Nations Unies

CMW/C/SR.399

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. générale

14 décembre 2018

Original : français

NATIONS UNIES Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Vingt- neuvième session

Compte rendu analytique de la 399 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 4 septembre 2018, à 15 heures

Président (e):Mme Landazuri de Mora (Vice-Présidente)

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 73 de la Convention (suite)

Rapport initial de Madagascar

La séance est ouverte à 15  h 25.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 73 de la Convention (suite)

Rapport initial de Madagascar ( CMW/C/MDG/QPR/1 ; CMW/C/MDG/1 ; HRI/CORE/1/Add.31/Rev.1)

1.Sur l’invitation de la Présidente, la délégation malgache prend place à la table du Comité.

2.M me Harimisa (Madagascar) remercie les institutions nationales et internationales de l’appui constant qu’elles apportent aux ressortissants malgaches à l’étranger, en particulier aux travailleurs migrants en situation difficile. Elle rappelle que Madagascar a ratifié la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille en 2015 et précise que le rapport initial de Madagascar a été élaboré par un comité interministériel de rédaction avec la participation d’acteurs étatiques et non étatiques.

3.Madagascar a décidé de suspendre les envois de travailleurs dans les pays à haut risque en 2013. Elle a en outre ratifié 42 conventions de l’OIT, dont 36 sont en vigueur et s’appliquent aussi bien aux nationaux qu’aux étrangers présents sur son territoire. Par ailleurs, en vue de lutter contre la criminalité transnationale organisée, Madagascar a ratifié la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et le Protocole de Palerme. Le Gouvernement a en outre engagé des négociations avec Maurice, le Liban et l’Arabie saoudite en vue de conclure avec ces pays des accords bilatéraux en matière de migration de travail. Sur le plan législatif, le Gouvernement malgache s’est efforcé de renforcer son arsenal juridique, notamment par l’adoption de lois relatives à la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée, à la lutte contre la traite et à la coopération judiciaire internationale en matière pénale. Sur le plan institutionnel, il convient de signaler la création en 2015 de la Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH), composée majoritairement de représentants de la société civile et conforme aux Principes de Paris, et en 2018 du Haut Conseil pour la défense de la démocratie et de l’état de droit, qui est notamment chargé de veiller à la promotion et à la protection des droits de l’homme. D’autre part, dans le cadre de la réforme en faveur de la lutte contre la corruption, Madagascar entend mettre progressivement en place, dans ses cinq provinces, des pôles anticorruption compétents, entre autres, pour connaître des affaires de migration illégale et de traite des personnes. En 2018, dans le cadre de la lutte contre la traite, l’État partie a créé un Secrétariat exécutif chargé de cette question et modifié le décret portant création du Bureau national de lutte contre la traite des êtres humains.

4.Il convient de rappeler que Madagascar ne délivre plus d’agréments aux bureaux de placement depuis 2015. Par ailleurs un projet de loi régissant la situation des travailleurs migrants est en cours d’élaboration. En outre, le projet de loi portant réforme de la loi no 2008-008 sur la lutte contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants doit être soumis au Conseil des Ministres. En ce qui concerne la traite, le Gouvernement continue de renforcer les mesures visant à enquêter sur les infractions de traite, à poursuivre et à condamner leurs auteurs et à garantir la prise en charge des victimes. Dans le domaine de l’éducation, le Gouvernement a lancé le Plan sectoriel intitulé « Une éducation de qualité pour tous, garantie du développement durable » pour la période 2018-2022. Madagascar garantit en outre à toute personne, y compris aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille, l’accès aux soins de santé et à l’ensemble des infrastructures sanitaires dans des conditions d’égalité. En ce qui concerne les données statistiques, le Gouvernement réalise actuellement le troisième recensement général de la population et de l’habitation, qui permettra de disposer de données statistiques ventilées par âge, sexe et situation socioéconomique.

