Nations Unies

CAT/C/SWE/CO/8

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

20 décembre 2021

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le huitième rapport périodique de la Suède *

1.Le Comité contre la torture a examiné le huitième rapport périodique de la Suède à ses 1842e et 1845e séances, les 9 et 10 novembre 2021, et a adopté les présentes observations finales à sa 1868e séance, le 26 novembre 2021.

A.Introduction

2.Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir accepté la procédure simplifiée d’établissement des rapports et d’avoir soumis son rapport périodique, qui est conforme aux lignes directrices pour l’élaboration des rapports périodiques, selon cette procédure, qui permet d’améliorer la coopération entre l’État partie et le Comité et d’orienter l’examen du rapport ainsi que le dialogue avec la délégation.

3.Le Comité se félicite du dialogue qu’il a eu avec la délégation de l’État partie et accueille avec intérêt les réponses apportées oralement et par écrit aux questions qu’il a posées et aux préoccupations qu’il a soulevées pendant l’examen du rapport. Il salue en outre l’engagement sans faille de l’État partie en faveur d’un ordre international fondé sur des règles ainsi que de la prévention et de l’élimination de la torture.

B.Aspects positifs

4.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour réviser sa législation ou adopter de nouvelles lois dans des domaines intéressant la Convention, notamment :

a)La transposition, en janvier 2020, de la Convention relative aux droits de l’enfant dans le droit interne ;

b)L’adoption, en juin 2021, de la loi sur la création de l’Institution nationale des droits de l’homme ;

c)L’adoption, en 2014, de la loi sur la responsabilité pénale pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre (2014:406). Le Comité constate que les infractions visées par cette loi relèvent de la compétence universelle et sont, pour l’essentiel, imprescriptibles ;

d)L’introduction de peines minimales plus strictes pour plusieurs infractions graves susceptibles de constituer des actes de torture, notamment les voies de fait aggravées ;

e)La mise en œuvre, en 2019, de la Directive (UE) no 2016/1919 concernant l’aide juridictionnelle et la Directive (UE) no 2016/800 du Parlement européen et du Conseil relative à la mise en place de garanties procédurales en faveur des enfants, ce qui porte à six le nombre de directives de l’Union européenne qui sont entrées en vigueur en Suède dans ce domaine et qui régissent les droits procéduraux des détenus et mettent en avant les droits à l’interprétation et à la traduction, à l’information, à l’assistance d’un avocat, à l’aide juridictionnelle et à la présomption d’innocence ainsi que les garanties procédurales pour les enfants soupçonnés ou poursuivis dans le cadre de procédures pénales ;

f)L’élargissement du mandat du Médiateur pour l’égalité afin d’inclure la lutte contre la discrimination et la promotion de l’égalité des droits et des chances, comme suite au renforcement des dispositions relatives à la protection contre la discrimination offerte par la loi antidiscrimination (2008:567).

5.Le Comité salue les mesures que l’État partie a prises pour modifier ses politiques et procédures afin de renforcer la protection des droits de l’homme et de donner effet à la Convention, en particulier :

a)L’adoption, en 2016, d’une stratégie nationale pour les droits de l’homme devant servir de cadre à l’action systématique menée dans le domaine des droits de l’homme ;

b)L’adoption, en 2018, d’une nouvelle stratégie globale pour l’égalité des sexes et les droits des femmes et des filles (2018-2022) ;

c)L’adoption, en 2016, d’une stratégie nationale décennale pour l’égalité des sexes, y compris la prévention et l’élimination de la violence des hommes à l’égard des femmes ;

d)Les mesures prises pour appliquer, en tant que principes directeurs au niveau national, les Principes relatifs à l’efficacité des entretiens dans le cadre des enquêtes et de la collecte d’informations (Principes de Méndez, adoptés en juin 2021), qui visent à mettre fin aux pratiquesreposant sur l’accusation, la coercition et l’obtention d’aveux au cours des enquêtes.

