Nations Unies

CAT/OP/NLD/1

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

3 novembre 2016

Français

Original : anglais

Anglais, espagnol et français seulement

Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Visite aux Pays-Bas − assistance et conseils au mécanisme national de prévention : recommandations et observations adressées à l’État partie

Rapport établi par le Sous-Comité*,**,***

Table des matières

Page

I.Introduction3

II.Le mécanisme national de prévention4

III.Principaux obstacles auxquels fait face le mécanisme national de prévention6

IV.Recommandatons finales11

Annexes

I.List of Government officials and other persons with whom the Subcommittee on Prevention of Torture met13

II.List of places of detention jointly visited by the national preventive mechanism and the Subcommittee on Prevention of Torture15

I.Introduction

Conformément au mandat que lui confère le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci-après « le Protocole facultatif »), le Sous-Comité pour la prévention de la torture (ci‑après « le Sous-Comité ») a effectué sa première visite aux Pays-Bas du 28 au 31 juillet 2015.

La délégation du Sous-Comité était composée de Mme Mari Amos (chef de la délégation), Mme Maria Margarida Pressburger et Mme Aneta Stanchevska.

La délégation du Sous-Comité a aussi bénéficié de l’assistance de deux spécialistes des droits de l’homme du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH).

La visite avait pour objectif de fournir des conseils et une assistance technique au mécanisme national de prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants des Pays-Bas (ci-après « le MNP » ou « le mécanisme »), conformément à l’article 11 b) ii) et iii) du Protocole facultatif. Elle visait également à contribuer au renforcement des capacités et du mandat du mécanisme ainsi qu’à l’évaluation des besoins et des moyens nécessaires afin de renforcer la protection des personnes privées de liberté contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants aux Pays-Bas.

Au cours de sa visite, la délégation du Sous-Comité a rencontré des responsables du Ministère de la sécurité et de la justice, de la Police nationale, de l’Agence nationale des institutions pénitentiaires, du Service du rapatriement et du départ, du Ministère des affaires étrangères et, enfin, du Ministère de la santé, de la protection sociale et de la jeunesse. Elle a aussi rencontré des représentants de l’Institut néerlandais des droits de l’homme, du bureau du Médiateur national ainsi que de la société civile (voir annexe I).

L’une des principales raisons de la visite étant d’offrir au mécanisme national de prévention des conseils et une assistance technique, plusieurs rencontres ont eu lieu avec des membres du MNP et des institutions associées afin de débattre des méthodes de travail du MNP et d’étudier les moyens de renforcer et d’accroître son efficacité, comme il est expliqué ci-après. Pour se rendre compte de la méthode de travail du MNP, la délégation du Sous-Comité l’a accompagné dans les visites de deux lieux de privation de liberté, qui avaient été choisis par le MNP (voir annexe II). Lors de ces visites conjointes, les membres du Sous-Comité ont joué le rôle d’observateurs tandis que les membres du mécanisme conduisaient la visite.

Le Sous-Comité remercie les autorités du Royaume des Pays-Bas d’avoir facilité sa visite, conformément aux obligations qui incombent à l’État partie en vertu du Protocole facultatif. Il les remercie aussi de l’avoir aidé à organiser des réunions pour mieux comprendre le cadre juridique, structurel et institutionnel du mécanisme national.

Le présent rapport contient des recommandations et des observations adressées à l’État partie à cette fin, formulées en application de l’article 11 b) iv) du Protocole facultatif.

Le Sous-Comité demande à l ’ État partie de lui répondre dans les six mois suivant la date de transmission du présent rapport et de lui donner un compte rendu des mesures prises ainsi qu ’ une feuille de route pour la pleine mise en œuvre des présentes recommandations.

Le présent rapport est transmis à l’État partie à titre confidentiel ; la décision de le rendre public est laissée à sa discrétion.

Le Sous-Comité recommande toutefois à l ’ État partie de demander la publication du présent rapport, comme l ’ ont fait d ’ autres États parties au Protocole facultatif, et souhaite être informé de la décision que prendra l ’ État partie à cet égard.

Le Sous-Comité tient à appeler l’attention de l’État partie sur le Fonds spécial créé en vertu de l’article 26 du Protocole facultatif. Les recommandations formulées par le Sous‑Comité dans ses rapports de visites qui ont été rendus publics peuvent servir de base à l’État partie pour faire une demande de financement de projets spécifiques auprès du Fonds spécial.