5.M.  Tall (Rapporteur pour Madagascar) demande un complément d’information sur le processus d’élaboration du rapport de Madagascar, notamment sur le nombre et les caractéristiques des organisations de la société civile qui y ont été associées. Il souhaite savoir si Madagascar prévoit de modifier les dispositions de la loi no 62-006 du 6 juin 1962 fixant l’organisation et le contrôle de l’immigration et de son décret d’application pour les mettre en conformité avec la Convention et, plus généralement, si des études ont été réalisées dans le but de déterminer si la législation nationale était conforme à la Convention. Il demande également des précisions sur l’application des dispositions de la loi no 2004-044 du 28 juillet 2004 portant Code du travail relatives aux sanctions pénales, au non-respect des formalités relatives aux travailleurs déplacés, au contrôle des conditions de travail des Malgaches recrutés à Madagascar pour travailler à l’étranger et à l’incrimination des opérations de migration clandestine. Il souhaiterait en outre savoir quelles mesures concrètes ont été prises pour garantir que l’accord-cadre conclu entre la République de Madagascar et la République des Comores soit conforme à la Convention et protège effectivement les migrants malgaches aux Comores et les migrants comoriens à Madagascar.

6.M. Tall demande si la Convention et l’observation générale no 1 sur les travailleurs domestiques migrants ont été pris en compte dans l’élaboration de l’accord bilatéral relatif à la migration des travailleurs domestiques en cours de négociation avec l’Arabie saoudite. Il souhaite savoir si l’État partie envisage de ratifier la convention (no 189) de l’OIT sur les travailleuses et travailleurs domestiques et la convention (no 143) sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires). Il invite en outre la délégation à donner de plus amples renseignements sur les activités et les réalisations du comité interministériel mis en place en application de l’arrêté no 23993/2015/MEETFP du 23 juillet 2015, qui a pour attribution principale de veiller à la protection des intérêts des travailleurs émigrés, et à indiquer si ce comité prévoit d’élargir ses activités pour protéger aussi les travailleurs migrants vivant à Madagascar. Étant donné qu’il ne semble pas exister d’autorité centrale chargée des questions de migration, il serait intéressant d’avoir des précisions sur la coordination des politiques migratoires entre les différents ministères compétents. La délégation voudra bien aussi préciser de quelle manière le troisième recensement général de la population et de l’habitation tiendra compte des migrants vivant à Madagascar et des Malgaches vivant à l’étranger.

7.M. Tall souhaiterait de plus amples renseignements sur la CNIDH, en particulier concernant son mandat, son budget, les ressources matérielles et humaines dont elle dispose, l’étendue de ses compétences dans le domaine de la promotion et la protection des droits des migrants et de leur famille et ses réalisations à ce jour. Il souhaiterait également des renseignements sur les activités organisées dans l’État partie depuis 2015 dans le but de diffuser la Convention et de sensibiliser les fonctionnaires, notamment les agents des douanes et les travailleurs sociaux, aux questions relatives aux travailleurs migrants. Il aimerait en outre savoir si des cas de discrimination à l’égard de travailleurs migrants ont été signalés et, dans l’affirmative, quelle suite leur a été donnée et quelles mesures sont prises pour prévenir ce type de faits et en poursuivre et sanctionner les auteurs. Il invite par ailleurs la délégation à décrire ce qui est fait pour faciliter l’accès des travailleurs migrants à la justice et à donner des précisions sur la nature des plaintes déposées par les travailleurs migrants. La procédure d’expulsion des migrants étant conduite essentiellement par les organes administratifs, il serait intéressant de savoir si des recours judiciaires sont ouverts aux travailleurs migrants sous le coup d’une décision d’expulsion et, si tel est le cas, si ces recours ont un effet suspensif.

8.M.  El-Borai (Rapporteur pour Madagascar), relevant que l’article 137 de la Constitution confère aux instruments internationaux ratifiés par Madagascar un rang supérieur aux lois nationales, demande si l’État partie considère que la loi de 1962 portant organisation et contrôle de l’immigration, qui est incompatible avec la Convention, est encore applicable du point de vue juridique. Il souhaiterait des précisions sur la teneur des accords bilatéraux qui sont en cours de négociation avec l’Arabie saoudite et demande si les agences de placement privées exigent une contrepartie financière des travailleurs auxquels elles trouvent un emploi à l’étranger. Il aimerait savoir à qui profitent les avantages accordés par la loi de 2008 sur les zones et entreprises franches et si les travailleurs migrants jouissent de la liberté syndicale, du droit à la sécurité sociale ainsi que du droit de participer à la vie politique à Madagascar. Enfin, il souhaiterait un complément d’information sur les mesures de lutte contre la migration irrégulière de ressortissants de l’État partie et sur la situation des enfants malgaches dont les parents travaillent à l’étranger et qui sont restés dans le pays.

