NATIONS UNI ES

CMW

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr.

GÉNÉRALE

CMW/C/SR.31

18 janvier 2010

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ POUR LA PROTECTION DES DROITS DE TOUS LES TRAVAILLEURS

MIGRANTS ET DES MEMBRES DE LEUR FAMILLE

Quatrième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 31e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le mardi 25 avril 2006, à 10 heures

Président: M. KARIYAWASAM

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 73 DE LA CONVENTION

Rapport initial du Mali

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.Les rectifications aux comptes rendus des séances du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.GE.06-41480 (EXT) La séance est ouverte à 10 h 05.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 73 DE LA CONVENTION (point 6 de l’ordre du jour)

Rapport initial du Mali (CMW/C/MLI/1; CMW/C/MLI/Q/1 et Add.1)

À l ’ invitation du PRÉSIDENT, les membres de la délégation du Mali prennent place à la table du Comité.

Le PRÉSIDENT souhaite la bienvenue à la délégation du Mali, premier État partie à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille à présenter son rapport initial. Il est particulièrement significatif que le premier rapport à examiner vienne d’un pays africain. Il convient de féliciter le Gouvernement du Mali pour son engagement à protéger les droits de ses travailleurs migrants.

M. KASSÉ (Mali) indique que, compte tenu de l’importance que le Gouvernement du Mali attache à la situation des travailleurs migrants en général, et des travailleurs migrants maliens à l’étranger en particulier, sa délégation fera tout ce qui est en son pouvoir pour fournir toute information complémentaire dont le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille pourrait avoir besoin.

Mme DICKO (Mali), présentant le rapport initial du Mali (CMW/C/MLI/1), formule ses excuses pour l’absence d’informations sur la géographie et le cadre politique et juridique du Mali. Pour information à ce sujet, elle renvoie le Comité au deuxième rapport périodique du Mali présenté au Comité des droits de l’enfant en 2005 (CRC/C/MLI/2).

Les tendances actuelles en matière de migration de travailleurs constituent une préoccupation pour le Gouvernement malien car le Mali est d’abord et avant tout un pays d’émigration. Les mesures, législatives ou autres, prises pour réguler la migration et l’emploi des migrants, s’inscrivent dans un vaste corpus de lois et de règlements relatifs à l’emploi, à la sécurité sociale et à l’immigration. Le Gouvernement du Mali attache une grande importance aux droits sociaux dans ces domaines, c’est la raison pour laquelle il a ratifié la Convention sur les travailleurs migrants. Toutefois, la mise en application des dispositions de la Convention se révèle une tâche plus ardue.

Le rapport initial (CMW/C/MLI/1) a été élaboré en collaboration avec le Ministère de la fonction publique, de la réforme de l’État et des relations avec les institutions, le Ministère des affaires étrangères et de la coopération internationale, le Ministère des Maliens de l’extérieur et de l’intégration africaine, le Ministère de la sécurité intérieure et de la protection civile et le Ministère de l’administration territoriale et des collectivités locales. Le Gouvernement du Mali a ultérieurement apporté une réponse écrite (CMW/C/MLI/Q/1/Add.1) à la liste des questions à traiter (CMW/C/MLI/Q/1), laissant toutefois certaines d’entre elles sans réponse. Au sujet de la question 5 de la liste de questions à traiter, Mme Dicko indique que la délégation a rencontré le Comité de coordination des actions des ONG (CCA/ONG), organisation qui regroupe les ONG maliennes, dans le but de faire connaître la Convention. Ainsi, dans un proche avenir, les ONG maliennes pourront-elles prendre une part active à sa mise en application.

En réponse à la question 15, elle explique que, par le passé, le transfert des revenus des travailleurs migrants maliens était habituellement confié à un compatriote résidant dans le pays étranger concerné et se rendant au Mali. Toutefois, compte tenu des sommes de plus en plus importantes qui sont en jeu, les banques maliennes ont récemment commencé à ouvrir des agences dans les pays de destination. Les transferts peuvent également être réalisés par l’intermédiaire de la Western Union. Par ailleurs, en février 2006, une réunion sous-régionale s’est tenue au Bénin en vue de débattre sur les moyens de faciliter le transfert des revenus entre pays de la sous-région.

