NATIONS UNIES

CMW

Convention internationale

sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr.GÉNÉRALE

CMW/C/SR.322 mai 2006

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR LA PROTECTION DES DROITS DE TOUS LES TRAVAILLEURSMIGRANTS ET DES MEMBRES DE LEUR FAMILLE

Quatrième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 32e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le 25 avril 2006, à 15 heures

Présidence: M. KARIYAWASAM

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 73 DE LA CONVENTION (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 73 DE LA CONVENTION (point 6 de l’ordre du jour provisoire) (suite)

1.Le PRÉSIDENT invite la délégation malienne à répondre aux questions qui lui ont été posées par le Comité lors de la séance précédente.

2.M. DIALLO (Mali), répondant à une question sur le refoulement des étrangers, explique qu’un étranger peut être refoulé dans quatre cas: s’il se trouve en situation irrégulière, s’il n’a pas de ressources suffisantes à l’entrée dans le pays, s’il ne peut justifier sa présence sur le territoire ou s’il est frappé d’une interdiction de séjour faisant suite à une condamnation. Le refoulement est fait sous escorte policière si l’intéressé est dangereux ou fait preuve de résistance; s’il est simplement entré sans visa, il sera confié au commandant de bord.

3.M. CISSÉ (Mali), répondant à la question de savoir si les 4 millions de migrants maliens étaient inclus dans les 12 millions de la population totale, dit que la diaspora malienne est estimée à 4 millions, répartis comme suit: environ 3,6 millions en Afrique (soit plus de 85 %), 102 000 en Europe (soit 2,7 %), 1 705 en Amérique (soit 0,1 %) et 26 000 en Asie (soit 0,7 %). Ces données sont toutefois incomplètes car il n’y a jamais eu de recensement exhaustif des Maliens vivant à l’étranger. Leur nombre est estimé à partir des statistiques fournies par les représentations consulaires aux fins électorales. La délégation n’est pas en mesure de dire si les 4 millions sont inclus ou non dans la population totale; elle répondra à cette question ultérieurement.

4.En ce qui concerne les envois de fonds vers le Mali, M. Cissé explique que, là encore, les données sont incomplètes. Il indique cependant à titre d’exemple que la diaspora malienne en France envoie à elle seule quelque 120 milliards de francs CFA chaque année. Cela représente des recettes inférieures à celles du coton ou de l’exploitation minière, mais cet argent permet de développer les petites entreprises, les écoles, les centres de santé, les transports, et surtout d’améliorer les conditions de vie des familles restées au pays.

5.M. KONÉ (Mali), en réponse à la question sur les attributions du Ministère des Maliens de l’extérieur et de l’intégration africaine, explique que ce ministère a été créé en 2002 pour assister et protéger les Maliens expatriés. Chaque fois qu’un problème concerne des Maliens à l’étranger, comme ce fut le cas récemment à Paris et à Ceuta, le Ministre se déplace en personne. De l’indépendance à l’avènement de la démocratie en 1991, les Maliens de l’étranger ont relevé du Ministère des affaires étrangères. C’est le gouvernement de transition qui a pris conscience de leur rôle essentiel dans le développement et l’économie et a décidé de leur consacrer un ministère délégué. En ce qui concerne la coopération entre le Ministère des affaires étrangères et de la coopération internationale et le Ministère des Maliens de l’extérieur et de l’intégration africaine, M. Koné explique que ces deux organes sont complémentaires. Le Ministère des affaires étrangères, à travers les missions diplomatiques et consulaires, joue un rôle de représentation et d’assistance, conformément aux deux Conventions de Vienne.

6.M. KASSÉ (Mali) précise que ce sont des raisons politiques et économiques qui ont motivé la création d’un ministère à part entière pour les Maliens expatriés. Une diaspora de 4 millions de personnes est en effet une force considérable qui doit pouvoir participer à la prise de décisions et à la construction du pays. Il s’agit là d’une démarche innovatrice et probablement unique car, dans la plupart des autres pays africains, les nationaux vivant à l’étranger dépendent du Ministère des affaires étrangères.

