Observations finales concernant le quatrièmerapport périodique du Kirghizistan *

* Adoptées par le Comité à sa soixantième session (16 février-6 mars 2015).

Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique du Kirghizistan (CEDAW/C/KGZ/4) lors de ses 1289e et 1290e séances, le 25 février 2015 (voir CEDAW/C/SR.1289 et 1290). La liste des questions suscitées par le rapport périodique établie par le Comité a été publiée sous la cote CEDAW/C/KGZ/Q/4 et les réponses du Gouvernement du Kirghizistan ont été publiées sous la cote CEDAW/C/KGZ/Q/4/Add.1.

A.Introduction

Le Comité remercie l’État partie pour son quatrième rapport périodique et ses réponses écrites aux questions et points soulevés par son groupe de travail d’avant session. Le Comité se félicite également de la présentation orale de la délégation et des précisions supplémentaires que l’État partie a apportées en réponse aux questions posées oralement par le Comité pendant le débat.

Le Comité félicite la délégation de l’État partie, dirigée par M. Erik Kuikeev, Vice-Ministre du développement social. La délégation rassemblait des représentants du Ministère du développement social, du Ministère de la santé publique, du Ministère de l’intérieur, du Ministère de la justice, ainsi que de la Mission permanente du Kirghizistan auprès de l’Organisation des Nations Unies à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité se réjouit des progrès accomplis depuis l’examen en 2008 du troisième rapport périodique de l’État partie dans la réalisation des réformes législatives, en particulier l’adoption de la Stratégie nationale à long terme pour l’égalité des sexes à l’horizon 2020 (décret gouvernemental no 443/2012).

Le Comité constate avec satisfaction que, depuis l’examen en 2008 de son troisième rapport périodique, l’État partie a signé les instruments internationaux suivants :

a)Le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine mort, en 2010;

b)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 2008.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Jogorkou Kenech

Le Comité souligne le rôle essentiel que joue le pouvoir législatif s ’ agissant d ’ assurer l ’ application intégrale de la Convention (voir la déclaration du Comité sur ses liens avec les parlementaires, adoptée à sa quarante-cinquième session, en 2010). Il invite le Jogorkou Kenech à prendre les mesures nécessaires pour appliquer les présentes observations finales d ’ ici à la présentation du prochain rapport périodique au titre de la Convention.

Visibilité de la Convention et de son Protocole facultatifet recommandations générales du Comité

Le Comité constate avec préoccupation que les organes et institutions de l’État ne connaissent pas suffisamment ses recommandations générales ni les droits que la Convention et son Protocole facultatif confèrent aux femmes, notamment la notion d’égalité réelle. Il craint en outre que les femmes, en particulier celles qui vivent dans des régions rurales ou reculées, ne soient pas suffisamment informées de leurs droits en vertu de la Convention et qu’elles ne soient donc pas en mesure de les faire valoir.

Le Comité encourage l ’ État partie à :

a) Faire en sorte que la Convention, son Protocole facultatif et les recommandations générales du Comité soient suffisamment connus de tous les organes et institutions de l ’ État, y compris l ’ appareil judiciaire, et inspirent les lois, les décisions de justice et les politiques en matière d ’ égalité entre les sexes et de promotion de la femme ;

b) Améliorer la connaissance que les femmes ont de leurs droits et des recours dont elles disposent pour dénoncer des violations de ces derniers aux termes de la Convention et veiller à ce que toutes les femmes, y compris celles qui vivent dans des régions rurales ou reculées, soient au fait de la Convention et des recommandations générales du Comité.

Définition de la discrimination à l’égard des femmeset lois discriminatoires

Le Comité prend note de l’adoption par l’État partie d’une nouvelle Constitution en 2010 et de la loi de 2008 relative aux garanties publiques concernant l’égalité des droits et des chances des hommes et des femmes, qui donne une définition de la discrimination englobant la discrimination directe et indirecte, tant dans l’espace public que dans la sphère privée, conformément à l’article 1 de la Convention. Il relève toutefois avec préoccupation que le projet de loi no 6-11804/14, déjà examiné en première lecture au Parlement, prévoit des sanctions pénales et administratives pour « l’adoption d’une attitude positive à l’égard des relations sexuelles non traditionnelles », ce qui pourrait exposer à la discrimination certains groupes de femmes, notamment les femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexuées, tel que mentionné dans la déclaration liminaire de l’État partie.