En outre, conformément à son mandat, tel qu’il est défini à l’article 11 b) ii) et iii), le Sous-Comité adressera séparément au MNP des Pays-Bas un rapport confidentiel.

II.Le mécanisme national de prévention

Les Pays-Bas ont ratifié le Protocole facultatif le 28 septembre 2010. En décembre 2011, le Ministère néerlandais de la sécurité et de la justice a désigné officiellement, par lettre, six institutions existantes pour former son mécanisme national de prévention, dont trois corps d’inspection nationaux (l’Inspection de l’ordre public et de la sûreté, l’Inspection des soins de santé et l’Inspection de la protection de la jeunesse), ainsi que la Commission de surveillance des rapatriements, le Conseil d’administration de la justice pénale et de la protection des mineurs et l’Inspection de l’application des sanctions.

En janvier 2012, l’Inspection de l’application des sanctions a fusionné avec l’Inspection de l’ordre public et de la sûreté, pour devenir l’Inspection de la sécurité et de la justice, qui est chargée de la coordination de l’action menée par le mécanisme national de prévention. En 2014, la Commission de surveillance des rapatriements a aussi fusionné avec l’Inspection de la sécurité et de la justice. Le MNP forme aujourd’hui une structure en réseau, composée de quatre membres (Inspection de la sécurité et de la justice, Inspection des soins de santé, Inspection de la protection de la jeunesse et Conseil d’administration de la justice pénale et de la protection des mineurs) et d’observateurs associés.

Lorsque le MNP a été désigné, quatre observateurs associés ont été nommés : la Commission de surveillance des établissements pénitentiaires, la Commission de surveillance de la garde à vue, la Commission de surveillance de la détention militaire et le Médiateur national. Chaque commission chapeaute des comités de citoyens qui observent les conditions de détention dans des lieux précis de détention sur l’ensemble du territoire national. L’État partie entendait que ces observateurs associés complètent l’action menée par le MNP et assurent une couverture large des lieux de détention. Ces observateurs n’ont pas à proprement parler un statut officiel de MNP, mais ils sont chargés de participer aux réunions du MNP et de lui faire part de leurs préoccupations.

Le bureau du Médiateur national, instance indépendante chargée d’enquêter sur les allégations de pratiques illicites dans l’administration, s’est toutefois retiré du réseau du mécanisme national de prévention en 2014. Dans une lettre datée du 24 septembre 2014, le Médiateur a cité les trois grandes préoccupations qui motivaient ce retrait : 1) la structure en réseau du mécanisme et le manque de coopération entre les organisations qui le composaient ; 2) l’indépendance et les moyens d’action limités des inspections par rapport aux autorités nationales dont elles relevaient ; 3) le manque de vision du mécanisme. Sans aller jusqu’à démissionner du réseau, le Conseil d’administration de la justice pénale et de la protection des mineurs a aussi manifesté ses inquiétudes concernant l’autonomie et le fonctionnement du mécanisme.

Base juridique

Jusqu’à présent, il n’existe pas d’instrument législatif unique qui désigne le MNP et en réglemente les activités. Les inspections opèrent conformément à la loi générale relative à l’administration, qui définit le mandat des organes de surveillance constituant la base juridique de l’action menée par le MNP. La loi accorde à ces organes le pouvoir général de se rendre dans tous les établissements de l’État, d’y demander des renseignements correspondant à leur mandat et de mener les recherches voulues. En outre, chaque membre du MNP se fonde sur ses propres textes fondateurs, qui font l’objet d’un certain nombre de lois et de règlements et qui forment la base juridique des autres activités du MNP.

Activités

Dans le cadre de la structure pluri-institutionnelle actuelle, chaque institution membre du MNP exerce des responsabilités précises en matière de suivi et de conseil. L’Inspection de la sécurité et de la justice s’occupe du secteur de la sécurité et de la justice, et plus particulièrement de l’application des sanctions, des affaires concernant la police, ainsi que des questions de migration, d’asile et de sécurité nationale. L’Inspection des soins de santé supervise les institutions de soins de santé et de protection sociale, et connaît des plaintes relatives aux services de santé, tandis que l’Inspection de la protection de la jeunesse contrôle la qualité des services en faveur de la jeunesse et mène des enquêtes thématiques d’ordre réactif.

