Nations Unies

CMW/C/SR.218

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. générale

22 avril 2013

Original: français

NATIONS UNIES Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Dix-huitième session

Compte rendu analytique de la 218 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 17 avril 2013, à 15 heures

Président:M. El Jamri

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 73de la Convention (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 73de la Convention (suite)

Deuxième rapport périodique de l’Azerbaïdjan (CMW/C/AZE/2)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation azerbaïdjanaise prend place à la table du  Comité.

2. M. Musayev (Azerbaïdjan) dit qu’en Azerbaïdjan, les droits et les libertés sont pleinement garantis par la Constitution et que la législation interne est améliorée en permanence afin d’être mise en conformité avec les normes internationales. L’Azerbaïdjan a en outre reconnu la compétence d’un certain nombre d’organes conventionnels de l’ONU pour examiner les communications de particuliers qui s’estiment victimes de violations de leurs droits fondamentaux.

3.À la fin des années 1980 et au début des années 1990, l’Azerbaïdjan a connu une émigration massive due à la crise politique et économique. Ces dernières années toutefois, le développement socioéconomique rapide du pays, la mise en œuvre de projets internationaux dans les secteurs de l’énergie et des transports et l’amélioration des conditions de vie de la population se sont traduits par une inversion de la tendance, et l’on observe ainsi un retour des Azerbaïdjanais qui avaient quitté le pays, parallèlement à une augmentation du nombre d’étrangers qui arrivent en Azerbaïdjan. L’analyse de l’émigration des travailleurs azerbaïdjanais fait apparaître plusieurs destinations principales, parmi lesquelles figurent la Fédération de Russie, l’Ukraine, la Turquie, les Émirats arabes unis, l’Allemagne et le Bélarus. Ces migrants sont généralement employés dans de petites entreprises et dans le commerce. D’autres Azerbaïdjanais ayant fait des études supérieures en Europe occidentale et en Amérique du Nord occupent des emplois dans les domaines de la santé, de l’éducation, du droit et des affaires. Les éventuels problèmes que rencontrent les Azerbaïdjanais qui travaillent à l’étranger sont réglés dans le cadre d’une coopération avec les autorités compétentes des pays concernés, fondée sur des accords intergouvernementaux bilatéraux ou multilatéraux. Pour l’essentiel, ces accords portent sur les droits des travailleurs migrants, leur protection sociale et la simplification des démarches administratives.

4.Le Service national des migrations, établi en 2007, met en œuvre la politique migratoire de l’État, développe le système de régulation et de réglementation des processus migratoires, établit les prévisions et coordonne les activités des autorités compétentes. L’application, à partir de 2009, du principe du «guichet unique» a introduit davantage de souplesse et d’efficacité dans la gestion des processus migratoires. L’Agence nationale pour les services publics et les innovations sociales, créée en 2012 en vue d’améliorer les services publics et d’accélérer la transition vers les services électroniques, est structurée en centres dans lesquels 25 services sont fournis par 9 administrations.

5.L’Azerbaïdjan attache une grande importance à la coopération avec l’Union européenne dans le domaine de la migration. Il participe au processus de Budapest et emploie les instruments d’assistance mis à sa disposition par l’Union (programmes TAIEX, Twinning et MIEUX). Le projet de code des migrations, lancé pour compiler les textes relatifs aux migrations en tenant compte de la législation de l’Union européenne, devrait être adopté prochainement. Il a été élaboré avec le concours de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et compte tenu des recommandations d’organisations non gouvernementales.

6.Conformément à l’article 148 de la Constitution, les instruments internationaux auxquels l’Azerbaïdjan a adhéré font partie intégrante du système législatif national. L’article 151 de la Constitution dispose qu’en cas de conflit entre un acte normatif interne (hormis la Constitution et les dispositions adoptées par référendum) et un instrument international auquel l’Azerbaïdjan est partie, ce dernier prévaut. Les droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille protégés par les instruments internationaux ont été incorporés à la législation nationale. Bien que le «travailleur migrant» ne soit pas défini de la même façon dans celle-ci et dans la Convention, il n’existe pas de contradiction.La Constitution dispose que les étrangers et les apatrides ont le droit d’entrer dans le pays, d’y vivre et d’y travailler librement. Pour pouvoir travailler enAzerbaïdjan, les ressortissants étrangers doivent obtenir un permis de travail. Celui‑ci ne peut pas être annulé, sauf si son détenteur a commis une infraction pénale ou fourni des informations mensongères lorsqu’il l’a sollicité, ou en cas de dénonciation du contrat de travail. L’article13 du Code du travail dispose que les étrangers et les apatrides jouissent des mêmes droits que les travailleurs azerbaïdjanais et ont les mêmes obligations découlant de ces droits. Enoutre, l’article 16 dudit code interdit toute discrimination dans les relations de travail. Lestravailleurs migrants peuvent librement adhérer à un syndicat et être indemnisés de la même façon que les Azerbaïdjanais en cas d’accident du travail. Conformément aux articles 292 et 294 du Code du travail, ils ont le droit de saisir les tribunaux pour les mêmes motifs et dans les mêmes conditions que les citoyens azerbaïdjanais. L’article 19 de la loi sur les migrations de main-d’œuvre dispose que les travailleurs migrants qui résident et travaillent légalement en Azerbaïdjan sont imposables conformément à la législation nationale. La double imposition et l’imposition complémentaire des migrants sont cependant interdites. Lalégislation nationale n’impose aucune restriction au transfert dans leur pays d’origine des fonds perçus par les travailleurs migrants.