7.Mme DICKO (Mali), en réponse à la question sur la traite des enfants, explique que cette pratique existe bel et bien au Mali, mais que des dispositions législatives ont été adoptées pour la combattre. La traite ne peut cependant être éliminée du jour au lendemain car elle est une conséquence de la pauvreté et du sous-développement. Le Mali s’emploie à lutter contre le travail des enfants, qui est l’un des aspects de la traite. Il n’existe pas de statistiques fiables dans ce domaine mais l’on sait que le secteur rural est le plus touché. Dans le cadre du Programme international pour l’abolition du travail des enfants (IPEC), le Bureau international du Travail (BIT) aide le Gouvernement et ses partenaires sociaux à mettre en œuvre des politiques et des programmes d’action pour renforcer la capacité des institutions, sensibiliser le public, favoriser la réinsertion sociale et économique des enfants dans leur milieu d’origine, et empêcher l’emploi des enfants à un âge trop précoce ou dans des conditions dangereuses. Plusieurs programmes sont mis en œuvre en faveur des enfants des zones rurales, des petites filles employées en milieu urbain, des enfants employés dans l’économie souterraine et des enfants qui travaillent dans la rue. En outre, un programme sous‑régional de lutte contre l’exploitation économique des enfants vient d’être lancé au Mali.

8.L’amélioration du taux de scolarisation − en hausse constante depuis 1996, surtout parmi les filles − est également un frein au travail des enfants et, partant, à la traite. Par ailleurs, la Direction nationale du travail veille à l’application des Conventions no 182 (sur les pires formes de travail des enfants) et no 138 (sur l’âge minimum au travail) de l’Organisation internationale du Travail (OIT). Enfin, il convient de souligner que le Mali a sollicité l’assistance technique du BIT pour réaliser une enquête sur l’ampleur et la nature du travail des enfants.

9.En réponse à la question sur la primauté de la Convention par rapport à la législation nationale, Mme Dicko explique qu’en vertu de l’article 116 de la Constitution de 1992 les traités et conventions ratifiés par le Mali ont une valeur juridique supérieure aux lois nationales et que tous les travailleurs, y compris les migrants, peuvent donc s’en prévaloir. Dans la pratique, cependant, ces textes doivent avoir été transposés dans le droit interne pour pouvoir être invoqués.

10.M. KASSÉ (Mali) ajoute que la transposition des instruments internationaux dans le droit interne est un exercice particulièrement difficile pour les pays en développement.

11.Mme DICKO (Mali), en réponse à la question sur l’égalité entre les nationaux et les migrants dans le domaine du travail, rappelle que le Mali a ratifié la Convention no 111 de l’OIT concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession, et que celle-ci a été transposée dans le droit interne. Il n’y a donc aucune discrimination à l’égard des migrants dans l’application de la législation relative au travail. Il n’existe pas de mécanisme spécifique pour traiter les plaintes des migrants qui s’estiment atteints dans leurs droits, mais les autorités administratives, législatives et judiciaires peuvent recevoir les plaintes de tous les travailleurs, y compris celles des migrants.

12.M. KASSÉ (Mali) souligne à nouveau qu’il n’y a pas de discrimination à cet égard et que le Mali est lié par la Convention no 111 de l’OIT. Il existe en outre, au Mali, un mécanisme original portant le nom d’«Espace d’interpellation démocratique», qui permet à tout Malien ou à tout étranger d’interpeller, une fois par année, le temps d’une journée, le Gouvernement sur une question donnée. Tout travailleur migrant vivant au Mali qui, malgré le dispositif décrit précédemment, estimerait être victime de discrimination peut se prévaloir de cette possibilité, qui lui est offerte tous les 10 décembre, à l’occasion de la Journée de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Un travailleur migrant au Mali qui s’estime lésé par la législation malienne peut effectivement faire part de son grief à son ambassade afin que celle‑ci demande au Ministère des affaires étrangères de soumettre la question au département concerné en vue de trouver une solution. Inversement, si un ressortissant malien résident à l’étranger se plaint auprès d’un consulat malien, celui‑ci a le devoir de l’écouter et de soumettre sa plainte aux autorités locales.

