Nations Unies

CMW/C/SR.137

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. générale

26 novembre 2010

Original: français

NATIONS UNIES Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Trei zième session

Compte rendu analytique de s partie s publique s* de la 137 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 22 novembre 2010, à 10 heures

Président:M. El Jamri

Sommaire

Ouverture de la session

Déclaration liminaire de M. Craig Mokhiber, administrateur chargé du Service des questions économiques et sociales et du développement (Haut-Commissariat aux droits de l’homme)

Adoption de l’ordre du jour

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 37 de la Convention

Dialogue avec les organisations non gouvernementales à propos du rapport initial du Sénégal

Dialogue avec les organisations non gouvernementales à propos du deuxième rapport périodique de l’Équateur

La séance est ouverte à 10 h 10.

Ouverture de la session

1.Le Président déclare ouverte la treizième session du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Déclaration liminaire de M. Craig Mokhiber, administrateur chargé du Service des questions économiques et sociales et du développement (Haut-Commissariat aux droits de l ’ homme)

2.M. Mokhiber (Administrateur chargé du Service des questions économiques et sociales et du développement) informe le Comité de la déclaration commune formulée à l’occasion du Sommet sur les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) par les présidents des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, qui ont invité les États Membres à garder les droits de l’homme présents à l’esprit lorsqu’ils mettraient la dernière main au document final du Sommet et qui ont souligné les liens indissociables et réciproques entre la réalisation des OMD et la réalisation pleine et effective des droits de l’homme.

3.Le renforcement du système des organes conventionnels est aujourd’hui un important sujet de débat. Récemment, des experts ont été invités par l’Université de Poznań (Pologne) à réfléchir, en particulier, à la question de l’indépendance des membres des comités et au renforcement du rôle de leurs présidents. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, pour sa part, organise actuellement une série de consultations avec l’ensemble des organes conventionnels – dont le Comité des droits des travailleurs migrants, en avril prochain – sur l’évolution future des travaux du système, et notamment sur les méthodes de travail, afin de préparer les réunions intercomités et les réunions des présidents de comités. Désireux de favoriser un rapprochement entre les organes conventionnels et l’échelon d’application, les ONG et les mécanismes régionaux, de faire connaître leur action au niveau européen, d’établir des synergies et d’améliorer la coordination entre les mécanismes régionaux et internationaux de défense des droits de l’homme, les présidents ont quitté Genève pour la première fois et ont tenu leur 22e réunion à Bruxelles en juillet 2010.

4.Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a pris note des préoccupations légitimes du Comité concernant l’appui fonctionnel qu’il reçoit. Toutefois, la demande de services explose sous l’effet, notamment, de la documentation toujours plus volumineuse requise par le Conseil des droits de l’homme, de la multiplication des organes conventionnels et de l’évolution de leurs procédures, sans augmentation correspondante des ressources. L’Assemblée générale a été informée de ce problème. Dans ce contexte, la réunion intercomités a formulé une recommandation, relayée par le secrétariat aux États parties, demandant à tous les organes conventionnels d’imposer des limites à la longueur des rapports qui leur sont présentés. Un certain nombre d’organes a d’ailleurs commencé à faire systématiquement référence à cette limitation dans les observations finales. Parallèlement, l’examen des méthodes de travail auquel le Comité a décidé de se livrer pendant la présente session est opportun car il est difficile pour les États parties de condenser leurs rapports et leurs réponses lorsque les recommandations qui leur sont faites ou les questions qui leur sont posées manquent elles-mêmes de précision.

5.La promotion des droits fondamentaux de tous les migrants est l’un des six thèmes prioritaires du présent exercice biennal du Haut-Commissariat aux droits de l’homme. Actuellement présidente du Groupe mondial sur la migration, la Haut-Commissaire s’efforce de promouvoir et d’intégrer une approche des migrations fondée sur les droits de l’homme au sein du système des Nations Unies et au-delà, et de faire connaître les grandes questions qui se posent dans ces deux domaines au niveau international. Le Groupe mondial a adopté récemment une déclaration historique selon laquelle les normes universelles relatives aux droits de l’homme s’appliquent à tous les migrants, indépendamment de leur statut au regard des lois sur l’immigration, et donc aux plus vulnérables d’entre eux: les migrants en situation irrégulière.

