Nations Unies

CMW/C/SR.104

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. générale

20 avril 2010

Français

Original: anglais

C omité pour la protection des droits de tous les travailleurs

migrants et des membres de leur famille

Dixième session

Compte rendu analytique de la 104 e séance

Tenue au Palais Wilson à Genève, le jeudi, 23 avril 2009, à 10 heures.

Président: M. El Jamri

Sommaire

Examen des rapports présentés par les É tats parties en application de l’article 73 de la Convention ( suite )

Rapport initial de la Bosnie - Herzé govin e

La séance est ouverte à 10 heures 10 .

Examen des rapports présenté s par les É tats parties en application de l’article 73 de la Convention ( suite )

Rap port initial de la Bosni e- Herzé govin e (CMW/C/BIH/1; CMW/C/BIH/Q/1 et Add.1)

A l’ invitation du Président, les membres de la délégation de Bosnie-Herzégovineprennent place à la table du Comité

Le President souhaite la bienvenue à la délégation de Bosnie-Herzégovine qui a démontré toute l’importance qu’elle attachait à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, dans son rapport détaillé (CMW/C/BIH/1) et dans ses réponses écrites à la liste des questions à aborder dans le cadre de l’étude de ce rapport (CMW/C/BIH/Q/1/Add.1).

MmeDjurija (Bosnie-Herzégovine), lors de la présentation du rapport initial de la Bosnie-Herzégovine, dit qu’elle espère que les conclusions et les recommandations du Comité indiqueront à son pays une marche à suivre pour appliquer la Convention. En avant-propos, elle explique qu’en 1995 l’Accord cadre général pour la paix en Bosnie-Herzégovine (Accord de Dayton) a créé la Fédération de Bosnie-Herzégovine et la République Serbe en tant qu’entités politiques, territoriales et fonctionnelles distinctes, dotées chacune d’un degré élevé d’indépendance constitutionnelle, organisationnelle et institutionnelle. Le District de Brcko a été crée en vertu de l’Arbitrage de Brcko et jouit également d’une indépendance marquée. Les amendements récents à la Constitution de Bosnie-Herzégovine ont instauré le statut constitutionnel du district en tant qu’entité administrative particulière sur laquelle la Bosnie-Herzégovine exerce sa souveraineté. La Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzogovine règlera tout conflit éventuel entre le District et l’État, ou ses organismes. Les cantons qui composent la Fédération de Bosnie-Herzégovine ont des pouvoirs étendus en matière sociale et en matière d’éducation, de santé et d’emploi.

Elle attire l’attention sur les réformes constitutionnelles et sur l’harmonisation et l’intégration institutionnelle mises en oeuvre. Les systèmes de défense et de justice ont été améliorés et la réforme des services de sécurité se poursuit. La Bosnie-Herzégovine s’emploie à accéder à l’Union Européenne en se fondant sur le respect du droit, sur des élections démocratiques libres et sur l’économie de marché. Elle s’efforce d’accélérer l’harmonisation de sa législation avec l’acquis communautaire de l’Union Européenne et elle a donné rang constitutionnel à la Convention européenne pourla protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Elle souligne, qu’en vertu de la Loi sur l’adhésion aux traités internationaux, un instrument international doit être approuvé par le Conseil des Ministres, puis par le Président et enfin, par le Parlement.

M. Čegar (Bosnie-Herzégovine) signale que son pays est l’un des rares pays européens à avoir adhéré à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et à l’avoir ratifiée. De nombreux pays, en particulier les plus riches qui reçoivent le plus grand nombre de travailleurs migrants, accordent une attention insuffisante à la migration, renforçant ainsi directement ou indirectement les manquements à l’application des droits des travailleurs migrants dans des domaines essentiels tels l’emploi, le logement, l’éducation et les soins de santé.

Le rapport a été établi par un groupe de travail composé de représentants d’une grande diversité d’États parties, de syndicats, d’employeurs et d’organisations non gouvernementales. Au cours de sa préparation, le groupe de travail a saisi l’occasion de promouvoir la Convention, et le rapport final et les documents de référence ont été publiés sur le site web du Ministère des droits de l’homme et des réfugiés, où ils peuvent être consultés par le public.

