NATIONS UNIES

CMW

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr.GÉNÉRALE

CMW/C/SR.8813 mai 2009

Original: FRANÇAIS

NATIONS UNIESCOMITÉ POUR LA PROTECTION DES DROITS DE TOUS LES TRAVAILLEURSMIGRANTS ET DES MEMBRES DE LEUR FAMILLE

Neuvième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 88e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le lundi 24 novembre 2008, à 10 heures

Président: M. EL JAMRI (Maroc)

SOMMAIRE

OUVERTURE DE LA SESSION

DÉCLARATION LIMINAIRE DU REPRÉSENTANT DE LA HAUT‑COMMISSAIRE DES NATIONS UNIES AUX DROITS DE L’HOMME

ADOPTION DE L’ORDRE DU JOUR

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À

L’ARTICLE 73 DE LA CONVENTION

La séance est ouverte à 10 h 15.

OUVERTURE DE LA SESSION (point 1 de l’ordre du jour)

1.Le PRÉSIDENT déclare ouverte la neuvième session du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

DÉCLARATION LIMINAIRE DU REPRÉSENTANT DE LA HAUT‑COMMISSAIRE DES NATIONS UNIES AUX DROITS DE L’HOMME

2.M. DAVID (Coordonnateur du Groupe IV, au Service des traités et du Conseil du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, Représentant de la Haut‑Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme) transmet au Comité les vœux de succès de la Haut‑Commissaire et passe ensuite en revue les faits nouveaux survenus depuis la huitième session du Comité.

3.Le Haut-Commissariat a poursuivi ses activités visant à promouvoir les droits des migrants, comme l’atteste la tenue d’un certain nombre de réunions, auxquelles des représentants du Comité ont activement participé et à l’occasion desquelles la ratification de la Convention a été systématiquement prônée. En mai, le Haut-Commissariat s’est associé à l’Union parlementaire africaine, à l’Organisation internationale du Travail (OIT) et à l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour organiser une conférence sur les migrations à l’intention des parlementaires africains. En septembre, il a organisé conjointement avec le Gouvernement mexicain une réunion internationale sur la question des enfants dans le contexte des migrations. Enfin, deux semaines avant la présente session, il a mis sur pied avec l’OIM et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) une conférence régionale sur la protection des réfugiés et les migrations internationales en Afrique de l’Ouest, qui s’est tenue à Dakar.

4.Appelant l’attention sur le rapport du Groupe mondial sur la migration, intitulé «International Migration and Human Rights – Challenges and Opportunities on the Threshold of the 60th Anniversary of the Universal Declaration of Human Rights», M. David indique que le Haut-Commissariat a pour la première fois été associé à son élaboration et a pu y apporter une importante contribution.

5.Le représentant de la Haut-Commissaire indique ensuite que la Convention a été ratifiée par la Jamaïque et le Paraguay et signée par le Congo, ce qui montre que la progression dans l’adhésion à la Convention se poursuit à un rythme modéré mais régulier, autorisant à penser que le seuil des 41 ratifications sera bientôt franchi et que la composition du Comité pourra être élargie à 14 membres. Il se félicite à cet égard de ce que la question de la ratification de la Convention ait été abordée lors du récent Forum mondial sur la migration et le développement, à Manille.

6.L’année a été marquée par les premières réunions du Conseil des droits de l’homme consacrées à l’Examen périodique universel (EPU), avec 32 pays examinés et 18 autres prévus avant la fin de l’année. Il est encore trop tôt pour évaluer ce nouveau mécanisme, mais il est certain que les droits des migrants sont systématiquement abordés dans ce cadre, et que les recommandations énoncées par les organes conventionnels constituent l’un des piliers les plus solides de l’EPU. Ces organes doivent donc être encouragés à surveiller le respect des engagements pris par les États et l’application des recommandations qu’ils ont faites aux pays dans le cadre de l’EPU.