6.En marge du quatrième Forum mondial sur la migration et le développement, organisé du 8 au 11 novembre au Mexique, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, avec l’appui du Comité directeur international de la Campagne mondiale en faveur de la ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, a organisé une manifestation du Groupe mondial sur la migration pour commémorer le 20e anniversaire de la Convention, durant laquelle il a invité tous les États à signer et à ratifier cet instrument. L’acceptation de la Convention progresse, l’adhésion du Guyana et de St-Vincent-et les Grenadines ayant porté à 44 le nombre d’États parties; cependant, deux États seulement ont déclaré reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications présentées au titre de l’article 77.

7.Le premier projet d’observation générale sur les travailleurs migrants employés comme domestiques, qui sera examiné par le Comité à la présente session, porte sur un problème de droits de l’homme longtemps négligé. Ce texte est particulièrement opportun en raison du très grand nombre de migrants concernés et de leur vulnérabilité particulière. Il est à souhaiter que l’intérêt manifesté par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et le Comité des droits de l’enfant pour cette question donnera lieu à des consultations intercomités qui permettront d’élaborer un texte solide.

8.Le 20e anniversaire de la Convention sera célébré le 29 novembre prochain, en collaboration avec le Comité directeur international de la Campagne mondiale en faveur de la ratification de la Convention, sur le thème «Protéger les droits, renforcer la coopération». Le thème retenu cette année pour la Journée des droits de l’homme – «Exprimez-vous − Mettez fin à la discrimination» – est également un thème porteur pour le Comité.

9.Le Président souscrit au point de vue exprimé par M. Mokhiber concernant le bilan des activités du Comité et les objectifs de la présente session. Il ne se passe guère de jour sans que la question des droits de l’homme dans le contexte des migrations fasse débat quelque part dans le monde, ce qui conduit à deux constats. Premièrement, la Convention reste le principal instrument spécifiquement consacré à la défense des droits des travailleurs migrants. Deuxièmement, le non-respect des droits élémentaires des travailleurs migrants, et en particulier les difficultés accrues que connaissent les travailleurs migrants en situation irrégulière en ces temps de crise n’incitent pas à l’optimisme. Ces travailleurs, pourtant acteurs à part entière du développement économique du pays dans lequel ils vivent, se sentent en effet abandonnés par leurs défenseurs traditionnels que sont les syndicats et les groupes de la société civile.

10.Pour la première fois, le Forum mondial sur la migration et le développement a fait une large place à la Convention. Le débat sur la migration et le développement semble s’épuiser au profit de la question des droits des migrants, chacun ayant conscience aujourd’hui que le développement passe par le respect de ces droits. Beaucoup de pays ont insisté sur la nécessité de reconnaître les droits élémentaires de tous les travailleurs migrants, indépendamment de leur statut au regard des lois sur l’immigration, alors que d’autres, dont la situation économique favorise pourtant l’immigration de travailleurs sans papiers, n’acceptent de considérer que les migrants en situation régulière. L’événement organisé pour commémorer le 20e anniversaire de la Convention ainsi que la conférence de presse qui a suivi ont connu un grand retentissement. La célébration de cet anniversaire, le 29 novembre, sera l’occasion de débattre de l’impact de la Convention avec des États qui l’ont ratifiée et qui l’appliquent.

Adoption de l ’ ordre du jour

L ’ ordre du jour provisoire est adopté.