Le rapport lui-même contient les détails du plan de mise en oeuvre de la Convention, notamment l’ensemble des accords bilatéraux, régionaux et multilatéraux que la Bosnie-Herzégovine a signés. Pour éviter toute répétition inutile, les données fournies dans les précédents rapports des organes des Nations Unies sont référencées dans les notes en bas de page, plutôt que reproduites dans le rapport. Les versions électroniques des lois et règlementations relatives aux travailleurs migrants ont été présentées séparément.

M. Taghizade (Rapporteur de pays) estime qu’il ressort clairement du rapport et des réponses écrites à la liste des questions, que l’État partie assume sérieusement ses responsabilités au titre de la Convention. Compte tenu de la structure complexe de cet État, la migration est réglementée au niveau central mais les questions afférentes telles l’emploi, sont traitées aux niveaux cantonal et municipal. En outre, certaines lois relatives à la migration diffèrent entre la Fédération de Bosnie-Herzégovine, la République Serbe et le District de Brcko. Il demande s’il existe une quelconque disposition visant à coordonner les efforts de l’ensemble des organes chargés des questions de migration. Il s’enquiert en outre de l’existence éventuelle d’un programme visant à garantir l’application de la Convention à tous les niveaux de l’État partie.

Il souhaite savoir de quelle manière sont traitées, recueillies et analysées les données relatives aux flux migratoires entrants et sortants de l’État partie, et si un organe spécifique recueille l’information auprès de l’ensemble des autorités compétentes. Il relève que pas moins de 1,5 million de ressortissants de Bosnie-Herzégovine vivent à l’étrangeret il demande quel estl’organe chargé de défendreleurs droits. Il demande en outre si ces ressortissants peuvent voter aux élections dans leur pays d’origine et dans quelle mesure ont-ils la liberté d’y revenir, car il semble que les personnes de certaines origines ethniques puissent se heurter à des difficultés à leur retour. Le Comité apprécierait également d’avoir des informations précises et détaillées sur l’obtention d’un permis de travail en Bosnie-Herzégovine.

Selon le rapport et les réponses écrites, les écoles respectent habituellement les habitudes alimentaires des groupes ethniques spécifiques. Il aimerait savoir quelles écoles fréquentent les enfants de travailleurs migrants, dans quelle langue y sont-ils enseignés et de quelle manière leur droit à l’éducation est-il garanti. Il souhaiterait en outre obtenir quelques informations générales sur la coordination entre les divers organismes qui travaillent dans le domaine des droits de l’enfant.

M. Brillantes, s’agissant des questions de migration, s’interroge sur le degré de réussite du transfert de responsabilités entre le Ministère des Droits de l’Homme et des Réfugiés et le Ministère de la Sécurité, compte tenu du fait que les membres de la délégation appartiennent pour la plupart au premier ministère. Il demande si les différentes constitutions mentionnées au paragraphe 12 du rapport ont un statut égal, et quelles sont les mesures adoptées par l’État partie pour lutter contre la migration irrégulière, en particulier celle des migrants en transit vers les pays de destination. Il aimerait avoir davantage d’informations sur les projets Ilareia et Hera mentionnés aux paragraphes 65 et 66 du rapport, et des éclaircissements sur ce que l’État partie entend par l’expression “pays de migration à haut risque” évoquée au paragraphe 108.

Il souhaite savoir si l’État partie a satisfait à son obligation d’informer les travailleurs migrants de leurs droits au titre de la Convention, et si les migrants en situation irrégulière ont accès aux soins de santé d’urgence, au même titre que les ressortissants de Bosnie-Herzégovine. Il s’interroge également sur le rôleque jouent les agences de recrutement dans la migration, perçoivent-elles des taxes et sont-elles soumises à une quelconque réglementation. Il demande enfin de quelle manière l’État partie envisage les incidences de la crise économique mondiale sur les travailleurs migrants, par rapport à ses moyens en tant que pays d’origine comme en tant que pays de destination.