7.Pour finir le représentant de la Haut-Commissaire passe en revue les travaux inscrits au programme de travail du Comité, et cite notamment la réunion avec la Commission des migrations, des réfugiés et de la démographie, de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, au cours de laquelle sera examinée la coopération entre les deux institutions en vue de promouvoir les droits des migrants.

8.Le PRÉSIDENT remercie M. David pour son exposé, et ajoute que le Comité se félicite de pouvoir rencontrer la Haut-Commissaire le jeudi suivant, pour débattre avec elle de la promotion de la Convention et des relations avec les 32 pays examinés jusqu’ici dans le cadre de l’EPU.

ADOPTION DE L’ORDRE DU JOUR (point 2 de l’ordre du jour) (CMW/C/9/1)

9. L’ordre du jour provisoire est adopté.

10.Le PRÉSIDENT invite les membres du Comité à rendre compte des activités qu’ils ont entreprises et des manifestations auxquelles ils ont participé depuis la session précédente, à l’exclusion du Forum mondial sur la migration et le développement, auquel une partie de la séance du vendredi matin sera consacrée.

11.M. KARIYAWASAM dit qu’il réserve la plupart de ses observations et commentaires pour la séance de vendredi, et profite de la présence de M. David pour saluer la contribution du Haut-Commissariat à l’élaboration du rapport du Groupe mondial sur la migration, distribué lors du Forum de Manille. Il appelle l’attention des membres du Comité sur les principales conclusions énoncées dans ce document, et souligne que la conception diffuse de la mise en œuvre de l’approche fondée sur les droits de l’homme risque de conférer à la Convention un rôle périphérique, l’attention étant surtout accordée aux conventions de l’OIT, importantes au demeurant. M. Kariyawasam souligne qu’il est donc nécessaire que le Haut-Commissariat continue d’apporter au Comité le soutien voulu et les ressources dont celui‑ci a besoin pour mener ses activités de plaidoyer en faveur du rôle central de la Convention.

12.Mme CUBIAS MEDINA souhaite que soit mise à profit la réunion prévue avec le Comité des migrations de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe pour débattre de la directive du Parlement européen et du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite directive «retour», qui risque d’avoir des incidences sur les droits de l’homme des migrants. De nombreux pays et groupes de pays se sont exprimés sur la question, notamment lors du Sommet ibéro-américain qui s’est tenu en El Salvador, où les deux pays européens en jeu (Espagne et Portugal) ont clairement exposé leur position restrictive sur les migrations, en désaccord avec de nombreux pays latino-américains représentés. De même, les participants à la Conférence sud-américaine sur les migrations ont fermement rejeté la directive. Selon Mme Cubias Medina, il est nécessaire que les groupes de pays adoptent une stratégie et affirment clairement une position commune à ce sujet, afin de soutenir davantage la Convention et de faciliter l’adhésion des pays non encore parties à cet instrument.

13.Mme DIEGUEZ rend compte de la réunion tenue au Mexique sur les migrations et les droits fondamentaux des enfants. Elle y a présidé une séance consacrée à la situation des enfants confiés à l’entourage par leurs parents partis travailler à l’étranger. L’absence de véritables statistiques à ce sujet est très préoccupante. C’est une question dont le Comité doit débattre de façon plus approfondie, des études ayant été menées par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance sur ce thème sans pour autant aboutir à des résultats concluants. Il serait bon notamment de savoir si les enfants des migrants partis travailler à l’étranger risquent davantage de sombrer dans la criminalité ou si, à l’opposé, les fonds envoyés par leurs parents leur permettent d’accéder plus facilement à l’enseignement et d’améliorer leurs résultats scolaires.