9.M.  El Jamri voudrait savoir si les Malgaches qui partent travailler à l’étranger le font uniquement pour des raisons économiques ou si d’autres causes telles que les changements climatiques expliquent ce phénomène. Étant donné que Madagascar a ratifié un nombre important de conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et de l’Union africaine, il serait intéressant d’avoir des précisions sur l’application concrète de ces instruments et les effets de leur mise en œuvre. Des précisions sur le mandat et les activités de la Direction de la diaspora et sur le sens de l’expression « travailleur déplacé » seraient aussi bienvenues. Enfin, lisant dans le rapport qu’en octobre 2015, le Ministère de l’emploi a annulé en bloc les agréments accordés aux 54 agences de recrutement privées alors en activité dans le pays, M. El Jamri souhaiterait savoir pourquoi ces agences étaient aussi nombreuses et quels motifs ont amené les autorités à prendre cette mesure radicale.

10.M me  Dzumhur demande où en est la procédure d’accréditation de la CNIDH et si cette institution dispose de son propre budget et effectue des visites dans les lieux où des travailleurs migrants sont hébergés. Elle prie la délégation de commenter les informations portées à la connaissance du Comité selon lesquelles la discrimination à l’égard des femmes, les mariages forcés et les cas de polygamie, qui sont autant de phénomènes susceptibles de pousser les femmes à partir travailler à l’étranger, seraient très répandus. Elle souhaiterait avoir des informations sur l’application de la législation relative à la lutte contre la traite des personnes et sur le nombre de cas dans lesquels des organes publics ont été attaqués en justice pour n’avoir pas appliqué les recommandations du Médiateur en dépit de leur caractère obligatoire, et savoir si les actions intentées ont abouti aux résultats escomptés par leurs auteurs. Enfin, la délégation voudra bien préciser s’il existe une loi sur l’interdiction de la discrimination et, si tel n’est pas le cas, si l’État partie entend prendre des mesures pour se doter d’une législation dans ce domaine.

La séance est suspendue à 16  h 15 ; elle est reprise à 16  h 45.

11.M me  Harimisa (Madagascar) dit que la délégation a pris bonne note des remarques du Comité concernant la loi de 1962 portant organisation et contrôle de l’immigration et que les autorités compétentes feront le nécessaire pour que ce texte soit harmonisé avec la Convention. Conformément au principe de l’égalité de tous devant la loi indépendamment du sexe et de la nationalité, les travailleurs migrants ont accès à la justice et peuvent former des recours devant une cour d’appel et devant la Cour de cassation. En matière pénale, les recours introduits devant une cour d’appel ont un effet suspensif. En revanche, les pourvois devant la Cour de cassation n’ont pas d’effet suspensif, que leur auteur soit malgache ou étranger.

12.M.  Tombohavana (Madagascar) dit que la CNIDH, créée en vertu de la loi 2014‑007 du 22 juillet 2014, a pour attribution principale de promouvoir et de protéger les droits de l’homme, ainsi que les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille. Cette institution est conforme aux Principes de Paris pour les raisons suivantes : premièrement, ses membres sont indépendants en ce qu’ils ne reçoivent aucune injonction du Gouvernement, ne peuvent être démis de leurs fonctions que dans les cas prévus par la loi et ne peuvent pas être poursuivis, recherchés, arrêtés, jugés ou détenus pour des opinions émises ou des actes accomplis dans l’exercice de leur mandat ; deuxièmement, ses membres sont majoritairement des représentants d’organisations de la société civile élus par leurs pairs ; troisièmement, son budget de fonctionnement est fixé par les lois de finances de l’État, ce qui garantit son autonomie financière. Depuis sa création, la CNIDH a mené des enquêtes sur des violations des droits de l’homme, entrepris des activités de sensibilisation au respect des droits de l’homme et rédigé des rapports sur ses travaux. Elle a été dotée de moyens humains et matériels suffisants pour lui permettre de s’acquitter de son mandat.