M. Kariyawasam signale qu’il aimerait avoir des informations sur les poursuites et les condamnations pour des délits impliquant la traite de personnes. Il demande si les accords de réadmission mentionnés au paragraphe 54 du rapport ont été concluants et si beaucoup de travailleurs migrants sont réellement revenus en Bosnie-Herzégovine. Il aimerait savoir ce que l’on entend par le terme “non ressortissants” cité tout au long du rapport.

Il est préoccupé par l’importance de la diaspora bosniaque et demande si tous ses membres sont des ressortissants de Bosnie-Herzégovine, dotés de passeports correspondants, ou si certains sont des migrants installés dans d’autres pays sans intention de retour. S’il s’agit de ressortissants de Bosnie-Herzégovine, l’État partie doit garantir le respect de leurs droits au titre de la Convention, tel celui de participer aux affaires publiques et de voter dans leur pays d’origine. Quels sont les dispositifs mis en place pour y parvenir, notamment les services consulaires dans les États d’emploi?

M. El-Boraise dit préoccupé par l’apparente lenteur de traitement des appels déposés par les travailleurs migrants à l’encontre de décisions négatives relatives à des questions telles l’expulsion, la résidence et l’asile. Quelle est la situation d’un appelant en attendant le prononcé du jugement final? Il souhaite en savoir plus sur les termes “retrait de citoyenneté”, question qui a fait l’objet d’une plainte mentionnée au paragraphe 33, et «ressources matérielles”, l’une des raisons invoquées pour refuser l’entrée aux migrants, énumérées au tableau 1 du rapport.

Il demande quelles sont les conditions de révocation d’un permis de travail. Pour faire pendant aux informations d’ordre général relatives aux dispositions législatives concernant la liberté d’association des travailleurs, il souhaiterait obtenir des informations spécifiques aux travailleurs migrants. Il aimerait savoir quels instruments juridiques garantissent l’égalité de traitement entre travailleurs migrants et ressortissants de Bosnie-Herzégovine s’agissant des questions de rémunération, de conditions de travail et de sécurité sociale, et si des plaintes ont été déposées pour cause de traitement inégal. De manière analogue, quelle loi garantit le droit au transfert des gains et des biens personnels vers l’État d’origine ?

MmePoussi, notant que les entités qui constituent la Bosnie-Herzégovine ont chacune leur propre législation en matière de migration du travail, demande si cela induit une différence de traitement des travailleurs migrants dans l’État partie, selon le lieu où ils vivent.

M. Sevim demande si les accords internationaux prévalent sur la législation nationale, si leurs dispositions sont obligatoires ou doivent être incluses à la législation nationale, et s’ils peuvent être invoqués directement devant les tribunaux en Bosnie-Herzégovine, tant par les travailleurs migrants légaux que par ceux en situation irrégulière. Il

s’interroge sur la manière dont sont déterminés les droits à la sécurité sociale des travailleurs migrants en situation irrégulière, et sur l’éventuelle signature d’accords bilatéraux dans ce domaine avec les États d’emploi.

Le Presidentdit qu’il souhaiterait en savoir davantage sur une coordination éventuelle entre l’État partie et les pays voisins sur les questions de migration de main-d’œuvre. Il demande quels moyens permettent à la communauté de Bosnie-Herzégovine à l’étranger de maintenir des relations avec son pays d’origine et de lui apporter une contribution. S’agissant de l’examen des appels déposés par les travailleurs migrants auprès du Ministère de la Sécurité, mentionnés au tableau 8 du rapport, il s’interroge sur la raison du faible nombre d’appels par rapport au nombre de travailleurs migrants. Il aimerait savoir ce que l’on entend par « résolu » dans ce même tableau, pour indiquer l’issue des cas : les appels ont-ils été accordés ou rejetés ?