14.Mme Dieguez évoque ensuite le séminaire organisé au Guatemala par l’Union européenne à l’intention des pays concernés par l’Accord d’association, au cours duquel l’Union européenne a expliqué qu’il s’agit non pas de procéder à des expulsions massives mais bien de mettre en œuvre une migration plus sélective − intention qui laisse présager un exode des compétences. Par ailleurs, l’Union européenne a écarté la possibilité de conclure un accord sur les questions de migration de région à région, arguant que ce sont des questions qui doivent être traitées sur un plan bilatéral. Les accords qui lient la République dominicaine et l’Équateur à l’Espagne, par exemple, ont été conclus parce qu’il était devenu indispensable de réglementer des flux migratoires très importants.

15.Mme POUSSI KONSIMBO rend compte de la Conférence sur les migrations internationales et les réfugiés à laquelle elle a assisté à Dakar, qui était consacrée aux questions de migration dans les 15 pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Elle évoque tout particulièrement l’atelier sur les moyens de relever les défis en matière de protection des droits des migrants. Les participants y ont constaté que, bien que les instruments juridiques protégeant les droits des migrants et des réfugiés ne manquent pas, leur application demeure insuffisante. L’action menée en vue de porter ces textes à la connaissance des migrants de sorte qu’ils puissent faire respecter leurs droits a été abordée. Il est également ressorti de l’atelier que les sept États de la CEDEAO parties à la Convention devaient absolument présenter leur rapport − seul le Mali s’étant jusqu’ici acquitté de cette obligation −, et qu’il était nécessaire de réfléchir aux moyens d’amener les pays d’accueil des migrants à ratifier la Convention, sachant que c’est dans ces pays que l’on constate souvent le non-respect des droits des migrants. Enfin, Mme Poussi Konsimbo dit avoir bien fait comprendre aux participants à l’atelier que la Convention excluait les réfugiés de son champ d’application, mais s’appliquait aux demandeurs d’asile.

16.M. EL-BORAI dit qu’il a participé à la septième Réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, qui s’est tenue en juin 2008 à Genève. Le représentant du Haut‑Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) a expliqué aux participants que le rapport unique ne remplacerait pas les rapports périodiques que les États parties doivent soumettre aux organes conventionnels mais les compléterait et que les conclusions et recommandations formulées par les organes conventionnels continueraient de primer sur celles figurant dans le rapport unique. En outre, l’élaboration du rapport unique ne serait a priori pas obligatoire mais facultative pour les États parties. En ce qui concerne la liste des points à traiter, les représentants des comités ont jugé normal qu’il n’y ait pas de modèle unique et se sont interrogés sur la nécessité de révéler l’identité du rapporteur. À ce jour, la question n’a toujours pas été tranchée. S’agissant de l’examen de la situation des droits de l’homme dans un État partie en l’absence de rapport, un certain nombre de participants ont estimé que la possibilité pourrait être envisagée si l’État partie n’a pas soumis de rapport depuis fort longtemps. M. El-Borai juge cette possibilité contestable du point de vue juridique et pense qu’il faudrait réexaminer la question de façon plus approfondie.

17.M. TAGHIZADE dit que depuis la dernière session du Comité, il a pris part à une conférence du Conseil de l’Europe sur la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Il en a profité pour lancer un appel aux pays membres du Conseil de l’Europe pour qu’ils ratifient la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. D’une manière générale, M. Taghizade est favorable à un renforcement de la coopération entre le Comité et le Conseil de l’Europe, notamment dans le cadre de l’examen des effets de la crise économique internationale sur les flux migratoires.

18.Le PRÉSIDENT fait observer que le Parlement européen, le Conseil de l’Europe et la Commission européenne sont trois organes distincts qui n’ont pas la même position au sujet de la ratification de la Convention. Ainsi, le Parlement européen a lancé un appel aux États membres de l’Union européenne en faveur de la ratification de la Convention. En revanche, au sein de la Commission européenne, organe exécutif de l’Union européenne, nombre de pays ne sont pas favorables à la ratification. Revenant sur les interventions d’autres membres du Comité, le Président note qu’il existe une véritable dynamique dans les régions en faveur de la ratification de la Convention mais qu’il n’y a pas suffisamment d’initiatives à l’échelon international pour favoriser les échanges entre les régions. Le Comité a certainement un rôle à jouer en la matière.

