NATIONS UNIES

CMW

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr.GÉNÉRALE

CMW/C/SR.7218 avril 2008

Original: FRANÇAIS

NATIONS UNIESCOMITÉ POUR LA PROTECTION DES DROITS DE TOUS LES TRAVAILLEURSMIGRANTS ET DES MEMBRES DE LEUR FAMILLE

Huitième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 72e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 15 avril 2008, à 15 heures

Président: M. EL JAMRI

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 73 DE LA CONVENTION (suite)

Rapport initial de la République arabe syrienne

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 73 DE LA CONVENTION (point 3 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial de la République arabe syrienne (CMW/C/SYR/1, CMW/C/SYR/Q/1, CMW/C/SYR/Q/1/Add.1)

1. Sur l ’ invitation du Président, les membres de la délégation syrienne prennent place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT souhaite la bienvenue à la délégation syrienne qui est venue en nombre, ce qui montre tout l’intérêt que l’État partie porte à la Convention et aux activités du Comité. Il le remercie pour son rapport ainsi que pour les réponses apportées à la liste des points à traiter. Il note toutefois avec regret que l’État partie n’a pas ratifié certaines conventions de l’Organisation internationale du Travail et qu’il lui reste à ratifier l’une des conventions arabes portant sur la sécurité sociale des travailleurs. Il relève également que le rapport présenté ne contenait pas toutes les informations nécessaires, telles que statistiques et textes législatifs, pour permettre au Comité de se faire une idée exacte de l’application de la Convention dans l’État partie. Pour examiner la situation des droits des travailleurs migrants, le Comité s’est fondé sur le rapport et les réponses de l’État partie, ainsi que sur des informations émanant de la société civile et d’autres organes conventionnels. L’objectif du dialogue entre le Comité et l’État partie est d’aider ce dernier à améliorer la condition des travailleurs migrants, l’application de la Convention et le respect des droits des migrants. Le fait que la République arabe syrienne ait ratifié la Convention et présenté son rapport initial prouve sa bonne volonté. Le Président espère donc que le Comité aura des échanges francs et sincères avec la délégation syrienne.

3.M. MALDAON (République arabe syrienne), après avoir remercié le Président, dit que son pays s’est fixé pour objectif d’améliorer la situation des travailleurs migrants et des membres de leur famille. La situation des travailleurs migrants dans la République arabe syrienne n’est pas aussi bonne que le Gouvernement le souhaiterait, mais il compte sur le Comité pour l’aider à l’améliorer. C’est donc avec la plus grande attention que la délégation syrienne écoutera les remarques du Comité. Elle le remercie d’ailleurs des recommandations et observations complètes et approfondies qu’il a déjà formulées. Depuis son accession à l’indépendance, la République arabe syrienne s’attache à défendre les droits de l’homme, comme en témoigne le fait qu’elle ait ratifié sept grandes conventions dans ce domaine. Elle n’est pas un pays de destination important pour les travailleurs migrants, car la main‑d’œuvre y est abondante, bon marché et diversifiée. Toutefois, depuis 2000, elle accueille du personnel domestique venu d’Asie du Sud‑Est. En conséquence de quoi, le Premier Ministre a promulgué le décret no 81 qui règlemente les activités des agences de recrutement et garantit le respect des droits des employés de maison. Le 1er décembre 2007, un autre décret‑loi a été promulgué, puis le règlement 69/08 a ordonné la fermeture des agences de recrutement illégales. Par ailleurs, la République arabe syrienne est le pays d’origine de travailleurs migrants qualifiés, tels qu’enseignants et médecins. À cet égard, des accords bilatéraux ont été signés avec les gouvernements d’autres États afin d’organiser l’emploi des travailleurs syriens avec les pays d’accueil, dans le cadre desquels il est notamment prévu qu’un exemplaire du contrat type de travail est déposé auprès de l’ambassade accréditée. Toutefois, il arrive que des contrats de travail privés soient établis sans que les autorités n’en soient informées. Eu égard à cela, le Gouvernement syrien a fait adopter une loi sur la traite d’êtres humains, ainsi que d’autres textes législatifs, ce qui devrait permettre de modifier la législation nationale pour la rendre conforme aux conventions internationales. M. Maldaon souligne toute l’importance d’un dialogue constructif entre son pays et le Comité, qui permettra de faire ressortir le caractère universel des droits de l’homme, qui doivent pouvoir être exercés sans aucune discrimination. La République arabe syrienne espère contribuer à la construction d’un monde où la justice, la liberté et la dignité prévaudront.