13.M. DIALLO (Mali)explique, s’agissant du rapatriement des dépouilles, que le décret d’application de la loi no 04‑058 ne traite pas spécifiquement des conditions de rapatriement de celles‑ci mais prévoit, dans son chapitre 3, des garanties relatives au rapatriement. L’article 43 de ce chapitre dispose que tout étranger devant pénétrer sur le territoire malien et qui n’est pas muni d’un billet aller‑retour ou d’un titre de transport pour une destination extérieure au Mali doit verser une consignation de rapatriement ou être en possession d’un document garantissant son rapatriement. Cette consignation est versée au Trésor public, contre récépissé, dans les 15 jours suivant l’arrivée sur le territoire national. Outre cette disposition, lorsqu’un étranger décède sur le territoire malien, l’ambassade de son pays d’origine prend, en concertation avec les autorités nationales, toutes les dispositions nécessaires pour assurer le rapatriement de sa dépouille si ses parents le souhaitent. Sont dispensés du versement de la caution de rapatriement les titulaires du passeport diplomatique ou du passeport de service et les membres de leur famille, les fonctionnaires militaires et les membres de leur famille s’ils sont porteurs, notamment, d’un ordre de mission ou d’une feuille de route, les ressortissants des pays limitrophes, sous réserve qu’ils effectuent leur voyage par voie terrestre, les touristes utilisant des véhicules personnels et les élèves et étudiants régulièrement inscrits dans les établissements d’enseignement secondaire ou supérieur de la République du Mali.

14.Mme DICKO (Mali) indique qu’il existe, au Mali, comme dans la plupart des pays francophones, trois sortes d’infractions assorties de peines correspondantes: la contravention, qui donne lieu à une amende; le délit, qui est passible d’une peine d’emprisonnement ou d’une amende; les crimes, généralement punis d’une peine d’emprisonnement, souvent assortie d’une amende. Les travailleurs migrants et les nationaux sont soumis aux mêmes procédures. Les violations des dispositions législatives relatives à la migration font l’objet de mesures administratives ou de reconduites. Les violations des dispositions relevant du droit pénal peuvent donner lieu à une détention de leurs auteurs, et ce, dans un lieu séparé des autres détenus et prévenus et uniquement pendant la période de temps nécessaire pour procéder à leur expulsion ou à leur reconduite à la frontière. Ces infractions peuvent également donner lieu à une amende.

15.S’agissant du droit de vote, Mme DICKO explique que tant les Maliens vivant à l’étranger ou les travailleurs maliens revenant au pays que les nationaux vivant sur le territoire malien jouissent du droit de voter et d’être élu, la seule condition étant qu’ils ne soient pas privés de leurs droits civiques. Cependant, les Maliens résidant à l’étranger n’ont le droit de voter que lors des élections présidentielles. La possibilité pour les Maliens d’exercer leur droit de vote à l’étranger dépend également de l’importance de la diaspora dans le pays dans lequel ils résident, le scrutin n’étant pas organisé dans tous les pays d’accueil. Les Maliens ne pouvant pas voter dans le pays dans lequel ils résident peuvent toutefois se déplacer pour exercer leur droit de vote dans un autre pays. En ce qui concerne les Maliens revenant au pays, ils ne peuvent exercer leur droit de vote qu’à la condition d’être inscrits sur les listes électorales.

16.M. KASSÉ (Mali), répondant à une question sur les retours volontaires, souhaite en donner un exemple concret. Ces retours s’inscrivent parfois dans un cadre négocié au préalable, comme c’est le cas avec la Suisse, pays avec lequel le Mali a passé un accord portant sur le retour dans des conditions humaines et acceptables de certains de ses ressortissants qui se sont vu refuser le droit d’asile. En vertu de cet accord, qui est appliqué depuis septembre 2004, trois Maliens ont quitté la Suisse volontairement pour rentrer au Mali. Le programme de retour mis en place par cet accord prévoit la possibilité de suivre une formation en Suisse, la fourniture de matériel de travail en rapport avec cette formation et l’allocation d’une somme forfaitaire. Ce programme, qui est mis en œuvre en coopération avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), comporte en outre des mesures d’accompagnement et de suivi, dans le cadre desquelles un comité composé de représentants de divers ministères, de l’OIM et du Bureau de coopération suisse accueille les personnes concernées à Bamako et les aide à s’installer. M. Kassé ajoute qu’il s’agit d’un projet pilote qui sera peut‑être étendu à d’autres pays d’Afrique de l’Ouest.