19.Le Président indique qu’il a participé à une Conférence de l’Union parlementaire africainesur le thème des migrants et des politiques migratoires, qui s’est tenue à Rabat (Maroc) en mai 2008. Il en est ressorti que les députés africains ne connaissaient pas la Convention et que le Comité aurait tout intérêt à accroître ses activités d’information auprès des parlementaires. Le Président a également participé à un séminaire de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) à l’occasion du lancement d’un guide sur l’élaboration des politiques migratoires à l’intention des pays de la Méditerranée. Au début du mois de novembre 2008, il a pris part au Forum civil euroméditerranéen au cours duquel les participants ont débattu de la mise en place du partenariat euroméditerranéen. De nombreuses organisations de la société civile ont fait valoir que si le commerce et d’autres questions économiques donnaient lieu à un renforcement de la coopération entre l’Europe et les pays du Sud, les échanges culturels et humains devenaient plus difficiles car les pays européens adoptaient des politiques migratoires très restrictives et donnaient une image très négative des migrants. Enfin, le Président indique qu’il est devenu membre du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger, institution récemment mise en place pour formuler des avis consultatifs sur les politiques migratoires marocaines.

La séance est suspendue à 11 h 20; elle est reprise à 11 h 45.

20.Le PRÉSIDENTannonce que le mercredi 26 novembre, le Comité rencontrera des membres de la Commission des migrations, des réfugiés et de la population de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Pour information, il rappelle que le Conseil de l’Europe, qui comprend 47 membres, et l’Union européenne, qui n’en comprend que 27, sont deux institutions différentes. Il note que parmi les membres du Conseil de l’Europe, la Turquie, la Bosnie‑Herzégovine, l’Azerbaïdjan et l’Albanie sont parties à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. L’enjeu de cette rencontre est d’examiner ensemble les moyens de coopération pour promouvoir la ratification de la Convention et, partant, les droits des migrants.

21.M. KARIYAWASAN dit que cette réunion doit fournir l’occasion de créer une véritable coalition entre le Comité et le Conseil de l’Europe en vue de convaincre les décideurs européens d’accepter la Convention. Il existe une fragmentation des politiques migratoires au sein de l’Union européenne et beaucoup de pays européens estiment à tort qu’il est trop tôt, pour eux,pour ratifier la Convention car ils ne peuvent s’acquitter des obligations définies par celle-ci.De nombreux pays en développement ont ratifié des instruments tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ou la Convention contre la torture en sachant que leur législation interne n’avait pas atteint le niveau idéalement prévu par ces instruments, mais en considérant que la ratification les inciterait à atteindre cet idéal. Le fait que certains États estiment aujourd’hui qu’ils ne peuvent pas ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille s’ils ne sont pas en mesure de l’appliquer pleinement est en contradiction avec la conception qu’a le Comité des objectifs de la Convention et de la manière de les atteindre. C’est pourquoi le Comité devrait peut-être inviter les membres de la Commission des migrations, des réfugiés et de la population de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe à inciter les États qu’ils représentent à ratifier la Convention. En outre, le Conseil de l’Europe devrait appuyer la mise en œuvre des dispositions de la Convention dans l’Union européenne. La Convention n’est pas fondée sur le principe du tout ou rien et si les États qui l’ont ratifiée rencontrent des difficultés dans son application, ils devraient pouvoir faire part de leurs préoccupations au Comité afin que celui-ci examine de quelle manière il pourrait leur venir en aide.