4.M. EL‑BORAI (Rapporteur pour le pays) remercie la République arabe syrienne pour son rapport et ses réponses écrites aux questions du Comité. Il rappelle qu’elle est l’un des premiers pays à avoir ratifié la Convention et présenté un rapport au Comité. Il est clair qu’elle partage l’objectif du Comité et souhaite améliorer la situation des travailleurs migrants et des membres de leur famille. Le Comité a pris note du fait que la République arabe syrienne n’était pas en mesure de lui fournir des statistiques, mais il espère qu’elle y remédiera, car en l’absence de renseignements quantitatifs précis il lui est difficile d’évaluer l’application de la Convention dans le pays. Certes, les réponses de l’État partie mentionnent bien certains chiffres, mais ils ne sont guère utiles. Ainsi, le fait de savoir que 550 Iraquiens ont obtenu un permis de travail ne donne pas d’indication réelle quant à l’application de la Convention. De même, n’ayant pas reçu les textes des lois, accords et décisions mentionnés dans les réponses de l’État partie, le Comité ne peut pas vérifier s’ils sont conformes à la Convention. En outre, le Comité n’a pas reçu de réponse claire à certaines de ses questions écrites, telles que la question no 5 concernant le rôle des ONG dans la mise en œuvre de la Convention et dans l’élaboration du rapport de l’État partie. Dans la réponse à la question no 14, il n’est pas montré de quelle façon les ressortissants syriens travaillant à l’étranger peuvent obtenir une assistance consulaire. La réponse à la question no 15 sur le retour des expatriés syriens dans leur pays est formulée de façon si floue que l’on ne comprend pas quelles sont les raisons, outre le fait de se soustraire au service militaire, qui peuvent empêcher un citoyen syrien de retourner librement dans son pays. En outre, le paragraphe 45 des réponses contredit le paragraphe 9, où il est dit que l’état d’urgence ne touche pas les migrants. M. El‑Borai souhaite donc savoir si la déclaration de l’état d’urgence est susceptible d’entraver l’application de la Convention. S’agissant de la question no 20 sur l’accès à l’éducation des enfants de travailleurs migrants, il constate que la réponse de la République arabe syrienne est contraire aux dispositions de la Convention. Dans la réponse à la question no 23 concernant le droit des travailleurs étrangers non arabes de s’affilier à un syndicat, il est fait mention de la loi no 84 de 1968; or, le Comité n’a pas reçu de copie de ce texte. M. El‑Borai souhaite savoir si cette loi impose des restrictions à l’adhésion des travailleurs étrangers à des syndicats.

5.M. TAGHIZADET souhaite la bienvenue à l’importante délégation syrienne. Il espère qu’elle considérera les questions et remarques du Comité comme l’expression de sa volonté d’œuvrer avec elle à améliorer l’application de la Convention. Il estime, tout comme M. El‑Borai, que certaines réponses de la République arabe syrienne sont incomplètes. Selon certaines informations, la République arabe syrienne compterait pratiquement autant de migrants que de citoyens syriens. Étant donné l’importance du phénomène migratoire dans le pays, il désire recevoir des statistiques plus précises sur les flux migratoires le concernant. Au sujet de la question no 22, il souhaite savoir si les migrants syriens, notamment ceux qui partent travailler dans les pays du Golfe, sont suffisamment informés des droits que leur confère la Convention, car selon certaines informations la protection de leurs droits poserait problème. En outre, compte tenu du nombre important d’émigrés syriens, M. Taghizadet sollicite de plus amples informations sur la question no 24 relative à leur droit de voter et d’être élus.

