Nations Unies

CRC/C/SLV/CO/3-4

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

17 février 2010

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’enfant

Cinquante-troisième session11-29 janvier 2010

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 44 de la Convention

Observations finales: El Salvador

1.Le Comité a examiné les troisième et quatrième rapports périodiques d’El Salvador, présentés en un seul document (CRC/C/SLV/3-4), à ses 1479e et 1481e séances (CRC/C/SR.1479 et 1481), tenues le 21 janvier 2010, et a adopté, à sa 1501e séance, tenue le 29 janvier 2010, les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec intérêt les troisième et quatrième rapports périodiques de l’État partie présentés en un seul document, ainsi que les réponses écrites à la liste des points à traiter et se félicite du dialogue franc et constructif qui s’est instauré avec la délégation pluridisciplinaire.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales devraient être lues en parallèle avec les observations finales sur le deuxième rapport périodique d’El Salvador (CRC/C/15/Add.232) et avec celles qui ont été adoptées à l’issue de l’examen des rapports initiaux de l’État partie au titre des deux Protocoles facultatifs à la Convention (CRC/C/OPAC/SLV/CO/1 et CRC/C/OPSC/SLV/CO/1).

B.Mesures de suivi adoptées et progrès accomplis par l’État partie

4.Le Comité accueille avec satisfaction les faits nouveaux positifs survenus au cours de la période considérée, dont l’adoption de mesures législatives et autres visant à appliquer la Convention, telles que:

a)La promulgation, le 16 janvier 2010, du décret présidentiel portant création d’une nouvelle commission d’enquête chargée de poursuivre la recherche des enfants disparus pendant le conflit armé interne, qui a fait suite aux excuses officielles présentées aux victimes, y compris aux enfants, par le chef de l’État reconnaissant la responsabilité de l’État dans les graves violations des droits de l’homme survenues durant le conflit armé interne;

b)Le projet de loi portant création d’un mécanisme visant à assurer le suivi de la mise en œuvre des recommandations formulées par les organes chargés de surveiller l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme;

c)La promulgation, le 27 mars 2009, de la loi relative à la protection intégrale de l’enfance et de l’adolescence (LEPINA);

d)L’établissement, en 2005, du Comité national de lutte contre la traite des personnes.

5.Le Comité accueille aussi avec satisfaction la ratification des instruments internationaux ci-après:

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le 17 mai 2004;

b)La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et son Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (Protocole de Palerme), le 18 mars 2004;

c)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif, le 14 décembre 2007.

C.Facteurs et difficultés entravant l’application de la Convention

6.Le Comité note la très forte criminalité et le climat de violence et d’insécurité qui règnent dans l’État partie, où une personne âgée de moins de 18 ans est tuée chaque jour. Il reconnaît, en particulier, le problème croissant que représentent les maras (gangs de jeunes), qui sont l’expression d’une violence structurelle et le résultat d’années de politiques répressives. Il note également que le territoire de l’État partie est exposé aux risques de catastrophes naturelles, tel le récent ouragan Ida, et a conscience des effets de la récente crise économique sur la vie des enfants salvadoriens.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1.Mesures d’application générales (art. 4, 42 et 44 (par. 6) de la Convention)

Recommandations antérieures du Comité

7.Le Comité constate que plusieurs sujets de préoccupation et recommandations qu’il avait formulés en 2004 et 2006 à l’issue de l’examen, respectivement, du deuxième rapport périodique soumis par l’État partie en application de la Convention (CRC/C/15/Add.232) et du rapport initial présenté en application du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/SLV/CO/1) ont été pris en compte, mais regrette que beaucoup d’autres l’aient été d’une manière insuffisante ou seulement partielle.

8. Le Comité prie instamment l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour donner suite aux recommandations figurant dans les observations finales sur le deuxième rapport périodique soumis en application de la Convention et sur le rapport initial présenté en application du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, qui n’ont pas encore été mises à exécution ou ne l’ont pas été dans toute la mesure voulue, notamment en ce qui concerne: a) la criminalité et la violence élevées, y compris les homicides d’enfants (CRC/C/15/Add.232, par. 29 et 30); b) l’exploitation sexuelle et la traite d’enfants (par. 63 et 64); c) l’administration de la justice pour mineurs, y compris la prévention, la réadaptation et la réinsertion des jeunes membres de gangs (par. 65 à 68); d) l’abolition par la loi de l’engagement volontaire d’enfants de 16 et 17 ans (CRC/C/OPAC/SLV/CO/1, par. 17). L’État partie devrait aussi appliquer comme il se doit les recommandations contenues dans les présentes observations finales sur les troisième et quatrième rapports périodiques présentés en un seul document, et en assurer le suivi.

Législation

9.Le Comité constate avec satisfaction que la Convention a été invoquée à maintes reprises devant des tribunaux nationaux et que des magistrats, de la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême notamment, l’ont utilisée dans leur raisonnement juridique. Il relève également les nombreux efforts déployés par l’État partie pour mettre sa législation en conformité avec la Convention, dont l’adoption de la récente loi relative à la protection intégrale de l’enfance et de l’adolescence (LEPINA). Toutefois, il regrette que la législation nationale ne soit pas encore conforme à la Convention dans certains domaines, par exemple, en ce qui concerne les châtiments corporels, l’âge minimum du mariage, le régime d’adoption et l’administration de la justice pour mineurs.

10. Le Comité recommande à l’État partie de continuer d’aligner sa législation sur les principes et dispositions de la Convention. Il lui recommande aussi de prendre les mesures nécessaires, notamment de procéder aux changements structurels, financiers et institutionnels permettant l’application effective de la loi relative à la protection intégrale de l’enfance et de l’adolescence, conformément au régime nouvellement établi à cette fin aux niveaux national et local (départemental et municipal).

Coordination

11.Le Comité note avec satisfaction que plusieurs institutions gouvernementales œuvrent en faveur de l’amélioration et de la réalisation des droits de l’enfant, dont le Secrétariat à l’intégration sociale, qui vient d’être établi au sein du Bureau de la présidence de la République, et l’Institut salvadorien pour le développement complet de l’enfant et de l’adolescent (ISNA). Toutefois, il relève le caractère imprécis des mandats de ces institutions et leurs nombreux recoupements et déplore l’absence de modalités clairement définies permettant d’assurer une coordination efficace des activités menées par les organes et les institutions chargés de l’application des droits de l’enfant. À cet égard, il note qu’en vertu de la loi relative à la protection intégrale de l’enfance et de l’adolescence, c’est au Conseil national de l’enfance et de l’adolescence (CONNA) qu’il incombe de coordonner la nouvelle Politique nationale pour la protection intégrale de l’enfance et de l’adolescence (PNPNA). Or, il est préoccupé de constater que cet organisme n’a pas encore été mis en place.

12. Le Comité recommande à l’État partie d’établir rapidement le Conseil national de l’enfance et de l’adolescence (CONNA), prévu dans la loi relative à la protection intégrale de l’enfance et de l’adolescence, et d’en assurer le bon fonctionnement par la création d’un organe exécutif de haut niveau ayant des fonctions de coordination précises. Le CONNA doit être doté des ressources humaines et financières lui permettant de s’acquitter de ses fonctions de coordination entre les secteurs. À cet égard, le Comité appelle l’attention sur son Observation générale n o 5 (2003) sur les mesures d’application générales de la Convention relative aux droits de l’enfant. Il recommande également de renforcer le dispositif national de protection intégrale, y compris des comités départementaux et municipaux (juntas), en vue de collaborer à l’élaboration des politiques qui tiennent compte des différences culturelles, de surveiller leur application et d’assurer la participation de tous les intéressés, y compris les enfants.

Plan national d’action

13.Le Comité prend note de l’existence d’un Plan national d’action pour l’enfance élaboré par l’ISNA pour la période 2001-2010 et de plusieurs autres plans d’action portant sur les droits et la protection de l’enfant dans les domaines notamment de l’éducation, de la traite et du travail des enfants. Il est néanmoins inquiet de constater que le Plan national en vigueur n’a pas encore été évalué et que le nouveau plan d’action n’a pas encore été élaboré.

14. Le Comité recommande à l’État partie d’évaluer le Plan national d’action pour l’enfance actuellement en vigueur et d’en élaborer un nouveau qui porte sur tous les aspects de la Convention et de ses protocoles et qui prenne en compte le nouveau cadre de protection intégrale de l’enfance et de l’adolescence créé par la loi de protection intégrale. Le Comité recommande vivement que ce Plan national d’action pour l’enfance soit limité dans le temps et associé à d’autres plans nationaux d’action thématique afin de favoriser une approche globale des droits de l’enfant. Il recommande en outre à l’État partie d’allouer à la mise en œuvre de ce plan les ressources humaines et financières nécessaires, et de prendre les mesures de suivi et d’évaluation voulues pour évaluer régulièrement les progrès réalisés dans les différents secteurs, recenser les lacunes et définir des mesures correctives.