Le Comité invite instamment l ’ État partie à :

a) Empêcher l ’ adoption de la loi n o 6-11804/14, qui est discriminatoire ; et

b) Adopter une législation d ’ ensemble contre la discrimination qui interdise la discrimination à l ’ égard des femmes, quel qu ’ en soit le motif.

Mécanisme national de promotion de la femme

Le Comité salue l’adoption de la Stratégie nationale pour l’égalité des sexes à l’horizon 2020, mais constate avec préoccupation que les nombreuses restructurations du mécanisme national, son déplacement et sa fragmentation ont nui à sa capacité d’assurer l’élaboration et l’application effectives de politiques en faveur de l’égalité des sexes. Il note avec préoccupation :

a)Que le Département des politiques relatives à l’égalité des sexes, au sein du Ministère du développement social, ne dispose pas de moyens et de pouvoirs suffisants, notamment des ressources financières et humaines nécessaires, ni des capacités voulues pour assurer l’élaboration de politiques en faveur de l’égalité des sexes et leur pleine application dans le cadre des mesures prises par tous les ministères et administrations;

b)Que le Conseil national pour les questions relatives à l’égalité des sexes est un organe consultatif et que son mandat comme ses responsabilités ne sont pas clairement définis; et

c)Qu’il manque une stratégie coordonnée d’intégration des questions relatives à l’égalité des sexes, notamment un système de budgétisation tenant compte de la problématique hommes-femmes.

Le Comité encourage l ’ État partie à :

a) Prendre des mesures pour donner une meilleure visibilité au mécanisme national de promotion de la femme et pour accroître les capacités et les pouvoirs de toutes ses composantes, en accordant au mécanisme un statut plus élevé, en précisant son mandat, en lui garantissant durablement les crédits voulus et en le dotant d ’ un personnel suffisant et ayant les compétences techniques nécessaires, et ce , afin qu ’ il soit pleinement à même de mettre en œuvre des programmes et des projets relatifs à l ’ égalité des sexes et à la promotion de la femme ;

b) Élaborer une stratégie d ’ intégration des questions relatives à l ’ égalité des sexes, prévoyant notamment un système de budgétisation tenant compte de la problématique hommes-femmes et pouvant être appliquée lors de l ’ élaboration de l ’ ensemble des programmes et politiques visant divers aspects de la vie des femmes.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité salue l’adoption de la loi no 98 de 2011 relative aux élections aux assemblées locales, qui établit un système de quotas. Cependant, il note avec préoccupation qu’aucune stratégie d’ensemble n’a été mise en place pour appliquer des mesures temporaires spéciales visant à instaurer une égalité réelle entre hommes et femmes dans l’État partie, dans tous les domaines relevant de la Convention dans lesquels les femmes sont sous-représentées ou désavantagées.

Rappelant sa recommandation générale n o 25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, le Comité recommande à l ’ État partie de :

a) Prendre les dispositions voulues pour familiariser tous les représentants de l ’ État et tous les décideurs politiques concernés au concept de mesures temporaires spéciales, d ’ adopter et d ’ appliquer de telles mesures, notamment de définir des objectifs et d ’ instaurer des quotas assortis de délais, et ce , en vue de parvenir à l ’ égalité de fait ou réelle entre hommes et femmes dans tous les domaines où ces dernières sont sous-représentées ou désavantagées, notamment dans la vie politique, la vie publique, la prise de décision s et l ’ emploi ;

b) S ’ attaquer aux causes profondes de l ’ application insuffisante des mesures temporaires spéciales adoptées et de faire figurer dans sa législation des dispositions visant à encourager l ’ utilisation de telles mesures dans le secteur public comme dans le secteur privé.