La séance publique est suspendue à 10 h 35 pour permettre aux membres du Comité de se concerter en privé ; elle reprend à 11 h 40.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 37 de la Convention

Dialogue avec les organisations non gouvernementales à propos du rapport initial du Sénégal

11.M. Guissé (Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme − RADDHO) dit que le rapport parallèle qu’il présente, intitulé «Les droits des travailleurs migrants au Sénégal − Rapport alternatif de la société civile sur le respect par le Gouvernement sénégalais de ses obligations en vertu de la Convention des Nations Unies pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille», est le fruit d’un travail collectif du groupe des organisations de la société civile sénégalaise, et plus largement africaine, ainsi que de leurs partenaires, soit une douzaine d’organisations dont il cite le nom. Y sont présentées les violations des droits dont sont victimes les travailleurs migrants au Sénégal, les ressortissants sénégalais hors du Sénégal et les migrants en transit, en raison du durcissement des politiques migratoires européennes et de l’externalisation des frontières européennes, de la criminalisation de l’immigration et de la mise en place d’un cadre politique répressif et sécuritaire, ainsi que de l’augmentation importante du placement en détention et des expulsions. Il s’agit notamment de discrimination ethnique et raciale, d’intolérance religieuse et culturelle, de harcèlement, de détentions arbitraires, de rafles contre les travailleurs migrants et les communautés de migrants, de conditions de détention inhumaines et d’autres violations liées à la détention, dont les violences physiques, les insultes raciales, etc. Or, l’État partie est tenu non seulement à une obligation négative de respecter les droits énoncés dans la Convention en s’abstenant de tout acte qui les violerait, comme par exemple l’adoption de lois ou de politiques qui encouragent ces violations, mais aussi à une obligation positive de protéger ces droits contre les violations commises par d’autres (tels que les réseaux de trafiquants, les criminels, les employeurs et les personnes privées), et il doit prendre en outre des mesures garantissant la mise en œuvre complète de ces droits.

12.Dans son rapport initial, l’État partie donne des informations sur son cadre juridique mais peu de détails sur les violations de ces droits, et il indique qu’il a non seulement ratifié la Convention mais aussi les principaux traités internationaux relatifs aux droits de l’homme. Il a également adopté la loi 2005-06 du 10 mai 2005 relative à la lutte contre la traite des personnes et pratiques assimilées et à la protection des victimes, qui a rendu l’immigration clandestine illégale – y compris les tentatives –, sans toutefois définir juridiquement le terme «clandestin», ce qui pose des problèmes d’interprétation. La société civile sénégalaise dénonce le manque de précision de la loi et son application excessive qui entraînent de nombreuses violations de la Convention. Le Sénégal a en outre signé des accords bilatéraux concernant la gestion de ses flux migratoires, par exemple en 2006 avec la France et l’Espagne, collaborant ainsi à la politique européenne d’externalisation de ses frontières en Afrique. De nombreuses organisations de la société civile considèrent ces mesures non seulement comme des violations ou des atteintes aux droits de l’homme énoncés dans la Convention, notamment le droit de la personne de quitter tout État, y compris son État d’origine, le droit de circuler librement, le droit à la vie et le droit à la sécurité de la personne, mais aussi comme des atteintes aux engagements du Sénégal au regard du Protocole de la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sur la libre circulation.

13.Le Gouvernement sénégalais est aussi partiellement responsable de certaines violations commises à l’encontre de Sénégalais résidant à l’étranger, lorsqu’il ne leur offre pas, par exemple, l’assistance consulaire adéquate pourtant requise par la Convention. De plus, il collabore activement à la mise en œuvre des politiques européennes, conduisant à la violation des droits garantis par la Convention, lorsqu’au lieu de protéger ses ressortissants contre les expulsions arbitraires ou collectives, il signe des accords de réadmission et facilite l’expulsion de ressortissants sénégalais en prenant des ordonnances d’expulsion fondées sur un semblant de preuves et de procédures, sans se soucier de savoir si les droits de ces personnes seront respectés lors de l’expulsion. Le Sénégal fait peu de choses pour promouvoir l’accès à la justice des travailleurs migrants; selon certaines informations, le Gouvernement aurait tenté de dissuader un ressortissant sénégalais d’entamer des poursuites contre les autorités d’immigration espagnoles présumées responsables de traitements inhumains et dégradants.