6.Mme DIEGUEZ ARÉVALO se félicite du niveau de la délégation envoyée par la République arabe syrienne, qui témoigne de l’importance qu’elle accorde aux travaux du Comité. Par ailleurs, elle s’étonne de ce que le rapport laisse penser que, contrairement aux autres pays, l’État partie ne connaîtrait aucun problème en matière de migration, sauf peut‑être en ce qui concerne les employés de maison venant d’Asie du Sud-Est. Au sujet des expatriés syriens qui se sont soustraits au service militaire et qui doivent obtenir un permis de séjour pour pouvoir se rendre dans leur pays, elle souhaite connaître l’ampleur de ce phénomène, puisqu’il semblerait qu’il s’agisse d’une pratique suffisamment répandue pour qu’elle soit régie par une disposition gouvernementale dont le rapport fait état. Elle souhaite en outre connaître l’état d’avancement de l’accord en cours de négociation avec l’Indonésie et demande si l’État partie dispose d’informations indiquant que la majorité des travailleurs migrants viennent de ce pays. Elle désire savoir si la République arabe syrienne prévoit de conclure des accords similaires avec d’autres pays de l’Asie du Sud-Est dont des ressortissants viennent travailler sur son territoire comme employés de maison.

7.Rappelant que l’État partie a indiqué qu’il n’existait pas, sur son territoire, de pratique de l’esclavage, Mme Dieguez Arévalo dit que la confiscation par les employeurs des passeports de femmes migrantes qui travaillent comme domestiques en vue de les obliger à rester à leur service et de leur imposer certaines conditions de travail est assimilable à la traite d’êtres humains, qui est une forme d’esclavage, et elle souhaiterait savoir si la traite des êtres humains existe en République arabe syrienne et ce que fait l’État partie pour la prévenir. Elle demande si l’accord qui doit être signé avec le Gouvernement indonésien a justement pour objectif de prévenir ce phénomène et s’étonne de ce que seuls les travailleurs migrants venus d’Asie du Sud‑Est semblent rencontrer des difficultés dans l’État partie.

8.L’oratrice trouve surprenant que presqu’aucune ONG ne mène en République arabe syrienne d’activités liées aux migrations. Elle souhaiterait en savoir plus sur le nombre d’ONG présentes dans le pays, et demande si la situation qui y règne actuellement ou la législation en vigueur constitue un obstacle au travail des ONG. Enfin, elle s’étonne de l’affirmation de l’État partie selon laquelle aucun pays au monde ne prévoit l’enregistrement par ses services d’état civil des naissances des enfants de travailleurs migrants survenues sur son territoire, et demande comment peuvent être intégrés dans le système scolaire des enfants de travailleurs migrants nés en République arabe syrienne pour lesquels il n’a pas été délivré de certificat de naissance.

9.M. ALBA estime que le fait qu’un travailleur migrant qui ne possède pas de permis de travail n’ait pas accès aux tribunaux du travail contrevient à une des obligations découlant de la Convention, selon laquelle même une personne dépourvue de permis de travail doit pouvoir faire respecter ses droits en matière d’emploi et donc avoir accès à un tribunal du travail. Il voudrait savoir pourquoi un travailleur migrant sans papiers pour saisir les tribunaux ordinaires et non les tribunaux du travail.

10.Il demande ensuite à la délégation syrienne de préciser avec combien de pays ont été conclus des accords bilatéraux en matière de réglementation de l’emploi, et quelle est la teneur d’un contrat type de travail.