Stéréotypes et pratiques néfastes

Le Comité reste préoccupé par la persistance d’attitudes patriarcales et de stéréotypes tenaces concernant le rôle et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, éléments discriminatoires à l’égard des femmes et qui perpétuent leur subordination au sein de la famille et de la société et se reflètent, entre autres, dans les choix d’orientation scolaire et professionnelle que font les femmes, dans leur faible participation à la vie politique et publique et dans les inégalités entre hommes et femmes sur le marché du travail, dans le mariage et dans les relations familiales. Le Comité rappelle que ces stéréotypes font également partie des causes profondes de la violence à l’égard des femmes et note avec une vive préoccupation que les pratiques néfastes qui constituent une discrimination à l’égard des femmes, comme les mariages d’enfants et l’enlèvement de jeunes filles en vue du mariage, sont très répandues dans l’État partie et qu’à ce jour, celui-ci n’a pris aucune mesure durable pour faire évoluer ou pour éliminer les stéréotypes discriminatoires et les attitudes traditionnelles préjudiciables et mettre un terme aux pratiques néfastes.

Le Comité invite instamment l ’ État partie à :

a) Mettre en place, sans délai, une stratégie globale prévoyant des mesures proactives et durables visant les femmes et les hommes à tous les niveaux de la société, y compris les dignitaires religieux, en vue d ’ éliminer les stéréotypes et l es attitudes patriarcales concernant le rôle et les responsabilités respectifs des femmes et des hommes au sein de la famille et de la société et de mettre un terme aux pratiques néfastes qui constituent une discrimination à l ’ égard des femmes ;

b) Étendre la portée des programmes de sensibilisation portant sur la nature criminelle des pratiques préjudiciables comme les mariages d ’ enfants et les enlèvements de jeunes filles en vue du mariage et sur les effets néfastes de ces pratiques sur les femmes, en particulier dans les régions rurales et reculées ;

c) Prendre des mesures novatrices visant les médias afin de mieux faire comprendre que l ’ homme et la femme sont égaux et utiliser le système éducatif pour diffuser une image positive et non stéréotypée de la femme ;

d) Suivre et analyser les mesures prises afin d ’ en évaluer les effets et prendre les décisions qui s ’ imposent.

Violence à l’égard des femmes

Le Comité prend note de l’existence d’une loi spéciale interdisant la violence à l’égard des femmes, mais reste préoccupé par l’ampleur de cette violence dans l’État partie, en particulier de la violence domestique et sexuelle, et par le manque de statistiques ventilées par âge, nationalité et relation entre la victime et l’agresseur sur la violence à l’égard des femmes et ses causes. Il relève avec préoccupation que les cas de violence à l’égard des femmes sont souvent passés sous silence, car ils sont considérés comme relevant de la sphère privée, et qu’ils sont principalement examinés par les tribunaux des aksakals. Il constate enfin avec inquiétude que les services de protection des victimes et les mesures d’application de la loi sont insuffisants étant donné qu’il n’existe pas de foyers d’accueil pour les femmes victimes de violences et que l’État ne finance qu’un seul centre de secours.

Rappelant sa recommandation générale n o 19 (1992) sur la violence à l ’ égard des femmes, le Comité engage l ’ État partie à :

a) Mettre en place des mesures globales pour prévenir et combattre la violence à l ’ égard des femmes et des filles et faire en sorte que les femmes et les filles qui sont victimes de violences aient immédiatement accès à des voies de recours et à des mesures de protection et que leurs agresseurs soient poursuivis et punis comme il convient ;

b) Dispenser aux juges, aux procureurs, aux policiers et aux autres agents de la force publique une formation obligatoire sur l ’ application rigoureuse des dispositions du droit pénal traitant de la violence à l ’ égard des femmes et sur les procédures particulières à appliquer lors de la prise en charge de femmes victimes de violences ;

c) Encourager les femmes à signaler les actes de violence sexuelle ou domestique aux forces de l ’ ordre et non aux tribunaux des aksakals en mettant fin à la stigmatisation des victimes, en sensibilisant les policiers au problème et en faisant bien comprendre que de tels actes sont punis par la loi ;

d) Apporter aux femmes victimes de violences l ’ assistance et la protection dont elles ont besoin en créant des foyers d ’ accueil, en particulier dans les zones rurales, et en développant la coopération avec les organisations non gouvernementales qui proposent un hébergement et des services de réadaptation aux victimes ;

e) Recueillir des données statistiques sur la violence domestique et sexuelle et les ventiler par sexe, âge, nationalité et relation entre la victime et l ’ agresseur.

