Nations Unies

CMW/C/SR.214

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. générale

19 avril 2013

Original: français

NATIONS UNIES Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Dix-huitième session

Compte rendu analytique de la 214 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 15 avril 2013, à 15 heures

Président:M. El‑Jamri

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 73 de la Convention

Deuxième rapport périodique de la Colombie

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 73 de la Convention

Deuxième rapport périodique de la Colombie (HRI/CORE/1/Add.56/Rev.1; CMW/C/COL/2; CMW/C/COL/Q/2; CMW/C/COL/Q/2/Add.1)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation colomb ienne prend place à la table du  Comité.

2.M. Calderón Ponce de León (Colombie) rappelle que le deuxième rapport périodique de la Colombie a été établi par le groupe interinstitutionnel chargé d’élaborer la politique migratoire nationale. La politique migratoire, adoptée en 2009, est le fruit d’un processus lancé en 2008, auquel ont été étroitement associées les organisations de la société civile en contact avec la population émigrée, qui représente 9 à 10 % de la population totale et vit essentiellement à New York, Miami, Madrid, Quito et Caracas. Cette politique repose sur un certain nombre de principes, parmi lesquels la liberté de mouvement, et affirme les droits fondamentaux des migrants, sur un pied d’égalité avec les autres citoyens, conformément à la Constitution.

3.M. Calderón Ponce de León souligne qu’il est important que la migration soit ordonnée et réglementée et que le Conseil des droits de l’homme devrait insister sur ce point auprès des États qui n’ont pas ratifié la Convention.

4.La loi no 985 de 2005, portant création d’un comité interinstitutionnel chargé de prévenir la traite, d’aider les victimes et d’engager des poursuites contre les auteurs de la traite, s’inscrit dans le cadre des efforts déployés pour lutter contre la traite, essentiellement à des fins d’exploitation sexuelle, de travail forcé et de mariage forcé, dont l’écrasante majorité des victimes sont des femmes (90 % en 2011 et 92 % en 2012). En 2011, les autorités ont eu connaissance de 21 cas de traite au niveau national et de 21 autres cas avec des ramifications internationales. Grâce à un partenariat conclu avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), le Gouvernement colombien est désormais en mesure d’apporter une aide à ses ressortissants dans les pays de destination.

5.M. Calderón Ponce de León explique que les processus de régularisation engagés en 2001 et 2008 n’ont concerné qu’un nombre limité de personnes dans la mesure où la structure juridique et normative de la Colombie permet à un migrant en situation irrégulière de régulariser sa situation tout en demeurant sur le territoire. En outre, l’accord conclu avec les pays du MERCOSUR permet aux migrants en situation régulière de circuler librement dans tout le Marché commun sud-américain.

6.Depuis 2009, un Plan d’aide au retour mis en œuvre par l’intermédiaire des consulats et grâce à l’organisation de salons dans les pays d’accueil facilite l’information des Colombiens qui souhaitent rentrer. La loi n° 1565 du 31 juillet 2012 autorise la mobilisation de fonds pour venir en aide aux populations émigrées vulnérables. À ce plan s’ajoute le dispositif des consulats mobiles qui permet de mieux protéger les Colombiens à l’étranger.

7.M.  Bueno Aguirre (Colombie) présente la nouvelle entité, dénommée Migración Colombia, créée seize mois auparavant, qui s’occupe des quelque 9,4 millions de migrants qui arrivent en Colombie, la quittent ou y transitent chaque année. Il s’agit d’un organisme technique chargé du contrôle et de la surveillance de la migration, ainsi que des services aux migrants, auquel il incombe notamment de délivrer les titres de séjour et d’en garantir l’inviolabilité. Cet organisme permet aux autorités de connaître avec précision le nombre de migrants et d’effectuer des analyses statistiques à partir des données recueillies.

8.En 2012, 1 000 des 1 500 agents publics placés aux 35 postes de contrôle migratoire du pays ont bénéficié d’une formation aux droits de l’homme et aux normes internationales en la matière. Des brochures d’information sur les activités de Migración Colombia et les moyens de contacter ses services sont distribuées dans ces 35 postes de contrôle, tant aux personnes qui quittent le pays qu’à celles qui y entrent.

9.M. Bueno Aguirre précise que le Congrès des autorités migratoires ibéro‑américaines, tenu en 2012 avec l’appui de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a été consacré à la lutte contre la traite et l’introduction clandestine de migrants.

10.Les grands projets actuellement menés par Migración Colombia visent à faciliter les déplacements de ceux qui voyagent fréquemment, notamment grâce à la mise en place de points de passage automatiques, à mettre au point de nouveaux titres de séjour plus sécurisés, à installer de nouveaux postes de contrôle migratoire pour lutter contre la traite et à établir une politique des droits de l’homme au sein de l’organisme.