11.S’agissant des travailleurs migrants refoulés en République arabe syrienne par d’autres États, l’orateur souhaiterait savoir si ces personnes doivent se présenter aux autorités administratives à la frontière ou après leur entrée sur le territoire, et de quel type de régularisation elles peuvent bénéficier, étant donné qu’il n’est pas toujours aisé d’établir les raisons pour lesquelles une personne a été refoulée. Il invite la délégation syrienne à donner à ce sujet des exemples et de plus amples informations. Enfin, il voudrait savoir ce qu’entraîne le fait, pour des travailleurs migrants dont un enfant naît en République arabe syrienne, de ne pas déclarer l’enfant au consulat de leur pays d’origine.

12.M. BRILLANTES demande à la délégation syrienne d’indiquer ce qu’a fait l’État partie pour assurer le respect des dispositions de la Convention, ce qu’il fait actuellement et ce qu’il compte faire à l’avenir, et quelles dispositions seraient susceptibles de lui poser des problèmes, ceci afin que le Comité puisse l’aider à faire bénéficier les travailleurs migrants arrivés en République arabe syrienne ou la quittant du traitement que l’Organisation des Nations Unies souhaite leur voir accorder.

13.M. SEVIM voudrait savoir si le projet de loi sur les associations civiles et les fondations élaboré par un comité technique du Ministère des affaires sociales et du travail porte aussi sur les syndicats, si ce projet de loi vise à mettre en œuvre les dispositions de la Convention, et s’il porte sur des domaines qui ne seraient pas compatibles avec la Convention.

14.Il souhaiterait par ailleurs un complément d’information sur les mesures prises par l’État partie en vue de diffuser les dispositions de la Convention et demande notamment à la délégation syrienne de fournir des exemplaires de journaux ou de donner des exemples de séminaires et conférences qui visent à faire connaître la Convention. Le fait que les travailleurs migrants qui ne parlent pas arabe doivent aller à leur ambassade pour obtenir des informations sur les droits que leur garantit la Convention, lui semble problématique.

15.Il évoque ensuite le Code du travail syrien qui dispose qu’il n’existe pas de discrimination entre les travailleurs syriens et les travailleurs migrants et rappelle à ce sujet les observations finales adoptées en 2001 par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels dans lesquelles celui‑ci exprimait sa préoccupation devant les différences de traitement existant entre les travailleurs syriens, les réfugiés et les apatrides, notamment en matière de prestations sociales et d’indemnités en cas d’accident. Il mentionne aussi les conclusions du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes selon lesquelles dans certaines régions les femmes et les filles ont un accès limité aux services de santé et les femmes doivent obtenir la permission de leur époux pour se faire soigner. Il souhaiterait savoir si des modifications ont été apportées à la législation et à la pratique en la matière.

16.MmePOUSSIKONSIMBO demande si les représentants des travailleurs qui siègent à l’Assemblée nationale sont élus ou désignés, quelles sont leurs attributions, et s’il y a parmi eux des travailleurs migrants. S’agissant de l’expulsion d’étrangers condamnés pour une infraction pénale, elle demande si cela concerne une catégorie d’infractions en particulier ou toute infraction à la loi pénale.

17.Le PRÉSIDENT souligne que l’État partie n’a pas ratifié les Conventions de l’Organisation internationale du Travail no 97 sur les travailleurs migrants et no 143 sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires), ni la Convention no 14 de l’Organisation arabe du travail relative au droit des travailleurs arabes à la sécurité sociale lorsqu’ils partent travailler dans d’autres pays arabes.

La séance est suspendue à 16 h 15; elle est reprise à 16 h 40.

18.M. MALDAON(République arabe syrienne) reconnaît que son pays ne dispose pas de données statistiques sur la main‑d’œuvre. La République arabe syrienne a des difficultés à se doter d’une base de données qui permettrait de disposer d’informations exactes sur les travailleurs, qu’ils soient syriens ou étrangers. Le Ministère des affaires sociales et du travail, en coopération avec l’Organisation internationale du Travail et le Programme des Nations Unies pour le développement, a pour projet de créer une base de données relative à la main‑d’œuvre qui permettra de disposer de statistiques sur l’emploi en République arabe syrienne.