Le Conseil d’administration de la justice pénale et de la protection des mineurs est habilité à prendre des décisions concernant les appels relatifs au placement et au transfèrement, aux sanctions disciplinaires et aux mesures spéciales, aux soins médicaux prodigués par les médecins des institutions et au refus d’accorder des permissions de sortie. Dans le cadre du MNP, outre ces décisions et les conseils qu’il donne sur des questions thématiques, le Conseil s’occupe aussi, au premier chef, de conseiller le Gouvernement sur des questions de politiques publiques.

Par le biais de leurs comités, les institutions observatrices du MNP, dont la Commission de surveillance de la garde à vue et la Commission de surveillance des établissements pénitentiaires, effectuent aussi des visites des cellules dans les postes de police et les établissements pénitentiaires.

Le Sous-Comité prend acte des efforts que fait l’État partie pour respecter ses obligations au titre du Protocole facultatif et exprime sa gratitude pour l’appui fourni avant et pendant la visite, qui lui a permis de s’entretenir avec les différentes parties concernées et de contrôler la manière dont le mécanisme national de prévention s’acquitte de son mandat. Le Sous-Comité constate que le mécanisme national de prévention se heurte à plusieurs obstacles qui l’empêchent de s’acquitter pleinement et efficacement de ses fonctions. La partie ci-après du rapport est consacrée aux obstacles en question et aux recommandations adressées à l’État partie.

III.Principaux obstacles auxquels fait face le mécanisme national de prévention

L’État partie est certes libre de déterminer la structure que doit prendre son mécanisme national de prévention, mais il doit aussi veiller à ce que celui-ci soit pleinement conforme aux dispositions du Protocole facultatif, compte tenu des Directives concernant les mécanismes nationaux de prévention (Directives concernant les MNP). Il importe aussi que l’indépendance fonctionnelle et opérationnelle du mécanisme soit garantie, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales (Principes de Paris).

Base juridique

Tout en prenant note de l’existence de dispositions juridiques servant de fondement à chacune des différentes institutions au sein du MNP, le Sous-Comité constate une lacune criante dans le fonctionnement actuel du MNP, à savoir l’absence de textes législatifs distincts qui définiraient les fonctions précises du MNP, son mandat et les relations entre ses membres et les autres organismes, tels que les institutions observatrices et l’Institut néerlandais des droits de l’homme, ainsi que d’autres aspects qui méritent d’être réglementés, comme cela est prévu dans la quatrième partie du Protocole facultatif.

Le Sous-Comité constate aussi que la priorité a été donnée aux fonctions de surveillance du MNP tandis que les autres fonctions comme celles relatives à l’information, la sensibilisation, la formulation d’observations sur les lois et le renforcement des capacités ont été négligées. Cela peut aussi être dû à l’absence d’une loi distincte relative au MNP, qui conférerait à ce dernier de telles fonctions et le doterait des ressources humaines lui permettant d’être davantage tourné vers l’extérieur, en plus de son mandat de visite.

Si la structure du mécanisme national de prévention est laissée à l ’ appréciation de l ’ État partie, il n ’ en reste pas moins que l ’ État partie doit impérativement adopter une loi pour garantir que le MNP soit pleinement conforme au Protocole facultatif et aux Directives concernant les mécanismes nationaux de prévention. En effet, le Sous ‑Comité juge essentiel d ’ adopter une loi distincte pour garantir cette conformité, bien que l ’ adoption de cette loi portera ses fruits seulement une fois définis une stratégie en matière de prévention de la torture et un modèle de MNP approprié pour les Pays ‑Bas.

Le Sous-Comité tient à souligner combien il importe que le mécanisme national de prévention soit investi, par la loi, des fonctions fondamentales d ’ un tel mécanisme, lui permettant notamment d ’ examiner régulièrement la façon dont sont traitées les personnes privées de liberté dans tous les lieux de détention, comme défini à l ’ article 4 du Protocole facultatif, de formuler des recommandations à l ’ intention des autorités compétentes et de présenter des propositions et observations sur la législation en vigueur et en projet. Le cadre juridique régissant le mécanisme devrait aussi exiger que le financement de celui-ci provienne d ’ un poste budgétaire distinct dans le budget de l ’ État, afin que le mécanisme jouisse toujours d ’ une autonomie financière et opérationnelle. En outre, il devrait définir les privilèges et immunités accordés aux membres du MNP et à ceux qui contribuent au travail de celui-ci, notamment les experts et les acteurs de la société civile, tout en garantissant la protection des personnes qui fournissent des renseignements au MNP.