La séance est suspendue à 11h. 20 et reprend à 11h. 45

MmeDjurija (Bosnie-Herzégovine) signale que la Constitution de Bosnie-Herzégovine s’applique à la fois dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine et en République Serbe, et garantit un degré élevé d’indépendance aux deux entités qui ont elles-mêmes leur propre loi fondamentale, également reconnue en tant que constitution. En outre, le District de Brcko dispose de sa propre législation et les 10 cantons à l’intérieur de la Fédération sont également habilités à adopter leurs propres lois organiques. Nonobstant la complexité du système constitutionnel, la Constitution nationale et les conventions internationales sont applicables dans tout le pays, dans les deux entités et dans le District de Brcko. La Bosnie-Herzégovine a une cour constitutionnelle auprès de laquelle tout citoyen peut contester la constitutionnalité des lois adoptées par les entités de niveau inférieur, comme leurs décisions administratives. Depuis la fin de la guerre, la Bosnie-Herzégovine a affronté de graves problèmes constitutionnels, mais aucun d’une ampleur propre à empêcher l’application des conventions internationales dans l’ensemble du pays.

Le Ministère des Droits de l’Homme et des Réfugiés a été créé en 2000. Certaines de ses attributions, en particulier celles relatives à la circulation des étrangers et à l’octroi d’autorisations de résidence dans le pays, ont été transférées au Ministère de la Sécurité, mis en place en 2003. La défense et l’action en faveurdes droits de l’homme, la surveillance de la situation de ces droits et la rédaction des rapports destinés aux organes conventionnels internationaux afférents, demeurent du ressort du Ministère des Droits de l’Homme et des Réfugiés.

La situation spécifique du pays implique une réelle coopération entre le Ministère des Droits de l’Homme et des Réfugiés et les organes similaires aux divers niveaux du Gouvernement, et également avec les groupes interministériels au niveau national. Un mécanisme spécial a été créé pour protéger les droits humains des personnes, quelque-soit leur citoyenneté, qui leur permet de porter plainte contre les violations. Le Médiateur aux droits de l’homme peut mener une enquête pour déterminer si un État partie a enfreint les droits d’un individu ou d’un groupe.

Les principaux groupes concernés par les problèmes liés aux questions de déclaration de naissances et de pièces d’identité sont les minorités ethniques, en particulier les Roms. Les travailleurs migrants et leurs familles ne sont généralement pas concernés car les registres ont toujours été soigneusement tenus, d’abord par les services de police locaux et plus récemment par le Ministère de la Sécurité. Il n’y a pas discrimination d’accès à l’enseignement primaire et secondaire, tout deux gratuits. L’accès à l’enseignement

supérieur est plus problématique car il est payant, mais si la famille de l’élève dispose des ressources nécessaires, il n’y a pas de restriction d’inscription. Les élèves appartenant à des familles de travailleurs migrants peuvent solliciter certains types d’aides financières, notamment des bourses, par exemple par l’intermédiaire d’associations de travailleurs migrants.

M. Zuko (Bosnie-Herzégovine) souligne que l’Agence pour l’emploi et le travail de Bosnie-Herzégovine est un organe administratif indépendant chargé de coordonner les activités relatives à l’emploi, notamment le recueil et lesuivi des données sur les marchés du travail nationaux et internationaux. L’agence instaure l’adhésion aux conventions internationales du travail; elle surveille leur mise en oeuvre et l’application de la législation du travail. Elle est aussi chargée de la coordination des services de l’emploi de la Fédération, de la République Serbe et du District de Brcko, par exemple lors de la collecte des statistiques relatives au marché du travail et à la délivrance des permis de travail. L’agence, après consultation avec d’autres organes, a fixé à 2580 le quota des permis de travail à renouveler ou à délivrer en 2009: 1140 dans la Fédération, 800 en République Serbe et 640 dans le District de Brcko. Entre la moitié et les deux tiers d’entre eux sont renouvelables. En outre, certains étrangers sont aussi autorisés à travailler dans le pays au titre du droit d’asile. A l’échelle de la nation, les statistiques relatives au nombre de permis de travail délivrés sont classées par l’agence et publiées sur son site web. L’agence coopère activement avec des organes similaires dans la région et elle a contribué au classement des statistiques régionales relatives au nombre de personnes qui ont perdu leur emploi depuis le début de la crise économique mondiale en octobre 2008.