Enlèvement de jeunes filles en vue du mariage

Le Comité s’alarme de constater que la pratique consistant à enlever des femmes et des filles pour les marier de force a toujours cours, malgré les modifications apportées au Code pénal qui érigent l’enlèvement en vue du mariage en crime et alourdissent les peines prévues. Le Comité constate avec inquiétude que, dans l’État partie, un nombre important de mariages résultent d’enlèvements, en particulier dans les régions rurales et reculées. Il note avec une vive préoccupation que l’enlèvement en vue du mariage semble socialement admis, qu’il règne autour de cette pratique une culture du silence et de l’impunité et que ces enlèvements sont souvent passés sous silence, car ils sont considérés comme des affaires privées qui se règlent en famille. Enfin, il relève avec inquiétude que, depuis 2008, un seul kidnappeur a été condamné.

Le Comité exhorte l ’ État partie à :

a) Mener des recherches sur l ’ ampleur de la pratique de l ’ enlèvement des filles à des fins de mariage forcé et à élaborer une stratégie globale pour lutter contre cette pratique et pour garantir que ces enlèvements font l ’ objet d ’ enquêtes, que les auteurs sont poursuivis et condamnés et que les victimes obtiennent réparation et bénéficient de services de soutien ;

b) Faire en sorte que les forces de l ’ ordre soient mieux à même de protéger les femmes et les filles contre la violence et les enlèvements en vue du mariage , à adopter à l ’ intention des forces de police de toutes les régions de l ’ État partie des procédures normalisées concernant la prise en compte de la problématique hommes-femmes dans le cadre des enquêtes et de la prise en charge des victimes et à encourager les femmes à porter plainte ;

c) Dispenser systématiquement aux juges, aux agents de la force publique et au personnel médical une formation sur la nature criminelle de l ’ enlèvement des filles en vue du mariage et sur les effets néfastes de cette pratique sur les droits des femmes ;

d) Veiller à ce que les femmes victimes d ’ enlèvement en vue du mariage puissent porter plainte sans craindre de représailles et sans risquer d ’ être stigmatisées ;

e) S ’ attaquer aux attitudes culturelles traditionnelles et aux causes sous-jacentes des enlèvements en vue du mariage, notamment par le biais de l ’ éducation et de campagnes de sensibilisation destinées au grand public.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité prend note de l’adoption du Plan d’action national de lutte contre la traite des êtres humains pour 2013-2016 et du fait que, dans le Code pénal, la peine minimale encourue pour ce crime est passée de trois à cinq ans d’emprisonnement. Il est toutefois préoccupé :

a)Par l’absence d’organe de coordination chargé de l’application du Plan d’action national de lutte contre la traite des êtres humains, le manque de coordination entre les entités publiques compétentes (Ministère du travail, de la migration et de la jeunesse et Bureau du Procureur général) et l’absence de cadre réglementaire général;

b)Par le manque d’information sur le nombre de plaintes, d’enquêtes, de poursuites et de condamnations en lien avec la traite des femmes et des filles et sur les programmes de soutien et de réadaptation destinés aux victimes; et

c)Par la violence et la discrimination généralisées dont sont victimes les prostituées, en particulier de la part des policiers, qui les soumettent à des dépistages forcés et illégaux du VIH/sida et d’autres maladies sexuellement transmissibles, par le peu d’assistance qui leur est offerte et par l’absence de foyers d’accueil et de centres d’urgence spécifiquement destinés aux prostituées et adaptés à leurs besoins et de programmes de réinsertion à l’intention des femmes qui veulent sortir de la prostitution.

