Observations finales concernant le sixième rapport périodique du Cambodge *

Le Comité a examiné le sixième rapport périodique du Cambodge (CEDAW/C/KHM/6) à ses 1730e et 1731e séances (voir CEDAW/C/SR.1730 et CEDAW/C/SR.1731), le 29 octobre 2019. La liste de points établie par le groupe de travail d’avant-session figure dans CEDAW/C/KHM/Q/6 et les réponses du Cambodge, dans CEDAW/C/KHM/Q/6/Add.1.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le sixième rapport périodique de l’État partie. Il le remercie des renseignements reçus concernant la suite donnée à ses précédentes observations finales (CEDAW/C/KHM/CO/4-5/Add.1), des réponses écrites apportées à la liste de points concernant le sixième rapport périodique, complétées oralement par la délégation, et des éclaircissements complémentaires donnés en réponse aux questions orales qui lui ont été posées pendant le dialogue.

Le Comité remercie l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau conduite par la Ministre des affaires féminines, Kantha Phavi Ing. La délégation comprenait aussi des représentants du Ministère de l’éducation, de la jeunesse et des sports, du Ministère de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et des constructions, du Ministère de la fonction publique, du Ministère de l’économie et des finances, du Ministère de l’intérieur, du Ministère de la justice, du Ministère du développement rural, du Ministère de la santé, du Ministère du travail et de la formation professionnelle, du secrétariat du Conseil national cambodgien pour la femme et de la Mission permanente du Cambodge auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès accomplis dans la mise en œuvre des réformes législatives depuis l’examen, en 2013, des précédents rapports de l’État partie (CEDAW/C/KHM/CO/4-5), en particulier l’adoption des lois suivantes :

a)La loi sur le salaire minimum, qui définit les critères et modalités de fixation du salaire minimum pour les femmes et les hommes qui exercent une activité relevant du champ d’application du Code du travail, y compris les travailleurs(euses) de l’industrie textile qui sont dans leur grande majorité des femmes (juillet 2018) ;

b)La loi sur la justice pour mineurs, qui vise à mettre en place un dispositif moderne de justice pour mineurs grâce auquel les enfants pourront être soustraits à la procédure judiciaire et dirigés vers des centres de réadaptation (juin 2016) ;

c)La loi sur le statut des juges et des procureurs, qui vise à garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire (juin 2014) ;

d)La loi sur la règlementation de l’acide concentré (décembre 2011), qui, entre autres, fait obligation aux hôpitaux de fournir des soins gratuits aux victimes d’attaques à l’acide, des femmes pour la plupart, et le sous-décret no 48 sur les formalités et conditions d’un contrôle rigoureux de l’acide (janvier 2013), qui prévoit des peines plus lourdes pour les auteurs d’attaques à l’acide et comprend des dispositions visant à limiter la vente et la distribution d’acides dangereux.

Le Comité salue les efforts faits par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et politique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des sexes, notamment l’adoption des instruments suivants :

a)Le plan stratégique national pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes pour la période 2014-2018 ;

b)Les plans d’action nationaux visant à prévenir la violence à l’égard des femmes pour les périodes 2014-2018 et 2019-2023 ;

c)La stratégie nationale en matière de santé sexuelle et procréative pour la période 2017-2020, qui vise à faire en sorte que les centres de prestation de services proposent une offre complète en matière de santé sexuelle et procréative ;

d)Le cadre politique national de protection sociale pour la période 2016-2025, qui vise à créer un système de protection sociale efficace et financièrement viable, comprenant notamment une aide pécuniaire pour les femmes enceintes et les enfants âgés de moins de deux ans en situation de pauvreté ;

e)Les phases III (2014-2018) et IV (2019-2023) de la stratégie rectangulaire pour la croissance, l’emploi, l’équité et l’efficacité, qui reconnaît l’importance de l’égalité des genres et de l’autonomisation des femmes pour le développement national.

C.Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite du soutien apporté par la communauté internationale aux objectifs de développement durable et appelle au respect de l ’ égalité des genres en droit (de jure) et dans les faits (de facto), conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les aspects de la mise en œuvre du Programme 2030 . Il souligne l ’ importance de l ’ objectif 5 et de la prise en compte systématique des principes d ’ égalité et de non-discrimination dans la réalisation des 17 objectifs. Il encourage vivement l ’ État partie à reconnaître le rôle moteur des femmes dans le développement durable du pays et à adopter des politiques et des stratégies en conséquence.

D.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s ’ agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir A/65/38 , deuxième partie, annexe IV). Il invite le Parlement, dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique, en application de la Convention.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Cadre législatif

Le Comité note la position réaffirmée par l’État partie selon laquelle les dispositions de la Constitution et du Code pénal suffisent à définir et à interdire la discrimination à l’égard des femmes en conformité avec la Convention. Il reste toutefois préoccupé par l’absence de dispositions définissant la discrimination directe et indirecte à l’égard des femmes dans la Constitution, et par le fait que le Code pénal n’interdit que certaines formes de discrimination directe telles que le déni d’accès aux biens et services et à l’emploi. Il note également que les lois récemment modifiées ne tiennent pas suffisamment compte des inégalités entre femmes et hommes et il regrette que l’adoption ou la révision des lois se fasse sans évaluation d’impact au regard de l’égalité des genres.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De faire en sorte que la législation nationale comprenne une définition de la discrimination à l ’ égard des femmes englobant la discrimination directe et indirecte dans les sphères publique et privée, y compris les formes de discrimination croisées, conformément à l ’ article premier de la Convention et comme l ’ État partie a accepté de le faire à l ’ issue de son troisième examen périodique universel ( A/HRC/41/17/Add.1 , par. 2 )  ;

b) De procéder systématiquement à des évaluations d ’ impact au regard de l ’ égalité des genres lors de l ’ adoption ou de la révision de lois, et de veiller à ce que les changements apportés à la législation contribuent à promouvoir et à protéger les droits des femmes.