14.Le groupe des organisations de la société civile sénégalaise recommande donc au Gouvernement sénégalais de respecter les droits des migrants contenus dans la Convention: en adoptant une législation respectueuse de ces droits (notamment en abrogeant ou en amendant la loi 2005-06 qui criminalise la migration irrégulière); en élaborant une politique migratoire cohérente soucieuse du respect de ces droits, refusant ainsi de collaborer avec les politiques européennes qui engendrent une violation de ces droits; en prenant fermement position contre la discrimination à l’encontre des travailleurs migrants et en adoptant des mesures destinées à réduire les risques de violation des droits de l’homme; en s’opposant massivement aux détentions et aux expulsions; en protégeant activement ses ressortissants et en leur fournissant une assistance à l’étranger; en protégeant sur son territoire les demandeurs d’asile et les réfugiés; et en facilitant la recherche de la justice lorsque des violations ont été commises. Par ailleurs, il recommande au Comité des droits des travailleurs migrants d’interpréter les dispositions de la Convention à la lumière de son objet et de son but, à savoir augmenter la protection des droits des migrants, conformément à l’évolution progressive du droit international et des principes des droits de l’homme qui figurent dans les observations générales de certains comités de l’Organisation des Nations Unies; de prendre en compte les préoccupations et recommandations énoncées dans le rapport parallèle à l’occasion de l’examen du rapport initial du Sénégal. M. Guissé rappelle également que ledit rapport contient d’autres recommandations à l’attention des gouvernements africains et européens ainsi que de la communauté internationale.

15.M me Poussi Konsimbo souhaiterait savoir si les organisations de la société civile ont été consultées lors des négociations des accords bilatéraux que le Sénégal a signés avec certains pays, et quelles dispositions de la loi 2005-06 seraient en contradiction avec la Convention.

16.M. Carrion Mena demande quand l’accord bilatéral avec l’Espagne est entré en vigueur et quels avantages il procure aux travailleurs sénégalais.

17.Le Président, s’exprimant en sa qualité de membre du Comité, demande en quoi consiste le titre d’expulsion que délivre le Sénégal en tant qu’État d’origine de migrants. Il souhaite également savoir si la société civile a été consultée pour l’élaboration du rapport initial du Sénégal, si les traités internationaux que l’État a ratifiés prévalent sur le droit interne et si des juges ont déjà fait référence à la Convention dans leurs décisions.

18.M. Guissé (Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme − RADDHO) dit que la Convention prévaut sur le droit interne. La société civile n’est pas consultée, d’où les problèmes rencontrés aujourd’hui, avec des textes qui ne correspondent pas à la réalité du terrain. La population concernée par les accords bilatéraux ne sait pas en quoi ils consistent, ni ce qu’elle peut en attendre car aucune campagne d’information n’a été menée. Il n’existe pas de titre d’expulsion à proprement parler, mais une acceptation implicite des expulsions par les autorités sénégalaises du fait même qu’elles collaborent avec les pays concernés. Le Sénégal, comme beaucoup de pays africains, ne dispose pas d’une véritable politique migratoire qui lui permettrait notamment de tenir des statistiques sur le nombre d’immigrants ou d’émigrants et de réguler ses flux migratoires.

19.M. Diawara (Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme – RADDHO) dit qu’en vertu de l’accord bilatéral signé avec l’Espagne, les autorités espagnoles avaient délivré un certain nombre de visas à des ressortissants sénégalais pour qu’ils travaillent dans le secteur agricole. Ces derniers ont rencontré de nombreuses difficultés d’intégration, compte tenu notamment des différences culturelles. Au terme de leur contrat, la plupart se sont retrouvés dans l’illégalité, leurs employeurs ne voulant pas renouveler leur contrat, ni les autorités leur délivrer un titre de séjour. À l’origine, l’accord devait permettre aux ressortissants sénégalais d’accéder à un niveau de revenu grâce auquel ils auraient pu aider financièrement leur famille; or, tel fut rarement le cas. En ce qui concerne les expulsions vers le Sénégal, il faut savoir que la plupart des pays africains, sous la pression des pays européens ou parce qu’ils ont signé des accords dans ce sens, acceptent la réadmission des émigrés sur leur territoire, une fois que leur nationalité a été déterminée dans le pays où ils étaient en situation irrégulière. La RADDHO, avec d’autres organisations, a dénoncé à plusieurs reprises les accords permettant ces réadmissions.