Mécanisme indépendant de suivi

15.Le Comité prend acte de la conformité du Bureau du Procureur aux droits de l’homme avec les Principes de Paris. Il note aussi avec satisfaction que le Procureur adjoint aux droits des enfants et des adolescents, créé au sein du Bureau du Procureur aux droits de l’homme, a inauguré une méthode fondée sur la participation des enfants à des équipes de jeunesse chargées de diffuser les droits de l’homme (Unidades Juveniles de Difusión de Derechos Humanos) dont l’action s’étend dans les communautés, les écoles et les universités. Toutefois, il partage les préoccupations exprimées en novembre 2009 par le Comité contre la torture sur des allégations selon lesquelles le Bureau du Procureur aurait fait l’objet de menaces visant à entraver son action et à porter atteinte à son indépendance. Il s’inquiète aussi de l’accès limité des enfants au mécanisme de plainte auprès du Bureau du Procureur.

16. Le Comité réitère avec force la recommandation qu’il avait formulée dans ses précédentes observations finales sur la nécessité de veiller à ce que le Bureau du Procureur aux droits de l’homme et, par son intermédiaire, le Bureau du Procureur adjoint aux droits des enfants et des adolescents, reçoivent des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour s’acquitter de leur mandat, notamment rendre le mécanisme de plainte plus accessible à tous les enfants et plus attentif à leurs différentes cultures. Il recommande aussi à l’État partie de défendre les activités du Bureau du Procureur aux droits de l’homme contre toute ingérence indue ou toute pression externe afin de garantir son bon fonctionnement et son indépendance. L’État partie est également encouragé à donner la suite voulue aux recommandations du Bureau du Procureur.

Allocation de ressources

17.Le Comité, tout en accueillant favorablement la méthode d’allocation des ressources fondée sur l’équité et l’intégration sociale retenue par l’État partie, s’inquiète de la faiblesse des ressources allouées à l’éducation (2,9 % du PIB) et à la santé (1,7 % du PIB). Il regrette aussi que les programmes et les mesures en vigueur portent presque exclusivement sur la protection de l’enfance et l’atténuation de la pauvreté sans s’attaquer aux inégalités structurelles et à l’approche globale des droits des enfants qui s’impose.

18. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De traiter la question des allocations budgétaires en faveur des enfants non pas simplement comme des allocations en faveur de la protection de l’enfance mais d’une manière plus globale qui comprenne la santé, l’éducation, l’alimentation et la sécurité alimentaire, l’eau, l’assainissement de base, les loisirs, la prévention de la violence, etc.;

b) D’accroître sensiblement les ressources allouées à la santé et à l’éducation;

c) De protéger le budget alloué aux enfants et le budget social contre tous les chocs externes ou internes, telles les crises économiques, les catastrophes naturelles ou toute autre situation d’urgence, afin de conserver des investissements durables;

d) D’utiliser une approche axée sur les droits de l’enfant lors de l’élaboration du budget de l’État en appliquant un système de suivi de l’affectation des ressources, afin d’assurer la visibilité des investissements en faveur des enfants, et évaluer ses effets;

e) De définir des lignes budgétaires stratégiques pour faire face aux situations susceptibles de requérir des mesures sociales positives (notamment l’enregistrement des naissances, la malnutrition chronique, la violence envers les enfants); et de corriger les disparités existantes (ethniques, géographiques et disparités entre garçons et filles);

f) De veiller à ce que les autorités locales rendent dûment compte d’une manière ouverte et transparente; de renforcer les mécanismes de prévention de la corruption; et de créer un mécanisme spécial de participation de la population au contrôle des dépenses sociales en faveur des enfants, tel qu’un budget participatif, en vue d’assurer une transparence et une responsabilisation accrues et une allocation des ressources fondée sur une meilleure concertation;

g) De diffuser des informations et des statistiques sur les dépenses sociales auprès du grand public et des institutions qui réalisent des analyses et des enquêtes sur les enfants;

h) De tenir compte des recommandations formulées par le Comité à l’issue de sa journée de débat général en 2007 sur le thème «Ressources pour les droits de l’enfant − Responsabilité des États».

Coopération avec la société civile

19.Le Comité constate avec satisfaction que, durant le dialogue, la délégation de l’État partie a souligné l’importance du travail réalisé par les acteurs de la société civile et la nécessité de les consulter systématiquement lors de l’élaboration des programmes et des mesures en faveur des droits des enfants. À cet égard, il note que certaines préoccupations exprimées par des organisations de la société civile au sujet de la loi de protection intégrale seront examinées très prochainement et prises en compte en vue d’une éventuelle modification du texte.

20. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour établir avec la société civile, en particulier avec les organisations de défense des enfants, une coopération et une coordination qui soient plus efficaces, plus ouvertes et plus systématiques, ce qui est essentiel pour l’application effective de la Convention.

Collecte de données

21.Le Comité note que le Secrétariat à l’intégration sociale, nouvellement établi au sein du Bureau de la Présidence de la République, a lancé une consultation en vue de réunir des informations et des statistiques dans des domaines où il n’en existe quasiment pas, par exemple sur les enfants autochtones et les enfants handicapés. Il note également que l’Institut salvadorien pour le développement complet de l’enfant et de l’adolescent (ISNA) aura désormais aussi des capacités d’enquête et de recherche et sera chargé de la collecte de données dans des domaines relevant de la Convention. Toutefois, il demeure préoccupé par l’absence de système global de collecte de données sur tous les domaines visés par la Convention et ses deux Protocoles facultatifs au niveau national.

22. Le Comité réitère la recommandation adressée précédemment à l’État partie lui demandant d’intensifier ses efforts pour mettre en place un système global de collecte de données sur la mise en œuvre de la Convention. Ces données doivent couvrir toute personne âgée de moins de 18 ans, être ventilées selon le sexe, l’âge, la zone d’habitation − urbaine ou rurale −, l’origine ethnique, le handicap, le fait d’être victime de violence, l’étape de la vie (en particulier la petite enfance et l’adolescence) et sur toute autre caractéristique pertinente, et être aisément accessibles au grand public. À cette fin, l’État partie devrait envisager de renforcer la Direction générale des statistiques et des études du Ministère de l’économie (DIGESTYC) et de doter l’ISNA et le Secrétariat à l’intégration sociale des ressources humaines, techniques et financières nécessaires pour réaliser les activités de collecte de données et de recherche dont ils sont chargés.

Diffusion, formation et sensibilisation

23.Le Comité prend note des efforts déployés pour diffuser plus largement la Convention auprès des professionnels de l’enfance ainsi qu’auprès du grand public, notamment des enfants eux-mêmes. Toutefois, il regrette que ses précédentes observations finales n’aient pas été suffisamment diffusées et que, malgré les efforts faits dans ce domaine, la connaissance de la Convention dans la population reste faible et ne se soit pas améliorée depuis l’examen du précédent rapport périodique.

24. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De continuer de renforcer ses campagnes de sensibilisation et de veiller à ce qu’elles atteignent les zones rurales et reculées, y compris les enfants autochtones;

b) De veiller à ce que la Convention figure dans les programmes scolaires tout au long du cycle éducatif;

c) De collaborer étroitement avec les médias dans le cadre des activités de diffusion et de sensibilisation et d’encourager les médias à élaborer des produits spécifiquement destinés aux enfants, pour assurer une meilleure couverture tout en respectant les droits de l’enfant, et d’inciter les enfants à participer eux-mêmes aux programmes diffusés par les médias;

d) De continuer à élaborer des programmes de formation aux droits de l’homme, notamment aux droits de l’enfant, à l’intention de toutes les personnes qui travaillent avec ou pour les enfants, comme le programme de formation des enfants et des adolescents aux droits de l’homme mené sous la direction de l’UNICEF dans le cadre du programme gouvernemental «Réseau solidaire», et de renforcer les programmes existants.

2.Définition de l’enfant (art. 1 de la Convention)

25.Le Comité note la distinction formelle établie dans l’État partie entre l’enfant (âgé de moins de 12 ans) et l’adolescent (âgé de 12 à 18 ans). Il réitère les préoccupations qu’il a déjà exprimées au sujet des dispositions du Code de la famille qui autorisent encore le mariage des enfants dès l’âge de 14 ans à certaines conditions, à savoir si, étant pubères, ils ont eu ensemble un enfant ou si la jeune fille est enceinte.