7.En ce qui concerne la santé, les étrangers ont droit à des prestations aux conditions prévues par les accords internationaux auxquels l’Azerbaïdjan est partie. En application de l’article 10 de la loi sur la santé publique, les soins de santé sont gratuits dans les établissements de soins publics. Par ailleurs, en vertu de l’article 10 de la loi sur les migrations de main-d’œuvre, il est interdit d’imposer des restrictions au regroupement familial des travailleurs migrants. En outre, conformément à la législation, les enfants des travailleurs migrants ont droit à une éducation gratuite jusqu’au niveau secondaire. La loi sur l’accès à l’information, qui garantit le libre accès à l’information en Azerbaïdjan, s’applique également aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille. Un grand nombre de textes de la législation nationale, ainsi que le texte de la Convention sur les travailleurs migrants, peuvent être consultés sur le site Web www.e-qanun.az. Il est important de noter que l’Azerbaïdjan ne peut pas appliquer les dispositions de la Convention sur les travailleurs migrants sur tout son territoire du fait de l’occupation par l’Arménie de la région du Haut‑Karabakh et de sept régions adjacentes.

8.M. Sevim (Rapporteur pour l’Azerbaïdjan) s’enquiert des raisons pour lesquelles la Convention n’est pas invoquée devant les tribunaux ou les autorités administratives de l’État partie. Sachant que les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention relèvent de la compétence du Ministère azerbaïdjanais des affaires étrangères, il souhaiterait connaître la position de celui-ci à ce propos. En ce qui concerne le projet de code des migrations, M. Sevim aimerait savoir quand le Parlement azerbaïdjanais prévoit de l’adopter.

9.La législation azerbaïdjanaise disposant que l’État garantit à tous l’égalité des droits et des libertés, M. Sevim aimerait savoir quelles mesures l’État partie a prises pour que ce principe s’applique à toutes les catégories de travailleurs migrants. De même, la loi prévoyant que les travailleurs migrants ont droit à une pension de retraite pour la période pendant laquelle ils ont travaillé en Azerbaïdjan, il se demande si cette disposition vaut aussi pour les travailleurs migrants sans papiers. Il souhaiterait en outre que la délégation commente le fait que les travailleurs migrants ne jouissent pas du droit d’être représenté par un conseil, ce qui constitue un sérieux obstacle à leur accès à la justice. Enfin, M. Sevim souhaiterait savoir quelles conséquences les modifications à la loi sur la santé publique actuellement à l’étude auront pour les travailleurs migrants, en situation régulière ou irrégulière.

10.M. Carrión Mena demande des précisions au sujet de l’accès à la justice des travailleurs en situation irrégulière. Soulignant la nécessité pour l’État partie de diffuser la Convention, il s’enquiert des mesures prises pour la faire connaître non seulement des travailleurs migrants, mais aussi des travailleurs émigrants et des magistrats, des avocats, des policiers et des agents de l’immigration. M. Carrión Mena souhaiterait en outre savoir si des accords bilatéraux dans le domaine des migrations existent ou sont en négociation avec des pays voisins de l’État partie tels que la Russie, la Géorgie ou l’Iran. Il aimerait également savoir si l’État partie dispose de statistiques migratoires suffisantes et fiables pour être à même de définir des politiques publiques dans ce domaine.

11.M. Kariyawasam demande quelle définition l’État partie donne des travailleurs migrants. Saluant la mise en place d’un Médiateur, il souhaiterait obtenir des informations sur les points suivants: la procédure de nomination de ce médiateur, les fonds dont il dispose, et le nombre d’affaires relatives à des travailleurs migrants traitées ces deux à trois dernières années. En ce qui concerne la traite des personnes, M. Kariyawasam s’enquiert du nombre de centres de prise en charge des victimes et du nombre de personnes formées à cet effet, ainsi que des mesures de lutte contre ce phénomène.