Accès à la justice et aux voies de recours

Le Comité note les efforts que fait l’État partie pour améliorer l’accès des femmes à la justice, en particulier dans les zones rurales, notamment en augmentant les ressources publiques allouées à l’aide juridictionnelle et en mettant en place une équipe spéciale de juristes bénévoles, chargée d’aider les femmes en situation de pauvreté à bénéficier d’une telle aide. Toutefois, il exprime une nouvelle fois sa préoccupation face à l’absence de jurisprudence relative à la discrimination à l’égard des femmes dans l’État partie et à l’existence d’obstacles majeurs à l’accès des femmes et des filles à la justice et aux voies de recours en cas de violation de leurs droits, en particulier les femmes rurales, les femmes autochtones, les femmes appartenant à des groupes ethniques minoritaires et les femmes handicapées. Ces obstacles sont, entre autres, les suivants :

a)La stigmatisation sociale et culturelle, qui dissuade les femmes et les filles de déposer une plainte, en particulier dans les cas de violence familiale et de viol ;

b)L’accès limité à l’information sur les mécanismes et procédures permettant d’exercer un recours en cas de violation des droits des femmes et des filles, notamment dans les zones rurales ;

c)L’absence de sensibilisation aux questions de genre dans le système judiciaire, notamment l’attitude défavorable des juges, des procureurs, des membres des forces de l’ordre et des avocats envers les femmes qui signalent une violation de leurs droits ;

d)La corruption et l’absence d’indépendance du pouvoir judiciaire, qui continuent d’entraver l’accès des femmes à la justice.

Rappelant sa recommandation générale n o 33 (2015) sur l ’ accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ élaborer un dispositif complet d ’ aide juridictionnelle qui soit financé de manière durable et à long terme par le budget de l ’ État, et de mettre en place des cours d ’ appel régionales hors de la capitale pour permettre à toutes les femmes, en particulier les femmes rurales, les femmes autochtones, les femmes appartenant à des groupes ethniques minoritaires et les femmes handicapées, d ’ accéder de manière effective aux juridictions et tribunaux  ;

b) D ’ éliminer la stigmatisation des femmes et des filles qui déposent une plainte pour violation de leurs droits, en sensibilisant davantage le grand public aux droits des femmes  ;

c) De diffuser l ’ information relative aux mécanismes et procédures permettant d ’ exercer un recours en cas de violation des droits des femmes et des filles, notamment dans les zones rurales  ;

d) De renforcer la prise en compte de la problématique femmes-hommes par le système judiciaire et de sensibiliser davantage celui-ci aux questions de genre en augmentant le nombre de femmes dans la magistrature et en renforçant systématiquement les capacités des juges, des procureurs, des avocats, des agents de police et autres responsables de l ’ application des lois en ce qui concerne l ’ application de la Convention, de ses observations finales et de la jurisprudence qu ’ il a établie au titre du Protocole facultatif, et de ses recommandations générales  ;

e) De prendre des mesures concrètes visant à renforcer l ’ indépendance et l ’ impartialité du pouvoir judiciaire, et de faire en sorte que les affaires de discrimination fondée sur le genre et de violence à l ’ égard des femmes, notamment la violence familiale et le viol, soient l ’ objet d ’ enquêtes exhaustives, que les auteurs de tels actes soient poursuivis et sanctionnés comme il se doit, et que les victimes obtiennent réparation  ;

f) D ’ intensifier la lutte contre la corruption en adoptant et en appliquant de manière effective des mesures disciplinaires visant à faire répondre de leurs actes les fonctionnaires coupables de corruption, l ’ objectif étant de rétablir la confiance des femmes dans le système judiciaire.

Le Comité note qu’à la suite de la décision rendue par la Chambre de première instance des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC) le 16 novembre 2018 dans l’affaire 002/02, 13 projets de réparation ont été mis en œuvre dans l’État partie afin de reconnaître officiellement les victimes, d’établir une mémoire collective et de rendre leur dignité à ces personnes, y compris les victimes de viol dans le contexte d’un mariage forcé. Il regrette toutefois que de tels projets n’accordent ni la reconnaissance qu’il conviendrait ni de réparation effective aux victimes d’actes de violence sexuelle fondée sur le genre, y compris le viol hors du contexte d’un mariage forcé, commis sous le régime des Khmers rouges. Il demeure également préoccupé par le fait que les principes figurant dans la résolution 1325(2000) du Conseil de sécurité sur les femmes et la paix et la sécurité ne sont pas appliqués de la manière voulue, s’agissant notamment de la participation des femmes à la consolidation de la paix, à la prévention des conflits et aux initiatives de règlement des différends, et de l’intégration des questions de genre dans les missions de consolidation et de maintien de la paix.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De veiller à ce que toutes les victimes d ’ actes de violence sexuelle fondée sur le genre commis sous le régime des Khmers rouges, y compris hors du contexte d ’ un mariage forcé, obtiennent une réparation effective, et d ’ envisager d ’ établir des programmes de justice transitionnelle efficaces hors du cadre judiciaire, qui prévoient une indemnisation appropriée, un accompagnement psychologique et toute autre forme d ’ aide  ;

b) D ’ adopter un plan d ’ action national détaillé aux fins de la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) sur les femmes et la paix et la sécurité, et des résolutions ultérieures sur le sujet  ;

c) De faire en sorte que les femmes participent pleinement et à tous les stades à la consolidation de la paix, à la prévention des conflits et aux initiatives de règlement des différends, et que les questions de genre soient intégrées dans les missions de consolidation et de maintien de la paix, conformément à la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité ainsi qu ’ à l ’ ensemble de son programme sur les femmes et la paix et la sécurité, tel qu ’ il est exposé dans ses résolutions 1820 (2008) , 1888 (2009) , 1889 (2010) , 1960 (2010) , 2106 (2013) , 2122 (2013) , 2242 (2015) , 2467 (2019) et 2493 (2019) , et à la recommandation générale n o 30 (2013) sur les femmes dans la prévention des conflits, les conflits et les situations d ’ après conflit.