26. Le Comité recommande à nouveau à l’État partie de fixer l’âge minimum du mariage à 18 ans pour les filles comme pour les garçons.

3.Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12 de la Convention)

Non-discrimination

27.Le Comité regrette qu’en dépit des efforts déployés par l’État partie pour lutter contre le racisme et la discrimination, certains segments de la population enfantine, en particulier les adolescents, les enfants handicapés, les filles, les enfants vivant dans des zones rurales et reculées, les enfants autochtones et les enfants appartenant à des familles victimes de l’exclusion économique, restent en butte aux comportements discriminatoires et à l’exclusion sociale. Il note également la persistance d’une conception patriarcale traditionnelle de la famille qui confine souvent les filles dans des tâches subordonnées et dangereuses, tel le service domestique, où elles sont mises en situation de vulnérabilité et exposées au risque de mauvais traitements. Il est en outre préoccupé de voir que les adolescents sont souvent dépeints, à tort, dans les médias et dans la société comme les principaux responsables de la propagation de la violence dans le pays.

28. À la lumière de l’article 2 de la Convention, le Comité recommande à nouveau à l’État partie:

a) De veiller à ce que toutes les dispositions juridiques interdisant la discrimination soient pleinement mises en pratique;

b) De combattre la discrimination notamment en instaurant l’égalité d’accès à l’éducation, aux services de santé et aux programmes de lutte contre la pauvreté et d’accorder une attention particulière à la situation des filles;

c) De prendre des mesures pour lutter contre le dénigrement et la stigmatisation des enfants, en particulier des adolescents, dans la société, y compris dans les médias;

d) D’organiser de vastes campagnes d’information de la population pour prévenir et combattre toutes les formes de discrimination;

e) De redoubler d’efforts pour prévenir et éliminer toutes les formes de discrimination de fait envers les adolescents, les enfants handicapés, les filles, les enfants vivant dans des zones rurales et reculées, les enfants des rues, les enfants autochtones et les enfants appartenant à des familles exclues sur le plan économique;

f) De tenir compte dans ces efforts des recommandations adoptées par le Comité dans son Observation générale n o 11 (2009) sur les enfants autochtones et leurs droits en vertu de la Convention, ainsi que du document final de la Conférence d’examen de Durban adopté en 2009.

Intérêt supérieur de l’enfant

29.Le Comité note avec satisfaction que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant figure déjà dans le Code de la famille (art. 305) et est consacré également dans la loi relative à la protection intégrale de l’enfance et de l’adolescence, en particulier à son article 12. Toutefois, il est préoccupé de constater que le principe n’est pas suffisamment mis en pratique, notamment dans les domaines de la prévention, des châtiments corporels, de la protection des enfants et de la justice pour mineurs.

30. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De veiller à ce que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant ne reste pas lettre morte mais soit effectivement pris en compte dans les politiques et les programmes touchant les enfants;

b) De poursuivre et de renforcer ses efforts pour veiller à ce que le principe général de l’intérêt supérieur de l’enfant soit dûment reflété dans toutes les dispositions juridiques ainsi que dans les décisions judiciaires et administratives et dans les projets, programmes et services qui ont des incidences sur les enfants;

c) De réaliser une étude sur des cas particuliers pour évaluer la manière dont le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant est mis en pratique en matière judiciaire et administrative;

d) De tenir compte des recommandations adoptées dans l’Observation générale n o  5 (2003).

Droit à la vie, à la survie et au développement

31.Le Comité est extrêmement préoccupé par le nombre très élevé d’homicides d’enfants, dont beaucoup sont des membres de maras, au rythme d’un enfant tué chaque jour. Il note avec inquiétude que les autorités ne répondent pas à ces actes par des mesures énergiques, tant de prévention que de protection. Le Comité note aussi avec inquiétude que souvent ces crimes ne sont suivis ni d’enquête ni de poursuites et regrette l’insuffisance des informations fournies par l’État partie sur cet aspect très grave de la situation des enfants en El Salvador.

32. À la lumière de l’article 6 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie:

a) De réaliser une enquête approfondie sur tous les cas d’homicides d’enfants ainsi que d’ouvrir des poursuites judiciaires et de sanctionner comme il se doit les auteurs de ces actes odieux; et de mettre à la disposition de la famille des victimes des procédures et des mécanismes adéquats pour obtenir réparation et recevoir une compensation ainsi qu’un soutien approprié;

b) D’élaborer et d’appliquer un train de mesures visant à prévenir la violence contre les enfants, notamment les homicides, et d’intensifier ses efforts pour garantir, sur tout le territoire national, aux enfants le droit à la vie;

c) De mettre en place un système de collecte de données et d’informations sur tous les cas de violence et de mauvais traitements contre des enfants et notamment sur les homicides;

d) D’élaborer d’urgence des mesures visant à combattre et éradiquer le marché noir d’armes, notamment d’armes de petit calibre, et de veiller à ce que la vente d’armes soit soumise à un contrôle strict des autorités;

e) De s’attaquer aux causes profondes de ces actes de violence, et notamment à l’impunité, la pauvreté et l’exclusion;

f) De prendre des mesures, en coopération avec les médias, en vue de dissuader la population d’avoir recours à ces mesures violentes et illicites, ce dans le cadre de la stratégie mise en place pour lutter contre le problème des maras , tout en favorisant la prévention;

g) De coopérer à la protection des enfants contre les risques qu’ils courent au sein de la communauté.

Respect des opinions de l’enfant

33.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour promouvoir, faciliter et mettre en pratique le principe du respect des opinions de l’enfant dans toutes les affaires les concernant. Il note avec satisfaction que plus de 600 enfants et adolescents âgés de 6 à 18 ans ont participé à l’élaboration de la loi de protection intégrale, apportant leur précieuse contribution, en particulier sur les questions de la violence à leur encontre, de leur droit à une identité et à un nom et de leur droit d’être entendu. Toutefois, il constate avec regret que même si le principe du respect des opinions de l’enfant est désormais formellement acquis, il demeure trop souvent absent de la formulation, de l’application et de l’évaluation des politiques publiques ainsi que des procédures judiciaires et administratives.

34. Le Comité recommande à l’État partie de continuer d’encourager, de faciliter et d’appliquer dans la pratique, au sein de la famille, dans le cadre de l’école, de la communauté, des établissements d’accueil, ainsi que dans les procédures judiciaires et administratives qui visent les enfants, le principe du respect des opinions de l’enfant dans toutes les affaires les concernant. Il recommande en outre à l’État partie d’institutionnaliser la participation des enfants dans les écoles, les manifestations publiques et d’autres enceintes et activités pertinentes. L’État partie devrait tenir compte, à cet égard, des recommandations récemment adoptées par le Comité dans son Observation générale n o 12 (2009) sur le droit de l’enfant d’être entendu.

4.Libertés et droits civils (art. 7, 8, 13 à 17 et 37 a) de la Convention)

Enregistrement des naissances, droit à un nom et à une nationalité

35.Le Comité, tout en saluant le plan 2010 qui prévoit la suppression des amendes pour l’enregistrement tardif de la naissance d’un enfant, note avec préoccupation que le non-enregistrement demeure un problème, en particulier dans les zones rurales et reculées, et regrette l’insuffisance des données sur cette question. Il note aussi avec préoccupation que les frais d’enregistrement des naissances et les amendes en cas de non-enregistrement subsistent et qu’il existe encore des obstacles administratifs qui de fait entravent la réalisation de la démarche.

36. Le Comité recommande à nouveau à l’État partie de poursuivre et d’intensifier ses efforts pour mettre en place un système d’enregistrement des naissances efficace et gratuit pour tous. Il prie instamment l’État partie de rendre le système d’enregistrement des faits d’état civil plus accessible aux communautés, d’affecter aux centres d’enregistrement des ressources humaines, techniques et financières adéquates et de prendre d’autres mesures, y compris la création de services itinérants, pour faciliter l’accès de la population à l’enregistrement, y compris dans les zones les plus reculées du pays. L’État partie devrait en outre fournir au Comité des informations sur cette question dans son rapport suivant.