22.M. TAGHIZADE dit que le Conseil de l’Europe est constitué de différentes catégories d’États, à savoir: les pays de la vieille Europe, des pays d’Europe centrale et orientale, qui faisaient partie autrefois du bloc socialiste, tels que la Roumanie, la Bulgarie, la Hongrie, la République tchèque notamment, et des pays de l’ex-Union soviétique, tels que la République de Moldova, l’Azerbaïdjan, la Géorgie, l’Arménie, sans compter les pays de l’ex‑Yougoslavie. La situation de ces derniers groupes de pays est très particulière du point de vue des flux migratoires, puisqu’il s’agit essentiellement de pays d’émigration, que de très nombreux jeunes professionnels hautement qualifiés quittent pour aller dans les pays de la vieille Europe. Ces pays ont donc vocation à ratifier la Convention car ils se heurtent systématiquement à d’importants problèmes en ce qui concerne la protection des droits de leurs ressortissants, qu’ils tentent de régler sur une base bilatérale, sans grand succès. L’octroi de l’équivalent de la carte verte à des ressortissants de pays de l’ex-Union soviétique et de pays d’Europe centrale et orientale accélère l’exode des professionnels les plus qualifiés vers l’Europe occidentale, ce qui contribue à aggraver les problèmes existant dans ces pays.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À

L’ARTICLE 73 DE LA CONVENTION (Point 3 de l’ordre du jour)

Dialogue avec les institutions nationales de promotion et de protection des droits de l’homme et avec les organisations non gouvernementales sur le rapport initial d’El Salvador

23.M. LUNA (Procureur chargé de la défense des droits de l’homme) dit que depuis la présentation au Comité, en avril 2008, du rapport du Bureau du Procureur chargé de la défense des droits de l’homme, son Bureau a mené des enquêtes sur différentes affaires et a pu constater les conditions dans lesquelles les travailleurs migrants qui séjournent ou transitent dans le pays sont traités par les autorités. En ce qui concerne les articles 1 à 7 de la Convention, il cite notamment l’affaire n° SS-0364-07, présentée par Mme Doris Alvarez Tejada, de nationalité cubaine, dans laquelle les autorités d’El Salvador ont refusé l’entrée sur leur territoire à la fille de la plaignante, Dorianne Garrido Alvarez. Cette affaire est toujours à l’examen. Dans le Département de San Miguel, une autre affaire de discrimination à l’égard de ressortissants du Guatemala, du Nicaragua et du Honduras, toujours à l’examen, s’accompagne également de violations du droit de ne pas être soumis à des traitements cruels, reconnu par l’article 10 de la Convention. Les travailleurs en question ont fait l’objet d’une expulsion collective. Par ailleurs, l’article 16 de la Convention n’est pas respecté car des migrants entrés illégalement dans le pays sont privés de liberté et séjournent dans un centre de détention en attendant d’être expulsés. Il convient toutefois de souligner qu’un centre d’accueil pour les migrants a été créé récemment, ce qui représente une amélioration de la situation. Les responsables de la Direction générale des migrations ont pris des dispositions administratives portant sur la renonciation à la période probatoire, ce qui constitue une violation des garanties prévues par l’article 18 de la Convention, car les migrants sont souvent forcés de signer cette renonciation. En ce qui concerne l’article 41 de la Convention, il n’y a pas eu de réforme du Code électoral qui permettrait aux Salvadoriens vivant à l’étranger de voter pendant les élections qui se déroulent au Salvador. S’agissant de l’article 67, relatif au retour dans l’État d’origine, le programme intitulé «Bienvenido a Casa» (Bienvenue à la maison) doit encore être amélioré. En effet, entre la fin de 2007 et juillet 2008, 10 984 Salvadoriens ont été expulsés de leurs pays d’accueil, dont 3 501 avaient commis des infractions aux États-Unis et, si ces personnes sont prises en charge à leur retour, il conviendrait de les suivre pour qu’elles puissent se réinsérer dans la société. En ce qui concerne l’article 84 de la Convention, il convient de noter que les lois sur les migrations et les étrangers continuent d’être appliquées et qu’il est donc urgent de les réviser.