Mécanisme national de promotion des femmes

Le Comité se félicite de ce que fait le Conseil national cambodgien pour les femmes pour conduire l’action gouvernementale en faveur des droits des femmes et de l’égalité des genres dans l’État partie. Il salue également l’adoption par celui-ci de divers politiques et plans d’action visant à améliorer le statut de la femme, dont le quatrième plan stratégique pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et une budgétisation tenant compte des questions de genre, ainsi que l’allocation de 3 % du budget national aux activités de promotion d’égalité des genres qui sont conduites dans tous les ministères. Il constate toutefois avec préoccupation :

a)Que le Conseil national cambodgien pour les femmes joue un rôle restreint car il ne s’acquitte pas de son mandat de manière autonome ;

b)Que les ressources humaines, techniques et financières allouées à la mise en œuvre des divers politiques et plans d’action sont insuffisantes ;

c)Que les représentant(e)s de la société civile, dont les organisations de défense des droits des femmes, n’ont pas été pleinement associé(e)s à l’élaboration de la première politique nationale pour l’égalité des genres ;

d)Que le suivi et l’évaluation des politiques et plans d’action relatifs à l’égalité des genres laissent à désirer, en particulier dans les districts et les communes.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ assurer au Conseil national cambodgien pour les femmes l ’ autonomie, l ’ autorité et les ressources humaines, techniques et financières qui lui sont nécessaires pour fonctionner effectivement en tant que mécanisme national de promotion des femmes  ;

b) D ’ allouer un montant suffisant de ressources prélevées sur le budget de l ’ État à la mise en œuvre des politiques et plans d ’ action relatifs à l ’ égalité des sexes, dont le cinquième plan stratégique pour l ’ égalité des sexes et l ’ autonomisation des femmes 2019 - 2023  ;

c) De faire en sorte que les organisations de la société civile, dont les organismes de défense des droits des femmes, participent pleinement et effectivement à l ’ élaboration de la première politique nationale pour l ’ égalité des genres  ;

d) De créer des mécanismes efficaces d ’ évaluation et de suivi de tous les plans d ’ action , stratégies et mesures adoptés en vue de promouvoir l ’ égalité des genres, ainsi que des activités menées par les divers ministères à cette fin, de sorte à mesurer les progrès accomplis dans leur mise en œuvre et leur impact.

Institution nationale des droits de l’homme

Le Comité note les informations fournies par la délégation de l’État partie, selon lesquelles, conformément à une décision adoptée en septembre 2019, les organisations de la société civile conduiraient et coordonneraient l’élaboration d’un projet de loi qui doit porter création d’une institution nationale chargée de la promotion et de la protection des droits de l’homme. Il est toutefois préoccupé par le fait que les propositions faites par lesdites organisations, qui ont d’ores et déjà commencé à élaborer le projet de loi, n’auraient pas encore été examinées et que la création dans l’État partie d’une institution indépendante, telle que susmentionnée, n’a pas progressé.

Le Comité recommande à l ’ État partie de mener à bien rapidement le processus de création d ’ une institution nationale des droits de l ’ homme, dans le respect des principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris), tel que l ’ État partie a accepté de le faire à la suite de son troisième examen périodique universel ( A/HRC/41/17/Add.1 , par. 2 ), et de doter cette institution d ’ un mandat solide qui lui permettra de promouvoir et de protéger les droits des femmes, compte dûment tenu des vues et opinions des organisations de la société civile à ce sujet.

Défenseuses des droits de la personne, société civile et organisations non gouvernementales

Le Comité est préoccupé par des informations faisant état d’actes de harcèlement et d’intimidation à l’égard de défenseuses des droits de la personne, de syndicalistes, de militant(e)s pour la protection de la terre et de l’environnement, ainsi que de membres du parti politique d’opposition, qui a été dissous en novembre 2017. Il est inquiet, en particulier, de ce que les femmes n’ont pu ni organiser de marches à l’occasion de la Journée internationale des femmes ni participer à ce type de manifestation depuis 2015, et que les défenseuses des droits de la personne auraient été l’objet d’une surveillance de plus en plus étroite de la part des autorités, lesquelles auraient également limité leurs droits, y compris en les détenant de manière arbitraire dans l’exercice de leurs activités légitimes, ce qui a engendré un climat de peur et une autocensure.

Le Comité recommande à l ’ État partie de garantir le plein exercice de leurs droits aux défenseuses des droits de la personne, aux syndicalistes, aux militant(e)s pour la protection de la terre et de l ’ environnement et aux membres du parti politique d ’ opposition, en particulier leur droit à la liberté d ’ expression, de réunion et d ’ association, en s ’ abstenant de tout harcèlement et de toute surveillance ou autre restriction injustifiée.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité a appris par la délégation de l’État partie que celui-ci s’efforçait de promouvoir la participation des femmes dans divers secteurs. Toutefois, il note avec préoccupation :

a)L’absence d’informations concernant l’utilisation de mesures temporaires spéciales dans le rapport périodique de l’État partie et durant le dialogue ;

b)L’adoption de mesures qui semblent renforcer plutôt qu’éliminer les inégalités de genre, notamment l’attribution de la majorité des titres fonciers aux hommes ;

c)L’absence de mesures temporaires spéciales adoptées par l’État partie en vue de corriger des situations d’inégalité profonde entre femmes et hommes, s’agissant en particulier de la propriété foncière et de l’accès à un logement convenable et aux chances économiques dans les zones rurales.

Rappelant sa recommandation générale n o 25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter de telles mesures, dont des textes législatifs, règlementaires, administratifs et autres instruments, politiques et pratiques, d ’ allouer ou de réaffecter des ressources, de recourir au traitement préférentiel, de recruter, d ’ embaucher et de promouvoir de manière ciblée, d ’ appliquer des systèmes de quotas afin de parvenir plus rapidement à une égalité réelle des femmes et des hommes dans tous les domaines où celles-ci sont sous-représentées ou désavantagées, en sélectionnant les femmes en situation de désavantage telles que les femmes handicapées, les femmes appartenant à des groupes ethniques minoritaires, les femmes autochtones, les femmes rurales et les femmes âgées. Il recommande également l ’ adoption de mesures de ce type en vue de  :

a) Réaffecter et distribuer la terre de sorte que les femmes jouissent de sa propriété, sur un pied d ’ égalité avec les hommes  ;

b) Renforcer la sécurité des droits fonciers pour les femmes vivant dans des implantations sauvages et améliorer l ’ accès des femmes à un logement convenable, s ’ agissant en particulier des femmes autochtones, des femmes appartenant à des groupes ethniques minoritaires et des femmes rurales, par l ’ intermédiaire de mécanismes créés dans le cadre de la politique nationale du logement  ;

c) Donner aux femmes plus de chances sur le plan économique dans les zones rurales, y compris en appliquant des quotas.