19.En ce qui concerne le droit des travailleurs migrants d’être membre d’un syndicat, la loi qui prévoyait que seuls les travailleurs originaires des pays arabes étaient autorisés à s’affilier à un syndicat a été modifiée et, aujourd’hui, tous les travailleurs étrangers bénéficient de ce droit. Il existe en République arabe syrienne une confédération des syndicats qui regroupe les syndicats de nombreuses professions, et tout membre de ces professions, qu’il soit syrien ou étranger, a le droit d’adhérer à ces syndicats.

20.Par ailleurs, il y a en République arabe syrienne environ 40 000 employés de maison venant de différents pays d’Asie mais aussi d’Afrique. Les problèmes que rencontre cette catégorie de travailleurs ne concernent donc pas uniquement les migrants venus d’Asie du Sud‑Est. Une loi a été promulguée, qui prévoit l’obligation de faire bénéficier cette catégorie de travailleurs d’une assurance maladie qui les protège notamment des risques liés à leur travail. S’agissant des réfugiés iraquiens, seuls environ 500 d’entre eux ont un permis de travail, des milliers d’autres travaillent illégalement.

21.La République arabe syrienne a besoin de travailleurs qualifiés pouvant occuper des postes qui requièrent des compétences précises, mais la plupart des travailleurs migrants sont des personnes sans qualifications.

22.M. ANNAN (République arabe syrienne) s’étonne que l’on puisse douter de la volonté politique de son pays de mettre en œuvre la Convention, sachant que depuis 2000, les autorités syriennes ont pris des mesures sans précédent, à tous les niveaux, pour s’acquitter de leurs obligations en vertu de la Convention. Il rappelle que la République arabe syrienne est l’un des sept premiers pays à avoir adhéré à la Convention, adhésion qui faisait suite à la réalisation d’une étude approfondie sur les questions relatives aux migrations à l’échelon national. Le rapport à l’examen est un rapport initial, ce qui signifie que l’État partie a pleinement conscience des efforts qu’il lui reste encore à consentir pour mieux s’acquitter de ses obligations. Comme il l’a été déjà dit, l’énorme majorité des travailleurs migrants présents dans le pays sont des employés de maison venus principalement de l’Asie du Sud et, dans une moindre mesure, d’Afrique. Par ailleurs, le pays a fait de gros sacrifices pour accueillir les réfugiés iraquiens, qui sont officiellement au nombre de 1,3 million. En ce qui concerne les Syriens vivant à l’étranger, ils sont libres de rentrer chez eux et de rendre visite à leur famille quand bon leur semble et ils ne font l’objet d’aucune poursuite judiciaire, même s’ils n’ont pas rempli leurs obligations militaires. La plupart des Syriens de l’étranger se trouvent dans une situation très privilégiée.

23.M. Annan réfute les allégations selon lesquelles des travailleurs migrants se sont vu confisquer leurs papiers d’identité. Pour ce qui est de l’inscription des enfants d’étrangers au registre de l’état civil, la réponse fournie au paragraphe 54 des réponses écrites est incorrecte. Tous les enfants, y compris d’étrangers, nés sur le territoire syrien sont dûment enregistrés à l’état civil et tous les parents obtiennent un certificat de naissance.

24.M. AL‑BASHA (République arabe syrienne) dit que la sécurité de l’État étant menacée, notamment par la présence de nombreux espions étrangers qui traversent les frontières en provenance de pays voisins, les autorités ont dû décréter l’état d’urgence qui n’a aucune incidence sur les conditions d’emploi et de travail des travailleurs migrants. Au sujet des allégations relatives à la confiscation de papiers d’identité, un projet de loi sur la traite des êtres humains est à l’examen. Il dispose qu’une victime de la traite ne doit faire l’objet d’aucune sanction mais doit être au contraire protégée par l’État et invitée à collaborer avec lui pour démanteler tous les réseaux. M. Al‑Basha souhaite que le Comité se montre plus compréhensif et reconnaisse les efforts déployés par son pays, en particulier depuis 2000, pour promouvoir les droits économiques, sociaux et culturels de tous les habitants. Les choses ne peuvent évoluer du jour au lendemain et la République arabe syrienne a besoin de temps, compte tenu notamment de son degré de développement.