11.M.  Carrión Mena aimerait connaître les raisons de l’absence de chiffres concernant les mouvements migratoires irréguliers et savoir de quelle manière les organisations non gouvernementales (ONG) ont participé concrètement à l’élaboration de la politique migratoire. Il souhaiterait avoir davantage d’informations sur les conditions de rétention des travailleurs migrants en transit sans papiers arrêtés en Colombie, ainsi que sur le processus de régularisation des migrants, en particulier aux zones frontières. Il sollicite en outre des précisions sur le sort réservé aux migrants non admis sur le territoire colombien, le budget alloué au Plan pour le retour et la réinsertion des Colombiens ayant décidé de rentrer au pays. Il aimerait par ailleurs savoir si les autorités sont sensibilisées aux dispositions de la Convention, et si la délégation colombienne peut donner plus de précisions sur le phénomène migratoire de manière générale et sur l’asile. La délégation peut-elle également indiquer dans quelle mesure le Gouvernement a établi un lien avec les travailleurs migrants colombiens à l’étranger, notamment par l’intermédiaire des «consulats mobiles» et des salons, et ce que fait le Gouvernement pour les nationaux qui se sont réfugiés dans d’autres pays afin d’échapper aux violences, notamment les quelque 30 000 Colombiens qui se trouvent actuellement en Équateur?

12.M.  Ibarra Gonzalez demande si les enfants des travailleurs migrants ont le droit d’acquérir la nationalité du pays lorsque leurs parents se trouvent en situation irrégulière et s’ils ont accès à l’éducation. S’agissant de l’aide que la Colombie apporte aux migrants colombiens à l’étranger, le travail mené par les consulats mobiles est de toute évidence important. Toutefois, les consulats peuvent-ils bénéficier de conseils juridiques pertinents pour venir en aide aux sans papiers? Dans certains pays, notamment aux États-Unis d’Amérique, il est nécessaire d’avoir recours à des avocats spécialisés pour les questions touchant la migration, le travail, la famille et le droit pénal. Certains avocats travaillent pro  bono, mais beaucoup de migrants l’ignorent. La Colombie est-elle en mesure d’aider les migrants colombiens aux États-Unis d’Amérique en particulier, mais aussi en Europe et notamment en Espagne du fait de la dégradation actuelle de la conjoncture?

13.M.  Kariyawasam souhaite savoir comment la Colombie prend en charge les Colombiens qui ont fui leur pays en raison de conflits internes, ont obtenu le statut de réfugié dans un autre pays et comptent rentrer en Colombie. Sont-ils traités comme des travailleurs migrants? Quelle est la situation en ce qui concerne la traite d’êtres humains? Existe-t-il des dispositions particulières pour les affaires de traite dont sont victimes les déplacés internes? Quelles mesures le Gouvernement colombien a-t-il prises pour faire connaître par les canaux diplomatiques les programmes existants destinés aux travailleurs migrants colombiens à l’étranger et remédier ainsi au manque apparent d’information?

14.M me Poussi demande des éclaircissements sur le certificat de proportionnalité. Quelle en est l’utilité? À qui est-il délivré et dans quelles conditions? A-t-il été supprimé et, si tel est le cas, pour quelles raisons? Une évaluation de ce dispositif a-t-elle été faite, notamment en ce qui concerne le taux d’embauche de travailleurs migrants étrangers en Colombie? Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), la Colombie est classée au troisième rang s’agissant du nombre de victimes de la traite d’êtres humains. La Colombie a pris certaines mesures dans ce domaine, notamment sur le plan législatif, et une stratégie nationale a également été adoptée pour la période 2007-2012. Quels sont les principaux responsables de la traite? S’agit-il de Colombiens ou d’étrangers? A-t-on tiré un bilan de la stratégie mise en œuvre? Les objectifs ont-ils été atteints et quelles sont les perspectives actuelles? Des affaires de traite ont-elles déjà été portées devant les tribunaux et, si tel est le cas, quelles suites leur ont été données? Comment procède-t-on à la réparation des préjudices subis?

15.M.  Nuñez-Melgar Maguiña s’interroge sur la façon dont la Colombie fait face à la fuite des cerveaux dans le cadre de sa politique migratoire intégrée. La situation a-t-elle évolué dans ce domaine? Quelle politique est mise en œuvre en ce qui concerne les agences de travail temporaire et les personnes qui exploitent les travailleurs migrants par l’intermédiaire de ces entreprises?