Visibilité et coopération

Le Sous-Comité a constaté que les inspections au sein du MNP avaient bonne réputation et étaient écoutées lorsqu’elles formulaient des recommandations à l’intention de leurs ministères respectifs. Lors des discussions qu’elles ont eues avec le Sous-Comité, les autorités ont confirmé que le travail des inspections était apprécié. Le Sous-Comité a aussi relevé que les inspections suivaient les protocoles de visite établis et que les autorités leur faisaient confiance pour ce qui était d’effectuer un travail de qualité. En outre, l’approche de proximité adoptée par les commissions de surveillance et par les comités qu’elles représentent apporte un précieux complément au réseau du MNP, de même que les conseils prodigués par le Conseil d’administration de la justice pénale et de la protection des mineurs.

Le Sous-Comité constate toutefois que, dans l’ensemble, le MNP est largement invisible. En l’absence d’un mandat distinct, de tâches précises, de ressources propres et de coopération systématique avec les autres parties prenantes nationales et internationales, le MNP peut difficilement être perçu comme une entité à part entière.

Au moment de sa visite, le Sous-Comité a observé qu’à l’exception de son rapport annuel, le MNP ne publiait pas de document en son nom propre. Le personnel des institutions relevant du MNP s’identifie par rapport à sa propre institution et continue d’effectuer le même travail qu’il faisait avant que son institution ne soit désignée comme partie constituante du MNP. En outre, le Sous-Comité a reçu des informations selon lesquelles les autorités ne discutent pas de manière proactive des rapports du MNP. En conséquence, le MNP n’est guère connu par les parties prenantes publiques, la société civile et la population dans son ensemble.

En outre, les inspections mènent certes des visites conjointes et collaborent à l’élaboration de rapports sur les incidents observés, tels que les décès en garde à vue, mais le Sous-Comité a constaté que toute interaction et coopération supplémentaires entre les différentes institutions du MNP, ainsi qu’entre les membres du MNP et les observateurs associés, dépendaient largement de la disponibilité et de la volonté de ces institutions de travailler ensemble. Le Sous-Comité relève que toutes les composantes du MNP ne participent pas de manière égale à toutes ses activités. Par exemple, les observateurs ne prennent pas part aux visites et participent moins aux réunions trimestrielles du MNP. En outre, le Conseil d’administration de la justice pénale et de la protection des mineurs formule des observations sur les projets de loi, mais il n’est pas habilité à fournir des conseils sur les politiques de toutes les catégories d’institutions. Dans le même temps, les pouvoirs divergents des diverses institutions donnent lieu à une inégalité d’accès à des informations telles que les dossiers médicaux, ce qui exige une collaboration plus étroite entre ces institutions. Par conséquent, le mandat de prévention de la torture a un caractère irrégulier, ne s’inscrit pas dans une stratégie globale et ne fait pas l’objet d’un suivi systématique ni d’une coopération mutuelle.

Le Sous-Comité relève également que plusieurs parties prenantes, notamment la société civile, ont demandé que la structure du MNP adopte une approche durable et plus participative. Actuellement, le MNP ne fait pas activement participer les acteurs de la société civile à ses activités et ne profite pas pleinement de l’expertise d’autres institutions qui ont un mandat relatif aux droits de l’homme, dont l’Institut néerlandais des droits de l’homme et le Médiateur national.

Le Sous-Comité estime donc fondamental que l ’ État partie définisse tout d ’ abord une vision unifiée de son travail de prévention de la torture, en tenant compte des meilleures pratiques et des données d ’ expérience de tous les mécanismes nationaux chargés de surveiller les droits de l ’ homme et les lieux de détention. Ce travail devrait permettre d ’ établir une feuille de route concernant la façon dont les parties prenantes peuvent, aux côtés du MNP, contribuer à la prévention de la torture dans le pays. En outre, eu égard à la contribution que les observateurs associés apportent, l ’ État partie devrait préciser leur statut et envisager de renforcer leur rôle au sein du MNP.

Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que son MNP soit reconnu comme une composante clef du système national de prévention de la torture et des mauvais traitements. À cet égard, il recommande au MNP de se tourner davantage vers l ’ extérieur, notamment par le dialogue avec la société civile et les institutions chargées des questions relatives aux droits de l ’ homme, telles que le bureau du Médiateur national et l ’ Institut néerlandais des droits de l ’ homme. En outre, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour aider le MNP à accroître sa visibilité de manière à ce que son mandat et son action soient bien connus des autres parties prenantes nationales et du grand public. L ’ État partie peut contribuer à améliorer la visibilité des activités du mécanisme national de prévention, par exemple en coordonnant les campagnes de sensibilisation du public, en produisant, dans différentes langues, des matériels d ’ information concernant le mandat et les activités du mécanisme et en les distribuant au personnel des lieux de détention et aux personnes détenues ainsi qu ’ à la société civile et, enfin, en informant les associations d ’ utilisateurs des services, les avocats et les magistrats.

En outre, le Sous-Comité encourage l ’ État partie à mettre en place, de concert avec le MNP, un cadre institutionnel pour débattre des rapports du MNP et en suivre l ’ application, en ayant à l ’ esprit l ’ article 23 du Protocole facultatif et le paragraphe 29 des Directives concernant les MNP, qui renvoient tous deux à l ’ obligation des États parties de publier et diffuser largement les rapports annuels des MNP.

Indépendance

La question de l’indépendance, bien que sensible, est au cœur des préoccupations du Sous-Comité. La proximité des services d’inspection avec les ministères, tant du point de vue de leur établissement que de leur fonctionnement, menace la crédibilité du MNP. Par exemple, les inspections se trouvent dans les mêmes locaux que leurs ministères respectifs et y sont rattachés sur le plan financier, logistique et de la supervision. Les programmes de travail sont proposés ou approuvés par les ministres et les rapports de visite sont transmis à ces derniers pour examen avant qu’ils ne soient rendus publics. En outre, le fait que le grand public ait peu été consulté sur la mise en place du MNP a suscité le scepticisme de la société civile, avec laquelle le MNP devrait collaborer harmonieusement.

Les inspections membres du MNP ont affirmé qu’elles peuvent, dans la pratique, mener leurs activités à bien sans ingérence. Ces affirmations sont néanmoins assombries par une partialité apparente, exacerbée par l’absence de base juridique distincte pour le MNP. Cette perception d’interdépendance représente un obstacle important pour le grand public et la société civile et a été signalée par les institutions associées comme étant une entrave à la collaboration. À titre d’exemple, une récente initiative ayant pour objectif d’examiner les conditions de vie des détenus condamnés à la réclusion à perpétuité, sujet politiquement sensible, a suscité des controverses et n’a pas été menée à terme. En outre, malgré les assurances d’une indépendance fonctionnelle, le degré d’autonomie dont jouissent actuellement les membres du MNP dans la pratique n’est pas garanti pour l’avenir sur le plan institutionnel.

Par conséquent, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de séparer clairement le mandat de ses inspections et du Conseil d ’ administration de la justice pénale et de la protection des mineurs de celui du MNP ou de définir des fonctions distinctes relatives au MNP au sein de ces institutions qui peuvent être assurées de manière complétement autonome, conformément aux Directives concernant les MNP. Le MNP devrait compléter les systèmes de surveillance existants aux Pays-Bas et il convient de prendre en considération, lors de sa création, la collaboration et la coordination efficaces entre les mécanismes de prévention à l ’ intérieur du pays, sans exclure la création ou l ’ utilisation d ’ autres mécanismes complémentaires de ce type.

Le Sous-Comité encourage en outre l ’ adoption d ’ une loi garantissant l ’ indépendance fonctionnelle et opérationnelle du MNP, en tenant dûment compte des Principes de Paris.

Couverture des lieux de détention

Une importante limitation à l’action du MNP est le manque de clarté quant à la manière dont l’État partie mettra en œuvre les dispositions du Protocole facultatif dans les Caraïbes néerlandaises, notamment à Bonaire, Saint-Eustache et Saba. Au cours de sa visite, le Sous-Comité a relevé qu’un conseil de supervision avait été créé dans ces îles et que l’Inspection de la sécurité et de la justice, l’Inspection des soins de santé et l’Inspection de la protection de la jeunesse avaient effectué une visite initiale des lieux de détention qui y étaient situés. Toutefois, malgré les recommandations du Comité contre la torture et du Comité des disparitions forcées tendant à ce que le Protocole facultatif soit appliqué de la même façon dans les Caraïbes néerlandaises, le Sous-Comité relève que le MNP dans son ensemble ne mène pas d’activités régulières de prévention dans ces îles. Le Conseil d’administration de la justice pénale et de la protection des mineurs, par exemple, n’a pas compétence dans les territoires d’outre-mer, ce qui crée des lacunes dans la capacité du MNP de fournir des conseils sur les politiques relatives à ces territoires. En outre, les inspections n’ont pas mené d’activités conjointes dans les Caraïbes. Ces lacunes dans la surveillance sont inquiétantes, eu égard aux informations provenant des Caraïbes néerlandaises qui font état d’un manque de garanties et de mauvais traitements, entre autres problèmes concernant les droits de l’homme.