Le Comité recommande à l ’ État partie de :

a) Mettre en place un organe de coordination responsable de la mise en œuvre des programmes et plans d ’ action visant à lutter contre la traite des êtres humains et de la coordination des entités publiques compétentes ;

b) Mener des études comparatives sur la traite et l ’ exploitation de la prostitution, notamment en recueillant des données ventilées par sexe, appartenance ethnique et âge, afin de recenser et de combattre les causes profondes de la traite, et faire figurer ces données dans le prochain rapport périodique ;

c) Créer un mécanisme permettant d ’ avoir connaissance des actes de violence commis par les policiers à l ’ encontre des femmes pratiquant la prostitution et mettre un terme au dépistage forcé et illégal du VIH/sida et d ’ autres maladies sexuellement transmissibles auquel elles sont soumises, souvent lors de descentes de police ;

d) Adopter une approche globale de la prostitution, mettre à disposition des foyers d ’ accueil et des centres d ’ urgence spécifiques, proposer aux femmes qui souhaitent sortir de la prostitution des programmes de soutien et de réinsertion ainsi que d ’ autres moyens de gagner leur vie et prendre des mesures pour réduire la demande.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité s’inquiète de la faible participation des femmes à la vie politique et publique et en particulier du fait que peu d’entre elles occupent des postes de responsabilité, notamment au sein des instances exécutives locales (13,4 %), dans le service diplomatique et dans les organes ruraux autonomes (4,7 %). Cela s’explique par les attitudes traditionnelles patriarcales qui subsistent à leur égard, par le fait que l’État n’a pas engagé les mesures temporaires spéciales voulues, par le peu de moyens mis en œuvre pour renforcer les compétences des candidates éventuelles et par l’insuffisance des crédits alloués au financement de leurs campagnes, autant de facteurs qui empêchent les femmes de participer à la vie politique sur un pied d’égalité avec les hommes.

Le Comité prie instamment l ’ État partie de :

a) Prendre des mesures pour accroître la participation des femmes à la vie politique et publique, à tous les niveaux, notamment des mesures temporaires spéciales telles que l ’ instauration de quotas, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o 25 (2004) du Comité sur les mesures temporaires spéciales ;

b) Renforcer les capacités des femmes politiques et leur faciliter l ’ accès à des fonds destinés à financer leurs campagnes, de sorte qu ’ elles puissent rivaliser efficacement avec leurs homologues masculins ;

c) Mener des activités visant à sensibiliser la classe politique, les responsables locaux, les journalistes et l ’ opinion publique à l ’ importance de la participation des femmes à la prise de décision s afin de leur faire prendre davantage conscience qu ’ une participation pleine, égale, libre et démocratique des femmes à la vie politique et publique est indispensable à la mise en œuvre intégrale de la Convention.

Éducation

Le Comité prend note du taux élevé de scolarisation des femmes et des filles dans l’enseignement postsecondaire. Il est toutefois préoccupé par les disparités importantes qui existent entre les hommes et les femmes dans l’enseignement professionnel secondaire et supérieur (parmi les élèves inscrits dans les filières d’études liées au secteur de l’énergie, on compte 83,1 % d’hommes contre seulement 16,9 % de femmes) et par la ségrégation horizontale, qui entraîne une ségrégation sur le marché du travail. Il note avec inquiétude que les femmes et les filles continuent de choisir les filières d’études qui leur sont habituellement réservées (dans le secteur de l’architecture, on ne compte que 12,1 % d’étudiantes contre 87,9 % d’étudiants) et qu’elles restent sous-représentées dans l’enseignement technique et professionnel. Il relève que les programmes et les manuels scolaires sont en cours de révision, mais il constate une nouvelle fois avec préoccupation qu’un certain nombre de stéréotypes négatifs à l’égard des femmes y trouvent encore leur place.

Le Comité recommande à l ’ État partie de :

a) S ’ attacher en priorité à venir à bout des stéréotypes et des facteurs structurels qui empêchent les filles de faire des études secondaires et postsecondaires dans des domaines qui ne leur sont pas habituellement réservés et faire en sorte qu ’ elles puissent bénéficier d ’ un conseil d ’ orientation professionnelle qui leur permette d ’ envisager une carrière hors des schémas classiques, notamment dans les métiers des sciences et de la technologie ;

b) Redoubler d ’ efforts dans la révision des manuels et des programmes scolaires de façon à en éliminer tous les stéréotypes relatifs au rôle des femmes ;

c) Faire figurer dans son prochain rapport périodique des données ventilées et actualisées sur les filières d ’ études choisies par les femmes et les filles.