Préservation de l’identité

37.Le Comité note que la Commission interinstitutionnelle de recherche des enfants disparus pendant le conflit armé interne a cessé ses activités le 31 mai 2009 sans avoir beaucoup progressé dans ses enquêtes. Il constate avec préoccupation que les prescriptions concernant la Commission formulées par la Cour interaméricaine des droits de l’homme dans son arrêt de 2005 rendu dans l’affaire Hermanas Serrano Cruz c. El Salvador, à savoir le renforcement de ses capacités d’enquête, l’indépendance de ses membres et la représentation des victimes auprès de la Commission n’ont pas été suivies. Comme il l’a indiqué plus haut (par. 4 a)), le Comité relève avec satisfaction que le nouveau Gouvernement s’est engagé à créer une nouvelle commission d’enquête conforme aux prescriptions formulées au titre de l’affaire Serrano Cruz.

38.Le Comité recommande à l’État partie d’allouer à la nouvelle Commission les ressources humaines et financières nécessaires, comme le lui a prescrit la Cour interaméricaine des droits de l’homme. L’État partie devrait aussi allouer les ressources nécessaires à l’application de l’arrêt rendu dans l’affaire Serrano Cruz, notamment en versant le dédommagement prévu par la Cour et en menant une enquête approfondie sur la disparition des deux sœurs ainsi que sur la disparition d’autres enfants pendant le conflit. L’État partie devrait aussi envisager de ratifier rapidement la Convention internationale des Nations Unies pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ainsi que la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes.

Protection de la vie privée

39.Le Comité note les différentes initiatives prises par l’État partie pour veiller à ce que les médias défendent et respectent les droits de l’enfant. Toutefois, il est préoccupé de constater que, dans divers cas, les médias ont continué de porter atteinte à l’honneur et à la réputation des enfants, en particulier des adolescents.

40. Le Comité recommande à l’État partie de protéger les enfants contre les atteintes illégales à leur honneur et à leur réputation, notamment dans les médias, y compris en encourageant ces derniers à adopter un code d’éthique pour qu’ils s’astreignent d’eux-mêmes à respecter les droits des enfants.

Accès à une information appropriée

41.Le Comité est préoccupé du peu d’information et de matériels provenant de sources nationales et internationales diverses qui seraient de nature à faciliter la compréhension de la situation des enfants. Il s’inquiète aussi de la diffusion insuffisante d’informations et de matériels appropriés présentant une utilité sociale et culturelle pour les enfants.

42. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts visant à ce que les médias aient connaissance des droits de l’enfant et les respectent. À cette fin, il recommande à l’État partie d’élaborer, en concertation avec les médias, des principes directeurs appropriés tendant à protéger les enfants contre l’information et les matériels préjudiciables à leur bien-être. Le Comité recommande en outre à l’État partie:

a) D’encourager les médias à diffuser une information et des matériels appropriés qui présentent une utilité sociale et culturelle pour les enfants;

b) De veiller à ce que les enfants aient accès à une information et à des matériels provenant de sources nationales et internationales diverses, notamment ceux qui visent à promouvoir leur bien-être social, spirituel et moral ainsi que leur santé physique et mentale.

Torture ou autres traitements cruels, inhumains ou dégradants

43.Le Comité partage les préoccupations exprimées par le Comité contre la torture en 2009 au sujet d’allégations de torture et de mauvais traitements à l’encontre d’enfants, y compris de la part d’agents de la force publique, en particulier dans le cadre de la lutte contre les maras. Il s’inquiète aussi des allégations de mauvais traitements envers des enfants des rues et des enfants se trouvant en centre de détention.

44. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher que des enfants soient soumis à la torture ou à tout autre peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant, quelles que soient les circonstances, et en particulier pendant ou après leur arrestation par des agents de la force publique. Il recommande en outre que toutes les allégations de sévices et de mauvais traitements fassent l’objet d’une enquête et que les responsables soient poursuivis et punis. À l’instar du Comité contre la torture, il recommande lui aussi à l’État partie d’accélérer la réforme législative afin de créer un mécanisme indépendant chargé de surveiller le comportement des forces de police. L’État partie devrait en outre mettre sa législation, ses réglementations et ses pratiques en conformité avec les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois.

Suite donnée à l’Étude des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants

45. S’agissant de l’Étude des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants (A/61/299), le Comité recommande à l’État partie:

a) De prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les recommandations contenues dans le rapport de l’expert indépendant chargé de l’Étude des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants, tout en tenant compte des résultats et recommandations de la consultation régionale pour l’Amérique latine qui s’est déroulée en Argentine entre le 30 mai et le 1 er  juin 2005. En particulier, le Comité recommande à l’État partie d’accorder une attention particulière aux recommandations suivantes:

Interdire toutes les formes de violence à l’encontre des enfants, y compris les châtiments corporels dans quelque cadre que ce soit;

Privilégier la prévention, notamment en ce qui concerne la violence au sein de la famille;

Demander des comptes aux responsables et mettre fin à l’impunité;

Tenir compte de la dimension sexiste de la violence à l’encontre des enfants;

Élaborer et appliquer des mécanismes systématiques de collecte de données et de recherche au niveau national;

b) De faire de ces recommandations un instrument d’action en partenariat avec la société civile, notamment avec la participation des enfants, pour faire en sorte que chaque enfant soit protégé contre toutes les formes de violence physique, sexuelle et psychologique et de donner l’impulsion nécessaire à des actions concrètes, assorties au besoin d’un calendrier, pour prévenir les violences et les sévices de ce type et les combattre;

c) De solliciter l’assistance technique du Représentant spécial du Secrétaire général sur la violence à l’encontre des enfants, du HCDH, de l’UNICEF et de l’OMS, d’autres organismes internationaux compétents, ainsi que d’ONG partenaires.

5.Milieu familial et protection de remplacement (art. 5, 18 (par. 1 et 2), 9 à 11, 19 à 21, 25, 27 (par. 4) et 39 de la Convention)

Milieu familial

46.Le Comité se félicite de l’approche adoptée dans le cadre de la loi relative à la protection intégrale de l’enfance et de l’adolescence qui reconnaît et renforce le droit fondamental de l’enfant et de l’adolescent de vivre, d’être élevé et de s’épanouir dans sa famille d’origine, nucléaire ou élargie. D’après la nouvelle loi, la séparation de l’enfant d’avec sa famille ne peut se produire que dans des circonstances exceptionnelles; la loi établit aussi clairement le partage des responsabilités entre la famille, l’État et la société pour ce qui est du respect de ces droits. Le Comité est toutefois préoccupé de ce que, pour différentes raisons, notamment l’affaiblissement du tissu social au niveau communautaire, l’absence de politique visant à renforcer la structure familiale au niveau local, l’irresponsabilité des parents et l’immigration à l’étranger, nombre d’enfants vivent sans un de leurs parents ou sans leurs deux parents et sont abandonnés sans aide ni prise en charge.

47. Le Comité engage l’État partie à:

a) Continuer de promouvoir la maternité et la paternité responsables, notamment en renforçant les mécanismes permettant de vérifier que les pensions alimentaires sont bien versées, ainsi qu’en veillant à l’application effective de la législation existante, qui devrait être renforcée grâce à l’entrée en vigueur de la loi relative à la protection intégrale de l’enfance et de l’adolescence;

b) Étudier la possibilité de ratifier la Convention n o 23 de La Haye concernant la reconnaissance et l’exécution de décisions relatives aux obligations alimentaires (1973);

c) Mettre en place des programmes et des services complets d’aide familiale tels que la fourniture de conseils, la formation des parents ainsi que l’organisation de visites auprès de la famille et d’activités de loisirs à l’intention des familles dans chaque communauté;

d) Renforcer les réseaux de protection sociale au niveau local;

e) Établir des programmes d’aide et d’orientation au niveau local à l’intention des familles touchées par les migrations;

f) Mettre en œuvre la recommandation formulée récemment par le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (CMW/C/SLV/CO/1) d’achever la réalisation de l’étude sur les incidences des migrations sur les enfants. Il faudrait diffuser largement les résultats de cette étude afin d’élaborer des stratégies pertinentes pour garantir aux enfants touchés par les migrations la protection et la pleine jouissance de leurs droits;

g) Demander à cet effet une assistance, notamment auprès de l’UNICEF.

Enfants privés du milieu familial

48.Le Comité note qu’en vertu de la législation de l’État partie, en cas de séparation d’avec la famille, l’enfant sera temporairement confié à une famille d’accueil, celle-ci pouvant faire partie de sa famille élargie ou d’une famille extérieure. Dans des cas exceptionnels uniquement, la loi prévoit la possibilité de recourir à des institutions de placement, pour une période la plus courte possible, placement qui doit faire l’objet d’un réexamen périodique: tous les six mois en cas de placement en famille d’accueil et tous les trois mois en cas de placement en institution. Le Comité regrette toutefois qu’en dépit des efforts visant à réduire le nombre d’enfants séparés d’avec leurs parents qui sont placés dans des institutions et centres publics et privés, ce nombre reste relativement élevé, du fait principalement que la pratique du placement en institution est toujours largement répandue dans le pays. Le Comité est aussi préoccupé par les allégations de maltraitance dans certains centres et institutions et par le fait que d’autres centres fonctionneraient sans les autorisations légales nécessaires.

49. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De réexaminer sa législation et ses programmes relatifs à la protection de remplacement, en tenant compte des lignes directrices relatives à la protection de remplacement pour les enfants (résolution A/RES/64/142 de l’Assemblée générale);

b) De renforcer ses efforts pour réduire le nombre d’enfants placés en institution et d’entreprendre une étude pour évaluer leur situation, notamment leurs conditions de vie, les services mis à leur disposition, la formation des professionnels travaillant dans ces institutions et la conformité de ces institutions avec les procédures légales et autres procédures relatives à leur fonctionnement;

c) D’enquêter sur toutes les allégations de mauvais traitements qui auraient été commis dans des centres et fournir aux enfants un mécanisme efficace de plainte;

d) De continuer à garantir le réexamen périodique de toutes les conditions justifiant le placement de l’enfant en famille d’accueil et en institution;

e) De faire en sorte que les enfants ne soient pas séparés d’avec leur famille uniquement pour des raisons de pauvreté.

Adoption

50.Le Comité note qu’en vertu de la législation de l’État partie, les adoptions sont régies par les normes internationales applicables en la matière (Convention relative aux droits de l’enfant et Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale) mais regrette que les lois nationales (Code de la famille et loi de procédure de la famille) ne soient pas pleinement conformes à ces conventions. Si le Comité se félicite que les adoptions nationales soient privilégiées, il est préoccupé par le manque de coordination entre les différentes institutions qui s’occupent d’adoption nationale et internationale ainsi que par l’absence de procédure administrative formelle en matière d’adoption. Le Comité est aussi préoccupé par le fait que les tribunaux, lorsqu’ils se prononcent sur les futurs cas d’adoption, donnent la priorité aux familles d’accueil (foyers de substitution), situation qui débouche dans 90 % des cas sur une adoption. Il s’inquiète de ce que parfois, les parents d’accueil sont choisis comme parents d’adoption sans qu’il y ait forcément une procédure formelle d’examen et de sélection, ce qui peut porter atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant.

51. Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’aligner les procédures judiciaires et administratives sur les dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant, de son Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et de la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale afin de garantir le respect des droits de l’enfant durant la procédure d’adoption;

b) De prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant et de poursuivre ses efforts pour garantir la spécialisation et la supervision des institutions qui s’occupent d’adoption;

c) De veiller à ce que les familles d’accueil ne se voient pas automatiquement confier l’adoption d’enfants sans faire l’objet des procédures administratives et juridiques applicables en matière d’adoption.

Violence et négligence

52.Le Comité, tout en se félicitant du projet de loi sur la protection des victimes et des témoins de violence familiale, continue d’être préoccupé par l’ampleur de la violence au sein de la société salvadorienne, qui fait que de nombreux enfants subissent des actes de violence et de maltraitance dans leur quotidien. Le Comité est particulièrement préoccupé par la violence familiale, qui reste à un niveau très élevé et ne cesse de se développer, en dépit des nombreuses initiatives prises par l’État partie pour prévenir cette violence. Le Comité s’inquiète aussi de ce que ces actes de violence ne fassent souvent l’objet ni d’enquêtes ni de poursuites.

53. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer ses efforts pour s’attaquer à l’ampleur de la violence dans la société, qui a des répercussions sur le quotidien des enfants. Il faudrait aussi prêter une attention particulière aux problèmes de la violence familiale, de la négligence et de la maltraitance des enfants, en particulier des filles. L’État partie devrait en particulier:

a) Intensifier les campagnes d’information et d’éducation sur les conséquences négatives de la violence, de la maltraitance et de la négligence, et élaborer des programmes de prévention, y compris des programmes de développement familial;

b) Enquêter sur tous les actes de violence et de maltraitance des enfants, y compris à la maison, et poursuivre leurs auteurs;

c) Veiller à ce que toutes les victimes de violence aient accès à des conseils et à une assistance par le biais des services de réadaptation et de réinsertion, notamment des services visant à éviter une nouvelle victimisation des enfants;

d) Garantir la mise en œuvre effective des dispositions pertinentes de la loi relative à la protection intégrale de l’enfance et de l’adolescence et accélérer la procédure d’adoption du projet de loi sur la protection des victimes et des témoins de violence familiale;

e) Fournir une protection appropriée aux enfants victimes de violence dans leur famille;

f) Créer des conseils municipaux aux fins de la prévention de la violence;

g) Ratifier le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Châtiments corporels

54.Le Comité constate avec préoccupation que les châtiments corporels sont toujours légaux à la maison, en vertu de l’article 215 du Code de la famille. Il regrette en particulier que la nouvelle loi relative à la protection intégrale de l’enfance et de l’adolescence n’interdise pas expressément les châtiments corporels à la maison, dans la mesure où, en son article 38, elle dispose que les parents peuvent «corriger modérément et comme il convient» leurs enfants. Le Comité prend note des remarques de la délégation selon lesquelles l’État partie est conscient que la loi n’est pas conforme à la Convention sur ce point, et qu’il s’agit d’une des questions qui seront examinées dans le cadre de l’éventuelle modification de la loi.

55. Le Comité recommande à l’État partie d’interdire expressément les châtiments corporels en tous lieux, en tenant compte de son Observation générale n o 8 (2006) sur le droit de l’enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments. Il lui recommande aussi de mener des campagnes d’éducation sur les conséquences négatives des châtiments corporels et de promouvoir des formes positives et non violentes de discipline.

6.Soins de santé de base et bien-être (art. 6, 18 (par. 3), 23, 24, 26 et 27 (par. 1 à 3) de la Convention)

Enfants handicapés

56.Le Comité se félicite des différentes initiatives prises par le Conseil national de suivi intégral des personnes handicapées (CONAIPD) afin de promouvoir et de garantir l’égalité des droits des enfants handicapés, y compris les efforts visant à intégrer les enfants handicapés dans le système scolaire classique. Le Comité regrette toutefois que l’État partie n’ait pas réussi à déterminer le nombre exact d’enfants handicapés, ce qui contribue à rendre invisibles ces enfants et limite la portée des différentes stratégies. Le Comité est aussi préoccupé par le fait que les enfants handicapés subissent différentes formes de discrimination.

57. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre les mesures visant à protéger et à promouvoir les droits des enfants handicapés, en tenant compte de l’Observation générale n o 9 (2006) du Comité sur les droits des enfants handicapés, de l’article 23 de la Convention, de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et de la Convention interaméricaine sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des personnes handicapées; et:

a) De continuer à prendre des mesures pour protéger et promouvoir les droits des enfants handicapés;

b) De redoubler d’efforts pour collecter des données et conserver des renseignements et des données statistiques actualisés et ventilés sur les enfants handicapés;

c) De créer des mécanismes concrets pour améliorer l’accès, sur un pied d’égalité, des enfants handicapés à l’éducation et à la santé; à cet égard, il faudrait encourager autant que possible l’intégration des enfants handicapés à l’école et prêter une attention particulière aux besoins spéciaux de chaque enfant handicapé dans le cadre scolaire;

d) De s’attacher encore plus à allouer les ressources financières et humaines (des spécialistes du handicap) nécessaires, en particulier au niveau local, et à promouvoir et développer les programmes de réadaptation au niveau communautaire, y compris des groupes de soutien aux parents, afin de s’assurer que tous les enfants ayant des besoins spéciaux sont pris en charge, tout en continuant de collaborer avec le secteur privé;

e) De créer des systèmes d’identification et d’intervention précoces dans le cadre des services de santé destinés aux enfants handicapés;

f) De mettre en œuvre les dispositions de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et de son Protocole facultatif.

Santé et services de santé

58.Le Comité se félicite de la promulgation, en 2005, de la loi relative au système de santé intégrale de base, qui coordonne et organise le réseau des entités chargées de la fourniture des services de santé au niveau national. Toutefois, le Comité est préoccupé par:

a)L’allocation de ressources aux questions relatives à la santé de l’enfant est insuffisante;

b)L’accès aux soins de santé continue de poser un grave problème dans le pays, en particulier dans les zones rurales, du fait notamment du prix très élevé des médicaments de base, en dépit des initiatives prises par l’État partie pour réglementer le prix des médicaments;

c)La malnutrition est encore une cause importante de mortalité chez les enfants, même si les taux de mortalité infantile ont légèrement diminué;

d)L’anémie touche près d’un enfant de moins de 5 ans sur quatre.

59. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De prendre toutes les mesures nécessaires pour augmenter sensiblement l’allocation de ressources aux questions relatives à la santé de l’enfant;

b) De poursuivre ses efforts pour garantir l’égalité d’accès à la santé et aux services de santé à tous les enfants, sans discrimination aucune;

c) De résoudre d’urgence le problème du coût excessif des médicaments, en particulier pour les familles pauvres;

d) De mettre en œuvre la loi relative au système de santé intégral de base;

e) De prendre des mesures d’urgence pour lutter contre la malnutrition et l’anémie chez les enfants, aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural;

f) De tenir compte de ses obligations relatives aux droits de l’homme lors de la négociation d’accords commerciaux, en particulier pour ce qui est des effets éventuels des accords commerciaux sur le plein exercice du droit des enfants à la santé;

g) De demander à cet effet une coopération technique, notamment auprès de l’OMS et de l’UNICEF.

Santé des adolescents

60.Le Comité réaffirme les préoccupations qu’il avait formulées lors de l’examen du deuxième rapport périodique de l’État partie au sujet du nombre élevé de grossesses chez les adolescentes et de l’absence d’efficacité des mesures de prévention adoptées par l’État partie dans ce domaine. Le Comité est aussi préoccupé par le fait que la législation pénale en vigueur criminalise l’avortement en toutes circonstances et que cette interdiction absolue peut conduire les jeunes filles à recourir à des avortements clandestins et dangereux pour leur santé, avec parfois même des conséquences fatales. Par ailleurs, le Comité, tout en saluant le Plan national de prévention du tabagisme 2002-2008, ainsi que d’autres programmes visant à lutter contre l’alcoolisme et la toxicomanie, est préoccupé par la forte proportion d’enfants qui consomment de l’alcool et du tabac et se droguent dans le pays.

61. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De réaliser une étude approfondie pour comprendre la nature et l’ampleur des problèmes de santé des adolescents, en y faisant pleinement participer les adolescents, et de se fonder sur les résultats de cette étude pour élaborer des programmes et politiques relatifs à la santé des adolescents, en prêtant particulièrement attention aux adolescentes;

b) De garantir et promouvoir l’accès de tous les adolescents aux services de santé en matière de procréation, y compris à l’éducation sur la santé sexuelle et reproductive à l’école ainsi qu’à des services de soins de santé et des services de conseil confidentiel adaptés à un jeune public, en tenant dûment compte de l’Observation générale n o 4 (2003) du Comité sur la santé et le développement de l’adolescent dans le contexte de la Convention relative aux droits de l’enfant;

c) De faire mieux comprendre aux adolescents l’importance de la prévention des grossesses précoces;

d) D’envisager de revoir les dispositions du Code pénal qui pénalisent l’interruption de grossesse en toutes circonstances;

e) D’allouer davantage de ressources aux mesures de prévention et de réadaptation afin de combattre l’abus de substances chez les adolescents;

f) De solliciter à cet effet une coopération technique, notamment auprès de l’OMS et de l’UNICEF.

Allaitement maternel

62.Le Comité prend note des efforts consentis par l’État partie pour encourager l’allaitement maternel, y compris l’élaboration d’un projet de loi sur la promotion et la protection de l’allaitement maternel et l’appui aux femmes allaitantes mais il se déclare à nouveau préoccupé par le fait que l’allaitement maternel exclusif des moins de 6 mois est peu répandu.

63. Le Comité recommande à l’État partie d’approuver et de mettre en œuvre dès que possible le projet de loi sur la promotion et la protection de l’allaitement maternel et l’aide aux femmes allaitantes qui est en cours d’examen, et de fournir une aide aux mères dans ce domaine.

VIH/sida

64.Tout en notant les efforts déployés par l’État partie pour concevoir des campagnes de prévention visant à contrer la prolifération du sida, le Comité est préoccupé par le fait que le VIH/sida et les mesures de prévention restent encore peu connus du grand public. Le Comité est aussi préoccupé par l’âge de plus en plus bas des enfants atteints du VIH/sida.

65. Le Comité recommande à l’État partie de continuer à améliorer la qualité de l’éducation relative à la santé sexuelle et à la santé reproductive, qui constitue un outil fondamental dans la prévention du VIH/sida, notamment auprès des adolescents autochtones grâce à la prise en compte de leur spécificité culturelle. L’État partie devrait aussi intensifier ses efforts pour prévenir la transmission materno-infantile.

Niveau de vie

66.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour réduire la pauvreté et les inégalités socioéconomiques, notamment dans le cadre du programme «Solidarité entre les communautés urbaines et rurales». Le Comité note toutefois avec inquiétude que, si la pauvreté a diminué depuis 1991, 6 enfants sur 10 vivent toujours dans la pauvreté, situation qui a des effets catastrophiques sur leurs conditions de vie et sur l’exercice de leurs droits. Le Comité est aussi préoccupé par les importantes disparités qui perdurent entre zones rurales et zones urbaines.

67. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De prendre les mesures supplémentaires pour garantir à tous les enfants de l’État partie un niveau de vie suffisant, notamment en y consacrant des ressources supplémentaires et en améliorant la gestion des ressources;

b) De renforcer la capacité des services locaux d’améliorer l’accès aux produits de base, à l’éducation, à la santé et à d’autres services, en particulier dans les zones rurales;

c) De prêter une attention particulière aux droits de l’enfant lors de l’élaboration et de la mise en œuvre des stratégies de réduction de la pauvreté;

d) D’intensifier ses efforts pour fournir un cadre de vie plus sûr et non violent aux enfants, ce qui est essentiel pour offrir aux enfants un niveau de vie suffisant.

7.Éducation, loisirs et activités culturelles (art. 28, 29 et 31 de la Convention)

Éducation, y compris la formation et l’orientation professionnelles

68.Le Comité se félicite de la réforme de la loi générale sur l’éducation (2004) ainsi que du Programme pour l’égalité des chances et du Plan national d’éducation 2021. Il prend aussi note de la mise en œuvre prochaine d’une politique relative à la petite enfance. Toutefois, le Comité est préoccupé par:

a)La diminution du budget alloué à l’éducation depuis 2002;

b)L’absence d’un programme et d’une politique d’ensemble concernant l’éducation et la prise en charge de la petite enfance, et le petit nombre d’établissements préscolaires;

c)Le faible taux de scolarisation des adolescents dans le secondaire, à savoir seulement 50 % des jeunes, situation qui accroît le risque, notamment pour les jeunes, d’être recrutés par des gangs maras;

d)Les écarts importants entre zones urbaines et rurales et entre filles et garçons pour ce qui est du taux de scolarisation;

e)La persistance de l’analphabétisme;

f)Le nombre élevé de jeunes garçons et de jeunes filles qui abandonnent l’école en raison de grossesse précoce, du travail ou pour des raisons liées aux migrations économiques.

69. Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’augmenter les budgets alloués à l’éducation, notamment pour développer l’éducation préscolaire;

b) D’élaborer et de mettre en œuvre une vaste politique nationale d’éducation et de prise en charge de la petite enfance, notamment au niveau communautaire, une approche intégrée du développement de la petite enfance faisant partie intégrante de l’ensemble du cycle éducatif;

c) D’intensifier les efforts visant à fournir aux familles des crèches gratuites pour s’occuper de leurs enfants;

d) D’élargir l’accès et d’améliorer la qualité de l’enseignement secondaire afin de garantir l’égalité des chances et de prévenir le recrutement des adolescents dans des gangs de jeunes;

e) De fournir des données plus précises sur l’accès à l’éducation, en particulier des données ventilées par sexe, âge et région géographique;

f) De ratifier la Convention de l’UNESCO concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement (1960).

Repos, loisirs, activités culturelles et récréatives

70.Le Comité regrette que les enfants et les adolescents ne bénéficient guère d’activités culturelles et récréatives en El Salvador. Il est particulièrement préoccupé par l’absence de lieux publics au niveau communautaire pour l’organisation d’activités culturelles et récréatives à l’intention des enfants et des adolescents, en particulier dans la ville de San Salvador, dans la mesure où il s’agit de l’une des mesures de prévention les plus importantes pour éviter le recrutement d’enfants et d’adolescents par les maras et des organisations criminelles.

71. Le Comité recommande à l’État partie de créer davantage de lieux publics sûrs au niveau communautaire pour y organiser des activités sportives, culturelles et récréatives. À cet effet, il engage l’État partie à renforcer la capacité des institutions d’élaborer des programmes de loisirs et des activités récréatives à l’intention des enfants.

