes ou des instructions édictées conformément à la loi, cette interdiction ne vise pas les actes qui ne relèvent pas de l’exercice d’une fonction, notamment les actes constitutifs de torture.

Lorsqu’une personne parvient à prouver devant la justice qu’elle a été victime de violences policières, le tribunal, en guise de réparation, prend des sanctions contre l’auteur de l’infraction. Le juge peut ordonner l’une des trois mesures de réparation suivantes : 1) réexamen des chefs retenus contre la victime (dans le cas où elle a été officiellement inculpée) ; 2) indemnisation ; 3) ouverture d’une procédure pénale contre le policier mis en cause.

Toute personne qui aurait été victime de mauvais traitements de la part de policiers a la possibilité de porter plainte auprès d’un magistrat et de demander la saisine de la Commission médicale permanente de district. La Commission est chargée de pratiquer des examens médicaux en cas d’allégations de torture ou de décès en garde à vue. Elle se compose de quatre médecins, employés par l’État, qui ont pour mission de vérifier le bien‑fondé des allégations de mauvais traitements et de noter, le cas échéant, les signes de sévices physiques ou psychologiques subis par la victime dans un certificat médico-légal.

Il convient de noter que dans certaines affaires de torture, c’est par la condamnation de leurs agresseurs que les victimes ont obtenu réparation. Le 9 décembre 2015, par exemple, le tribunal de district de Karachi a condamné un homme du nom de Jaffar à dix ans d’emprisonnement pour avoir violé une adolescente de 14 ans qui habitait dans son quartier. L’intéressé a également été condamné à acquitter une amende de 25 000 roupies, faute de quoi sa peine d’emprisonnement serait prolongée de deux mois. On notera que son procès aura duré environ deux ans, au cours desquels l’intéressé a demandé par deux fois sa libération sous caution, d’abord en première instance, puis en appel. Les deux fois, il a été débouté de sa demande compte tenu des preuves accumulées contre lui. Cela montre bien qu’au Pakistan, la justice est rendue en toute impartialité et que des condamnations sont prononcées dans les affaires de viol − l’une des pires formes de torture.

Article 15Déclarations obtenues par la torture

Le paragraphe 2 de l’article 14 de la Constitution interdit expressément le recours à la torture aux fins de l’obtention de preuves ou d’aveux. De même, la loi de 1984 sur la preuve (Qanun-e-Shahadat) comporte un chapitre entier consacré à l’interdiction de l’obtention de preuves ou de déclarations par la torture.

L’article 37 de la loi sur la preuve dispose expressément qu’au pénal, les aveux de l’accusé sont irrecevables si le tribunal conclut qu’ils ont été obtenus par le dol, la menace ou la promesse d’une faveur ou d’un avantage quelconque.

Conformément à l’article 38 de la loi sur la preuve, les aveux faits à la police ne constituent pas un élément à charge, quels que soient les faits reprochés à l’intéressé. En vertu de l’article 39, sous réserve de l’article 10 de la Constitution, à moins qu’ils aient été faits en présence immédiate d’un magistrat, les aveux d’un accusé placé sous la garde d’un policier ne constituent pas un élément à charge. Dans l’un de ses arrêts, la Haute Cour de Lahore a conclu que les aveux présumés du requérant, obtenus dans le cadre d’une enquête de police, alors que celui-ci se trouvait en détention, n’avaient pas valeur de preuve et ne constituaient pas un élément à charge.

En application de l’article 348 du Code pénal, les agents des forces de l’ordre qui auraient séquestré ou harcelé une personne dans le but de lui arracher des aveux sont passibles de sanctions. En outre, les articles 164, 364 et 533 du Code de procédure pénale énoncent en détail les procédures à appliquer pour consigner les déclarations, les aveux et les interrogatoires des accusés, ainsi que les compétences en la matière.

En vertu de la Constitution, quiconque est accusé d’une infraction pénale a le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination (art. 13). On ne peut exiger d’un prévenu qu’il témoigne contre lui-même, ni le contraindre à répondre à des questions de nature à mettre en doute ses déclarations dans le cadre de la procédure intentée contre lui. L’interdiction de contraindre quiconque à témoigner contre lui-même, si elle est dûment respectée, contribue à dissuader les forces de l’ordre d’avoir recours à la violence. Conjuguée à l’interdiction de la torture, énoncée dans la Constitution, la garantie du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination empêche les autorités d’obtenir ou de chercher à obtenir des preuves par des moyens illégaux.

On notera que dans l’un de ses arrêts, la Cour suprême du Pakistan a annulé l’article 26 de la loi contre le terrorisme (1997), qui était incompatible avec l’article 13 de la Constitution, considérant que cette disposition violait les articles 13 b) et 25 de la Constitution. Il ressort de l’arrêt en question qu’un aveu judiciaire est recueilli par un magistrat et qu’il constitue un élément de preuve. Le magistrat doit en outre satisfaire à des conditions très strictes avant de pouvoir consigner les aveux de l’accusé. Ces conditions n’étaient pas énoncées à l’article 26 de la loi susdite.