13.En ce qui concerne la coopération entre la société civile et le Gouvernement dans les activités de défense des droits de l’homme, M. Tombohavana fait savoir que le Comité de rédaction des rapports relatifs aux droits de l’homme mis en place en 2003 a été réformé en 2017. Ce comité est composé d’experts nationaux issus des départements ministériels chargés de défendre les droits de l’homme, notamment les droits des travailleurs migrants et de cinq représentants d’organisations de la société civile œuvrant dans le domaine de la protection des droits de l’homme, de la lutte contre la torture et de la protection des droits de l’enfant, des droits des femmes et des droits sociaux. Les organisations de la société civile participent à la phase de consultation préalable à l’élaboration des rapports soumis par Madagascar ainsi qu’à la mise en œuvre des recommandations des organes conventionnels. Elles ont aussi pris une part active à la mise en place des mécanismes nationaux œuvrant dans le domaine des droits de l’homme, comme le Bureau national de lutte contre la traite des êtres humains ou le Comité national de protection de l’enfant. En outre, les représentants de la société civile participent à l’ensemble du processus d’élaboration des lois et des stratégies et plans nationaux.

14.Madagascar a adopté, en 2014, une loi sur la lutte contre la traite des êtres humains afin de réprimer les cas de traite et de tourisme sexuel plus sévèrement que les dispositions du Code pénal adoptées en 2007, et de rendre la législation en la matière conforme notamment au Protocole de Palerme. La nouvelle loi de 2014 a permis d’établir des statistiques relatives à la poursuite et à la condamnation des responsables des cas de traite et au démantèlement des réseaux de traite. En outre, un plan national de lutte contre la traite axé sur la prévention, la protection, l’engagement de poursuites et les partenariats a été élaboré pour la période 2015‑2019. Celui-ci a été complété en juillet 2017 par la mise en place d’un pool de formateurs chargé notamment de sensibiliser les acteurs de la justice pénale au problème de la traite et de prendre en charge les victimes.

15.M me Ra m dria n belo (Madagascar) dit que la Constitution de Madagascar, en son article 6, consacre le principe de non‑discrimination et dispose, entre autres, que tous les individus sont égaux devant la loi, sans discrimination fondée notamment sur l’origine. En outre, la loi de 2007 sur le mariage et les régimes matrimoniaux institue le principe de la monogamie. Aucun cas de migration lié à des discriminations sexistes ou à des situations de polygamie n’a été signalé. En ce qui concerne la diffusion de la Convention, il convient de noter que l’École nationale des magistrats et des greffiers et l’École nationale de l’administration pénitentiaire ont intégré, dans leurs cursus, des modules sur la protection des travailleurs migrants et des membres de leur famille et que, dans le cadre de leur formation initiale, les élèves inspecteurs et contrôleurs du travail suivent un programme sur le contenu de la Convention. De plus, dans le cadre d’un projet d’appui à la réforme du secteur de la sécurité mis sur pied en 2017, les gendarmes et les policiers et les aspirants à ces professions suivent des formations sur les droits de l’homme et sur la protection des travailleurs migrants et des personnes déplacées. En ce qui concerne les expulsions, Mme Ramdrianbelo explique qu’un étranger qui s’est vu notifier un arrêté d’expulsion a le droit demander à une commission spéciale la révision de cet arrêté en vertu de l’article 15 de la loi de 1962 fixant l’organisation et le contrôle de l’immigration, et que les décisions de cette commission sont susceptibles d’un recours suspensif devant le Conseil d’État.

16.M.  Andriamiandra (Madagascar) dit que les étrangers qui ne sont pas en possession d’un document de voyage ou d’un visa valides ne sont pas autorisés à entrer sur le territoire malgache et sont immédiatement renvoyés dans leur pays.