Stéréotypes discriminatoires fondés sur le genre

Le Comité est préoccupé par la persistance des stéréotypes discriminatoires concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, qui sont profondément ancrés dans la culture cambodgienne et perpétuent l’inégalité entre les sexes en faisant admettre la notion de supériorité masculine et en encourageant la passivité et la soumission de la femme. Il s’inquiète de ce que ces stéréotypes sexistes, qui se retrouvent dans le Chbab Srey et le Chbab Prohh, les codes de conduite traditionnels respectifs des femmes et des hommes, légitiment la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre et constituent une des causes profondes de la situation défavorisée des femmes dans de nombreux domaines, notamment sur le marché du travail et dans la vie politique et publique.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter une stratégie globale assortie de mesures proactives et durables ciblant les femmes et les hommes dans tous les secteurs de la société, afin d ’ éliminer les stéréotypes discriminatoires et les attitudes patriarcales concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société  ;

b) De faire en sorte qu ’ il ne soit plus du tout fait référence au Chbab Srey dans les écoles à tous les niveaux et de sensibiliser les enseignants aux effets néfastes des stéréotypes discriminatoires, ainsi qu ’ aux autres moyens d ’ inculquer aux enfants la notion d ’ égalité des sexes et une vision non stéréotypée des rôles des femmes et des hommes  ;

c) De continuer d ’ adopter des mesures novatrices, notamment par le biais des médias, des médias sociaux et des activités destinées aux jeunes, en collaboration avec la société civile et les dirigeants communautaires, pour mieux faire comprendre l ’ égalité des sexes, promouvoir une masculinité positive et accroître la représentation non stéréotypée des femmes et des hommes.

Violence à l’égard des femmes fondée sur le genre

Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, notamment l’adoption du deuxième plan d’action national visant à prévenir la violence à l’égard des femmes (2014-2018), ainsi que des politiques, stratégies, normes minimales de service et directives. Il demeure toutefois préoccupé par :

a)Les normes sociales qui justifient la violence à l’égard des femmes et des filles fondée sur le genre et qui blâment la victime plutôt que l’auteur des actes, et la forte prévalence de cette violence, en particulier dans la famille, ainsi que du viol, y compris le viol collectif ou « bauk », qui est considéré comme un moyen de créer des liens entre hommes ;

b)Le fait que la loi sur la prévention de la violence familiale et la protection des victimes prévoit la médiation et la réconciliation pour les cas « mineurs » de violence physique et sexuelle et tous les cas de violence affective et économique, et que la réconciliation informelle par des membres de la communauté sans aucune formation officielle demeure le principal moyen de résoudre les cas de violence familiale ;

c)L’insuffisance des services essentiels et du soutien offerts aux victimes de violence familiale, en particulier dans les zones rurales.

Rappelant sa recommandation générale n o 35 (2017) sur la violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la recommandation générale n o 19 , le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ évaluer de manière systématique l ’ incidence des mesures adoptées pour lutter contre la violence à l ’ égard des femmes et des filles fondée sur le genre, et de continuer d ’ explorer et d ’ adopter des approches innovantes pour s ’ attaquer aux causes profondes de cette violence  ;

b) D ’ entreprendre un examen complet de la loi sur la prévention de la violence familiale et la protection des victimes et de modifier ses dispositions pour définir, interdire et criminaliser toutes les formes de violence fondée sur le genre, y compris la violence familiale et le viol conjugal, pour faciliter l ’ obtention d ’ ordonnances de protection et pour faire en sorte que les victimes de violence familiale aient accès à des recours utiles et que les auteurs aient à répondre de leurs actes  ;

c) D ’ accroître la disponibilité, l ’ accessibilité et la qualité des services essentiels et du soutien offerts aux victimes de violence fondée sur le genre, y compris l ’ assistance juridique, les soins de santé axés sur les victimes et le soutien psychosocial, et de continuer d ’ étudier la possibilité de créer des « guichets uniques » pour les victimes de violence fondée sur le genre  ;

d) De recueillir systématiquement des données sur la violence à l ’ égard des femmes et des filles fondée sur le genre, ventilées par âge, appartenance ethnique, situation géographique et lien entre la victime et l ’ auteur des faits.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité prend acte des efforts déployés par l’État partie pour prévenir et combattre la traite des personnes, notamment par l’adoption du Plan d’action national de lutte contre la traite (2014-2018 et 2019-2023), le renforcement de la capacité institutionnelle du Comité national de lutte contre la traite et la conclusion d’accords bilatéraux et multilatéraux de coopération sur les migrations de main-d’œuvre et la traite avec des pays de la région. Il constate toutefois avec une profonde préoccupation que l’État partie reste un pays d’origine, de destination et de transit pour la traite des personnes, en particulier des femmes et des filles, à des fins d’exploitation sexuelle et d’exploitation par le travail. Le Comité est particulièrement préoccupé par :

a)La faiblesse des progrès accomplis pour ce qui est de s’attaquer aux causes profondes de la traite, parmi lesquelles la pauvreté, le manque de perspectives économiques et les situations d’apatridie, en particulier dans les zones rurales reculées, dans l’État partie ;

b)L’absence de mécanisme efficace permettant d’identifier les victimes de la traite et de les orienter vers les services compétents ;

c)L’utilisation abusive de la législation relative à la lutte contre la traite pour s’en prendre à des personnes qui ne sont pas responsables d’infractions liées à la traite ;

d)Le manque d’information sur les condamnations de trafiquants, ainsi que les allégations selon lesquelles les affaires de traite à des fins d’exploitation sexuelle donneraient lieu à un règlement pécuniaire plutôt qu’à des poursuites pénales et à des sanctions appropriées.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De s ’ attaquer aux causes profondes de la traite des femmes et des filles en promouvant les activités génératrices de revenus et en améliorant la situation économique des femmes, en particulier dans les zones rurales  ;