En ce qui concerne la question 23, elle signale qu’au Mali les travailleurs indépendants ont droit à la même protection que les autres travailleurs, en application du Code du travail et du Code de la sécurité sociale, et à la même assistance de la part de l’Agence nationale pour l’emploi. Cependant, au Mali les travailleurs indépendants sont essentiellement des artisans et des commerçants qui, pour des raisons personnelles, préfèrent travailler dans le secteur informel.

M. ALBA souligne que la présente séance n’est que le début d’un dialogue à long terme dans le cadre duquel le Mali devra présenter régulièrement des rapports périodiques. De la même manière, la mise en application des dispositions de la Convention se fera progressivement. Pour l’heure, le Comité souhaite avoir davantage de précisions sur la situation réelle des travailleurs migrants au Mali et demande donc des informations complémentaires sur la législation et les règlements spécifiques qui ont été adoptés pour mettre en application les dispositions de la Convention. Par exemple, quelles sont les procédures concernant la confiscation des papiers d’identité? Existe-t-il une législation spécifique interdisant les expulsions massives?

Suite à la réponse orale à la question 15, il demande davantage de précisions sur les modalités de transfert de fonds par l’intermédiaire des banques maliennes à l’étranger et des banques étrangères au Mali. Il souhaite également savoir si le Mali dispose d’un système d’assistance aux ressortissants étrangers qui souhaitent transférer des fonds vers l’étranger. En lien avec la question 17, qui n’a pas été traitée dans les réponses écrites, il demande quels ont été les efforts entrepris pour informer les travailleurs maliens à l’étranger ou les travailleurs étrangers, qu’ils soient de passage ou qu’ils résident au Mali, de leurs droits dans le cadre de la Convention. Existe-t-il une législation qui protège les traditions culturelles des migrants? Il y a également lieu de fournir des informations complémentaires au sujet des mesures prises pour assurer un soutien adapté aux travailleurs maliens à l’étranger. En particulier, il serait utile de savoir si le personnel des ambassades maliennes est formé pour traiter des problèmes d’emploi.

M. EL-BORAI demande des informations supplémentaires concernant les droits civiques mentionnés au paragraphe 31 du rapport initial, notamment dans la mesure où ce paragraphe laisse supposer qu’il existerait des exceptions aux droits inscrits aux articles 40, 41 et 42 de la Convention. Les travailleurs migrants jouissent-ils tous réellement du droit de créer des associations et des syndicats? Il serait utile de disposer d’une liste complète des conditions que doivent remplir les migrants désirant entrer et s’installer au Mali.

Il est souhaitable que l’État du Mali soit plus précis au sujet des droits inscrits à l’article 10 de la loi N° 04-058. En effet, les procédures administratives appliquées dans le cas des regroupements familiaux de travailleurs migrants n’y sont pas clairement explicitées. Les dispositions de l’article 50 de la Convention figurent-elles dans la législation intérieure? Dans l’affirmative, quelles sont les procédures administratives appliquées en cas de décès d’un travailleur migrant?

Des informations complémentaires sur les services proposés aux travailleurs migrants et à leurs familles doivent être fournies, afin que le Comité puisse vérifier que le Gouvernement applique les dispositions du paragraphe 1 de l’article 65 de la Convention. L’État du Mali est également tenu d’indiquer si la Commission consultative nationale des droits de l’homme aborde les questions se rapportant à la migration.

La séance est suspendue à 10 h 45 et reprend à 11 h 05.

Mme DICKO (Mali), en réponse à certains points évoqués par les membres du Comité, indique que les papiers d’identité ne sont confisqués que lorsqu’une personne fournit de fausses informations lors d’un contrôle de routine. L’expulsion doit faire l’objet d’une décision de justice; elle est exécutée si le permis de séjour est refusé. Les services de sécurité peuvent prendre l’initiative du refoulement aux frontières. Il n’y a pas eu de cas d’expulsions massives au Mali.

Divers accords régissent le droit des travailleurs migrants à transférer des fonds vers leur pays d’origine. La Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest effectue ce type de transferts.