6.Le Comité note avec satisfaction que l’Institution nationale des droits de l’homme est dotée d’un large mandat pour surveiller le respect et la réalisation des droits de l’homme en Suède et en rendre compte. Il relève qu’en octobre 2016, le Gouvernement avait présenté au Parlement suédois une stratégie nationale de promotion des droits de l’homme. Dans cette stratégie, le Gouvernement faisait le constat qu’une institution nationale de défense des droits de l’homme conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) devait être créée en Suède et suggérait que le Parlement en soit l’organe responsable. Le Comité relève en outre que le Parlement avait conclu qu’il existait des raisons d’ordre organisationnel et autres de ne pas rattacher une institution suédoise de défense des droits de l’homme au Parlement. L’institution nationale des droits de l’homme a donc été créée sous l’égide du Gouvernement par une loi adoptée en juin 2021 ; elle entrera en fonctions en janvier 2022. Le Comité accueille avec satisfaction les précisions apportées concernant la création par une loi de l’Institution nationale des droits de l’homme et le fait que celle-ci sera dotée d’un conseil d’administration nommé de manière indépendante et d’un financement initial de 50 millions de couronnes suédoises, inscrit au budget de l’État pour 2022.

7. Le Comité recommande à l’État partie de réexaminer périodiquement la législation relative à l’Institution nationale des droits de l’homme pour continuer de renforcer les attributions et l’indépendance de cette institution afin qu’elle puisse fonctionner efficacement.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Questions en suspens issues du cycle précédent

8.Dans ses précédentes observations finales, le Comité a demandé à l’État partie de lui faire parvenir des renseignements sur la suite donnée aux recommandations concernant : les garanties juridiques fondamentales pour les personnes privées de liberté ; l’imposition de mesures de restriction, y compris la mise à l’isolement dans les lieux de détention ; les enquêtes sur les actes de torture, les mauvais traitements et les crimes de haine. Il prend note avec satisfaction des réponses envoyées par l’État partie, mais, se référant à la lettre que son Rapporteur chargé du suivi des observations finales a adressée à la Représentante permanente de la Suède auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève le 29 août 2016, il estime que les recommandations formulées aux paragraphes 7, 8 (al. a)), 14 et 15 (al. a)) de ses observations finales n’ont été que partiellement mises en œuvre. Ces points sont traités aux paragraphes 12, 16, 31 et 33 (al. b)) des présentes observations finales.

Définition et incrimination de la torture et prescription

9.Comme il l’avait souligné dans ses précédentes observations finales , le Comité reste préoccupé par le fait que l’infraction de torture, telle que définie à l’article premier de la Convention, n’a toujours pas été incorporée dans le droit interne, que le Gouvernement suédois considère que la Convention n’oblige pas un État partie à introduire une disposition spécifique sur la torture dans sa législation nationale et que la Suède reste d’avis que ses lois et règlements, y compris son droit pénal, sont en tous points conformes aux exigences de la Convention. Le Comité prend note de l’affirmation de la délégation selon laquelle la torture relève de plusieurs catégories d’infractions prévues par le droit suédois, parmi lesquelles : les voies de fait, les coups et blessures, les infractions sexuelles, l’enlèvement et les crimes contre l’humanité ou les crimes de guerre. Il note également que des modifications ont récemment été apportées à la législation afin d’alourdir les peines maximales prévues pour les actes pouvant être constitutifs de torture. Il juge encourageant qu’il ait été proposé, dans un mémorandum ministériel publié en septembre 2015, d’ériger la torture en infraction pénale distincte, que ce mémorandum ait été distribué et qu’il soit toujours en cours d’examen. Il est également encouragé par la référence expresse à l’article premier de la Convention qui est faite dans des modifications à la législation qui entreront en vigueur le 1er janvier 2022 et qui élargiront la compétence pour certaines infractions pouvant être constitutives de torture. Il relève qu’il est prévu d’abolir le délai de prescription pour certaines infractions et qu’un rapport à ce sujet doit être publié le 17 novembre 2021 (art. 1er, 2 et 4).