M. Kličković (Bosnie- Herzégovine) signale que la procédure de demande de permis de travail a été considérablement simplifiée et les mêmes conditions valent dans la Fédération, la République Serbe et le District de Brcko. Ce dernier ne dispose pas de ses propres lois en matière de travailleurs migrants; il applique celles adoptées au niveau national. Un employeur peut demander un permis de travail pour un ressortissant étranger en soumettant une requête avec différentes pièces justificatives, notamment un contrat énonçant les conditions d’emploi. Il doit spécifier les compétences requises pour le poste en question et justifier de la nécessité d’engager un travailleur étranger. Pour un permis de travail initial, un certificat de santé est également exigé, avec copie certifiée du passeport, tous deux doivent être délivrés dans le pays d’origine. Si aucun ressortissant de Bosnie-Herzégovine ne peut occuper le poste, un permis de travail est délivré. Aucune condition n’est exigée pour la délivrance d’un permis de travail aux étrangers qui possèdent des entreprises en Bosnie-Herzégovine.

D’importants progrès ont été réalisés dans l’harmonisation de la législation des entités en matière de circulation et de séjour des étrangers, et de droit d’asile. Le droit du travail interdit toute forme de discrimination dans l’emploi, notamment celles fondées sur la citoyenneté ou la nationalité. Les mêmes types de contrat de travail sont utilisés pour les travailleurs migrants dans la Fédération, la République Serbe et le District de Brcko.

M.. Kuravica (Bosnie-Herzégovine) souligne que le Ministère de la Sécurité est chargé de conserver les données relatives aux permis de résidence délivrés dans le pays. Il gère une base de données tenue à l’origine par le Ministère des Droits de l’Homme et des Réfugiés, tout en mettant parallèlement en oeuvre un nouveau système susceptible d’inclure des informations relatives aux visas délivrés et de permettre une consultation électronique par les services consulaires et autres bureaux partout dans le monde. Le nouveau système sera nettement plus diversifié car il inclura des informations sur des actes tels des

expulsions et des décisions judiciaires concernant des ressortissants étrangers, et il permettra de suivre les étrangers qui ont obtenu des permis de résidence et de travail par le biais de procédures telles le regroupement familial. Dans le cadre du système, il existe trois types de permis de travail: les permis standard, les permis de travail volontaireet les permis octroyés aux organisations humanitaires. Les étrangers qui souhaitent travailler en Bosnie-Herzégovine doivent en théorie en formuler la demande par le biais des missions diplomatiques ou consulaires du pays à l’étranger, demande transmise ensuite aux autorités de Bosnie-Herzégovine qui la renvoient à la mission avec leur décision. Toutefois, cette procédure n’est pas toujours suivie en pratique. Une autre procédure implique de remplir une demande auprès du bureau local du Service des étrangers du Ministère de la Sécurité. L’employeur ou le travailleur peuvent encore solliciter un permis de travail qui doit être obtenu avant l’entrée du travailleur étranger dans le pays.

La loi spécifie les modalités et la procédure de délivrance des permis de travail. Certains ressortissants étrangers qui ont observé ladite procédure,estiment qu’elle implique trop de formalités écrites. Des efforts ont été faits pour la simplifier, en vain jusqu’à présent. Les modalités fondées sur les normes applicables dans les pays voisins et dans les États membres de l’Union Européenne sont nécessaires pour éviter les problèmes sociaux. Elles incluent la présentation d’un certificat médical et un justificatif de domicile. Un délit grave commis dans le pays d’origine est l’un des motifs de refus d’un permis de séjour.

La taxe perçue pour le traitement des demandes s’élève à 10 marks, ce qui équivaut à environ 5 euros. Celle perçue pour insérer un certificat autocollantde résidence temporaire ou permanente dans un passeport équivaut à environ 50 euros. Les non ressortissants tendent à être mal informés des réglementations qui déterminent leur statut. Deux semaines avant l’expiration de leur visa, ils doivent solliciter une demande de résidence. Les demandes formulées après cette date sont rejetées. Les autorités ont rédigé un document intitulé « Informations générales sur l’entrée, le séjour et la protection internationale des non ressortissants en Bosnie-Herzégovine », qui pourra prochainement être consulté sur le site web du Gouvernement. Il sera aussi possible de télécharger les formulaires de demande de résidence à partir du site. La date limite normale de décision pour ce type de demandes est de 30 jours. Si un contrôle des antécédents s’impose, en particulier si la responsabilité pénale est suspectée, cette période peut être prolongée à 60 jours. La plupart des demandes sont traitées rapidement. En cas de rejet, le requérant peut faire appel de la décision dans les deux semaines et demeurer légalement en Bosnie-Herzégovine pendant cette période. Toutefois, il ou elle ne peut quitter le pays et y entrer à nouveau.