25.M. MALDAON (République arabe syrienne) dit que le phénomène de la traite est peu important en République arabe syrienne, qui est essentiellement un pays de transit. Les autorités ont néanmoins jugé nécessaire d’adopter un texte pour mieux protéger les victimes de la traite et honorer les obligations souscrites par la République arabe syrienne lorsqu’elle a adhéré à la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui. La délégation syrienne prend note des observations et critiques formulées par les membres du Comité et souhaite obtenir une assistance technique du Haut‑Commissariat, notamment pour pouvoir fournir des données statistiques au Comité.

26.Le PRÉSIDENT note avec satisfaction que la République arabe syrienne a montré sa volonté de collaborer avec le Comité, lequel n’a pas pour mission de juger les États parties mais d’obtenir des éléments factuels pour évaluer l’état d’avancement de l’application de la Convention. L’objectif est aussi de trouver des solutions pour permettre à l’État partie de mieux respecter et protéger les droits consacrés par la Convention. Dans ce contexte, il souhaite obtenir des précisions sur plusieurs informations fournies oralement, notamment sur la loi qui autorise les travailleurs migrants à s’affilier à un syndicat et sur le décret qui confère des droits aux employés de maison. Il demande également si la Commission nationale des droits de l’homme a joué un rôle dans l’élaboration du rapport à l’examen.

27.En ce qui concerne la confiscation de passeports, le Président comprend que cette pratique est illégale dans l’État partie mais il évoque néanmoins de nombreux témoignages de femmes originaires du Maghreb qui transitent par la République arabe syrienne, où leurs passeports sont confisqués, avant d’être conduites dans des pays du Golfe dans le cadre de réseaux de prostitution. La délégation syrienne est invitée à donner son sentiment sur cette question.

28.M. KARIYAWASAM dit que le Comité reconnaît la situation géopolitique particulière de la République arabe syrienne, à la fois pays d’origine et pays d’accueil, mais que cette situation ne peut empêcher l’État partie de s’acquitter de ses obligations en vertu de la Convention. La République arabe syrienne, qui a ratifié les sept principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, a témoigné de son intention sincère d’œuvrer en faveur des droits de l’homme mais il n’en reste pas moins que l’application de ces instruments pose des problèmes. S’agissant de l’absence de statistiques, l’expert note que l’État partie est un pays à revenu intermédiaire qui a les moyens d’élaborer des statistiques. Par ailleurs, M. Kariyawasam demande des renseignements plus précis sur les mesures prises en faveur des migrants employés de maison et sur le sort réservé aux réfugiés palestiniens qui se trouvent pour la plupart dans des camps de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche‑Orient (UNRWA). Il souhaite aussi que la délégation syrienne revienne sur les informations figurant au paragraphe 44 des réponses écrites car il est difficile de savoir si les Syriens de l’étranger qui n’ont pas effectué leur service militaire peuvent revenir dans leur pays sans crainte d’y être inquiétés par la justice.

29.MmeDIEGUEZ ARÉVALO explique qu’elle a parlé d’esclavage en lien avec la traite des êtres humains mais n’a pas dénoncé de cas en tant que tels. Sur la question de la confiscation de passeports évoquée au paragraphe 51 des réponses à la liste des points à traiter, elle faisait simplement le parallèle avec la situation dans son propre pays car c’est le propre du Comité de permettre d’échanger des données d’expérience pour mieux comprendre la situation et, par là même, tenter d’améliorer celle d’autres pays.

30.MmeCUBIAS MEDINA, se référant au paragraphe 26 du rapport, demande s’il y a, en République arabe syrienne, des travailleurs migrants en situation irrégulière et dans l’affirmative, de quels pays ils viennent et comment s’applique la Convention à leur égard.