10.Tout en prenant note des progrès accomplis à cet égard, le Comité recommande de nouveau à l’État partie d’agir sans délai pour ériger la torture en infraction pénale dans le droit interne et pour en donner une définition pleinement conforme aux articles 1 er et 4 de la Convention. À cet égard, il appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o  2 (2007) sur l’application de l’article 2, dans laquelle il affirme qu’en établissant et en définissant l’infraction de torture conformément aux dispositions de la Convention, en tant qu’infraction distincte, les États parties contribueront directement à la réalisation de l’objectif primordial de la Convention, qui est de prévenir la torture, notamment en sensibilisant chacun, y compris les auteurs, les victimes et le public, à la gravité particulière de l’infraction de torture et en renforçant l’effet dissuasif de l’interdiction elle-même.

Garanties juridiques fondamentales

11.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour veiller à ce que les garanties procédurales soient pleinement respectées dans la pratique, en particulier en ce qui concerne les mineurs et les adultes en détention, mais il demeure préoccupé par le fait que les personnes privées de liberté ne bénéficient pas toujours dans la pratique, dès le début de la privation de liberté, de toutes les garanties juridiques fondamentales, notamment desdroits d’avoir accès à un avocat, d’être examinées par un médecin indépendant et de prévenir un proche ou une personne de leur choix. Il est préoccupé par les informations selon lesquelles la notification du placement en garde à vue peut être indûment retardée dans l’intérêt de l’enquête et les personnes en garde à vue peuvent n’avoir accès à des soins de santé que plusieurs jours après l’arrestation, étant donné que l’examen médical a lieu le premier jour ouvrable suivant l’arrestation (art. 2).

12. Rappelant son observation générale n o  2 (2007), le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que toutes les personnes privées de liberté bénéficient dès le début de leur privation de liberté de toutes les garanties juridiques fondamentales, en particulier du droit de communiquer avec un avocat, du droit d’être examinées par un médecin indépendant, de préférence de leur choix, et du droit de prévenir un membre de leur famille, conformément aux normes internationales.

Détention provisoire

13.Le Comité note avec préoccupation que la détention provisoire est encore fréquemment utilisée en Suède et que, selon les informations figurant dans le rapport de l’État partie, son utilisation a augmenté de 5 % entre 2014 et 2017. Il considère néanmoins comme une évolution positive le fait que la loi fixe désormais des durées maximales pour la détention provisoire − neuf mois pour les adultes et trois mois pour les mineurs − avec des exceptions autorisées uniquement dans des circonstances exceptionnelles, ce qui devrait conduire à une diminution de la détention provisoire dans les années à venir. Il relève également que l’État partie affirme que la détention et les mesures de restriction ne devraient être utilisées que lorsqu’elles sont nécessaires et proportionnées et que les motifs justifiant la détention devraient être réexaminés régulièrement. À cet égard, il prend note des informations fournies par la délégation de l’État partie selon lesquelles des efforts ont été faits ces dernières années en ce qui concerne les mesures de restriction applicables aux personnes placées en détention provisoire, notamment avec l’élaboration d’un projet de loi contenant des propositions sur la manière de limiter ces mesures et la durée des périodes de détention. Il se félicite en outre des travaux menés actuellement pour numériser les dossiers dans le cadre des mesures prises pour réduire les effets négatifs de l’isolement en détention et relève que ces travaux devraient aussi permettre d’améliorer globalement la collecte des données (art. 11 et 16).

14.L’État partie devrait utiliser la détention provisoire comme une mesure de dernier recours, en particulier pour les mineurs. Il recommande à l’État partie : a) d’envisager des mesures de substitution à la détention provisoire pour réduire le recours à cette pratique et de veiller à ce que toutes les décisions imposant cette mesure soient fondées sur des critères objectifs et des éléments factuels ; b) d’entreprendre de collecter systématiquement des données sur l’utilisation des moyens de contention et des mesures coercitives dans les prisons et pendant la détention provisoire ; c) de poursuivre ses efforts pour évaluer le recours à la détention provisoire en vue de réviser sa réglementation et d’adopter les mesures nécessaires, notamment en matière de formation des juges, pour que la détention provisoire ne soit imposée qu’à titre exceptionnel et pour des périodes limitées, et de promouvoir le recours à des mesures de substitution à la détention provisoire, telles que la surveillance électronique.