16.M.  Sevim demande à connaître les raisons pour lesquelles la Colombie maintient ses réserves aux articles 15, 46 et 47 de la Convention, relatifs aux biens, aux gains et aux économies des travailleurs migrants et des membres de leur famille. Il désire en outre savoir si la Colombie entend maintenir ses réserves aux articles 67 et 77, concernant respectivement la coopération entre les États parties intéressés et les communications individuelles adressées au Comité des travailleurs migrants.

17.M.  Taghizade demande un complément d’information sur les migrations saisonnières entre la Colombie et les pays de la région, notamment l’Argentine, et sur les conditions de travail et de rémunération des travailleurs saisonniers.

18.Le Président souhaiterait obtenir des précisions sur les points suivants: l’utilisation de la Convention comme instrument de gouvernance; la non-criminalisation de l’immigration et les conditions de détention et de rétention des travailleurs migrants; les mesures d’assistance aux victimes de la traite dans le cadre de la loi 985; le programme spécifique d’aide à plusieurs centaines de femmes victimes de la crise en Europe; le fonds de solidarité envers les travailleurs migrants; la formation aux droits de l’homme d’un millier de fonctionnaires, en particulier le niveau des fonctionnaires concernés et le contenu de la formation; la base de données sur les étrangers travaillant en Colombie et le rôle des statistiques dans ce domaine; le processus d’élaboration du rapport périodique, notamment la collaboration avec les organisations de la société civile et la représentation des travailleurs migrants au sein de ces organisations; le niveau de coordination de la politique migratoire intégrée, la dimension régionale de cette politique, notamment dans le contexte de la sous-région, et son évolution.

19.S’agissant des réserves émises par la Colombie à l’égard de certains articles de la Convention, le Président fait observer que le Comité d’experts n’a pas décelé d’incompatibilités entre la législation colombienne interne et les articles 15, 46 et 47. Cette observation vaut également pour les Conventions nos 97 et 143 de l’Organisation internationale du Travail (OIT).

La séance est suspendue à 16 h 2 5 ; elle est reprise à 17 h 10.

20.M.  Calderon Ponce de León (Colombie) dit que les pays membres de la Conférence sud-américaine sur les migrations gèrent un système centralisé qui valide les statistiques nationales relatives aux migrations. Selon un recensement effectué en Colombie en 2005, 3,3 millions de Colombiens se trouvaient à l’étranger. Ce recensement a également permis de constater que c’est la zone de production du café qui génère le plus de flux migratoires, en raison de ses liens avec les réseaux de migration vers l’Espagne et ce malgré la faible présence de groupes armés en conflit avec la loi. On a également pu observer que les principales zones d’origine des migrants colombiens sont celles dans lesquelles le PIB par habitant est le plus élevé.

21.Deux études menées en 2010 par l’OCDE et par la Banque interaméricaine de développement ont fourni des statistiques sur les Colombiens à l’étranger ventilées par profession. On constate ainsi qu’une grande partie des Colombiens établis aux États-Unis exercent la profession à laquelle ils ont été formés. C’est en Espagne qu’il y a la plus faible adéquation entre la profession et l’activité exercée. La Colombie a aussi effectué des études pour connaître le chiffre exact de ses ressortissants se trouvant à l’étranger, mais celui-ci est difficile à estimer car l’inscription sur les registres consulaires n’est pas obligatoire. En ajoutant aux chiffres fournis par les registres consulaires le nombre de passeports en vigueur ayant une validité supérieure à six mois, les autorités ont estimé à 4,7 millions le nombre de Colombiens se trouvant à l’étranger.

22.M.  Bueno Aguirre (Colombie) dit que la Colombie a élaboré un système d’information afin de mieux connaître le nombre d’étrangers se trouvant sur son territoire. Les chiffres relatifs aux flux de voyageurs, mesurés dans 35 points de contrôle migratoire, sont publiés tous les mois et les statistiques sont communiquées aux organisations intéressées. D’après le recensement de 2005, quelque 110 000 étrangers se trouveraient en Colombie. Ces informations vont être mises à jour cette année et le titre de séjour aura désormais une durée de validité limitée afin que le nombre de résidents étrangers sur le territoire colombien puisse être mieux évalué. M. Bueno Aguirre indique que 41 000 titres de séjour ont été délivrés l’année dernière. Il précise que toutes les entreprises privées, y compris les hôtels, ont l’obligation de communiquer aux autorités des informations sur les étrangers qu’elles emploient ou qui séjournent dans leur établissement.