MmeHadžibegić (Bosnie- Herzégovine) souligne que d’après les statistiques officielles, 1 350 000 ressortissants de Bosnie-Herzégovinevivent à l’étranger, dans 121 pays au total. Selon la Banque Mondiale, 1 471 000 ressortissants, soit 37 pour cent du nombre total vivent à l’étranger. Les chiffres sont imprécis car beaucoup sont enregistrés dans les pays dans lesquels ils vivent en tant que ressortissants serbes ou croates. La guerre de 1992-1995 explique la taille disproportionnée de la diaspora. En outre, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), il s’agit de l’une des diasporas dont le niveau d’éducation est parmi les plus élevé: 28,6 pour cent de ses membres détiennent des diplômes d’enseignement supérieur et 4 pour cent ont des diplômes de troisième cycle. Les envois de fonds de ressortissants qui vivent à l’étranger sont très importants. Selon des données récentes de la Banque Centrale, un tiers de la dette du commerce extérieur du pays est couvert par ces envois. Les familles qui sont restées en Bosnie-Herzégovine en dépendent également lourdement.

Les ressortissants qui vivent à l’étranger sont, dans la plupart des cas, très bien intégrés dans leur société hôte. Presque 95 pour cent d’entre eux ont acquis une situation régulière en termes de permis de travail et de résidence, d’éducation et de réunification familiale. Bien qu’un petit nombre ait obtenu la citoyenneté de leur pays hôte, la plupart choisissent de conserver leur statut distinct, notamment parce que certains pays, tels l’Autriche et l’Allemagne, excluent la possibilité de double nationalité. Ils ont fondé de nombreux clubs et associations souvent unis sous une organisation parapluie. Toutefois, la tendance à constituer des associations sur une base ethnique, par exemple les associations croates et serbes, signifie que la diaspora est, dans une certaine mesure, plus divisée que la communauté nationale.

Selon la Constitution, l’aide aux ressortissants qui vivent à l’étranger incombe au Gouvernement central, en particulier au Ministère des Droits de l’Homme et des Réfugiés et au Ministère des Affaires étrangères. Le Ministère de la Sécurité et celui des Affaires civiles sont également impliqués. Seul environ un pour cent des enfants émigrants ont accès à un enseignement dans leur langue maternelle ou à des cours de langue. Des cours particuliers sont quelquefois aménagés par les missions consulaires du pays. Dans d’autres cas, les gouvernements des pays hôtes, tels l’Autriche et les pays scandinaves, financent l’enseignement dispensé dans la langue maternelle des enfants d’immigrants. Les associations et les communautés religieuses fournissent aussi des équipements pédagogiques, mais cela n’est pas toujours la meilleure solution.

En vertu de la Loi sur les associations et les fondations, le Ministère de la Justice tient des fichiers sur les associations de travailleurs migrants étrangers en Bosnie-Herzégovine. On compte 23 associations de ressortissants étrangers et 10 appartenant à des minorités.

Suite au mécontentement exprimé par rapport aux dispositions relatives à la participation aux élections de la diaspora, il a été décidé de modifier la législation afférente, de manière à simplifier les procédures et à permettre aux émigrants de voter par voie électronique. Le nombre d’émigrants qui participent aux élections est en diminution constantedepuis 1996 où 450 000 votes avaient été enregistrés. Par comparaison, seuls 20 000 votes l’ont été en 2006.

M. Čegar (Bosnie-Herzégovine) dit que la Bosnie-Herzégovine se classe au cinquième rang dans le monde en terme d’échelle relative d’envois de fonds des émigrants. La législation n’y impose aucune restriction et des accords bilatéraux ont été conclus pour éviter une double imposition.