Imposition de mesures de restriction, y compris le placement à l’isolement

15.Le Comité note avec préoccupation que le recours au placement à l’isolement reste fréquent. Il constate toutefois que des progrès ont été accomplis sur le plan législatif, en particulier avec l’instauration de limites pour les mineurs et l’adoption de dispositions donnant aux enfants de moins de 18 ans le droit d’avoir des interactions avec leurs pairs pendant quatre heures par jour. En outre, le ministère public suédois collabore avec le Service de l’administration pénitentiaire et de la probation dans le but de limiter le recours aux mesures d’isolement en détention provisoire. Le Service a élaboré un manuel spécial sur les interactions entre détenus et la ségrégation dans les maisons d’arrêt, et a alloué des ressources humaines à la facilitation des activités quotidiennes liées aux mesures de rupture de l’isolement (art. 11 et 16).

16. L’État partie devrait :

a) N’imposer des mesures de restriction aux personnes en détention provisoire qu’à titre exceptionnel, sur la base de motifs individuels concrets, uniquement lorsque cela est strictement nécessaire dans l’intérêt de l’enquête criminelle ou pour préserver l’ordre et la sécurité ;

b) Abolir le recours à l’isolement pour les mineurs et adopter des dispositions législatives permettant aux détenus adultes d’avoir des activités en commun avec leurs pairs, en suivant le modèle de la législation relative aux mineurs ;

c) Mener des enquêtes approfondies sur les cas de suicide ou de tentative de suicide, et vérifier s’il existe un lien entre le recours à des mesures de contrainte physique ou d’isolement et les suicides ou tentatives de suicide dans les lieux de détention.

Détention des demandeurs d’asile

17.Le Comité se félicite de certaines garanties incluses dans la loi sur les étrangers, en particulier en ce qui concerne les enfants, mais il reste préoccupé par le fait que : a) le recours à la détention persiste dans la pratique ; b) selon certaines informations, la détention des demandeurs d’asile n’est pas toujours utilisée uniquement comme une mesure de dernier recours et les restrictions ne sont pas toujours d’une durée aussi brève que possible ; c) certains demandeurs d’asile sont encore placés en détention provisoire pour des raisons de sécurité ou d’autres raisons exceptionnelles (art. 11 et 16).

18.Le Comité constate que la loi temporaire de 2016 relative aux demandeurs d’asile n’est plus en vigueur et qu’elle a été remplacée par les modifications apportées à la loi sur les étrangers en juillet 2021. Il relève en outre que des obligations spécifiques sont mentionnées dans la loi en ce qui concerne la Convention relative aux droits de l’enfant et la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme), mais que de nombreuses dispositions de la loi temporaire restent en vigueur.

19.Le Comité note avec satisfaction que l’Office suédois des migrations a créé une base de données contenant la jurisprudence du Comité contre la torture et des résumés des affaires examinées par celui-ci. Il juge encourageant le fait que la Croix-Rouge suédoise va entreprendre un programme de formation sur l’identification des victimes de torture et de traumatismes à l’intention du personnel de l’Autorité suédoise des migrations. Il note en outre que des améliorations ont été apportées aux installations dans les centres de détention pour migrants. Il constate également que la Suède n’accepte pas les demandes d’asile dans ses missions diplomatiques à l’étranger, mais accepte les réfugiés réinstallés dans le cadre du programme de réinstallation du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

20. L’État partie devrait prendre toutes les mesures voulues pour que les demandeurs d’asile ne soient placés en détention qu’en dernier ressort et, lorsque cela est nécessaire, pour une période aussi courte que possible, dont la durée devrait être fixée par la loi, et sans restrictions excessives. Le Comité recommande que des mesures appropriées soient prises pour garantir le droit de demander l’asile et assurer le respect des obligations découlant de l’article 3 de la Convention à l’égard des demandeurs d’asile en situation difficile.