Emploi

Le Comité note avec préoccupation que le taux de chômage des femmes est anormalement élevé et qu’un grand nombre d’entre elles, en particulier les migrantes, sont employées dans le secteur non structuré, où le droit du travail ne s’applique pas. Il relève également avec inquiétude que l’État partie ne s’est pas doté d’un cadre juridique spécifique qui lui permette d’appliquer le principe du salaire égal pour un travail de valeur égale et qui interdise le harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Enfin, il regrette que l’État partie n’ait pas ratifié la Convention no 189 (2011) de l’Organisation du Travail sur les travailleuses et les travailleurs domestiques.

Le Comité encourage l ’ État partie à :

a) Intensifier les efforts visant à réunir les conditions nécessaires pour permettre aux femmes d ’ être plus indépendantes financièrement, notamment en sensibilisant les employeurs des secteurs public et privé à l ’ interdiction de la discrimination à l ’ égard des femmes en matière d ’ emploi, et à s ’ employer plus activement à favoriser l ’ insertion des femmes dans le secteur structuré en leur dispensant des formations techniques et professionnelles et en facilitant l ’ accès aux services de garde d ’ enfants et aux établissements d ’ enseignement préscolaire ;

b) Adopter une législation complète visant à lutter contre la discrimination et le harcèlement sexuel sur le lieu de travail ;

c) Adopter et appliquer de manière effective les textes de loi garantissant le principe du salaire pour un travail de valeur égale en vue de corriger progressivement l ’ écart de rémunération entre les sexes et à revaloriser régulièrement les salaires dans les secteurs où les femmes sont particulièrement nombreuses ;

d) Songer à faire appliquer les droits fondamentaux et le droit au congé de maternité dans le secteur non structuré et à envisager de ratifier la Convention n o 189 (2011) de l ’ Organisation du Travail sur les travailleuses et travailleurs domestiques.

Santé

Le Comité note que l’État partie a adopté le programme de réforme du système de santé « Den-Sooluk » pour la période 2012-2016, ainsi qu’un programme de santé prénatale pour 2006-2010. Il est toutefois préoccupé :

a)Par l’accès limité des femmes et des filles aux soins de santé dans les zones rurales, par le manque de personnel qualifié et de services de soins obstétriques et par l’accès limité des femmes à des services de santé procréative et sexuelle adaptés;

b)Par les taux de mortalité maternelle et infantile, qui restent élevés, en particulier dans les zones rurales, en raison de l’insuffisance des soins prénatals et du nombre important de grossesses précoces;

c)Par le nombre croissant de femmes atteintes du VIH/sida; et

d)Par la discrimination qui continue de s’exercer à l’égard de certains groupes de femmes, notamment des lesbiennes, des femmes bisexuelles, transgenres et intersexuées et des prostituées, dans la prestation des services de santé, en dépit des quelques mesures qui ont été prises pour y mettre fin.

Conformément à sa recommandation générale n o 24 (1999) sur les femmes et la santé, le Comité exhorte l ’ État partie à :

a) Renforcer le programme de lutte contre la mortalité maternelle, infantile et postinfantile, à veiller à ce que les programmes nationaux pertinents soient mis en œuvre efficacement et dotés de fonds suffisants et à garantir l ’ accès aux établissements de santé et à un personnel médical qualifié ;

b) Améliorer l ’ accès de toutes les femmes et filles aux services de santé essentiels, en particulier dans les zones rurales ;

c) Promouvoir largement un enseignement, adapté à chaque âge, des droits et de la santé en matière de sexualité et de procréation et à faciliter l ’ accès à des contraceptifs modernes et sûrs, à des prix abordables, ainsi qu ’ à des informations sur la planification familiale, à l ’ intention des femmes, des hommes, des filles et des garçons, sur tout le territoire de l ’ État partie.