Le Sous-Comité est préoccupé, non seulement par les lacunes dans l’application du Protocole facultatif dans les Caraïbes néerlandaises, mais également par le fait que le MNP des Pays-Bas n’assure pas le suivi des lieux de détention situés aux Pays-Bas qui sont loués par d’autres États et qui hébergent des personnes détenues par ces États. Les membres du MNP des Pays-Bas estiment que c’est au MNP de l’État qui envoie des personnes aux Pays-Bas de surveiller ces lieux de détention. Or, un État d’envoi n’est pas partie au Protocole facultatif et n’a donc pas de mécanisme national de prévention. En outre, le MNP d’un autre État d’envoi s’est dit préoccupé par le fait qu’il est empêché, dans la pratique, de surveiller ces lieux de détention. Par exemple, le personnel de maintien de l’ordre dans les lieux de détention en question, qui devrait être interrogé et conseillé par le MNP, était apparemment recruté par l’État partie et non par l’État d’envoi. De plus, même si l’autorisation de mener des visites dans les prisons est accordée, le MNP de l’État d’envoi a quand même un accès restreint aux institutions et systèmes des Pays-Bas − s’agissant par exemple de la fourniture générale de soins de santé aux détenus par rapport à celle en dehors des lieux de détention − qui devraient être contrôlés dans le cadre de ces visites afin de prévenir la torture et les mauvais traitements. Enfin, la capacité des MNP de mener un suivi depuis les États d’envoi est plus restreinte, ce qui peut créer davantage de lacunes dans le système de prévention de la torture des Pays-Bas.

Enfin, le Sous-Comité ne sait pas avec certitude si le MNP surveille suffisamment la situation des personnes détenues, quel que soit le lieu de privation de liberté. Certaines catégories d’institutions, comme les centres de détention militaires, sont couvertes essentiellement par des observateurs du MNP et encore, pas de manière régulière. De plus, en fonction du lieu, il peut arriver que l’inspection ne révèle pas des problèmes systémiques, qui exigent une approche transversale. Il peut aussi arriver que l’inspection ne couvre pas certains épisodes de la chaîne de la garde à vue, tels que le transfèrement ou la période qui suit immédiatement l’arrestation, épisodes pendant lesquels des actes de torture et des mauvais traitements peuvent être commis. Qui plus est, d’après la société civile, les activités de la Commission de surveillance des rapatriements, qui avait auparavant un double mandat consistant à surveiller la mise en œuvre de la politique de rapatriement et à veiller à ce qu’elle soit appliquée avec humanité, ont été reprises par l’Inspection de la sécurité et de la justice, où la surveillance de la période de détention aux fins du rapatriement peut être éclipsée par des priorités concurrentes.

Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l ’ applicabilité du Protocole facultatif dans les Caraïbes néerlandaises. Une application large du Protocole facultatif permettrait à toutes les personnes se trouvant aux Pays-Bas de bénéficier de ses dispositions et garantirait une protection égale contre la torture et les mauvais traitements dans l ’ ensemble de l ’ État partie. En outre, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ inscrire les problèmes concernant les droits de l ’ homme et l ’ applicabilité du Protocole facultatif parmi ses priorités au cours de l ’ examen continu des politiques relatives à la question de savoir comment la législation sera appliquée dans ces îles.

Lorsqu ’ un État d ’ envoi conclut un arrangement en vertu duquel des personnes détenues par cet État doivent être placées dans des établissements situés aux Pays-Bas, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ habiliter son MNP à rendre visite à ces détenus, comme une conséquence naturelle de son droit de rendre visite à toutes les personnes privées de liberté placées sous la juridiction ou sous le contrôle de l ’ État partie. Cela vient s ’ ajouter à la recommandation du Sous-Comité selon laquelle les États d ’ envoi devraient aussi faire en sorte que leurs MNP aient la capacité juridique et pratique de rendre visite à ces détenus. Après avoir effectué ces visites, le MNP des Pays-Bas devrait être en mesure de présenter ses recommandations et d ’ engager un dialogue avec les autorités de l ’ État d ’ envoi et de l ’ État partie à des fins de prévention.