Non-refoulement

21.Le Comité prend note de l’information fournie par la délégation selon laquelle les agents de l’État passent régulièrement en revue la jurisprudence internationale, en particulier celle de l’Union européenne et de l’ONU, concernant les questions liées à l’asile et au non‑refoulement. Il se félicite par ailleurs de la pratique générale de l’État partie consistant à ne pas accepter d’assurances diplomatiques d’autres États parties concernant le retour en toute sécurité (art. 3).

22. L’État partie devrait :

a) Veiller à ce que tous les étrangers qui risquent d’être expulsés, y compris ceux qui viennent de « pays d’origine sûrs », aient accès à des procédures équitables, comprenant un entretien visant à évaluer le risque qu’ils soient soumis à la torture et à des mauvais traitements dans leur pays d’origine, au regard de leur situation personnelle ;

b) Veiller à ce que toutes les évaluations de la crédibilité soient effectuées de manière non arbitraire par des professionnels qualifiés et à ce que les victimes de torture soient dûment repérées ;

c) Veiller à ce que tous les étrangers qui risquent d’être expulsés aient la possibilité d’obtenir un réexamen individuel de la décision d’expulsion, avec effet suspensif automatique ;

d) S’abstenir d’expulser les étrangers vers des pays d’origine dans lesquels l’existence d’un conflit armé faisant de nombreuses victimes civiles et l’absence d’un véritable état de droit donnent de bonnes raisons de penser qu’ils seraient victimes de torture ou de mauvais traitements à leur retour.

Maladie à coronavirus (COVID-19) et détention

23.En ce qui concerne les mesures de lutte contre la pandémie de COVID-19 dans les lieux de détention et le système pénal au sens large, le Comité relève que le taux de propagation de l’infection a été relativement faible et qu’aucun décès n’a été signalé. Il relève également que tous les détenus se sont vu proposer et continueront à se voir proposer la vaccination contre la COVID-19. Il prend note en outre des informations selon lesquelles un manque d’équipements de protection individuelle (EPI) avait été constaté au début de la pandémie dans les centres de détention et des restrictions avaient été imposées sur les visites des détenus à l’extérieur. Il prend note également des mesures compensatoires qui ont été mises en place pour atténuer les effets de ces restrictions, notamment en donnant aux détenus la possibilité de passer des appels vidéo à leur famille. À aucun moment, l’accès à un avocat, aux agents de l’État ou à des soins médicaux n’a été suspendu (art. 11 et 16).

24. L’État partie devrait :

a) Veiller à ce que tous les prisonniers et détenus continuent à se voir proposer la vaccination contre la COVID-19 ;

b) Tenir compte des enseignements tirés de la pandémie de COVID-19 en s’efforçant de diminuer l’afflux de détenus et en ayant davantage recours aux mesures non privatives de liberté, notamment aux mesures de substitution à la détention provisoire, à la libération conditionnelle et à la libération anticipée, conformément aux Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) et aux Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok).

Enfants non accompagnés et enfants sans papiers

25.Le Comité prend note des ressources supplémentaires fournies aux municipalités qui accueillent des mineurs non accompagnés et des mesures prises pour lutter contre la traite. Toutefois, il reste préoccupé par la situation de vulnérabilité des mineurs non accompagnés demandeurs d’asile, des enfants d’immigrants en situation irrégulière et des enfants sans papiers (art. 16).

26. L’État partie devrait renforcer les mesures de protection dans le cas des enfants demandeurs d’asile et des enfants migrants non accompagnés et sans papiers, notamment en améliorant la surveillance des personnes auxquelles un enfant est confié et en collectant des données sur tous les placements.

Recours à des mesures coercitives et intrusives dans les hôpitaux psychiatriques

27.Le Comité est préoccupé par les informations communiquées par les médiateurs parlementaires et les organisations non gouvernementales indiquant que certains jeunes placés en institution sont exposés à des violences de la part du personnel, et notamment qu’il arrive que des enfants soient immobilisés pendant de longues périodes. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles le personnel n’est pas suffisamment formé et les enfants subissent des atteintes à leur intégrité physique ou psychologique. Il note que les autorités se sont déclarées préoccupées par ces allégations et accueille avec satisfaction leur détermination à enquêter plus avant (art. 12).