Il assure au Comité que les autorités responsables s’efforceront de simplifier la Loi électorale afin de favoriser une participation plus active de la diaspora au processus électoral.

MmeBašić (Bosnie-Herzégovine) souligne que les accords et traités bilatéraux et multilatéraux qui ont été ratifiés par la Bosnie-Herzégovine sont directement applicables par les tribunaux, bien que peu de cas d’application directe aient été relevés jusqu’à présent. Le législateur cherche également à harmoniser la législation nationale avec les traités internationaux.

M. Čegar (Bosnie-Herzégovine) indique que l’action contre la traite des personnesse mène sur deux fronts: la prévention et la suppression. La prévention repose sur l’éducation, l’assistance socio-psychologique, une plus grande prise de conscience via les

médias, et des réunions axées sur la nature criminelle et pernicieuse du phénomène. La suppression repose sur les poursuites pénales. L’article 186 du Code pénal définit le crime de traite d’êtres humains et l’article 189 celui de trafic de personnes. La législation de la Fédération et celle du District de Brcko définissent le délit de racolage à des fins de prostitution, et celle de la République Serbe celui de traite de personnes à des fins de prostitution. De lourdes peines de prison sont prononcées pour de tels délits :au titre de l’article 186, une peine d’emprisonnement de 25 à 40 ans peut être imposée. La peine minimale est de un an. Au terme d’un jugement définitifprononcé deux jours auparavant suite aux appels formés à la fois par l’accusation et par la défense auprès de l’instance d’appel de la Cour de Bosnie-Herzégovine, le principal accusé a été condamné à une peine de 12 ans et son complice à 8 ans d’emprisonnement.

M. Taghizade (Rapporteur de pays) souhaite obtenir des informations plus précises sur les procédures appliquées par les différentes composantes de la structure nationale: la Fédération de Bosnie-Herzégovine, la République Serbe et le District de Brcko. Quelles sont les dispositions habituellement adoptées par chaque entité pour traiter la situation des travailleurs migrants en situation irrégulière: une légalisation de leur situation ou des mesures administratives rigoureuses, notamment l’expulsion? Les entités disposent-elles de centres de détention pour les migrants et dans l’affirmative, quelles en sont les conditions, quelle est la durée autorisée de la détention et les décisions de détention sont-elles prises par les tribunaux ou par des instances administratives ? Il aimerait obtenir des exemples spécifiques de pratiques actuelles et si possible, des statistiques.

Il souhaite également savoir si les droits sociaux des travailleurs migrants en matière de sécurité sociale et d’allocations chômage équivalent à ceux dont jouissent les ressortissants de Bosnie-Herzégovine. Les sanctions applicables aux ressortissants, telle la suspension des allocations chômage jusqu’à 12 mois, s’exercent-elles également à l’encontre des travailleurs migrants? Lorsqu’ils quittent le pays, ces derniers sont-ils autorisés à emporter leurs biens personnels sans avoir à verser de droits de douanes ? Il demande enfin si des dispositions ont été prises pour préserver les droits des travailleurs migrants Roms.

M. Kariyawasam s’interroge quant à la mise en oeuvre pratique de l’article 31 de la Convention qui demande aux États parties de veiller au respect de l’identité culturelle des travailleurs migrants et des membres de leur famille, même lorsqu’ils sont en transit. En tant que pays multiculturel, la Bosnie-Herzégovine peut potentiellement servir de modèle aux autres États parties, notamment à travers l’action de ses missions consulaires à l’étranger.

Le Presidents’interroge quant à la position de la Bosnie-Herzégovine en matière de double nationalité. Dans le cas de l’Allemagne, les autorités restituent au pays d’origine le passeport des personnes qui ont renoncé à leur nationalité. En principe, ces personnes pourront sur demande recouvrer leur citoyenneté. Est-ce le cas en Bosnie-Herzégovine ?

Il demande si la décision de mettre en place le vote électronique pour les ressortissants émigrants fait suite à une étude des raisons physiques et logistiques qui ont empêchéces personnes de voter dans le passé, ou si elle repose simplement sur des hypothèses de tendance à la baisse des pratiques de vote.

La séance est levée à 13 heures .