Enfin, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que tous les lieux de détention soient inclus dans les visites du MNP, conformément à l ’ évaluation faite par le Sous-Comité selon laquelle toute personne privée de sa liberté doit être couverte par le Protocole facultatif. Cela s ’ applique aussi aux institutions de protection sociale, aux centres de détention militaires et aux périodes de privation de liberté lors de l ’ arrestation, du transfèrement ou de l ’ expulsion du pays.

Ressources

Le Sous-Comité constate avec préoccupation que le MNP ne dispose pas des capacités voulues pour mener à fond son travail de prévention, comprenant des visites, des activités de sensibilisation et un dialogue avec la société civile, spécialement si l’on tient compte du fait qu’il doit suivre la situation des lieux de détention dans les îles des Caraïbes. En décembre 2013, l’Inspection de la sécurité et de la justice comptait 59 employés, dont 10 exerçaient des fonctions liées au MNP. Parmi les 537 employés de l’Inspection des soins de santé, 30 participaient au travail du MNP. À titre de comparaison, l’Inspection de la protection de la jeunesse a affecté 23 de ses 47 employés à des fonctions ayant trait au MNP. En outre, le Conseil d’administration de la justice pénale et de la protection des mineurs compte 60 membres spécialisés dans différents domaines. Le Sous-Comité relève toutefois que les quatre institutions qui composent le MNP ne reçoivent ni financement ni ressources humaines supplémentaires pour s’acquitter des tâches spécifiques au MNP et que le personnel qui exerce des fonctions liées au MNP le fait en sus d’autres tâches. Les organisations associées agissant en qualité d’observateurs du MNP manquent aussi de ressources, ce qui se traduit par des formations limitées. En outre, le Sous-Comité comprend que le manque de financement n’a pas encouragé les membres du MNP à étendre leur programme de travail à l’action préventive et que ceux-ci ont limité le nombre de fonctions prévues dans le Protocole facultatif qu’ils exécutent.

Tout en comprenant l ’ intérêt de l ’ État partie à préserver ses ressources, le Sous-Comité invite instamment l ’ État partie à fournir au mécanisme national de prévention, dans sa forme actuelle et ses formes futures, les ressources humaines et financières dont il a besoin pour exécuter de manière systématique et adéquate toutes les tâches qui relèvent de son mandat, conformément au paragraphe 3 de l ’ article 18 du Protocole facultatif et aux paragraphes 8, 11 et 12 des Directives concernant les mécanismes nationaux de prévention.

L ’ État partie devrait garantir le financement du mécanisme national de prévention en prévoyant, dans le budget annuel national, des crédits budgétaires distincts consacrés spécialement au financement du mécanisme. Ces ressources devraient permettre au mécanisme national de prévention de réaliser les visites prévues dans toutes les régions de l ’ État partie et d ’ effectuer des visites de suivi, étant donné que le fait de disposer d ’ un budget adéquat contribuerait à garantir et à renforcer son indépendance fonctionnelle et institutionnelle. Cela lui permettrait aussi d ’ établir des plans annuels de visites et de s ’ assurer le soutien systématique des autres organes avec lesquels il voudrait coopérer. Il devrait en outre disposer de suffisamment de ressources pour satisfaire ses besoins logistiques et d ’ infrastructure, notamment la publication de ses rapports et la gestion des divers outils de diffusion, ce qui lui permettrait de s ’ acquitter pleinement de son mandat.

Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que le mécanisme national de prévention puisse effectuer des visites comme il l ’ entend, tant en ce qui concerne leur fréquence que la manière dont elles sont conduites, en mettant à sa disposition les ressources nécessaires pour lui permettre de fonctionner efficacement. Outre la fourniture des ressources financières nécessaires, cette obligation s ’ étend aussi au fait de doter le mécanisme national de prévention d ’ effectifs suffisants et de mieux garantir leur indépendance.

IV.Recommandations finales

Le Sous-Comité rappelle que la prévention de la torture constitue une obligation permanente et de large portée incombant à l’État partie.