Femmes rurales

Le Comité note avec préoccupation que les femmes qui vivent en milieu rural, soit la majorité des femmes kirghizes (65 %), sont défavorisées. Il regrette le peu de mesures qui ont été prises pour lutter contre la pauvreté qui les touche et contre la discrimination dont elles sont victimes, pour garantir leur accès à la justice, à l’éducation, à la santé, au logement, à l’eau potable et à l’assainissement, à l’emploi dans le secteur structuré, à des possibilités de perfectionnement et de formation, à des activités génératrices de revenus et au microcrédit, pour garantir leur droit à la propriété et à l’exploitation foncières et pour les associer à la prise de décisions à l’échelle locale.

Le Comité demande à l ’ État partie de :

a) Concevoir et mettre en œuvre des mesures spécialement destinées à lutter contre la pauvreté qui touche les femmes rurales, notamment des mesures visant à garantir l ’ accès de ces femmes à la justice, à l ’ éducation, au logement, à l ’ eau potable et à l ’ assainissement, à l ’ emploi dans le secteur structuré, à des possibilités de perfectionnement et de formation, à des activités génératrices de revenus et au microcrédit ainsi qu ’ à garantir leur droit à la propriété et à l ’ exploitation foncières, en tenant compte de leurs besoins spécifiques ;

b) Veiller à ce que les femmes vivant en milieu rural soient associées à la prise de décisions à l ’ échelle locale, au même titre que les hommes.

Groupes de femmes défavorisées

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie reconnaît qu’il existe différents groupes de femmes défavorisées, notamment les travailleuses migrantes, les femmes âgées, les employées de maison, les femmes appartenant à des minorités ethniques, les femmes toxicomanes et les lesbiennes, les femmes bisexuelles, transgenres et intersexuées. Il est toutefois préoccupé par la situation de ces groupes de femmes, victimes de formes croisées de discrimination. Le Comité constate également avec inquiétude qu’il n’existe pas de procédure officielle de changement de la mention de sexe à l’état civil pour les femmes transgenres, ce qui expose celles-ci à de multiples formes de discrimination.

Le Comité encourage l ’ État partie à :

a) Adopter des mesures, notamment des mesures temporaires spéciales au sens du paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et de s a recommandation générale n o 25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, pour assurer l ’ égalité des droits et des chances pour les femmes victimes de formes croisées de discrimination ;

b) Assurer l ’ accès de toutes les femmes, en particulier celles qui sont victimes de discrimination croisée, à des services viables, sans discrimination et sans préjugés, notamment à des foyers d ’ accueil, à des services de santé sexuelle et procréative, à un service d ’ aide et de conseil juridique et à l ’ emploi, et les protéger de la violence, de la maltraitance et de l ’ exploitation ;

c) Se doter des moyens législatifs nécessaires et adopter des politiques ciblées pour lutter contre les formes multiples de discrimination et favoriser l ’ insertion sociale des groupes de femmes défavorisées et marginalisées qui sont victimes de discrimination croisée ;

d) Arrêter et adopter une procédure officielle rapide, transparente et accessible de changement de la mention de sexe sur les pièces d ’ identité des femmes transgenres qui souhaitent obtenir la reconnaissance juridique de leur identité sexuelle.

Mariage et relations familiales

Le Comité félicite l’État partie pour son Code de la famille très complet. Toutefois, il note avec préoccupation que de nombreuses femmes, en particulier celles mariées uniquement en vertu du droit religieux, ne jouissent pas de tous les droits qui y sont stipulés et ne bénéficient en réalité d’aucune protection économique lors de la dissolution de leur mariage, qui ne fait l’objet d’aucune reconnaissance officielle. Il s’inquiète également de constater que les mariages d’enfants et les mariages forcés ont toujours cours, malgré l’établissement à 18 ans de l’âge requis pour le mariage.

Le Comité invite l ’ État partie à :

a) Accélérer l ’ adoption de l ’ amendement à la loi sur les croyances et pratiques religieuses de sorte que les mariages religieux ne puissent être consacrés qu ’ après l ’ enregistrement d ’ un mariage formel, ce qui permettrait de garantir l ’ enregistrement de tous les mariages, conformément à la Constitution (2010) de l ’ État partie ;

b) Se doter de tous les moyens législatifs nécessaires pour protéger les droits des femmes dans le cas de la dissolution d ’ un mariage religieux ou coutumier, quel que soit le statut d ’ enregistrement de ce dernier, conformément à s a recommandation générale n o 29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage, des relations familiales et de leur dissolution ;

c) Prendre des mesures proactives pour lutter contre les mariages d ’ enfants et les mariages forcés, conformément à la recommandation générale/observation générale commune n o 31 du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes et n o 18 du Comité des droits de l ’ enfant sur les pratiques néfastes (2014).