La Convention ayant été ratifiée par le Mali en juin 2003, il n’a pas encore été mis en place de mesures pour diffuser l’information au sujet des droits qu’elle garantit. Le Gouvernement prendra néanmoins des dispositions pour informer les Maliens de l’extérieur et les travailleurs migrants au Mali de leurs droits au titre de la Convention.

Concernant le regroupement familial, des dispositions ont été prises, conformément à l’article 44 de la Convention, dans la loi N° 04-058 qui énonce toutes les procédures administratives applicables. Le texte de cette loi sera communiqué au Comité.

Le mandat de la Commission consultative nationale des droits de l’homme est de promouvoir et protéger tous les droits de l’homme et de lutter contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Les droits des travailleurs migrants font donc partie du domaine de compétence de cette Commission.

M. KASSÉ (Mali) ajoute que les ambassades du Mali sont responsables de la protection des citoyens maliens vivant à l’étranger. Le Consulat du Mali à Paris, par exemple, compte parmi son personnel des spécialistes de l’emploi et de la sécurité sociale.

M. DIALLO (Mali) indique que pour pouvoir entrer au Mali, un passeport ou autre document de voyage est exigé. Pour les ressortissants des États membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest et des pays ayant signé des accords bilatéraux avec le Mali, il n’est plus exigé de visa d’entrée. Un titre de transport pour le retour et une attestation de vaccinations sont également nécessaires.

M. EL-BORAI demande dans quelles circonstances les services de sécurité peuvent décider des procédures de refoulement aux frontières nationales.

M. ALBA constate qu’il demeure difficile de savoir si les expulsions massives sont encadrées par la législation intérieure.

M. KONE (Mali) fait remarquer que même si l’expulsion massive est prévue par la législation, une telle expulsion serait contraire au principe constitutionnel selon lequel le Mali se doit d’encourager l’unité africaine.

M. TAGHIZADE note que, d’après les réponses écrites à la liste des questions à traiter, il existe une diaspora malienne représentant environ « un tiers de la population totale ». Cela semble être une proportion très élevée: la réponse se réfère-t-elle à la population totale du Mali ou au nombre total de ressortissants maliens dans le monde? Il a également été fait mention d’un dialogue entre le gouvernement, la société civile et les ONG; il souhaite savoir si ce dialogue a eu lieu avant ou après la préparation du présent rapport. Il souhaite également savoir si ce rapport a été diffusé au Mali. Enfin, en ce qui concerne les mesures prises pour informer les migrants des droits que la Convention leur confère (question 16 de la liste de questions à traiter), il demande si les procédures administratives ont été modifiées à cette fin ou si cette tâche sera déléguée aux ambassades du Mali à l’étranger.

Mme DIEGUEZ indique qu’elle a également été frappée par la forte proportion de migrants originaires du Mali. La proportion nettement plus faible de migrants originaires de son propre pays, le Guatemala, installés aux États-Unis d’Amérique (1,2 millions sur une population totale de 12 millions) a eu un impact social considérable, dans la mesure où les fonds que ceux-ci transfèrent vers le Guatemala représentent la plus importante source de revenus du pays. Elle souhaite savoir si les projets de développement au Mali bénéficient de ce type de fonds et si on dispose d’informations sur les sommes réellement mises en jeu. Elle demande également des informations complémentaires sur les attributions et le fonctionnement du Ministère des Maliens de l’extérieur et de l’intégration africaine. Cela pourrait être un modèle utile pour d’autres pays ayant une forte proportion de travailleurs migrants.

Mme CUBIAS MEDINA demande si, au-delà des dispositions structurelles prises pour lutter contre la traite des êtres humains et protéger les enfants, il y a eu des poursuites pénales contre les trafiquants. Elle demande également quelles ont été les mesures adoptées pour venir en aide aux enfants et aux jeunes gens victimes des trafiquants.

M. SEVIM demande d’une part si la Convention peut être citée devant les tribunaux maliens et d’autre part quelles mesures le Gouvernement a pris pour garantir que les travailleurs migrants soient traités comme le prévoit l’article 25 de la Convention.