23.M.  Calderon Ponce de León (Colombie) précise que les 825 organisations avec lesquelles la Colombie travaille sont des associations de migrants colombiens à l’étranger. C’est aux États-Unis que se trouve le plus grand nombre d’organisations de la société civile qui s’occupent des Colombiens, ce pays accueillant 37 % des Colombiens vivant à l’étranger. M. Calderon Ponce de León rappelle que la société civile a participé à l’élaboration de la politique migratoire et que les revendications des organisations de migrants ont été prises en compte dans les programmes élaborés à leur intention. La loi 1465, portant création du système national des migrations, a été votée en 2011 à l’initiative du Congrès de la République. Elle prévoit la participation de la société civile à ce système.

24.M.  Bueno Aguirre (Colombie) dit que le séjour irrégulier en Colombie ne constitue pas un délit. Une procédure administrative qui peut aboutir à l’expulsion est engagée, mais la décision d’expulsion peut être contestée et l’étranger qui introduit un recours en ce sens se voit délivrer un permis lui permettant de rester dans le pays en attendant qu’une décision soit prise. Il est prévu d’instaurer des salles transitoires de migration dans tous les aéroports et les principaux points d’arrivée des migrants en Colombie, dans lesquelles les étrangers se trouvant dans une situation très vulnérable pourront recevoir une assistance. Ce projet fonctionnera dans le cadre de la politique intitulée «Réseau de migrants en Colombie», qui vise à coordonner les mesures prises par différentes entités aux niveaux local, national et international pour apporter une aide aux migrants.

25.M. Calderon Ponce de León (Colombie) dit que les migrations transfrontières sont difficiles à contrôler, malgré la collaboration active avec les pays voisins, et qu’elles sont exacerbées par la forte présence de communautés autochtones qui ne reconnaissent pas les frontières fixées par les États. Il admet que la Colombie a tardé à appliquer la décision 545 de la Communauté andine des nations sur la migration de la main-d’œuvre, mais il précise que c’est désormais chose faite et que l’application de cette norme a permis de réduire grandement la migration clandestine de ressortissants des pays voisins.

26.La Colombie applique l’Accord sur la résidence pour les ressortissants du Mercosur et les États associés avec le Pérou et la Bolivie. Cet accord, qui constitue un grand progrès pour l’exercice des droits des migrants, permet aux personnes qui présentent certains documents d’identité d’obtenir un permis de résidence de deux ans dans l’un des pays membres. Le statut migratoire binational en vigueur avec l’Équateur ne prévoit pas de régularisation immédiate mais constitue un processus de mobilité dans une zone d’intégration frontalière. La Colombie espère signer prochainement un accord de résidence avec l’Équateur.

27.M.  Carrión Mena demande ce qu’il advient des personnes qui ne sont pas admises en Colombie et risquent par conséquent d’être expulsées.

28.M.  Calderon Ponce de León (Colombie) dit que la question de la régularisation est assez peu débattue en Colombie, le taux d’immigration étant faible, et que les régularisations concernent moins de 2 000 personnes par an. Les individus ne pouvant bénéficier d’une régularisation ont la possibilité, en application du décret 4000 de 2004, de présenter une demande par l’intermédiaire de leur consulat afin d’obtenir un visa. Le nombre d’expulsions en Colombie est extrêmement faible.

29.Les études qui ont été menées sur les Colombiens ayant quitté le pays s’accordent sur les causes principales d’émigration, à savoir en premier lieu la recherche d’un emploi, puis l’amélioration de la qualité de vie et enfin le regroupement familial. La violence et la sécurité ne viennent qu’en quatrième position. Le nombre de personnes bénébiciant d’une protection internationale s’établirait entre 375 000 et 400 000 selon le HCR et entre 330 000 et 340 000 selon les autorités colombiennes, soit moins de 3 % de la population.

30.Le Plan d’aide au retour a été assorti d’un plan d’investissement du Ministère des affaires étrangères dont le montant s’élevait en 2009 à 250 000 dollars. À l’heure actuelle, ce budget dépasse 4 millions de dollars si on lui ajoute les fonds consacrés à la mise en œuvre des différents accords sur le retour et les services fournis aux migrants rapatriés, notamment en matière de formation. De plus, le 31 juillet 2012, le Congrès a adopté la loi 1565 sur le retour, qui prévoit une série d’avantages, notamment en matière fiscale, accordés aux migrants qui rentrent en Colombie.

31.M.  Bueno Aguirre (Colombie) dit qu’en 2012, 769 agents des services migratoires ont suivi une formation sur les normes internationales en matière de migration. Cette année, une formation sur la question des réfugiés a été organisée avec le HCR.

32.M.  Calderon Ponce de León (Colombie) indique que le Gouvernement colombien a créé en 2010 une commission chargée de la question des réfugiés, dont font partie le HCR et l’OIM.

La séance est levée à 18 heures.