b) De faire en sorte que les femmes et les filles victimes de la traite soit identifiées rapidement et orientées vers les services compétents, notamment en formant systématiquement tous les agents des forces de l ’ ordre à l ’ application effective des directives concernant l ’ identification des victimes  ;

c) De favoriser la réadaptation et la réinsertion sociale des victimes, notamment en leur donnant accès à une protection, y compris des lieux d ’ accueil, une assistance et des voies de recours effectives, et en apportant un soutien financier et autre aux organisations de la société civile qui aident les femmes victimes de la traite  ;

d) De faire en sorte que les femmes victimes de la traite soient exonérées de toute responsabilité et bénéficient d ’ une protection adéquate, notamment de programmes de protection des témoins et de permis de séjour temporaires, quelle que soit leur capacité ou leur volonté de coopérer avec les services du ministère public  ;

e) De veiller à ce que les trafiquants et les autres acteurs impliqués dans la traite soient poursuivis et condamnés à des peines adéquates  ;

f) De veiller à ce que les mesures de lutte contre la traite, y compris la législation pertinente, soient utilisées pour poursuivre les trafiquants et offrir des recours efficaces aux victimes, et à ce qu ’ elles ne soient pas utilisées abusivement contre des personnes qui ne sont pas responsables d ’ infractions liées à la traite.

Le Comité est préoccupé par le fait que de nombreuses femmes et filles sont exploitées à des fins de prostitution dans l’État partie et que les prostituées sont poursuivies pour racolage, alors que ceux qui les exploitent sont rarement poursuivis. Il note également avec préoccupation que l’État partie n’a pas pris de mesures efficaces pour s’attaquer aux causes profondes de la prostitution et à la demande de services sexuels, et pour aider les femmes et les filles qui veulent sortir de la prostitution.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De réviser la législation nationale pour dépénaliser la prostitution  ;

b) D ’ enquêter sur les individus qui exploitent les femmes par la prostitution et de les sanctionner  ;

c) De s ’ attaquer aux causes profondes de la prostitution et à la demande de services sexuels et d ’ adopter des mesures ciblées pour empêcher l ’ exploitation des femmes en situation de précarité par la prostitution, notamment en offrant une assistance et d ’ autres sources de revenus aux femmes qui veulent sortir de la prostitution  ;

d) De mettre en œuvre des programmes d ’ assistance, de réadaptation et de réinsertion à l ’ intention des femmes et des filles prostituées.

Participation à la vie publique et politique

Le Comité accueille avec satisfaction les informations fournies par la délégation de l’État partie selon lesquelles la proportion de femmes occupant les postes de chef et de chef adjoint de conseil communal a augmenté, passant à 8 et 14 % respectivement en 2018. Il note néanmoins que cette proportion reste faible et regrette que les femmes continuent d’être sous-représentées au sein des organes législatifs, aux postes ministériels et dans les administrations locales, ainsi que dans la magistrature, la police, le service diplomatique et les établissements universitaires, en particulier aux postes de décision. Il regrette également que les femmes appartenant à des groupes ethniques minoritaires et les femmes autochtones ne soient pas représentées dans la vie politique et publique.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter des mesures, notamment des mesures temporaires spéciales , conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à sa recommandation générale n o 25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales ainsi qu ’ à sa recommandation n o 23 (1997) sur les femmes dans la vie politique et publique, afin d ’ accélérer la participation pleine et égale des femmes à la vie politique et publique, notamment au sein des organes législatifs, aux postes ministériels et dans les administrations locales, ainsi que dans la magistrature, la police, le service diplomatique et les établissements universitaires, en particulier aux postes de décision  ;

b) De créer un environnement propice à la participation des femmes à la vie politique et publique, en particulier en ce qui concerne les femmes appartenant à des groupes ethniques minoritaires et les femmes autochtones, notamment en sensibilisant les dirigeants politiques et le grand public au fait que la participation pleine, égale, libre et démocratique des femmes à la vie politique et publique, dans des conditions d ’ égalité avec les hommes, est indispensable à la pleine réalisation des droits des femmes.

Nationalité

Le Comité demeure préoccupé par les informations indiquant qu’il est difficile pour les femmes d’origine vietnamienne et khmère krom d’obtenir des certificats de naissance pour leurs enfants nés au Cambodge, ainsi que des cartes d’identité nationales pour elles‑mêmes, ce qui les empêche, elles et leurs enfants, d’accéder à l’éducation, au travail, aux soins de santé et au logement. Il est en outre préoccupé par l’insuffisance des garanties visant à faire en sorte que les enfants nés au Cambodge, qui seraient autrement apatrides, puissent obtenir la nationalité cambodgienne et avoir accès à des documents d’identité.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De garantir l ’ accès à la nationalité cambodgienne à toutes les femmes appartenant à des minorités ethniques qui remplissent les conditions requises pour acquérir la nationalité, en particulier les femmes d ’ origine vietnamienne et les femmes khmères kroms, et garantir leur accès à l ’ éducation, à l ’ emploi, aux soins médicaux et au logement  ;

b) De faciliter l ’ accès des femmes apatrides et de leurs enfants aux documents d ’ identité, à l ’ enregistrement des naissances et aux certificats de naissance et de veiller à ce que les fonctionnaires des services concernés ne confisquent pas les documents pendant la procédure d ’ enregistrement  ;

c) De ratifier la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d ’ apatridie.