17.En ce qui concerne la polygamie, M. Kassé estime qu’il est difficile pour les autorités maliennes à Paris de trouver une solution au type de problème qu’elle pose. Le Mali ne dispose pas de mécanisme ou d’instrument juridique permettant, dans une situation où un Malien a plusieurs épouses, dont une seule jouit de ses droits, de contraindre ce ressortissant à permettre aux autres épouses d’exercer leurs droits. Il est vrai que la polygamie est acceptée au Mali. Cependant, s’agissant de la fonction publique, si un fonctionnaire ayant plusieurs épouses quitte le pays, l’État ne prendra en charge qu’une seule épouse. Pour ce qui est des autres ressortissants qui sortent du pays, le Mali n’a pas les moyens de leur garantir une protection en la matière. Il s’agit d’une question difficile, qui fait l’objet de consultations régulières avec les autorités des autres pays, notamment la France.

18.Pour ce qui est des incidents survenus à Ceuta et Melilla, M. Kassé rappelle qu’ils ont été condamnés par les autorités maliennes au plus haut niveau. Il indique que le Ministre des Maliens de l’extérieur s’est rendu à Paris et au Maroc et que le Ministre espagnol des affaires étrangères a séjourné à Bamako et a été reçu par le Président de la République du Mali en février 2006 pour s’entretenir de ces questions. Cependant, au‑delà de la condamnation politique dont ces incidents ont fait l’objet, il est important de souligner que le phénomène des migrations déborde du cadre du Mali, de la sous‑région de l’Afrique de l’Ouest ou même de l’Afrique, raison pour laquelle il a été décidé, au niveau de l’Union africaine et en collaboration avec des partenaires tels que l’OIM, de réfléchir à cette question. Plusieurs séminaires et rencontres ont déjà eu lieu, notamment à Bruxelles, dont il ressort que ni les pays du Nord ni les pays du Sud n’ont de solution immédiate à proposer face à ce problème. La situation est d’autant plus complexe pour le Mali que celui‑ci, rappelle M. Kassé, est un pays non seulement de migration, mais de transit. Toute cette région connaît, de manière générale, des flux migratoires importants. Il convient d’ailleurs, à ce sujet, de signaler que tous les Sahéliens qui, dans les années 90, venaient au Mali étaient considérés ipso facto comme des Maliens. Le flux s’est, aujourd’hui, déplacé vers l’ouest, à savoir vers le Maroc, la Mauritanie et même le Sénégal. La question fera l’objet, l’automne prochain, d’une rencontre spéciale entre l’Union africaine et l’Union européenne.

19.Le Mali fait des efforts pour retenir sa population, en particulier les jeunes, mais il faut aussi être conscient du fait que, si le problème des subventions sur le coton dans les pays du Nord n’est pas réglé, toute une partie de la jeunesse malienne, qui vit de cette culture, souhaitera se rendre dans les pays du Nord. À ces différents aspects de la question des migrations vient s’ajouter un autre qui est souvent ignoré de la communauté internationale, à savoir l’endettement. En effet, de nombreux jeunes s’endettent pour tenter l’aventure de la traversée du Sahara, de la Méditerranée ou de l’Atlantique. Parfois, c’est un village entier qui se cotise, vendant tout son patrimoine pour permettre à deux ou trois de ses habitants de partir. À l’échec de ces jeunes succède un sentiment d’indignité et de honte qui les empêche de revenir dans leur village. Il y a donc là un aspect psychologique et culturel qu’il faut aussi prendre en compte. La question de la migration et du développement, qui est actuellement à l’ordre du jour de toutes les grandes rencontres, et la recherche de solutions aux problèmes qui y sont liés concernent donc aussi bien le Sud que le Nord. Le Mali, pour sa part, tente de convaincre ses ressortissants que le départ ne constitue pas la solution à leurs difficultés, mais il a besoin d’aide à cet égard.

20.S’agissant de ce que le Mali attend du Comité, M. Kassé explique que la délégation du Mali ne répondra pas tout de suite à cette question. D’abord, elle rendra compte de sa mission à Bamako et mènera des consultations élargies avec les organes conventionnels et les ONG concernés; ce n’est qu’ensuite qu’elle sera en mesure de donner une réponse claire à cette question. Le dialogue vient juste d’être entamé, et le Mali, qui est le premier pays à collaborer avec le Comité, n’hésitera pas à venir lui demander son aide pour mettre en œuvre la Convention.