24.Certains problèmes ont été surmontés depuis la présentation du précédent rapport. En particulier, les ressortissants chinois qui ont été retenus dans les locaux de la Division des frontières de la PNC entre octobre 2006 et mars 2008 ont été libérés. De la même manière, M. Pierre Larochez Shneider, de nationalité haïtienne, a été libéré, conformément à la résolution du Ministère de la sécurité publique et de la justice. En juillet 2008, un avant‑projet de loi relatif à l’assistance aux migrants et à leur famille et à leur protection, a été présenté par la Commission des relations extérieures de l’Assemblée législative. Grâce au centre de soins spéciaux pour les migrants en situation irrégulière qui a été ouvert en juillet 2008, le problème des personnes retenues à la frontière ou dans les aéroports, et fréquemment détenues dans des installations qui ne sont pas adaptées, a été partiellement réglé. En ce qui concerne l’application de la Convention en général et les lois en vigueur au Salvador, il serait souhaitable que le Gouvernement d’El Salvador entreprenne de revoir la législation.

25.Mme REYES (Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH)) dit que la FIDH a présenté en avril 2008 un rapport alternatif détaillé préparé par le Conseil des droits des migrants et la FIDH, qui conclut que certaines dispositions de la Convention ne sont pas respectées. Nombre des dispositions de la loi de 1958 sur les migrations et la loi de 1986 sur les étrangers sont dépassées et devraient être révisées, en concertation avec la société civile et le Bureau du Procureur. En ce qui concerne le paragraphe 4 de l’article 16 de la Convention, relatif à l’arrestation et à la détention arbitraires, il existe un vide juridique dans la mesure où ni la Constitution ni la loi ne comportent de disposition en matière de détention des travailleurs migrants sans papiers pendant la procédure d’expulsion. Les zones frontalières sont très fréquentées par des travailleurs migrants sans papiers et le centre d’accueil qui a été créé ne suffit pas pour répondre aux besoins car il n’offre pas de conditions décentes pour ces travailleurs migrants.

26.En ce qui concerne l’article 22 de la Convention, il est possible de former un recours administratif contre une expulsion, mais les procédures ne sont pas respectées ou ne sont appliquées que de façon tout à fait théorique. Le Gouvernement dispose d’un pouvoir discrétionnaire en la matière, dans la mesure où la législation prévoit que le Ministère de la sécurité publique peut expulser un migrant s’il estime que sa présence sur le territoire salvadorien est contraire à l’intérêt national. En outre, l’article 97 de la Constitution permet d’expulser un étranger qui s’immisce directement ou indirectement dans la politique intérieure du pays. L’article 40 du Code du travail dispose qu’un étranger n’a pas le droit d’être membre des organes dirigeants d’un syndicat, ce qui est contraire à l’article 26 de la Convention. Par ailleurs, 30 % de la population majeure d’El Salvador réside à l’étranger et ne bénéficie pas du droit de vote, et il conviendrait donc de remédier à cette situation. Enfin, le programme «Bienvenido a Casa» visant principalement la minorité de Salvadoriens qui ont été expulsés de leur pays d’accueil en raison d’activités illicites, il serait nécessaire d’aider les personnes qui se trouvent dans une situation très précaire à l’étranger à se réinsérer dans la société salvadorienne.

27.Le PRÉSIDENT demande si l’État partie, depuis qu’il a commencé à élaborer son rapport, a envisagé de réformer sa législation car, souvent, le processus d’établissement des rapports sur l’application de la Convention amène les États à réfléchir à l’état réel de leur politique migratoire, réflexion qui leur permet de se rendre compte d’un certain nombre de dysfonctionnements et de lacunes et d’envisager d’y remédier.