M. BRILLANTES note que toute situation qui ne serait pas couverte par la Constitution ou une autre législation semble relever de la loi N° 04-058 du 25 novembre 2004, à laquelle la délégation a constamment fait référence. Cette loi démontre clairement l’engagement du gouvernement à mettre en œuvre la Convention. Il accueille favorablement la proposition de la délégation d’en fournir une copie au Comité. D’autres pays pourraient sans doute adopter une législation similaire. Le Comité n’a toutefois pas été informé de l’existence de recours administratifs au Mali. Il serait utile de connaître les organes qui traitent les plaintes pour violation des droits des travailleurs migrants et de savoir comment de telles plaintes peuvent être déposées. Le Comité a été informé de la procédure qui s’applique aux Maliens de l’extérieur, mais la situation au Mali, en ce qui concerne les travailleurs migrants ou les membres de leur famille, est moins claire. Il demande des précisions sur les peines encourues notamment par les employeurs en cas de violation des droits des travailleurs migrants. Enfin, il incite la délégation du Mali à indiquer quel type d’assistance ou de conseil son pays aimerait recevoir de la part du Comité.

M. EL JAMRI demande, au sujet de la question 20 de la liste des questions à traiter, dans quels pays les Maliens sont autorisés à voter et souhaite des précisions sur les procédures de vote concernant les Maliens de l’extérieur. Il demande également combien de ressortissants maliens sont revenus dans leur pays dans le cadre des programmes de rapatriement volontaire mis en place, entre autres, par la France et la Suisse. En ce qui concerne la question 25, il souhaiterait davantage d’informations sur les divers services proposés aux Maliens de l’extérieur par les ambassades et consulats et aimerait savoir si ces services sont assurés en coopération avec des institutions telles que les organisations d’employeurs ou les ONG.

Il aimerait savoir si le gouvernement du Mali a officiellement réagi à l’application de lois du travail affectant négativement les Maliens ou encore aux évènements à connotation raciste, comme les émeutes qui ont secoué les banlieues défavorisées de Paris à l’automne 2005. Il aimerait également connaître l’opinion de la délégation sur les flux migratoires massifs en Afrique subsaharienne, et plus particulièrement sur le cas des candidats à la migration qui ont trouvé la mort en cherchant à atteindre les ports d’embarquement traditionnels pour l’Europe. Quant aux ressortissants d’autres pays qui transitent par le Mali, volontairement ou involontairement, il demande si des négociations sont en cours en vue de réduire de tels flux. Dans ce contexte, il demande s’il existe des chiffres concernant le nombre de ressortissants maliens sans papiers vivant à l’étranger.

Dans des pays d’accueil comme la France, le processus de ghettoïsation rend plus difficile l’intégration et l’amélioration des conditions de vie et a un impact sur la scolarisation des enfants maliens et les conditions de vie des migrants en général. Certaines pratiques religieuses ou culturelles comme la polygamie constituent un facteur aggravant supplémentaire. Il ne porte pas de jugement moral sur cette pratique mais il est légitime de s’interroger sur l’impact qu’elle peut avoir sur les droits des personnes concernées. De nombreux Maliens sont polygames mais, en règle générale, dans le pays d’accueil, seule la première épouse peut bénéficier des aides de l’État et autres droits. La situation juridique des autres épouses est pour le moins précaire. Enfin, il souhaite avoir les commentaires de la délégation sur les liens qui existent entre migration et développement. Le Mali a été cité comme exemple d’un pays où les habitants sont intimement impliqués dans le développement, ce qui a pour conséquence de diminuer les flux migratoires. Le Gouvernement a-t-il adopté d’autres mesures tendant à diminuer ces flux?

M. ALBA indique qu’il aimerait entendre le point de vue de la délégation sur la migration des sans-papiers. Il aimerait également connaître l’ampleur de la migration transitoire au Mali et l’attitude que le Gouvernement adopte vis-à-vis de cette migration.

Mme DIEGUEZ demande quel effet ont eu, sur la conscience nationale, les rapatriements massifs de Maliens par la France, en 1986.

M. BRILLANTES demande si la recherche d’un emploi à l’étranger est encouragée par des programmes officiels ou s’il s’agit d’une initiative prise individuellement.

Le PRÉSIDENT indique qu’il lève la séance de bonne heure, afin de permettre à la délégation de préparer ses réponses aux nombreuses questions posées par le Comité.

La séance est levée à 11 h 55.

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