21.Mme DICKO (Mali), répondant à la question de savoir si les ONG avaient été consultées pendant ou après l’élaboration du rapport présenté par le Mali, explique que, pour l’élaboration de tous les rapports présentés en application d’une convention, un questionnaire est d’abord envoyé à tous les services techniques et à toutes les ONG concernées. Une réunion est ensuite organisée pour examiner les réponses reçues. Enfin, un rapport est rédigé sur la base de ces réponses et soumis au Conseil des ministres. En ce qui concerne le rapport qui a été présenté au Comité, les ONG ont été consultées pendant son élaboration. Par ailleurs, pour améliorer l’élaboration des rapports présentés conformément aux Conventions des Nations Unies, l’Association malienne des droits de l’homme, avec l’appui de la Coopération belge, organise régulièrement des séminaires visant à initier les membres des structures gouvernementales et des ONG aux techniques d’élaboration de ces rapports.

22.À la question de savoir si la loi no 04‑058 du 25 novembre 2004 avait été adoptée en raison du fait que le Mali avait ratifié la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, Mme Dicko répond que l’adoption de cette loi n’était pas liée à la ratification de la Convention, mais visait à donner suite à une recommandation du Conseil économique et social et à combler un vide juridique en la matière.

23.M. KASSÉ (Mali) précise que le Gouvernement malien, soucieux de travailler dans la transparence et de respecter ses engagements internationaux, notamment en matière de droits de l’homme, fait aujourd’hui tout son possible pour associer la société civile à ses réflexions et discussions et à la mise en œuvre des dispositions des instruments que le pays a ratifiés. Il donne aux membres du Comité l’assurance que, dès le retour de la délégation au Mali, les mesures qui seront prises aux fins de l’application des dispositions de la Convention seront examinées avec la coordination des ONG maliennes œuvrant pour la protection des migrants.

24.M. ALBA aimerait savoir si l’État partie accepte la double ou la multiple nationalité et, dans l’affirmative, souhaiterait disposer d’estimations sur le nombre de personnes jouissant de ce privilège.

25.M. EL-BORAI demande si la loi no 04-058 du 25 novembre 2004 relative aux conditions d’entrée, de séjour et d’établissement des étrangers en République du Mali et son décret d’application prévoient la possibilité pour un travailleur migrant qui aurait été refoulé par la police des frontières de recourir devant une autorité compétente, en particulier un juge ou un tribunal. Il s’enquiert également du statut des conventions internationales dans le droit interne, notamment de la possibilité pour les juges d’appliquer directement les dispositions de la Convention.

26.M. TAGHIZADE souhaiterait disposer d’estimations chiffrées sur les flux de migrants étrangers vers le Mali, sur le nombre de citoyens maliens à l’étranger et sur le nombre d’étrangers utilisant le Mali comme pays de transit, pour mieux saisir l’ampleur de la tâche qui attend le Gouvernement de l’État partie pour s’acquitter des obligations qu’il a contractées.

27.M. SEVIM demande si les conventions internationales ratifiées par l’État partie doivent être transposées dans la législation interne avant de pouvoir être invoquées par les tribunaux, si les dispositions de la Convention no 111 de l’OIT concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession ont été transposées dans le droit interne et si, en application du principe de la non-discrimination entre les nationaux et les étrangers, un travailleur migrant peut être employé dans le secteur public.

28.M. KASSÉ (Mali) dit que la double nationalité existe au Mali, l’acquisition de la nationalité malienne par mariage étant même automatique. Concernant le statut de la Convention en droit interne, il indique qu’une fois que le Mali a accompli les formalités d’adhésion ou de ratification d’un instrument international ce dernier a une valeur juridique supérieure à celle de la législation nationale. Toutefois, selon la nature et la technicité de l’instrument en question, une procédure complémentaire de transposition des dispositions de la convention internationale en droit interne peut être nécessaire.

29.Le Mali ne dispose pas actuellement de données chiffrées exactes sur le nombre de migrants entrant dans le pays, notamment du fait de l’étendue de ses frontières, de ses caractéristiques géographiques (désert) et de la tradition qui veut que tout Africain entré en territoire malien soit considéré comme Malien. Des doubles nationaux travaillent dans l’administration malienne mais les postes de la haute administration sont réservés aux citoyens maliens.

30.Mme DICKO (Mali) rappelle que la Constitution malienne énonce en son article 116 que les traités, conventions et règlements ratifiés ont une valeur juridique supérieure à la loi nationale. Tout Malien − et par extension tout travailleur migrant − peut donc se prévaloir des instruments internationaux ainsi ratifiés. Dans la pratique, les dispositions de ces instruments doivent être transposées dans des textes nationaux, en l’occurrence le Code du travail, le Code de prévoyance sociale et la loi sur les migrations. Les dispositions de la Convention no 111 de l’OIT ont déjà été transposées en droit interne.