31.M.SEVIM demande que soit précisé ce qui a été dit sur la liberté d’association. Les travailleurs étrangers peuvent non seulement adhérer à des syndicats mais aussi en être des membres fondateurs. Il serait bon que la délégation syrienne donne des informations supplémentaires sur ce point.

32.M.ALBA explique que les membres du Comité ne sont pas là pour juger un pays mais pour donner leur avis d’experts indépendants dans les domaines qui les préoccupent. Après avoir rappelé les trois grandes phases de l’application de la Convention, il dit bien comprendre que la mise en œuvre de cet instrument est un processus long et que la situation géopolitique de la République arabe syrienne est particulière à cet égard. Par ailleurs, il souligne que l’information donnée au paragraphe 72 des réponses à la liste des points à traiter est contraire aux dispositions de la Convention; il est en effet indiqué que les travailleurs étrangers ont le droit de rapatrier 60 % au maximum du total de leurs salaires et rémunérations en devises étrangères. Or, la Convention stipule qu’il ne doit pas être imposé de limite; le travailleur étranger devrait pouvoir, s’il est en mesure de le faire, rapatrier l’intégralité de ce qu’il gagne.

33.M. EL‑BORAI (Rapporteur pour le pays) croit comprendre qu’en République arabe syrienne, la Convention prime la législation nationale mais il aimerait en avoir confirmation, le rapport du pays semblant à certains égards avoir été rédigé sans beaucoup de réflexion. Il en veut pour preuve le fait que la délégation syrienne ait dû demander qu’on en supprime un membre de phrase. Il rappelle que sur le point litigieux qui y était soulevé − les droits de l’enfant issu d’une famille immigrée − les dispositions des articles 45 et 53 de la Convention sont claires; il convient donc de les prendre en compte dans la législation syrienne. Il aimerait avoir quelques éclaircissements sur la façon dont sont gérées les oppositions qui existent entre la législation nationale et les engagements pris sur le plan international.

34.M. MALDAON (République arabe syrienne) explique que le rapport n’a pas été rédigé avec précipitation, ce qui laisserait supposer un manque d’intérêt pour le sujet, mais a requis, au contraire, toute l’attention voulue; cela étant, nul n’est à l’abri d’erreurs ou de contradictions dues à des raisons techniques. À cette étape du processus d’application de la Convention, les contradictions qui existent entre la législation nationale et les engagements pris sur le plan international sont naturelles: l’adaptation de la législation nationale est en cours mais demande du temps. Quoi qu’il en soit, la Convention prime la législation nationale. En ce qui concerne la limitation des transferts de devises à l’étranger, cette disposition s’applique à tous, et non uniquement aux travailleurs étrangers. En effet, pour passer d’une économie planifiée à une économie de marché, le Conseil monétaire national a décidé d’imposer cette limitation afin de préserver les réserves en devises du pays. Cette politique monétaire devrait être modifiée à l’avenir.

35.Il y a bien des travailleurs étrangers illégaux en République arabe syrienne mais d’une façon générale, le pays attire peu les travailleurs étrangers ou alors pour un temps très limité. Ceci peut s’expliquer par le fait que le pays, dont le taux de chômage avoisine les 12 %, dispose déjà d’une main-d’œuvre nationale qualifiée et que les salaires ne sont pas très attractifs. La République arabe syrienne exporte sa main-d’œuvre plutôt qu’elle n’en importe.

36.Il faut rappeler que la confiscation des passeports est interdite par la loi en République arabe syrienne, contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays du Golfe et que l’État syrien n’encourage pas cette pratique; il arrive toutefois que des employeurs s’y livrent afin de s’assurer que le travailleur ne s’enfuira pas ni ne commettra d’infractions telles que des vols, car ce sont eux qui, en cas de problème, en assument la responsabilité.