28.Le Comité salue les mesures que le Gouvernement a prises pour réduire le recours aux mesures coercitives, notamment par l’allocation de fonds et la formation du personnel, afin de garantir la sécurité des patients, y compris des mineurs, dans les établissements et hôpitaux psychiatriques. Il reste toutefois préoccupé par :

a)Le recours persistant à des mesures coercitives et intrusives, telles que la contention physique et le placement à l’isolement, y compris pour les jeunes patients ;

b)L’absence à ce jour de collecte de données complètes sur les mesures coercitives utilisées, par exemple sur les moyens de contention (art. 16).

29. L’État partie devrait :

a) Veiller à ce que les moyens de contention et le placement à l’isolement ne soient utilisés qu’en dernier ressort, pour la durée la plus courte possible et sous une stricte surveillance médicale ;

b) Assurer un suivi permanent de la situation dans les établissements psychiatriques ;

c) Continuer de former tout le personnel médical et non médical aux méthodes de soins non violentes et non coercitives ;

d) Collecter systématiquement des données complètes sur les mesures coercitives utilisées.

Enquêtes

30.Le Comité prend acte de la création en 2015 d’un Département des enquêtes spéciales en tant que service indépendant au sein de l’Autorité de police chargé de mener un travail d’enquête et de recueillir des informations en cas d’allégations de mauvais traitements et d’usage excessif de la force par des fonctionnaires de police, mais il est préoccupé par l’apparent manque d’indépendance de ce département. À cet égard, il prend note des explications fournies par la délégation de l’État partie concernant les garanties en place pour assurer l’indépendance du Département, en particulier du fait que le budget et la charge de travail du Département ont augmenté chaque année depuis 2016 et qu’il n’est pas prévu de modifier la structure actuelle du Département, dont les effectifs sont séparés de ceux de l’Autorité de police. Le Comité prend note des résultats de cinq enquêtes menées par le Département qui ont été présentés par la délégation (art. 12, 13 et 16).

31. Le Comité invite instamment l’État partie à continuer de veiller à ce que le Département des enquêtes spéciales mène rapidement des enquêtes impartiales et efficaces sur toutes les allégations de mauvais traitements et d’usage excessif de la force par des agents de la force publique, et à étudier les changements auxquels il serait possible de procéder pour remédier à tout manque apparent d’indépendance.

Crimes de haine

32.Le Comité prend acte des mesures législatives et autres que l’État partie a prises pour lutter contre les crimes de haine, parmi lesquelles le plan national de lutte contre le racisme publié en février 2017, l’évaluation par l’Autorité de police des menaces contre les édifices religieux et les communautés religieuses, la tenue d’un forum sur la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme et les nouveaux engagements visant à encourager la mémoire de l’Holocauste et à lutter contre l’antisémitisme, l’antitsiganisme et d’autres formes de racisme (art. 16), mais il demeure préoccupé par les informations qu’il a reçues au sujet des menaces visant les minorités et les personnes marginalisées.

33. Le Comité rappelle sa position selon laquelle la protection spéciale des minorités ou des individus ou groupes religieux marginalisés particulièrement menacés fait partie de l’obligation qui incombe l’État partie de prévenir la torture ou les mauvais traitements . À cet égard, l’État partie devrait poursuivre ses efforts pour prévenir et réprimer les actes criminels motivés par la discrimination, l’intolérance, la haine ou les stéréotypes négatifs en :

a) Veillant à ce que ces actes fassent l’objet d’enquêtes efficaces et à ce que leurs auteurs soient poursuivis et punis ;

b) Collectant des données et des statistiques détaillées sur le nombre et le type de crimes de haine, sur les mesures administratives et judiciaires prises pour enquêter sur ces crimes et pour poursuivre leurs auteurs et sur les peines prononcées.