31.Par ailleurs, toute décision d’expulsion à l’encontre d’un travailleur migrant peut être attaquée devant les tribunaux administratifs. Quant aux flux migratoires, ils sont difficiles à cerner aux fins de l’établissement de données statistiques fiables du fait de l’étendue des frontières du Mali et de leur grande perméabilité, de la libre circulation des personnes et des biens au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), ainsi que de l’immigration clandestine, très importante et non maîtrisée. Les estimations possibles sont compilées sur la base des documents de voyage. Ainsi, à titre indicatif, pour l’année 2005, les autorités maliennes ont eu à établir 53 549 passeports (soit autant de voyageurs potentiels), 219 visas d’admission, 4 604 visas d’entrée, 2 678 visas court séjour et 5 938 visas long séjour.

32.M. KONÉ (Mali) précise qu’en application de l’article 116 de la Constitution les citoyens maliens peuvent certes se prévaloir des dispositions des conventions internationales, mais sous réserve de l’application du traité par l’autre partie, dans le cadre d’accords bilatéraux.

33.M. DIALLO (Mali) explique que le Directeur de la police des frontières n’a aucune autorité pour expulser un migrant. Conformément au décret d’application de la loi no 04-058, une expulsion du territoire est prononcée par arrêté du Ministère de la sécurité intérieure à l’encontre d’un migrant ayant commis une infraction et ayant fait l’objet d’une décision de justice assortie d’une interdiction de séjour. En revanche, si l’on constate, à la frontière, qu’un étranger est en situation irrégulière ou qu’il ne dispose pas de ressources suffisantes, il est procédé, en application des textes en vigueur, à son refoulement.

34.Mme DICKO (Mali) souligne qu’au Mali comme dans de nombreux autres pays du monde l’emploi dans la fonction publique est lié à la condition de nationalité. Les travailleurs migrants peuvent néanmoins postuler aux postes qui sont ouverts aux concours dans les établissements publics à caractère administratif (EPA) ou scientifique. Dans le secteur privé, il n’existe aucune condition de nationalité. Le visa de la Direction nationale du travail doit simplement être apposé sur les contrats de travail des expatriés.

35.M. EL JAMRI pense qu’il faudrait distinguer entre retours volontaires et réadmissions, celles-ci étant des retours forcés ou négociés de personnes qui n’ont pas réussi à s’intégrer de façon régulière dans le pays où elles avaient émigré. Il souhaiterait par ailleurs poser à la délégation malienne quelques questions d’ordre technique. Premièrement, la ratification de la Convention par le Mali a-t-elle fait l’objet d’une publication au Journal officiel? Il arrive en effet que des tribunaux locaux arguent de la non-publication du texte de ratification d’un instrument international pour ne pas appliquer ce dernier, ce qui crée parfois des situations difficiles. Deuxièmement, sachant que l’on fait souvent l’amalgame entre migrations et terrorisme et que l’on exerce parfois des pressions sur des pays pour qu’ils se dotent de lois migratoires permettant de mieux gérer les déplacements des personnes au niveau international, le Mali perçoit-il un problème de cet ordre? Troisièmement, à propos de la complexité du phénomène migratoire au Mali liée à l’appartenance du pays à un espace sous-régional et régional, et de l’éventuelle possibilité pour tout Africain d’acquérir la nationalité malienne, existe-t-il au Mali un système d’état civil généralisé? Quatrième point, le Mali a-t-il déjà fait l’objet de plaintes de la part d’États voisins ou en a-t-il lui-même déposées en relation avec des questions d’émigration ou d’immigration et, dans le même ordre d’idées, a-t-il envisagé de faire la déclaration complémentaire qui permettrait au Comité de recevoir des plaintes au titre de la Convention? Enfin, comment s’opère à l’échelon interne la coopération entre les différents départements qui s’occupent des questions migratoires, notamment le Ministère de l’intérieur, le Ministère des affaires étrangères et le Ministère des Maliens de l’extérieur?