17.M me Harimisa (Madagascar) précise que, lorsqu’elles sont poursuivies pour des infractions de droit commun, les personnes qui font l’objet d’un arrêté d’expulsion ou de reconduite à la frontière sont soumises au même régime que les ressortissants malgaches.

18.M me Razafindravao (Madagascar) dit que la ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a permis d’accélérer les processus de négociation d’accords bilatéraux de travail avec l’Arabie saoudite, Maurice et le Liban. Elle ajoute que le Gouvernement malgache entend ratifier toutes les conventions de l’OIT relatives à la migration auxquelles Madagascar n’est pas encore partie, dont la Convention sur les travailleurs migrants. Elle signale que, tout récemment, le Gouvernement a envisagé la création, au sein de l’Institut national de la statistique, d’une structure chargée d’établir les statistiques sur les migrations à Madagascar. En outre, au titre du Cadre stratégique de migration pour l’Afrique et du Plan d’action 2018‑2030 et dans l’esprit du Pacte mondial sur les migrations, le Gouvernement a décidé de confier au Ministère de l’intérieur et au Ministère des affaires étrangères la mise en place d’une politique nationale de la migration. Il a aussi prévu de créer une structure de coordination au sein de la Primature.

19.Mme Razafindravao dit que les raisons qui poussent les Malgaches à quitter leur pays sont liées principalement au travail ou aux études mais aussi au regroupement familial, à des questions de santé ou à la religion. En ce qui concerne la participation de la diaspora à la vie politique, elle signale que le forum de la diaspora tenu en octobre 2017 a permis de définir les conditions dans lesquelles les membres de la diaspora pourront participer aux élections de décembre 2018 et, de manière générale, contribuer au développement du pays. La Direction de la diaspora, mise en place par le Président de la République en 2015, a pour vocation d’encourager la diaspora à s’engager dans la vie politique, économique et sociale du pays et dispose de services chargés de protéger et d’assister les ressortissants malgaches à l’étranger et d’assurer le suivi de l’émigration. Elle ne se substitue pas aux services consulaires mais la mission qui lui a été confiée complète le mandat assigné à ces services. Depuis la création de la Direction, deux manuels ont été publiés, l’un sur la procédure à suivre pour déceler les cas de traite des personnes, l’autre sur les moyens mis à disposition des services consulaires pour protéger les ressortissants malgaches à l’étranger et leur venir en aide.

20.M.  Randriatianarisoa (Madagascar) dit que le Code du travail prévoit des sanctions pénales contre les personnes qui se livreraient sciemment à des activités clandestines ou frauduleuses tendant à tromper un travailleur ou à faire valoir des obligations contractuelles fictives ou fallacieuses. Quant aux agences de placement privées, il précise que leurs services sont gratuits et qu’elles n’ont aucun droit de percevoir de l’argent de la part des travailleurs qui les sollicitent. Il ajoute qu’à Madagascar, les travailleurs étrangers comme les travailleurs nationaux ont le droit d’adhérer au syndicat de leur choix.

21.M.  Tall (Rapporteur pour Madagascar) se félicite de la bonne volonté exprimée par l’État partie concernant le réexamen de la loi de 1962 fixant l’organisation et le contrôle de l’immigration ainsi que de son décret d’application et souligne qu’il importe tout particulièrement de modifier les dispositions de cette loi qui sont répressives à l’égard des migrants et de renforcer le cadre juridique relatif aux expulsions. Notant que le seul recours prévu par la loi en cas d’expulsion est d’ordre administratif, il invite la délégation à indiquer si l’État partie envisage d’adopter des dispositions instaurant un recours judiciaire et énonçant les droits applicables en la matière, et de prendre des mesures pour faire en sorte que les migrants soient informés de ces droits.