Dans une autre affaire, Muhammad Pervez and others v. State (2007. SCMR 670), la Cour a constaté que les accusés avaient été torturés après leur arrestation et que leurs aveux avaient ensuite été recueillis en présence d’un magistrat. Le tribunal de première instance avait essentiellement fondé son jugement sur ces aveux et avait condamné les accusés à la réclusion criminelle à perpétuité. Toutefois, la Cour suprême, après réexamen de l’affaire, a constaté que les accusés étaient restés en garde à vue pendant vingt-quatre heures avant et après la consignation de leurs aveux et que le magistrat avait consacré à peine une heure à leur audition ; elle a conclu, de ce fait, que de telles déclarations ne constituaient pas un aveu volontaire. En conséquence, elle a fait droit à la requête des accusés et a annulé les déclarations de culpabilité et les condamnations prononcées contre eux par les juridictions inférieures.

Ces dernières années, le Gouvernement s’est attaché à ouvrir des laboratoires d’examen médico-légal et à doter la police de moyens et de techniques d’enquête modernes. Dans le cadre des enquêtes judiciaires, l’utilisation de preuves scientifiques a augmenté de manière exponentielle, ce qui entraîne une nette diminution des actes de torture commis contre des détenus aux fins de l’obtention d’aveux.

Article 16Autres actes constitutifs de peines ou de traitements cruels,inhumains ou dégradants

De même que les actes constitutifs de torture, d’autres actes constitutifs de peines ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants sont réprimés par le Code pénal, notamment : l’entrave illicite à la liberté de mouvement (art. 339) ; la séquestration (art. 340) ; le préjudice physique (art. 332) ; le recours à la force dans l’intention de commettre une infraction (art. 350) ; la menace physique (art. 351).

Le Code pénal comporte également des dispositions relatives à certaines mesures, prises à l’égard de détenus, qui sont susceptibles de constituer des peines ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Les articles 73 et 74 régissent la mise à l’isolement des condamnés. On ne peut, sous prétexte de le soumettre à un régime d’incarcération strict, placer un condamné à l’isolement pendant plus de trois mois sur la durée totale de sa peine. Cette règle s’applique aux détenus condamnés à plus d’un an d’emprisonnement. Pour les détenus qui ont été condamnés à un an d’emprisonnement ou moins, la durée maximale autorisée pour l’ensemble des périodes de mise à l’isolement est encore plus brève. En outre, le Code pénal précise que la durée de la mise à l’isolement ne doit en aucun cas dépasser quatorze jours consécutifs. Conformément à la loi sur les prisons, une cellule ne peut être affectée à la mise à l’isolement que si elle est équipée des moyens nécessaires pour permettre au détenu de communiquer à tout moment avec un gardien, et tout prisonnier placé à l’isolement pendant plus de vingt-quatre heures, à titre de sanction ou pour tout autre motif, doivent recevoir au moins une fois par jour la visite du fonctionnaire médical ou du fonctionnaire médical adjoint.

L’interdiction la plus expresse de ces actes est énoncée dans les Codes de déontologie de la police provinciale, qui disposent ce qui suit: un policier ne doit pas infliger, susciter, ni tolérer un acte de torture ou quelque autre peine ou traitement cruels, inhumains ou dégradants et aucun argument ne saurait être invoqué pour justifier une dérogation à cette règle, qui ne souffre aucune exception. Les politiques de sensibilisation aux droits de l’homme et à l’égalité des sexes qui ont été adoptées par les provinces en 2007 prévoient des stages de sensibilisation aux comportements sexistes et de formation aux procédures spéciales de police qui concernent des femmes, qu’elles soient suspectes, plaignantes ou témoins. Il est rappelé dans ces politiques qu’on ne doit en aucun cas avoir recours à la torture ou à des traitements dégradants ou inhumains, quels qu’en soient la forme ou le motif.

Il convient de souligner que les tribunaux pakistanais ont déjà jugé des personnes qui s’étaient rendues coupables de peines ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Par exemple, le 18 novembre 2014, à la suite du décès de Mme Farzana Iqbal, massacrée à coups de briques par des membres de sa famille, la Haute Cour de Lahore a condamné le père de la victime, son frère, Zahid Iqbal, et son cousin, Jahan Khan, à la peine capitale. Un autre suspect du nom de Ghulam Ali a, lui, été condamné à dix ans d’emprisonnement assortis d’une amende de1 million de roupies. La peine de mort a été prononcée en application de trois dispositions différentes : i. l’article 7 de la loi contre le terrorisme ; ii. l’article 302 du Code de procédure pénale, qui réprime l’homicide ; iii. l’article 338C, qui interdit de tuer une femme enceinte.

En conclusion, le Pakistan, en sa qualité d’État partie, tient à réaffirmer son attachement à l’interdiction de la torture sous toutes ses formes et ses manifestations, conformément à la Convention. Les lois en faveur des droits de l’homme qui ont été adoptées ces dix dernières années ont grandement contribué à renforcer le cadre général relatif aux droits de l’homme au Pakistan. Le dynamisme des médias et de la société civile et l’indépendance de la magistrature ont également joué un rôle de premier plan dans ce domaine.