Éducation

Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie pour améliorer l’accès des filles et des femmes à l’éducation, et notamment de l’octroi de bourses d’études aux filles en situation de pauvreté, de la création d’internats dans les écoles situées en zones rurales et de l’établissement de centres de développement chargés de dispenser des formations informelles aux femmes qui n’ont pas terminé leur scolarité. Il se félicite également de l’augmentation du taux d’alphabétisation des femmes et des filles et du taux de scolarisation des filles dans l’enseignement primaire, ainsi que de l’intégration de cours d’éducation sexuelle dans les programmes scolaires destinés aux élèves de 10 à 18 ans. Il demeure toutefois préoccupé par :

a)Le manque d’écoles secondaires, particulièrement marqué dans les zones rurales, ainsi que les autres obstacles qui empêchent les filles d’entreprendre et de mener à bien des études secondaires et supérieures, parmi lesquels la migration des parents due à la pauvreté, le travail des enfants, les responsabilités domestiques, le mariage précoce et la grossesse précoce ;

b)La faible proportion de femmes qui suivent des études supérieures et le fait que celles qui le font sont cantonnées dans des domaines d’études traditionnellement féminins ;

c)Le fait que les programmes de formation technique, professionnelle et pratique ne tiennent pas compte de la question du genre, ce qui renforce les stéréotypes discriminatoires sexistes et a pour conséquence que les femmes et les filles sont sous‑représentées dans les filières éducatives et professionnelles qui ne sont pas traditionnellement féminines, comme les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De continuer de s ’ employer à améliorer la disponibilité et l ’ accessibilité des écoles secondaires de bonne qualité, en particulier dans les zones rurales, et d ’ éliminer les obstacles particuliers qui empêchent les filles d ’ entamer et de poursuivre des études secondaires et supérieures, parmi lesquels la pauvreté, les attitudes parentales négatives et la préférence accordée à l ’ éducation des garçons, le mariage précoce et la grossesse précoce  ;

b) D ’ encourager les filles et les femmes à suivre des études dans des domaines qui ne sont pas traditionnellement féminins, comme les sciences, la technologie, l ’ ingénierie et les mathématiques, notamment en créant des programmes d ’ orientation scolaire et professionnelle dans les établissements d ’ enseignement secondaire et supérieur  ;

c) D ’ organiser régulièrement des formations approfondies sur l ’ égalité des sexes à l ’ intention des enseignants afin d ’ éliminer les préjugés et les stéréotypes sexistes discriminatoires, en particulier dans les programmes de formation technique, professionnelle et pratique, et de mettre en avant des exemples de femmes qui ont très bien réussi dans des professions non traditionnelles.

Emploi

Le Comité constate avec satisfaction que les femmes sont largement représentées dans la population active de l’État partie. Il demeure toutefois préoccupé par :

a)La forte proportion de femmes qui occupent des emplois faiblement rémunérés et non qualifiés, notamment dans les industries du textile, de l’habillement et de la chaussure et dans le secteur de la construction, où elles sont de surcroît engagées pour des contrats à court terme ou de durée déterminée, ce qui les empêche de pouvoir négocier des conventions collectives par l’intermédiaire de syndicats et les prive des protections et avantages sociaux de base, comme le congé de maternité et les congés payés ;

b)La forte proportion de femmes qui sont employées dans le secteur informel, par exemple en tant que travailleuses domestiques, et ne bénéficient donc pas du régime de protection sociale des travailleurs, notamment le salaire minimum, la rémunération des heures supplémentaires et le congé de maternité ;

c)Le fait que les femmes n’ont guère la possibilité de travailler dans le secteur formel parce qu’elles doivent assumer une part excessive des tâches domestiques et des responsabilités parentales ;

d)L’absence de loi définissant et interdisant expressément la violence et le harcèlement, y compris le harcèlement sexuel sur le lieu de travail (qui serait répandu dans l’État partie, en particulier dans le secteur de l’habillement) et entre le domicile et le lieu de travail ;

e)Le fait que la législation nationale ne garantit pas dûment le respect du principe de l’égalité salariale ;

f)La situation des Cambodgiennes qui émigrent pour travailler dans des secteurs dans lesquels les salaires sont bas, comme l’industrie manufacturière, le travail domestique, l’hôtellerie et l’agriculture, et où elles sont fréquemment victimes de violences et d’exploitation.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De prendre des mesures concrètes pour que les femmes embauchées dans le cadre d ’ un contrat de durée déterminée puissent exercer leur droit à la liberté d ’ association et de réunion, y compris adhérer à un syndicat afin de pouvoir exprimer toutes préoccupations légitimes concernant leurs conditions de travail sans crainte d ’ être renvoyées, et leur droit de bénéficier des avantages sociaux de base, tels que le congé de maternité et les congés payés, et lui recommande à cette fin de faire respecter la décision par laquelle le conseil d ’ arbitrage a fixé la durée totale du contrat de durée déterminée à deux ans maximum et dit que ce type de contrat ne pouvait être renouvelé qu ’ un certain nombre de fois avant d ’ être transformé en contrat de durée indéterminée  ;

b) De protéger les droits des femmes employées dans le secteur informel, notamment en modifiant la loi sur le travail pour que les travailleurs domestiques bénéficient des mêmes protections que les travailleurs des autres secteurs et en adoptant la loi sur les régimes de sécurité sociale afin que les travailleurs du secteur informel aient accès aux prestations sociales  ;

c) D ’ élargir l ’ accès des femmes à l ’ emploi dans le secteur structuré, notamment en encourageant un partage équitable des tâches domestiques et des responsabilités familiales entre les hommes et les femmes, en créant en nombre suffisant des structures d ’ accueil pour les enfants adéquates et en instaurant un congé de paternité  ;

d) D ’ adopter et d ’ appliquer un train complet de mesures législatives visant à prévenir et à combattre la violence et le harcèlement sur le lieu de travail, y compris le harcèlement sexuel, et d ’ établir un mécanisme de plainte indépendant afin que les victimes puissent demander réparation et que les auteurs de pareils actes soient amenés à rendre compte de ce qu ’ ils ont fait  ;

e) D ’ inscrire le principe de l ’ égalité salariale dans la législation nationale, en application de la Convention de l ’ Organisation internationale du Travail (OIT) de 1951 sur l ’ égalité de rémunération (n o 100 )  ;

f) De s ’ employer plus activement à protéger les droits des Cambodgiennes qui émigrent, notamment en veillant à ce que les mémorandums d ’ accord bilatéraux conclus avec les pays d ’ accueil protègent dûment les droits des travailleuses migrantes  ;

g) De ratifier les Conventions de l ’ OIT suivantes  : la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (n o 189 ), la Convention de 2019 sur la violence et le harcèlement (n o 190 ) et la Convention de 2000 sur la protection de la maternité (n o 183 ).