22.M. Tall note que l’État partie applique le principe de l’égalité entre les travailleurs malgaches et les travailleurs étrangers dans le domaine de l’accès à la justice. Il rappelle toutefois que, compte tenu de leur vulnérabilité sur le plan économique ou de leur éventuelle incapacité à s’exprimer dans l’une ou l’autre langue du pays, les migrants doivent bénéficier d’un accompagnement et pouvoir accéder à une aide juridictionnelle ainsi qu’aux services d’interprètes. Il constate en outre que, si la législation et la constitution interdisent toute discrimination, elles ne font toutefois aucune mention de la nationalité. Tout commentaire sur ces points sera le bienvenu.

23.M. Tall invite la délégation à donner des précisions sur les ressources allouées à la Commission nationale indépendante des droits de l’homme et sur l’état d’avancement de la procédure d’accréditation de la Commission. Il souhaiterait également des informations sur l’enregistrement des enfants de migrants nés dans l’État partie et des enfants malgaches nés à l’étranger ainsi que sur la procédure de naturalisation des enfants migrants. Il souhaite en outre savoir comment sont encadrés les rapatriements des salaires de migrants, quelles sont les conditions d’attribution des permis de séjour et quelles sont les conséquences, pour les migrants, de la perte du permis de séjour pour cause d’expiration ou de retrait. Enfin, s’inquiétant des nombreux cas de migration clandestine et d’utilisation de faux documents signalés, notamment dans les communautés chinoises, il s’enquiert des mesures prises pour faire face à cette situation afin de lutter contre la traite et demande si des jugements ont été prononcés et des peines appliquées et si les victimes ont bénéficié d’une assistance. Il serait intéressant aussi d’avoir des exemples concrets de cas d’expulsion de migrants sur lesquels la justice aurait été amenée à statuer.

24.M.  El-Borai (Rapporteur pour Madagascar) souligne que des sanctions pénales ne sauraient être appliquées à un travailleur migrant du seul fait de l’irrégularité de sa situation, qui ne fait pas de lui un criminel. En ce qui concerne les accords bilatéraux d’exportation de main-d’œuvre, il souhaiterait avoir des précisions sur les principes appliqués au stade de la négociation pour ce qui est de l’égalité des salaires, du regroupement familial, de la liberté de quitter le pays et de l’obligation de disposer d’un garant.

25.M.  Tall (Rapporteur pour Madagascar) dit que le Comité a reçu des informations inquiétantes au sujet de la situation des travailleurs migrants en Arabie saoudite et au Liban, deux pays qui ne sont pas partie à la Convention. Il invite la délégation à donner des précisions sur les motifs de la migration dans ces pays, sur les mesures de garantie visant à protéger les ressortissants malgaches concernés et sur les mesures prises pour donner suite aux cas de violences ou de violations des droits de l’homme à l’égard de ces migrants.

26.M.  Botero demande quelles sont les mesures que l’État partie met en œuvre pour que la situation des travailleurs migrants et des membres de leur famille en situation irrégulière sur son territoire ne se prolonge pas, conformément à l’article 69 de la Convention, et pour éviter que ces personnes ne soient victimes de violations des droits de l’homme. Il souhaiterait par ailleurs savoir si l’État partie envisage de faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention, par lesquelles il reconnaîtrait la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications. Enfin, il demande quelles décisions judiciaires ont été prises aux fins de la protection des migrants, notamment sur la base de la Convention ou des observations générales du Comité.

27.M me Harimisa (Madagascar) dit que les migrants en situation irrégulière ne sont pas considérés comme des criminels et qu’à sa connaissance, jamais un travailleur migrant n’a fait l’objet de sanctions pénales en raison de l’irrégularité de sa situation et aucun travailleur migrant étranger victime de violence ou de mauvais traitement n’a été privé d’accès à la justice. Elle signale en revanche le cas de plusieurs entreprises, notamment chinoises, et membres du personnel des zones franches qui ont été traduits devant la justice pour mauvais traitements infligés aux salariés nationaux ou pour infraction au droit pénal. En ce qui concerne la protection des travailleurs malgaches à l’étranger, elle fait observer que l’amélioration des statistiques devrait permettre de prendre des mesures ciblées et adaptées.

28.La Présidente remercie la délégation de ses réponses et l’invite à répondre aux questions laissées en suspens à la séance suivante.

La séance est levée à 17 h 50.