Violence fondée sur le genre

34.Le Comité se félicite de l’adoption d’une définition juridique plus large du consentement dans les affaires de viol et de l’augmentation des peines planchers pour les atteintes sexuelles et les atteintes sexuelles graves. Il relève aussi que depuis le 1er juillet 2017, certaines infractions violentes graves donnent lieu à des peines plus sévères. Les modifications législatives adoptées prévoient notamment un ensemble de peines plus lourdes pour les infractions à la loi interdisant les mutilations génitales féminines (1982:316). Le Comité prend note des informations selon lesquelles on constate une augmentation du nombre d’infractions liées à la violence domestique et d’infractions sexuelles, alors que les taux de poursuites et de condamnation dans ces affaires sont faibles. Il est préoccupé par la violence sexuelle et la violence fondée sur le genre à l’égard des réfugiées et des demandeuses d’asile (art. 2, 4, 12, 13 et 16).

35. L’État partie devrait continuer de s’employer à lutter contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes, y compris la violence domestique et le viol, en particulier dans les cas où les autorités publiques ou d’autres entités auraient commis des actes ou des omissions pouvant engager la responsabilité internationale de l’État partie au titre de la Convention. Il devrait en particulier :

a) Revoir le système de réception et de traitement des plaintes afin qu’il soit dûment tenu compte des questions de genre dans la suite donnée ;

b) Veiller à ce que les victimes reçoivent une protection et une assistance adéquates ;

c) Améliorer le soutien aux victimes et aux proches des victimes dont l’identité est protégée à la suite des procès ;

d) Veiller à ce que tous les cas donnent lieu à une enquête approfondie, à ce que les auteurs présumés des faits soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, dûment punis, et à ce que les victimes ou leur famille obtiennent réparation, notamment sous la forme d’une indemnisation et de mesures de réadaptation adéquates ;

e) Poursuivre la formation continue sur les questions relatives à la violence domestique à l’intention des membres des forces de l’ordre, des juges, des avocats et des travailleurs sociaux qui interagissent avec les victimes présumées et avérées, afin de prévenir et réprimer la violence fondée sur le genre.

Traite des personnes

36.Le Comité prend note des efforts importants que l’État partie a déployés pour lutter contre la traite des personnes et aider les victimes de la traite depuis la période couverte par le précédent rapport, mais il regrette l’absence de données normalisées. Il relève que les informations statistiques fournies sur le nombre d’infractions signalées, d’enquêtes ouvertes, de poursuites engagées et de déclarations de culpabilité prononcées indiquent que l’augmentation des enquêtes et des poursuites n’est pas proportionnelle à l’augmentation des infractions signalées. Il relève également que les chiffres concernant les poursuites engagées et les déclarations de culpabilité semblent relativement faibles (art. 2, 12 à 14 et 16).

37. L’État partie devrait intensifier ses efforts pour lutter contre la traite des personnes en poursuivant et en punissant les auteurs, en offrant une protection et une réparation adéquates aux victimes et en empêchant le retour des victimes de la traite dans leur pays d’origine lorsqu’il y a des raisons sérieuses de croire qu’elles risquent d’y être torturées ou maltraitées.

Formation

38.Le Comité prend acte des efforts faits par l’État partie pour élaborer, financer et mettre en œuvre des programmes de formation aux droits de l’homme comprenant des modules sur le droit international et les techniques d’entretien à l’intention des responsables de l’application des lois, du personnel militaire, des garde-côtes et des agents de l’autorité chargée des migrations, notamment ceux déployés au niveau international. Il s’inquiète toutefois de n’avoir pas reçu d’information sur l’évaluation des incidences de ces programmes, et note avec préoccupation qu’aucune formation ne porte spécifiquement sur les dispositions de la Convention.

39.Le Comité constate avec regret que les membres des forces de l’ordre, les juges, les procureurs, les médecins légistes et le personnel médical ayant affaire à des détenus ne reçoivent pas de formation spécialisée sur la manière de déceler et de consigner les séquelles physiques et psychologiques de la torture et des mauvais traitements (art. 10).