Santé

Le Comité se félicite des mesures que l’État partie a prises pour améliorer l’état de santé des femmes et des filles et l’accès de celles-ci aux services de santé, qui ont entraîné la diminution des taux de mortalité maternelle, de mortalité infantile et de prévalence du VIH et l’utilisation accrue de contraceptifs par les femmes mariées. Cela étant, il constate avec préoccupation :

a)Que l’accès aux services de santé sexuelle et procréative et aux informations pertinentes est limité, notamment l’accès aux contraceptifs modernes et à l’avortement sécurisé et surtout pour les femmes et les filles non mariées, et que celles qui recourent à ces services sont stigmatisées, ce qui entraîne des taux élevés de mortalité maternelle et de grossesses précoces ;

b)Qu’un grand nombre de femmes en âge de procréer souffrent d’insuffisance pondérale et d’anémie, en particulier dans les zones rurales ;

c)Qu’un grand nombre de femmes meurent des suites du cancer du col de l’utérus et que l’État partie n’a fourni aucune information sur les mesures prises pour prévenir et traiter efficacement cette maladie.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De veiller à ce que toutes les femmes et les filles, en particulier les adolescentes, aient accès à des services de santé sexuelle et procréative et aux informations pertinentes, et notamment à ce que celles qui le souhaitent puissent recourir en toute confidentialité à des services d ’ accompagnement psychologique et à des services de dépistage et de traitement du VIH et des infections sexuellement transmissibles, ainsi qu ’ à l ’ avortement sécurisé et à des services post-avortement  ;

b) De combattre la stigmatisation dont sont victimes les filles et les femmes, en particulier celles qui ne sont pas mariées et qui ont recours aux contraceptifs et à l ’ avortement sécurisé, notamment en s ’ assurant que les écoles dispensent effectivement les cours d ’ éducation sexuelle prévus dans les programmes scolaires  ;

c) De veiller à ce que les stratégies et politiques nationales de nutrition permettent de répondre aux besoins nutritionnels qu ’ ont les femmes et les filles aux différentes étapes de leur vie, en particulier aux besoins des femmes en âge de procréer qui vivent en zone rurale  ;

d) D ’ adopter des stratégies concrètes pour prévenir et traiter le cancer du col de l ’ utérus, et notamment de diffuser des informations sur le lien qui existe entre le virus du papillome humain et ce cancer et sur ce qui peut être fait en matière de prévention et de permettre aux femmes et aux filles de faire régulièrement des tests de dépistage de ce virus.

Femmes rurales

Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour améliorer la situation des femmes rurales, notamment de ce qui a été fait pour élargir leur accès à l’eau et à l’assainissement et les encourager à créer des micro, petites et moyennes entreprises afin de subvenir à leurs besoins. Il est toutefois préoccupé par les informations selon lesquelles les institutions de microfinance pratiquent des taux d’intérêt élevés, exigent la remise de titres de propriété en guise de garantie, ciblent les clients pauvres, qui sont en majeure partie des femmes, et, en cas de défaut de paiement, saisissent des terres dont la valeur est généralement bien supérieure à la somme due sans fournir aucune forme de compensation, en conséquence de quoi de nombreuses femmes rurales se retrouvent sans ressources et sans abri.

Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les femmes rurales aient accès à des prêts et à des crédits à faible taux en réglementant le fonctionnement des institutions de microfinance et en établissant un mécanisme de contrôle chargé de vérifier qu ’ elles n ’ exploitent pas leurs clients. Il recommande également à l ’ État partie de faciliter la création de micro, petites, moyennes et même grandes entreprises par les femmes rurales.

Changements climatiques et réduction des risques de catastrophe

Le Comité est préoccupé par le fait que les femmes, en particulier les habitantes des zones rurales, ne sont pas consultées aux fins de l’élaboration et de l’exécution des politiques et des plans d’action relatifs aux changements climatiques et à la réduction des risques de catastrophe, alors qu’elles sont pourtant touchées de manière disproportionnée par les conséquences de ces problèmes étant donné qu’elles sont plus susceptibles que les hommes de dépendre de l’agriculture.

Rappelant sa recommandation générale n o 37 (2018) sur les aspects de la réduction des risques de catastrophe et des changements climatiques ayant trait à la problématique femmes-hommes, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De faire véritablement participer les femmes à la formulation et à l ’ exécution des politiques et des plans d ’ action relatifs aux changements climatiques, aux interventions en cas de catastrophe et à la réduction des risques de catastrophe, non seulement parce qu ’ elles sont touchées de manière disproportionnée par les conséquences des changements climatiques et des catastrophes, mais aussi parce qu ’ elles sont des agents du changement  ;

b) De veiller à ce que les politiques et les plans d ’ action relatifs aux changements climatiques et à la réduction des risques de catastrophe tiennent expressément compte des questions de genre et des besoins particuliers des femmes, en particulier les femmes rurales.

Femmes en détention

Le Comité se félicite des informations fournies par l’État partie, selon lesquelles d’une part, les femmes consommatrices de drogues sont protégées en tant que victimes nécessitant des mesures de réadaptation et ne sont pas considérées comme des délinquantes, et d’autre part, le Ministère de la justice a publié, en 2014, une circulaire relative aux mesures de substitution à la détention et au recours à des moyens extra-judiciaires, dont le contrôle judiciaire, la condamnation avec sursis assortie d’une mise à l’épreuve et le travail d’intérêt général. Il est toutefois préoccupé par :

a)Des informations faisant état du peu de considération par les tribunaux de la situation spécifique des femmes lorsqu’ils prononcent des peines d’emprisonnement, ce qui conduit à la détention inutile de certaines d’entre elles, dont des femmes enceintes et des mères de famille, et entraîne de lourdes conséquences pour les enfants qui sont soit privés de la personne qui s’occupe principalement d’eux soit détenus avec elle dans des conditions précaires ;

b)Des informations selon lesquelles les femmes en détention provisoire seraient détenues avec des femmes condamnées ;