28.M. EL‑BORAI aimerait savoir si l’interdiction de faire partie des organes dirigeants d’un syndicat, la procédure d’expulsion et l’impossibilité pour les Salvadoriens de l’étranger de voter lors des élections salvadoriennes sont prévues par des textes de loi ou bien sont dues à un vide juridique ou au fait que la législation n’est pas correctement appliquée.

29.Mme DIEGUEZ demande quelles améliorations concrètes pourraient être apportées au fonctionnement du centre d’accueil pour les migrants qui vient d’être mis en place en El Salvador afin d’offrir une meilleure assistance aux personnes en transit dans le pays ou, le cas échéant, davantage de possibilités de réinsertion sociale. Elle demande en outre si ce sont des agents de la police salvadorienne ou des travailleurs sociaux qui accueillent les migrants à l’aéroport.

30.M. KARIYAWASAM souhaiterait savoir si les migrants sous le coup d’une décision d’expulsion présents en El Salvador et les émigrés salvadoriens expulsés par un pays tiers bénéficient, le cas échéant, de l’assistance des services consulaires compétents pour représenter leurs intérêts, et s’assurer que la procédure est appliquée de la façon la plus transparente, la plus humaine et la plus respectueuse des droits possible.

31.M. TAGHIZADE souhaiterait obtenir, suite au recensement de population effectué en 2007, des données statistiques, mêmes approximatives, sur le nombre de personnes qui quittent El Salvador et sur leur destination, car ces données sont fort utiles pour l’évaluation des flux migratoires. Il aimerait également savoir quelles mesures El Salvador a prises pour garantir le respect des droits des travailleurs migrants consacrés à l’article 25 de la Convention, notamment des nombreux Guatémaltèques, Honduriens et Nicaraguayens, dont une majorité de femmes et d’enfants, employés comme travailleurs domestiques en El Salvador.

32.M. SEVIM demande si El Salvador a conclu des accords de réadmission avec des pays tiers et dans l’affirmative, quelles sont les modalités exactes de la protection accordée aux travailleurs migrants.

33.M. EL-BORAI s’enquiert de la valeur juridique d’une convention internationale ratifiée par El Salvador en droit interne et du degré d’information des juges en la matière.

34.M. LUNA (Procureur chargé de la défense des droits de l’homme) indique que les deux lois régissant la situation des droits des travailleurs migrants actuellement en vigueur en El Salvador (loi sur les migrations de 1959 et loi sur les étrangers de 1986) n’ont pas été révisées aux fins de leur mise en conformité avec le droit international des droits de l’homme, et que le seul projet actuel visant à protéger les droits des migrants, intitulé «Loi d’assistance et de protection des migrants et de leur famille», présenté d’ailleurs à l’initiative d’un parti politique, n’a pas encore été adopté. S’agissant du droit de vote, le Code électoral salvadorien ne prévoit pas expressément l’exercice de ce droit politique par les Salvadoriens de l’étranger, en dépit des nombreuses recommandations de réforme qui ont été formulées en ce sens à l’intention du Tribunal suprême électoral.

35.Le centre d’accueil pour les migrants créé récemment dans la capitale présente certes l’avantage d’exister et d’offrir aux migrants des conditions de vie matérielle décentes, mais des améliorations restent nécessaires, notamment sur le plan de la prise en charge médicale et psychologique des personnes expulsées qui rentrent au pays. Pour éviter le maintien de migrants dans les locaux de la police ou des gardes frontière dans des conditions peu satisfaisantes, il conviendrait également d’ouvrir des centres du même type dans d’autres régions d’El Salvador.

36.Comme indiqué dans le rapport présenté, les expulsions sont souvent effectuées selon des procédures non conformes aux instruments internationaux pertinents, en violation des garanties judiciaires et procédurales inscrites dans la Convention. En l’absence de procédure établie en droit interne, il convient de faire respecter les dispositions de la Convention en la matière, car elles priment le droit interne. À cet égard, le Procureur chargé de la défense des droits de l’homme n’a pas connaissance de quelconques accords de réadmission des Salvadoriens en séjour irrégulier qui auraient été conclus avec des pays tiers.