8.Mesures de protection spéciales (art. 22, 30, 38, 39, 40, 37 b) à d), 32 à 36 de la Convention)

Enfants touchés par les migrations

72.Le Comité est préoccupé par les incidences des migrations sur l’exercice par les enfants de leurs droits (3 millions environ de Salvadoriens vivraient en dehors du pays pour des raisons économiques) et est particulièrement préoccupé par la situation des enfants migrants − en particulier les enfants non accompagnés et ceux en situation irrégulière ou sans papiers − qui sont particulièrement vulnérables à l’exploitation et à la maltraitance, notamment à l’exploitation économique et sexuelle, et ont des difficultés à se réinsérer lorsqu’ils doivent rentrer chez eux après avoir été expulsés de leur pays de destination.

73. Le Comité recommande à l’État partie, compte tenu de son Observation générale n o  6 (2005) sur le traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine:

a) D’accorder une attention particulière à la situation des enfants migrants, en particulier les enfants non accompagnés et ceux en situation irrégulière et/ou sans papiers;

b) D’intensifier ses efforts pour prévenir les migrations irrégulières, notamment par une sensibilisation aux risques encourus, et de créer des conditions favorables à la réinstallation et à la réinsertion de ces enfants et de leur famille à leur retour;

c) De renforcer la coopération bilatérale, régionale et internationale en la matière.

Enfants impliqués dans des conflits armés

74.Le Comité est préoccupé par l’absence d’informations sur la suite donnée aux recommandations formulées dans les observations finales relatives au rapport initial de l’État partie présenté au titre du Protocole facultatif à la Convention concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/SLV/CO/1).

75. Le Comité renvoie à la section de ses observations finales concernant le rapport initial de l’État partie au titre du Protocole facultatif à la Convention concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés. Il réitère certaines de ces recommandations au sujet desquelles il souhaiterait recevoir des renseignements sur la suite donnée par l’État partie, en particulier:

a) L’interdiction explicite par la loi de l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans dans les forces ou groupes armés et leur participation directe aux hostilités (par. 5 a));

b) L’interdiction explicite par la loi de toute violation des dispositions du Protocole facultatif pour ce qui est de l’enrôlement d’enfants et de l’implication d’enfants dans des hostilités (par. 5 b));

c) La ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (par. 5 e));

d) L’abolition par la loi de l’engagement volontaire d’enfants de 16 et 17 ans, de manière à refléter la situation actuelle (par. 17 b)).

Exploitation économique, y compris le travail des enfants

76.Le Comité prend note de l’adoption du Plan national pour l’abolition des pires formes du travail des enfants 2006-2009 et se félicite que l’État partie se soit fixé comme objectif d’éliminer les pires formes de travail des enfants en El Salvador d’ici à 2015 et toutes les formes de travail des enfants d’ici à 2020. Il prend aussi note des diverses mesures (plan national, initiatives concertées avec l’OIT-IPEC et l’UNICEF) prises par l’État partie pour éliminer les pires formes de travail des enfants, notamment l’établissement de la Commission nationale pour l’élimination des pires formes de travail des enfants. Toutefois, le Comité s’inquiète de ce que nombre d’enfants sont toujours contraints de travailler dans des conditions dangereuses et d’abandonner l’école pour cette raison, et de ce que, en particulier, les filles sont souvent employées de façon informelle comme domestiques dans des conditions très difficiles et dégradantes.

77. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De définir et de déterminer ce qu’est le travail dangereux dans la législation nationale, conformément aux normes internationales; et de s’assurer qu’aucun enfant ne soit jamais soumis à de telles conditions de travail ou à d’autres pires formes de travail des enfants;

b) De continuer à renforcer les mesures visant à lutter contre l’exploitation économique des enfants, notamment des enfants domestiques. À cet effet, l’État partie devrait augmenter le nombre d’inspections afin de déceler les cas où des enfants occupent des emplois dangereux, dégradants ou sales;

c) De veiller à ce que la législation nationale relative à l’âge minimum d’admission à l’emploi soit conforme aux normes internationales en la matière;

d) De poursuivre son action pour atteindre les objectifs que constituent l’élimination des pires formes de travail des enfants en El Salvador d’ici à 2015 et de toutes les formes de travail des enfants d’ici à 2020. À cet égard, il engage l’État partie à continuer de solliciter une assistance technique auprès de l’OIT-IPEC, de l’UNICEF et des ONG compétentes en la matière.

Enfants des rues

78.Le Comité prend note des informations fournies par la délégation de l’État partie selon lesquelles le Centre d’insertion sociale en faveur de l’enfance et de l’adolescence, qui s’occupe des enfants des rues, fait actuellement l’objet d’une restructuration, y compris en ce qui concerne ses ressources financières et humaines. Le Comité est préoccupé par:

a)La modicité des ressources humaines allouées au Centre jusqu’à présent, compte tenu de l’augmentation du nombre d’enfants vivant ou travaillant dans la rue;

b)Le risque croissant pour les enfants des rues d’être recrutés dans des gangs de jeunes maras;

c)L’absence d’informations et de travaux de recherche sur l’étendue, la nature et les causes de ce phénomène, qui rend difficile l’adoption de politiques efficaces de prévention et de protection.

79. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De collecter des données sur le nombre d’enfants des rues dans tout le pays, et de réaliser une étude sur les causes profondes de cette situation grave, y compris sur les conditions de vie des enfants des rues;

b) D’élaborer une vaste politique nationale pour empêcher les enfants de vivre et de travailler dans la rue, en mettant particulièrement l’accent sur l’éducation et sur les stratégies de prévention aux niveaux local et communautaire;

c) D’offrir aux enfants des rues des mesures d’assistance afin de faciliter le retour des enfants à l’école;

d) De faciliter le renforcement des liens entre les enfants des rues et leur famille; ainsi que leur réunification avec leur famille, lorsque cela répond à l’intérêt supérieur de l’enfant;

e) De solliciter une assistance, notamment auprès de l’UNICEF.

Gangs de jeunes maras

80.Le Comité est profondément préoccupé par l’ampleur du problème des gangs de jeunes maras dans l’État partie. Ces gangs, principalement composés d’enfants âgés de 16 à 18 ans, compteraient plus de 10 000 membres en El Salvador. Le Comité s’inquiète du climat de peur, d’insécurité et de violence dû à ces gangs, qui empêche les enfants de vivre pleinement leurs années d’enfance et d’adolescence et a de lourdes répercussions sur l’exercice de leurs droits. Le Comité est aussi préoccupé par le peu d’attention accordée aux causes profondes de ce phénomène, qui a jusqu’à présent été traité exclusivement du point de vue pénal par le biais de mesures et de politiques répressives.

81. Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’entreprendre une étude en vue d’élaborer une vaste politique publique intégrée de lutte contre la délinquance et la violence des jeunes, en s’attaquant aux facteurs sociaux et aux causes profondes du problème des maras , telles que, notamment, l’exclusion politique et sociale, l’absence de politique de prévention et de services sociaux, la culture de la violence, les flux migratoires, l’absence de perspectives d’avenir et le dysfonctionnement des familles;

b) De s’efforcer, autant que faire se peut, de privilégier les mesures de prévention et de protection, en commençant par l’action au niveau local et en évitant de régler le problème en recourant exclusivement à des sanctions et à la répression;

c) De mettre davantage l’accent sur l’école, la famille et les mesures et les mécanismes de cohésion sociale, notamment les associations sportives et culturelles, en tant qu’instruments de prévention;

d) D’investir des ressources humaines et financières dans les activités de prévention, de réadaptation et de réinsertion des membres des maras ;

e) De prendre toutes les mesures possibles pour prévenir et empêcher le recrutement forcé d’enfants par les maras , y compris des mesures visant à protéger les enfants qui risquent le plus d’être embrigadés dans les gangs, notamment les enfants des rues, les enfants de migrants et les enfants de familles à faible revenu.

Vente, traite et exploitation sexuelle

82.Le Comité prend note de la réforme en 2004 du Code pénal et du Code de procédure pénale, qui a érigé en infraction l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, notamment la traite des personnes (art. 367-B), ainsi que de la politique nationale de lutte contre la traite des personnes (2008-2017) et de son plan d’action (2008-2012). Le Comité regrette toutefois que la traite à des fins d’exploitation sexuelle commerciale et le travail forcé demeurent un problème grave dans le pays et qu’aucune mesure n’ait été adoptée pour réduire la demande en ce qui concerne la prostitution ou le travail forcé. Le Comité est aussi préoccupé par le faible nombre de poursuites et de condamnations concernant des affaires de traite, par rapport aux cas signalés.

83. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De prendre des mesures appropriées pour enquêter rapidement sur les infractions liées à la vente, à la traite et à l’exploitation sexuelle des enfants, et poursuivre leurs auteurs, le cas échéant;

b) D’intensifier ses efforts dans le cadre des campagnes d’information et de prévention afin de combattre toute attitude de tolérance à l’égard de ces pratiques dans la société;

c) De diffuser et de mettre en œuvre le Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants ainsi que le Protocole de Palerme à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants;

84. Le Comité se réfère en outre à ses observations finales concernant le rapport initial de l’État partie au titre du Protocole facultatif à la Convention concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/SLV/CO/1), adoptées le même jour.

Permanence téléphonique

85.Le Comité s’inquiète de ce que l’État partie n’a pas encore établi une permanence téléphonique gratuite, accessible vingt-quatre heures sur vingt-quatre, pour les enfants.

86. Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’établir une permanence téléphonique nationale, accessible vingt-quatre heures sur vingt-quatre, avec un numéro gratuit à trois chiffres que les enfants peuvent composer à partir d’une ligne fixe ou d’un téléphone mobile, sur l’ensemble du territoire;

b) De faire en sorte que la permanence téléphonique soit connue des enfants les plus marginalisés et d’allouer des fonds pour fournir les mêmes services dans les zones reculées;

c) De faciliter la collaboration entre la permanence téléphonique, les ONG qui s’occupent d’enfants et les autorités de l’État telles que la police et les institutions de santé et de protection sociale, afin d’améliorer les méthodes d’intervention et de suivi.

Administration de la justice pour mineurs

87.Le Comité prend note de la réforme de 2004 sur la justice pour mineurs, qui protège notamment le droit au respect de la vie privée et de l’identité des enfants en conflit avec la loi. Toutefois, le Comité est préoccupé par:

a)L’absence d’un système de justice pour mineurs conforme aux dispositions de la Convention;

b)L’approche jusqu’à présent répressive adoptée par l’État partie à l’égard des jeunes délinquants, notamment des membres des maras, et le recours croissant à des mesures de privation de liberté pour les enfants;

c)L’absence préoccupante de mesure de substitution à la privation de liberté;

d)L’absence de formation systématique sur les dispositions de la Convention et sur les normes en matière de justice pour mineurs en particulier à l’intention des responsables de l’application de la loi, des juges et des procureurs;

e)L’accès limité des enfants privés de liberté à l’éducation;

f)Les informations selon lesquelles au moins cinq adolescents sont décédés en 2009 dans des centres de réadaptation où des enfants sont privés de liberté.

88. L’État partie devrait garantir la mise en œuvre effective des normes en matière de justice pour mineurs, en particulier des articles 37, 39 et 40 de la Convention, de l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), et des Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad), compte tenu de l’Observation générale n o  10 du Comité sur les droits des enfants dans le cadre de la justice pour mineurs (2007). En outre, le Comité recommande à l’État partie:

a) De mettre en place un système de justice pour mineurs qui soit conforme à la Convention;

b) De veiller, en droit et en pratique, à ce que la privation de liberté ne soit utilisée qu’en dernier ressort et soit d’une durée aussi brève que possible;

c) De s’efforcer autant que possible de promouvoir l’adoption de mesures de substitution à la privation de liberté, telles que la psychothérapie, la mise à l’épreuve ou le placement sous contrôle;

d) D’améliorer l’accès à l’éducation des enfants privés de liberté, en particulier des enfants en attente d’un jugement; et de mettre pleinement en œuvre les recommandations du Bureau du Procureur des droits de l’homme en la matière;

e) D’organiser systématiquement une formation sur la Convention et sur les normes en matière de justice pour mineurs à l’intention des responsables de l’application de la loi, des juges et des procureurs;

f) D’ordonner rapidement l’ouverture d’enquêtes approfondies sur les cas de décès et toutes les allégations de maltraitance dans des centres de détention pour enfants.

Protection des enfants victimes et témoins d’actes criminels

89.Le Comité déplore l’absence d’information dans le rapport de l’État partie sur les dispositions spécifiques du Code pénal et du Code de procédure pénale concernant l’audition des enfants victimes et témoins d’actes criminels. Il prend note toutefois des informations selon lesquelles des salles spéciales (telles que les dômes Gessel) sont utilisées dans certains cas pour l’audition des enfants victimes, notamment dans les affaires d’exploitation sexuelle et de sévices sexuels.

90. Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte, en promulguant des dispositions législatives et des règlements, que tous les enfants victimes et/ou témoins d’actes criminels − maltraitance, violence familiale, conflit armé, exploitation sexuelle et économique, enlèvement et traite − bénéficient de la protection prévue par la Convention et ses Protocoles facultatifs et, à cet égard, de prendre pleinement en compte les lignes directrices en matière de justice dans les affaires impliquant des enfants victimes et témoins d’actes criminels (résolution 2005/20 du Conseil économique et social, annexe).

Enfants autochtones

91.Le Comité demeure préoccupé par le fait que les enfants autochtones ne peuvent guère exercer leurs droits et bénéficient de mesures limitées de protection et de prévention contre la discrimination, et par les renseignements incomplets fournis par l’État partie sur cette question. Le Comité est aussi préoccupé par l’invisibilité des peuples autochtones sur le plan culturel dans l’État partie, qui explique l’absence de politique publique concrète visant à promouvoir le développement et le bien-être des enfants autochtones, par les inégalités dont sont victimes les peuples autochtones dans leur quotidien (plus de 38 % vivraient dans la pauvreté extrême) et par l’augmentation sensible de l’émigration chez les adolescents autochtones. Le Comité est aussi préoccupé par le manque de possibilités offertes aux autochtones de revendiquer leur culture et leurs pratiques, notamment au moyen d’une éducation bilingue et interculturelle, ainsi que par la discrimination dont font l’objet les peuples et les enfants autochtones dans leur quotidien.

92. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les droits des enfants autochtones contre la discrimination et faire en sorte qu’ils puissent jouir des droits consacrés par la législation interne et par la Convention, notamment le droit à une éducation interculturelle et bilingue, conformément à l’article 30 de la Convention. À cet effet, l’État partie devrait notamment tenir compte de l’Observation générale n o 11 (2009) ainsi que des recommandations figurant dans le document final de la Conférence d’examen de Durban de 2009.

9.Ratification d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme

93. Le Comité recommande à l’État partie de ratifier les instruments de base des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme, ainsi que leurs protocoles, auxquels l’État partie n’a toujours pas adhéré, à savoir la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le deuxième Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

10.Suivi et diffusion

Suivi

94. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues afin de garantir la pleine mise en œuvre des présentes recommandations, notamment en les transmettant à l’Assemblée législative, aux ministères compétents, à l’appareil judiciaire et aux autorités locales pour examen et suite à donner. Le Comité recommande aussi d’adopter rapidement le projet de loi portant création d’un mécanisme de suivi de la mise en œuvre des recommandations émanant des organes internationaux relatifs aux droits de l’homme.

Diffusion

95. Le Comité recommande que les troisième et quatrième rapports périodiques présentés en un seul document, ainsi que les réponses écrites et les recommandations adoptées à leur propos (observations finales) soient largement diffusés auprès du grand public, notamment des enfants, des groupes de jeunes ainsi que des organisations de la société civile et des médias, en vue de susciter un débat et de faire connaître la Convention, sa mise en œuvre et son suivi.

11.Prochain rapport

96. Compte tenu de la recommandation sur la périodicité des rapports adoptée par le Comité et formulée dans ses rapports CRC/C/114 et CRC/C/124, et étant donné que le cinquième rapport périodique de l’État partie est attendu dans les deux ans suivant l’examen de ses troisième et quatrième rapports présentés en un seul document, le Comité invite l’État partie à soumettre en un seul document ses cinquième et sixième rapports périodiques d’ici au 1 er mars 2016 (soit dix-huit mois avant la date prévue dans la Convention pour la soumission du sixième rapport périodique). Ce document ne devra pas excéder 120 pages (voir CRC/C/118). Le Comité attend de l’État partie qu’il présente par la suite un rapport tous les cinq ans comme le prévoit la Convention.

97. Le Comité invite en outre l’État partie à présenter un document de base actualisé conformément aux instructions relatives à l’établissement du document de base commun figurant dans les «Directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument», qui ont été approuvées en juin 2006 par la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/MC/2006/3).