37.M. AL‑BASHA (République arabe syrienne) explique qu’il a enseigné pendant vingt ans comme universitaire dans un pays du Golfe et qu’on lui confisquait son passeport pour ne le lui rendre que pendant les vacances lorsqu’il devait revenir chez lui. Cette pratique, interdite en République arabe syrienne, est donc passible d’une amende.

38.M. ISMAEL (République arabe syrienne) souhaite préciser sur cette question qu’il existe un cas où l’on confisque effectivement le passeport: il s’agit des femmes qui travaillent dans le milieu artistique. Si elles trouvent un emploi réglementaire, on leur délivre un permis de travail pour six mois qui leur permet de se déplacer dans le pays. À l’issue des six mois, elles doivent repartir et leur passeport leur est rendu.

39.M.ANNAN (République arabe syrienne) est très étonné d’entendre qu’il existerait dans son pays une traite des êtres humains à caractère sexuel dans les environs de Damas à destination des pays du Golfe; si de tels réseaux existaient, le Rapporteur spécial de l’ONU sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants ou d’autres organes conventionnels s’en seraient fait l’écho, ce qui n’est pas le cas; en outre, les autorités syriennes les démantèleraient car la loi interdit clairement l’industrie du sexe. Le pays ne tolère aucune forme de trafic sexuel et refuse que cette industrie soit légalisée, faisant ainsi front avec une cinquantaine d’autres pays. M. Annan craint que le Comité ne dévie ici de son mandat: il s’agit de traiter de la protection des travailleurs migrants et des membres de leur famille et dès lors qu’on évoque la traite d’êtres humains, on sort de ce cadre puisque ces questions relèvent d’autres mécanismes.

40.M.MALDAON (République arabe syrienne), s’agissant de la liberté d’association évoquée au paragraphe 62 des réponses à la liste des points à traiter, rappelle que les travailleurs étrangers qui ne sont pas arabes ont le droit de s’affilier à un syndicat en vertu de la loi no 25 de 2000 dont la délégation remettra le texte au Comité. Quant aux domestiques femmes, leurs droits sont également régis par la décision 81 qui fixe leurs conditions d’emploi, leur salaire, leur assurance, comme le verra le Comité auquel le texte sera remis.

41.Le PRÉSIDENT se réjouit de toutes les nouvelles informations qui ont été communiquées au Comité par la délégation syrienne, sur la base desquelles celui‑ci élaborera ses observations finales. Il estime que toutes les questions qui ont été débattues étaient légitimes et entraient dans le cadre de la Convention, car tous les problèmes (traite des êtres humains, racisme, discrimination par rapport aux nationaux ou entre hommes et femmes, inégalité devant la loi, par exemple) auxquels les travailleurs migrants et leur famille peuvent être confrontés relèvent du mandat du Comité, qui se doit alors d’attirer l’attention de l’État partie sur ces situations afin qu’il puisse prendre les dispositions nécessaires pour y remédier. Que les dispositions de la Convention soient reprises par la législation nationale ne signifie pas qu’elles sont obligatoirement respectées ou appliquées; le rôle du Comité est donc d’essayer de savoir pourquoi elles ne le sont pas. Il peut s’agir parfois d’une mauvaise compréhension, d’où la nécessité d’accompagner l’application de la Convention d’une diffusion d’informations et de la mise en place de formations destinées à bien faire comprendre en quoi la Convention concerne des personnes de milieux culturels différents. Lorsque l’État partie donne des informations précises sur ce qu’il fait en la matière, il démontre qu’il fait le nécessaire pour que la Convention soit mieux appliquée. Le Président salue la qualité des réponses apportées par la République arabe syrienne, qui prouve avec quelle conviction le pays agit. Le Comité attend encore de la délégation syrienne qu’elle lui fournisse des statistiques qui corroborent les réponses données, certaines précisions supplémentaires et des éléments probants tels que des textes législatifs, des données précises sur les formations dispensées et sur les supports d’information mis en place, sans oublier des précisions sur le rôle joué par la société civile.

La séance est levée à 18 h 5.

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