36.M. KASSÉ (Mali) indique que de plus amples informations sur les conditions des retours volontaires de Maliens ayant séjourné longtemps à l’étranger seront fournies au Comité par écrit et répond ensuite point par point aux questions qui ont été posées. Premièrement, la loi autorisant la ratification de la Convention a été publiée au Journal officiel en date du 10 janvier 2003. Deuxièmement, les autorités maliennes, qui ont condamné le terrorisme au plus haut niveau, ont en effet parfois le sentiment que l’on pratique l’amalgame entre terrorisme et migrations. L’Afrique compte aborder la question des flux migratoires lors de prochaines négociations avec l’Union européenne dans le but de tenter de résoudre ce problème. Pour ce qui est du troisième point, l’une des difficultés inhérentes aux questions migratoires en Afrique de l’Ouest tient à l’intégration de plus en plus poussée des États de la sous‑région dans le cadre de la CEDEAO et de l’UEMOA, mais il existe au Mali un projet qui vise à moderniser l’état civil. Au sujet des plaintes entre États voisins concernant des questions de migration, le Mali a, pour citer un exemple, réclamé officiellement auprès des autorités ivoiriennes une protection accrue des travailleurs maliens installés en Côte d’Ivoire, dont certains avaient fait l’objet d’exactions. Cela étant, il est prématuré de dire si le Mali a l’intention de faire la déclaration complémentaire autorisant le Comité à recevoir des communications. Dernier point, les différentes entités qui traitent des questions migratoires s’efforcent autant que possible de coopérer dans la plus grande transparence et une structure regroupant des représentants des divers départements qui interviennent dans l’application de la Convention a été mise en place pour l’établissement du rapport au Comité. Il existe au niveau des experts une commission interministérielle pour les questions migratoires, qui est pilotée par le Ministère du travail et qui a été élargie aux représentants de la société civile.

37.Le PRÉSIDENT remercie la délégation malienne de son intéressant exposé et se félicite de l’excellent dialogue que le Comité a pu mener avec elle, qui augure bien de la mise en œuvre de la Convention. Il fait observer que le premier rapport examiné est celui d’un pays situé sur des itinéraires traditionnels de migration, qui est à la fois un pays d’origine et de transit, d’où l’importance de réfléchir soigneusement à la manière de rédiger les observations finales le concernant. Il salue les mesures positives prises par le Mali dans l’esprit de la Convention, dont la mise en place d’un cadre institutionnel solide propre à assurer la protection des travailleurs migrants, mais observe que, naturellement, des améliorations restent possibles. On relève ainsi certaines contradictions entre les dispositions prévues par la Convention et la législation nationale et des coutumes sociales telles que la polygamie, auxquelles il s’agira de remédier. Il faudra de même tenter de trouver des solutions, tant au niveau international qu’à l’échelon local, au problème crucial et complexe du lien entre les droits des travailleurs migrants d’une part et les droits économiques et commerciaux d’autre part, et poursuivre la réflexion sur la problématique sécuritaire et ses dérives xénophobes, et sur leurs conséquences pour les travailleurs migrants du Mali et des autres États de la région. Par ailleurs, en tant que pays en développement, le Mali a des difficultés à établir les statistiques nécessaires, faute de moyens, mais il conviendrait néanmoins qu’il s’efforce de fournir des données plus complètes. À ce propos, il serait souhaitable que des pays tels que le Mali puissent bénéficier d’une coopération technique qui les aiderait à mettre en œuvre la Convention.

38.Le Président fait observer qu’il serait bien plus aisé de veiller au plein respect des droits des travailleurs migrants maliens si les pays qui accueillent ces derniers ratifiaient la Convention. Il encourage donc ces pays à apporter leur soutien au Mali, en même temps qu’il invite les autorités maliennes à poursuivre leurs efforts en vue de mettre en œuvre la Convention et à fournir par écrit avant la prochaine session tout complément d’information utile. Il indique pour terminer qu’un exemplaire préliminaire des observations finales du Comité concernant le rapport initial du Mali sera remis à la délégation malienne avant la fin de la session.

39.M. KASSÉ (Mali) adresse ses remerciements au Comité pour avoir offert à son pays la possibilité de présenter son rapport initial, lancé un appel en faveur d’une coopération technique et exhorté les pays qui accueillent des travailleurs migrants maliens à adhérer à la Convention et à la ratifier. Il donne au Comité l’assurance que les autorités maliennes continueront de coopérer étroitement avec lui et s’efforceront de lui faire parvenir dans les meilleurs délais des réponses écrites complémentaires, accompagnées si possible de quelques statistiques.

La partie publique de la séance prend fin à 16 h 55.

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