Il prie par conséquent l ’ État partie de le tenir informé de toute éventuelle révision législative ou modification de politique, ou de tout autre fait nouveau pertinent concernant le mécanisme national de prévention, pour lui permettre de continuer à aider l ’ État partie à s ’ acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du Protocole facultatif.

Le Sous-Comité souligne que sa visite offre aux Pays-Bas une occasion idéale de montrer qu’ils sont disposés et prêts à s’acquitter de leurs obligations internationales au titre du Protocole facultatif. Il considère que sa récente visite de conseil et le présent rapport marquent le début d’un dialogue constructif avec l’État partie. Le Sous-Comité est disposé à aider les Pays-Bas à s’acquitter des obligations qui leur incombent en vertu du Protocole facultatif, en particulier en leur fournissant une assistance technique et des conseils, afin d’atteindre l’objectif commun de prévention de la torture et des mauvais traitements dans les lieux de privation de liberté.

Comme indiqué au paragraphe 11, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de rendre public le présent rapport, considérant que cela est en soi une mesure de prévention. Il lui recommande aussi de faire distribuer ce rapport à tous les départements et établissements publics concernés.

Annexes

Annexe I

[Anglais seulement]

List of Government officials and other persons with whom the Subcommittee on Prevention of Torture met

I.Authorities

Ministry of Security and Justice

Ms. Michèle Blom, Director-General of Sanctions and Prevention

Ms. Anna Lodeweges, Policy Coordinator, Directorate-General for European and International Affairs

Ms. Marianne Vink, Policy Advisor

Ms. Meije Jeurens, Detention Portfolio

Ministry of Foreign Affairs

Mr. Ronald van Roeden, Deputy Secretary-General

Ms. Kim de Jong, Director of Multilateral Organizations and Human Rights

Ms. Noortje van Rijssen, Legal Affairs

Ms. Lila Dela Cole, Senior Policy Officer for Human Rights

Ministry of Health Welfare and Youth

Ms. Atty Bruins, Youth Management Team

Ms. Swana van Schaardenburg, Policy Advisor for International Affairs

National Police Force

Mr. Frank Paauw, Police Cells Portfolio

National Agency of Correctional Institutions

Mr. Peter Hennephof, Director

Repatriation and Departure Service

Ms. Rhodia Maas, Director

National Preventive Mechanism

Inspectorate of Security and Justice (IVenJ)

Mr. J.G. (Gertjan) Boss, Head

Ms. A.P. (Annejet) Meijler, Program Director

Mr. Ewald Riks, Program Director

Ms. A.H. (Andrea) Steenbrink, Senior Advisor

Mr. J.J. (Hans) Merkus, Strategic Inspector

Ms. Anne Marie Ijzerman, Senior Inspector

Inspectorate for Youth Care (IJZ)

Ms. G.E.M. (Gemma) Tielen, Chief Inspector

Mr. C.J. (Cees) Reedjk, Strategic Inspector

Mr. F. (Falk) de Man, Senior Advisor

Mr. S.C. (Sandra) Mulder, Senior Inspector

Health Care Inspectorate (IGZ)

Ms. J.F. (Joke) de Vries, Chief Inspector

Mr. H.C. (Henk) Milius, Senior Inspector

Council for the Administration of Criminal Justice and Protection of Juveniles (RSJ)

Mr. F.A.M. (Eric) Bakker, Vice Chairman

Associates to the National Preventive Mechanism

Mr. H.G. (Henrik) Vis, Chairman, Commission of Oversight for Penitentiaries

M. (Jos) Waals, Member, Commission of Oversight for Police Cells

II.Others

National Ombudsman

Ms. Adriana Stehouwer, Deputy National Ombudsman

Mr. Munish Ramlal, Policy Advisor

Netherlands Institute for Human Rights

Ms. Anne van Eijndhoven, Policy Advisor

Civil Society

Amnesty International – Netherlands

Stichting Landelijk Ongedocumenteerden Steunpunt (Stichting LOS)

Vereniging Asieladvocaten en Juristen Nederland (VAJN, Dutch Association of Asylum Lawyers)

Utrecht University School of Law

Annexe II

[Anglais seulement]

List of places of detention jointly visited by the national preventive mechanism and the Subcommittee on Prevention of Torture

Almere (adult) penitentiary institution

Lelystad (juvenile) penitentiary institution