12.M. Ibarra González voudrait savoir s’il existe dans l’État partie des programmes en faveur des Azerbaïdjanais qui reviennent ou qui souhaitent revenir au pays, afin de les aider non seulement à se réinstaller, mais aussi à se réinsérer sur le marché du travail national. Il voudrait également savoir si, en cas de problèmes de santé, ces personnes ont la possibilité de poursuivre leur traitement dans l’État partie et si les enfants qui ont commencé des études à l’étranger peuvent les continuer en Azerbaïdjan. En ce qui concerne les travailleurs migrants et les membres de leur famille qui transitent par l’État partie, il serait intéressant de connaître le traitement que celui-ci leur réserve. S’agissant de la traite des personnes, le Comité aimerait savoir si l’État partie a conclu des accords avec ses voisins, la lutte contre ce fléau appelant, pour être fructueuse, une approche globale à appliquer dans le cadre de conventions bilatérales.

13.M me Poussi s’enquiert des mécanismes permettant aux travailleurs migrants retraités qui retournent dans leur pays d’origine de toucher leur retraite. Cette question faisant fréquemment l’objet d’accords bilatéraux, il y a lieu de préciser comment elle se règle en l’absence de tels accords entre l’État partie et les pays d’origine des travailleurs migrants à la retraite. En ce qui concerne l’emploi, le Comité aimerait savoir si les enfants des travailleurs migrants ont les mêmes possibilités d’accès à l’emploi que les enfants azerbaïdjanais et en particulier s’ils peuvent prétendre aux emplois de la fonction publique.

14.Mme Poussi demande également à la délégation d’indiquer si des plaintes sont déposées par les travailleurs migrants en cas de violation de leurs droits et si ces plaintes sont traitées en bonne et due forme et sans discrimination aucune. La délégation est en outre invitée à apporter des précisions sur le fait qu’un travailleur migrant peut voir son permis de résidence temporaire annulé s’il est porteur d’un virus ou d’une maladie infectieuse particulièrement grave. Le Comité estime que, plutôt que de se voir retirer son permis de résidence temporaire, ce travailleur devrait bénéficier de soins médicaux adéquats.

15.M me  Dicko aimerait savoir si les discussions sur les questions migratoires sedéroulent dans un cadre formel et, dans l’affirmative, en connaître la périodicité. Elles’enquiert de la possibilité offerte aux Azerbaïdjanais de l’étranger de voter ou de se faire élire, et des scrutins auxquels ils peuvent participer. Elle demande enfin à la délégation de présenter les mesures qui auraient été prises pour permettre aux étrangers résidant enAzerbaïdjan d’accéder en toute égalité aux différents emplois dans le secteur privé.

La séance est suspendue à 16 h 40; elle est reprise à 17 h 20.

16.M. Gurbanov (Azerbaïdjan) dit que le projet de code des migrations a été présenté au Parlement et que tous les instruments internationaux auxquels l’Azerbaïdjan est partie prime le droit national. L’article 11 du Code de procédure pénale dispose que tout individu se trouvant sur le territoire azerbaïdjanais a accès aux tribunaux et que tous les travailleurs jouissent des mêmes droits.

17.Les agents de différents ministères, les autorités judiciaires et le personnel des établissements d’enseignement ont bénéficié de nombreux programmes de formation portant sur les dispositions du Code du travail et le traitement des travailleurs en application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Tout en reconnaissant que la formation des formateurs doit être améliorée, M. Gurbanov précise qu’un projet de réforme de l’appareil judiciaire est actuellement mené en partenariat avec l’Union européenne, l’objectif étant notamment de mettre en place des bureaux d’aide juridictionnelle.

18.Le Ministère de la justice et le Ministère de l’intérieur ont pris des mesures énergiques en matière de lutte contre la traite. En outre, l’Azerbaïdjan, qui s’est doté d’un plan en la matière, a conclu plus de 25 accords internationaux relatifs à la lutte contre ce fléau, et adopté de nombreuses mesures pour protéger les mineurs des zones à risque. Enfin, M. Gurbanov indique que l’article 12 de la loi électorale dispose que tout individu qui vit sur le territoire azerbaïdjanais depuis plus de cinq ans a le droit de voter aux élections municipales et régionales. De plus, en cas d’accords de réciprocité avec les pays d’origine des migrants, les intéressés peuvent participer plus activement à la vie politique dans l’État partie.

19.M. Sevim aimerait connaître le libellé exact de la définition de la migration qui figure dans le code des migrations et rappelle que le fait de qualifier les migrants d’illégaux, comme cela est le cas dans le rapport de l’État partie, contrevient aux dispositions de la Convention. Il s’inquiète de ce que l’accès aux tribunaux soit entravé, en pratique, par de nombreux obstacles alors qu’il est garanti en droit.

20.M. Carrión Menasouhaiterait savoir s’il existe des accords bilatéraux concernant la migration et non uniquement la traite, et avoir des informations plus détaillées sur la fiabilité et la gestion des données statistiques, ainsi que sur les efforts déployés pour diffuser les dispositions de la Convention. Il s’interroge sur la manière dont les autorités distinguent les travailleurs migrants en situation irrégulière, les réfugiés et les demandeurs d’asile.

21.M. Kariyawasamprie la délégation de fournir des précisions sur le vote à l’étranger des travailleurs migrants azerbaïdjanais.

La séance est levée à 18 heures.