20.M. Bingham (Commission internationale catholique pour les migrations − CICM ) dit que la CICM, en tant que chef de file d’un groupement de huit organisations non gouvernementales qui s’occupent principalement de réfugiés de la mer arrivant notamment en Espagne et en Grèce en provenance du Sénégal, est à même de constater dans quelles conditions sont accueillis ces émigrés. Il souhaiterait que le Comité se penche sur ces accords bilatéraux qui semblent parfois permettre aux États, qu’ils soient parties ou non à la Convention, de faire de façon indirecte, ce que cet instrument interdit, par exemple en ce qui concerne les réadmissions ou l’absence d’assistance consulaire à leurs ressortissants.

Dialogue avec les organisations non gouvernementales à propos du deuxième rapport périodique de l’Équateur

21.M. Arcentales(Coalición por las Migraciones y el Refugio), présentant le deuxième rapport de suivi établi par l’ONG Coalición por las Migraciones y el Refugio, explique que, ces dernières années, les flux migratoires ont augmenté et que près de 3 millions d’Équatoriens vivent à l’étranger, principalement aux États-Unis, en Espagne et en Italie. De nombreux migrants sont originaires non seulement de Colombie et du Pérou, mais aussi, depuis fin 2007, de Cuba, d’Haïti, du Nigéria, d’Afghanistan et du Pakistan. Ces flux migratoires ne sont pas homogènes; en effet, il ne s’agit pas uniquement de travailleurs migrants mais aussi de personnes fuyant, notamment, le conflit colombien.

22.La Constitution équatorienne, qui a été modifiée en 2008, inclut désormais d’importants principes tels que la reconnaissance du droit à la migration − quelle que soit la nationalité de la personne −, l’interdiction de la discrimination à l’égard des migrants − en situation régulière ou irrégulière − et la reconnaissance du principe de non-refoulement, conformément à la Convention interaméricaine des droits de l’homme. Toutefois, la pratique n’est pas alignée sur les dispositions de la Convention sur les droits des travailleurs migrants et des lois obsolètes de 1970 sont toujours appliquées, par exemple la loi sur les étrangers et la loi sur les migrations, qui prévoient le refoulement, contraire aux droits de l’homme. Ainsi, au cours des douze derniers mois, plusieurs cas de détentions arbitraires ont été signalés. Par ailleurs, les contrôles migratoires ont été renforcés, en particulier à l’égard des personnes d’origine colombienne et cubaine, dans les trois principales villes du pays (Quito, Guayaquil et Cuenca). Ces contrôles ont été effectués dans le cadre d’un plan dénommé «Plan Operativo Identidad», visant à identifier les personnes en situation irrégulière, les arrêter et tenter de les expulser.

23.Bien que le Bureau du Défenseur du peuple, qui joue le rôle de médiateur, ait demandé qu’un processus de régularisation soit engagé de toute urgence, l’éparpillement institutionnel est tel qu’il y a parfois des contradictions dans les compétences. En Équateur, les organes compétents en matière migratoire sont le Secrétariat national aux migrations chargé des Équatoriens de l’étranger et des Équatoriens rapatriés, le Ministère des affaires extérieures chargé de la politique migratoire internationale et le Ministère de l’intérieur chargé de délivrer les permis de séjour, d’effectuer les contrôles migratoires et de prononcer les expulsions. Les 30 recours en habeas corpus déposés par la Coalición por las Migraciones y el Refugio pour détention arbitraire ont été acceptés par les tribunaux. En outre, la Cour constitutionnelle va bientôt rendre une décision très attendue sur le fait que le casier judiciaire est demandé aux étrangers, ce qui sert essentiellement à condamner les Colombiens. Cette mesure demeure en vigueur malgré les recommandations du Comité suite à l’examen du rapport initial de l’Équateur.