c)La détention de femmes et d’enfants dans des prisons surpeuplées qui ne répondent pas aux normes internationales, notamment en matière d’accès aux soins de santé primaires destinés en particulier aux femmes enceintes.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De prendre d ’ urgence des mesures visant à réduire le nombre de femmes détenues, notamment par l ’ application de la circulaire relative aux mesures de substitution à la détention et au recours à des moyens extra-judiciaires, dont le contrôle judiciaire, la condamnation avec sursis assortie d ’ une mise à l ’ épreuve et le travail d ’ intérêt général, que le Ministère de la justice a publiée en 2014  ;

b) De remédier aux causes profondes de la délinquance chez les femmes, notamment la pauvreté, et de veiller à ce que les juges tiennent compte de la situation spécifique des femmes lorsqu ’ ils prononcent des peines d ’ emprisonnement, ainsi que des conséquences de l ’ incarcération de ces femmes pour leurs enfants et les membres de leur famille  ;

c) D ’ améliorer les conditions dans les centres de détention des femmes conformément aux Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l ’ imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok) et à l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) pour résoudre le problème de la surpopulation carcérale et garantir la fourniture d ’ installations et de services adéquats, en particulier pour les femmes enceintes et les femmes détenues avec leurs enfants.

Mères porteuses

Le Comité note avec préoccupation que depuis la décision adoptée par le Ministère de la santé en octobre 2016 aux fins de la criminalisation de toute forme de gestation pour autrui, plus de 60 femmes ont été arrêtées et fait l’objet de poursuites pénales sous divers chefs d’inculpation. Il note également que certaines de ces femmes ont été remises en liberté moyennant caution, à la condition qu’elles mèneraient leur grossesse à terme et élèveraient l’enfant comme le leur jusqu’à ce que celui-ci atteigne l’âge de 18 ans. Il est en particulier préoccupé par le fait qu’une telle obligation fait peser une charge financière et émotionnelle supplémentaire sur des femmes qui ont été poussées à devenir mères porteuses avant tout en raison de leur situation précaire et subissent à ce titre discrimination et opprobre de la part de leur famille et de la collectivité.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ abroger la décision adoptée par le Ministère de la santé en octobre 2016 et de mettre fin à la pratique consistant à maintenir en détention les mères porteuses et à conditionner leur remise en liberté à l ’ obligation de mener leur grossesse à terme et d ’ élever l ’ enfant comme le leur  ;

b) De remédier aux causes profondes qui sont à l ’ origine de la décision de devenir mère porteuse, telles que la pauvreté et l ’ endettement, en offrant aux femmes en situation de pauvreté l ’ accès à des avantages socioéconomiques, à des prêts à taux favorable et à activités génératrices de revenus décentes  ;

c) De faire en sorte que toutes les lois et politiques et tous les règlements relatifs à la gestation pour autrui tiennent compte des rapports de force inégaux entre les parties à une convention portant sur la gestation pour le compte d ’ autrui, en particulier la position de faiblesse des mères porteuses, l ’ objectif étant d ’ empêcher la privation de liberté et l ’ exploitation, la coercition, la discrimination et la violence à l ’ égard de celles-ci  ;

d) De veiller à ce que le projet de loi relatif à la gestation pour autrui ne fasse pas encourir de responsabilité pénale aux mères porteuses et ne leur impose pas de sanctions administratives, et de solliciter l ’ aide technique du bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme au Cambodge pour s ’ assurer que ladite loi est conforme aux normes internationales en matière de droits de l ’ homme.

Mariage et relations familiales

Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption du plan d’action 2017-2021 visant à prévenir le mariage d’enfants et la grossesse chez les adolescentes de la province de Ratanakiri, lequel est axé sur la mise en œuvre d’un plus grand nombre d’actions de prévention et d’interventions dans les groupes ethniques. Il se déclare toutefois préoccupé par le taux des mariages d’enfants, qui reste élevé dans les communautés autochtones et rurales et il trouve regrettable que l’État partie n’ait pas pris de mesure en dehors de la province de Ratanakiri. Il exprime de nouveau son inquiétude face à l’interdiction qui est faite aux femmes, en vertu de l’article 950 du Code civil, de se remarier dans les 120 jours qui suivent leur divorce.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter des mesures ciblées dans toutes les communautés où le taux des mariages d ’ enfants est élevé, notamment des programmes de sensibilisation aux effets néfastes du mariage précoce sur la santé, le développement et l ’ éducation des filles et à l ’ interdiction légale du mariage avant l ’ âge de 18 ans  ;

b) D ’ abroger l ’ article 950 du Code civil, qui limite indûment le droit des femmes de se remarier étant donné que la paternité peut être établie par d ’ autres moyens moins contraignants, tels que le test d ’ ADN.

Modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

Le Comité invite l ’ État partie à accepter dans les meilleurs délais la modification apportée au paragraphe 1 de l ’ article 20 de la Convention concernant le temps de réunion du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite à l ’ État partie à s ’ appuyer sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing et de continuer d ’ évaluer la réalisation des droits énoncés dans la Convention dans le contexte de l ’ examen, après 25 ans, de la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme en vue de parvenir à une réelle égalité entre femmes et hommes.

Diffusion

Le Comité prie l ’ État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans la langue officielle de l ’ État partie, aux institutions publiques concernées à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, au Parlement et au corps judiciaire, afin d ’ en permettre la pleine application.

Assistance technique

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ établir un lien entre l ’ application de la Convention et l ’ action qu ’ il mène en faveur du développement, et de faire appel à cette fin à l ’ assistance technique régionale ou internationale.

Ratification d’autres instruments

Le Comité souligne que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme contribuerait à promouvoir l ’ exercice effectif des droits individuels et libertés fondamentales par les femmes dans tous les aspects de la vie. Il l ’ invite donc à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, à laquelle il n ’ est pas encore partie.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l ’ État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu ’ il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 19 , 25 b) et 47 d) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l ’ État partie à soumettre son septième rapport périodique en novembre 2023 , comme prévu. Le rapport devra être présenté dans les délais et couvrir toute la période écoulée, jusqu ’ à la date à laquelle il sera soumis.

Le Comité invite l ’ État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, dont le document de base commun et les rapports correspondant à chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).