Collecte de données

Le Comité relève avec inquiétude que, d’une façon générale, peu de données statistiques à jour et ventilées par sexe, âge, appartenance ethnique, situation géographique et milieu socioéconomique sont disponibles. Pourtant, ces données sont indispensables pour évaluer précisément la situation des femmes, déterminer si elles sont victimes de discrimination, élaborer des politiques éclairées et ciblées et suivre et évaluer systématiquement les progrès accomplis vers la réalisation de l’égalité réelle entre les hommes et les femmes dans tous les domaines visés par la Convention.

Le Comité demande à l ’ État partie d ’ élaborer un système d ’ indicateurs relatifs à l ’ égalité des sexes pour améliorer la collecte de données ventilées selon le sexe et selon d ’ autres facteurs , qui sont nécessaires à l ’ évaluation des effets et de l ’ efficacité des politiques et programmes visant à institutionnaliser l ’ égalité des sexes et à améliorer l ’ exercice par les femmes de leurs droits fondamentaux. À cet égard, le Comité attire l ’ attention de l ’ État partie sur sa recommandation générale n o 9 (1989) relative aux données statistiques concernant la situation des femmes et encourage l ’ État partie à demander l ’ assistance technique des organismes compétents des Nations Unies et à collaborer plus étroitement avec les associations de femmes susceptibles de l ’ aider à recueillir des données précises.

Modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

Le Comité encourage l ’ État partie à accepter sans délai la modification du paragraphe 1 de l ’ article 20 de la Convention, concernant la durée des réunions du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité demande à l ’ État partie de s ’ appuyer sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing dans ses efforts pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Objectifs du Millénaire pour le développement et cadrede développement pour l’après-2015

Le Comité préconise de prendre en compte la problématique hommes-femmes, conformément aux dispositions de la Convention, dans toutes les activités visant à atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement et dans le cadre de développement pour l ’ après-2015.

Diffusion

Le Comité rappelle l ’ obligation qu ’ a l ’ État partie d ’ appliquer de façon systématique et continue les dispositions de la Convention. Il encourage vivement l ’ État partie à accorder une attention prioritaire à l ’ application des présentes observations finales et recommandations d ’ ici à la présentation du prochain rapport périodique. Le Comité demande par conséquent que les observations finales soient diffusées en temps opportun, dans la langue officielle de l ’ État partie, aux institutions d ’ État pertinentes à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, au Jogorkou Kenech et à l ’ appareil judiciaire, afin d ’ en assurer l ’ application intégrale. Il encourage l ’ État partie à collaborer avec toutes les parties prenantes intéressées, comme les associations d ’ employeurs, les syndicats, les organisations des droits de l ’ homme et les organisations de femmes, les universités et les instituts de recherche et les médias. Il recommande en outre que ses observations finales soient diffusées de manière appropriée au niveau communautaire local, pour en permettre l ’ application. De plus, le Comité demande à l ’ État partie de continuer à diffuser la Convention, son protocole facultatif et la jurisprudence pertinence, ainsi que les recommandations générales du Comité auprès de tous les intéressés.

Ratification d’autres traités

Le Comité note que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme permettrait aux femmes d ’ exercer davantage leurs droits individuels et leurs libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. C ’ est pourquoi le Comité encourage l ’ État partie à envisager de ratifier les traités auxquels il n ’ est pas encore partie, à savoir la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Suivi des observations finales

Le Comité demande à l ’ État partie de lui fournir, dans un délai de deux ans, des informations écrites sur les mesures prises pour donner suite aux recommandations formulées aux paragraphes 22 c) et 28 b) et d) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l ’ État partie à soumettre son cinquième rapport périodique en mars 2019.

Le Comité prie l ’ État partie de suivre les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument ( HRI/MC/2006/3 et Corr.1).