37.Le Bureau du Procureur chargé de la défense des droits de l’homme ne dispose pas de statistiques précises sur les flux migratoires en El Salvador. Il est néanmoins de notoriété publique que quelque 500 personnes quittent quotidiennement le pays, pour se rendre principalement aux États-Unis. Par ailleurs, le Bureau du Procureur supervise le travail de certaines institutions et fait tout son possible pour veiller à ce que les droits des enfants soient respectés, en particulier s’agissant des enfants migrants employés comme travailleurs domestiques ou soumis au travail forcé.

38.Mme REYES (Fédération internationale des ligues des droits de l’homme) dit souscrire à l’ensemble des réponses apportées par le Procureur chargé de la défense des droits de l’homme. Elle ajoute que le Code du travail salvadorien dispose que les étrangers ne peuvent pas faire partie des organes dirigeants des syndicats, ce qui constitue une violation des dispositions de l’article 26 de la Convention. De même, le fait que les Salvadoriens de l’étranger n’aient pas le droit de vote est contraire à la Constitution salvadorienne, qui prévoit que tout citoyen salvadorien majeur a le droit de voter, sans faire de distinction selon le lieu de résidence. Il est donc urgent de réformer la législation interne afin que les juges puissent appliquer la Convention.

39.Mme Reyes dénonce la tendance de la part des autorités salvadoriennes à criminaliser le comportement des migrants salvadoriens expulsés vers El Salvador dans la mesure où ils subissent souvent à leur arrivée, après plusieurs jours de détention aux États-Unis d’Amérique ou au Mexique et de longues heures d’autobus, un interrogatoire avant d’être transférés vers des postes de police, où ils sont interrogés de nouveau et fichés.

40.Concernant les statistiques, entre 500 et 600 Salvadoriens quittent chaque jour le pays à destination principalement des États-Unis d’Amérique (90 %), de pays voisins et de pays de l’Union européenne et aujourd’hui, quelque 2,8 millions de Salvadoriens vivent à l’étranger, soit 29 % de la population. Enfin, Mme Reyes indique que la grande majorité de la population salvadorienne travaille dans le secteur informel et que, de manière générale, le droit du travail n’est pas respecté dans le pays. À ce titre, la situation des enfants étrangers n’est pas meilleure que celles des enfants salvadoriens.

41.M. MONTENEGRO (Commission des droits de l’homme d’El Salvador) dit que son institution a effectivement reçu plusieurs plaintes concernant la situation difficile que connaissent les Guatémaltèques, les Honduriens et surtout les Nicaraguayens vivant dans le département de San Miguel, et les conditions de leur expulsion. De même, le traitement infligé aux Salvadoriens rapatriés ou expulsés des États-Unis d’Amérique, qui, après de longs séjours en détention, un long périple, l’abandon de leurs effets personnels, sont fichés dès leur arrivée et transférés dans des locaux proches de l’aéroport pour être interrogés, est souvent inadéquat et incorrect.

42.Les Salvadoriens en quête d’opportunités émigrent dans leur immense majorité aux États‑Unis, mais aussi au Mexique et de plus en plus, en Italie et en Espagne. Au Chiapas, plusieurs femmes ont récemment été séquestrées par des groupes d’anciens militaires et il serait intéressant d’entendre l’État partie sur la manière dont il envisage de faire libérer les Salvadoriennes impliquées. Les membres du Comité pourraient également insister sur la nécessité pour l’État partie d’accorder le droit de vote aux Salvadoriens de l’étranger.

43.Le PRÉSIDENT remercie les représentants des institutions nationales de défense des droits de l’homme et d’ONG de leur participation et du complément d’information qu’ils ont apporté en vue de l’examen du rapport d’El Salvador à la prochaine séance.

La séance est levée à 13 heures .

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