40. L’État partie devrait :

a) Développer encore les programmes de formation obligatoire afin que tous les agents de la fonction publique aient une bonne connaissance des dispositions de la Convention ;

b) Veiller à ce que tout le personnel concerné, notamment le personnel médical, reçoive une formation spéciale pour apprendre à déceler les signes de torture et de mauvais traitements, conformément au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) ;

c) Concevoir une méthode permettant d’évaluer l’efficacité des programmes de formation s’agissant de réduire le nombre de cas de torture et de mauvais traitements et de permettre de repérer ces actes, de les consigner, d’enquêter à leur sujet et d’en poursuivre les auteurs ;

d) Valoriser les meilleures pratiques en matière de formation aux niveaux national et international et le partage des compétences.

Collecte des données

41.Le Comité note que certaines statistiques ont été fournies et que le processus de numérisation progresse aux niveaux national, régional et local, ce qui devrait permettre une collecte des données plus efficace, mais il regrette l’absence persistante de données globales complètes et ventilées, qui a rendu quelque peu difficiles le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre de la Convention par l’État partie au niveau national (art. 2, 12, 13, 14 et 16).

42.L’État partie devrait faire en sorte que ses nouveaux systèmes numériques soient capables de compiler des données statistiques sur la durée de la détention provisoire, le placement à l’isolement et le recours à la force, ainsi que les plaintes enregistrées, les enquêtes ouvertes, les poursuites engagées et les déclarations de culpabilité prononcées dans des affaires de torture et de mauvais traitements par les forces de l’ordre et le personnel pénitentiaire ; sur la violence fondée sur le genre, y compris la violence domestique et la traite ; sur les crimes de haine ; sur le recours à des mesures coercitives et sur les réparations accordées aux victimes, y compris l’indemnisation et les moyens de réadaptation.

Mesures de réparation, y compris l’indemnisation

43.Le Comité prend note des informations détaillées fournies par la délégation de l’État partie montrant que les dispositions législatives existantes relatives aux mesures de réparation sont conformes aux dispositions de la Convention. Il prend aussi note avec satisfaction des informations fournies au sujet de cinq affaires, examinées entre 2018 et 2020, ayant fait l’objet d’une enquête menée par le Département des enquêtes spéciales : quatre d’entre elles concernaient des policiers ou des gardiens de prison et une concernait un agent pénitentiaire. Il appelle toutefois l’attention sur la nécessité d’enregistrer systématiquement des données sur les réparations et les indemnisations accordées, par exemple sur le nombre de demandes d’indemnisation, le nombre d’affaires dans lesquelles des indemnités ont été accordées, les montants ordonnés et les montants versés dans chaque cas, afin de faciliter l’évaluation de la situation de manière globale (art. 14).

44. L’État partie devrait mettre en place un système complet de collecte de données sur toutes les mesures de réparation, y compris les indemnisations et les moyens de réadaptation, accordées dans des affaires relevant de la Convention et veiller à ce que ces informations soient facilement accessibles.

Procédure de suivi

45. Le Comité prie l’État partie de lui fournir, d’ici au 3 décembre 2022, des informations sur la suite qu’il aura donnée à ses recommandations concernant la définition et la criminalisation de la torture, l’imposition de mesures de restriction, y compris le placement à l’isolement, et l’identification des victimes de torture dans le cadre des procédures d’expulsion, l’accès à un réexamen individuel des décisions d’expulsion et l’application du principe de non ‑refoulement (voir par. 10, 16 et 22 du présent document). L’État partie est aussi invité à informer le Comité des mesures qu’il prévoit de prendre pour appliquer, d’ici la soumission de son prochain rapport, tout ou partie des autres recommandations formulées dans les présentes observations finales.

Autres questions

46. L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, au moyen des sites Web officiels et par l’intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales, et à informer le Comité de ses activités de diffusion.

47. Le Comité prie l’État partie de soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le neuvième, d’ici au 3 décembre 2025. À cette fin, et compte tenu du fait qu’il a accepté d’établir son rapport selon la procédure simplifiée, le Comité lui fera parvenir en temps utile une liste préalable de points à traiter. Les réponses de l’État partie à cette liste constitueront le neuvième rapport périodique qu’il soumettra en application de l’article 19 de la Convention.