24.La question de la traite et de la prévention de la traite est peu abordée et les passeurs ont souvent partie liée avec les autorités d’immigration. Les victimes de la traite sont expulsées, elles ne bénéficient d’aucune protection et il n’existe aucun centre d’accueil pour les recevoir. La Coalición por las Migraciones y el Refugio demande au Comité d’inviter l’Équateur à régulariser le plus rapidement possible la situation des étrangers en Équateur, et pas seulement celle des Haïtiens, comme cela a été fait à juste titre, du fait de la gravité de la situation dans leur pays d’origine.

25.Le système de protection des réfugiés étant le seul moyen de régularisation qui existe, il est surchargé et les personnes qui ont réellement besoin de cette protection internationale ne peuvent en bénéficier. M. Arcentales attire l’attention du Comité sur la situation des Cubains qui ne peuvent rentrer dans leur pays s’ils ont passé plus de onze mois et trente jours à l’étranger et qui ne peuvent obtenir l’autorisation de résider légalement en Équateur.

26.M me Cubías Medina, qui souligne qu’il convient d’examiner la situation en Équateur en tant que pays de destination et non plus en tant que pays d’origine, demande des précisions sur les centres de détention car elle croit comprendre qu’ils sont temporaires et dépourvus de services de santé. Elle aimerait par ailleurs savoir si ces rafles ont débuté en 2010, pourquoi elles visent certaines nationalités et si la Coalición Nacional por las Migraciones y el Refugio pense que la recommandation du Bureau du Défenseur du peuple va changer les choses.

27.Le Président, s’exprimant en qualité de membre du Comité, demande où et comment se fait le contrôle des migrants.

28.M. El- Borai (Rapporteur) dit qu’il comprend bien que les textes juridiques sont caducs mais qu’il ne voit pas la contradiction entre les textes et la Convention.

29.M. Arcentales, répondant aux questions des membres du Comité, indique que le «Plan Operativo Identidad» est effectivement mis en œuvre depuis juin 2010. Des contrôles sont donc effectués dans divers lieux publics, ainsi qu’à la sortie des bureaux de l’administration où les migrants se rendent pour régulariser leur situation. Les personnes détenues à Quito sont placées en prison et n’ont accès à aucun service de base. Dans les provinces, les migrants sont détenus avec les délinquants, contrairement aux dispositions de la Convention.

30.M. Arcentales précise que les autorités d’immigration effectuent aussi des contrôles dans les villes et que ces derniers sont le signe d’une xénophobie croissante attisée par les médias qui associent l’étranger à la hausse de la délinquance, bien que cela soit démenti par les statistiques du Bureau du Défenseur du peuple.

31.Il mentionne plusieurs articles de la loi sur les migrations qui prévoient la non-régularisation des personnes atteintes de certaines maladies et l’engagement de poursuites contre les personnes déjà expulsées qui reviennent en Équateur. Il souligne que, dans son esprit, la loi tend à l’incrimination car elle condamne toute personne exerçant son droit à la migration (art. 40 de la Constitution).

32.M. Ibarra González demande si les contrôles effectués ont été conformes à la loi ou si l’ONG dispose de preuves indiquant que des droits ont été violés. Il aimerait également savoir si l’ONG recommande le rétablissement du visa de tourisme en Équateur afin d’empêcher tout abus.

33.M. Arcentales indique que le fait que les 21 recours en habeas corpus déposés contre des détentions arbitraires aient été acceptés par les tribunaux prouve que les droits de ces personnes n’ont pas été respectés. De plus, le rapport d’inspection de la Coalición a reçu l’aval du Bureau du Défenseur du peuple. Enfin, M. Arcentales ajoute que ce n’est pas le fait que le visa de tourisme ait été supprimé qui pose problème mais l’absence de mesures d’accompagnement, notamment pour lutter contre la traite. Il tient à faire remarquer qu’il y a un mois, le visa de tourisme a été rétabli pour 14 nationalités d’Afrique et d’Asie, ce que la Coalición por las Migraciones y el Refugio considère comme discriminatoire.

La séance publique est levée à 12 h 50 , afin que les membres du Comité poursuivent leurs travaux à huis clos.